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ACTIONS CONTRE DES TIERS DANS LE CADRE DE L'OBJET DE L'ORGANISME

 

ACTIONS CONTRE DES TIERS DANS LE CADRE DE L'OBJET DE L'ORGANISME

   

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I.    Droit pour l'organisme d'agir en justice

A.    Nécessité pour l'organisme d'exister juridiquement

B.    Cas général du droit pour l'organisme d'agir en justice

C.    Cas où l'organisme se voit reconnaître par la réglementation le droit d'agir en justice (exemples)

II.    Cadre et limites du droit pour l'organisme d'agir juridiquement -Abus d'action en justice

II.1.    Cadres et limites de droit commun (applicable à l'ensemble des organismes à but non lucratif)

II.2. Limites liées à des réglementations particulières pour certains organismes

II.3.    Limites liées à la réglementation des professions juridiques et judiciaires

III.    Modalités pratiques de l'action en justice

 

I.    Droit pour l'organisme d'agir en justice

A.    Nécessité pour l'organisme d'exister juridiquement

    L'introduction d'une action en justice par une association suppose que celle-ci en ait la capacité juridique, prévue à l'article 2 de la loi du 1er juillet 1901, à condition que, conformément à l'article 5 de la loi de 1901, l'association ait été rendue publique par les soins de ses fondateurs, par une  déclaration préalable à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où l'association a son siège social. et par une insertion au Journal officiel de la création de l'association, sur production du récépissé de la déclaration préalable en préfecture.

    A ce titre, les associations étrangères doivent en principe aussi se soumettre à ces formalités pour avoir le droit d'agir en justice en France, alors même que déclarées dans leur pays d'origine, ces associations ont la personnalité morale (Ch crim. 12 avril 2005, D. 22.2005, IR p. 1447, C. cass crim. 16 novembre 1999, D. 2001, n° 8, J p. 665) :  Si toute personne morale qui se prétend victime d'une infraction est habilitée à se constituer partie civile devant la juridiction pénale, ce droit, qui s'exerce dans les conditions prévues par l'article 2 du code de procédure pénale, requiert, s'agissant d'une association, qu'elle remplisse les formalités exigées par l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901, auxquelles toute association, française ou étrangère, doit se soumettre pour obtenir la capacité en justice.  Vainement est-il soutenu que cette obligation serait contraire aux article 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme assurant le droit d'accès à un tribunal et au respect des biens (en effet, l'article 5 de la loi de 1901 n'entraîne aucune discrimination entre associations françaises et étrangères, qui sont soumises au même formalisme).  Dans le même sens :  ch. com 3 mars 2004, avec toutefois une analyse critique par les commentateurs de cette obligation de publication en France des associations étrangères, notamment par comparaison à la situation des sociétés étrangères, qui n'ont pas besoin d'une publication en France pour pouvoir agir en justice devant les tribunaux français (RTDCom 2004-554).  Toutefois, la Cour européenne des droits de l'homme, puis la cour de cassation française, ont finalement condamné le droit français sur ce point, jugeant que l'exigence pour ester en justice de la déclaration prévue à l'article 5 de la loi de 1901 pour les associations étrangères, constitue une restriction, au demeurant non suffisamment prévisible, qui porte atteinte à la substance même du droit des associations étrangères à accéder à un tribunal, en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (cass. crim. 8 décembre 2009, D 4/2010, p. 202, CEDH 15 janvier 2009, Ligue du monde islamique, D. 6/2009 AJ p. 374).

    Il existe toutefois une exception à cette nécessité pour l'association d'avoir été préalablement déclarée et publiée :  Les tribunaux administratifs, et en particulier le Conseil d'Etat, admettent qu'une association non déclarée puisse agir en justice mais uniquement pour contester la légalité des actes administratifs faisant griefs aux intérêts que l'association défend (CE 21 mars 1919, Dame Polier ;  CE 31 octobre 1969, syndicat de défense des eaux de la Durance et Bland, Leb. p. 462 ;  CAA Marseille 6 janvier et 18 mars 2004 RTDCom 2004-554).

B.    Cas général du droit pour l'organisme d'agir en justice

    L'organisme doit avoir qualité et intérêt pour agir. 

   Hors habilitation législative, une association ne peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs qu'autant que ceux-ci entrent dans son objet (cass. 3ème civ. 26 septembre 2007, cass. 2è civ. 27 mai 2004, D. 40-2004, J p. 2931 ;  Cass. 1è civ. 2 mai 2001).  Même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social (civ. 1ère 18 septembre 2008, D. AJ 35/2008 p. 2437).

    L'organisme peut également agir pour la défense de ses intérêts propres, notamment patrimoniaux.  La jurisprudence accorde ces droits d'action aux associations même en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires (c. cass. 2ème civ. 18 septembre 2008, D. AJ 35/2008 p. 2437).

    Les juges considèrent en outre qu'étant donné qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs qui entrent dans son objet social, la violation par un tiers en l'espèce de l'inconstructibilité des lieux porte bien atteinte à la vocation et à l'activité de l'association concernée (de protection de l'environnement), conforme à son objet social et à son agrément, et cause donc à celle-ci un préjudice personnel direct en relation avec la violation de la règle d'urbanisme (cass. 3ème civ. 26 septembre 2007, D. 36/2007, AJ p. 2535).  L'action de l'association est donc bien recevable.

    En ce qui concerne le droit d'exercice de l'action civile devant les juridictions pénales, le juge considère que l'exercice de cette action est un droit exceptionnel qui doit être strictement renfermé dans les limites fixées par le code de procédure pénale (articles 2 et 2-1 du CPP -  Pour accéder aux textes des codes, cliquez ici).  Toutefois, en présence d'une habilitation législative spéciale (pour une association de consommateur, voir cass. crim. 1er avril 2008, D. 21/2008, p. 1404), les juges peuvent estimer que la constitution de partie civile est possible pour l'association.  Devant les juridictions pénales, les pouvoirs publics estiment que seules les associations investies par la loi d'une mission particulière peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile (rép. min. n° 83212 JOAN Q 12 octobre 2010, D. 37/2010 p. 2432).

    En outre, si les associations régulièrement déclarées, se proposant comme en l'espèce de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination, peuvent en ce qui concerne certaines infractions, exercer les droits reconnus à la partie civile, une telle action n'est recevable, lorsque l'infraction a été commise envers une personne considérée individuellement que si l'association justifie avoir reçu l'accord de la personne intéressée, lorsque cet accord peut être recueilli.  En l'espèce, l'action de l'association a été rejetée alors même que la victime était décédée (cass. crim. 25 septembre 2007, D. 38/2007, p. 2671).

Exemples :

    Une association agréée de consommateurs dont les statuts prévoient la possibilité d'agir en vue de la prévention et de la défense de la nature est recevable à se constituer partie civile en cas de poursuites pénales pour infraction au code de l'environnement.  Il n'est pas nécessaire que cette extension de ses statuts à la protection de l'environnement ait été effectuée depuis plus de 5 ans, conformément à l'article L 142-2 du code de l'environnement (T Pol. Martigues 8 juin 2007).

    La possibilité offerte par l'article L 480-1 alinéa 5 du code de l'urbanisme (pour accéder aux textes des codes, cliquer ici) aux associations agréées de protection de l'environnement d'exercer les droits de la partie civile en ce qui concerne les infractions en matière de permis de construire qui portent un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, n'exclut pas le droit, pour une association non agréée, qui remplit les conditions prévues par l'article 2 du code de procédure pénale (conditions générales pour la constitution de partie civile en matière pénale :  L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction), de se constituer partie civile à l'égard des mêmes faits (cass. crim. 12 septembre 2006, D. 37/2006, IR p. 2549).

    Une association de supporters d'un club de football à un intérêt à agir contre une décision sanctionnant ce club d'un match à huis clos.  L'intérêt à agir à été jugé constitué dès lors que la décision empêchait les membres de l'association d'assister au match (TA Marseille 19 décembre 2007, assoc. yankee nord Marseille, D. 8/2009 Pano p. 520).

    Une fédération de chasseurs, habilitée à exercer les actions en responsabilité civile tendant à la réparation de faits constituant une infraction aux dispositions relatives à la chasse et portant préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs, matériels ou moraux qu'elle a pour objet de défendre, a un intérêt à agir même devant les juridictions civiles (cass. 2ème civ. 14 juin et 15 novembre 2007).

    A été jugée recevable l'action d'un syndicat professionnel visant à défendre une marque collective utilisée par ses adhérents.  Le juge a estimé que l'action engagée entrait manifestement dans le cadre de l'objet social du syndicat qui agissait ainsi dans l'intérêt collectif de ses membre (CA Paris 13 décembre 2002, D. 39-2003, J. p. 2691).

    A été jugé recevable l'action d'un syndicat professionnel contre une association de consommateurs ayant publié un article dénigrant les produits fabriqués et commercialisés par les membres du syndicat professionnel (jus de fruits), dès lors que son action était engagée en présence d'un dommage à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente (cass. 1ère civ. 30 mai 2006, D. 42/2006, pan. p. 2928).

    Recevabilité de la constitution de partie civile d'une association légataire universel de la victime :  Le droit à agir en réparation du dommage causé par une infraction à une victime qui vient à décéder se transmet à chacun de ses héritiers, y compris donc à une association désignée légataire universel par le défunt (article 1003 du code civil et 2 et 3 du code de procédure pénale  Cass. crim. 4 novembre 2003, in D. 1-2004 IR).

    Une association ou un syndicat de défense des intérêts collectifs de fonctionnaires n'a pas qualité pour agir contre une circulaire ne concernant que des apprentis (non fonctionnaires), cette circulaire ne portant pas atteinte aux droits et prérogatives des fonctionnaires dont le syndicat assure la défense des intérêts collectifs (Conseil d'Etat, 23 juillet 2003).

    La jurisprudence européenne (tribunal de première instance et cour de justice européenne) semble admettre peu favorablement les actions des organismes contre des textes européens qui portent préjudice aux membres de ces organismes.  La jurisprudence européenne considère en effet que le droit d'agir en justice n'existe que lorsque l'organisme est personnellement concerné par la disposition européenne qu'il souhaite contester en justice (CJCE  25 juillet 2002, Union de Pequenos Agriculturos, D. 9-2003, p. 596) :  L'organisme doit être concerné individuellement, c'est-à-dire que l'acte en cause (un règlement européen par exemple) l'atteint en raisons de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait l'individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire (direct de l'acte en cause).

C.    Cas où l'organisme se voit reconnaître par la réglementation le droit d'agir en justice (exemples)

    En matière de Droits de l'Homme, l'article 34 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme prévoit que la Cour européenne des droits de l'homme peut être saisie d'une requête individuelle par toute organisation non gouvernementale (sur la notion d'organisation non gouvernementale, cf. D. 15-2004, J. p. 1060).

    En matière de lutte contre les discriminations :

- l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 (pour accéder aux textes des lois, cliquer ici) en matière de presse autorise les associations de lutte contre le racisme et contre les discriminations, sous certaines conditions, à se porter partie civile pour les délits de provocation (voir aussi Crim 12 octobre 2010 D. 41/2010 A p. 2706).

- les articles L1134-2 et 1134-3 du code du travail (pour accéder aux textes des codes, cliquer ici) prévoient que les syndicats... et les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de l'article L1134-1 du code du travail (soupçon de discrimination directe ou indirecte), en faveur d'un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation, sous réserve qu'elles justifient d'un accord écrit de l'intéressé.  D'une manière plus générale dans les luttes contre les discriminations, les articles 1263-1 du code de procédure civile et R779-9 du code de justice administrative comportent des dispositions comparables en faveur de l'action des associations.

    En matière de protection de l'enfance, les articles 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale (pour accéder aux textes des codes, cliquer ici) dispose que toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans, dont l'objet statutaire comporte la lutte contre les violences en famille ou la défense ou l'assistance de l'enfant en danger et victime de toutes formes de maltraitance peut exercer les droits reconnus à la partie civile.  Dans le premier cas l'accord de la victime est nécessaire.

    En matière de logement, les associations siégeant à la Commission Nationale de Concertation (CNC) peuvent agir au nom et pour le compte d'un ou de plusieurs locataires dans le cadre d'un litige avec leur bailleur, à condition d'être agréées à cet effet.  Par ailleurs les associations agréées par le préfet et ayant pour objet l'insertion ou le logement des personnes défavorisées ou la défense des personnes en situation d'exclusion par le logement peuvent assister ou représenter, selon les modalités définies à l'article 828 du nouveau code de procédure civile, un locataire en litige avec son bailleur à propos des caractéristiques de décence de son logement (loi du 13 juillet 2006, article 86).

    La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 (article 105) autorise les associations de lutte contre les sectes à exercer les droits reconnus à la partie civile.  L'article 2-17 du code de procédure pénale est complété dans sa liste des infractions pour lesquelles les associations se proposant par leurs statuts de défendre les droits et libertés individuels et collectifs et d'assister l'individu peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile.  Cependant, seules les associations reconnues d'utilité publique peuvent exercer ces droits.

    En matière sportive, l'article 42-13 de la loi du 16 juillet 1984, complété par la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000 (D. 2000, Lég. p. 308) prévoit qu'outre les fédérations agréées, les associations du supporters, les associations ayant pour objet la prévention de la violence à l'occasion des manifestations sportives, les associations ayant pour objet la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme peuvent, à condition d'avoir été déclarées depuis au moins trois ans au moment des faits, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions des articles 42-4 à 42-10 de la loi du 16 juillet 1984 précitée.  De même, l'article 17 de la même loi (modifié en 2000) étend les droits de partie civile des fédérations, leur permettant d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs de leurs licenciés et de leurs associations sportives.  Enfin, en matière de dopage, l'article 28 de la loi n° 99-223 du 23 mars 1999 (D. 1999, Lég. p. 198) reconnaît le droit d'exercer l'action civile notamment aux fédérations agréées chacune en ce qui la concerne, sauf lorsque l'auteur de l'infraction relève de son pouvoir disciplinaire (un de ses licenciés par exemple).

    Les mêmes types de prérogatives sont reconnus aux syndicats professionnels (article L 411-11 du code du travail - pour accéder aux textes des codes, cliquer ici).

    Il en est de même pour les associations de consommateurs (article L 421-1 du code de la consommation en cas d'infraction pénale, Règlement 44 du 22 décembre 2000 au niveau européen et convention de Bruxelles antérieurement, permettant aux associations de consommateurs d'agir de manière transfrontalières - sur ce point voir RTDCom. 1-2003, p. 204 et s.), voire en cas de simple agissement illicite sans sanction pénale (sur les articles L421-2 et L421-6 du code de la consommation - Civ. 1ère 25 mars 2010, D. 15/2010 p. 886).  Les associations de consommateurs peuvent également intervenir à des instances déjà introduites par des consommateurs (article L 421-7 du code de la consommation pour des actions au plan strictement civil - Pour des commentaires sur cette autre voie d'action moins facile à mettre en oeuvre par les associations, voir D. 11/2006 IR p. 781).  Voir  également cass. crim. 1er avril 2008 (D. 21/2008, p. 1404), dans laquelle les juges ont estimé que la constitution de partie civile était possible pour l'association dans une instance strictement pénale ;  1ère civ. (D. 28/2010, p. 1842) sur la possible dépénalisation de l'action collective des associations habilitées.

    En matière d'action pour les familles, les unions départementales et l'union nationale des associations familiales peuvent agir devant toutes les juridictions (article L 211-3 du code de l'action sociale et des familles - pour accéder aux textes des codes, cliquer ici), sans avoir à justifier d'un agrément ou d'une autorisation préalable de l'autorité publique, notamment de l'agrément prévu à l'article L. 421-1 du code de la consommation, l'action civile relativement aux faits de nature à nuire aux intérêts moraux et matériels des familles, y compris pour les infractions prévues par l'article 227-24 du code pénal.

    En matière de protection de l'environnement, l'article L 142-2 du code de l'environnement (pour accéder au texte des codes, cliquez ici) habilite les associations agréées de protection de l'environnement afin qu'elles puissent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre (sur ce sujet, voir également D. 3/2008, chronique p. 170).  La réglementation européenne prévoit également un droit d'action en justice pour les associations environnementales (Directive 85/337 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement, CJCE 15 octobre 2009, D. 37/2010, p. 2471 jugeant qu'un Etat membre - Suède - ne pouvait pas imposer un nombre minimum d'adhérents pour autoriser l'association à agir en justice).  La protection de l'environnement conduit à une évolution de la notion de préjudice, le préjudice objectif à l'environnement pouvant donner lieu à indemnisation au bénéfice des associations et leur permettant d'agir même en l'absence de préjudice personnel direct (Voir chronique sur le jugement Erika, TGI Paris 16 janvier 2008, D. 38/2008, p. 2681, et études D. 15/2010, p. 912, D. 28/2010 p.1804, CA Paris 30 mars 2010, D. 34/2010, Etudes p. 2238, consacrant l'autonomie du préjudice d'atteinte à l'environnement per se, D. 37/2010 Etudes p. 2476 sur civ. 3ème 1er juillet 2009 et 9 juin 2010).  L'association de défense de l'environnement est même encore recevable à agir alors même que l'infraction a cessé et qu'il n'y a pas eu dommage à l'environnement ou que celui-ci a été réparé (Civ. 3ème 9 juin 2010 D. 39/2010 Etudes p. 2614).  La jurisprudence du Conseil d'Etat est plus frileuse à admettre l'automaticité du droit d'action en justice des associations et du droit à indemnisation lorsque l'association n'est pas elle-même impliquée dans la mise en oeuvre des travaux de dépollution (CE 13 novembre 2009 D. 37/2010 p 2476).  Ces mêmes associations peuvent également, dans le cadre de la prévention et de la réparation des dommages causés à l'environnement par les activités professionnelles, alerter l'autorité administrative compétente et lui demander de mettre en oeuvre les mesures de prévention et/ou de réparation nécessaires (articles L162-1 et suivants et article R162-3 du code de l'environnement - il convient de souligner que ce dispositif est applicable qu'il y ait ou non une faute du professionnel concerné).  L'article 2-13 du code de procédure pénale permet également aux associations de protection des animaux de se constituer partie civile pour les atteintes aux animaux (cf affaire de l'ourse Cannelle, CA Pau 10 septembre 2009, D. 8/2010, p 484).  Les associations ne doivent pas oublier de verser aux débats leurs statuts et décisions de déclaration ou d'agrément.



II.    Cadre et limite du droit pour l'organisme d'agir juridiquement

II.1.    Cadres et limites de droit commun (applicable à l'ensemble des organismes à but non lucratif)

    L'association doit avoir un intérêt à agir (article 31 du nouveau code de procédure civile - Pour accéder aux textes des codes, cliquez ici).

    En outre, la jurisprudence pose deux conditions à l'action en justice des associations devant les juridictions non pénales :

    - l'action en justice doit entrer dans le cadre de l'objet statutaire de l'association considérée,

    - l'organisme ne peut demander réparation que du préjudice résultant d'une violation de l'intérêt collectif de ses membres.  Cette deuxième condition interdit à l'organisme d'agir pour la défense de l'intérêt général ou encore pour des intérêts particuliers d'un ou plusieurs de ses membres.

Nous donnons ci-après quelques illustrations de cas où l'organisme s'est vu reconnaître ou au contraire s'est vu refuser le droit d'agir en justice :

Reconnaissance du droit d'agir en justice :

    La cour de cassation reconnaît aux fédérations de chasse le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, en vertu de l'article 2 du code de procédure pénale (cass. 2è civ. 12 octobre 2000, D. 40-2000, IR, p. 278).  Il s'agissait du préjudice subi du fait du défaut de marquage d'un animal tué en application d'un plan de chasse.

    Le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'expression implique que, conformément à son objet statutaire, l'association Greenpeace puisse, dans ses écrits ou sur son site internet, dénoncer, sous la forme qu'elle estime appropriée au but, les atteintes à l'environnement et les risques causés à la santé humaine par certaines activités industrielles.

    Attention :  la liberté d'expression n'est pas absolue, son exercice abusif, défini par les juges comme celui qui excéderait les limites de ce qui est indispensable au but poursuivi, notamment en cas de dénigrement des produits ou de caractère outrancier des propos tenus, constituerait une faute qui pourrait être sanctionnée par le droit de la responsabilité (CA Paris 26 février 2003, D. 39-2003 J. p. 2685).

    Voir sur le thème du conflit de la liberté d'expression avec d'autres droits tels que l'interdiction de l'injure ou de la diffamation, la chronique de J-Y Dupeux et T Massis (D. 15/2007, Panorama, p. 1038), commentant notamment des cas où des associations n'ont pas obtenu gain de cause contre des articles de presse ou des campagnes publicitaires qu'elles estimaient injurieux à l'encontre de leurs membres ou des valeurs qu'elles représentaient (associations religieuses en particulier).  Cet article expose également avec précision l'importance du cadre juridique dans lequel l'action en justice doit être entreprise, l'usage de l'article 1382 du code civil (principe général de la responsabilité pour faute) étant largement en recul dans la jurisprudence de 2001 à 2006 au profit des textes spéciaux tels que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (pour accéder aux textes de lois, cliquez ici).

    En matière de défense des salariés par un syndicat pour des atteintes ou risques d'atteinte à la sécurité des salariés (cass. crim. 11 octobre 2005, D. 41/2005, IR p. 2821).

Refus du droit d'agir en justice :

    Est irrecevable la plainte d'une association à l'encontre d'une contestation de crimes contre l'humanité et apologie de crimes contre l'humanité, dès lors que l'association, dont l'objet est de lutter contre le racisme, n'entre pas dans la catégorie des personnes morales habilitées par l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 à exercer les droits reconnus à la partie civile et qu'elle ne peut exercer l'action à titre personnel n'étant pas elle-même visée par les propos incriminés (c. cass. ch. crim. 28 novembre 2006, D. AJ p. 160).  De même, sont irrecevables la LDH, le MRAP et SOS Racisme à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit d'apologie de crimes contre l'humanité dès lors qu'aucune de ces associations ne prévoit dans ses statuts de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés (CA Fort de France 18 mai 2010, D. 32/2010 Etudes p. 2139).

    A été jugée comme n'ayant pas d'intérêt pour agir une association de protection et de conservation d'une église et d'un château villageois qui demandait la destruction d'une "verrue architecturale".  Les juges ont estimé que l'intérêt à agir disparaît au-delà d'un certain rayon kilométrique, en l'espèce, la construction incriminée était distante de plus d'un kilomètre et n'était pas visible depuis le site protégé.  Cette délimitation s'inspire peut-être de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques qui définit trois critères :  celui de la visibilité directe, celui de la co-visibilité des constructions et celui du rayon de 500 mètres, lequel peut exceptionnellement être élargi (RTDCom 2004-555).

   Un arrêt a exigé que l'association, pour pouvoir agir en justice, démontre l'existence d'un préjudice collectif, direct et personnel, distinct des dommages propres à chacun des membres de l'association.  Certains estiment cette jurisprudence excessive, la jurisprudence traditionnelle admettant que les associations agissent soit pour la défense de leurs intérêts propres (préjudice personnel et direct de l'association elle-même, celle-ci souhaitant protéger ses intérêts patrimoniaux ou moraux), soit pour la défense des intérêts collectifs de ses membres.  Cette jurisprudence traditionnelle n'exige pas que les atteintes aux intérêts de l'association et à ceux de ses membres soient simultanées (cf. cass. 3ème civ. 4 novembre 2004, RTDCom 2005.128).

    Une association sportive ne souffre qu'indirectement des infractions liées au dopage.  Le préjudice résultait au cas particulier du discrédit que porterait à l'action promotionnelle de son sponsor la mise en examen d'un dirigeant et d'un salarié à raison d'infractions liées au dopage.  La chambre de l'instruction a considéré irrecevable la constitution de partie civile de l'association (Cass. crim. 12 septembre 2000, D. 40-2000, IR p. 277).

Abus du droit d'agir en justice :

    Une association qui, bien qu'agissant dans le cadre de objet, s'"acharne" contre une personne peut être poursuivie en dommages et intérêts par sa "victime" (Rev. Sociétés 1/2005, p. 225). En l'espèce, une association de protection de l'environnement avait continué de poursuivre un promoteur immobilier alors même que sa première action en justice contre ce même promoteur était arrivée à son terme, donnant raison au promoteur.  Les juges ont estimé que la nouvelle procédure judiciaire était abusive et avait causé préjudice au promoteur et a condamné l'association à l'indemniser.

 

II.2. Limites liées à des réglementations particulières pour certains organismes

    Certains types d'organismes relèvent de réglementations particulières (exemples :  associations de consommateurs, associations d'actionnaires et d'investisseurs) et ne peuvent alors parfois agir en justice que dans les limites de la réglementation qui leur est propre.  Sur ce point lire la rubrique activités réglementées.

II.3.    Limites liées à la réglementation des professions juridiques et judiciaires

    En vertu de l'article 66-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée (loi relative à l'organisation des professions juridiques), est libre la diffusion en matière juridique de renseignements et informations à caractère documentaire.

    En outre, en vertu de l'article 63 de  la loi du 31 décembre 1971 précitée, les associations reconnues d’utilité publique , ou dont la mission est reconnue d’utilité publique conformément au code civil local d’Alsace-Moselle, les fondations reconnues d’utilité publique, les associations agréées de consommateurs, les associations agréées exerçant leur activité dans les domaines de la protection de la nature et de l’environnement et de l’amélioration du cadre de vie et du logement, les associations habilitées par la loi à exercer les droits de la partie civile devant la juridiction pénale, les associations familiales et les unions d’associations familiales régies par le code de la famille et de l’aide sociale, les centres et associations de gestion agréés, les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité peuvent donner à leurs membres des consultations juridiques relatives aux questions se rapportant directement à leur objet.  En d'autres termes, ces organismes peuvent exercer le "droit" (droit de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous-seing privé pour autrui).

    Pour autant, cette reconnaissance de l'exercice du droit demeure strictement encadré (principalement quant au droit de rédiger des actes sous-seing privé pour autrui, même à titre gratuit): (i) les organismes mentionnés ci-dessus n'ont le droit de donner des consultations juridiques que si elles portent sur des questions se rapportant directement à leur objet et s'adressent uniquement à leurs membres, (ii) ils ne peuvent rédiger des actes sous seing privé (tout contrat entre deux ou plusieurs parties de même que tous actes unilatéraux), sauf s'ils le font sans être rémunérés, ou à titre occasionnel.

    La violation de ce cadre stricte d'exercice du droit est sanctionné pénalement, c'est-à-dire que les dirigeants d'organismes qui aurait exercer le droit illégalement, de même que les bénévoles et/ou salariés de l'organisme qui auraient signés les consultations juridiques illégales, seraient passibles d'amendes voire de prison.

    Néanmoins, dans une réponse ministérielle au parlementaire Gilbert Millet, le Garde des Sceaux a précisé que le gouvernement et le Parlement, conscients du rôle de régulation des rapports sociaux joué par le mouvement associatif, ont entendu lui préserver la possibilité de donner seulement des consultations en matière juridique, mais également de rédiger à titre gratuit des actes sous seing privé, conformément à sa vocation.  En outre, lors des débats parlementaires sur la réforme de la loi de 1971 précitée, en 1990, il a été souligné que les cotisations perçues par une association ou un syndicat de ses membres, telles que prévues à l'article 6-1° de la loi de 1901 ne sont pas assimilées à une rémunération.  La jurisprudence est parfois moins libérale, estimant que des cotisations peuvent constituer un véritable prix prohibé (cass.soc. 5 mars 1986 D. 1986 IR p. 236 ; cass.soc. 19 octobre 1992, D. IR p. 21).

    Un exemple de risque de la violation ci-dessus correspond au cas où un organisme rend régulièrement des prestations juridiques à des personnes qui ne deviennent membres de l'organisme que pour bénéficier de ce service.  En effet, dans ce cas, la cotisation s'apparente plus à un prix de la consultation juridique qu'à une manifestation de la volonté de la personne de participer au mouvement associatif concerné.

    La loi du 31 décembre 1971 permet par ailleurs au ministre de la Justice d’autoriser par agrément certaines personnes à donner des consultations juridiques, si elles possèdent une «compétence juridique appropriée». Le Conseil d'Etat exerce un contrôle normal sur la réalité de cette expérience (CE, 8 mars 2002, Ordre des avocats à la Cour, req. n° 230829).

    En outre, il convient de souligner que l'exercice du droit entraîne un risque de mise en cause de la responsabilité de l'organisme lorsque une erreur a été commise dans le conseil donné par exemple, même lorsque l'organisme a agi à titre gratuit (dans ce cas, les juges peuvent néanmoins être moins sévères pour l'appréciation des dommages et intérêts à accorder à la personne qui a souffert de la mauvaise qualité du conseil).

III.    Modalités pratiques de l'action en justice

    C'est généralement le Président de l'association qui exerce l'action en justice de l'association.  Pour autant, il faut qu'il dispose expressément du pouvoir de représenter l'association en justice (il est également utile de préciser qu'il a pouvoir de décider de former une action en justice), qui lui est généralement confié par les statuts (à défaut, la jurisprudence semble attribuer le pouvoir d'agir en justice à l'assemblée générale de l'association dans le silence des statuts, mode de fonctionnement particulièrement lourd à mettre en oeuvre - cass.soc. 16 janvier 2008, D 29/2008 Notes p. 2051 ; c. cass. 1ère civ. 19 novembre 2002, Conseil d'Etat 16 février 2001, in RTD Com. 4-2003, p. 756 ;  CAA Marseille 18 mars 2004, RTDCom 2004-554).  Ce pouvoir peut lui être confié également par l'assemblée générale de l'association, le cas échéant par mandat spécial (lorsque l'assemblée ne souhaite pas confier un pouvoir trop large au Président), ou par tout autre organe (Bureau, Conseil d'administration) qui se verrait reconnaître par les statuts de l'association le pouvoir de la représenter en justice.

    Ce mandat est impératif.  A défaut, l'action de l'association exercée par un Président d'association non expressément mandaté à cette fin est irrecevable (Cass. 1ère civile 19 novembre 2002, D. 1-2003, J. p. 21, Rev. sociétés 2-2003, p. 341).  En d'autres termes, lorsque les statuts ne prévoit rien quant à la représentation en justice de l'association, son Président ne dispose d'aucun pouvoir implicite pour le faire, l'association étant dès lors dans l'incapacité de se défendre tant que son assemblée générale n'a pas désigné quelqu'un pour la représenter en justice.  La décision précitée écarte donc une jurisprudence ancienne (ch. soc. c. cass. 25 mars 1965, Bull. civ. IV, n° 274) qui laissait penser l'existence de ce mandat implicite du Président dans le silence des statuts.

    Le caractère impératif de ce mandat vaut même lorsque l'association est représentée en justice par un avocat, lequel ne peut agir qu'au nom du représentant légal de l'organisme (TA Lyon 17 septembre 2002, DF 10-2003, p. 418, n° 195).

    Par ailleurs, le recours à un avocat est toujours recommandé, il peut même être obligatoire dans certains cas.

    A noter que les organismes sans but lucratif peuvent dans certaines conditions bénéficier de l'aide juridictionnelle (cf. pourvoi cass. 3ème civ. 26 septembre 2007, cass. 2ème civ. 30 mai 2007, D. 25/2007, AJ p. 1728), mais ne pourraient par contre pas bénéficier d'indemnisations par la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, lesquelles seraient réservées aux personnes physiques.

 

 

 

 

 




12/12/2011
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