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Cadre légal de la corruption.4. Corruption de magistrats

Cadre légal de la corruption

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I. La lutte contre la corruption proprement dite

A. La loi du 15 janvier 2001 et la convention OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers

Les textes répressifs en matière de corruption et de conflit d’intérêts ont été profondément remaniés par une loi du 15 janvier 2001 relative aux détournements, aux destructions d’actes et de titres, à la concussion, à la prise illégale d’intérêts, à la corruption et portant modification d’autres dispositions légales (publiée au Mémorial A n° 17 du 7 février 2001).

Cette même loi a transposée en droit luxembourgeois la convention OCDE du 21 novembre 1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers

    1. La corruption présente un aspect passif et un aspect actif

    Les textes pénaux font la distinction entre corruption active et corruption passive.

    Par corruption active il faut comprendre « le fait de proposer ou d'octroyer, sans droit, directement ou indirectement, à une personne, dépositaire ou agent de l'autorité ou de la force publiques, ou chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, pour elle-même ou pour un tiers, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'elle:

    1° Soit qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat;

    2° Soit qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés, ou toute autre décision favorable ».

    (Article 247 du Code pénal).

    La corruption passive consiste dans le fait pour une personne « dépositaire ou agent de l'autorité ou de la force publiques, ou chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, directement ou indirectement, pour elle-même ou pour autrui, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques:

    1° Soit pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat;
    2° Soit pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ».

    (Article 246 du Code pénal).

    2. La qualité du corrompu

    En vertu des articles 246, 247 et 249 du Code pénal le corrompu doit être un dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publique, ou chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public des offres (ci-après «personne publique »). En vertu de l’article 252 du Code pénal sont assimilées à des personnes publiques prédéfinies les personnes publiques d’un autre Etat, les fonctionnaires communautaires et des membres de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de Justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes.

    A noter que le projet de loi initial qui s’est trouvé à la base de la loi du 15 janvier 2001 avait prévu de sanctionner le fait pour un salarié de se faire rémunérer par un tiers à l’insu et sans l’autorisation de son employeur en vue d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction. Ce texte a été supprimé au cours des travaux parlementaires pour être intégré dans la loi du 23 mai 2005 qui a introduit en droit luxembourgeois le concept de corruption dans le secteur privé (voir supra).

    3. L’acte de corruption

    Traditionnellement, la corruption était conçue comme un pacte illicite conclu entre le corrupteur et le corrompu. L’acceptation par une personne publique d’une offre émanant d’un corrupteur a consommé l’infraction de corruption passive et active.

    La loi du 15 janvier 2001 a érigé en infractions distinctes les corruptions passive et active.

    Ainsi lorsque l’initiative de la corruption émane de la personne publique, mais est repoussée par le particulier, l’infraction de corruption est complètement consommée en vertu des articles 246 et 249 du Code pénal qui incriminent au titre de la corruption passive le fait pour la personne publique de solliciter des offres, promesses, dons, présents ou avantages auprès d’un particulier en vue d’effectuer un acte ou une omission coupable au sens de la loi.

    Est incriminé au titre de corruption active le fait de proposer à une personne publique des offres en vue de la conclusion du pacte illicite, même si cette offre est refusée.

    La loi du 15 janvier 2001 a également incriminé la corruption postérieure : l’article 249 du Code pénal incrimine la situation dans laquelle une personne exerçant une fonction publique se fait rémunérer par le bénéficiaire d’un acte qu’elle a accompli ou s’est abstenue d’accomplir postérieurement à cette action ou cette abstention.

    4. Corruption de magistrats

    L’article 250 du Code pénal est plus spécifiquement consacré à la corruption des magistrats et autres personnes siégeant dans les formations juridictionnelles, ainsi qu’à des arbitres et experts.

    5. Trafic d‘influence

    La loi du 15 janvier 2001 a introduit dans le Code pénal les infractions de trafic d’influence (article 248 du Code pénal). Par analogie avec la corruption, le trafic d’influence présente un aspect passif et un aspect actif. Le trafic d’influence passif peut être imputable ou bien à une personne exerçant une fonction publique ou bien à un simple particulier. Le trafic d’influence actif peut être exercé envers une personne exerçant une fonction publique ou envers un simple particulier. Contrairement à la corruption où le corrompu se fait consentir un avantage pour l’accomplissement d’un acte de sa fonction, la personne coupable de trafic d’influence abuse de sa qualité pour faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique une décision favorable.

    6. Les peines encourues

    Les peines encourues pour la corruption active et passive dans le secteur public sont de cinq à dix ans de réclusion criminelle et de 500 à 187.000 euros d’amende.

    Les peines encourues pour le trafic d’influence actif et passif sont de six mois à cinq ans d’emprisonnement et de 500 à 125.000 euros d’amende.

    Les peines encourues pour la corruption active et passive de magistrats sont de dix à quinze ans de réclusion criminelle et de 2.500 à 250.000 euros d’amende.

B. La loi du 23 mai 2005, la Convention établie sur base de l’article K.3 du Traité sur l’Union européenne et la Convention pénale sur la corruption

La loi du 23 mai 2005 (Mémorial A n° 74 du 9 juin 2005) ayant porté approbation (a) de la Convention établie sur base de l’article K.3 du Traité sur l’Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l’Union européenne, signée à Bruxelles, le 26 mai 1997; (b) du deuxième Protocole établi sur la base de l’article K.3 du Traité sur l’Union européenne, à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signé à Bruxelles, le 19 juin 1997; (c) de la Convention pénale sur la corruption, signée à Strasbourg, le 27 janvier 1999; (d) du Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption, signé à Strasbourg, le 15 mai 2003 et modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal a complété l’article 252, paragraphe 1 du Code pénal en étendant les infractions des articles 246 à 251 du Code pénal aux personnes siégeant dans une formation juridictionnelle d’un autre Etat membre ou exerçant une fonction d’arbitre soumis à la réglementation sur l’arbitrage d’un autre Etat ou d’une organisation internationale publique, aux personnes membres d’une assemblée parlementaire d’une organisation internationale publique et aux personnes exerçant des fonctions judiciaires ou de greffe au sein d’une autre juridiction internationale dont la compétence est acceptée par le Luxembourg.

La loi du 23 mai 2005 a surtout innové en introduisant dans le Code pénal des articles incriminant la corruption active et passive dans le secteur privé en application des articles 7 et 8 de la Convention pénale sur la corruption et de l'article 2 de la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé. Les auteurs de la loi se sont inspirés de l'article 540bis du Code pénal belge.

Ainsi, la corruption active dans le secteur privé consiste dans le « le fait, par quiconque, de proposer, directement ou par interposition de personnes, à une personne qui a la qualité d’administrateur ou de gérant d’une personne morale, de mandataire ou de préposé d’une personne morale ou physique, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour faire ou s’abstenir de faire un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction, à l’insu et sans l’autorisation, selon le cas, du conseil d’administration ou de l’assemblée générale, du mandant ou de l’employeur » (article 310-1 du Code pénal).

La corruption passive dans le secteur privé est définie comme étant « le fait le fait par une personne qui a la qualité d’administrateur ou de gérant d’une personne morale, de mandataire ou de préposé d’une personne morale ou physique, de solliciter ou d’accepter, directement ou par interposition de personnes, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour faire ou s’abstenir de faire un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction, à l’insu et sans l’autorisation, selon le cas, du conseil d’administration ou de l’assemblée générale, du mandant ou de l’employeur » (article 310 du Code pénal).

Les peines encourues pour la corruption active et passive dans le secteur privé sont d’un mois à cinq ans d’emprisonnement et de 251 à 30.000 euros d’amende.

C. La loi du 1er août 2007 et la Convention des Nations Unies contre la corruption

La loi du 1er août 2007 (Mémorial A, n° 158 du 24 août 2007) a approuvé la Convention des Nations Unies contre la corruption, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies à New York le 31 octobre 2003 et ouverte à la signature à Mérida, Mexique, le 9 décembre 2003 et qui a pour objet de promouvoir et renforcer les mesures visant à prévenir et combattre la corruption de manière plus efficace, de promouvoir, faciliter et appuyer la coopération internationale et l’assistance technique aux fins de la prévention de la corruption et de la lutte contre celle-ci, y compris le recouvrement d’avoirs et de promouvoir l’intégrité, la responsabilité et la bonne gestion des affaires publiques et des biens publics.

La loi du 1er août 2007 a institué un comité de prévention de la corruption qui a notamment comme mission de constituer une table ronde multidisciplinaire d’échanges sur le phénomène de la corruption et d’assurer une diffusion adéquate des connaissances concernant la prévention de la corruption.

La composition et le fonctionnement de ce comité a été fixé par un règlement grand-ducal du 15 février 2008 (Mémorial A n° 20 du 25 février 2008).

D. Loi modifiée du 4 décembe 1967 concernant l’impôt sur le revenu

L’article 12, point 5 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu interdit la déductibilité fiscale des pots de vin versés à des agents publics, conformément aux exigences de la recommandation révisée du conseil de l’OCDE sur la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales adoptée le 23 mai 1997.

II. La législation antiblanchiment

Originellement limitée à la lutte contre le blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants, la législation antiblanchiment a été constamment étendue aux capitaux provenant d’autres infractions, dont notamment la corruption qui est nommément désignée par l’article 506-1 du Code pénal traitant de l’infraction de blanchiment.

III. Les marchés publics

En matière de marchés publics, la libre volonté des parties est restreinte par une série de dispositions contraignantes en vue d’assurer notamment la protection des intérêts financiers de l’administration et de garantir la concurrence qui repose, en matière de soumissions publiques, sur le secret entourant les offres des différents compétiteurs et sur l’incertitude dans laquelle se trouve placée chaque entreprise. Les procédures de passation des marchés publics suppriment ou limitent ainsi la liberté de choix dans le but de garantir à la fois l’efficacité de la dépense publique et l’égalité des personnes et des entreprises au regard de l’attribution des marchés.

La législation en matière de marchés publics ne contient pas de règles spécifiques à la corruption. Toutefois, les procédures de marchés publics visant à garantir la transparence, la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement des candidats en vue d’assurer la concurrence participent parallèlement à éviter la corruption, conformément aux exigences de l’article 9 de la Convention des Nations Unies contre la corruption adoptée à New York le 31 octobre 2003.

Les marchés publics sont régis par la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics (Mémorial A n° 172 du 29 juillet 2009) et par le règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics et portant modification du seuil prévu à l’article 106 point 10° de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 (Mémorial A n° 180 du 11 août 2009).

IV. Conflits d’intérêts

Une personne se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts risque de voir compromettre son comportement professionnel. Elle peut en effet être tentée de tirer un avantage personnel de sa fonction. La prévention de situations de conflit d’intérêts fait ainsi partie de la prévention de la corruption. De nombreux textes légaux visent à combattre des situations de conflits d’intérêts. Nous en citons, à titre d’exemple, quelques uns :

    A. Juges et experts

    Un tribunal ou un expert qui aurait un conflit d’intérêts ne serait pas impartial et devrait refuser de statuer sous peine de violer l’article 521 du Nouveau code de procédure civile et/ou l’article 6, §1er de la Convention européenne des droits de l’homme.

    B. Avocats

    L’article 2.4.2 du Règlement Intérieur de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg tel que adopté par le Conseil de l’Ordre lors de sa réunion du 12 septembre 2007 (Mémorial A n° 207 du 28 novembre 2007) exige que l’avocat ne doit être ni le conseil ni le représentant ou e défenseur de plus d’un mandant dans une même affaire s’il y a conflit entre les intérêts des mandants ou un risque sérieux d’un tel conflit.

    C. Administrateurs de sociétés anonymes

    Lorsqu’un administrateur se trouve dans une situation de conflit d’intérêts il doit signaler ce conflit, conformément à l’article 57 de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, au conseil d’administration avant que ne débutent la discussion et la délibération à ce sujet. Le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration doit indiquer l’identité de l’administrateur concerné, la nature du conflit et les raisons pour lesquelles le conseil d’administration estime néanmoins que l’opération serait dans l’intérêt de la société (si le conseil décide d’approuver la transaction). L’administrateur concerné ne pourra pas voter au conseil d’administration. Le conseil d’administration doit ensuite « spécialement rendre compte » des opérations en cause aux actionnaires, à la première assemblée suivant la tenue du conseil d’administration, et avant tout vote. La déclaration à l’assemblée avant tout vote a pour but d’éviter que l’assemblée ne donne un quitus résultant de la décharge qui est la conséquence de l’adoption du bilan sans connaître l’opération en cause. En cas de refus de décharge, l’opération reste valable, mais l’assemblée pourra révoquer le conseil d’administration pour avoir failli aux intérêts de la société ou intenter une action en responsabilité contre le conseil d’administration si elle estime que la société a subi un préjudice en raison du comportement fautif du conseil d’administration.

    D. Article 7 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain

    L’article 7 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain (Mémorial A n° 141 du 4 août 2004) interdit à la personne chargée de l’élaboration du plan d’aménagement général d’une commune d’avoir par elle-même ou par personne interposée des intérêts de nature à compromettre son indépendance. Il est particulier interdit à cette personne d’accepter un mandat émanant d’une personne privée pour l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier ou pour celle d’un projet de construction sur le territoire de la commune concernée pendant le délai de sa mission.

    E. Article 14, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 13 juin 1975 prescrivant les mesures d’exécution de la loi du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété des immeubles

    L’article 14, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 13 juin 1975 prescrivant les mesures d’exécution de la loi du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété des immeubles exige que le syndic, son conjoint et ses préposés, même s’ils sont copropriétaires, ne peuvent être membres du conseil syndical.

V. Transparence de la vie politique

La loi du 21 décembre 2007 portant réglementation du financement des partis politiques (Mémorial A n° 237 du 28 décembre 2007) vise à assurer la transparence du financement des partis politiques.

VI. Matière contractuelle

Indépendamment de tout cadre légal, il est toujours loisible à des parties cocontractantes à exclure expressément la corruption dans leur relation contractuelle en insérant dans le contrat des clauses libellées comme suit :

« Le contractant déclare:

  • qu'il n'a pas fait, et s'engage à ne pas faire, d'offre, de quelque nature que ce soit, dont un avantage pourrait être tiré au titre du contrat;
  • qu'il n'a pas consenti, recherché, cherché à obtenir ou accepté, et s'engage à ne pas consentir, rechercher, chercher à obtenir ou accepter, d'avantage, financier ou en nature, en faveur ou de la part d'une quelconque personne lorsque cet avantage constitue une pratique illégale ou relève de la corruption, directement ou indirectement, en ce qu'il revient à une gratification ou une récompense liée à l'exécution du contrat ».

 



03/04/2013
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