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Chanal agonisait avant de se suicider

Chanal agonisait avant de se suicider

 

Jugé pour meurtres, il était en phase terminale d'un cancer des reins que la médecine carcérale n'avait pas décelé.

Libération

Pierre Chanal n'a décidément pas fini de faire parler de lui. Vivant ou mort, il aura eu le don de mettre en lumière les dysfonctionnements du système judiciaire. L'autopsie, pratiquée mercredi après son suicide, a révélé qu'il était atteint d'un cancer des reins en phase terminale. Selon le légiste, il n'avait plus que quel ques semaines à vivre. Le savait-il lorsqu'il s'est suicidé, dans la nuit de mardi à mercredi ? Peut-être pas. Sa soeur Simone, qui était probablement la personne la plus proche de lui, semblait en tout cas l'ignorer. Son avocat, André Buffart, assure : «Si Pierre Chanal l'avait su, je suis certain qu'il me l'aurait dit.» Aucun médecin, à Fresnes, où l'ancien militaire avait été réincarcéré en juin, ni dans les hôpitaux qu'il a fréquentés ces derniers mois n'a rien vu. Il ne fait pas bon être malade en prison.

Appareil dentaire. Mercredi matin, à 0 h 47, l'ex-adjudant-chef mourait dans sa chambre sécurisée du CHU de Reims, après s'être entaillé l'artère fémorale quasiment sous les yeux des trois policiers chargés d'exercer sur lui «une surveillance constante de 24 heu res sur 24». Dans le carton d'effets personnels accompagnant le prisonnier entre Fresnes et l'hôpital de Reims, où il devait assister à son procès, les enquêteurs ont retrouvé six rasoirs ! Cinq neufs et un usagé. Ce carton aurait été déposé dans la pièce voisine de sa chambre. Il faut donc ajouter les deux lames dont il s'est servi pour mettre fin à ses jours. L'ancien fan d'action commando les a transportées, dit désormais l'enquête, dans son appareil dentaire. Ces découvertes ont de quoi surprendre. L'homme accusé du meurtre de trois auto-stoppeurs dans les années 80 et autrefois soupçonné d'être le responsable d'une bonne partie des huit disparus du «triangle noir de Mourmelon» avait en effet le statut de DPS (détenu particulièrement surveillé). Il avait tenté à plusieurs reprises de mourir et clairement annoncé son refus, «par tous les moyens», du procès. A moins d'avoir été fouillé par des manchots aveu gles, on ne voit guère comment ces six rasoirs Bic ont pu échapper à la vigilance des policiers et des agents de l'administration pénitentiaire. On peut aussi s'interroger sur la compétence des médecins qui examinaient Chanal cha que jour.

«Blague ridicule». De quoi conforter la volonté d'Eric Dupond-Moretti et de Cherifa Ben Mouffok, avocats de la famille O'Keefe, de demander des comptes à l'Etat. Dans les prochains jours, ils devraient l'assigner pour «dysfonctionnement majeur des services publics». Les deux avocats sont d'autant plus décidés qu'ils avaient déjà engagé la même procédure, en visant cette fois le premier juge d'instruction en charge de l'affaire des disparus de Mourmelon. Pierre-Charles Marien, saisi de l'affaire dès 1987, avait visiblement beaucoup de réticence à instruire ce dossier et en tout cas à impliquer Chanal. D'ail leurs, le juge d'instruction qui a en partie repris le dossier en octobre 1994 a, chose rare, fustigé son collègue dans le récapitulatif qu'il a rendu à l'issue de sa propre instruction. «Malgré la réunion de ces indices et d'autres encore, tous recueillis dès le début de l'année 1989, le dossier d'instruction allait sommeiller auprès du magistrat instructeur de Saint-Quentin» jusqu'en 1994. Sans pour autant placer Pierre Chanal en détention, alors que l'homme était soupçonné de huit meur tres au moins. Incurie, paresse, ou pressions ? Les militaires ont longtemps voulu voir dans les disparitions d'appelés du camp de Mourmelon de simples «désertions», au point que le ministre de la Défense de l'époque, Michel Giraud, parlait de «blague ridicule». Gilles Denis, frère d'une des victimes, a de son côté écrit hier au Garde des sceaux, pour demander que toute la lumière soit faite sur l'ensemble de l'affaire.



02/02/2013
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