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DEMANDES DE SATISFACTION ÉQUITABLE

INSTRUCTION PRATIQUE1

président sefca  puteaux

I. DEMANDES DE SATISFACTION ÉQUITABLE

Introduction

1. L’octroi d’une satisfaction équitable ne découle pas automatiquement du constat par la

Cour européenne des Droits de l’Homme (« la Cour ») qu’il y a eu violation d’un droit garanti

par la Convention européenne des Droits de l’Homme ou ses Protocoles. Cela ressort

clairement du libellé de l’article 41, qui dispose que la Cour n'accorde une satisfaction

équitable que si le droit interne ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences d'une

violation et, même en pareil cas, que « s 'il y a lieu » (if necessary dans le texte anglais) de le

faire.

2. L’indemnité allouée au titre de l’article 41 doit être « équitable » (just dans le texte

anglais) compte tenu des circonstances de la cause. La Cour doit donc prendre en

considération les caractéristiques de l’affaire dont elle se trouve saisie. Elle peut estimer que

le constat de violation de la Convention constitue en soi une satisfaction équitable suffisante

pour tel ou tel chef de préjudice allégué et qu’il n’y a pas lieu d’accorder une réparation

pécuniaire. Elle peut aussi déceler des motifs d’équité pour octroyer une somme inférieure à

la valeur du dommage réellement subi ou aux frais et dépens effectivement exposés, voire

pour n’accorder aucune indemnité. Ce peut être le cas, par exemple, si la situation dénoncée,

le montant du dommage ou le niveau des frais sont imputables à une faute du requérant luimême.

Pour fixer le montant à accorder, la Cour peut envisager aussi les situations respectives

du requérant, partie lésée par une violation, et de l’Etat contractant, responsable de l’intérêt

général. Enfin, la Cour prend d’habitude en compte la situation économique de l’Etat mis en

cause.

3. Lorsqu’elle accorde une indemnité au titre de l’article 41, la Cour peut décider de se

référer aux normes internes. Elle n’est toutefois jamais liée par elles.

4. Tout requérant désireux de déposer une demande de satisfaction équitable doit

respecter les conditions de forme et de fond pertinentes fixées par la Convention et le

règlement de la Cour.

II. Dépôt de demandes de satisfaction équitable : conditions de forme

5. L’article 60 du règlement de la Cour fixe les délais et les autres conditions de forme à

respecter pour déposer une demande de satisfaction équitable. Ses passages pertinents sont

ainsi libellés :

1. Tout requérant qui souhaite que la Cour lui accorde une satisfaction équitable au titre de

l’article 41 de la Convention en cas de constat d’une violation de ses droits découlant de celle-ci doit

formuler une demande spécifique à cet effet.

2. Sauf décision contraire du président de la chambre, le requérant doit soumettre ses prétentions,

chiffrées et ventilées par rubrique et accompagnées des justificatifs pertinents, dans le délai qui lui a

été imparti pour la présentation de ses observations sur le fond.

1 Edictée par le président de la Cour au titre de l’article 32 du règlement le 28 mars 2007.

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3. Si le requérant ne respecte pas les exigences décrites dans les paragraphes qui précèdent, la

chambre peut rejeter tout ou partie de ses prétentions.

(…)

La Cour exige donc des demandes précises, pièces justificatives à l’appui, sans quoi elle

n’alloue aucune indemnité. Elle écarte les demandes présentées dans les formulaires de

requête mais non réitérées au stade approprié de la procédure. Elle rejette aussi les demandes

tardives.

III. Dépôt de demandes de satisfaction équitable : conditions de fond

6. La Cour peut allouer des indemnités au titre de l’article 41 de la Convention pour :

a) dommage matériel ;

b) préjudice moral ; et

c) frais et dépens.

1. Le dommage de manière générale

7. Il faut démontrer clairement l’existence d’un lien de causalité entre le dommage

prétendument subi et la violation dénoncée. La Cour ne se contentera pas d’un lien

simplement ténu entre la violation alléguée et le préjudice, ni de simples spéculations quant à

ce qui aurait pu être.

8. Une indemnité pour dommage peut être accordée pour autant que celui-ci résulte de la

violation constatée. Aucune indemnité ne peut être allouée pour un préjudice provoqué par

des événements ou des situations dont la Cour n’estime pas qu’elles emportent violation de la

Convention, ni pour un dommage se rapportant à des griefs déclarés irrecevables à un stade

antérieur de la procédure.

9. Lorsqu’elle accorde une indemnité pour dommage, la Cour tend à indemniser le

requérant des conséquences préjudiciables réelles d’une violation. Elle n’entend pas punir

l’Etat contractant responsable. Jusqu’ici, la Cour n’a donc pas jugé bon d’accueillir des

demandes de dommages-intérêts catalogués comme « punitifs », « aggravés » ou

« exemplaires ».

2. Dommage matériel

10. En ce qui concerne le dommage matériel, le principe est que le requérant doit être

placé, autant que faire se peut, dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si la violation

ne s’était pas produite – il s’agit, en d’autres termes, de réaliser une restitutio in integrum. Ce

qui peut supposer une réparation pour la perte effectivement subie (damnum emergens) et la

perte ou le manque à gagner auxquels il faut s’attendre pour l’avenir (lucrum cessans).

11. Il appartient au requérant de démontrer que la violation ou les violations alléguées ont

entraîné pour lui un préjudice matériel. Il doit produire les documents pertinents afin de

prouver, dans la mesure du possible, non seulement l’existence mais aussi le montant ou la

valeur du dommage.

12. En principe, l’indemnité allouée par la Cour reflète l’intégralité du dommage calculé.

Toutefois, si le préjudice réel ne se prête pas à une évaluation précise, la Cour procède à une

estimation à partir des éléments dont elle dispose. Comme il est indiqué au paragraphe 2 ci3

dessus, elle peut aussi trouver en équité des motifs d’allouer une somme inférieure au montant

total de la perte subie.

3. Dommage moral

13 L’indemnité que la Cour alloue pour préjudice moral est censée fournir une réparation

pécuniaire du dommage moral, par exemple la souffrance physique ou mentale.

14. Par sa nature, le dommage moral ne se prête pas à un calcul précis. Si son existence est

établie, et si la Cour estime qu’il y a lieu d’accorder une indemnité pécuniaire, elle procède à

une évaluation en équité en ayant égard aux normes qui se dégagent de sa jurisprudence.

15. Tout requérant qui demande réparation d’un dommage moral est invité à préciser le

montant de l’indemnité qu’il estime équitable de se voir allouer. Celui qui se prétend victime

de plusieurs violations peut réclamer une somme forfaitaire destinée à couvrir l'ensemble du

préjudice résultant des violations alléguées ou solliciter des montants distincts pour chacune

des violations en question.

4. Frais et dépens

16. La Cour peut ordonner de rembourser au requérant les frais et dépens qu’il a assumés

– d’abord au niveau interne puis dans la procédure devant elle – pour empêcher la violation

ou pour en faire effacer les conséquences. Les frais et dépens incluent d’ordinaire les frais de

l’assistance d’un avocat, les frais de justice, etc. Ils peuvent comprendre aussi les frais de

déplacement et de séjour, en particulier ceux rendus indispensables par la nécessité d’assister

à une audience devant la Cour.

17. La Cour ne peut accueillir les demandes pour frais et dépens que si elles se rapportent

aux violations constatées par elle. Elle doit les écarter si elles concernent des griefs qui n’ont

pas débouché sur le constat d’une violation, ou des griefs déclarés irrecevables. Cela étant, il

est loisible à un requérant de ventiler ses prétentions au titre des frais et dépens entre les

différents griefs qu’il soulève.

18. Les frais et dépens doivent avoir été réellement exposés. Autrement dit, le requérant

doit les avoir réglés, ou être tenu de les régler, en vertu d’une obligation légale ou

contractuelle. Tout montant versé ou dû par les autorités internes ou le Conseil de l’Europe au

titre de l’assistance judiciaire doit être déduit de la somme éventuellement allouée pour frais

et dépens.

19. Les frais et dépens doivent avoir été nécessaires, c’est-à-dire que le requérant a dû les

engager pour empêcher la violation ou y faire remédier.

20. Ils doivent être d’un montant raisonnable. Si la Cour les juge excessifs, elle alloue une

somme raisonnable selon sa propre estimation.

21. La Cour exige des preuves, comme des notes d’honoraires et des factures détaillées.

Elles doivent être suffisamment précises pour lui permettre de déterminer dans quelle mesure

les conditions susmentionnées se trouvent remplies.

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5. Informations quant au paiement

22. Le requérant est invité à indiquer un compte bancaire sur lequel il souhaite voir verser

les sommes qui pourraient lui être octroyées. S’il désire que tel ou tel montant, comme les

sommes allouées pour frais et dépens, soit réglé séparément, par exemple directement sur le

compte bancaire de son représentant, il doit le préciser.

IV. Forme des réparations octroyées par la Cour

23. La réparation éventuellement accordée par la Cour revêt d’ordinaire la forme d’une

somme d’argent à verser par l’Etat défendeur à la victime ou aux victimes des violations

constatées. Ce n’est que très exceptionnellement que la Cour peut envisager d'inviter l'Etat

défendeur à prendre telle ou telle mesure pour mettre fin ou remédier aux violations en

question. Toutefois, la Cour a la faculté de donner des indications quant à la manière dont il

convient d’exécuter ses arrêts (article 46 de la Convention).

24. L’indemnité que le requérant peut se voir allouer par la Cour au titre de l’article 41 est

en principe exprimée en euros (EUR, €), indépendamment de la monnaie dans laquelle

l’intéressé formule ses demandes. Si le requérant doit percevoir son indemnité dans une

monnaie autre que l’euro, la Cour ordonne que les sommes exprimées en euros soient

converties dans cette autre monnaie, au taux de change applicable à la date du versement.

Lorsqu’il présente ses prétentions, le requérant doit, le cas échéant, envisager ce qu’implique

cette politique compte tenu des effets qu’aura la conversion en euros de sommes exprimées

dans une monnaie différente ou la conversion de sommes exprimées en euros dans une

monnaie différente.

25. La Cour fixe, de son propre chef, un délai pour le versement éventuel à opérer ; ce

délai est d’habitude de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt devient définitif et

exécutoire. La Cour ordonne aussi le paiement d’intérêts moratoires simples en cas de

versement intervenant après échéance du délai ainsi fixé. Elle fixe d’ordinaire le taux de ces

intérêts à un niveau égal à celui du taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque

centrale européenne pour la période comprise entre la date d’expiration du délai fixé jusqu'au

versement de l’indemnité allouée, augmenté de trois points de pourcentage.



13/10/2011
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