Pour commencer, je ne résiste pas à vous citer ici quelques précisions sur le serment d'avocat reprises du blog de ma consœur, Michèle Bauer, que vous pouvez retrouver sur cette page :

  • Dignité : l'avocat donne une image de respectabilité, il doit avoir une tenue correcte et un langage convenable en évitant la provocation.
  • Conscience : être conscient de sa fonction qui est de répondre aux attentes de ses clients de manière sérieuse en respectant une rigueur intellectuelle et morale.
  • Probité : c'est être honnête au sens commun du terme mais aussi être honnête intellectuellement et ne pas tromper son client.
  • Humanité : faire preuve de tact, de compréhension, d'attention et de bienveillance à l'égard de nos clients qui souvent traversent des moments difficiles.
  • Indépendance : l'avocat est indépendant et ne saurait être dans un lien d'une quelconque subordination morale, intellectuelle, juridique ou économique.

Reprenons ces principes dans un ordre logique afin d'en dégager quelques idées.

Lorsque le client vient consulter l'avocat, pour la première fois, pour un litige donné, ce dernier doit très rapidement informer le client de son refus de prendre en charge son dossier, s'il n'est pas en mesure de le défendre utilement, que cela soit en raison d'un manque de temps (rare) ou du fait que le litige relève d'un domaine juridique qui lui est étranger (beaucoup plus fréquent).

Ce refus se fait généralement par téléphone et évite un déplacement inutile au justiciable.

Cette première étape passée, lors du rendez-vous, le client expose en détail son litige à l'avocat. C'est là que va jouer le devoir de conseil de ce dernier et que peuvent surgir les premières difficultés.

En effet, le client vient bien souvent consulter l'avocat avec un certain nombre d'idées reçues en tête, tant sur la profession que sur son dossier lui-même. Il est notamment très fréquent que le client estime son dossier "béton" et donc "imperdable" (pour user d'un barbarisme), alors même que l'avocat a une toute autre opinion sur la question.

Il doit alors impérativement dissuader son client d'introduire avec légèreté (ou de poursuivre) une action en justice manifestement vouée à l'échec.

En effet, le fait de recevoir des instructions de son client ne le dispense pas, bien au contraire, de lui donner son avis personnel sur le dossier et de l'inciter à la prudence et à la modération, s'il l'estime nécessaire.

Cela n'évite pas, malgré tout, le cas où le client perd quand même son procès malgré les mises en garde préalables de son avocat auquel il reproche par la suite au moyen d'une procédure en responsabilité professionnelle le fait de ne pas avoir présenté au juge tous les moyens de défense possible.

A cet égard, la Cour de Cassation a rappelé dans un arrêt du 21 décembre 2007 (n° 06-11.343) que : "si, parmi les principes directeurs du procès, l'article 12 du code de procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes (...)".

Il revient donc aux parties elles-mêmes et à leur conseil d'invoquer tous les moyens susceptibles de fonder leurs prétentions.

La Cour de Cassation est venue très rapidement tempérer ce principe en précisant, dans un arrêt du 31 janvier 2008 (n° 04-20.151), que : "l'avocat ou l'avoué n'engage pas sa responsabilité professionnelle en ne soulevant pas un moyen de défense inopérant".

De même, le client peut parfois, après coup (s'il a perdu son procès bien évidemment), critiquer les choix stratégiques de l'avocat qui devra alors démontrer que le choix finalement retenu était conforme aux intérêts du client et non "hasardeux" (arrêt du 4 mai 1999, n° 96-21.185).

L'avis de l'avocat sur le dossier peut également être moins tranché lorsqu'il estime une action en justice envisageable, sous réserve de réunir certains éléments de preuve que le client ne possède pas (encore).

A cet égard, il est bon de rappeler que c'est au client et non à l'avocat de rechercher les preuves de manière à permettre de justifier ses prétentions, l'avocat se "contentant" d'aiguiller le client sur la nature des preuves les plus à même d'emporter la conviction du juge.

Ainsi, contrairement à ce que peuvent montrer certains films américains sur le sujet, l'avocat français ne fait quasiment jamais usage d'enquêteurs privés et ne se déplace pas sur le "terrain".


Par ailleurs, la Cour de Cassation l'a rappelé récemment dans un arrêt dont je n'ai plus les références (mise à jour : arrêt du 30 octobre 2007, n° 05-16.789) qui précise que : "l'avocat n'a pas à rechercher si les informations fournies par son client retranscrivent ou non la vérité, sous réserve que leur présentation ne soit pas manifestement grossière".

Mise à jour : La Haute Cour casse l'arrêt d'appel avec l'attendu suivant : "l'avocat ne saurait être tenu, dans le cadre de son obligation de conseil, de vérifier les informations fournies par son client s'il n'est pas établi qu'il disposait d'informations de nature à les mettre en doute ni d'attirer son attention sur les conséquences d'une fausse déclaration dès lors que l'obligation de loyauté et de sincérité s'impose en matière contractuelle et que nul ne saurait voir sa responsabilité engagée pour n'avoir pas rappelé à une partie ce principe de bonne foi élémentaire ou les conséquences de sa transgression".

Or, de nombreux clients, alors même que cela les dessert au final, taisent voire travestissent, à leur avocat, un certain nombre d'éléments qui pourraient sérieusement amoindrir leurs chances de voir aboutir favorablement leur action en justice, avec la croyance (erronée) qu'ils seront mieux défendus s'ils dissimulent certaines informations.

Cette attitude est dangereuse en ce que l'avocat donne son avis sur un dossier principalement au vu des éléments fournis par son client et accessoirement au vu des futurs éléments qui pourraient être produits au cours des débats, notamment par la partie adverse.

Si, dès le départ, son avis est faussé par une présentation des faits inexacte, le résultat judiciaire ne peut être que plus incertain.

Terminons en indiquant que, bien évidemment, dans l'arrêt précité, la Cour de Cassation a débouté le client de sa tentative d'engager la responsabilité de l'avocat qui avait perdu son affaire en retenant que le résultat judiciaire obtenu était dû principalement à l'attitude du client qui avait trompé l'avocat sur la réalité des faits à l'origine du litige.


Lors de la relation avec son client, l'avocat se doit de garder son indépendance morale et intellectuelle ainsi que sa dignité. Il reste maître de l'argumentation qu'il va développer devant les tribunaux. Si le comportement du client met en péril ces principes, par exemple en tentant d'imposer à l'avocat une ligne de défense que ce dernier juge inopportune ou en mettant en doute son travail ou sa compétence, l'avocat peut en toute impunité se décharger de l'accomplissement de sa mission et restituer le dossier à son client tout en percevant des honoraires pour les diligences déjà accomplies.

En effet, il est bon de rappeler (mais j'y reviendrai dans un futur article) que l'avocat perçoit avant tout des honoraires en fonction du temps passé sur un dossier. Ainsi, le simple fait pour une personne de recourir à un avocat pour obtenir des conseils sur l'opportunité d'une procédure la fait devenir client de cet avocat et, de facto, débitrice d'honoraires à son encontre, et ce, quelles que soient les suites de cette consultation (arrêt du 26 juin 2008, n° 06-11.227).

Certains petits malins tentent également, sans succès heureusement, de mettre en cause la responsabilité de leur avocat lorsque le résultat judiciaire leur déplaît et ce, alors même que l'avocat n'était pas encore ou n'était plus en charge de leur dossier.

C'est par exemple le cas dans un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris qui a considéré que : "Intervenu seulement à la réception de la convocation devant le Conseil de Prud'hommes, l'avocat ne pouvait, préalablement, avertir son client ... Aucun manquement dans la conduite du procès ne peut être reprochée à l'avocat qui a correctement assuré la défense de son client ..." (dans cette affaire, le client a été condamné à verser une somme de 2000 euros à l'avocat pour procédure abusive).

C'est également le cas dans un arrêt rendu le 4 octobre 2000 (n° 97-18.743) par la Cour de Cassation qui a indiqué que : "l'avocat, après s'être déchargé de sa mission, avait fait le nécessaire pour préserver les intérêts de son ancien client lors de l'audience et qu'il n'était, en conséquence, plus tenu d'une obligation de conseil quant au jugement rendu par la suite".

La mission de l'avocat s'achève en effet à la restitution du dossier au client. Il est donc à partir de ce moment dispensé de toute diligence.


Anecdotique mais c'est un reproche souvent avancé aussi par les clients : le fait que parfois, ce n'est pas l'avocat qu'ils ont chargé du dossier qui le plaide à l'audience mais un autre avocat (le plus souvent un collaborateur).

Si, dans un premier temps, la Cour de Cassation semblait prohiber le remplacement d'un avocat par un autre, sa position a évolué et elle admet désormais que, sauf à ce que l'avocat ait assuré à son client qu'il plaiderait personnellement son dossier, il peut être remplacé par un confrère du même cabinet, sous réserve que le client ait conscience de cette possibilité.

Bien évidemment, l'avocat à qui le client a confié le dossier reste responsable envers lui, en cas de difficulté. Ainsi, l'importance du lien intuiti personae qui lie l'avocat à son client est maintenu, tout en tenant compte des contingences matérielles d'exercice de la profession.


En tout état de cause, la Cour de Cassation rappelle dans un arrêt du 8 juillet 2003 (n° 99-21.504).que pour voir la responsabilité de l'avocat engagée en raison d'une faute qu'il aurait pu commettre, il appartient au client de démontrer que cette faute a été la cause déterminante de la perte de son procès et que donc, sans cette faute, il aurait eu des chances sérieuses d'obtenir gain de cause, la simple perte de chance d'avoir un juste procès ne suffisant pas.

C'est tout le débat sur l'aléa judiciaire qui veut que l'avocat ne puisse jamais garantir de manière certaine le résultat judiciaire et justifie le fait qu'il est investi d'une simple obligation de moyens à cet égard : mettre tout en œuvre pour tenter d'obtenir le résultat escompté par le client.

Bien évidemment et a contrario, l'avocat a une obligation de résultat lorsqu'il effectue des prestations qui ne sont pas soumises à un quelconque aléa. C'est le cas dans son rôle de rédacteur d'acte juridique, s'il ne conseille pas utilement les clients sur la portée d'un acte ou si l'acte est mal rédigé, ce qui en annule ou en amoindrit la portée. C'est le cas également de toutes sortes de diligences qui doivent notamment s'inscrire dans des délais précis.

C'est d'ailleurs souvent sur ce terrain que la responsabilité de l'avocat est engagée, par exemple :

  • en laissant périmer une instance
  • en laissant s'écouler un délai d'appel
  • en n'informant pas en temps utile ou suffisamment précisément son client sur les voies de recours qui s'offrent à lui
  • en perdant des pièces d'un dossier

Un denier point sur la prescription des actions en responsabilité à l'encontre des avocats.

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription dispose que ce type d'action se prescrit dorénavant par cinq ans dans toutes ses composantes, contre dix auparavant pour l'assistance en justice et trente pour le conseil, le délai en ce qui concerne la perte ou la destruction des pièces restant inchangé. Aucun aménagement contractuel n'est possible.


En conclusion, avant de brandir la menace d'engager la responsabilité professionnelle de votre avocat parce que vous avez perdu votre procès, réfléchissez bien avant et demandez vous si, véritablement, votre avocat a bien commis ou non une faute. Dans la grande majorité des cas, vous vous apercevrez que vous réagissez par dépit et que vous faites fausse route.