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droit des familles


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• Introduction (ci-dessous)

• PREMIERE PARTIE : LE COUPLE

*Titre 1 : Le couple marié

Chapitre 1 : L'avant mariage

--| Section 1 : La liberté du mariage
--| Section 2 : Les effets des fiançailles

Chapitre 2 : La formation du mariage

--| Section 1 : Les conditions de fond du mariage
--| Section 2 : Les conditions de forme du mariage
--| Section 3 : La sanction des conditions de formation du mariage

Chapitre 3 : Les effets du mariage

--| Section 1 : Les liens personnels entre les époux
--| Section 2 : Les liens patrimoniaux entre époux

*Titre 2 : Le couple non marié

Chapitre 1 : Le concubinage

--| Section 1 : La reconnaissance progressive du concubinage hétérosexuel par le droit positif
--| Section 2 : La reconnaissance tardive du concubinage homosexuel par le droit positif

Chapitre 2 : le Pacte civil de solidarité

--| Section 1 : Les conditions d’existence du PACS
--| Section 2 : Les effets du PACS

*Titre 3 : La désunion du couple

Chapitre 1 : La dissolution du lien conjugal, le divorce

--| Section 1 : les règles communes relatives à la procédure de divorce
--| Section 2 : Les cas de divorce
--| Section 3 : Les effets du divorce

Chapitre 2 : Le relâchement du lien familial, la séparation de corps

--| Section 1 : le prononcé de la séparation de corps
--| Section 2 : Les effets de la séparation de corps
--| Section 3 : La cessation de la séparation de corps

Chapitre 3 : La désunion des couples non mariés

--| Section 1 : La rupture du concubinage
--| Section 2 : La rupture du PACS

• DEUXIEME PARTIE : L'ENFANT

*Titre 1 : La filiation ou le rattachement de l’enfant à sa famille

Chapitre 1 : La filiation biologique

--| Section 1 : Les règles générales
--| Section 2 : L’établissement non contentieux de la filiation
--| Section 3 : Les actions relatives à la filiation

***

Introduction


Essai de définition : La notion de famille fait entrer en jeu des personnes et des liens entre elles. Mais quel lien ? De plus, doit-on parler de la famille ou des familles ? Le modèle traditionnel de famille a disparu aujourd’hui au profit d’une pluralité de modèles. La famille traditionnelle était fondée sur le mariage, famille appelée anciennement « légitime », enfants « légitimes. » Hors mariage on parlait de famille « naturelle », dont les enfants étaient « naturels. » D’autres figures ont été consacrées par la loi : concubinage, PACS en 1999 ; de plus la famille n’est plus nécessairement hétérosexuelle, une famille homosexuelle semblant aujourd’hui pouvoir naître.

Si l’on part d’une définition biologique, la famille serait un groupe de personnes unies par le sang. Les limites d’une telle définition apparaissent dès lors, car, seraient exclues d’emblée les familles se créant par l’effet de l’adoption. Elle exclut la définition « volontariste » de la famille. Ce terme signifie que certains actes de volonté peuvent faire naître des liens familiaux, comme le mariage.

D’un point de vue psychosociologique, la famille serait un groupe de personnes unies par un vécu commun, voire une affection commune. Les limites apparaissent encore dans la mesure où une famille peut survivre à une absence de vécu commun, en absence de communauté de vie. De plus, en définitive on ne parle souvent de famille qu’à partir du moment où il existe des enfants, ce qui limite une telle tentative de définition. On pourrait donc dire que juridiquement la famille se définit comme un groupe de personnes reliées entre elles par des liens qui seraient fondés sur le mariage et/ou la filiation, c’est-à-dire le fait que le couple ait des enfants : dès lors un couple non marié avec des enfants serait considéré comme une famille. La notion de famille peut néanmoins recevoir une définition différente selon la situation qu’il s’agit de régir : nom, successions etc.

Le lien familial : La famille entend nécessairement un ensemble de liens. Ce lien peut donc être issu du mariage, lien d’alliance ou de la filiation, c’est-à-dire un lien de sang, ou de parenté. Mais on n’a pas pu ici définir le lien entre deux personnes non mariées, qui seraient en concubinage ou pacsées, on ne dispose pas de mot pour qualifier ces liens. Le lien de parenté existe quel que soit le lien d’alliance entre les parents. Cette parenté pouvait être de deux natures. Lorsque le lien de parenté était créé dans le cadre du mariage on parlait de lien de filiation légitime ; au contraire, lorsqu’il était hors mariage, on disait qu’il existait un lien de filiation naturelle. À cela il faut ajouter le lien de filiation adoptive, né d’une fiction législative, indépendamment d’un quelconque lien d’alliance. Il faut signifier ici qu’une ordonnance du 4 juillet 2005 venue réformer le droit de la filiation est venue supprimer les termes de filiation légitime et naturelle. En revanche, il faut dire que la distinction sur le fond entre ces deux types principaux de filiation avait déjà disparu, les inégalités de fait n’existaient plus.
La parenté peut être divisée en parenté en ligne directe et en ligne collatérale. La ligne directe indique un lien direct entre personnes liées par le sang, c’est le lien qui unit les ascendants avec leurs descendants : parents/enfants par exemple. La parenté en ligne collatérale unit les personnes ayant un auteur commun. L’exemple le plus simple est celui des frères et sœurs qui ont entre eux ce lien, il en va de même pour les cousins, les oncles etc. Le lien d’alliance est fondé sur le mariage, il crée un lien entre les époux, mais aussi chaque époux avec la parenté de l’autre, c’est-à-dire avec la parenté de sang de l’autre.

Aspect historique : On a pu distinguer deux conceptions différentes de la famille, selon la priorité donnée aux liens du sang ou à l’alliance. Si l’on privilégie la parenté, on va se trouver en présence de la conception lignage de la famille. Cela peut donc être une conception assez étendue de la famille. Si la préférence est donnée au lien d’alliance, on se trouve en présence de la famille foyer. On tend généralement à passer d’une conception de la famille lignage à la famille foyer. À Rome le cadre de la famille lignage était un cadre où même les enfants majeurs et leurs conjoints restaient sous la puissance de ce qu’on appelait le Pater Familias. Au fur et à mesure de l’évolution du droit romain on a pu assister à un phénomène de rétrécissement de la famille pour arriver à une famille foyer.

La même évolution s’est produite en droit français ; l’ancien droit faisant la part belle au lignage, qu’on retrouvait surtout en droit des successions où l’on permettait aux enfants d’hériter et non au conjoint. Le Code civil en 1804 a repris cette conception du droit de la famille, mais la tendance s’est renversée de façon marquée au 19ème siècle. Le lignage a aujourd’hui beaucoup moins d’importance - les frères et sœurs n’ont par exemple aucune obligation d’aide matérielle au sein de la fratrie-, cela est la traduction du fait que la famille est aussi fondée sur d’autres liens que le lien de parenté. Cela se traduit aussi par le fait qu’on ait renforcé en matière de succession le droit des conjoints. On a pu aussi assister au relâchement du lien familial au profit d’une certaine liberté individuelle dans la mesure où le Pater Familias n’existe plus depuis longtemps. La notion de chef de famille a ainsi disparu en 1970. On est arrivé à une égalité entre les divers membres de la famille : entre enfants, entre enfants adultérins aussi, entre hommes et femmes et donc égalité au sein du couple (dans le mariage, en concubinage, etc.), et égalité entre les parents et leurs enfants en ce qui concerne les droits. Toute idée de hiérarchie disparaît donc dans le cadre familial. Les enfants restent bien entendu sous l’autorité des parents jusqu’à leur majorité, notamment du fait d’un devoir de protection. Cette liberté individuelle va servir pour permettre aux membres de la famille de passer des accords, des conventions entre eux, on parle ainsi d’une certaine contractualisation de la famille. On peut par exemple citer le fait que l’on permette aux couples de se mettre d’accord en ce qui concerne la garde de l’enfant dans le cas d’un divorce.

La place du droit de la famille dans notre société : On a pu souvent parler de la crise de la famille. Pourtant, dans le même temps, le législateur contemporain s’est beaucoup impliqué dans la question familiale. Ainsi, une loi de juillet 1994 dispose en son article premier que « la famille est une des valeurs essentielles sur laquelle est fondée notre société. » La famille intéresse donc la société. C’est pour cela qu’elle intéresse le droit. Hegel a dit que « si la société est le règne du droit, la famille est le règne de l’amour. » Cela renferme deux idées : les rapports dans la famille ne doivent pas être réglés par des règles juridiques, mais plutôt par des règles autres (morales, religieuses, coutumières etc.) ; et finalement le droit de la famille ne doit imposer de modèles car ce qui cimente la famille sont les rapports humains, les modèles de famille naissent dans les faits et le droit doit venir s’adapter. L’idée d’exclusion du droit des rapports dans la famille n’est pas envisageable. Quand les rapports humains sont paisibles le droit est en réalité presque inutile, mais dès lors que ces rapports sont conflictuels le droit intervenir : partage des biens, garde des enfants etc. Les règles du droit de la famille vont établir les liens entre les personnes, dire qui est membre de la famille etc. La question est aussi de savoir si le droit guide l’évolution des mœurs ou est tenté de s’y adapter. Dans certains cas le droit fixe des modèles, mais cela n’empêche pas que le droit doive parfois s’adapter à l’évolution des mœurs. Les deux idées ne sont donc pas incompatibles.

Le droit de la famille est nécessaire et son objet est de réglementer les relations de famille, d’une part en réglementant les relations d’ordre extrapatrimonial (relations personnelles dans la famille : obligation de fidélité entre les époux, de communauté de vie etc.), et les relations d’ordre patrimonial, c’est-à-dire pécuniaires (pécuniaire : masculin et féminin, adjectif neutre !), comme les questions successorales.
On s’intéresse ici au droit civil de la famille. Il existe du droit public de la famille : prestations familiales, droit social de la famille etc., qui ne sera pas traité ce semestre.

Les sources du droit de la famille : La source principale est le code civil de 1804, qui a subi, en droit de la famille, d’importantes réformes législatives qui, à leur tour, ont donné lieu à énormément de jurisprudence et d’interprétation doctrinale. Un texte ne peut être appréhendé tel quel, il faut toujours chercher à savoir s’il a été interprété. On a pu voir deux séries de grandes réformes du droit de la famille : deuxième moitié du 20ème siècle, puis années 2000. Il faut de plus compter désormais avec les sources internationales : traités internationaux, conventions internationales. Elles prennent une importance considérable : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) - il ne s’agit pas d’un cadre communautaire, elle a été rédigée dans le cadre du Conseil de l’Europe, organisme international indépendant des institutions communautaires-, de 1950. Elle n’a été ratifiée par la France qu’en 1974. Aujourd’hui le Conseil de l’Europe compte quarante-sept membres, étant tous parties de cette CEDH. Cette convention est accompagnée d’une juridiction, la Cour européenne des droits de l’Homme. Notons ici que CEDH est l’abréviation pour les deux derniers termes cités. Cette juridiction supranationale a pour objet d’appliquer les dispositions issues de la CEDH. La CEDH est d’applicabilité directe dans les juridictions nationales, ses dispositions sont donc invocables par tout justiciable d’un pays signataire devant ses juridictions nationales. Si le justiciable n’obtient pas satisfaction devant sa juridiction nationale, lorsque la procédure n’offre plus de solution, il est possible de saisir la CEDH afin de faire condamner le pays pour non-respect des dispositions contenues par le texte de la CEDH.

Lorsque le maire de Bègles a célébré un mariage homosexuel, il a été invalidé par l’ensemble des juridictions françaises. Les deux époux ont alors saisi la Cour européenne des droits de l’Homme pour que la France soit condamnée, ce à quoi elle a répondu que le droit français n’était pas contraire à la CEDH.

Autre texte international important : la Convention internationale des droits de l’Enfant (CIDE) ou convention de New York, qui est une convention onusienne. Elle n’est pas accompagnée d’une juridiction spécifiquement créée pour assurer l’application de ses dispositions. Jusqu’en 2005 la Cour de Cassation a refusé l’applicabilité directe de la Convention de New York. Cela était déstabilisant dans la mesure où le Conseil d’État en avait reconnu l‘applicabilité directe. En 2005 la Cour de Cassation par deux arrêts est venue dire que les justiciables pouvaient invoquer certaines dispositions de la CIDE devant les juridictions nationales.

Le droit a donc subi deux vagues de réformes. Depuis 1964 le droit de la famille a fait l’objet d’un certain nombre de réformes successives : 1965 sur les régimes matrimoniaux, 1970 sur l’autorité parentale (ce n’est qu’en 1970 que disparaît définitivement l’institution de chef de famille : Loi du 4 juin 1970 - Suppression de la notion de chef de famille au profit de l'autorité parentale conjointe), 1975 sur le divorce, avec l’autorisation du divorce par consentement mutuel, ainsi que la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Une deuxième vague de réforme a eu lieu durant les années 2000.
Mariage : Deux réformes récentes. Loi du 4 avril 2006 relative aux violences au sein du couple et une loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages, loi s’accompagnant d’un décret d’application de mai 2007. La seconde lutte contre les formes de mariages fictifs ou simulés, ainsi que les mariages forcés.
Divorce : Loi du 30 juin 2000 pour réformer la prestation compensatoire en matière de divorce, destinée à compenser la disparité de niveau de vie entre les époux après le divorce (il ne s’agit pas d‘une pension).
« Capital destiné à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux divorcés et dont le paiement a lieu soit sous la forme du versement d'une somme d'argent, soit par l'attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit. » Loi du 26 mai 2004 venue réformer le divorce : apparition du divorce unilatéral, dont l’établissement a été facilité. Cette loi a refusé l’idée de divorcer par consentement mutuel sans juge.

Filiation : Loi de 1970 qui a réformé en profondeur le droit de la filiation. Dès 1972 on avait déjà voulu réduire les inégalités entre enfants nés dans et hors mariage. Ordonnance du 4 juillet 2005 qui a réformé tout le droit de la filiation en profondeur : suppression des différences entre types de filiation, modification du droit de la preuve de la filiation etc. On peut enfin citer un décret d’application du 1er juin 2006.

Adoption : Réformée une première fois en 1966. Réforme par une loi du 4 mars 2002.

Autorité parentale : Réformée par la loi du 4 juin 1970, qui a supprimé l’institution du chef de famille pour la remplacer par l’institution de l’autorité parentale. Loi du 22 juillet 1983, du 8 janvier 1993 pour instaurer plus d’égalité entre les parents mariés et les parents non mariés (qui à l’origine voyaient leur statut régi de façon différente. Ainsi, le père non marié n’avait pas l’autorité parentale en cas de séparation). Loi du 4 mars 2002 qui a consacré l’égalité entre parents mariés et non mariés.

PACS : Consacré par la loi du 15 novembre 1999. L’idée est que le PACS est une figure parallèle au mariage afin de reconnaître l’existence juridique d’un couple hors mariage, y compris dans le cadre d’une relation homosexuelle. Les débats ont été assez compliqués avec des errements quant à la création d’un tel partenariat entre personnes qui n’ont pas l’apparence d’un couple classique. Réforme par une loi du 23 juin 2006 sur la réforme des successions et qui est venue modifier le PACS en améliorant le statut patrimonial des pacsés. Les questions patrimoniales en cas de rupture n’étaient pas totalement résolues par la loi de novembre 1999.

Droit patrimonial de la famille : Le droit des successions a été réformé par la loi du 23 juin 2006. A été modifiée, une question de droit des régimes matrimoniaux (relations pécuniaires entres les époux pendant la durée du mariage).

Ces réformes avaient et ont pour but de répondre à des aspirations essentielles de notre société actuelle : on ne pouvait continuer à ignorer les situations de concubinage, d’inégalités entre enfants etc.
Les trois grands pôles de ces réformes sont l’égalité (homme/femme, entre enfants, homosexuels/hétérosexuels etc.), la liberté - car on a permis aux époux de divorcer par consentement mutuel, on peut donc décider des conséquences patrimoniales et personnelles du divorce : enfants, résidence, garde alternée etc. On parle de pacte de famille, de convention familiale-, et la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant : consacré par le droit interne depuis de nombreuses années (« le juge décidera en fonction de l’intérêt de l’enfant » etc.), mais aussi au niveau international avec l’article 3-1 de la CIDE qui pose le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Ces réformes ont aussi cherché à tenir compte de la pluralité des conceptions familiales.

Le droit de la famille utilise des notions-cadres : le droit vise parfois des concepts sans les définir car leur contenu est variable, c’est au juge de l’adapter en fonction des circonstances, comme par exemple en vertu de l’intérêt de l’enfant. On peut ainsi prendre l’exemple d’une mère dont l’enfant est né sous X, mais dont le père avait reconnu l’existence avant la naissance (reconnaissance de l’enfant à naître.) Or la naissance sous X a pour effet de faire disparaître l’identité de la mère, identité nécessaire pour reconnaître un enfant. Le temps que le père puisse identifier et retrouver l’enfant une procédure d’adoption avait été lancée. Conflit entre famille adoptive et le père. La Cour de Cassation s’est impliquée dans l’affaire. On a fait produire l’effet à la reconnaissance du père. Le père a néanmoins accepté que l’enfant soit adopté par la famille adoptive, tout en conservant un droit de visite (mais seulement car le père a accepté.) Comment déterminer l’intérêt de l’enfant dans un tel cas ? Ces questions sont difficiles à résoudre.

L’application du droit de la famille : Les juridictions de droit commun sont en réalité plutôt inadaptées en ce qui concerne le droit de la famille. Une réforme du 8 janvier 1993 a institué le juge aux affaires familiales (JAF), membre spécialisé du TGI (intervient en première instance), qui regroupe entre ses mains plusieurs compétences autrefois éparpillées entre plusieurs juges.

Titre 1 : Le couple marié


 

Portalis en 1804 définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée ».
Idée du mariage in extremis: on admet le mariage de vieillards, de mourants, dans lequel le but de procréation est évidemment absent. Il est difficile en définitive de définir le mariage. C’est à la fois une situation juridique qui va avoir des effets juridiques, c’est un statut juridique, avec des conséquences fiscales et juridiques, mais c’est aussi une dimension affective, morale qui caractérise le droit de la famille.
Il est habituel de le définir comme un « acte juridique solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont la loi civile règle impérativement les conditions, les effets, et la dissolution ».

Le mariage présente donc trois caractères : un caractère personnel (1), en ce sens qu’il s’agit d’une union personnelle entre deux personnes et non d’une union familiale (les familles n’interviennent pas, en principe, dans la décision du mariage), il revêt aussi un caractère d’interdiction du principe de la représentation : permettre à quelqu’un de nous représenter dans la conclusion d’une convention (on ne peut pas se marier pour quelqu’un d’autre), et c’est un mariage civil, se distinguant du caractère religieux. C’est un acte civil (2) et laïc dans la mesure où la loi ne considère pas valide un mariage simplement religieux. De plus, un ministre du culte quelconque ne peut célébrer un mariage s’il ne reçoit pas confirmation d’un mariage civil préalable (article 433-31 C. pénal.) Le mariage religieux n’est donc pas imposé. Se pose la question dans certains cas de divorce : absence de mariage religieux peut éventuellement être invoquée comme moyen lors d’une demande de divorce pour faute. Le mariage revêt enfin un caractère solennel (3.) Il doit nécessairement être célébré par un officier public en revêtant quelques solennités : notamment intervention de l’officier d’état civil.
Un acte consensuel est l’acte qui va produire des effets par le simple échange des consentements, indépendamment de toutes solennités, on parle donc du mariage comme d’un acte solennel, acte produisant des effets que dans le cas où les parties rempliraient certaines solennités particulières énoncées par la loi.

Se pose alors la question de savoir si le mariage est un simple contrat ou s’il s’agit d’une institution. Dans la tradition du droit canonique c’est un contrat, né de l’échange des consentements. La notion de volonté était juridiquement au cœur de la question du mariage. L’article 146 du code civil semble aller dans cette direction, en mettant l’accent sur le consentement des époux :
« Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement ».
À partir du moment où les époux ont décidé de se marier, ils ne peuvent aller librement, c’est la loi qui va diriger leur action. Tandis que dans le cas d’un contrat classique les termes du contrat sont relativement libres. On ne peut donc considérer le mariage comme un simple contrat civil. Il a un aspect contractuel, mais aussi institutionnel car la loi impose tout un régime à l’encontre duquel la volonté des époux ne peut aller.

On pourrait donc dire que le mariage est un acte de volonté par lequel les parties adhèrent à une institution dont le statut a été préétabli par l’autorité publique.

Chapitre 1 : L’avant mariage


 

On va donc étudier la valeur juridique des fiançailles. Dès lors qu’il y a rupture des fxiançailles se poseront certaines questions de droit.

Section 1 : la liberté du mariage


 

On parle aussi de liberté matrimoniale, il s’agit d’une liberté publique, garantie par l’État. On parle de liberté publique car l’État va garantir à chacun cette liberté de se marier. On ne parle pas de droit au mariage, car cela reviendrait à dire qu’on peut exiger de l’État qu’il nous permette le mariage. Cette liberté est consacrée en droit positif, mais aussi au niveau international. La Déclaration Universelle des droits de l’Homme en son article 16-1 dispose qu’ « à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. » De la même manière, l’article 12 de la CEDH dispose là encore qu’il est possible de se marier, selon les lois nationales concernant le droit de la famille. La liberté de se marier sous-entend donc aussi la liberté de ne pas se marier.

§1 – La liberté de se marier

Cela signifie deux choses. C’est une liberté de principe puisqu’en dehors de rares exceptions chacun est libre de se marier ou de se remarier. Aucune autorité administrative ou judiciaire ne peut priver une personne de se marier, seule la loi peut venir entraver cette liberté. Il n’existe pas, de la même manière, une peine en droit pénal qui viendrait empêcher le condamné de se marier. C’est une liberté d’ordre public, ce qui signifie qu’il s’agit d’une liberté placée au-dessus des volontés individuelles. C’est donc… une liberté impérative. On ne peut donc pas, par principe, renoncer à cette liberté de mariage. Il existe ce qu’on appelle les clauses de célibat qui pourraient être insérées dans un contrat ou dans un testament, qui en principe sont nulles.
On peut trouver dans des testaments des clauses de célibat, ce qui veut dire que l’auteur du testament subordonne le legs à la condition que le bénéficiaire ne se marie pas.
La jurisprudence fait une distinction selon que la clause affecte une libéralité (acte à titre gratuit : prestation offerte sans contrepartie, idée de donation) ou au contraire un contrat « à titre onéreux » (contrat synallagmatique, ou les parties sont toutes obligées), comme le contrat de travail.
L’idée de la jurisprudence est que lorsque la clause de célibat affecte une donation, cela renverse le principe de la liberté patrimoniale, et elle considère que ces clauses sont tolérées, sauf exceptions. Ces clauses peuvent devenir illicites si ses justifications sont mauvaises : race, jalousie etc.
En termes de contrats, la clause est toujours en principe illicite. En 1963 il avait été décidé que les clauses de célibat dans un contrat d’hôtesses de l’air étaient illicites.
Autre illustration : Clause de célibat (clause de viduité) validée dans un contrat de travail. Cour de Cassation du 19 mai 1978. Une femme travaillait dans un établissement scolaire religieux, licenciée car divorcée puis remariée. La Cour a considéré que des circonstances exceptionnelles pouvaient justifier la validité d’une clause de célibat, ici le caractère confessionnel de l’établissement semblait pouvoir justifier cette validité. « Il faut que l’on soit dans des hypothèses où les nécessités des fonctions l’exigent impérieusement ».

§2 – La liberté de ne pas se marier

Cette liberté est contenue dans le fait que le mariage forcé est prohibé. Tant qu’on n’est pas marié on peut choisir de ne pas se marier : les fiançailles n’ont donc potentiellement aucune force obligatoire quant au fait de se marier. La rupture des fiançailles ne peut donc pas en elle-même être condamnée.
Cependant, la jurisprudence autorise des restrictions indirectes au fait de ne pas se marier. Il peut exister des clauses contractuelles qui vont restreindre cette liberté de ne pas se marier, qui subordonnent l’attribution d’un avantage à la condition que le bénéficiaire se marie. On est donc dans la position inverse de la clause de célibat. A priori la jurisprudence ne considère pas ces clauses nulles, sauf dans certaines circonstances, notamment quand elles sont motivées par un motif répréhensible : racial etc.

Il existe aussi ce qu’on appelle les conventions de courtage matrimonial. Cette convention de courtage matrimonial permet, moyennant finances, à un courtier de s’entremettre afin de favoriser une rencontre entre deux personnes en vue d’un mariage. On s’interroge afin de savoir si par le biais de ces conventions il n’y aurait pas une atteinte à la liberté de ne pas se marier. La jurisprudence a eu le réflexe jusqu’en 1944 de considérer que ces conventions avaient une cause illicite pour cette raison. Dans un arrêt de 1944 la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence et a considéré que le courtage n’est pas nul en soi, puisqu’en réalité son objet n’est pas le mariage mais la rencontre, qui, le cas échéant, peut déboucher sur le mariage. Si en revanche cette convention devait donner lieu à des pressions ou à un dol afin de forcer le mariage, ce courtage serait considéré illicite, dans la mesure où cela porterait nettement atteinte à la liberté de ne pas se marier. De même, si le mode de rémunération peut exercer une pression sur les personnes, que cela pourrait être utilisé afin de démontrer le caractère illicite de la convention.
Une loi de 1989 est venue réglementer le courtage, une loi relevant du droit de la consommation et non de mariage : droit de rétractation, clauses illicites etc. Les personnes qui adhèrent à cette convention bénéficient donc du régime de protection des consommateurs.

Section 2 : Les effets des fiançailles


 

« Les fiançailles sont faites pour être rompues ».
En 1838, la Cour de Cassation a décidé que « toute promesse de mariage est nulle en soi, comme portant atteinte à la liberté illimitée qui doit exister dans le mariage. » Il n’y a pas d’engagement juridique qui découlerait des fiançailles.
Les fiançailles sont donc un simple fait juridique (rappelons ici qu’un fait juridique se prouve par tout moyen), l’idée étant que cette situation va produire certains effets juridiques, sans pour autant qu’au départ il y ait nécessairement un accord de volonté (quoi qu’en ce qui concerne les fiançailles il y ait un accord, mais pas de contrat en définitive.) Le régime de ce fait juridique va donc entraîner un certain nombre de conséquences. La preuve est libre, et pourra être apportée par tout moyen.

§1 – Rupture et responsabilité

A priori, le fait même de la rupture ne devrait pas entraîner de conséquences juridiques. La rupture n’est donc en elle-même pas une faute, puisqu’elle constitue l’exercice de la liberté matrimoniale déclinée en liberté de ne pas se marier.
Cependant, ce principe connaît une limite qui est l’abus du droit de rompre. Cela signifie que quand cet abus est caractérisé, la responsabilité civile de l’auteur de la rupture pourra être engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil posant le principe de la responsabilité civile délictuelle.
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Il va donc falloir la réunion de plusieurs éléments : faute, préjudice et lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Ce qui peut conduire à une telle constatation :
D’après la jurisprudence cette faute réside dans la manière de rompre et dans les motifs de la rupture.
- Manière de rompre : Il y aura faute si la rupture est jugée incorrecte, injurieuse, ou si elle est tardive. S’agissant de la tardiveté, on se rend compte que plus la rupture est proche de la date prévue du mariage, plus les tribunaux ont tendance à reconnaître la faute.
- Motifs de la rupture : Ils peuvent être constitutifs d’une faute lorsqu’on considère qu’ils sont illégitimes. C'est-à-dire que quand la rupture est inspirée par des considérations de fortune, de milieu social, de race, alors on pourra considérer que la rupture est fautive. De la même manière, rompre les fiançailles en prétextant une réprobation familiale générale, pourra être considéré comme constitutif d’une faute. Enfin, rompre des fiançailles à l’annonce de la grossesse ne pourra pas être considéré comme un motif légitime de rupture.

On peut donc voir que cette jurisprudence pose un problème de preuve évident. Il faut ainsi être apte à distinguer entre la rupture pour manque d’amour, et la rupture illégitime qui pourrait éventuellement être considérée comme fautive. De plus, est-ce que finalement cette jurisprudence ne constitue pas elle-même une atteinte trop importante à la liberté matrimoniale… ?
En droit commun, lorsqu’on demande l’exécution d’une action, on doit prouver ce qui fonde cette allégation (cf. Article 1315 C.civ.)

Certains arrêts ont inversé la charge de la preuve, en demandant à l’auteur supposé de la faute de prouver que la rupture n’est pas fautive. En renversant cette charge de la preuve, c’est comme si l’on renversait le principe, et que l’on disait que la rupture est fautive…
Dans un arrêt du 4 janvier 1995, on a pu constater une tendance au recul en la matière, dans la mesure où la Cour de Cassation a cassé un arrêt d’appel qui avait déduit cette responsabilité de la seule absence de dialogue préalable. La Cour de Cassation a considéré qu’il appartient bien au demandeur qui allègue une prétention d’en prouver le fondement.
De surcroît : période de libéralisation du divorce, retenir comme fautif quelque motif que ce soit dans la justification d’une rupture semblerait assez incohérent.

Notons qu’il faut encore pouvoir établir un préjudice :
- Moral. Blessure morale, désarroi.
- Matériel. Être indemnisé pour les pertes occasionnées par l’annulation du mariage (action de in rem verso peut être engagée en matière de quasi contrat : enrichissement sans cause).
Ce préjudice sera accru en cas de grossesse, si la fiancée délaissée est enceinte ou si elle vient d’avoir un enfant (mère célibataire.) La nature du préjudice influe sur le montant de la réparation. Ici, plus le préjudice est important, plus cela pourra aussi influer sur la caractérisation de la faute (inversion des principes régissant la responsabilité civile en quelque sorte).
Pour autant, l’existence de cette seule circonstance ne suffit pas pour justifier pleinement la condamnation en paiement de dommages et intérêts.

*Arrêt de la Cour de Cassation du 28 avril 1993 : Rejet d’un pourvoi contre un arrêt qui avait refusé la demande de dommages et intérêts d’une femme qui avait eu une liaison avec un homme marié et qui avait été terminée de la part de cet homme, peu avant la naissance d’un enfant issu de cette union. Cela n’avait donc pas justifié la demande de dommages et intérêts, les juges ayant retenus les motifs selon lesquels l’homme marié n’avait jamais caché sa volonté de rester avec sa femme.

§2 – La restitution éventuelle des cadeaux

Il arrive que des ex fiancés souhaitent remettre en cause les cadeaux qu’ils ont pu s’offrir durant la période de fiançailles, la question de leur restitution peut donc se poser juridiquement. Elle s’est surtout posée lorsque le cadeau offert est un bijou de famille. On distingue alors plusieurs catégories.

- Présents d’usage : Ce sont des présents d’une valeur pécuniaire insignifiante au regard du train de vie et des habitudes du donateur. Ces présents sont considérés comme définitivement acquis à la personne à qui on les a offerts, et ne peuvent donc pas être restitués après la rupture, quels qu’en soient les motifs.
- Les donations faites en faveur du mariage. Elles sont considérées comme étant restituées dans le cas où le mariage ne s’en suivrait pas. Il faut bien sur considérer que ces présents aient une valeur supérieure à celle des simples présents d’usage.
Article 1088 C. civil : « Toute donation faite en faveur du mariage sera caduque, si le mariage ne s'ensuit pas ».
Parfois, d’après certaines interprétations jurisprudentielles, ces cadeaux peuvent être conservés, à l’inverse de ce que dit l’article 1088, comme une sorte de compensation lorsque la rupture provient d’une faute du donateur.
- La bague de fiançailles. Elle obéit à un sort particulier. Traditionnellement on a considéré qu’elle devait être régie par l’article 1088, on a donc imposé sa restitution lorsque le mariage ne s’en suivait pas. La jurisprudence récente a néanmoins souvent assimilé cette bague à un présent d’usage, dont le principe est donc la non-restitution.
- Les bijoux de famille. Qu’il se fut agit d’une bague ou de tout autre bijou, ils doivent être restitués quelles que soient les circonstances de la rupture, quand bien même serait-elle fautive.

Chapitre 2 : La formation du mariage


 

En droit civil, l’évolution qui peut être constatée est marquée par le désir de favoriser le mariage, c'est-à-dire en en assouplissant les exigences légales. Les conditions de formation du mariage ne sont pas excessivement contraignantes.

Section 1 : Les conditions de fond du mariage


 

Toutes ces conditions ne seront pas sanctionnées de la même manière, dans certains cas il y aura nullité relative du mariage, dans d’autres une nullité absolue.

§1 – Les conditions d’ordre physiologique : aptitude physique des futurs époux à se marier

L’un des buts concrets du mariage est la procréation. Cependant, on admet le mariage in extremis, ce qui démontre que ce but n’est pas le seul. Un certain nombre de conditions relatives à l’aptitude physique doivent être envisagées : sexe, âge, santé des époux.

A – Le sexe des époux

En 1804 le Code civil ne prévoyait pas explicitement la condition de différence de sexes car cela allait de soi. Cette condition se déduit très clairement de l’article 144 du code civil qui réglemente l’âge des époux en faisant référence à l’homme et à la femme.
Article 144 : « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».

1 – Le mariage homosexuel

Ce mariage n’est pas admis en France. Cependant, une tendance se dessine aujourd’hui à la libéralisation du mariage homosexuel : Pays-Bas (par deux lois du 21 décembre 2000, entrées en vigueur le 1er avril 2001), la Belgique (2003) et l’Espagne (2005.) Il ne faut bien entendu pas confondre ces législations avec celles permettant le partenariat entre deux personnes du même sexe (PACS depuis le 15 novembre 1999 en France, partenariat enregistré en Grande-Bretagne etc.)

Puisqu’en 1804 il n’a pas été jugé utile d’insérer une règle spécifiant le sexe des mariés. En 2003, le maire de Bègles a souhaité célébrer un tel mariage, annulé par le TGI de Bègles, la Cour d’appel de Bordeaux et enfin, la Cour de Cassation qui a rejeté ce pourvoi le 13 mars 2007. Il faut donc attendre soit une modification de la législation, soit une condamnation de la France par la cour européenne des droits de l’homme. Cependant, la CEDH a déjà été évoqué par ces époux homosexuels, mais devant les juridictions nationales cela n’a pas été reçu. Les voies de recours internes n’ont pas répondu favorablement à leur demande, l’affaire est maintenant portée devant la CEDH.

2 – Le mariage des transsexuels

Sur le plan des principes ce problème est important. Le transsexualisme est un symptôme médicalement reconnu. La notion de sexe est complexe. Sur le plan scientifique il est le produit d’éléments anatomiques, génétiques et psychologiques. Il arrive que ces éléments ne coïncident pas ou plus, et que l’élément psychologique du sexe ne corresponde pas avec les éléments anatomiques et génétiques. C’est ici le problème du transsexualisme.
Le transsexualisme peut être défini comme « le sentiment irrésistible est inéluctable d’appartenir à un sexe opposé à celui qui est génétiquement, anatomiquement, et juridiquement le sien avec le besoin prépondérant ou obsédant de changer d’anatomie et d’état » (civil.) Sur le terrain juridique : les revendications des transsexuels se sont orientées vers une demande de changement d’état civil : changement de nom et de sexe.
La position de la jurisprudence française : Pendant dix-sept ans la Cour de Cassation a répondu par la négative à ces questions.

Quatre arrêts du 21 mai 1990 : affirmation du fait que le transsexualisme ne peut être considéré juridiquement comme un véritable changement de sexe, même lorsqu’il est médicalement reconnu. Malgré cette formulation, avait été autorisé le changement de prénom, mais pas le changement de sexe.

Textes invoqués :
CEDH : article 8 invoqué (garantit le droit à la vie privée), article 12 (vise le droit de se marier, et à une vie familiale normale).
La cour européenne des droits de l’Homme avait d’abord été saisie par des ressortissants britanniques, et avait rendu un arrêt du 17 octobre 1986 relative à l’affaire Mark Rees, et avait refusé de condamner le droit positif du Royaume-Uni, avait donc considéré que le refus d’admettre le changement d’état civil d’un transsexuel n’était pas contraire à l’article 8 parce que les autorités britanniques refusaient le changement, mais admettaient la délivrance de documents officiels avec l’indication du sexe de leur choix. Dans la vie de tous les jours, l’atteinte à la vie privée était donc considérée comme non-réalisée. Dans le même arrêt elle a considéré que l’article 12 ne concernait que le mariage traditionnel entre deux personnes de sexe biologique différent.

Dans un arrêt du 25 mars 1992, la CEDH a condamné la France après les arrêts de la Cour de Cassation du 21 mai 1990, en estimant que cette jurisprudence violait l’article 8. Pourquoi cette évolution entre 1986 et 1992 ? Cela s’est fait car en France la fréquence de révélation du sexe par les documents officiels était très importante (carte de sécurité sociale etc.), ce qui, comme le changement du sexe sur les documents officiels autres qu’état civil n’était pas permis, constituait à l’égard des transsexuels une violation de l’article 8.
Cela a donc entraîné une modification de la jurisprudence française. La Cour de Cassation a donc modifié sa position, par un arrêt du 11 décembre 1992. En se fondant sur l’article 9 du code civil et sur l’article 8 de la CEDH, elle est venue admettre clairement le changement d’état civil des transsexuels, de manière à ce qu’il indique le sexe dont on a l’apparence. Il faut bien évidemment être en présence d’un transsexualisme médicalement constaté.

Enfin, dans l’arrêt Christine Goodwin du 11 juillet 2002 de la CEDH à l’encontre du Royaume-Uni, et a changé sa position de principe et impose désormais aux États parties à la CEDH de reconnaître juridiquement l’identité sexuelle des personnes, et plus particulièrement des transsexuels. A partir du moment où l’on accepte le changement de sexe à l’état civil, il va falloir envisager les questions de mariage et de filiation.
On se pose d’autant plus la question que quand la CEDH a tranché la question du changement d’état civil en 1992 et en 2002, elle n’a pas étudié les problèmes de mariage et de la filiation.

S’agissant du mariage, on va étudier la question du mariage, et celle du mariage préexistant. En ce qui concerne le « nouveau mariage », conclu après changement d’état civil, rien ne s’oppose à ce qu’une personne qui a obtenu ce changement de la mention du sexe sur l’acte d’état civil se marie avec une personne dont l’apparence et le sexe juridique seraient différents, mais dont le sexe anatomique serait éventuellement identique. En revanche, il faut imaginer que cela peut poser des problèmes relatifs au consentement : celui qui aurait épousé un transsexuel sans être au courant de son état. Cela pourrait être considéré comme une erreur : un vice de consentement.

S’agissant d’un mariage préexistant la question est différente. Les personnes mariées étaient de sexe différent, mais après changement de sexe on se retrouve avec un mariage homosexuel. Il n’y alors pas de nullité automatique du mariage dans la mesure où au moment où le mariage a été formé il n’y avait aucun défaut dans les conditions de sa formation. Un divorce sera en définitive tout à fait envisageable, notamment aujourd’hui avec la libéralisation du mariage.

Aujourd’hui, on ne peut donc vraisemblablement plus invoquer comme empêchement au mariage l’incapacité de procréation. En revanche, ces mêmes questions pourront être portées sur le terrain du consentement, s’il y a eu dissimulation en vue de produire le mariage.

B – L’âge des époux

Durant très longtemps cet âge était différent selon que la personne était un homme ou une femme : 15 ans pour les femmes, 18 ans pour les hommes.
Cet âge a été ramené à 18 ans par une loi du 4 avril 2006. Dorénavant, l’article 144 dispose que « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. » Cela avait notamment pour but d’éviter les mariages forcés.
Cette condition d’âge n’est pas liée à la majorité civile, mais à l’aptitude physiologique à se marier. Avant 2006, 15 ans pour les filles, avec consentement des parents avant la majorité.
Il faut savoir qu’un système de dispense est prévu à l’article 145, le mariage pouvant être autorisé avant 18 ans pour « motifs graves », le procureur de la République pouvant autoriser cette dispense d’âge. Il existe aujourd’hui près de 400 dispenses d’âge en France par an, notamment en cas de grossesse.

C – La santé des époux

Faut-il être en bonne santé pour se marier ?
Le droit français répond par la négative. Une réponse affirmative aurait pu être synonyme de dérives et d’atteintes portées à la vie privée. Aucune affection physique, aucune maladie, aussi grave soit elle, ne peut s’opposer au mariage de celui qui en souffre, à condition que cette personne puisse exprimer son consentement clairement et que le consentement de son conjoint ait été donné en connaissance de cause.

Il faut néanmoins savoir qu’une position préventive est adoptée. On tente d’appeler l’attention des époux sur les conditions de santé souhaitables avant de se marier. On exige ainsi un certificat médical avant le mariage : le certificat prénuptial (datant de moins de deux mois avant le mariage). Le contenu est bien entendu protégé par le secret médical, l’époux n’étant lié que par une pression morale quant à la divulgation des informations le concernant à son futur époux.
Ce certificat prénuptial est nécessaire car l’officier d’état civil doit être en sa possession avant de procéder aux solennités nécessaires (publication des bans etc.), avant de procéder au mariage.
On admet en droit positif le droit des mourants, mariage in extremis. Peut importe en définitive la santé et l’aptitude à procréation des futurs époux. On admet aussi le mariage posthume.

- Mariage in extremis. La seule condition est que le mourant soit en état de donner son consentement. Ce consentement doit être lucide et les formalités du mariage peuvent être adaptées puisque l’officier d’état civil peut se déplacer au domicile des mourants.
- Mariage posthume. Cette figure a été admise par une loi du 31 décembre 1959, et qui concerne le cas où l’un des époux avait déjà effectué les formalités nécessaires antérieures au mariage, mais décède avant la célébration du mariage. L’accomplissement de ces formalités marquait sans équivoque la volonté du défunt de se marier.

Cela est visé à l’article 171 du Code civil, et c’est au Président de la République de décider d’autoriser ce mariage, pour motifs graves là encore. Le Président va apprécier discrétionnairement la situation, aucun recours n’est donc envisageable après sa décision. Pour éviter que cela se transforme en une chasse aux successions, ce mariage n’entraîne aucun effet patrimonial : aucun droit dans la succession du défunt dans un mariage posthume.
En 1959 un intérêt juridique justifiait cela dans la mesure où cela permettait aux enfants légitimes d’exercer leurs droits relatifs à la succession. Aujourd’hui la distinction entre enfants légitimes et enfants naturels n’existe plus, cela semble donc être superflu en matière de succession de l’enfant.

§2 – Les conditions d’ordre psychologique : les conditions liées à la volonté des époux

La volonté des époux est une condition primordiale dans le déroulement du mariage. Il faut donc consentement personnel, libre et éclairé, afin de permettre le mariage ; cependant, ce seul consentement n’est pas toujours suffisant.

A – Le consentement

L’exigence de ce consentement est posée à l’article 146 du Code civil qui dispose «qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. » Il faut que le consentement existe et qu’il soit exempt de vices. Le consentement doit donc être intègre.

1 – L’existence du consentement

Les époux doivent échanger leurs consentements devant l’officier d’état civil. Les témoins doivent pouvoir témoigner du bon échange des consentements. Il peut y avoir un défaut dans le consentement : il faut donc chercher à savoir si la volonté exprimée par les époux correspond à leur volonté réelle. Ce consentement est-il conscient et sérieux ?

a) La question du consentement conscient

Celui qui a donné son consentement était-il en pleine possession de ses moyens ? Cela recouvre des cas extrêmes : démence, etc. Mais on peut aussi imaginer une privation temporaire de l’usage de la raison : emprise de la drogue ou de l’alcool. La question des troubles mentaux est intéressante. Est-ce que l’incapacité de consentir signifie l’interdiction du mariage aux aliénés mentaux ? Il faut distinguer selon la situation.

- Personne malade. La personne atteinte de troubles mentaux et n’étant pas représentée ne peut être autorisée par un tiers. Dès lors les règles de droit civil devraient être appliquées. La jurisprudence a dit que l’incapacité à consentir dans ce cas ne pouvait être déclinée en incapacité à mariage. Elle a dit qu’il fallait exiger la preuve de l’inconscience de la personne atteinte de troubles mentaux au moment du consentement. On a parlé de jurisprudence des intervalles lucides. Le mariage ne peut être annulé si le consentement a été donné dans un intervalle lucide. Sur le plan de la preuve cela peut être difficile à prouver. Se pose la question de la charge de la preuve en matière de lucidité au moment du consentement. Sur ce point la réponse de la jurisprudence n’est pas claire, elle a traditionnellement admis que l’intervalle lucide devait être présumé.

Exemple : Arrêt de la 1re chambre civile du 2 décembre 1992 : Les membres de la famille d’une personne demandaient la nullité de son mariage pour absence de consentement, et qui soutenaient à l’appui de leurs prétentions que l’intéressé souffrait depuis sa naissance d’un certain infantilisme cérébral. Ils produirent un certificat médical pour cela, mais le chef de service d’un hôpital qui connaissait le patient établit que l’intéressé était lucide au moment du mariage. La Cour avait donc rejeté cette demande d’annulation car la famille ne prouvait pas qu’au moment du mariage, l’état de l’intéressé l’empêchait d’exprimer sa volonté.

- Personne soumise à un statut protecteur particulier. La personne est déclarée comme juridiquement incapable. Cela implique qu’elle sera parfois assistée ou représentée pour les actes de sa vie quotidienne. La personne qui est censée représenter la personne incapable pourra donner son autorisation.

Notons qu’on trouve bien entendu des arrêts contraires. Dans un arrêt de la Cour de Cassation du 28 mai 1980 une position contraire était admise, le mariage fut annulé pour insanité d’esprit constatée par observation de l’état habituel du vieillard. On a donc renversé la charge de la preuve.

Il faut néanmoins privilégier la première solution dans la mesure où la liberté du mariage est une liberté fondamentale et qu’elle doit être protégée.
La loi du 5 mars 2007, nouvel article 414 al. 1 C. civil (entrera en vigueur en 2009) avait réformé le droit des incapacités et consacre cette solution de l’intervalle lucide. Le majeur incapable ne fait bien sur ici l’objet d’aucune mesure particulière. On fait peser la charge de la preuve du trouble mental, et de l’absence de consentement, sur celui qui demande l’annulation du mariage.

b) Le consentement doit être sérieux

Problème des mariages fictifs, simulés, blancs. On entend par « consentement sérieux », que ce consentement est l’affirmation des époux de vivre une vraie vie conjugale, mais aussi d’assumer toutes les conséquences personnelles ou matrimoniales que ce consentement engendre. Il arrive que certaines personnes n’aient pas de véritable volonté de se marier, mais entrent dans les liens du mariage dans le but d’obtenir l’un ou tous les avantages liés au mariage (obtention d’un permis de séjour etc.)

La loi du 24 juillet 2006, loi « Sarkozy II » relative à l’immigration et l’intégration, tente de rendre moins attractif le mariage d’un étranger et d’un français. Dorénavant l’article 21-2 du Code civil dispose que l’étranger ou l’apatride qui contracte un mariage avec un conjoint de nationalité française pourra, à l’expiration de quatre ans à compter du mariage, obtenir la nationalité française. On doit pouvoir constater de l’effectivité d’une communauté de vie matérielle. La délivrance d’un titre de séjour pour le conjoint d’un français n’est plus octroyée de plein droit.

Les mariages sans intention matrimoniale doivent-ils être considérés comme nuls ?

La Cour de Cassation s’est prononcée là-dessus dans un arrêt « Appietto » du 20 novembre 1963 et a donné un critère pour étudier cela : lorsque les époux, quand ils se sont mariés, n’ont eu en vue que des avantages étrangers à l’union matrimoniale on considérera que le mariage est nul faute de véritable consentement sur la base de l’article 146 du code civil. A l’inverse, lorsque au moins un des effets du mariage a bien été recherché, on considérera que ce mariage est valable, même s’il s'agit d’un mariage à effets conventionnellement limités. Mise en œuvre difficile.

On a fini par considérer que tout mariage fictif était nul dès lors que l’intention matrimoniale faisait défaut. Sont très souvent annulés des mariages, soit sur demande d’un des époux, soit du ministère public, lorsqu’il y a défaut de cohabitation ou défaut de consommation.

La cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 8 septembre 1999 relatif à un défaut de cohabitation, a annulé le mariage d’une française locataire avec le neveu des bailleurs organisés en contrepartie du paiement d’un arriéré de loyer. L’épouse vivait en concubinage avec un tiers.

Il y a tout de même eu une autre manière d’interpréter la loi, la Cour de Cassation ayant parfois refusé d’annuler le mariage, mais d’en annuler les effets frauduleux recherchés (affaire de mariage, remariage en but d’obtenir la nationalité française.) Pour qu’il y ait consentement valablement donné il faut qu’il soit réel et sérieux, mais il doit aussi être intègre.

2 – L’intégrité du consentement

Il s’agit ici d’examiner la théorie des vices du consentement (ici : erreur et violences, le dol étant exclu).

Le consentement ne doit pas être affecté d’un vice, il doit donc être exprimé en toute liberté et en connaissance de cause. Si ce consentement a été donné suite à une erreur ou à des pressions, on considérera que le consentement n’est pas éclairé (erreur), ou libre (pressions).
On a donc adapté la théorie des vices tirée du droit des contrats, qui comporte en plus de cela le dol. Seules l’erreur et la violence sont admises en droit du mariage. Le dol ne l’est pas : « En matière de mariage, trompe qui peut » (Loysel).

Le dol concerne toutes les manœuvres par lequel le cocontractant va provoquer une erreur chez son cocontractant. On s’est rendu compte qu’il était difficile de distinguer cela du fait de la séduction qui peut mener au mariage. La distinction entre la manœuvre dolosive et la séduction classique n’était pas aisée.

a) L’erreur

C’est une fausse représentation de la réalité qui consiste à croire vrai ce qui est faux, et inversement. L’erreur est ici régie par l’article 180 du code civil. Historiquement seule l’erreur dans la personne permettait d’annuler le mariage. Cela avait été interprété très restrictivement dans le cas d’erreur sur l’identité de la personne. Dans l’arrêt Berthon du 24 avril 1862, fut exprimée l’idée que l’erreur ne pouvait qu’être relative à l’identité de l’époux (cf. GAJC).

Sous la pression des juridictions du fond, le législateur dans la loi du 11 juillet 1975 a consacré une interprétation plus libérale de cet article, et a modifié les termes de l’article 180 en y incluant l’erreur sur une qualité essentielle de la personne. Cette erreur implique que l’on peut aussi bien invoquer une erreur sur l’identité (physique ou civile), mais aussi sur une qualité essentielle de la personne. C’est ce fondement qui permet un grand nombre d’actions en nullité pour erreur.

Conception objective sur cette idée de l’erreur sur une qualité essentielle de la personne : cette qualité est « communément attendue » (être en mesure d’attendre de ne pas être frappé par son conjoint…) Cette conception peut être subjective : qualité essentielle pour la personne réclamant la nullité du mariage (attendre que le conjoint n’ait pas déjà été marié par exemple).

On va aussi rencontrer un problème de preuve dans la mesure où il est plus facile de prouver le caractère déterminant de l’erreur quand elle porte sur une qualité jugée essentielle aux yeux de l’opinion publique, que de prouver l’erreur sur une qualité considérée subjectivement par la personne qui subit l’erreur. Le caractère déterminant de l’erreur signifie que sans cette erreur le mariage n’aurait pas eu lieu. La plupart du temps, les annulations sont fondées sur une erreur portant sur des qualités essentielles en tant qu’elle est reconnue comme telle par l’opinion publique : erreur sur l’honorabilité de l’époux, erreur sur l’existence de conviction religieuse, sur l’aptitude sexuelle ou encore sur la santé mentale du conjoint. Le juge apprécie souverainement les qualités essentielles invoquées par le conjoint, ce qui rend en définitive le résultat aléatoire.

Dans un arrêt de la première chambre civile du 13 décembre 2005, le mari avait dissimulé qu’avant son mariage il avait entretenu une liaison avec une femme mariée, liaison interrompue pour se marier avec l’épouse actuelle. L’épouse, découvrant cela, demande au juge l’annulation du mariage et invoque pour ce faire ses convictions religieuses et soutient que cela heurte ses convictions car la liaison était avec une femme mariée. La cour d’appel l’avait débouté car le caractère d’erreur n’était pas réellement déterminé. La Cour de Cassation est venue affirmer la décision de la cour d’appel et a rejeté le pourvoi. En général, l’existence d’une liaison antérieure n’est pas pour la jurisprudence un motif d’annulation : il n’y a pas d’obligation de fidélité avant le mariage.

b- Les violences

Article 180 al.1, modifié par la loi du 4 avril 2006 relative aux violences au sein du couple.

- « Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre (L. no 2006-399 du 4 avril 2006, article 5) «, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage ».

On peut difficilement envisager une violence physique, mais des violences morales pour contraindre la personne à se marier sont plus fréquentes. Cette violence morale vient le plus souvent des membres de la famille ou de la future belle-famille. On peut aussi envisager des pressions émanant d’un tiers. Traditionnellement la violence pour être considérée comme vice de consentement, doit présenter une certaine gravité. En droit des contrats l’article 1114 du code civil considère que « la seule crainte révérencielle ne saurait vicier le consentement », sauf s’il y a de véritables menaces de la part des parents. Il s'agit par exemple du fait de craindre de ne pas plaire aux parents, crainte révérencielle à l’égard des patrons, etc. La solution inverse est donc apportée par le code civil en sa version révisée de l’article 180 : la loi de 2006 vient d’insérer dans l’article 180 la crainte révérencielle comme pouvant constituer une violence constitutive d’un vice de consentement. Cela a été fait afin de protéger les pressions faites sur les jeunes filles. De plus s’est ajouté dans cette loi la nécessité d’avoir atteint sa majorité pour se marier.

Exemple : Cour d’appel de Colmar en date du 28 avril 2004 : Jeune fille qui s’est réfugiée chez son oncle après avoir subi des pressions en vue de se marier. Demande d’annulation pour vice de consentement dû à des violences exercées sur le fondement de l’article 180. La famille a affirmé ces pressions : mariage annulé.

B – Les autorisations

Les autorisations qui vont nous intéresser sont les autorisations familiales, bien que nous ayons vu que la famille n’a pas à intervenir dans le cadre de la formation du mariage, sauf cas des mineurs ou majeurs incapables placés sous un statut de protection (quand l’incapable n’est pas placé sous un tel régime : simple appréciation de sa lucidité).

1 – Les mineurs

L’article 148 exige une autorisation parentale pour les mineurs. Il faut combiner cela à l’obligation de puberté contenue dans l’article 144.
Avant la loi de 2006, puisque les filles avaient la possibilité de se marier dès l’âge de 15 ans, elles n’avaient pas besoin de l’autorisation du procureur de la République, mais il fallait tout de même une autorisation parentale. Un même âge pour deux conditions.

- En tant que mineur : autorisation parentale.
- En tant que personne physiquement non-mature : Procureur de la République.

Il faut le consentement des deux parents, mais si les parents sont en désaccord : le désaccord vaut consentement. Il suffit donc en principe d’une seule autorisation.
Si l’un des deux parents est hors d’état de consentir au mariage, l’autorisation de l’un suffira également. Si les deux parents sont hors d’état de manifester leur volonté, ce sont leurs ascendants qui pourront consentir, si les deux grands-parents sont en désaccord, là encore le désaccord vaut consentement. Enfin, si tout le monde est mort le mineur est placé sous l’autorité d’un conseil de famille qui tranchera. Si l’autorité sur l’enfant est déléguée, c’est au tuteur de décider.

L’autorisation doit revêtir plusieurs caractères :

Elle doit être spéciale : donnée en vue de ce mariage là, avec cette personne là. Elle doit donc préciser l’identité du conjoint que le mineur est autorisé à épouser. Elle prend la forme d’un acte authentique irrévocable, autorisation discrétionnaire, aucun recours ne sera autorisé contre un refus d’autoriser ce mariage, mais celui à qui l’on demande cette autorisation ne doit pas abuser de son droit à refuser : si un refus était inspiré par des motifs illégitimes (couleur de peau, religion etc.) ce refus serait un abus de droit à refuser.

2 - Les majeurs incapables

Régime modifié par la loi du 5 mars 2007 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2009. Il s'agit soit d’un régime de tutelle, soit d’un régime de curatelle. L’incapable majeur devra obtenir une autorisation, qui va obéir à un régime différent selon la nature du régime.

- Tutelle : l’autorisation devait être donnée par les parents (si encore en vie) ou conseil de famille après avis du médecin traitant. La loi du 5 mars 2007 a supprimé l’autorisation des parents et subordonne cette autorisation à l’autorisation du juge ou du conseil des familles. Notons que l’avis des parents et de l’entourage peut être demandé, de même que l’avis du médecin traitant (qui n’est plus une étape obligatoire).
- Lorsqu’il s'agit d’un majeur en curatelle, on demandera le consentement au curateur ou au juge des tutelles. Le mariage est alors célébré et le conjoint devient immédiatement le tuteur ou le curateur du conjoint, sauf motifs particuliers tirés des articles 416 et 509-1 du code civil.

§3 – Les conditions d’ordre sociologique : manifestation des exigences sociales et morales

Parfois la loi interdit le mariage pour des raisons de moralité. Certaines situations constituent des empêchements à mariage. Il n’en reste que deux qui soient liés à la moralité sociale : inceste et polygamie (pluralité de mariages concomitants).

A – Interdiction du mariage entre parents et alliés

Cela est porté par des raisons eugéniques : si des enfants sont issus d’unions entre proches parents ils pourraient être atteints de maladies et d’infirmités graves.
Conception sociale, morale : condamnation de l’inceste.

A une époque où le groupe familial était très étendu, on interdisait le mariage entre parents jusqu’au 14ème degré. Cela a donc diminué. Parmi les empêchements subsistants, il faut distinguer les empêchements absolus et ceux pouvant être levés par une dispense.

1 – La prohibition absolue

Concerne la parenté en ligne directe, que la famille fut constituée en mariage ou hors mariage. On trouve cela dans l’article 161 du code civil. Elle est étendue aux liens d’alliance puisqu’il est interdit de se marier avec les conjoints de ses ascendants ou de ses descendants (considération guidée par la paix des familles), cette dernière interdiction pouvant être levée après la mort du conjoint créant l’alliance.

L’article 162 prohibe le mariage en ligne collatérale entre frères et sœurs. Cette interdiction est absolue et vise les personnes ayant un auteur commun. En revanche, en alliance collatérale il est possible de se marier : avec un beau-frère et une belle-sœur.
(L’article 163 prohibe le mariage entre oncle et nièce et entre tante et neveu).

Dans la famille hors-mariage, on sait parfois que le lien de famille, le lien de parenté naturelle (hors-mariage), n’est pas toujours établi et on se demande si l’on peut interdire ce mariage, bien que la filiation n’ait pas été juridiquement établie. La difficulté est de prendre en considération la filiation qui n’est pas juridiquement constatée. Certains pensent que l’officier d’état civil pourrait constater d’un empêchement ou non, mais ce serait lui donner un rôle trop important. Les auteurs et la jurisprudence restent perplexes.

L’article 342-7 affirme l’interdiction du mariage dans une hypothèse particulière du cas où l’homme qui n’est pas le père juridiquement a été condamné à verser des subsides à l’enfant : il s'agit d’un homme qui a eu des relations intimes avec la mère pendant la période légale de conception, mais dont la paternité n’est pas prouvée juridiquement. Sur ce fondement on peut le condamner à verser des subsides à l’enfant, il y a alors empêchement à mariage.

S’agissant de l’adoption, en cas d’adoption plénière, les prohibitions sont évidemment les mêmes que concernant une véritable famille. On déduit cela de l’article 356 al.1 du code civil qui dispose que l’adoption confère à l’enfant adopté une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine, par conséquent, d’après l’article 358, l’adoptant et l’adopté ont les mêmes droits que dans une filiation normale. Pour les adoptions simples il y a prohibition à mariage entre l’adoptant et l’adopté, ses descendants ou les conjoints de l’adoptant. En revanche pas de prohibition entre l’adopté et les ascendants de l’adoptant, ni entre l’adopté et les frères et sœurs de l’adoptant. En ce qui concerne l’éventuel empêchement entre l’adopté et sa famille d’origine : les empêchements prévus aux articles 161 et suivants subsistent, mais ils sont difficiles à mettre en œuvre puisque le jugement d’adoption fait disparaître toutes traces entre l’adopté et sa famille d’origine.
Pour les filiations liées à l’insémination artificielle le problème est insoluble du fait de l’anonymat du donneur.

2 – Les empêchements susceptibles d’être levés par une dispense

C’est l’article 164 qui prévoit que la prohibition déjà citée en ligne collatérale entre l’oncle et la nièce et la tante et le neveu peut être levée par dispense.
La prohibition entre alliés en ligne directe pourra être levée si la personne qui crée l’alliance est décédée (entre belle-mère et beau-fils etc.), il en va de même en vertu de l’article 356 relatif à l’adoption, ainsi qu’entre l’adopté et les enfants de l’adoptant. En ce qui concerne cette dispense est qu’elle peut être donnée que pour causes graves. C’est le Président de la République qui apprécie la gravité ou non de la circonstance. La cause grave souvent retenue est l’intérêt des enfants, nés de l’union incestueuse. Cela peut néanmoins être refusé s’il existe un écart d’âge trop important entre les postulants au mariage. Cependant, l’appréciation du Président reste souveraine, et n’est pas susceptible de recours (pas de recours après refus).

B – Empêchements résultants d’une pluralité de mariages

1 – L’empêchement de la bigamie

Cela résulte de l’article 147 du code civil qui dispose que l’on « ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. » La bigamie est aussi un délit au sens pénal, sanctionnée par l’article 433-20 du code pénal : sanction d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros, pour le marié et pour l’officier d’état civil.
Pour prévenir cela, les époux doivent apporter de nombreux papiers, dont un acte de naissance récent (il y figure la notification du mariage). L’article 147 s’applique a priori aux mariages célébrés en France. Un tel mariage serait contraire à l’ordre public. En DIP se pose la question de savoir le sort d’un mariage polygamique célébré régulièrement dans un pays tolérant cela. La jurisprudence a fini par admettre la validité de ces mariages célébrés à l’étranger, mais il faut que les personnes engagées dans les liens viennent d’un pays autorisant la polygamie. Le Français ne peut donc pas entrer dans les liens d’un tel mariage. Dès lors qu’il est valablement contracté, on autorise les effets d’un mariage polygamique, comme les droits successoraux par exemple.

Lorsque la première épouse est française, on va limiter les effets des autres mariages polygamiques. Les effets reconnus sont donc en général d’ordre patrimonial privé. Quand on lui demande de faire produire des effets sur des prestations sociales cela est généralement refusé.

2 – La licéité du remariage

Dès que le mariage a été dissout, on va autoriser, en vertu du principe de liberté matrimoniale, le remariage. Il n’y a pas de limites au nombre des unions successives. La loi ancienne (ancien article 228) imposait néanmoins un délai de viduité pour son remariage : limite temporelle, la femme ne pouvait se remarier avant 300 jours courant après la dissolution du mariage, 300 jours durant lesquels la femme divorcée ou veuve ne pouvait se remarier afin d’éviter les éventuelles incertitudes relatives à la filiation. Cette exigence a été assouplie par la jurisprudence, puis supprimée par la loi du 26 juillet 2004 portant réforme du divorce, qui, pour des raisons d’égalité entre époux, a supprimé cela.  

 

Section 2 : Les conditions de forme du mariage


 

§1 – Les formalités préalables

Publication des bans, fourniture d’un certain nombre de pièces à l’état civil, audition des époux. Ces conditions ont été alourdies par les lois d’avril et novembre 2006 déjà citées, afin de renforcer le contrôle du consentement matrimonial.

A – La publication du projet de mariage

Cette exigence semble quelque peu désuète. L’idée était de prévenir les tiers, et de les inciter éventuellement à faire connaître les empêchements dont ils auraient connaissance (ils sont frères et sœurs !) C’est l’article 63 du code civil qui prévoit les formes de la publication. On affiche cela dans la mairie du lieu où sera célébré le mariage. Si les époux habitent dans un lieu de résidence différent il faut procéder à la publication aussi dans leurs lieux respectifs de résidence. Cette publication doit durer 10 jours. On peut dispenser les futurs époux de cela pour cause grave. C’est le Procureur de la République qui apprécie cela : exemple du mariage in extremis par exemple.

B – Les productions

Les différents documents à produire. Les formalités ont été modifiées, alourdies, par la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages, qui modifie l’article 63 du code civil en ce qui concerne le contenu du dossier de mariage. Les futurs époux doivent maintenant produire une copie intégrale de l’acte de naissance datant de moins de trois mois, ce qui devrait permettre de vérifier leur identité, le fait qu’ils ne soient pas mariés et qu’ils ne sont pas de la même famille. Il faut aussi une pièce d’identité officielle. Même si ce papier d’identité n’est pas d’origine française, le mariage peut avoir lieu si toutes les autres conditions sont remplies. Il faut un certificat prénuptial. Pour les mineurs, il faut l’autorisation et la dispense d’âge du Procureur de la République. Si les futurs époux décident de faire un contrat de mariage et ne veulent pas être mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts il faut qu’ils présentent ce contrat. Ils doivent indiquer à l’avance l’identité complète de leurs témoins.

C – L’audition des futurs époux

Ces conditions avaient été introduites par une loi du 26 novembre 2003 relative à l’immigration. Le nouvel article 63 maintient cette condition, on impose à l’officier d’état civil de procéder à l’audition commune des époux, sauf lorsqu’il apparaît que les conditions relatives au consentement sont remplies de façon équivoque, c'est-à-dire que cela correspond à celles qui sont contenues aux articles 146 et 180. La loi autorise le maire à déléguer cette fonction à un autre agent de la mairie. S’agissant des mineurs, leur audition se fait hors de la présence des parents, ce qui constitue une garantie de leur consentement. Le maire, à cause de cela, « juge » de la validité future du mariage, ce qui ne lasse pas de provoquer des interrogations quant au rôle qu’il doit jouer.
Une circulaire relative à la lutte contre les mariages simulés (notons qu’une circulaire n’a aucune valeur coercitive) émanant du Garde des Sceaux est venue traiter de cela. Si l’on s’aperçoit que les époux ne s’entendent pas, que l’un des deux est vulnérable…cela peut laisser penser qu’il pourrait y avoir un problème de consentement.

§2 – La célébration du mariage

Célébré à la marie du lieu de résidence d’au moins un des époux, qui doit habiter là depuis un mois. La cérémonie est publique, requiert la présence des deux époux et de deux témoins au minimum (quatre au plus.) Le mariage est toujours célébré par un officier d’état civil. Il doit lire les articles du code civil relatifs aux effets du mariage. Il requiert le consentement des époux (même aphone il faut pouvoir manifester son consentement), il prononce enfin le mariage et donne l’acte de mariage, qui servira dans de nombreuses étapes de la vie matrimoniale (compte en banque, emprunt etc.)
Toutes ces formalités sont obligatoires en France, quelle que soit la nationalité des époux. Dans certaines hypothèses, quand les époux sont tous deux d’origine étrangère, ils pourront se marier devant l’officier d’état civil représentant son pays en France (consul par exemple).

Deux Français pourront aussi se marier à l’étranger. Il faut alors garder à l’esprit l’idée qu’ils doivent conserver les formalités du pays où ils se marient : pas pour les conditions de fond donc ! De plus, le droit de nombreux pays imposent la loi française y compris pour des conditions de forme.

Les nouveaux articles 171-1 à -4 du Code civil, modifiés par les lois de 2006 sont venus modifier cela.

Quelles sont les sanctions du non-respect de ces conditions ?

Section trois : La sanction des conditions de formation du mariage


 

Il faut comprendre qu’il existe des sanctions qui vont intervenir avant la célébration et d’autres après.

§1 – Les oppositions à mariage

Ces sanctions se font a priori, de manière préventive. Un officier d’état civil ne doit pas célébrer un mariage s’il existe un empêchement et s’il en a connaissance. C’est dans cette optique que la loi d’avril 2006 a renforcé les conditions de forme du mariage. Lorsque l’officier d’état civil soupçonne une irrégularité comme un défaut de consentement, il doit saisir immédiatement le ministère public en vertu de l’article 175-2 du code civil, le procureur dispose ensuite de quinze jours pour :
- Laisser le mariage se dérouler.
- Empêcher le mariage.
- Surseoir à statuer afin de commander une enquête.
Le sursis ne peut excéder deux mois, à son terme le ministère décide soit l’opposition, soit l’autorisation.

N.B : Surseoir à statuer, mais « il sursoit » à statuer.

L’officier d’état civil soupçonne une irrégularité, notamment suite à l’audition prévue à l’article 63 du code civil. Il va alors saisir sans délai le ministère public en vertu de l’article 175-2 du code civil. Cela peut se faire quand il soupçonne une absence de consentement, un défaut de consentement (article 146), ou quand il soupçonne un vice de consentement, en vertu de l’article 180 C. civil (hypothèse ajoutée à l’article 175-2 par la loi du 14 novembre 2006.) Lorsqu’une opposition a été levée, l’officier d’état civil ne peut pas refuser la célébration du mariage sans engager sa responsabilité, car il ferait ce qui s’appelle une voie de fait.

Cassation en 2007 : Maire du 7ème arrondissement condamné à 1 euro de dommages-intérêts pour avoir continué de refuser la célébration du mariage, alors que le ministère public, lors de sa saisie, ne s’était pas opposé à la célébration du mariage.

Situation où les vérifications imposées au maire et à ses adjoints ne sont pas suffisantes. Certains tiers peuvent saisir l’officier d’état civil par le biais d’un acte officiel d’opposition à mariage. L’officier d’état civil est obligé de surseoir à la célébration, jusqu’à ce qu’on obtienne, éventuellement, la mainlevée de cette opposition. Ce type de pratique est encadré par les articles 172 à 179 du code civil. Ce droit d’opposition est ouvert aux membres de la famille. Il s'agit en priorité des pères et mères des futurs époux, quel que soit l’âge des futurs époux, qui peuvent invoquer n’importe quel empêchement (contrainte etc.). S’il n’y a aucun ascendant le droit d’opposition appartiendra subsidiairement à d’autres membres de la famille que la loi nomme, et dont les empêchements invocables sont eux aussi nommés par la loi. Il s'agit des frères et sœurs, des oncles et tantes, des cousins germains majeurs, ainsi que le conjoint de l’intéressé, ce qui suppose que l’un des conjoints se soit déjà marié. Notons que ce conjoint ne peut qu’invoquer l’empêchement pour bigamie. Les autres membres de la famille déjà évoqués ne peuvent qu’invoquer le défaut d’autorisation familiale, ce qui sous entend que cette autorisation était nécessaire : mineur, état de démence etc.

Ce droit peut aussi émaner du ministère public. Il peut s’opposer sans pré-saisie de l’officier d’état civil... Ce droit d’opposition est reconnu par la jurisprudence. Ainsi que par la loi Pasqua relative à l’immigration. Ce droit a été inséré à l’article 175-2. Le ministère public peut former une opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage. Il pourra s’opposer au mariage non seulement pour les cas de nullité absolue mais aussi depuis 2006, pour les cas de vice de consentement, tel qu’il ressort de la nouvelle rédaction de l’article 180 du code civil. Ce texte vise particulièrement l’hypothèse où l’intention conjugale fait défaut.
Opposition formée par acte d’huissier et doit mentionner, à peine de nullité, la qualité de l’opposant et le texte qui fonde l’opposition. L’opposition dresse un obstacle, temporaire, à la célébration du mariage. Elle va cesser de produire effet, soit en raison de la mainlevée, soit en raison de sa péremption, après un délai d’un an. Mais quand cette opposition émane du ministère public, il faudra nécessairement une décision judiciaire pour la faire cesser.

La mainlevée est un retrait de l’opposition, qui peut être judiciaire (cf. ci-dessus), ou volontaire : l’auteur décide de revenir sur cette opposition. Mais le plus souvent l’opposition est judiciaire, les conjoints vont demander la mainlevée au TGI, qui doit statuer sous dix jours et décider ou non de la mainlevée de l’opposition.

§2 – La nullité du mariage

Nous abordons les sanctions qui vont venir sanctionner les conditions de formation du mariage. La nullité d’un acte a toujours cet effet de sanctionner la formation de l’acte. Le divorce concerne le mariage, et non sa formation. La nullité entraîne la disparition rétroactive du mariage.

En ce qui concerne ces conditions de formation, elles ne sont pas toutes des conditions de validité du mariage. Ce qui signifie qu’un mariage pourra être considéré comme valable, alors même que certaines conditions ne sont pas réunies. Ces conditions de formation qui ne sont pas des conditions de validité sont appelées des empêchements à mariage, qualifiés d’empêchements prohibitifs. Ils vont s’opposer aux empêchements dirimants, conditions de validité du mariage.

Les empêchements prohibitifs vont permettre de faire obstacle à la célébration du mariage, s’ils sont révélés avant sa célébration. Ils suffisent à y faire obstacle. L’officier d’état civil devra alors ne pas procéder à la célébration du mariage, mais si le mariage était quand même célébré, il serait valable.

*Il s'agit du défaut de publication préalable, du défaut de présentation du certificat prénuptial (dans le cas d’un mariage in extremis cela est par exemple presque facultatif, l’un des époux étant mourant).
Les empêchements dirimants vont conduire à la nullité du mariage s’ils ne sont pas observés. Si le mariage est célébré alors qu’une des conditions de validité fait défaut, le mariage est nul.

Il faut distinguer entre causes de nullité absolue et causes de nullité relative. Cela est tiré du droit commun des contrats, mais le régime des nullités va être un tant soit peu adapté pour le droit du mariage.
De 1995 à 2004, le nombre des procédures en annulation a un petit peu augmenté. En 2004, 734 mariages ont été annulés ; 265 demandes ont été rejetées. Six affaires sur dix sont fondées sur l’absence de consentement.

A – Le prononcé de la nullité

1 – Les cas de nullité

La différence est une différence de conception. Les deux nullités ne sont pas hiérarchiquement ordonnées : aucune n’est plus « grave » que l’autre.

- Les nullités absolues visent à protéger l’intérêt général. Les cas sont prévus à l’article 184, qui renvoie aux différents articles qui prévoient ces conditions de formation : articles 144, 146, 147, 161, 162 et 163. Il s'agit du défaut total de consentement (mariage contracté sous l’empire d’un état de démence, d’un mariage simulé etc. Hypothèses visées à l’article 146). Il s'agit de l’empêchement de puberté : mariage d’une personne n’ayant pas atteint l’âge pour se marier ; de la bigamie (article 147) ; de l’inceste (aux articles 161 S.), qui est la prohibition résultant d’un lien de parenté ou d’alliance, la nullité absolue sera envisageable, quand bien même elle serait susceptible de dispense (dans le cas où elle n’aurait pas été accordée).

L’incompétence de l’officier d’état civil est aussi une cause de nullité absolue, c'est-à-dire dans le cas où le mariage serait prononcé dans une commune où aucun des époux n’avait sa résidence. Cette nullité est absolue, mais facultative, ce qui signifie qu’elle est laissée à l’appréciation des juges (si aucune volonté de fraude : c’est bon.) Cela résulte de la jurisprudence des « mariages de Montrouge », la Cour de Cassation avait refusé en août 1883 d’annuler des mariages célébrés par un officier d’état civil territorialement incompétent.
La clandestinité du mariage : absence de publicité du mariage, qui, la plupart du temps, est considérée comme un empêchement prohibitif : amende pour l’officier, pas d’annulation. Cependant, dans certaines hypothèses le juge pourra décider de sanctionner le mariage de nullité. C’est donc là encore une nullité absolue facultative, la décision étant laissée à la libre interprétation du juge. Cela n’a pas trait à l’absence de publication. Il s'agit d’un mariage célébré en absence de témoins, la mairie étant fermée au public, ou le mariage étant célébré dans un lieu privé.

Enfin, on peut citer l’empêchement d’identité de sexe des époux, qui n’est pas prévu par la loi. Lorsque les époux étaient de sexe identique, certains auteurs parlaient d’inexistence du mariage. La jurisprudence a préféré voir dans cette situation une cause de nullité absolue, et non une cause d’inexistence. L’arrêt du mariage homosexuel de Bègles a consacré cela : la CA de Bordeaux avait envisagé l’inexistence, tandis que la Cour de Cassation était venue prononcer la nullité absolue du mariage.

- Les nullités relatives protègent les intérêts particuliers. Elles sont fondées sur le vice de consentement d’un époux, c'est-à-dire l’erreur ou la violence, visées à l’article 180 du code civil. Il s'agit aussi du défaut d’autorisation lorsqu’elle était requise. Il s'agit ici du mariage des mineurs (on ne parle pas ici de l’empêchement de puberté) et des incapables majeurs.

2 – La mise en œuvre de la nullité

Articles 180 à 183 pour la nullité relative. 180 et 181 pour les vices de consentements, 182 et 183 pour l’autorisation des parents. Les articles 184 S. concernent les nullités absolues.

a) Les personnes pouvant agir en nullité

Dans les hypothèses de nullité relative les titulaires de l’action, selon la règle générale, sont les personnes que la loi cherchait à protéger. En cas du vice du consentement, l’action ne devrait être intentée que par l’époux dont le consentement a été vicié, mais la nouvelle rédaction de l’article 180 du code civil issue de la loi du 4 avril 2006 prévoit que l’action en nullité peut aussi être intentée par le ministère public. On voit apparaître une notion d’ordre public matrimonial puisque le mariage est protégé de plus en plus par le ministère public. Lorsque le mariage d’un incapable a été célébré sans autorisation requise, l’action en nullité peut être intentée ou bien par les personnes dont l’autorisation était requise, ou bien par l’époux incapable lui-même (article 182 C. civil).

Dans les cas de nullité absolue, puisqu’elle répond à la protection de l’intérêt général, il résulte que tout intéressé pourra agir en nullité. On distingue deux catégories de personnes :
- Ceux qui peuvent l’invoquer pour leur simple qualité (ascendants) : la simple qualité de parent peut permettre cela. Ces personnes n’auront pas à justifier d’un intérêt particulier.
- Personnes titulaires d’un intérêt né et actuel pour agir (intérêt pécuniaire essentiellement). Collatéraux, enfants, premier mariage etc. Le ministère public pourra agir pour défendre l’intérêt social, mais ne pourra agir que du vivant des époux, et uniquement en cas de menace de l’ordre social. Si ce mariage a vécu et n’a jamais été sanctionné, avant de se finir par un divorce, on considérera que l’atteinte à l’ordre public aura cessé, et le ministère public n’aura plus intérêt à agir.

b) Les moyens d’éviter la nullité

En droit commun, on dit que les nullités absolues se prescrivent par trente ans, contre cinq pour les nullités relatives. Il y a des moyens de rendre le mariage inattaquable. Cela peut venir de délai, ou des cas de confirmation de nullité : certains éléments vont venir couvrir la nullité constatée.

- En ce qui concerne les nullités relatives, la demande fondée sur un vice de consentement, avant 2006, s’éteignait par six mois de cohabitation continue, à partir du moment où l’époux dont le consentement avait été vicié avait recouvré sa liberté (découvert l’erreur, ou n’était plus sous l’emprise de la violence.) Cette cohabitation s’analysait en une confirmation tacite du mariage. La loi de 2006 a modifié les articles 180 et 181. Cet article 181 a donc été modifié : allongement du délai d’action qui passe à cinq ans, et la condition de cohabitation a été supprimée. Qu’il y ait eu cohabitation ou non, l’époux dont le consentement a été vicié pourra agir durant cinq ans, à compter de la découverte du vice.

S’agissant d’un défaut de consentement des parents pour les mineurs, la loi du 4 avril 2006 a également modifié le texte, celui de l’article 183 du code civil, les parents peuvent agir durant cinq ans, et ce délai court à compter du jour où ils ont eu connaissance du mariage de l’enfant, sans leur autorisation. On a également modifié ce texte, avant on considérait que les parents ne pouvaient plus agir s’ils avaient accepté tacitement le mariage (accueil dans leur domicile), cela a été supprimé.

- S’agissant des cas de nullité absolue, la loi n’a pas évolué. En ce qui concerne l’obligation de puberté, elle ne peut plus être évoquée lorsque six mois se sont écoulés depuis le jour où l’impubère a atteint l’âge requis. Même chose lorsque la femme qui a contracté mariage est enceinte : la cause de puberté disparaît du fait d’avoir 18 ans et six mois, et du fait d’être enceinte. Les nullités pour vice de forme ne peuvent plus être invoquées par les époux s’ils vivent notoirement comme mari et femme : possession d’état de mari et de femme.
NB : on parle du prononcé de la nullité, et non de la prononciation de la nullité.

B – Les effets de la nullité

L’annulation d’un acte juridique, qui sanctionne une condition dans sa formation, produit un effet rétroactif. Cela signifie que le mariage est réputé n’avoir jamais existé. On va donc en principe remettre les époux dans l’état dans lequel ils se trouvaient avant d’être mariés. Cela est une énorme différence avec le divorce. La rétroactivité peut avoir des effets relativement importants, la loi a donc introduit des tempéraments à cette rétroactivité.

1 – Le principe de l’effet rétroactif

En droit, le mariage est censé n’avoir jamais existé : anéantissement des effets personnels et patrimoniaux du mariage. La femme ne pourra plus porter le nom du mari, la nationalité française acquise par le mariage est perdue, les empêchements au mariage, entre alliés notamment, vont disparaître. L’annulation va permettre aux gens de coucher avec leur ancienne belle sœur. Les effets successoraux vont disparaître. Il peut s’être écoulé un certain nombre d’années, se pose alors le problème de la dissolution des relations pécuniaires entre époux. Cela va se faire comme en matière de concubinage sur la base du mécanisme de la société de fait, ou celui de l’enrichissement sans cause (action de in rem verso.) Les donations doivent être restituées. C’est pourquoi des tempéraments à cette nullité ont été admis.

2 – Les tempéraments au principe de rétroactivité de la nullité

En pratique les effets de la nullité vont souvent être assez proches à ceux du divorce. On utilise ici l’institution du mariage putatif, institution ancienne qui permet, lorsque son bénéfice est accordé aux époux, de tempérer, voire de supprimer, les effets rétroactifs de la nullité. Cette règle s’applique systématiquement aux enfants issus du mariage des parents, la nullité les concernant n’étant jamais rétroactive (cas des enfants naturels, qu’il fallait légitimer, plus d’intérêt depuis 2005).

a) Le mariage putatif

Le mariage putatif est nul, mais la loi va le considérer comme ayant été valide, et la nullité ne vaudra que pour l’avenir. Cela s’est fait dans les hypothèses où les époux croyaient que leur mariage était valable. La nullité sera prononcée pour l’avenir. Il faut réunir certaines conditions.
L’article 201 du code civil exprime les conditions de la putativité, sachant que tout mariage nul peut être putatif (on parle de bénéfice de la putativité), il faut un minimum de célébration du mariage (apparence de mariage pour bénéficier de cela), afin d’éviter que de simples concubins puissent bénéficier de la putativité et de certains intérêts qui en sont tirés. Il faut que les époux soient de bonne foi : ignorance de l’un des époux de l’inobservation de la condition de validité du mariage. Les juges sont relativement indulgents en ce qui concerne cette condition de bonne foi, ils appliquent la règle du droit commun en matière de preuve de la bonne foi : elle est présumée, c’est donc à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver. On se rencontre que le bénéfice de ce mariage est souvent accordé, notamment car il suffit qu’un seul des époux soit de bonne foi. Notons que le bénéfice du mariage est accordé au seul époux de bonne foi. Si les deux époux sont de bonne foi : comme un divorce. Si cela ne concerne qu’un seul des époux au moment de la célébration du mariage : effet unilatéral de la putativité. L’époux de mauvaise foi pourra être condamné sur le terrain de l’article 1382 C. civil à verser des dommages-intérêts à son conjoint de bonne foi, il devra rendre ce qui lui aura été donné. Pour celui de bonne foi, il récupérera les avantages, on lui laissera le choix : liquidation des intérêts matrimoniaux en vertu du mécanisme de la société de fait, ou, si ce n’est pas dans son intérêt, selon les règles du régime matrimonial.

b) La situation des enfants issus du mariage nul

Le mariage nul produit des effets à l’égard des enfants, même si aucun des époux n’était de bonne foi au moment de la formation du mariage.
L’article 202 du code civil dispose que le mariage nul produit des effets à l’égard des enfants. Cette règle présentait surtout un intérêt lorsqu’il existait une distinction entre enfants légitimes et enfants naturels. Si on avait maintenu la rétroactivité de l’annulation à l’égard des enfants, ceux-ci auraient été considérés comme naturels et non légitimes. L’article 202 a voulu tempérer les effets de la rétroactivité afin de permettre qu’à l’égard des enfants ledit mariage soit toujours considéré comme putatif, c'est-à-dire nul pour l’avenir. Avant 1993 le père non marié ne bénéficiait pas de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Du fait de l’alignement du statut des enfants naturels et légitimes l’intérêt de cet article a presque disparu.

c) L’octroi éventuel d’une prestation compensatoire

La prestation compensatoire est une institution propre au divorce, c’est une prestation destinée à compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des ex-époux.
Un arrêt de la Cour de Cassation en date du 23 octobre 1990 a utilisé un raisonnement par analogie tiré du divorce, et a admis la possibilité d’une prestation compensatoire dans l’hypothèse d’annulation du mariage, sans pour autant qu’ait été accordé le bénéfice du mariage putatif. Puisque le mariage est annulé, l’annulation est rétroactive, et le mariage n’est pas censé produire des effets : les époux doivent être remis dans leur situation d’origine. Cependant la vie commune a pu intervenir après plusieurs années de vie commune, il semble donc logique qu’on puisse accorder une telle prestation. Ce tempérament est incertain dans la mesure où l’on ne sait pas s’il faut prendre en compte la condition de bonne foi ou non. Dans l’affaire de 1990 les deux époux étaient de bonne foi, cette compensation doit-elle donc être octroyée en cas de bonne foi ? Il semble que oui.

suite sur:http://www.cours-univ.fr/cours/licence/droit/licence-droit-droit-famille-4.html



26/11/2013
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