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ÉDITORIAL du 12/02/2010 2010 sera-t-elle l’année qui verra la disparition du Défenseur des enfants ?

 

 

 

Dominique Versini, Défenseure des enfants

Crédit photo : ministère sante-solidarité/SICOM/Vincent Blocquaux

ÉDITORIAL du 12/02/2010

2010 sera-t-elle l’année qui verra la disparition du Défenseur des enfants ?

Un projet de loi relatif au Défenseur des droits a été déposé au Sénat le 9 septembre 2009 par le Gouvernement - sans aucune audition de notre institution - en vue d’abroger la loi du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants et de diluer ses missions dans un Défenseur des droits, institution généraliste englobant plusieurs institutions.

 

Lorsque le Parlement a créé en 2000 par un vote à l’unanimité un Défenseur des enfants doté d’un statut indépendant des pouvoirs publics et du politique, c’était à la suite d’un rapport parlementaire constatant que les engagements pris lors de la ratification de la Convention Internationale des droits de l’enfant étaient loin d’être concrétisés en France. Depuis, Claire Brisset, la première Défenseure des enfants et moi-même avons largement œuvré en ce sens en faisant de nombreuses propositions de modifications de textes législatifs et règlementaires, de pratiques professionnelles mais aussi de politiques publiques concernant les enfants et adolescents.

Le dernier rapport du Comité des droits de l’enfant de juin 2009 a reconnu le chemin parcouru par la France en dix ans, notamment dans le champ de la protection de l’enfance et du handicap. Mais il a mis l’accent sur certaines évolutions contraires à l’esprit de la Convention internationale, notamment en matière de justice des mineurs ou de traitement des mineurs étrangers isolés. Il a également souligné l’urgence de régler la question du mal-logement et de la pauvreté des enfants : 2 millions d’entre eux sont pauvres, 600 000 souffrent du mal-logement, 130 000 sortent chaque année du système scolaire sans diplôme.

A l’aune de ces chiffres, qui peut affirmer que la France peut se passer d’une institution spécialisée dans la défense et la promotion des droits fondamentaux des enfants ?

Le Comité des droits de l’enfant a également demandé à la France de renforcer le Défenseur des enfants dans sa mission de promotion des droits de l’enfant, menée actuellement grâce à notre réseau de Correspondants territoriaux bénévoles répartis sur tout le territoire et à nos « jeunes ambassadeurs » qui effectuent leur service civil volontaire auprès de nous et réalisent des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires de 12 départements volontaires. Plus de 69.000 enfants ont déjà été rencontrés, des kits pédagogiques ont été diffusés, une grande consultation nationale « Parole aux jeunes » a été réalisée... Il importe de poursuivre cette mission essentielle d’information auprès des enfants et des professionnels de l’enfance en multipliant les partenariats avec les Conseils généraux et l’Education nationale.

Parallèlement, le Défenseur des enfants a un rôle permanent de Médiateur pour des enfants qui se trouvent au cœur de conflits familiaux intenses faisant l’objet de décisions administratives ou judiciaires douloureuses (près de 50% des réclamations individuelles). De même, nous sommes saisis de situations concernant des enfants étrangers isolés ou en famille (15% des réclamations).

A l’égard des familles comme des institutions publiques et judiciaires, le Défenseur des enfants doit rester identifié comme un médiateur indépendant, neutre et impartial afin de pouvoir faire émerger l’intérêt supérieur de l’enfant et de faire respecter leur droit fondamentaux.

Depuis ma nomination en juin 2006 comme Défenseure des enfants, je mesure chaque jour la force symbolique de cette fonction et de l’indépendance qui lui a été conférée par le Parlement. Environ 20 000 situations ont été traitées par nos équipes depuis la création de l’institution à partir de courriers ou de mails envoyés par des enfants, des parents, grands-parents mais aussi des professionnels de l’enfance.

Le Défenseur des enfants a trouvé en dix ans sa place de médiateur interinstitutionnel au milieu des autres institutions de la République. Sa dénomination permet la lisibilité et l’accessibilité immédiate pour les enfants et les adultes qui constatent une atteinte à un droit de l’enfant.

Le vote de ce projet de loi résonnerait comme un coup de tonnerre en Europe où 29 pays ont créé leurs Défenseurs des enfants réunis au sein d’un réseau européen (ENOC - European network of ombuspersons for children) dont j’assure la présidence et dont le bureau est basé à Strasbourg dans les locaux du Conseil de l’Europe.

Cela aurait sans aucun doute des répercussions bien au-delà de l’Europe et notamment dans certains pays de la francophonie qui commencent à mettre en place - sur notre modèle - des institutions spécialisées pour la défense des droits des enfants afin de faire évoluer leurs législations selon les préconisations du Comité des droits de l’enfant des Nations unies.

Alors que nous vivons dans un monde où des millions d’enfants sont les premières victimes de la misère, de conflits armés, de catastrophes naturelles et d’exploitation, quels arguments trouverons-nous pour expliquer ce recul de la France ?

Dominique Versini
Défenseure des enfants
Présidente du réseau européen des Défenseurs des enfants



01/02/2011
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