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Elena Kagan sur le gril du Congrès

 

La candidate à la Cour suprême a commencé lundi son examen de passage devant les sénateurs américains. 

De notre correspondante à Washington

Depuis des semaines, la vie d'Elena Kagan, candidate du président Obama au remplacement du juge John Paul Stevens à la Cour suprême, a été passée au crible dans des milliers d'articles de presse. Cette petite femme au physique trapu, aux cheveux courts et à la tête bien faite, est-elle trop libérale? Ou pas assez? Son absence d'expérience comme juge pourrait-elle être un handicap? N'a-t-elle pas passé trop de temps dans le monde académique, loin de la vie «réelle»? Son parcours méritocratique ne révèle-t-il pas une personnalité trop dans le moule pour l'univers de la Haute Cour, qui exige une vision large du droit nourrie d'une profonde expérience du monde? Même sa vie privée a été explorée, les journaux s'interrogeant sur de supposées orientations homosexuelles que cette célibataire de 50 ans a démenties…

Nombre de ces questions - et notamment celle de son «inexpérience» - devraient ressurgir, alors que la juriste a entamé lundi ses hearings devant le comité judiciaire du Sénat, où 19 sénateurs s'apprêtaient à la mettre sur le gril avant un vote en séance plénière, prévu fin juillet. «Son CV est l'un des plus légers jamais présentés», notait lundi le républicain d'Alabama Jeff Sessions. L'Administration Obama réplique qu'il est bon de recruter «à l'extérieur du monastère judiciaire», ce type de candidature ayant souvent donné les meilleurs magistrats. La confirmation d'un juge de la Cour suprême est un processus central de la vie politique, vu l'importance de l'institution, dont les 9 membres, nommés à vie, exercent une influence souvent bien supérieure à celle des présidents américains sur la vie de la cité. À en croire les observateurs, Elena Kagan, arrivée lundi au Congrès en tailleur gris, un large sourire aux lèvres, a toutes chances d'être confirmée, à moins d'une révélation spectaculaire. Le camp républicain n'a pas réussi à trouver l'argument susceptible de la déstabiliser.

La fin des Wasp

Si elle devait être nommée, ce serait la première fois depuis quarante ans qu'une personnalité sans expérience de magistrat accéderait au saint des saints de la Cour. Elle deviendrait la troisième femme de l'enceinte, au côté de Ruth Bader Ginsburg et de Sonia Sotomayor, toutes deux appartenant à l'aile libérale. Mais sa nomination ne changerait pas l'équilibre de l'institution, où siègent 5 juges conservateurs et 4 juges libéraux. Portant à trois le nombre de Juifs (contre 6 catholiques), l'arrivée de Kagan marquerait en revanche la fin de la présence des protestants dans une cour façonnée par les Wasp (White Anglo-Saxon Protestant) au cours des siècles.

Elena Kagan a une carrière impressionnante derrière elle. Diplômée de Princeton en 1981, elle est ensuite passée par la Law School de Harvard, avant d'entamer une carrière de professeur à Chicago, où elle a connu Barack Obama à l'époque où il enseignait dans la même faculté. Entre-temps, Kagan a eu le privilège d'être l'assistante du célèbre juge libéral de la Haute Cour Thurgood Marshall, un fait qui inquiète les républicains, soucieux du profil «trop politique» de la candidate. Il est vrai qu'entre 1995 et 2000, Kagan a été conseillère juridique de Bill Clinton à la Maison-Blanche, y planchant notamment sur les nouvelles régulations imposées à l'industrie du tabac. L'autre étape cruciale de son parcours a été son élection à la tête de la Harvard Law School en 2003, poste où elle a navigué habilement entre factions conservatrice et libérale.

Des vues centristes

Les sénateurs républicains ont bien l'intention de l'interroger sur sa décision, à l'époque, d'interdire le recrutement de militaires sur le campus de la Law School, au motif que l'armée interdisait l'accès aux homosexuels. Ils devraient aussi explorer sa capacité à se libérer de l'emprise de l'Administration Obama, qu'elle a représentée comme avocate du gouvernement auprès de la Cour suprême pendant dix-huit mois. À son poste, Kagan a cherché à limiter le rôle des corporations dans le financement des campagnes électorales, effort contré par la majorité conservatrice de la Cour suprême dans une décision fort controversée qui élargit au contraire le pouvoir des entreprises en politique.

Elena Kagan est essentiellement «un ingénieur social», animé par le désir d'influencer la politique publique, accuse le camp conservateur, qui craint ses vues libérales sur l'avortement ou le port d'armes. Mais ce jugement est contesté à gauche, où Elena Kagan est taxée de «centrisme». Comme cela avait été le cas avec le juge Sonia Sotomayor, l'an dernier, ce «défaut» pourrait jouer en sa faveur. Les républicains ne cachent pas qu'ils ont apprécié la position prudente de Kagan sur les droits des prisonniers de Guantanamo. Elle avait appelé la Cour suprême à ne pas se saisir de leurs cas.



23/07/2013
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