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FEMMES / HOMMES : LA VIOLENCE CONJUGALE ET LA LOI DU 9 JUILLET 2010

 

 

FEMMES / HOMMES : LA VIOLENCE CONJUGALE ET LA LOI DU 9 JUILLET 2010

 

« Rien ne se produit sans un mouvement initial » (Albert EINSTEIN).

 

INTRODUCTION

Il faut parfois du temps, de la patience et beaucoup de souffrance pour que les ténèbres de l’esprit, l’aveuglement instinctif, et les radicalités sourdes ou barbares de la violence laissent place aux lumières calmes et puissantes de la raison, à la civilité paisible, et au bel équilibre des forces de vie entre les êtres.

 Une Loi juste et forte a le pouvoir d’accélérer ce processus, d’éduquer et relever les consciences.

Ainsi les dispositions adoptées le 9 juillet 2010 dans le cadre de la loi n°2010 - 769 du 9 juillet 2010 « relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants » s’inscrit de plain pied dans la société de progrès qui est la nôtre, dans la belle aventure de l’égalité ou tout au moins de l’équilibre entre hommes et femmes.

Dans notre paysage de lois spéciales, a été instaurée une protection renforcée des victimes de violences conjugales en ménageant une notion extensive du couple : divorcé, pacsé ou de fait, y compris de ce qu’il en reste après sa rupture.

Le Juge aux Affaires Familiales voit ses prérogatives élargies puisqu’il peut adopter des mesures civiles et pénales, prendre une Ordonnance protection prescrivant des mesures en urgence dans le cadre de l’article 515-11 du Code Civil « s’il estime au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée ».

Les nouvelles dispositions garantissent plus efficacement l’éloignement du conjoint violent ou un relogement assorti de la confidentialité, des dispositions d’accueil pour les enfants, un accompagnement par des personnes qualifiées.

 La protection vise tout autant les violences physiques que psychologiques. Le harcèlement moral est désormais reconnu en matière conjugale.

 La nouvelle loi qui agit par capillarité dans de très nombreuses dispositions de notre droit civil et pénal concerne également l’éducation, l’habitation, le travail, tout autant que le séjour des étrangers et le droit d’asile.

 Ainsi peu importe la nationalité de la victime et son statut, certaines réserves traditionnelles du droit des étrangers ont disparu eu profit d’une protection accrue dés lors qu’elle demeure sur le territoire français, 

 Le législateur a tenu compte des pratiques et coutumes étrangères que les femmes peuvent subir en France et partout dans le monde : ainsi le dispositif vise à les protéger contre les mariages forcés et assouplit les démarches d’obtention d’un titre de séjour en cas de violences.

 Notre approche ne se veut ni didactique ni exhaustive - le lecteur averti pourra se reporter au texte – mais analytique en ce qui concerne tant le sujet qu’elle traite ( I ) que le rôle précieux de l’avocat dans cet édifice ( II ).

 

I/ HOMMES-FEMMES : L’EGALITÉ DES TEXTES ?

L’égalité est un sujet de fond et de forme qui n’en finit pas de tourmenter nos sociétés modernes.

Il s’agit d’une notion plus complexe qu’il n’y parait, une équation faussement simple à deux termes mais à plusieurs inconnues, dont la logique est fuyante et l’évidence trompeuse.

Privilégier l’égalité, parfois de manière expéditive et idéologiquement consensuelle, aboutit à des situations paradoxales de déséquilibre parce que les parties ne sont pas comparables, ayant des identités, des besoins et des spécificités bien distincts.

C’est la raison pour laquelle il nous semble qu’avant de s’enfermer dans des concepts qui risquent de devenir totalitaires parce que nul ne les a bien compris, il parait plus judicieux de raisonner en termes d’équilibre.

Il en va ainsi de la place de l’homme et de la femme : pour les faire vivre en sécurité entre eux malgré leurs antagonismes obscurs et intemporels, il convient de favoriser un équilibre et de protéger par priorité la partie affectée du plus faible coefficient force/ autonomie.

La nouvelle loi privilégie ostensiblement la protection des femmes ce qui pourrait être considéré comme un traitement de faveur mais chacun sait et ressent que les violences perpétrées contre elles depuis toujours, sont spécifiques tant en raison de leur sexe, vulnérable au sens réel et charnel du terme, que de leur faiblesse morphologique, de leur condition culturelle et économique partout dans le monde y compris en France.

Chacun garde à l’esprit les drames de la passion, Marie Trintignant victime d’un trop plein d’amour ou de folie, de la jalousie ou de l’emprise aveugles, de l’égarement des corps et des esprits.

Existe aussi la violence brute, dépourvue d’amour, seul exutoire d’une haine incontrôlée contre les femmes, tout simplement.

Le temps était venu d’octroyer à ces victimes faciles, une part de justice en plus.

Organiser le sauvetage, dresser des remparts, faciliter la fuite.

Pour la mieux protéger, il fallait donc désigner expressément la femme en tant que telle, dans le titre et dans le texte, la nommer enfin, cette victime originelle de la culture et de la nature, ce bouc émissaire de l’impuissance phallique qui renvoie l’homme aux terreurs archaïques de l’altérité, de l’incomplétude et de la castration (1)

Lui consacrer le droit à être faible et pointer le curseur là où cela fait mal depuis tant d’années, depuis la nuit des temps.

  

A- LE CURSEUR SEMANTIQUE – L’INEGALITE textuelle au service d’UN EQUILIBRE DU socle symbolique

La question des violences dans le couple et surtout celles qui s’exercent contre les femmes conduit à quitter l’angélisme de la notion d’ égalité sous prétexte que certains acquis et de nombreux droits ont vu le jour depuis une soixantaine d’années.

Président encore à l’indigence de certains rapports de couple, des facteurs sociologiques et économiques ; aussi, et surtout, des déséquilibres intrinsèques et profonds, des situations de faiblesse psychique ou encore de peurs trop souvent liées à des conditionnements ancestraux dont l’homme le plus moderne et tout autant la femme, ont du mal à s’extraire (2)

Penser le contraire serait faire œuvre de déni. Or le diable est dans le déni.

Les avocats, travaillent pour renverser ce diable, l’extraire des réalités cachées, des apparences lisses et des détresses muettes.

La nouvelle loi prend intelligemment en compte ces aspects en alliant ce qui fait le socle de toute construction humaine : la dimension symbolique du langage ( a ) et la consécration de l’incontestable vulnérabilité des femmes ( b ).

-a-les violences « faites spécifiquement aux femmes » : les mots pour le dire

Monsieur François FILLON, a consacré les violences faites aux femmes « grande cause nationale » pour l’année 2010.  

Un rapport d’information préalable intitulé « violences faites aux femmes : mettre enfin un terme à l’inacceptable » a permis aux parlementaires une prise en compte de la réalité notamment d’un point de vue sociologique et statistique (3).

La loi n°2010 - 769 du 9 juillet 2010 prévoit un champ d’application plus large puisqu’elle étend ses dispositions au couple.

La question des violences faites spécifiquement aux femmes apparait néanmoins prioritaire.

Cette prise de conscience est une des bannières du monde moderne, le bastion avancé du respect humain au même titre que le développement des conditions de salubrité sanitaire ou celles du progrès social.

L’ensemble de droits qu’une société accorde aux femmes constitue une jauge très fiable pour établir son niveau de civilisation ou de barbarie.

Il est aisé de constater que les peuples et les nations qui bafouent les Droit de l’Homme tiennent encore moins compte de ceux de la Femme, l’emprisonnent chaque jour dans les catacombes d’une morale asphyxiante, la cagoulent de linceuls noirs signant leur vertu et leur misère, quand il ne s’agit pas de mutilation nécessaire au bon plaisir ou au bon ordre de la société.

Ici nous vivons du bon côté du monde : un monde civilisé qui ne demande qu’à penser, évoluer, s’illuminer de justice, n’en déplaise à bon nombre d’intellectuels occidentaux cyniques et défaitistes.

C’est donc au trébuchet de l’esprit du temps qu’il fallait soupeser les équilibres en présence et accepter d’instaurer un régime spécial pour des victimes spécifiques : il fallait désormais pointer les genres, dire avec les mots « femmes », « violence » que le plus souvent des deux, la victime désignée au sacrifice est une femme et pas un homme.

Comment le faire autrement ? L’être humain est fait de son langage lequel s’insinue dans le tissage des consciences et se fonde dans la trame du verbe (4) (5).

On gagne certains combats en nommant de manière juste et sans artifice.

La guerre des mots est une guerre de basse intensité, sensible, infiltrante ,irradiante et très efficace car elle s’inscrit durablement dans les générations et les schémas tournés vers l’avenir.

Les mots fécondent les idées, sculptent la pensée tandis que celle-ci voyage dans l’air du temps, chasse et balaie les vieux schémas d’un monde ancien.

Jamais le pouvoir du signifiant (6) n’aura été aussi indiscutable qu’aujourd’hui.

INTERNET est le royaume absolu des mots-clé. Ceux-ci, soigneusement choisis, créent, consacrent, hissent au premier plan, érigent, et valident mieux qu’à toute autre époque l’introduction biblique : « au début était le verbe » (Genèse, Chapitre I Berechit ).

Femme, loi, violence …un clic pour changer de destin.

-b- Le corps et sa loi : l’incontestable vulnérabilité des femmes.

La nouvelle loi prévoit un arsenal de protection très complet qui confère au Juge aux Affaires Familiales des prérogatives étendues, puisque sans subordonner ses mesures au dépôt de plainte pénale de la victime, il peut, en urgence, imposer l’éviction du conjoint violent dès lors « qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée » 

L’on ne peut renvoyer dos à dos les victimes de tous sexes, de toute corpulence et de toutes cultures, il existe des violences qui touchent particulièrement les femmes.

Parce dans le monde et y compris en France et dans certains cas, avec l’importation de coutumes peu amènes, ce sont bien elles qui subissent des crimes d’honneur, des expéditions punitives mutilantes, des viols perpétrés par un partenaire actuel ou passé, un mariage forcé.

Notamment l’article 33 de la nouvelle loi réprime les situations de violences commises en vue de contraindre une personne à contracter un mariage ou en raison de son refus de se soumettre à mariage et applique la loi pénale française, même lorsque ces faits sont commis à l’étranger à l’encontre d’une personne résidant habituellement sur le territoire français

La protection des étrangers [entendre : étrangères] est prévue par la délivrance d’une carte de séjour y compris aux personnes en situation irrégulière (CESEDA, article L316-3 et L 316) ce qui constitue une véritable loi de sauvetage.

Désormais, la présomption de consentement à l’acte sexuel s’efface dans le cadre du mariage (Code Pénal, article 222-22).

Les femmes vivent encore et toujours dans un monde plus dangereux pour elles qu’il ne l’est pour les hommes. Cela ne se vérifie pas que dans l’obscurité sordide des rues mal famées.

Le décor domestique est le théâtre des drames où le plus fort l’emporte sur la plus faible sans aucune difficulté : la victime est sous la main, dans le salon ou dans la chambre à coucher. Elle s’est habituée petit à petit à l’inacceptable, ouvrant chaque jour le champ des compromissions.

Parce que la différence de force musculaire entre les deux sexes peut atteindre jusqu’à 50%, en raison de la sécrétion de testostérone (7).

Parce que du point de vue économique, elles demeurent plus fragiles et plus dépendantes : souvent moins qualifiée en raison de la maternité du travail à temps partiel et des conditionnements sociologiques persistants, elles perçoivent 27 % de salaire en moins que les hommes (8). 

Lors d’une conférence-débat organisé par Amnesty International en date du 16 juin 2010-, madame Élisabeth BADINTER a estimé que le ratio de 10 % de femmes victimes de violences au sein de leur couple serait sur-évaluée en raison de l’inadéquation de certains paramètres statistiques. 

Pour autant, une femme décède tous les deux jours et demi victime de son compagnon ou ex-compagnon. [Voir le rapport d’information préalable à la loi, dressé en juillet 2009, intitulé « violences faites aux femmes : mettre enfin un terme à l’inacceptable »].

Les violences conjugales expliqueraient 20 % des homicides commis en France : 157 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint en 2008.

  

-c- Une œuvre a long terme : l’éducation des consciences.

Le respect des organismes faibles n’est pas une disposition naturelle au monde vivant.

Pourtant il a été vérifié que les mutations et les paliers d’évolution destinés à favoriser une adaptation à l’écosystème sont facilités par l’organisation d’une forme de solidarité entre les organismes biologiques d’une même espèce.

Une société évoluée favorise l’aide aux démunis. Si les femmes apparaissent moins armées face à une prédation sociale ou sexuelle, la loi a un effet de catalyse sur les mentalités.

Le développement du droit social, l’abolition de la peine de mort, la protection de l’enfance, les droits de l’homme en ont été des illustrations marquées du vingtième siècle.

Les nouvelles dispositions n’ont pas pour simple vocation de protéger ou sanctionner : la prévention se fera par une éducation et un regard quelque peu différent sur les femmes.

« La journée de la femme » du 8 mars était une première étape.

L’article 24 de la Loi instaure une journée du 25 novembre consacrée nationalement à la sensibilisation aux violences qui leur sont faites.

Autre exemple qui démontre que nulle protection ne pourra se mettre en place sans l’appui du langage et l’exacte dénomination des choses.

De même l’article 27 introduit une modification de la loi du 30 septembre 1986 en ce qu’elle remplace le terme « association familiale » par « association de défense des droits des femmes ».  

L’article 28 de la loi modifiant la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique en faisant remplacer après le mot « violences » sont insérés les mots « notamment l’incitation aux violences faites aux femmes ».

L’article 29 prévoit qu’un rapport sera remis par le gouvernement sur la création d’un Observatoire National des violences faites aux femmes et il sera présenté au parlement avant le 31 décembre 2010.

B/ – LA FIN DES TABOUS : LE CŒUR -ET LE CORPS- DES HOMMES

La loi du 9 juillet 2010 concerne la violence « au sein des couples » car les hommes peuvent subir une maltraitance physique ou psychologique réelle, quotidienne, souvent invisible ou si peu visible parce que la société ferme les yeux- au fond que risquent- ils ? Nul ne craint le pire.

Prévoir une protection générale au sein du couple même si la victime n’est pas une femme, ne constitue pas un artifice du législateur.

Le triptyque protection- prévention-répression – fondant respectivement les chapitres I, II et III de la loi- ne s’appliquera pas nécessairement de la même manière mais la nécessité de prendre en considération la partie réputée forte ne relève ni d’une vue de l’esprit ni d’une démagogie dérisoire.

Il s’agit d’accompagner une réalité mal connue.

Les statistiques le démontrent.

-a- les faits

Selon le magazine LA CROIX (LA CROIX le 22 aout 2010), 27 hommes sont décédés en 2008 des suites de la maltraitance physique perpétrées par leur compagne, soit un décès tous les 13 jours.

Même si la proportion hommes-femmes victimes est de 1 à 5,8 ( 27 hommes contre 157 femmes), le nouveau dispositif se justifie pleinement.

Les enquêtes menées en 2008 par l’Observatoire National de la Délinquance démontrent que 110 000 hommes seraient victimes chaque année de violences physiques ou psychologiques de la part de leur partenaire femme et que ce phénomène aurait tendance à s’accroître avec l’âge. LE FIGARO 26 août 2010

Ces statistiques mêlent les violences physiques et psychologiques. Si l’on isole les seules maltraitances psychologiques les chiffres se rapprochent : selon FRANCE SOIR, dans une enquête sur le sujet, 8 à 10 % d’hommes seraient victimes de violences conjugales

Une étude québécoise pointe les mêmes statistiques et indique que 8 % des femmes ont subi des violences conjugales contre … 7 % des hommes

Ainsi les hommes auraient moins besoin d’être protégés d’une forme d’atteinte spécifique à leur identité sexuelle ou culturelle qu’en en leur simple qualité de partenaire d’une femme déséquilibrée, dure, ou en manque de repères.

La violence au féminin existe. C’est aussi une violence folle, tyrannique, souvent fondée sur une victimisation paranoïaque dont le conjoint situé à la mauvaise place, paie le tribut avec une forme de résignation qui ne laisse pas d’étonner.

Quelle dette illimitée serait- il en charge de régler ?

Que dire de l’impérium des femmes sur leur foyer, de cette nostalgie pour une toute-puissance naguère exercée sur les petits, maintenue sans désemparer, à l’âge de la maturité sur le conjoint.

Toujours enivrées de leur pouvoir fétiche de vie et de mort du temps où elles menaient leur famille tambour battant, elles entretiennent en l’autre l’illusion de sa totale dépendance.

Que dire de la dictature domestique qui infantilise ou même réifie ce conjoint débonnaire, lequel, par détestation du conflit ou crainte de déplaire-ou crainte tout court- alimente le système pervers de sa soumission à l’idole indéboulonnable, la Femme, la Mère, sacrée ou déifiée par les archétypes universels (9).

Que dire de tous petits garçons, ces êtres perdus et murés dans de grands corps d’hommes, sommés d’accepter comme une évidence un certain sadisme quotidien parce qu’ils n’en ont pas terminé avec un attachement insécure, un holding distant (10), une cruauté plus lointaine, celle qui empruntait jadis les alibis naturels de ces mains maternantes disposant sans limite ni contre-pouvoir de la puissance absolue d’intrusion, de sanctions.

L’acceptation jour après jour de la maltraitance fait reculer les défenses et les limites psychiques. L’inacceptable surgit par un chemin contours indéfinis en en temps réel et qui ne se distingue qu’à postériori lorsqu’on l’a quitté pour de bon.

Hommes meurtris bafoué humiliés ; victimes consentantes dont on ne sait quelle histoire ancienne avec cette femme omnipotente qui leur fut donnée pour mère…ou tout simplement froide, distante, étrangère à cet enfant et à elle-même.

La grande détresse humaine aussi déchirante qu’invisible est de devoir accepter n’importe quelle situation d’iniquité pour échapper à l’angoisse du vide et de la solitude. Tout sauf l’indifférence…Y compris la maltraitance.

-b- Tu seras un homme mon fils

N’a-t-on pas toujours inculqué aux petits garçons la vertu de retenir les larmes ? Ne sont ils encore conditionnées pour être plus durs au mal que les filles, plus résistant aux coups dans la cour de récréation, moins passifs, moins sensibles ?

LA CROIX du 7 mai 2003 :

« Quand on interroge les parents sur la façon dont ils élèvent les filles et les garçons, ils disent souvent « on ne fait pas de différence », mais les stéréotypes de sexe sont encore très vivaces.

La force des stéréotypes éducatifs a été mise en évidence par des tests effectués aux Etats-Unis.

Quand on présente un bébé, habillé de façon indifférenciée, à un groupe d’adultes comme étant un garçon, il est qualifié de « grand, fort, etc. »

Le même bébé, présenté comme étant une fille, sera affublé de qualificatifs opposés : « petite, jolie, fine, douce ».

Quand on leur présente un vidéo d’un bébé qui pleure et qu’on leur demande pourquoi, la plupart répondent « parce qu’il est en colère » si on leur dit qu’il s’agit d’un garçon.

Mais si on leur dit qu’il s’agit d’une fille, ils répondent « parce qu’elle a peur ».

Il est difficile d’échapper à « ce phénomène d’étiquetage » comme l’appelle la psychologue américaine Zella LURIA.

« Chez les filles, on valorise le relationnel, les temps d’échange, les sourires, les jeux verbaux – les vocalisations pour les bébés.

Avec les garçons, on s’investit davantage dans les activités physiques, les jeux brutaux et on accepte mieux qu’ils soient turbulents ».

 1-      Parents de filles, parents de garçons : les élève-t-on de la même façon ? Edition MILAN

2-      Filles et garçons, êtes-vous si différents ? édition de la MARTINIERE JEUNESSE.

 

-c- de la dictature culturelle à la double infamie 

Les hommes battus ne sont que 5% à pouvoir témoigner- contre 8%- en ce qui concerne les femmes.

Une femme qui porte plainte pour violences bénéficie d’une crédibilité forte et son action n’engendre pas ipso facto de déficit narcissique tandis qu’un homme malmené perd sa dignité sociale, ne jouit pas nécessairement d’une plus- value compassionnelle : il encourt même un scepticisme narquois de l’officier de police qui le recevra.

Ainsi le voilà nié dans son statut de victime, ce qui constitue un préjudice peu acceptable.

Les hommes maltraités subissent donc une double infamie : silence et humiliation.

Les lieux de parole réservés aux femmes n’accueillent pas les hommes et ceux-ci ne peuvent que se tourner vers l’association «  SOS hommes battus » qui fonctionne à guichet unique.

La violence subie est au départ psychologique : harcèlement, humiliations et isolement.  

La brutalité physique apparait plusieurs années après.

Une femme qui frappe son compagnon non violent peut parier sur le fait qu’il ne ripostera pas par crainte de sa propre force ou des représailles judiciaires.

En règle générale, les femmes ne font pas l’objet d’une garde-à-vue et sont rarement condamnées dans les cas peu probable d’une comparution correctionnelle.

En tant que femme, en tant qu’avocat, suis-je moins sensible à la souffrance des hommes au prétexte qu’ils ont été incontestablement par le passé, les savants organisateurs de l’oppression des femmes ?

La réponse est non.

Car je préfère un monde où chacun sauve la face, son sexe, son corps.

Un monde sans humiliation. Un monde juste où les êtres vivent en paix dans l’intimité de leur histoire parfois douloureuse et de leurs conditionnements à affronter.

Un monde où les hommes préservent cette dignité dont ils ont tant besoin pour asseoir leur virilité, et osons le dire, le sens encore vivace du devoir de sécurité et de protection envers leur famille.

Ces schèmes n’ont pas disparu parce qu’ils relèvent fondamentalement de l’espèce et de l’identité : notre culture latine ne les a pas encore abrogés.

En tant qu’avocat, je veux être et je suis, au-delà du temps, des mœurs et des tabous, un lieu, un espace où s’exprime la honte, l’indicible, l’innommable, la parole maudite.

Un monde plus juste sait que la force ou la faiblesse ne sont pas nécessairement où l’on pense les trouver, que la vérité n’est pas dans les apparences. Elle ne se prouve pas plus dans les armes que dans la complainte ou les larmes.

Avocats nous possédons cette richesse de savoir contempler notre prochain de l’autre côté du miroir et le suivre avec compassion vers ces territoires perdus où nul n’aurait n’oserait s’aventurer.

 

-d- Le statut de demandeur : perversions et autres marchés de dupes 

Le texte, dans un souci de simplification peu opportun à notre sens, semble poser que « la partie demanderesse » est, ipso facto, la victime. 

Ne s’agit il pas d’un avantage judiciaire accordé à la partie la plus diligente ?

Aux termes de l’article 515-11 de la nouvelle loi le juge peut se fonder sur des estimations, un ressenti, une vraisemblance…

Il prend des mesures « s’il estime au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée ».

Ne peut- on pas imaginer qu’une femme puisse être plus systématiquement demanderesse à l’action ? Cela fait il d’elle la vraie victime ?

Avec le crédit qui est le sien auprès des autorités, elle n’aura aucun mal à fabriquer du vraisemblable, prétendre qu’elle a été agressée en premier alors même, que par des violences initiales elle aurait suscité une riposte- même atténuée, mais qui ferait de l’homme un  défendeur- un conjoint à abattre, avec toutes les conséquences graves que la loi fait peser sur lui : mesure d’éloignement, de privation de l’habitat, de perte de l’autorité parentale, ainsi que toutes les mesures coercitives dont on ne peut se féliciter que si elles sont appliquées avec justesse et justice.

 

II/ AVOCATS : LES PILLIERS D’UN MONDE MEILLEUR

A/ CORPS PRESENTS

-a- L’avocat : un savoir- faire spécifique et incontournable.

Nous sommes présents avec nos codes, notre corps, nos cœurs.

Avant même les premières fissures ou quand le toit s’effondre et le sol se dérobe.

Les situations humaines sont faites d’émotions et de déchirements, de relations complexes et meurtries, de soif de justice, de besoins économiques immédiats.

Notre mission, au-delà de la défense, est de reconstruire un monde cohérent, panser les plaies sociales, soigner, accompagner, faire en sorte que les êtres en déshérence ré-habitent un jour leurs corps, leurs esprits leurs maisons.

Cette loi de protection nous place au carrefour de très nombreuses branches du droit où toutes nos compétences spécifiques se déploient : civil, pénal, droit du travail, droit des baux droit de séjour ou d’asile.

Notre intervention ne saurait être seulement contingente, aléatoire et tributaire de petits besoins ponctuels car le droit s’est éminemment complexifié. Les justiciables, notamment lorsqu’ils sont en situation de crise ou de faiblesse ont grand besoin d’une aide qualifiée, éthique, morale, réglementée.

Notre habileté professionnelle est davantage requise lorsque la charge de la preuve est difficile à rapporter notamment en cas de violences psychologiques : seuls les avocats, par leur pratique du contentieux et l’expérience ingrate des embûches judiciaires, disposent d’outils intellectuels spécifiques : faculté d’anticipation et de stratégie.

Nous avons fait le choix dès l’origine, dès notre prestation de serment – et même avant pour les plus enthousiastes- d’aider notre prochain, de lui prêter assistance.

Cette vocation n’est ni vaine ni artificielle.

Elle nous contraint au contraire à faire des choix dignes et parfois difficiles d’écoute et de don de soi.

Il sera très opportun et très bien accueilli de communiquer sur ces valeurs et notre savoir-faire précieux, nous présenter à visage humain et découvert. Les justiciables ne demandent qu’à à nous faire confiance, obtenir des garanties de compétence, de dévouement et de probité.

Une bonne communication nous montrera dans notre réalité : accessibles et en mesure de régler les difficultés les plus anodines ou les plus graves, sans que nous devenions des produit de grande consommation, ce qui perdrait les justiciables et dévoierait nos principes essentiels.

TV DROIT dont le lancement est intervenu le 15 octobre 2010 et dont madame Marie-Aimée PEYRON a fait connaitre les premières images lors de l’Assemblée Générale Extraordinaire du Conseil National des Barreaux contribuera sans doute a faire connaître au grand public mais aussi aux autres professionnels que nous croisons, le rôle singulier, éminemment spécifique et humain que nous tenons.

-b- L’ interprofessionnalité comme activateur de compétences.

Dans les crises de familles, les situations peuvent assez rapidement devenir graves et urgentes surtout lorsqu’il y a violence physique ou psychique grave.

Les questions relatives aux enfants, aux subsides, au logement doivent être abordées avec sérieux dans un souci de clarification et de viabilité financière à court ou très long terme.

Or le droit ne peut faire sans le chiffre et réciproquement.

Le débat sur l’interprofessionnalité met en exergue la nécessité de ne pas écarteler, parcelliser, disloquer les savoirs, la force ne pouvant venir que de l’unité et du regroupement.

Qu’il s’agisse de conseil ou de contentieux, la plus-value de nos interventions est mise en relief et en lumière lorsque nous travaillons avec d’autres professionnels, chacun accomplissant sa part de prodige dans un esprit de proximité indispensable au service d’une bonne justice

Si les acteurs du chiffre et du droit décident de se rapprocher et de se tenir chaud, ils tiendront également chaud à ceux qui ont recours à leur savoir-faire : chacun gagnera en crédibilité par cette compétence liée et le justiciable bénéficiera d’une sécurité accrue.

Les querelles entre professions règlementées doivent se dissiper car les compétences de chacun font plus que s’additionner : les qualifications conjuguées du chiffre et du droit agissent avec la vitalité d’une fonction exponentielle dans le sens d’un service de qualité.

Ainsi les professions non réglementées seront perçues comme ce qu’elles sont réellement, c’est-à-dire non fiables et génératrices de dérive.

Dans le souci scrupuleux de notre déontologie, nous pourrions, en respectant toutes les précautions éthiques qui s’imposent, envisager pour l’avenir, une interprofessionnalité adaptée aux autres besoins des justiciables, et pourquoi pas, en y associant d’autres professionnels de l’aide et de la sollicitude : psychiatres, pédopsychiatres, psychologues, assistants sociaux, médiateurs.

Nous serions d’ailleurs en bonne place pour en constituer les figures de proue, coordonner ces actions concertées et pluridisciplinaires.

Sans être capitalistique cette interprofessionnalité permettrait la mise en place d’une aide polyvalente autour des personnes en difficulté, au sein de sanctuaires précieux qui pourraient être désignés par une nomenclature porteuse de mots apaisants et réconfortants : maisons « de justice et de soins », maisons d’ « assistance et de réconfort des familles. »…

 

B- LECTURE D’AVENIR : UN M.A.R.C  DE  QUALITE POUR UNE SOLUTION AU LONG TERME

Dans certains cas où la violence est physique, réitérée et même assumée sans remords par l’auteur des faits, les mesures radicales d’éloignement et la sanction pénale nous apparaissent incontournables.

Il se peut que le dialogue n’ait tout simplement pas sa place, que l’agresseur dont la construction psychique est perverse soit dénué de toute empathie, et nie purement et simplement l’existence de sa victime.   

D’ailleurs le législateur a voulu privilégier un esprit de respect, l’article 41-1-5° du Code de Procédure Pénale (article 30 de la loi ) prévoyant que la médiation pénale n’est possible qu’à la demande ou avec l’accord de la victime.

Dans les cas moins graves et il en existe de nombreux, où les voies de fait sont inexistantes, où la violence est psychologique, le dialogue rompu, la médiation nous apparaît une mesure fructueuse car elle peut aider chacun dans cette relation dysfonctionnelle et torturée.

L’amour se mue en haine, la haine se transforme en procédures.

La consécration légale de la violence morale et du harcèlement va sans doute favoriser l’inflation des demandes judiciaires- qui devront être décryptées comme autant de demandes d’aide au couple.

Pour se maintenir dans la relation, ou pour en sortir, le plus dignement possible.

Une mesure de médiation constituera peut être la seule et unique opportunité dans la vie de ce couple, d’aborder réellement, et avec une émotion juste, les questions qui l’ont affecté en profondeur, de convoquer les rancunes anciennes, d’ écouter autrement certaines plaintes et d’entendre différemment la sensibilité de l’autre.

L’attachement ne disparait pas de manière si simple, sans laisser de traces.

Car même sans sexualité, sans cohabitation, la page prétendument tournée, l’amour meurtri ou déçu hante les esprits et continue d’habiter les poitrines.

Si le couple constitue, en fin de vie ou bien après sa rupture, un champs de mine, il  dessine également le territoire des possibles et permet, s’il bénéficie d’une aide digne de ce nom, d’instaurer des relations créatrices et des solutions nouvelles- parfois insoupçonnées- dans l’intérêt bien compris de chacun et notamment celui des enfants qui sont les siens. Il parait souhaitable de ne pas délaisser cette opportunité.

De fait, nous sommes en tant qu’avocats placés aux premières loges de la médiation, de l’arbitrage, de la conciliation. De droit, nous devons occuper cette place naturelle dans la résolution des litiges.

Les conflits ne signifient pas nécessairement la guerre mais souvent deux conceptions différentes de la paix qui s’opposent…

CONCLUSION

La loi du 9 juillet 2010 instaure, à notre sens, un véritable équilibre, antichambre de l’égalité quant aux traitements de la violence, qu’elle soit physique ou psychologique subie par les femmes mais aussi par les hommes.

Si les femmes ont obtenu une consécration tant sur le fond que de nature sémantique de la violence qui leur est faite depuis toujours, les hommes maltraités en couple ont désormais la possibilité de briser la loi du silence : la justice ne commence-t-elle pas lorsque les tabous se brisent et la parole se libère ?

Avocats, nous sommes parties prenantes des mutations profondes de la société telle que voulue par le législateur, des évolutions qui, lorsqu’elles signent le progrès, nous confèrent la tâche noble d’accompagner les personnes dans les aspects multiples de leur vie. Juridique, leur parcours est aussi psychologique, économique, et touche à la santé du corps.

À notre sens, l’interprofessionnalité, à condition de la soumette à une éthique scrupuleuse,   nous permet de valoriser nos compétences et d’affirmer leurs forces et singularités dans une perspective de grande efficacité pour les justiciables.

Il serait utile de favoriser les mesures de médiation, puisque notamment la violence psychologique a été reconnue digne d’être prise en compte par la loi. Les enfants n’en sont d’ailleurs pas les dernières victimes.

Le médiateur invite chacun à exprimer sa souffrance et ses déceptions, favorise l’émergence d’une parole singulière qui n’a peut être pas pu exister auparavant, ce qui permet aux protagonistes de tracer par eux-mêmes, les grandes lignes de force d’un accord viable et prometteur dans l’intérêt de chacun, y compris de leurs enfants.

Le temps des conflits et aussi celui de la rage ou de la guerre sont parfois nécessaires et même incontournables.

Il y a une certaine élégance à en sortir.

“ Nous ne voyons pas le monde avec nos yeux, nous le voyons avec nos concepts”.  Albert JACQUARD (Petite philosophie à l’usage des non-philosophes)
 Nous sommes tissés de l’étoffe dont sont faits nos rêves  (William SHAKESPEARE).

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

(1) Sigmund FREUD  ESSAIS DE PSYCHANALYSE. Traduction française, 1920 par le Dr S. Jankélévitch. Nouvelles conférences sur la psychanalyse (Conférences dispensées de 1915 à 1917)
(2) Pierre BOURDIEU : «  La domination masculine » ed. du Seuil 1998
(3) « Violences faites aux femmes : mettre enfin un terme à l’inacceptable » rapport commandée par la députée madame Danielle Bousquet, rapporteur : monsieur Guy Geoffroy, député.
(4) Françoise Dolto « tout est langage » éd. Gallimard, Paris (1994)
(5) Louis Ferdinand Saussure « Théorie de linguistique générale » voir aussi Le cours de linguistique générale de Saussure : Le rôle de la langue vis-à-vis de la pensée Sandrine Tognotti, Université de Genève, 1997.
(6) Sur le pouvoir du signifiant :Jacques Lacan, Jacques Lacan, Écrits, éditions du Seuil, deux volumes, Paris, 1966, réed. 1999 (ISBN 2020380544) voir Le Séminaire, éditions du Seuil. , Paris, 2001 (ISBN 2020486474)
(7) (Sportmédecine.com : « les différences hommes-femmes »
(8) « Les inégalités de salaires hommes-femmes : du temps de travail aux discriminations » 6 janvier 2009 (Lara Muller, Premières informations, premières synthèses, n° 44-5, 31 octobre 2008.)
(9) Carl Gustav JUNG psychologie et religion, Buchet-Chastel, 1958
(10) D. Winnicott, La mère suffisamment bonne, Payot-poche 2006, (ISBN 2228901164)



06/04/2011
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