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L'interdiction du déni de justice

/ L'interdiction du déni de justice

Le "déni de justice", c'est le refus de juger. Ce refus est interdit en droit français :

C.civ., art.4 : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».

Entre l'interdiction des arrêts de règlement (art. 5 du Code civil) et les autres interdictions ou impossiblités qui viennent d'être rappelées, il y a une tension, une contradiction : interdiction faite au juge de créer de nouvelles règles de droit (art. 5) et en même temps, obligation de juger même quand il n'existe pas de règle préexistante (art. 4), interdiction de juger sans appliquer de règle de droit (juger "en équité - Code de procédure civile, art. 12), impossibilité d'en référer au législateur.

Conclusion : accepter que le juge exerce un certain pouvoir normatif (sans pourtant reconnaître officiellement ce pouvoir, de peur de lui donner une trop grande étendue) est apparu, en France, comme la moins mauvaise des solutions.

Il en résulte que la jurisprudence, bien qu'importante en pratique en France, y conserve un statut ambigu : le pouvoir normatif du juge existe, mais ne dit pas son nom.

NB : La France n'applique pas le système du "précédent". Le système du précédent, qui existe, à des degrés divers, en Angleterre et aux Etats-Unis, signifie que les juges sont liés par leurs propres décisions : une fois que les juges ont décidé dans un certain sens, il ne peuvent plus, dans des affaires ultérieures, revenir sur leurs propres décisions. En France, les juges ont très fortement tendance à « ré-appliquer » leurs propres décisions (et donc, comme on l'a dit, à juger de manière similaire des cas similaires), mais ce n'est pas une obligation pour les juges : rien ne leur interdit, en principe, de changer d’avis et de revenir sur leurs interprétations et leurs innovations. Lorsqu’un juge modifie ainsi sa jurisprudence, on parle de revirement de jurisprudence. Ces revirements ne sont pas très fréquents en France, mais ils ne sont pas interdits, ce qui permet aux juges de corriger leurs erreurs ou d'accompagner les évolutions de la société.

La comparaison du cas français avec celui des pays qui ont institué le système du précédent révèle un étonnant paradoxe : c'est en France, dans le pays où, depuis la Révolution, on se méfie davantage des juges, que le revirement de jurisprudence est autorisé, alors qu'en Angleterre ou aux Etats-Unis, où le pouvoir normatif du juge est pleinement reconnu, il est en même temps encadré par le fait que les juges n'ont pas le droit de se "déjuger". Ce paradoxe peut s'expliquer. En réalité, les juges français ont un véritable pouvoir normatif mais ils n’ont pas le droit de l’assumer, et encore moins de le revendiquer : or un pouvoir qui n’est pas reconnu est plus difficile à encadrer.



16/07/2013
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