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La Cour de Cassation, gardienne du procès équitable

 

 

La Cour de Cassation, gardienne du procès équitable

Publié le dans Juridictions et Barreaux

La conférence organisée par la Cour de cassation le 3 mai 2010 a rappelé les principes et les difficultés qui découlent du droit à un procès équitable.

L’équité fait peur au juriste français. Elle semble s’éloigner du droit pour lui préférer une appréciation subjective. Le droit au procès équitable paraît flou. Pourtant, les garanties du procès équitable existaient en droit français avant que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme entre en vigueur le 3 septembre 1953 et soit ratifiée le 3 mai 1974. Cela n’a pas empêché la condamnation de la France pour violation de ce droit, à plusieurs reprises.

L’article 6 de la Convention consacre le droit à un procès équitable. Le procès équitable se décline en règles qui régissent non seulement les relations entre les parties (égalité des armes, principe du contradictoire, loyauté de la preuve et communication des pièces du dossier), mais aussi les rapports des individus avec l’Etat à travers la fonction de juge (durée raisonnable, impartialité du juge, statut des magistrats garantissant leur indépendance motivation des décisions de justice,) ou de législateur (principe de légalité et de proportionnalité). De plus, la Cour européenne des droits de l’Homme a déduit du procès équitable un droit à l’accès au juge, qui implique l’aide juridictionnelle.

Pour que les innovations de la Cour européenne aient un effet en France, il faut que le juge français, premier juge de la Convention, les inclut dans ses décisions. Ainsi les principes dégagés par la Cour européenne ont amené la jurisprudence de la Cour de cassation à évoluer tant en matière civile (exposée au §1 de l’art. 6) qu’en matière pénale (§1, 2 et 3 de l’art. 6).

C’est parce que la Cour européenne a donné une interprétation extensive et une dimension pratique à ces garanties que la France a été condamnée. C’est aussi une question de culture juridique, la Cour utilisant des principes jusqu’ici inconnus en France. C’est le cas de la théorie des apparences : non seulement le respect des garanties du procès équitable doit être assuré, mais en plus il faut que le justiciable ait l’impression qu’elles le sont (décision Piersack c/ Belgique, 1er oct. 1982 et décision Micallef c/ Malte , Gde ch., 15 oct. 2009).

Toutefois, la Cour de cassation respecte la plupart du temps les décisions de la Cour européenne. La Cour française a parfois même dépassé les exigences de la Cour régionale. La Convention consiste, en effet, en un standard minimum que les juridictions françaises se doivent de respecter et peuvent dépasser dans l’intérêt des citoyens. C’est ainsi qu’en matière d’aide juridictionnelle, la Cour de cassation a affirmé, au-delà des attentes de la Cour de Strasbourg, que la demande d’aide juridictionnelle, même déposée après l’ordonnance de clôture des débats, devait être transmise par le juge dès lors qu’elle intervenait avant l’audience de délibéré. Cela a pour effet d’obliger le juge de surseoir à statuer et d’interrompre le délai de péremption (Civ. 2e, 23 nov. 2006 et 19 nov. 2009). Cette lecture autonome du juge français renforce la garantie du respect des droits de la défense.

Il a été envisagé, un temps, d’inclure dans le procès équitable la récusation, comme un élément de l’impartialité du juge. En effet, la Cour de cassation appliquait scrupuleusement ce principe aux magistrats de l’instruction comme du jugement. La Cour de Strasbourg ayant déclaré, dans une décision du 11 décembre 2003, que la récusation ne faisait pas partie du procès équitable, la Cour de cassation est revenue à une lecture plus restreinte de la récusation.

La matière du droit à un procès équitable est vaste, en évolution constante. Alors que l’on aurait pu penser la Cour de cassation opposée à l’application de ce principe, sa jurisprudence récente semble nous prouver le contraire. C’est en tout cas ce qui a été exposé lors de cette conférence. Les réticences de la Cour suprême à appliquer la jurisprudence de la cour de Strasbourg ont été justifiées par la nécessité de laisser au législateur la tâche de grandes réformes.

Lise Perrin



19/04/2011
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