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La procédure de l’arrêt pilote

 

La procédure de l’arrêt pilote

Note d’information du greffier

1. Au cours des dernières années, la Cour européenne des droits de l’homme a élaboré

une nouvelle procédure, la procédure de l’arrêt pilote, dans le but de traiter de grands groupes

d’affaires identiques tirant leur origine d’un même problème sous-jacent. Depuis quelque

temps, les affaires de ce type, qualifiées d’affaires répétitives, sont très nombreuses à être

pendantes devant la Cour. Elles représentent une part importante de la charge de travail de la

Cour et contribuent donc à provoquer son engorgement. La présente note vise à fournir des

informations au sujet de cette procédure.

2. Voici comment cette procédure fonctionne : lorsque la Cour est saisie d’un nombre

important de requêtes découlant de la même cause, elle peut décider d’en choisir une ou

plusieurs afin de les traiter par priorité. Lorsqu’elle traite l’affaire ou les affaires

sélectionnées, la Cour s’efforce de parvenir à une solution qui aille au-delà de ce ou ces cas

particuliers et qui s’applique à toutes les affaires similaires soulevant la même question.

L’arrêt qui est alors rendu est un arrêt pilote.

3. Dans cet arrêt, la Cour vise à :

– déterminer s’il y a eu violation de la Convention dans le cas particulier à l’étude ;

– identifier le dysfonctionnement de la législation interne qui est à l’origine de la

violation ;

– donner des indications claires au Gouvernement quant à la manière d’éliminer ce

dysfonctionnement ;

– susciter la création d’un recours interne apte à s’appliquer aux affaires similaires (y

compris celles qui sont déjà pendantes devant la Cour dans l’attente du prononcé de

l’arrêt pilote), ou au moins conduire au règlement de toutes les affaires de ce type

pendantes devant la Cour.

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4. La procédure de l’arrêt pilote vise donc à aider les autorités nationales à éliminer le

problème systémique ou structurel mis en évidence par la Cour comme étant celui qui donne

lieu à des affaires répétitives. Ce faisant, elle facilite aussi la tâche du Comité des Ministres,

chargé de veiller à la bonne exécution de chacun des arrêts de la Cour par l’Etat défendeur.

5. La possibilité d’ajourner ou de « geler » l’examen de toutes les autres affaires

apparentées pendant une certaine durée constitue une caractéristique marquante de cette

procédure et offre un moyen supplémentaire d’inciter les autorités nationales à prendre les

mesures qui s’imposent. L’ajournement de ces affaires, généralement pendant une période

précise, peut être subordonné à la condition que l’Etat défendeur prenne rapidement des

mesures effectives pour donner effet aux conclusions dégagées dans l’arrêt pilote. La Cour

est pleinement consciente qu’il importe de tenir les requérants informés de chaque avancée de

la procédure lorsque des affaires sont ajournées de cette manière. Il faut souligner que la Cour

peut à tout moment reprendre l’examen d’une affaire ajournée si l’intérêt de la justice l’exige,

par exemple lorsqu’en raison de la situation particulière du requérant, il n’est ni juste ni

raisonnable qu’il attende plus longtemps le redressement de ses griefs.

6. La procédure de l’arrêt pilote repose sur une idée-force : lorsqu’un grand nombre de

requêtes concerne le même problème, les requérants obtiendront plus rapidement un

redressement si un recours effectif est mis en place au niveau national que si chaque affaire

est traitée individuellement à Strasbourg. Vu l’ampleur de la charge de travail actuelle de la

Cour et le fait que celle-ci est déjà très occupée par les affaires urgentes et celles qui

soulèvent des questions de plus grande importance juridique, les requêtes répétitives sont

susceptibles de rester pendantes durant un certain nombre d’années avant de pouvoir être

examinées.

7. La Cour a utilisé cette procédure avec souplesse depuis qu’elle a rendu son premier

arrêt pilote en 2004. Toutes les catégories d’affaires répétitives ne se prêtent pas à un examen

au moyen de la procédure de l’arrêt pilote et tout arrêt pilote ne conduit pas à l’ajournement

des affaires similaires, notamment lorsque le problème systémique touche aux droits les plus

fondamentaux garantis par la Convention.

8. La première procédure de l’arrêt pilote – concernant les affaires « relatives à la rivière

Boug » dirigées contre la Pologne

1 – a été couronnée de succès puisqu’elle a conduit à

l’adoption d’une nouvelle législation et a été suivie du règlement des affaires pendantes

2. La

Cour va continuer à surveiller le fonctionnement de cette procédure dans d’autres affaires

afin de voir quelles autres leçons peuvent en être tirées.

9. La procédure de l’arrêt pilote ne saurait prétendre être la solution à toutes les

difficultés découlant de la charge de travail excessive de la Cour. Elle a cependant le potentiel

nécessaire pour réduire de façon sensible cette charge de travail et pour éliminer certains des

problèmes de fond qui sont à l’origine des requêtes répétitives ainsi que pour fournir un

recours aux personnes qui en subissent les conséquences négatives.

1.

Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, CEDH 2004-V (lien). Voir aussi

Broniowski c. Pologne

(règlement amiable) [GC], n

o 31443/96, CEDH 2005-IX (lien

).

2. Voir

E.G. v. Poland and 175 other Bug River Applications

, requête n° 50425/99, décision du 23 septembre

2008 (la décision n’existe qu’en anglais) (

lien

).



30/01/2011
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