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La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois

Section 2 : Le juge des enfants : juge d'instruction et de jugement

Les règles régissant la justice des mineurs, constituent un véritable obstacle à la recherche de décisions impartiales de justice. Cette partialité des décisions du juge des enfants reste soluble dans les arcanes d'une véritable négation au principe de séparation des fonctions d'instruction et de jugement. Mais il n'en demeure pas moins que cette partialité sacrifiée (paragraphe 1) ne doit pas faire perdre de vue une tentative de résolution de la problématique liée à la réforme de la juridiction pour mineurs (paragraphe 2)

. Paragraphe 1 : Une impartialité sacrifiée

La loi elle-même donne compétence au juge des enfants pour instruire et pour juger des infractions commises par les mineurs. Ce sacrifice légalement consenti (A), semble en plus obtenir les voix d'une jurisprudence favorable à la partialité (B).

A) Un sacrifice légalement consenti

L'ordonnance n°69-23 P. R. /M.J.L. du 10 juillet 1969, relative au jugement des infractions commises par les mineurs de dix-huit ans, en vigueur au Bénin s'est largement inspirée de l'ordonnance n°45-175 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante en France.

Aux termes des dispositions combinées des articles 6 et 8 de ladite ordonnance, le juge des enfants est chargé de présider le tribunal pour enfants et ce dernier, sauf dispositions spéciales prévues par ledit texte, procède à l'instruction. Le juge pour enfants comme il vient d'être remarqué, chargé de l'instruction reçoit l'onction légale aux termes des dispositions de l'article 17 de l'ordonnance précitée, pour présider le tribunal correctionnel pour mineurs. L'affirmation d'un tel cumul semble plus explicite à la lecture des dispositions de l'article 29 de l'ordonnance qui dispose que le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle est « présidé par le président du tribunal de première instance assisté de deux juges dont l'un est obligatoirement un juge pour enfants, de préférence celui ayant procédé à l'instruction, et de deux assesseurs... » .

Il semble incontestable que le juge qui instruit, présente de véritables risques pour la prise d'une décision impartiale au stade du jugement de la cause qui lui est soumise. Le juge des enfants de part ses prérogatives semble faire office d'une justice arbitraire. Il enquête auditionne, prend des mesures relatives à la liberté du mineur, instruit à charge ou à décharge. Il prend des ordonnances relatives à la clôture de son information puis va rendre officielle les pré-jugements qu'il s'est forgé au cours de l'instruction, grâce à une juridiction de jugement qu'il préside.

Le juge des enfants chargé d'informer se forge inévitablement et de manière anticipée une position sur les suites du procès. Puisque ce même juge doit statuer sur la culpabilité, la probabilité est forte que la décision de jugement soit conforme à son pré-jugement. C'est dans ce sens qu'abonde Fabrice DEFFERRARD, lorsqu'il affirme que la spécificité du rôle joué par le juge des enfants porte en lui, un risque objectif de pré-jugement161(*) .

Une partie de la doctrine notamment celle inspirée par Michel HUYETTE, semble admettre et reconnaître une telle partialité162(*).En effet, l'objectif de resocialisation du mineur, attendue du cumul des fonctions, et tend argué par la doctrine, semble s'accompagner de la partialité des décisions. « A la partialité du juge, il est répondu par l'intérêt du délinquant. »163(*). Le principe de séparation des fonctions d'instruction et de jugement est bien une garantie de l'impartialité du juge. Mais il semble que le législateur sacrifie l'impartialité sur l'autel de la valeur supérieure qu'est la resocialisation. L'ordonnance du 21 février 1945 avait pour mission de rééduquer et de resocialiser les délinquants. La décision de jugement intervenant dans une affaire impliquant des mineurs doit s'analyser en un moyen d'édification de la personnalité de ces derniers .Dès lors, il semblerait que la loi érige le cumul des fonctions du juge des enfants en une mesure individualisée d'éducation164(*).

La suprématie que semble incarner la resocialisation sur l'impartialité semble trouver en la fonction d'instruction du juge des enfants un autre fondement. En effet, ceux qui défendent la partialité des décisions du juge des enfants, considèrent que sa fonction d'instruction reste cantonnée à la découverte de la personnalité du mineur165(*).

D'une part sa recherche « de l'histoire personnelle et familiale du mineur, par les rencontres qu'il implique, éclaire le juge sur le contexte de l'infraction »166(*). D'autre part, « l'instruction est consacrée à l'examen de la personnalité du mineur ». Ainsi, elle a été laissée au juge des enfants pour avoir une parfaite connaissance de la personnalité de l'auteur de l'infraction.

Mais, il est évident, que quelque soit l'argument fourni, qu'il n'en demeure pas moins que le juge des enfants reste un juge partial. La connaissance profonde de la personnalité du mineur s'accompagne irrémédiablement d'une connaissance au fond de l'affaire. Le pré-jugement étant indéniable, la partialité ne peut être que certaine.

Mais il est à noter qu'à côté de la loi, que la jurisprudence semble aussi s'inviter à ce sacrifice de l'impartialité.

B) Une jurisprudence favorable à la partialité

La jurisprudence notamment celle de la chambre criminelle de la Cour de cassation française a une position qui paraît à première vue dépourvue de sens.

En effet, elle admet le cumul, et considère en sus, ce cumul comme respectant l'exigence d'impartialité. Par un arrêt, elle déclare que,  le droit au procès juste et équitable n'empêche pas que, le même juge spécialisé, prenant en compte l'âge du prévenu et l'intérêt de sa rééducation puisse intervenir à différents stades de la procédure167(*). Vu, le souci d'éducation visé par la législation, elle considère que la dérogation que constitue le cumul, reste compatible avec l'exigence d'impartialité168(*).

 Ainsi, la chambre criminelle affirme que le cumul des fonctions d'instruction et de jugement par le juge des enfants respecte l'exigence d'impartialité du tribunal. La chambre criminelle considère, en outre qu'un risque peut résulter du cumul des fonctions et que « le risque objectif de partialité qui pourrait en résulter est compensé par la présence de deux assesseurs délibérant collégialement en première instance et par la possibilité d'un appel, déféré à une juridiction supérieure composée de magistrats n'ayant pas connu de l'affaire et dont l'un des membres est délégué à la protection de l'enfance »169(*) (nous avons souligné). En parlant de « risque objectif de partialité », la chambre criminelle reconnaît, par là et de manière expresse la partialité avérée du juge pour enfants.

De plus, l'argument qu'a présenté la chambre criminelle pour justifier cette possibilité, n'est pas fondé car la chambre d'accusation semble prôner un droit à la partialité de chaque juge membre de la collégialité. La collégialité n'est pas une garantie d'impartialité et ne peut être conçue que comme une solution pouvant corriger la partialité.

La jurisprudence de la CEDH, bien qu'épousant cette possibilité de cumul des fonctions du juge des enfants, a, à la différence de la chambre criminelle, infléchi le principe de séparation des fonctions du juge des enfants. Elle a retenu que le juge d'instruction peut participer à la formation du jugement lorsque la nature, l'étendue ou la portée des actes accomplis au cours de l'information, ne l'ont pas conduit à se déterminer sur l'innocence ou la culpabilité du suspect170(*).

Cependant, il n'en demeure pas moins que, seule une réforme de la juridiction pour mineurs est à même de résoudre les difficultés liées au manque d'impartialité du juge des enfants.

* 161 DEFFERRARD (F.), La suspicion légitime, Paris, L.G.D.J, 2000, p 284

* 162 HUYETTE (M.), « commentaire de l'arrêt de la chambre criminelle du 7 avril 1993, procureur general près la cour d'appel de Reins », RSC 1994, p 67, cité par JOSSERAND (S), op. cit., p 75

* 163 JOSSERAND (S.), op. cit. p73

* 164 Crim 7 avril 1993, Les grands arrêts de la procédure pénale, Paris, Dalloz, 5è édit., 2006, p5

* 165 JOSSERAND (S.), op. cit. p 72

* 166 JOSSERAND (S.), op. cit. p 73

* 167 Crim ,7 avril 1993, Les grands arrêts de la procédure pénale, Paris, Dalloz, 5è édit., 2006, p5

* 168 JOSSERAND (S), op. cit., p 74

* 169Crim ,7 avril 1993, Les grands arrêts de la procédure pénale, op. cit., p 5

* 170 C.E.D.H. , 24 février 1993, Fey, JCP 1994, I, n° 18, obs. F. SUDRE, cité par DEFFERRARD (F.), La suspicion légitime, Paris, L.G.D.J, 2000, p 2847

Paragraphe 2 : La nécessité d'une réforme de la juridiction pour mineurs

Revitaliser l'impartialité dans le traitement des affaires relatives au mineur, en prônant la nécessaire séparation des fonctions du juge des enfants (B), semble rencontrer en doctrine d'innombrables réticences. Mais, les arguments argués constituent un véritable mirage, car ce que défend les adhérents au maintient de la partialité, n'est qu'un leurre, le leurre d'un intérêt supérieur de l'enfant (A).

A) Le leurre d'un intérêt supérieur de l'enfant

Les particularités de la justice des mineurs ont été édictées en raison de la nature de la personne poursuivie. Désormais l'élaboration de normes spéciales dans toutes les phases de la procédure doit être guidée par la recherche de l'intérêt de l'enfant171(*). Ainsi, le mineur délinquant sera jugé par des magistrats spécialisés en vertu des textes qui lui sont consacrés avec une priorité au principe de l'éducatif avant le répressif, qui reste de son intérêt depuis le préambule de la constitution de 1946172(*).

Le concept d'intérêt supérieur de l'enfant reste un concept difficile à cerner. Mais il paraît peu contestable que l'on puisse parler d'intérêt supérieur de l'enfant, et parallèlement lui soustraire les garanties dont bénéficient les majeurs. En effet parler d'intérêt supérieur de l'enfant, revient avant tout à leur accorder le minimum de garanties procédurales accordées aux majeurs, avant toute autre garantie fonction de leur personnalité.

Ainsi, si toute personne a droit à un tribunal impartial, alors ce droit doit être d'abord garanti au mineur, en tant que le minimum de garantie partagé par tous. A cette impartialité pourra s'y adjoindre diverses prérogatives pour un meilleur intérêt de l'enfant. Tel n'est point le cas de la réforme des mineurs qui sacrifie d'abord ce droit, au profit d'une procédure axée sur la recherche approfondie de la personnalité du mineur.

Dans ce sens, la commission européenne saisie d'une requête qui tendait à faire constater la violation de l'exigence d'impartialité, est allé dans le même sens. Elle a considéré que  la garantie d'impartialité est une garantie fondamentale et il ne semblerait pas admissible que des mineurs qui sont traduits en justice soient privés de cette garantie, ni qu'elle leur soit applicable de manière limitée173(*).

OTTENHOF174(*), suit la même logique et affirme que le mouvement humanitaire en faveur de la protection de l'enfance qui s'opère aujourd'hui, conduit à étendre aux mineurs des droits et garanties jusqu'alors reconnus aux majeurs, mais aussi des droits spécifiques liés à leur état de minorité

Par ailleurs, la resocialisation visée par la loi est utilisée pour sacrifier le principe de la présomption d'innocence du mineur. En effet, si la loi a confié au juge des enfants l'instruction, c'est pour étudier profondément la personnalité du mineur. Or en le faisant, la loi pose par là-même, le postulat implicite selon lequel la culpabilité du mineur s'établit aisément. Le juge de jugement ne statuera pour l'essentiel que sur la peine pouvant aller dans le sens de la resocialisation175(*).

Mais l'impartialité et la présomption d'innocence ne sont pas les seuls droits du mineur sacrifiés au profit d'un intérêt supérieur de l'enfant. En limitant ou en enlevant au mineur la garantie d'un tribunal impartial, c'est la garantie même de l'égalité de tous, notamment des majeurs et mineurs qui est ébranlé.

La jurisprudence de la CEDH paraît plus évoluée et ne se cantonne plus au caractère spécial de la justice des mineurs. Certes, depuis l'affaire Nortier C. Pays-Bas176(*), la position de la jurisprudence de la CEDH paraissait peu claire, car objet de diverses interprétations. La Cour avait conclu à une absence de violation de l'impartialité, au motif que le juge des enfants n'avait presque pas entrepris d'activité d'instruction, le requérant ayant reconnu sa faute, dès le début de celle-ci.

Mais depuis un très récent arrêt de la Cour, il ne sera plus question de méconnaître systématiquement l'impartialité dans le cumul des fonctions du juge des enfants. Il s'agit en effet d'une affaire en date du 2 mars 2010 rendue par la quatrième section de la Cour. En l'espèce, le requérant est un ressortissant polonais né en 1982. Puisqu'il était à l'époque mineur, la requête a été introduite par ses parents. Arrêté par la police le 4 décembre 1997 pour le meurtre d'un mineur. âgé de 12 ans, il fut conduit après le poste de police, au juge aux affaires familiales.

De nombreux droits de la défense ont été violés tel le refus d'entretien libre du requérant avec son avocat, droit qui ne fut pleinement accordé qu'après la clôture de l'instruction. Le juge aux affaires familiales, par une ordonnance en date du 4 juin 1998 clôtura l'instruction et déféra l'affaire au tribunal pour enfants de Poznan auquel il appartient. Le requérant a argué du fait que « les principes de la procédure pénale applicable aux adultes dont notamment celui de la séparation entre l'instruction et le procès doivent s'appliquer avec les mêmes forces à la procédure concernant les mineurs »177(*). De plus, « le dernier acte que le juge aux affaires familiales accomplit à l'issue de l'instruction préparatoire consiste à décider de la nécessité du renvoi du mineur devant le tribunal pour enfants. Or il ne prête pas à controverse que pour prendre une telle décision, le magistrat doit avoir une opinion personnelle tant sur la personnalité du mineur que sur l'existence et l'étendue de sa culpabilité. Dans ce contexte, il est très naturel qu'il puisse souhaiter que sa conviction soit confirmée à l'issue de la procédure entière»178(*). La Cour a observé que l'ordonnance de clôture de l'information indiquait que les preuves recueillies faisaient du mineur l'auteur de l'infraction. Elle en déduit que de par cette teneur relative à la culpabilité que le préconçu paraissait établi. Elle conclue en déclarant qu'elle ne décèle pas dans le cumul, la protection de l'intérêt de l'enfant tant arguée179(*) .

Il ressort de cette récente jurisprudence, que bien qu'il y ait cumul, il ne suffira plus d'exclure systématiquement l'exigence d'impartialité. Elle reste nécessaire et s'appréciera en fonction du poids des actes d'instruction effectués par le juge des enfants.

Cette jurisprudence tend vers l'exigence d'impartialité mais elle reste encore éloignée d'une application stricte du principe de séparation des fonctions. Par conséquent, la séparation des fonctions d'instruction et de jugement du juge des enfants apparaît plus que jamais nécessaire.

* 171 http://www.ahjucaf.org/IMG/pdf_la_notion_de_l_interet_de_l_enfant.pdf

* 172 http://www.ahjucaf.org/IMG/pdf_la_notion_de_l_interet_de_l_enfant.pdf

* 173 Rapport cité par JOSSERAND (S.), op. cit., p 76

* 174 OTTENHOF (R.), «  la responsabilité pénale des mineurs dans l'ordre interne et international » in Revue internationale de droit pénal 3/2001, (volume 72) p 663-668.

* 175 JOSSERAND (S.), op. cit. p 78

* 176 CEDH, 24 Août 1993, Nortier c. Pays-Bas, BERGER (V), jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Paris, coédit. Sirey et Dalloz, 6ème édit., 1998, p 181-182

* 177CEDH, 2 mars 2010, ADAMKIWICZ C. Pologne, http://cabinet-romuald-sayagh.over-blog.com/article-garde-a-vue-et-arret-de-la-cedh-le-petit-dernier-concerne-un-mineur-51152861.html. Il

* 178 CEDH, 2 mars 2010, ADAMKIWICZ C. Pologne, http://cabinet-romuald-sayagh.over-blog.com/article-garde-a-vue-et-arret-de-la-cedh-le-petit-dernier-concerne-un-mineur-51152861.html. Il

* 179 ibidem

B) La nécessaire séparation des fonctions du juge des enfants

Il s'agira ici de défendre une réforme de la juridiction pour enfants axée à la fois sur l'exigence d'impartialité et sur la resocialisation. En effet la justice actuelle des mineurs défend la resocialisation du mineur en cumulant les prérogatives du juge des enfants. Mais il est possible, sans remettre en cause cette resocialisation d'y adjoindre l'exigence d'impartialité, sacrifiée par la législation actuelle.

Dans un premier temps, s'agissant de l'exigence d'impartialité il est important de séparer l'instruction, du jugement des infractions des mineurs. Ainsi l'on devrait en droit béninois, distinguer distinctement, un juge d'instruction des mineurs et le juge de jugement pour enfants. Le premier sera chargé de l'instruction des infractions commises par les mineurs alors que le second, sera chargé du jugement. L'instruction devra permettre comme à l'accoutumée de connaître de façon profonde la personnalité du mineur. Cette phase fait du juge d''instruction, le mieux informé sur la personnalité du mineur. Mais s'il y a un élément qui semble échapper à la législation actuelle, c'est bien le fait que cette connaissance de la personnalité n'a rien à avoir avec la culpabilité ou non du mineur. De ce fait l'on note l'inutilité de cette connaissance de la personnalité, sur la question de la culpabilité, que le juge de jugement examine. Autrement dit le cumul de l'instruction et du jugement de la culpabilité n'a pas de sens, car les deux questions sont étrangères. Ainsi, les séparer n'a aucune incidence sur la resocialisation tant défendue.

La resocialisation ne sera intéressée que lorsque le juge de jugement statuera sur la peine à appliquer. C'est au moment de statuer sur la peine, que les informations tirées d'une instruction axée sur la recherche de la personnalité intervient pleinement. Comme l'on peut le remarquer, pour une exigence d'impartialité le juge d'instruction doit être distinct du juge de jugement. Mais pour assurer la resocialisation il faudra arracher au juge du jugement le prononcé de la peine. La peine ne sera prononcée que par le juge d'instruction qui connait mieux que le juge des enfants (juridiction de jugement) la personnalité du mineur. Il est à noter que le nouveau cumul de l'instruction et du prononce de la peine n'est pas un facteur de partialité. En effet, le pré-jugement sur la culpabilité, né de l'instruction est inoffensif puisque non instrumentalisé lors du prononcé de la peine180(*).

Les limites jusque là, énoncées sont inhérentes à l'impartialité fonctionnelle du juge. Mais celle-ci n'est pas la seule dimension de l'impartialité. Elle peut être aussi personnelle.

* 180 En effet, même s'il s'est convaincu lors de l'instruction de l'innocence du mineur, alors que le juge des enfants l'a déclaré coupable, le juge d'instruction ne peut que s'y conformer et prononcer malgré tout une peine en fonction de la personnalité du mineur.

DEUXIEME PARTIE : L'IMPARTIALITE PERSONNELLE DU JUGE

L'impartialité personnelle du juge traduit la mise à la disposition du plaideur, de moyens lui permettant de contrôler la partialité éventuelle du juge. Le plaideur est ainsi appelé à user de mécanismes préventifs pour mettre en oeuvre et assurer son droit à l'impartialité. Mais l'existence de garanties ouvertes contre la partialité (chapitre 1), n'est pas la seule dimension de l'impartialité personnelle du juge. Celle-ci recouvre aussi les mécanismes curatifs de mise en oeuvre de la responsabilité des juges qui ont effectivement été partiaux. C'est dans ce sens, qu'il conviendra de mettre par un accent particulier sur la responsabilité des juges pour vice de partialité (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : DES GARANTIES OUVERTES CONTRE LA PARTIALITE

Le plaideur en prônant son droit à l'impartialité, est appelé à élever contre la juridiction saisie de son litige, un incident. Cet incident peut être orienté directement contre un pré-jugement explicite que porte le juge. Il peut aussi être porté contre un pré jugement, mais sans que cela soit la mission première qui lui a été assigné : il s'agit d'un pré-jugement implicite. L'incident est appelé à prendre la forme, dans le premier cas, d'une récusation, et dans le second cas, d'un renvoi. C'est au regard de cette classification, qu'il convient de se pencher dans un premier temps sur, la garantie contre le pré-jugement explicite : la récusation  (section 1), puis, sur la garantie contre un pré-jugement implicite : le renvoi (section 2).

SECTION 1 : la garantie contre le pré jugement explicite : la récusation 

Le juge peut être appelé à trancher des litiges dans lesquels une des parties présente avec lui, certaines affinités, accointances ou liens particuliers de diverses nature. Dans une telle posture, il est permis de douter de l'impartialité du juge appelé à arbitrer. Son devoir d'impartialité serait atteint, non pas en fonction d'un préjugé, mais d'un parti pris en qualité de partie à l'instance. Ce parti pris arrêté par anticipation à sa mission, fonde la nécessité de le placer en "quarantaine".

Le législateur n'est pas resté de marbre face à une telle situation, puisqu'il a mis en place un certain nombre de palliatifs181(*). L'exclusion d'un tel juge, s'exercera donc grâce à un outil procédural laissé au plaideur. Il s'agit du mécanisme de la récusation. Même s'il faut reconnaitre l'utilité certaine de la récusation (paragraphe 1), il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un instrument de portée limitée (paragraphe 2).

* 181 ASSOUMOU (C.E.), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 1998, p60

 

Paragraphe 1 : L'utilité certaine de la récusation

La récusation traduit l'idée d'un acte permettant au plaideur de refuser d'être jugé en présence d'un ou de plusieurs juges, qu'il estime partiaux à son égard. La récusation est un instrument utile pour stigmatiser les risques de partialité. Son utilité se remarque à travers, les caractéristiques de l'outil procédural (A), mais aussi à travers l'étendue, des cas donnant ouverture à la récusation (B).

A) Les caractéristiques de l'outil procédural

. La récusation, est une « procédure par laquelle le plaideur demande que tel magistrat s'abstienne de siéger, parce qu'il a des raisons de suspecter sa partialité à son égard »182(*). Elle est un incident soulevé par le plaideur, partie à une instance, lui permettant d'évincer, ou d'exclure de la juridiction compétente un ou plusieurs juges, en cas de suspicion de leur partialité183(*).

Par son caractère incident, la récusation est un mécanisme à la portée des plaideurs. Elle est donc utile à ces derniers, qui en ont la libre disposition et peuvent la manier, a priori, à leur guise.

La récusation est un droit, celui accordé à un plaideur de faire écarter du siège, pour le jugement de son procès, un juge dont l'impartialité à son égard peut légalement être suspectée184(*). L'utilité de la récusation est de grande portée. Elle peut en effet, se déclencher lorsqu'il existe des cas de partialité qui échappent à son titulaire. Dans ce sens, le juge peut être amené à remettre en cause une éventuelle partialité de sa décision. On parle dans un pareil cas, d'un déport ou d'une abstention. La récusation étant dissimulatrice d'une difficulté, le juge doit en permanence se préoccuper de son impartialité, et doit, par conséquent anticiper sur la récusation, d'autant plus que les cas de récusation n'épuisent pas l'exigence d'impartialité185(*). L'abstention, ici, est volontaire, et traduit l'idée selon laquelle le juge saisi de l'affaire, fait constater la présence de facteurs pouvant remettre en cause son impartialité, ou qu'il a un sérieux motif de conscience qui l'amène à s'exclure du jugement d'une telle cause186(*). La déportation ou l'auto-récusation, distinct du déni de justice, doit être considéré comme un « devoir naturel du juge » que lui impose sa déontologie187(*).

Enfin, l'utilité de la récusation, peut se mesurer du point de vue des personnes pouvant faire objet de récusation et donc, ne pouvant s'y soustraire.

Tout juge, en effet peut faire objet de récusation188(*). De la lecture des dispositions des articles 378 et 538 du code de procédure civile qui traitent des sujets de l'action en récusation, on en déduit qu'il s'agit de toute personne ayant pour mission de trancher un litige. Il peut donc s'agir des « présidents, conseillers, juges titulaires ou suppléants ou avocats appelés occasionnellement à remplacer un juge empêché qu'il s'agisse de tribunaux civils, répressifs ou de commerce »189(*).

Qu'il s'agisse pour le juge d'effectuer une simple mesure d'instruction ou pour toute autre procédure, toute partie, quelle soit principale, intervenante a le droit de récuser le juge. Le sujet actif de l'action en récusation est donc « l'inculpé, le prévenu, l'accusé et toute partie à l'instance »190(*).

L'utilité de la récusation se remarque aussi, en examinant le nombre plus ou moins important de cas légaux donnant ouverture à la récusation.

B) Les cas donnant ouverture à la récusation

Le juge peut être lié par des affinités de nature à faire obstacle à son indépendance et à son impartialité. Ceci a poussé le législateur à instituer une variété de cas de présomption de partialité. Ces causes légales procèdent, entre autres des affections du juge, de son intérêt personnel dans la cause ou de son amour propre.

En matière répressive, le code de procédure pénale191(*) énonce neuf (09) causes de récusation. Parmi les causes de récusation limitativement énumérées, six ont pour but de stigmatiser les liens de dépendance du juge ou de son conjoint envers une partie à l'instance.

-Ce lien de dépendance peut être de nature familiale. Il peut ainsi être procédé à la récusation, si le juge ou son conjoint sont parents ou alliés de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au degré de cousin issu de germain inclusivement. La récusation peut être exercée contre le juge, même en cas de divorce ou de décès de son conjoint ou, s'il a été allié d'une des parties jusqu'au deuxième degré inclusivement.

-Le lien de dépendance peut aussi être de nature judiciaire par le biais de l'existence d'un procès entre le juge ou son conjoint et l'une des parties. Ainsi, la procédure de récusation peut être déclenchée. s'il y a eu procès entre le juge ,son conjoint, leurs parents ou allées en ligne directe, et l'une des parties, son conjoint ou ses parents ou alliés dans la même ligne ou si le juge ou son conjoint ont un procès devant un tribunal où l'une des parties est juge.

-Le lien de dépendance peut encore être de nature économique, tel est le cas lorsque le juge ou son conjoint, se trouve dans une situation de dépendance vis-à-vis d'une des parties.

-Ce lien de dépendance peut enfin être de nature protectionnelle. Il en est ainsi lorsque le juge ou son conjoint, les personnes dont il est tuteur, subrogé tuteur, curateur ou conseil judicaire, les sociétés ou associations à l'administration ou à la surveillance desquelles il participe ont intérêt dans la contestation. Par ailleurs, ce lien existe lorsque le juge ou son conjoint, est parent ou allié, jusqu'au degré indiqué ci-dessus, du tuteur, subrogé tuteur, curateur ou conseil judiciaire d'une des parties ou d'un administrateur, directeur ou gérant d'une société, partie à la cause. 'Il peut dans de telles situations être écarté de la cause dont il est saisi.

En marge de ces six causes de récusation, liées à la stigmatisation des liens de dépendance, la connaissance antérieure de la cause par le juge192(*), ainsi que celle liée à l'existence d'un différend sur pareil question que celle débattue193(*) sont également des causes de récusation. Enfin, l'existence entre le juge ou son conjoint et l'une des parties, de manifestations assez graves pour faire suspecter son impartialité, constitue la dernière cause de récusation.

En procédure civile, la récusation est régie par les dispositions des articles 44 à 47 puis 378 à 396 du code de procédure civile de 1958. Mais une nuance mérite d'être apportée. Les articles 44 à 47 sont logés dans les règles du code de procédure civile qui régissent les tribunaux d'instance, alors que les articles 378 à 396 sont applicables aux juges des tribunaux de grande instance. Il n'est donc pas anodin de préciser que la récusation d'un juge du tribunal de première instance se fera par l'entremise des dispositions des articles 44 à 47 du code de procédure civile194(*).

Quant à la récusation d'un juge d'appel, les règles prescrites par les articles 378 à 396 devront être observées.

Mais il n'en demeure pas moins que le droit de récuser, présente bien des insuffisances en droit béninois, insuffisances dont il convient d'en prendre la teneur.

* 182 GUILLIEN (R.), et VINCENT (J.), (Sous la direction de), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14ed, 2001, p486

* 183 ALI (A.R.) et D'ALMEIDA (D.G.), « la récusation des magistrats au Bénin », Rapport de stage, Université Nationale du Bénin/ Ecole Nationale d'Administration, option magistrature, 2000, p24

* 184 FETTWEIS (A.), Manuel de procédure civile, Liège, 1987, p 426, cité par CLOSSET-MARCHAL (G.), « L'impartialité du juge : récusation et dessaisissement en droit belge », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p 180

* 185 LEMONDE (M.) et TULKENS (F.), «  L'impartialité du juge : vers des principes directeurs ? » in L'éthique du juge : une approche européenne et internationale, Paris, Dalloz, 2003, p 129

* 186 ALI (A.R.) et D'ALMEIDA (D.G.), op.cit., p25

* 187 ASSOUMOU (C.E.), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 1998, p63

* 188 Cf. Article 378 du Code de Procédure Civile

* 189 ALI (A.R.) et D'ALMEIDA (D.G.), op.cit., p25

* 190 Cf. Article 538 du CPC

* 191 Cf. Art 534 du CPPB

* 192 CLOSSET-MARCHAL (G.), « L'impartialité du juge : récusation et dessaisissement en droit belge », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p 184

* 193 Cf. Article 537 du CPPB en son point 8 qui énonce que le juge peut être récusé si ce dernier «  ou son conjoint, leurs parents ou alliés en ligne directe ont un différend sur pareil question que celle débattue entre les parties »

* 194 Ainsi aux termes des dispositions de l'article 44 du code de procédure civile, les juges des tribunaux de première instance ou juges de paix pourront faire objet de récusation. Les juges pourront être récusés : 

« 1°Quand ils auront intérêt personnel à la contestation ;

2°Quand ils seront parents ou alliés d'une des parties jusqu'au degré de cousin germain

inclusivement ;

3°Si dans l'année qui a précédé la récusation, il y a eu procès criminel entre eux et l'une

des parties ou son conjoint ou ses parents ou alliés en ligne directe ;

4°S'il y a procès civil existant entre eux et l'une des parties ou son conjoint

5°S'ils ont donné un avis écrit dans l'affaire »

 






02/10/2013
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