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VIOLENCES CONJUGALES


GÉNÉRALITÉS
LES CHIFFRES
PROCESSUS, MÉCANISMES ET CONSÉQUENCES
PRÉVENIR, DÉPISTER ET PROTÉGER - LA LOI
VIOLENCES CONJUGALES PENDANT LA GROSSESSE
IMPACT DES VIOLENCES CONJUGALES SUR LES ENFANTS
MAUVAIS CONJOINT, BON PARENT ?



GENERALITES

Définition : Il s'agit d'un processus au cours duquel un partenaire ou un ex-partenaire adopte à l'encontre de l'autre des comportements agressifs, violents et destructeurs.
Il s'agit donc de violences exercés par un partenaire au sein d'une relation de couple (que les partenaires soient mariés, pacsés, ou vivant en concubinage, que le couple soit hétéro ou homosexuel, que le couple soit séparé) ou au sein des relations amoureuses.
Les violences conjugales comme toutes les violences sont intentionnelles et elles représentent une atteinte au droit fondamental des personnes à vivre en sécurité, et une atteinte à leur dignité. Elles entraînent aussi une atteinte à leur intégrité physique et psychique et sont à l'origine d'importantes conséquences psychotraumatiques. Elles peuvent mettre en péril la vie, la santé, l'intégration scolaire, professionnelle et sociale des victimes et de leurs enfants. Elles aggravent ou génèrent des situations de précarité, de pauvreté, voire de marginalisation.
Elles sont un problème socio-politique et de santé publique. Une permanence téléphonique a été mise en place en 1992 par la Fédération Solidarité femmes avec depuis 2007 un numéro d'appel gratuit et anonyme depuis un téléphone fixe, le 39-19 violences conjugales-info, avec le site http://www.solidaritefemmes.asso.fr/ewb_pages/l/le-3919-violence-conjugale-infos.php . En 2010 les violences faites aux femmes ont été instituées grande cause nationale ; pour en savoir plus : http://www.violencesfaitesauxfemmes.com/ewb_pages/p/presentation-grande-cause2010.php .La loi reconnaît de plus en plus leur gravité et reconnaît que la qualité de conjoint de la victime constitue une circonstance aggravante de l'infraction commise, les textes de loi votés récemment organise une meilleure protection des victimes (ordonnance de protection, éviction du partenaire violent, bracelet électronique, nouveau délit de violences psychologiques au sein du couple), et une meilleure information (campagne, diffusion de plaquettes d'information), une meilleure formation des professionnels concernés (de la santé, du social, des secteurs associatifs, de la police et de la gendarmerie, de la justice) et une meilleure lutte contre les inégalités et les comportements sexistes. La violence conjugale n'est pas le résultat d'un conflit. La violence conjugale est un processus d'emprise. Quel que soit son cadre, la violence est toujours une affaire de recherche de pouvoir sur l'autre, de satisfaction de ses attentes au détriment de l'autre, souvent exercée de façon mystificatrice au nom de l'amour. Le recours à la violence a pour objectif le contrôle et la domination de l'autre, la victime est mise sous emprise. La violence englobe la violence physique, verbale, psychologique, sexuelle, économique.
Il s'agit aussi d'une violence touchant dans leur immense majorité les femmes, dans 82% des cas de violences conjugales. Cette violence est « dirigée contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques y compris la menace de tels actes » (article 2-ONU, 1993), et elle « s'analyse comme un moyen de contrôle de la femme ayant ses racines dans le rapport de pouvoir inégal entre l'homme et la femme » (conférence de Rome,1993).
Les violences conjugales sont fréquentes, répétées et durables, elles démarrent très tôt dès l'adolescence dans le cadre des premières relations amoureuses. Elles touchent toutes les couches de la société, à toutes les périodes de la vie de couple, mais elles sont encore plus fréquentes chez les jeunes, lors de la première grossesse ou lors d'une séparation.
Elles bénéficient d'une tolérance, d'une minimisation et d'une banalisation de la part de la société, lesquelles reposent sur des stéréotypes concernant les femmes et leur rapport aux hommes, sur l'amour-passion confondu avec l'emprise et la possession qui justifierait la jalousie, le contrôle du partenaire, la violence lors des rapports sexuels, la disponibilité constante du partenaire, la mise sous esclavage au service de l'autre : « si tu m'aimes… ». Les violences conjugales sont tellement répandues que nombreux sont les enfants qui y ont été exposés à l'intérieur de leur famille, le couple est alors pour eux un lieu naturellement violent, dans lequel la jalousie le contrôle et la domination de l'homme sur la femme font partie des relations habituelles. Ils apprennent de leur famille une façon violente de gérer les conflits et que le rôle de la femme est de se soumettre aux exigences de son mari et de ne jamais le contrarier. Ils font l'expérience au sein de leur famille de la pression, l'intimidation et la manipulation émotionnelle comme outil pour obtenir ce qu'ils veulent.
Les violences familiales sont pour les femmes et les enfants, qu'ils soient témoins de violences conjugales ou victimes directes, à l'origine d'importants traumatismes psychiques et de conséquences graves et durables sur leur santé psychique et physique : pour les femmes, conséquences sur leur vie personnelle, affective, sociale et professionnelle, et pour les enfants conséquences sur leur développement, leur scolarisation, leur socialisation et leur vie affective. Ces conséquences sont liées à l'installation de troubles psychotraumatiques sévères qui sont particulièrement fréquents chez les femmes victimes de violences conjugales : 58% versus 24% chez l'ensemble des victimes de traumatismes, et les enfants exposés aux violences conjugales : 60% versus 24 %.
Les violences conjugales commencent souvent lors de la première grossesse (pour 40 % de l'ensemble des violences conjugales ), l'entrée dans la vie familiale peut « allumer » la mémoire traumatique, cf MÉMOIRE TRAUMATIQUE, d'un futur père qui a des antécédents de maltraitance dans l'enfance ou a été témoin de violence conjugales ; il peut alors considérer que cet enfant à venir « l'agresse », le met en danger et vouloir l'attaquer, le passage à l'acte violent en générant un stress lui permet de « disjoncter » et de s'anesthésier émotionnellement. La vie familiale devient un terrain miné susceptible d'exploser à tout instant et de s'abattre en violence sur la femme et les enfants, ceux-ci doivent mettre en place des stratégies d'évitement pour que la mémoire traumatique du père ne s'allume pas. La violence peut au travers des conduites dissociantes anesthésiantes générer de nouvelles violences de générations en générations.

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Les chiffres

La violence conjugale est la forme la plus courante de violence subie par les femmes dans le monde. Des études démographiques ont été conduites dans 71 pays pour recueillir des informations sur l'ampleur et la prévalence de la violence conjugale. Il ressort de l'étude Multipays de l'OMS sur la santé des femmes et la violence domestique à l'égard des femmes que la prévalence de la violence physique commise par un partenaire intime durant la vie d'une femme oscille entre 13 % et 61 %. La prévalence varie entre 23 % et 49 % pour la majorité des lieux étudiés. La prévalence de la violence sexuelle commise par un partenaire intime au cours de la vie d'une femme oscille entre 6 % et 59 %. Plusieurs études conduites dans différents pays en développement indiquent que la violence durant la grossesse oscille entre 4 % et 32 %, et que la prévalence de la violence physique durant la grossesse, de sa forme modérée à sa forme extrême, est d'environ 13 %. En France, au cours de l'année 2008, la délégation aux victimes du Ministère de l'intérieur a constaté que 184 personnes sont décédées, victimes de leur partenaire ou ex-partenaire de vie (conjoint, concubin, pacsé ou ex-dans les trois catégories). De ce rapport il ressort que tous les deux jours en France, un homicide est commis au sein du couple. 156 femmes sont décédées en une année, victimes de leur compagnon ou ex-compagnon, 27 hommes sont décédés, victimes de leur compagne ou ex-compagne. 1 femme est tuée par son partenaire ou ex partenaire tous les 2 jours et demi, 1 homme tous les 14 jours. Les femmes sont les victimes dans 84,4 % des cas.
C'est seulement depuis 2006 que la Délégation aux victimes mène, pour le Ministère de l'intérieur, un recensement sur les morts violentes au sein du couple. Il convient de souligner que les chiffres présentés dans cette étude sont un minimum, quelques rares cas ayant pu échapper à la remontée d'information auprès de la Délégation aux victimes.
L'enquête ENVEFF (Enquête nationale sur les violences faites aux femmes) date de 2000, sur un échantillon de 6970 femmes âgées de 20 à 59 ans : dans les 12 mois précédant l'enquête, 10% des femmes ont été victimes de violences conjugales (soit en IDF 350 000 femmes). Ces violences conjugales sont gardés sous silence (2 femmes sur 3 en ont parlé pour la première fois lors de l'enquête), les femmes les plus jeunes (20-24 ans) les subissent davantage. Ces violences se décomposent en : 4,3% de violences verbales(insultes, menaces, chantages), 37% de violences psychologiques (contrôle, domination, dénigrement, mépris),2,5% de violences physiques ( coups, brutalités, gifles, séquestration, mises à la porte, tentatives d'homicide), 0,9% de violences sexuelles (agissements sexuels imposés, viols).
L'enquête de Seine St Denis en 2008 confirme que les plus jeunes femmes (18-21 ans) subissent plus de violences dans le couple au cours des douze derniers mois : 4% des jeunes filles ayant eu une relation amoureuse dans les 12 derniers mois ont déclaré avoir subi des attouchements du sexe contre leur gré, tentative de viol, et viol. Les relations des jeunes couples semblent en effet très tendues (29% de harcèlement psychologique réciproque) mais aussi très violentes (12 % de harcèlement psychologique et 9% de violences physiques subies par les filles). Enfin, les femmes mariées (peu nombreuses) sont celles qui ont le plus déclaré du harcèlement psychologique, principalement motivé par une volonté de contrôle de la part de leur partenaire, elles sont également beaucoup plus exposées aux agressions sexuelles. Comme l'ont montré d'autres études, les femmes, mariées précocement sont souvent dans des situations de vulnérabilité. Mais les jeunes femmes parlent plus des violences et les dénoncent plus.

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Processus, mécanismes et conséquences

La violence conjugale se développe à travers des cycles dont l'intensité et la fréquence augmentent avec le temps. Les périodes d'escalades et les phases d'explosions de violence se succèdent, entrecoupées de périodes de rémission durant lesquelles le conjoint minimise les faits, justifie son comportement et promet de ne plus recommencer, périodes dites de « lune de miel », plus le cycle se répète, plus l'emprise est forte sur la victime, plus ces « lunes de miel » sont courtes.
L'évolution suit une courbe croissante qui va de la moindre à la plus grande dangerosité : agressions psychologiques (qui peuvent durer des années), violence verbale, agression physique, tentative d'homicides. Dans la majorité des cas le comportement du conjoint violent est de plus en plus dangereux avec le temps.Le cycle de la violence s'organise en 4 phases (d'après les recherches de Léonore Walker, 1979) :
1. Tensions (conflits, contrôle, menaces), crainte et peur chez la victime
2. Agressions (recours à la violence), terreur, impuissance, désespoir chez la victime
3. Déni, transfert de culpabilité, culpabilisation, responsabilisation chez la victime
4. Rémission, sursis amoureux, espoir de changement, efforts chez lza victime pour minimiser les faits et les excuser.

L'agresseur développe une véritable addiction à la violence et s'il constate qu'aucune conséquence n'a découlé de ses actes violents et qu'il bénéficie d'une totale impunité, le climat de domination peut se réinstaller, le cycle recommence et s'aggrave alors, il est essentiel de l'arrêter le plus précocement possible.

Les 5 stratégies habituelles des agresseurs (d'après Marie-France Casalis du CFCV, Collectif féministe contre le viol) :
- isoler la victime, la priver de ses ressources, de ses proches
- la dévaloriser, la déstabiliser
- inverser la culpabilité
- instaurer un climat de peur, terroriser, se présenter comme tout-puissant
- assurer son impunité en recrutant des alliés

Pour mieux s'opposer à ces stratégies il faut :
- accompagner la victime, lui donner son soutien, son aide
- la valoriser, reconnaître son courage, ses capacités, sa résistance
- s'appuyer sur la loi et le droit, attribuer à l'agresseur la seule responsabilité
- la mettre en sécurité, mettre fin aux violences
- résister, dénoncer et accompagner.

L'agresseur avec souvent la complicité de la société, de la famille, des institutions, et parce qu'il se sent en position de force, peut se choisir une victime ou des victimes pour échapper à ses angoisses et à son malaise (dus à sa mémoire traumatique). Cette victime-esclave devra être dévouée au confort personnel, professionnel, psychique, physique, sexuel du conjoint violent et devra à sa place développer des conduites d'évitement pour ne pas le contrarier ni l'énerver. La victime est instrumentalisée comme une drogue dissociante efficace, les violences et la terreur qu'il génère chez la victime permet au conjoint violent de se dissocier (disjonction du circuit émotionnel) et de s'anesthésier émotionnellement. Comme toute conduite addictive un phénomène de dépendance et de tolérance va s'installer qui va entraîner une augmentation inexorable des violences.
Le conjoint victime/esclave/bouc émissaire « idéal», c'est la victime qui est « trop gentille », ayant été formatée souvent depuis l'enfance à ne pas se défendre, à ne pas contrarier, à ne pas dire non, à être toujours prête à faire des efforts, à se remettre en question, qui est donc une bonne esclave, qui ne risque pas de se rebeller. C'est celle qui est isolée, sans personne pour la défendre (sans famille, immigrée....), qui représente pour l'agresseur l'assurance d'une impunité. Le conjoint ne risque pas de perdre sa victime. Comme elle a subi des violences graves avant sa vie conjugale, sa mémoire traumatique la rend facile à terroriser, et en fait une bonne drogue dissociante pour l'agresseur.
Les conséquences psychotraumatiques des violences expliquent des symptômes, des troubles du comportement et des conduites des victimes qui paraîssent paradoxaux et incompréhensibles à l'entourage et aux professionnels qui les prennent en charge alors que se sont des réactions normales à des situations anormales, cf CONDUITES À RISQUES.
Les conséquences psychotraumatiques des violences et les mécanismes neuro-biologiques de disjonction expliquent également certains comportements violents des conjoints. Ces violences sont des conduites dissociantes addictives, anesthésiantes, d'auto-traitement qu'ils mettent en œuvre pour échapper à leur mémoire traumatique. Leurs victimes sont instrumentalisées comme des drogues pour les soulager d'un mal-être qui n'a aucun rapport avec la réalité, elles sont sommées de jouer un rôle dans une histoire qui n'est pas la leur qui ne les concerne pas. Les victimes décrivent leur conjoint comme n'étant plus lui-même au moment des violences, comme devenant un monstre (car il rejoue une scène traumatique de son passé en choisissant comme rôle celui de l'agresseur, il devient donc quelqu'un d'autre), ce déchaînement de violences est incompréhensible, terrifiant et n'a aucun sens pour la victime, rien de ce qu'elle a fait, de ce qu'elle a dit, de ce qu'elle est, de ce qui est arrivé ne peut l'expliquer. C'est le rapport de force offert par une société inégalitaire qui permet à l'homme violent d'instrumentaliser sa femme et ses enfants pour son confort personnel (conduite d'évitement) et pour s'anesthésier (conduites dissociantes), sans se poser de questions sur son comportement incohérent et injuste.
Paradoxalement les victimes de violences peuvent se sentir « mieux » (en fait plus dissociées et anesthésiées, voir hypnotisées) avec leur conjoint violent que lorsqu'elles sont séparées de lui, et penser à tort qu'elles l'ont dans la peau, qu'elles l'aiment, alors qu'elles sont en fait tellement terrorisées avec lui qu'un seul regard suffit à les dissocier et à les anesthésier. Se remettre avec un agresseur c'est échapper à sa mémoire traumatique par dissociation, tout en se mettant en danger.
Du côté de l'agresseur, ces violences conjugales (liées à des conduites dissociantes qui mettent en jeu la sécrétion de drogues « dures » pour disjoncter ) deviennent des conduites addictives ; ce sont les phénomènes de dépendance et de tolérance qui entraînent une augmentation inexorable des violences.
Il est donc essentiel que les femmes victimes de ces violences puissent comprendre les mécanismes en jeu, se désolidariser d'une histoire qui n'est pas la leur et refuser d'y jouer un rôle en renvoyant leur conjoint à une mémoire traumatique qui ne concerne que lui-même et qu'il doit assumer et traiter autrement qu'en exerçant des violences, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire.
En conclusion, la vie de couple (qui rappelle les violences conjugales dont on a été témoin et rallume ainsi la mémoire traumatique), la vie familiale avec la naissance des enfants (qui rappelle les maltraitances subies et les violences conjugales déclenchées par des altercations autour des enfants et rallume ainsi la mémoire traumatique), la vie sexuelle du couple (qui peut rappeler des violences sexuelles subies et rallume ainsi la mémoire traumatique) deviennent des terrains minés, chaque explosion de la mémoire traumatique étant susceptible de déclencher la mise en place de conduites dissociantes : alcoolisation, prise de drogues, violences contre soi (tentatives de suicide, automutilation), violences contre son conjoint ou contre ses enfants, conduites de mises en danger (moto, voiture, sports extrêmes, jeux dangereux, conduites sexuelles à risques, troubles alimentaires.
Face à cette mémoire traumatique, si l'un des membre du couple se positionne comme dominant, supérieur en rapport de force, il peut instrumentaliser son conjoint pour échapper à l'angoisse déclenchée par les allumages de sa mémoire traumatique (sa prétendue supériorité donnant plus de valeur à son bien-être qu'à celui du reste de sa famille) en imposant que ce soit au conjoint et à ses enfants de mettre en place des conduites d'évitement efficaces pour « qu'il ne s'allume pas », les transformant en esclaves au service de son bien-être (physique, psychique et sexuel), ou en ayant recours à des conduites dissociantes en cas d'échec : alcoolisation massive, violences verbales, physiques, sexuelles, à des mises en danger, à des menaces suicidaires … Le partenaire du couple en position de victime (le plus souvent la femme) et les enfants sont donc instrumentalisés. Ils vivent dans la terreur et développent des psychotraumatismes avec des conséquences graves pour leur santé physique et psychique. Ils vont développer à leur tour une mémoire traumatique, une souffrance intolérable, des conduites d'évitement, des conduites dissociantes (alcool, drogues, troubles alimentaires, risques suicidaires X25 pour les violences conjugales, conduites à risques chez les adolescents avec de nombreux accidents). Chaque « disjonction » va recharger la mémoire traumatique et la rendre encore plus hypersensible et explosive, imposant aux « esclaves » des conduites d'évitement de plus en plus envahissantes ; de plus, la disjonction se faisant grâce à la sécretion par le cerveau de « drogues dures » : morphines-like et kétamines-like, très rapidement un phénomène de dépendance et de tolérance va se mettre en place, nécessitant chez l'agresseur des « doses » de plus en plus fortes, donc des conduites dissociantes de plus en plus importantes : alcoolisation massive, violences de plus en plus graves, conduites dangereuses de plus en plus risquées. Le conjoint et ses enfants se retrouvent de plus en plus en danger et de plus en plus traumatisés.

Pour les femmes, avoir été victime de violences pendant l'enfance augmente le risque de subir des violences conjugales. Elles peuvent-être choisies pour leur isolement, leur vulnérabilité et l'intensité de leur mémoire traumatique qui les rend encore plus terrorisées lors des violences et donc moins aptes à se défendre, moins confiantes en elles et plus « intéressantes » car plus efficaces comme « drogue dissociante pour l'agresseur. De leur côté, elles peuvent choisir leurs conjoints pour son histoire traumatique qui les fait se sentir plus proches d'eux, pour les aider.
La violence n'est pas une fatalité, c'est la loi du plus fort qui permet que les conduites dissociantes soient utilisées en toute impunité contre les plus vulnérables, les hommes violents doivent arrêter de s'autoriser à être violents et se désintoxiquer de leur recours à la violence pour éteindre leur mémoire traumatique. La violence peut produire de la violence de façon transgénérationnelle par l'intermédiaire de la mémoire traumatique et des conduites dissociantes, les enfants exposés à la violence conjugale sont à risque de devenir violent envers eux-mêmes, d'être victimes de violences ou d'être à leur tour des conjoints violents.

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Prévenir, dépister et protéger - la loi

Les violences conjugales sont considérées comme un délit quelle que soit l'ITT pénale (incapacité totale de travail) ou un crime en cas d'homicide, de viol, d'actes de torture ou de barbarie. La Loi n° 92.683 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du Code Pénal mentionne expressément que la qualité de conjoint de la victime constitue une circonstance aggravante de l'infraction commise. Il en ressort que même s'ils n'ont entraîné aucune incapacité totale de travail (ITT), ces faits de violence sont constitutifs d'un délit, donc passibles du Tribunal Correctionnel. Et depuis la loi du 4 avril 2004 cette circonstance aggravante est élargie aux concubins, "pacsés" et anciens conjoints. Elle est applicable en cas de meurtre ce qui porte la peine encourue à la réclusion à perpétuité au lieu de 30 ans ; d'autre part la proposition stipule que la qualité de conjoint ou de concubin « ne saurait être une cause d'atténuation de la responsabilité en cas de viol au sein du couple », disposition rarement appliquée…
L'article 220-1, alinéa 3, du Code civil 2004 permet l'éviction du conjoint marié violent (qui sera élargi aux conjoints pacsés violents et aux concubins avec la loi du 29 juin 2010).
Par ailleurs, la Loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple vise à prévenir et réprimer la violence au sein du couple : pour aider à lutter contre les mariages forcés, le texte aligne l'âge légal du mariage des femmes sur celui des hommes (18 ans au lieu de 15).
L'interdiction d'accéder au domicile conjugal pourra faire partie des obligations imposées au conjoint ou concubin violent dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve et du contrôle judiciaire ; un amendement a été adopté par les sénateurs, punissant d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende le fait de priver, dans un couple, l'autre de ses papiers d'identité ou de son titre de séjour.

La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010

relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants est un progrès, elle institue une ordonnance de protection des victimes de violences, qui peut être délivrée par le juge aux affaires familiales, en urgence, lorsque des violences sont exercées au sein du couple ou lorsque des personnes sont menacées de mariage forcé. Cette loi comporte trois volets principaux :
- d'une part, des dispositions visant à renforcer la protection des victimes de violences quelle que soit la nature de celles-ci, avec l'ordonnance de protection
- d'autre part, des dispositions relatives à la prévention de ces violences (informations des scolaires, formations des professionnels, institution d'une journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes fixée au 25 novembre)
- enfin, des dispositions visant à renforcer la répression des auteurs de violences faites aux femmes (nouveau délit de violences psychologiques).
L'ordonnance de protection pour les victimes de violences au sein du couple ou pour les personnes menacées de mariages forcés permet de mettre en place des mesures d'urgence, sans attendre le dépôt d'une plainte par la victime, notamment :
- l'éviction du conjoint violent : ne sont plus seulement concernés les couples mariés, mais également les partenaires d'un PACS et les concubins)
- la dissimulation du domicile de la victime ou de sa résidence
- la prise en compte de la situation des enfants exposés à ces violences au travers de l'adoption de mesures provisoires et urgentes en matière d'exercice de l'autorité parentale, d'attribution de la jouissance du logement conjugal, de contribution aux charges du ménage
- l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de la partie demanderesse
- la limitation du recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales, la médiation pénale ne peut plus être imposée et devient réservée à la demande ou à l'accord de la seule victime. La médiation pénale en cas d'ordonnance de protection est prohibée, sauf si la victime en exprime la demande
- La délivrance et le renouvellement automatique de la carte de séjour temporaire aux victimes de violences conjugales lorsqu'elles bénéficient d'une ordonnance de protection et la délivrance automatique d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux personnes en situation irrégulières victimes de violence, dès lors qu'elles bénéficient d'une ordonnance de protection. Ce titre de séjour comporte l' autorisation de travailler. La carte de résident peut être attribuée à la victime ayant porté plainte et en cas de condamnation de la personne mis en cause.
Cette ordonnance de protection est applicable durant quatre mois, avec possibilité de renouvellement en cas de dépôt par la victime d'une requête en divorce ou en séparation de corps. La loi impose aux officiers et agents de police judiciaire d'informer la victime, dès l'enquête préliminaire, de la possibilité de bénéficier d'une ordonnance de protection pour les victimes de violences, ainsi que des peines encourues par le ou les auteurs des violences et des conditions d'exécution des éventuelles condamnations.

Cette loi met aussi en place l'expérimentation, pendant 3 ans, du bracelet électronique auprès d'auteurs de violences au sein du couple (conjoint, concubin, partenaire, « ex ») ou sur les enfants et de dispositifs de protection offerts aux victimes de violences conjugales : lorsqu'une personne est placée sous surveillance électronique mobile, dans le cadre d'une assignation à résidence, d'un suivi socio-judiciaire ou d'une liberté conditionnelle avec interdiction de rencontrer la victime, cette dernière peut, si elle y consent expressément, se voir attribuer un dispositif de téléprotection (cf. expérience du téléphone portable d'urgence sur le 93).

Cette loi introduit un nouveau délit de violences psychologiques au sein du couple dans le code pénal en se fondant sur la définition du harcèlement moral : Art. 222-33-2-1 : « Le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail, et de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende lorsqu'ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ». Les mêmes peines sont encourues lorsque cette infraction est commise par un ancien conjoint, un ancien concubin de la victime, ou un ancien partenaire.
Cette loi supprime dans le code pénal la mention de la présomption de consentement des époux à l'acte sexuel s'agissant du viol entre époux.
Pour en savoir plus sur la loi du 9 juillet 2010 voir la loi sur le site légifrance : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022454032&categorieLien=id

Le dépistage des conséquences psychotraumatiques

devrait être systématique, fait par tous les professionnels des secteurs de soins, associatifs et de l'aide sociale.
Les victimes de violences conjugales ont un risque important de développer des troubles psychotraumatiques chroniques (58%) et ne doivent pas rester abandonnées à leur sort et à leurs symptômes. Pour cela il faut identifier les violence le plus précocement possible pour mettre en place une protection et une prise en charge efficace. Plus la prise en charge est précoce, moins il y a de risque que la victime développe une mémoire traumatique et des troubles psychotraumatiques, et plus les troubles psychotraumatiques sont dépistés tôt, plus leur traitement est efficace rapidement.
Actuellement la méconnaissance, chez les professionnels susceptibles de prendre en charge et d'orienter au mieux ces victimes, de la réalité des violences et de la gravité ainsi que du caractère chronique des conséquences psychotraumatiques fait que la majorité des victimes restent longtemps exposées aux violences et ne sont pas soignées spécifiquement.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 22 à 35% des femmes qui consultent dans les services d'urgence présentent des symptômes consécutifs aux violences (Campbell et al., 1994) alors que seulement 2% sont identifiées comme victimes aux urgences (Olson, 1996); 28% des femmes s'adressant à des dispensaires de médecine ont subi des violences conjugales (Gin et al.,1991), 10 à 32 % des femmes examinées dans des services de gynécologie obstétrique ont subi des violences conjugales (Campbel et al., 1992; Stewart et Ceccuti, 1993)‏ ; 52à 72 % des femmes hospitalisées dans un service de psychiatrie et 64 % adressées à un psychiatre sont victimes de violences (Maza, 1996).
Les professionnels doivent être mieux formés, particulièrement les médecins.
Le dépistage des violences conjugales devraient être systématique fait par tous les professionnels des secteurs de soins, associatifs et de l'aide sociale sous la forme de questions lors d'entretiens, toujours en dehors des partenaires et/ou des familles. Il est essentiel de lutter contre la loi du silence.
Il a été démontré que si les femmes ont accès à des ressources (associatives, médicales spécifiques, judiciaires) le risque de récidives diminue (Wathen et MacMillan, 2003) et des vies peuvent être sauvées et la qualité de vie améliorée (Campbel, 2004; Sharps et al., 2001). Les femmes qui ont peur pour la vie de leur bébé à venir sont plus susceptibles de braver la loi du silence (souvent liée à une culpabilité entretenue par l'agresseur et la honte de subir des violences) et de réussir à parler malgré les menaces dont elles sont fréquemment l'objet.

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Violences conjugales pendant la grossesse

Les violences conjugales pendant la grossesse sont très peu étudiées en France et en Europe, beaucoup plus en Amérique du Nord particulièrement au Canada ou de nombreuses études ont été faites et des systèmes de surveillance périnatale mis en place pour dépister les violences (SCSP), recommandant le dépistage universel des violences conjugales chez toutes les femmes enceintes. La grossesse étant un moment où les femmes ont un accès régulier aux soins et où elles interagissent avec des professionnels de la santé, il s'agit d'une période idéale pour dépister et prévenir les violences. La grossesse est une période de vulnérabilité qui (comme dans le cas des mineurs) autorise la levée du secret médical pour faire un signalement aux autorités judiciaires.

Les femmes de 15 à 45 ans (période qui correspond aux années de procréation) ont déclaré des taux de violences plus élevés que celles de plus de 45 ans, (enquête canadienne, Ottawa, 1999). Le taux de violence est de 6,6 % pendant la grossesse en cours, 86,1 % de ces femmes avaient déjà subi des violences conjugales, près des 2/3 (63,9%) des femme ont déclaré que la violence s'était aggravée pendant la grossesse (Stewart,1993). Chez les femmes qui ont déclaré des violences pendant leur grossesse, 90% ont subi des violences dans les 3 mois suivant l'accouchement, le nombre de violences ayant augmenté après la naissance (Muhajarine,1999).

Les violences débutent souvent au cours d'une grossesse et les femmes victimes pendant leur grossesse ont plus tendance à signaler des actes de violence «extrêmement grave» : 40% des violences conjugales ont débutées pendant la grossesse, les femmes victimes enceintes étaient 4 fois plus nombreuses que les autres femmes victimes à dire qu'elles avaient subi des violences «extrêmement graves» (coups, strangulation, menaces de mort par armes, agressions sexuelles), 45% des femmes victimes de violences ont subi des blessures physiques dont 10% ont déclaré avoir souffert de lésions internes et subi une fausse-couche (enquête nationale canadienne auprès de 12300 femmes, 1993).

Les violences conjugales pendant la grossesse peuvent avoir de graves conséquences sur le suivi, le déroulement de la grossesse, le travail, l'accouchement et le post-partum. Les violences sont aussi à l'origine d'assez nombreuses demandes d'IVG.

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Impact des violences conjugales sur les enfants

Les violences conjugales sont à l'origine d'importants traumatismes sur les enfants qui en sont témoins et qui les subissent. Lors de violences conjugales, les enfants vont grandir dans un climat de grande insécurité et de terreur et vont être témoins, ou victimes directes de ces violences qui peuvent s'abattre sur eux en même temps. La majorité (près de 60 %) de ces enfants, s'ils ne sont pas efficacement protégés et pris en charge, développeront des conséquences psychotraumatiques graves et durables sur leur santé physique et psychique avec une grave souffrance mentale, des retentissements sur leur développement psycho-moteur, leur scolarisation, leur socialisation et leur vie affective à long terme ; ils auront un risque d'être à nouveau victime de violences tout au long de leur vie, et un risque également important de présenter des conduites agressives, des conduites à risque, des conduites délinquantes et des troubles psychiatriques à l'âge adulte (Rossman, 2001). 40 à 60 % d'hommes violents avec leurs partenaires ont été témoins de violences conjugales dans l'enfance.

Les enfants traumatisés par des violences conjugales présentent davantage de problèmes de santé : retard de croissance, allergies, troubles ORL et dermatologiques, maux de tête, maux de ventre, troubles du sommeil et de l'alimentation, et ils sont plus souvent victimes d'accidents (8 fois plus d'interventions chirurgicales). Ils présentent fréquemment des troubles de l'adaptation : phobies scolaires, angoisse de séparation, hyperactivité, irritabilité, difficultés d'apprentissage, et des troubles de la concentration. Ils présentent fréquemment aussi des troubles du comportement, 10 à 17 fois plus que des enfants dans un foyer sans violence, dont des comportements agressifs vis à vis des autres enfants, 50% des jeunes délinquants ont vécu dans un milieu familial violent dans l'enfance.

Les enfants traumatisés par des violences conjugales peuvent présenter à l'âge adulte (Rossman, 2001) une augmentation :

  • du risque d'être à nouveau victimes de violences tout au long de la vie
  • du risque de présenter des conduites agressives
  • du risque de présenter des conduites à risque
  • du risque de présenter des conduites délinquantes et des troubles psychiatriques (40 à 60 % d'hommes violents avec leur partenaires ont été témoins de violence conjugale dans l'enfance).

Les troubles psychotraumatiques peuvent représenter pour ces enfants un risque vital, particulièrement à l'adolescence avec une augmentation du risque d'avoir un accident mortel et une augmentation importante du risque suicidaire (x 20).

Les enfants sont particulièrement exposés à des troubles psychotraumatiques lors des violences conjugales du fait de leur vulnérabilité, de leur dépendance affective et physique, de leur immaturité psychique et physiologique, de leur impuissance, et de leur situation d'être en construction et en devenir. Comme les enfants témoins de violences conjugales vivent dans un climat de grande insécurité et de terreur, toute leur énergie passe dans la mise en place de stratégies de survie et de défense. Il est essentiel de les protéger, d'assurer leur sécurité et de leur donner des soins spécialisés. Il est essentiel aussi pour leur avenir de leur donner une meilleure image du monde adulte, en leur redonnant confiance en un monde d'égalité, de fraternité et de justice où la loi du plus fort ne règne plus.

Les enfants subissent les violences conjugales souvent dès leur vie fœtale. Dans 40 % des cas les violences conjugales commencent pendant la grossesse et peuvent être plus graves pendant la grossesse pour 2 femmes sur 3 ; 4 fois plus de femmes signalent de très mauvais traitements pendant la grossesse (coups, menaces avec armes, agressions sexuelles). Les femmes qui subissent des violences conjugales ont un moins bon suivi de leur grossesse et plus de facteurs de risque (HTA, tabagisme, prise d'alcool)‏. Le fœtus se retrouve alors en danger, il est exposé à un stress physiologique important, avec des retentissements cardio-vasculaires et neurologiques, à un risque d'avortement (2 fois plus de fausses-couches chez les femmes victimes de violences conjugales), à une mort in utero par décollement placentaire ou rupture utérine, à une hémorragie fœto-maternelle, à un accouchement prématuré (37 % d'augmentation de risque), une souffrance néo-natale, à un petit poids de naissance (17 % d'augmentation de risque)‏.

Après la naissance le nouveau-né se retrouve doublement en danger , directement par la violence du père qui peut s'abattre sur lui (dans 3 cas sur 4 de violences conjugales), et indirectement par les violences que la mère continue à subir (dans 90 % des cas les violences conjugales continuent après l'accouchement) qui vont retentir sur les soins donnés à l'enfant et sur le lien mère-enfant, et être traumatisantes pour l'enfant. En effet le nouveau-né est très sensible aux effets de la violence qui l'entoure et il va développer d'importants troubles psychotraumatiques qui risquent de le mettre encore plus en danger : les pleurs continuels, les troubles importants du sommeil et de l'alimentation, le retard de développement psycho-moteurs peuvent être des facteurs de risque supplémentaires de maltraitance (bébé secoué, étouffement, etc.).

L'enfant grandit alors dans un climat d'insécurité, et développe une grande détresse face aux violences, face à son incompréhension et son impuissance, face à la menace de voir mourir un de ses parents, de mourir lui-même, ou d'être abandonné. L'enfant est d'autant plus exposé à des conséquences psychotraumatiques que les violences conjugales ont commencé très tôt, qu'il est l'aîné ou qu'il est enfant unique, que les violences sont graves et fréquentes, que l'enfant s'interpose et subit des violences directes. L'enfant va être d'autant moins exposé à des conséquences psychotraumatiques que sa mère (ou le parent victime) a des comportements de soutien et de compréhension face à sa souffrance et qu'elle est chaleureuse avec lui (qu'elle puisse parler avec l'enfant, le rassurer) et qu'elle lui donne des repères. Une bonne estime de soi et de bonnes compétences sont un facteur de protection (importance du rôle de l'école)

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Mauvais conjoint, bon parent ?

Des liens parentaux dans la violence conjugale.

par Sokhna Fall
Ethnologue et thérapeute familiale, victimologue
Vice-Présidente de l'Association Mémoire traumatique et victimologie

Lorsque la violence se déclenche dans le couple, l'auteur, clivé, halluciné par sa mémoire traumatique, cesse de voir l'autre parent comme la mère ou le père de ses enfants, parce qu'il ne perçoit plus non plus son enfant comme un être dont il a la responsabilité, auquel il doit secours et protection. Il ne répond qu'à son besoin impérieux d'utiliser l'autre pour apaiser son tourment intérieur. On pourrait dire que l'enfant est, tout autant que son parent victime, instrumentalisé dans le scénario catastrophique que rejoue l'auteur. Si le conjoint joue le rôle de victime des coups et de la violence verbale, l'enfant joue celui « d'un enfant qui a peur pour sa mère (ou son père) », « d'un enfant qui perd sa mère (ou son père) », « d'un enfant qui souffre pour sa mère (ou son père) ».
L'auteur des violences ne peut ignorer l'effet sur son enfant de ces scènes, que l'enfant en soit directement témoin ou pas, d'autant qu'il les a souvent lui-même vécues dans son enfance. Il ne peut prétendre n'avoir pas vu les regards d'effroi, pas entendu les cris de terreur ou pas perçu les tentatives malhabiles de le retenir. Affirmer qu'il ne s'en est « pas rendu compte » revient à reconnaître qu'il est à certains moments totalement incapable d'être conscient de l'existence de son enfant, et a fortiori d'empathie avec lui. Le passage à l'acte de la violence conjugale me paraît bien la révélation d'une défaillance – rarement passagère – des capacités parentales de l'auteur. Sans compter qu'il n'est pas rare que le prétexte de la violence soit l'intervention du parent victime pour protéger son enfant de méthodes dites « éducatives » brutales et cruelles.
Il me semble, par conséquent, que toutes les situations de violences conjugales portées à la connaissance de la Justice, devraient donner lieu, en plus des actes de procédure pénale, à différentes mesures, impliquant les deux parents, afin de protéger les enfants.

Premièrement, dès la mise en examen de l'auteur, un dispositif protégeant la victime des contacts avec l'auteur, y compris lors de l'exercice des droits parentaux, sans attendre les jugements du pénal et du Juge aux Affaires Familiales, devrait être mis en place.
Comme l'a démontré le drame du petit Ibrahima, enlevé par son père (condamné auparavant pour menaces de mort contre son ex-compagne), après que celui-ci a tué sa mère, on pourrait parler de « mise en danger d'autrui » ou même d'« homicide par imprudence », quand une cour juge que l'auteur a « l'interdiction d'approcher son ancienne compagne, en dehors du droit de visite pour récupérer l'enfant ». Un jugement de ce type prend le relais de l'instrumentalisation de l'enfant par l'auteur. Le père d'Ibrahima l'a bien compris, puisqu'il a invoqué le fait qu'il « voulait avoir l'enfant », « qu'en raison d'un conflit parental avec la mère, il ne l'avait pas autant qu'il le souhaitait », « que la mère de l'enfant ne respectait pas suffisamment la décision du juge des affaires familiales », pour justifier sa violence meurtrière (source : http://www.lepost.fr/article/2010/02/17/1946140_il-avoue-avoir-tue-son-ex-compagne-et-enleve-son-bebe-il-dit-et-repete-qu-il-voulait-avoir-l-enfant.html). Le sacro-saint « droit du sang » de la culture juridique française s'est révélé un « droit au sang ». La presse a insisté sur le fait que le père ne respectait pas le contrôle judiciaire puisqu'il se présentait au domicile de la mère en dehors de l'exercice de ses droits parentaux. Mais la décision de justice a autorisé cette transgression en autorisant l'auteur à se rendre au domicile de sa victime. Qu'est-ce qui justifiait que cet homme soit considéré comme dangereux pour son ex-compagne sauf dans les moments où il venait chercher leur enfant ? Est-ce à dire que c'est l'enfant, en l'occurrence âgé de 18 mois, qui devait constituer le rempart efficace à la violence conjugale ? On pourrait presque dire que, par ses transgressions, dont la police et la justice avaient été informées, ce père était plus protecteur que l'appareil judiciaire puisqu'il alertait sur les failles du jugement. Ce dernier a parié ou même « fantasmé », sur le dos fragile de l'enfant et le corps sanglant de la mère, que le mauvais mari ne saurait être un mauvais père, que la grâce de l'amour parental (pourtant inopérante jusque-là) empêcherait magiquement l'auteur de profiter de l'occasion pour s'en prendre de nouveau à sa victime. La mise en danger est d'autant plus flagrante qu'il n'est pas rare que suite à la séparation, les auteurs ne disposent pas de domicile adéquat pour recevoir l'enfant et exercent leur droit de visite au domicile du parent victime, et c'est peut-être pour cette raison qu'il n'avait pas été prévu que ce soit la mère qui amène l'enfant à son père. C'est donc à son domicile, là où elle pouvait penser être en sécurité, que la mère d'Ibrahima a été massacrée près de son fils, avec la complicité d'une décision judiciaire surréaliste.
Sans organiser de façon aussi explicite l'exposition de la victime à la récidive de l'auteur lors de l'exercice des droits parentaux, la plupart des jugements du pénal négligent tout simplement, jusqu'ici, de penser comment s'exerceront ces droits en dépit de l'interdiction de contact. Aux victimes de la violence conjugale de trouver l'organisation qui permettra à l'auteur de rencontrer les enfants sans se sentir ou sentir ceux-ci « trop » en danger. Certaines rechignent à se soumettre à ce qui peut leur sembler se livrer et/ou livrer leurs enfants à un ogre, et prennent le risque de se soustraire à ces décisions de justice (ce qu'avait peut-être effectivement fait la mère d'Ibrahima), donnant ainsi de nouveaux prétextes de violence à l'auteur et s'attirant la réprobation sévère des professionnels qui les accusent alors de « mêler les enfants à leur conflit de couple ». L'auteur, pour sa part, est délibérément mis en difficulté en ces occasions de rencontre, très susceptibles de réveiller en lui une tension dangereuse et de le conduire à rejouer le scénario destructeur d'un cycle de violence. Il peut aussi, de façon banale, se croire autorisé à profiter de ces moments, non pour exercer son rôle parental, mais pour tenter de reconquérir son conjoint. Le vocabulaire de la justice et du secteur social, focalisé sur le « conflit », favorise l'idéalisation de la situation « d'avant » et invite subtilement auteur et victime à se réconcilier alors qu'aucun d'eux n'a eu les moyens de traiter les problématiques complexes qui ont amené la violence de l'un à éclater à l'intérieur de leur relation. La Justice encourage ainsi ce que déplorent à juste titre policiers et travailleurs sociaux, c'est-à-dire le va-et-vient de la victime dans les bras de son bourreau.
Cette béance des décisions de justice, lorsqu'elle néglige d'organiser de façon protectrice l'exercice des droits parentaux, risque en outre que les enfants soient cette fois instrumentalisés par certains parents victimes, identifiés à l'agresseur, qui peuvent se saisir de l'occasion pour exercer à leur tour un pouvoir sur leur ex-conjoint. Celui-ci, même quand il tente de sortir de la violence, risque fort d'y retomber pour « défendre sa dignité».
La mise en place, immédiate et systématique, lors d'une mise en examen pour violences conjugales d'un dispositif de « lieu neutre », pour l'exercice des droits parentaux, me paraît la seule façon d'éviter réellement que des drames s'ajoutent aux drames et de permettre que les enfants soient protégés de la répétition de scènes traumatisantes. A fortiori, tout jugement comprenant des mesures de protection des victimes, mesures favorisées par la Loi de juillet 2010, ne devrait en aucun cas être contredit, autrement dit symboliquement annulé, par les conditions d'exercice des droits parentaux.

Deuxièmement, si indispensables soient de telles précautions, elles ne paraissent cependant pas suffisantes pour la protection effective des enfants. Il me semble que toutes les situations de violences conjugales devraient conduire les acteurs de la Protection de l'enfance à s'interroger sur les capacités parentales des deux parents. Il faut le répéter, un parent qui commet des violences contre l'autre parent de ses enfants ne peut ignorer qu'il porte atteinte à un facteur fondamental de leur bien-être affectif et psychologique. L'argument couramment avancé qu'il « n'aurait jamais commis de violences contre les enfants eux-mêmes ou en leur présence » paraît irrecevable. On s'indigne, à juste titre, de ces parents qui, après la séparation, disqualifient l'autre parent, voire l'éliminent de la vie de leur enfant ; considérant qu'ils s'attaquent ainsi aux fondements de la famille humaine dont un enfant a besoin pour bien se construire. Dans le cas des violences conjugales, on raisonne trop souvent comme si une tentative de destruction physique d'un parent par l'autre était moins préjudiciable à l'enfant que cette fameuse « aliénation mentale ». Il faut se donner les moyens d'évaluer quelle distorsion du lien parent/enfant a empêché le parent violent d'être en empathie avec son enfant lorsqu'il voit sa mère (ou son père) s'effondrer sous les coups, le visage en sang. Les reprises de contacts entre le parent violent et ses enfants après une condamnation devraient passer par une période de médiatisation des rencontres, voire de thérapie familiale spécifique, afin que le parent violent ne réduise plus son enfant à un élément de la dramaturgie conjugale mais le considère comme l'enfant qu'il est et prenne conscience de la souffrance qu'il lui a infligée. Sans cette reconnaissance minimale, le risque reste élevé que l'auteur continue à piéger l'enfant dans sa violence ou à l'instrumentaliser dans sa relation pathologique avec la victime.

Par ailleurs, il semble qu'il faudrait également évaluer la situation du parent victime. Dans un premier temps pour s'assurer qu'il est correctement protégé, entouré et soutenu pour se remettre de ses épreuves et par conséquent, pas trop envahi par sa propre souffrance pour pouvoir accueillir et soulager celle de son enfant. Ensuite, pour s'assurer que les difficultés personnelles à l'origine de son choix amoureux malheureux (basse estime de soi, liée à des expériences de maltraitance dans l'enfance, par exemple…), renforcées par les chocs traumatiques répétés subis dans le couple, sont en voie de traitement et ne risquent pas de réexposer l'enfant au danger. Il arrive malheureusement que le parent victime soit, comme l'auteur, incapable d'empathie avec son enfant et, au mépris de ses besoins et de ses sentiments de loyauté, attende de lui qu'il le venge ou le soutienne inconditionnellement.
La meilleure façon de prévenir ces dommages supplémentaires pour l'enfant serait, me semble-t-il, que le Juge des Enfants soit saisi systématiquement, au plus tard lors du jugement pénal, pour ordonner rapidement expertises familiales, Investigations d'Orientation Educatives ou toute autre mesure utile pour évaluer la situation de l'enfant et, si nécessaire, le protéger.

Enfin, il pourrait être très profitable, en termes de prévention de la répétition des violences tant au sein du couple concerné que dans le futur des enfants, de prononcer des injonctions de soins, individuels et familiaux.
Au bénéfice de l'enfant, il s'agirait d'évaluer et de traiter le cas échéant les séquelles post-traumatiques consécutives aux violences. Quand leur existence a été mise en danger et si gravement perturbée, les enfants ont impérativement besoin d'une « remise en ordre » symbolique. La Loi, normalement incarnée par les adultes protecteurs responsables de l'enfant, a été mise sens dessus dessous. Il est indispensable qu'elle soit restaurée, les décisions de Justice explicitées, les ressentis d'effroi, de peur, d'abandon et de colère… de l'enfant reconnus et accompagnés. L'enfant doit pouvoir aussi être « dé-parentalisé », être autorisé à ne pas protéger ni prendre en charge ses parents, dans un contexte sécurisé.
Pour l'auteur, l'objectif serait à minima de l'amener à prendre conscience des violences infligées aussi à l'enfant – scènes terrifiantes, peur pour le parent victime, expérience d'abandon émotionnel, s'il n'a été « que » « témoin », ou autres violences s'il a été directement victime en essayant de protéger l'autre parent par exemple.
Pour le parent victime, devrait lui être offerte une aide qui lui permette de soigner ses séquelles post-traumatiques et de se détacher des croyances négatives sur elle-même qui l'ont empêchée de repérer le danger représenté par son conjoint avant que ne se produise l'irréparable.
Au niveau familial, parallèlement, pourraient se mettre en place des entretiens parent victime/enfant(s) qui rendent à chacun sa place ; en désamorçant la « rivalité de victimes » qui peut parfois naître entre eux, en réhabilitant le parent qui, s'il s'est révélé pour l'enfant d'une vulnérabilité jusque là impensable, ne reste pas moins parent responsable de lui et capable de le protéger dans les situations normales ; en rendant son innocence à l'enfant, même si dans le drame, il a pu paraître protéger l'auteur, ou prendre parti, ou être « la cause » des violences, etc.… Plus tard, si une remise en question de ses actes est devenue possible pour l'auteur, le remplacement des visites médiatisées par des entretiens thérapeutiques familiaux parent auteur/enfant(s) devrait permettre d'aller plus loin, si possible, dans la différenciation entre la problématique de l'auteur et celle de ses enfants, pour que la violence agie comme subie devienne clairement, aux yeux de ces derniers, un grave accident de la vie et non un modèle relationnel.



02/03/2013
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