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Paragraphe 2 : Les limites de la récusation

Paragraphe 2 : Les limites de la récusation

Les limites de la récusation en droit béninois résident aussi bien dans l'arsenal légalement mis en place, que dans les causes de partialité, qui n'ont pas du tout été prévues, et qui excluent toute possibilité de récusation. Ainsi, à la portée limitée de la garantie légalement instituée (A), semble s'y adjoindre l'existence de causes de partialité exclusives de récusation (B).

A- La portée limitée de la garantie légalement instituée

La récusation présente bien des limites qu'il convient de relever.

Dans un premier temps, la loi a prévu la possibilité de récuser le juge, dans le cas où son conjoint a un intérêt dans la contestation, ou, qui, de par ses liens avec l'une des parties, est lui-même partie à l'instance. La notion de conjoint implique indubitablement, en droit positif béninois, la notion de lien matrimonial unissant deux époux. Le Code des personnes et de la famille ne reconnaît la qualité de conjoint qu'à une personne mariée, le mariage célébré devant l'officier d'état civil seul est reconnu et produit des effets légaux195(*). L'on en déduit que pour récuser le juge pour une telle cause, le plaideur devra prouver grâce aux actes d'état civil, le statut de conjoint du juge. Mais en droit béninois, l'absence de fiabilité et le caractère peu performant de la manière dont sont tenus les registres d'état civil rendent peu efficient le résultat recherché.

Par ailleurs, les articles 378 alinéa 5 et 44 alinéa 3 du CPC prescrivent la possibilité de récuser d'une part, tout juge d'instance qui a eu dans l'année précédent la récusation un procès pénal avec l'une des parties, et d'autre part tout juge, autre que celui de paix, ayant eu dans les cinq (05) ans précédent la récusation un procès pénal avec une des parties. En principe le procès pénal est spécial et délicat, vu qu'il a pour but de réprimer un tort à la société. Parce qu'il débouche sur de possibles condamnations et peines privatives de liberté, l'on ne devrait point cantonner son existence dans un espace temporel. Autrement dit, aucune limitation qu'elle soit d'un an ou de cinq ans, ne devrait être prescrite pour restreindre le droit de récuser un juge. Les animosités et assentiments que peuvent entraîner un procès pénal, sont plus marquants, que l'enjeu pécuniaire d'un procès civil. Dans un pareil cas l'existence d'un procès pénal, quelque soit le temps auquel il remonte devrait suffire pour récuser le juge.

En marge, des limites énoncées plus haut, une des plus marquantes reste les risques d'effets pervers de l'outil laissé au plaideur. La preuve en est que, le caractère peu élevé du nombre de procédures de récusation que le justiciable engage paraît bien tributaire de ses effets pervers, perversité dont le plaideur en a sûrement pleine conscience.

En effet, le plaideur en introduisant sa demande de récusation doit nécessairement réussir dans ce processus d'exclusion du juge car, il s'agit bien d'une défiance à l'égard du juge, de telle sorte qu'en cas d'insuccès, il est ramené devant celui qu'il a voulu exclure. Il naît de cette défiance, des sentiments d'animosité, d'hostilité, de rancune ou de vengeance, animant le juge, contre qui l'exclusion a été infructueuse196(*).

Le juge est ainsi en tant qu'humain amené à épouser un ressentiment qui fait éclore un pré-jugement défavorable au plaideur. Dans ce sens, la récusation quitte son statut de garantie d'impartialité pour s'ériger en une véritable garantie de partialité197(*). On pourra néanmoins limiter la perversité d'un tel instrument qu'est la récusation en offrant de réelles possibilités de recourir contre les décisions rendues sur la demande en récusation.

Cette proposition peut être renforcée par une autre émise par Damien ROETS. Ce dernier propose de rendre obligatoire l'exclusion du juge qui se trouve dans l'une des causes de récusation légalement définie198(*).

Loin de désapprouver cette solution, elle doit être au contraire défendue pour assurer une véritable protection de l'impartialité du juge. C'est dans ce sens qu'il convient de préconiser en droit positif béninois, un système de récusation propre au droit allemand. Le droit allemand distingue les causes de récusation absolues, des causes de récusation relatives199(*). L'ensemble des neuf causes de récusation limitativement énumérées par le CPPB et celles prévues en procédure civile doivent être des causes absolues de récusation. Sous réserve de l'inimitié capitale pouvant exister entre le juge et l'une des parties200(*), si le juge se retrouve dans l'une quelconque des causes absolues limitativement prévues, il doit d'office être exclu du jugement d'une telle cause.

Parce que l'on ne peut prévoir de façon exhaustive, toutes les causes de récusation, le système allemand, tout comme le droit belge201(*), ont érigé en cause de récusation relative, la suspicion légitime. Il s'agit de tout cas de soupçon de partialité non prévu. Si une partie à l'instance, a des soupçons sur l'impartialité du juge, ce soupçon doit être examiné, et le plaideur à l'aide de faits pertinents devra établir l'existence d'un tel vice202(*).

Enfin, contrairement à la récusation des juges d'appel, l'on ne peut recourir contre la décision statuant sur la récusation des juges des tribunaux de première instance203(*). Toujours dans une optique purement comparatiste, cette absurdité semble se conforter au regard de certaines justifications que semblent nous fournir le droit italien. En effet, l'admission de la récusation entraine le remplacement du juge récusé, par suite d'un exercice positif du pouvoir de récusation, puisqu'il faut désigner un nouveau juge compétent. Parce que l'issue de la procédure de récusation affecte directement la décision administrative en vertu de laquelle chaque litige est attribué, la jurisprudence italienne affirme la thèse de la nature purement administrative de la procédure de récusation. La procédure de récusation ne serait donc pas juridictionnelle, ce qui semble justifier le fait que l'ordonnance qui la conclut ne puisse pas être susceptible de voies de recours204(*).

Une solution néanmoins, a été proposée face aux insuffisances inhérentes à la procédure de récusation. Le vice affectant l'ordonnance ayant rejeté la récusation, pourra être invoqué avec les moyens ordinaires de recours contre le jugement au fond, reconnaissant dans cette hypothèse, un vice de constitution du tribunal205(*). Ainsi, l'ordonnance qui rejette la récusation « se fond » dans le jugement qui statue sur le fond du litige, donc le vice de partialité rejeté se transforme en un vice de constitution du tribunal206(*).Cette solution reste néanmoins insatisfaisante, si l'on devait la comparer à une pure et simple institutionnalisation des recours contre l'ordonnance de récusation.

Cependant, ces quelques considérations ne sont pas les seules qui font montre de la portée limitée de la récusation.

* 195 Cf. Article 126 du Code des Personnes et de la Famille du Bénin

* 196ASSOUMOU (C.E.), les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale, mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 1998, p 17

* 197 ROETS (D.), Impartialité et justice pénale, Paris, Cujas, 1997, p 214 cité par ASSOUMOU (C.E.), op. cit., p 71

* 198 ASSOUMOU (C.E.), op. cit., p71

* 199HESS (B.), « L'impartialité du juge en droit allemand », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p 162

* 200 Une cause de récusation que ne connait d'ailleurs pas le droit allemand

* 201 CLOSSET-MARCHAL (G.), « L'impartialité du juge : récusation et dessaisissement en droit belge », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p 183

* 202 HESS (B.), op. cit., p 162

* 203 Cf. Art 47 du CPC

* 204 DITTRICH (L.), «  La procédure de récusation du juge en droit italien », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant,, 2006, p 141

* 205 DITTRICH (L.), op. cit., p 152

* 206 Idem

B) Les causes de partialité exclusives de récusation

Il existe des cas dans lesquels le fait pour le juge de statuer pourrait le conduire à rendre une décision partiale. Mais lesdites situations n'ont pas été expressément prévues comme pouvant donner lieu à la récusation. Par conséquent elles semblent fragiliser la protection de l'impartialité mise en place.

Il s'agit dans un premier temps, des liens existant ente le juge et l'avocat d'une partie à l'instance. Il ne suffit pas en effet d'entretenir des liens avec une partie pour ne plus être impartial. L'absence d'impartialité peut se réaliser par le truchement des relations entre l'avocat d'une partie à l'instance et le juge. Ainsi, toute relation d'animosité, d'hostilité ou d'inimitié entre un juge « non consciencieux de ses obligations professionnelles », et l'avocat d'une partie pourrait être préjudiciable pour ce dernier. Ces liens devraient donc motiver la mise à l'écart du juge, qui ne peut faire simultanément office de juge et partie207(*).

Le juge dans un pareil cas, doit être considéré comme revêtant par procuration la qualité de partie au procès208(*). La législation française n'est pas restée de marbre face à une telle faille dans la protection de l'impartialité. Elle dispose en effet dans le code d'organisation judiciaire en son article R721-3 que tout magistrat dont un parent ou l'avoué d'une partie est en cause ne peut à peine de nullité de l'arrêt ou du jugement être appelé à composer la Cour ou le tribunal209(*).

C'est parce qu' « il importe de toujours se souvenir que la tyrannie de l'apparence risque de conduire au triomphe de l'hypocrisie et donc de nuire à la véritable impartialité »210(*), que le juge ne doit pas donner en apparence l'impression d'être en collusion avec telle ou telle partie. C'est dans ce sens qu'il est recommandé aux juges d'éviter toute attitude pouvant donner l'impression, qu'ils sont en collusion avec les avocats ou le ministère public.

Par ailleurs, la législation semble être en déphasage avec les pratiques et réalités béninoises. Le statut du conjoint n'est pas le seul, et est de loin le statut adopté par les citoyens. La notion de concubinage semble être plus avérée dans les pratiques. De ce fait, il s'en suit que le juge vivant en concubinage notoire, ayant même une progéniture, du fait de l'intérêt personnel de sa concubine à la contestation, ne peut être récusé. Ailleurs et notamment en France, la notion a évolué et même les liens entre personnes ayant un intérêt personnel dans la cause et unies par un pacte civil de solidarité, au juge, est une cause de récusation. Le droit positif béninois devrait rattraper les réalités pratiques et insérer au titre de cause pouvant fonder la récusation, les liens qu'entretiennent, le ou la concubin(e) du juge avec l'une des parties, ainsi que ses intérêts personnels dans la cause.

On peut déduire des remarques qui précèdent que, la récusation présente certaines d'insuffisances. Mais elle, n'est pas la seule garantie procédurale offerte aux plaideurs, car ces derniers peuvent toujours espérer un renvoi de la cause à une autre juridiction.

* 207 ASSOUMOU (C.E.),op. cit., p 73

* 208JOSSERAND (S.), l'impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, LGDJ, 1998, p245

* 209 JOSSERAND (S.), op. cit., p 240

* 210 LEMONDE (M.) et TULKENS (F.), «  L'impartialité du juge : vers des principes directeurs ? » in L'éthique du juge : une approche européenne et internationale, Paris, Dalloz, 2003, p 129

SECTION 2 : La garantie contre le pré-jugement implicite : le renvoi

Le mécanisme du renvoi s'exerce lorsque le juge porte en lui des préjugés qu'il faudrait à tout pris stigmatiser. Dès lors, l'exercice du renvoi (paragraphe 2) suppose qu'il faudrait de primes abords maitriser la notion de renvoi (paragraphe 1).

Paragraphe 1 : La notion de renvoi d'une juridiction à une autre

Il ne suffit pas d'avoir en soi des causes pouvant remettre en cause l'impartialité d'un juge, encore faudrait il, qu'il n'existe aucune pression extérieure pouvant aboutir au même résultat. Le législateur n'est pas resté de marbre face à des circonstances de fait entourant la procédure et pouvant influer sur elle. Ainsi, le procès de part sa seule existence peut exposer le juge à des pressions diffuses et il serait inconcevable que des facteurs locaux puissent faire porter à la juridiction, en principe compétente, des pré-jugements nuisibles à l'impartialité. Il ne s'agit plus ici d'écarter un juge, mais de dessaisir toute une juridiction normalement compétente, pour éviter que l'environnement du dossier ou d'autres éléments étrangers, ne fondent la décision de celle-ci.

Du pré-jugement comme cause justifiant le renvoi (A), peuvent naître différents types de renvois, dont il parait primordial d'en connaitre la typologie (B).

A) Le pré-jugement comme cause justifiant le de renvoi

Le pré-jugement, peut naître, soit des agitations inhérentes à un contexte local, soit, de la qualité du justiciable poursuivi.

Un microcosme judiciaire local de réactions passionnées peut perturber, la sérénité de la juridiction saisie, appelée à quitter la zone géographique concernée. Toute juridiction est, en effet appelée à trancher des litiges en toute sérénité, en marge de diverses agitations qu'entraîne l'affaire à trancher. Ainsi, le fait pour une juridiction répressive d'avoir connaissance de l'état de l'opinion publique du lieu de leur siège, peut l'amener à porter des pré-jugements sur la décision à rendre. C'est le cas des juges d'une juridiction d'instruction ou de jugement, qui se trouvent exposés à la pression environnementale, parce que, ne pouvant faire fi de l'agitation émanant du contexte local dans lequel, ils siègent211(*). Différentes formes d'agitations peuvent nécessiter le dessaisissement de la juridiction, normalement compétente. Il peut s'agir d'une agitation de l'opinion publique, tout comme d'une ébullition du milieu judiciaire212(*).

De manière plus générale, soit l'agitation entoure la juridiction, soit elle constitue un véritable trouble à la sérénité de celle-ci.

Les réactions de l'opinion publique ne sont pas les seuls cas motivant le renvoi. Le renvoi, peut être opéré à cause des tensions agitant même le milieu judiciaire local, tel l'ébullition régnant dans le palais de justice. Le renvoi est donc exercé, et souvent attaché à l'attention inhabituelle que l'affaire suscite dans l'environnement immédiat, ainsi donc, pour la plupart du temps aux causes exogènes à la juridiction213(*).

Le renvoi peut être opéré en raison de la qualité du justiciable poursuivi. En effet, la poursuite des officiers de judicature peut faire naître des tensions dans l'opinion publique. Pour éviter tout risque de pré-jugement, le législateur a institué pour préserver leur droit à l'impartialité, un mécanisme, qui a les mêmes effets qu'un renvoi. Il s'agit du privilège de juridiction, destiné, tout comme le renvoi, à préserver la sérénité du procès214(*). La mise en oeuvre du privilège de juridiction amène à dessaisir la juridiction territorialement compétente au regard des règles ordinaires de compétence. La qualité du justiciable justifie le renvoi de la procédure, puisqu'il existe des risques que l'action engagée contre « une personnalité locale » créent des troubles ou agitations dans la localité.

Encore en vigueur au Bénin, la réforme du 4 janvier 1993 en France, l'a supprimé, même s'il existe la possibilité pour le juge français d'opérer un renvoi pour une bonne administration de la justice.

Il semble exister ainsi, d'autres types de renvois, dont il convient d'en prendre la teneur.

* 211 JOSSERAND (S.), l'impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, LGDJ, 1998, p 110

* 212ASSOUMOU (C.E.), op. cit., p59

* 213 JOSSERAND (S.), op. cit., p 105

* 214 JOSSERAND (S.), op. cit., p 107

 



02/10/2013
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