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Plan de l'Apologie de Socrate

Plan de l'Apologie de Socrate

INTRODUCTION (17a-19a)
Mensonges :
« Ils n'ont rien dit ou presque qui soit vrai » (17b)
Les juges de l'apparence :
« Il me faut me battre contre des ombres » (18d)
Vérité :
« Vous entendrez de moi toute la vérité. » (17b)
Le défenseur des lois :
« Il me faut obéir à la loi » (19a)

 
1ère partie : La cité juge Socrate (19b-29b)
Juger sur les apparences conduit à la division

 
2ème partie : Socrate défend la cité (30c-42a)
Obéir à dieu conduit à l'unité

 
1. Eikasia : Athènes accuse Socrate (19b-20c)  :
l'illusion de l'apparence du sophos

 
1. Eikasia : Socrate défend Athènes (30c-31c)  :
les signes du vrai philo-sophos
La cité accuse Socrate d'agir injustement contre elle La cité agit injustement contre elle-même en tuant Socrate
L'image de Socrate dans la comédie d'Aristophane et la réalité quotidienne L'image que Socrate donne de lui : le taon qui réveille la cité engourdie
La preuve que la sophia des sophistes est simulée :
richesse et forfanterie
La preuve que la philo-sophia de Socrate est réelle :
désintérêt et pauvreté

 
2. Pistis : l'oracle de Delphes (20c-23b)  :
Le comportement des prétendus sophoi

 
2. Pistis : le « signe démonique » de Socrate (31c-33a)  :
le comportement du vrai philo-sophos
L'oracle, principe externe du comportement de Socrate
Le « signe démonique », principe interne du comportement de Socrate
Les questions de Socrate aux politiciens, poètes et artisans La réponse de Socrate à travers ses mandats publics au service de la cité
Conclusion : Socrate se fait des ennemis comme « paradigme » d'une vérité qui dérange Conclusion : Socrate se serait fait autant d'ennemis dans une carrière politique
« la sagesse humaine est de peu de valeur ou même de pas du tout » (23a) « ...si j'étais venu au secours des causes justes et, comme il se doit, j'avais placé cela au dessus de tout. » (32e)
Les Athéniens partagés entre la vérité et l'opinion Socrate cohérent en paroles et en actes, en public et en privé

 
Les suiveurs :
loisir - l'imitation, facteur de division (23c-e)
L'unité factice des ennemis de Socrate dans
L'ACTE DE LA CITÉ : le procès (23e-24c)
« Mélétos commet une injustice, en ce qu'il plaisante avec ce qui est sérieux » (24c)
Une parodie de justice dans l'accusation

 
Les disciples :
le devoir - l'amitié vraie, facteur d'unité (33a-c)
L'unité effective des amis de Socrate devant
L'ACTE DE SOCRATE : sa défense (33d-34b)
« Quelle autre raison ont-ils de me porter secours que le droit et la justice » (34b)
La véritable justice dans la défense

 
3. Dianoia : le dialogue avec Mélétos (24d-28a)  :
L'incohérence de l'accusation

 
3. Dianoia : le « dialogue » avec le jury (34b-38b)  :
Socrate cohérent jusqu'au bout
Socrate seul corrupteur, face à tout le peuple professeur de vertu (24d-25c) Socrate seul garde sa dignité là où tous les autres la perdent (34b-35d)
« Tu n'as jamais eu souci de ce à propos de quoi tu m'accuse » (25c) « Ne m'obligez donc pas à faire devant vous ce que je juge n'être ni beau, ni juste, ni pieux » (35c)
Socrate ne choisirait jamais de son plein gré de vivre avec ceux qu'il corrompt (25c-26a) (2ème discours) Socrate, bienfaiteur public, mérite de vivre au Prytanée (35e-37b)
« Tu m'assignes ici, où c'est la loi d'assigner ceux qui doivent être punis, pas ceux qui doivent être éduqués » (26a) « Maintenant, il n'est pas facile en peu de temps de se disculper de puissantes calomnies » (37b)
L'impiété de Socrate censée corrompre la jeunesse (26a-27b) Toute peine « corromprait » Socrate (37b-37e)
« Et c'est auprès de moi que les jeunes apprendraient... » (26d) « Je sais bien que, où que j'aille, les jeunes viendront m'écouter parler » (37d)
Comment croire aux enfants des dieux sans croire aux dieux ? (27b-28a) Socrate, qui n'a pas l'intention de désobéir au dieu, a des fils « spirituels » prêts à payer pour lui (37e-38b)
L'accusation de Mélétos est dans fondement Les garanties de Socrate sont solides

 
4. Epistèmè  : la science des fins (28a-29b)
La vie et la mort

 
4. Epistèmè  : le dernier jugement (3ème discours) (38c-42a)
La vie et la mort
« C'est cela qui me fera condamner, si tant est que quelque chose me fasse condamner : la calomnie et la malveillance du grand nombre » (28a) « J'ai été condamné [...] pour n'avoir pas voulu dire devant vous ce qui vous aurait été le plus agréable à entendre de moi » (38d)
La justice comme guide, non la peur de la mort Socrate ne s'est jamais montré lâche
Chacun doit rester à son poste, quel qu'il soit Socrate est resté à son poste, quoi qu'il lui en coûte
L'exemple de Socrate sur le champ de bataille Le jugement des juges par le condamné
Pourquoi craindre la mort quand on ne sait ce qu'elle est ? Le « signe démonique » confirme le bien-fondé de l'espoir de Socrates en un bien à venir
« Être injuste et désobéir au meilleur, dieu ou homme, je sais que c'est mal et honteux » (29b) « Il n'y a pas de mal possible pour l'homme de bien, vivant ou mort » (41d)

 
Au cœur du discours : L'ÂME, lieu de l'unité à construire (29c-30c)
« Mais de la réflexion et de la vérité et du moyen de faire que ton ÂME soit meilleure dans le futur, tu n'en prends pas soin et n'y réfléchis pas ! » (29e)
« C'est ce à quoi exhorte le dieu » (30a)
« Vous ne devez prendre soin ni de vos corps ni de vos biens aussi intensément que du moyen de faire que vos ÂMES soient plus excellentes dans le futur » (30b)

La clé de cette structure est fournie par l'âme ! je veux dire, par l'utilisation du mot « psuchè » dans le « dialogue » . Ce mot n'y figure que trois fois : en 29e2 et en 30b2, puis en 40c8. Considérons pour commencer les deux premières occurrences :

29e2: « Ô le meilleur des hommes ! étant athénien, d'une ville très grande et très renommée pour sa sagesse et sa force, tu n'a pas honte de prendre soin de tes biens et du moyen de faire qu'ils soient pour toi plus considérables dans le futur, tout comme ta réputation et tes honneurs, mais de la réflexion et de la vérité et du moyen de faire que ton ÂME soit meilleure dans le futur, tu n'en prends pas soin et n'y réfléchis pas ! » (29d-e)

30b2: « Car je vous tourne autour ne m'attachant à rien d'autre qu'à vous convaincre, vous, les jeunes comme les vieux, de ne prendre soin ni de vos corps ni de vos biens aussi intensément que du moyen de faire que vos ÂMES soient plus excellentes dans le futur. » (30a-b)

Elles sont très proches l'une de l'autre, en un point qui se trouve être à peu près exactement le milieu du dialogue (en nombre de pages Estienne, le milieu tombe vers 29c). Et elles encadrent ce qui peut passer pour un résumé de la « mission » de Socrate telle qu'il la comprend : « Et si l'un d'entre vous conteste et dit qu'il en prend soin [de son âme], je ne le laisserai pas aller aussitôt et je ne m'en irai pas, mais je l'interrogerai et je l'examinerai et je chercherai des preuves, et s'il me semble ne pas posséder l'excellence (aretèn), quoi qu'il dise, je lui reprocherai d'accorder le plus de valeur à ce qui en a le moins, et le moins à ce qui en a le plus. Je ferai ainsi que celui que le hasard met sur mon chemin soit jeune ou vieux, étranger ou citoyen d'ici, mais plus encore avec les concitoyens d'ici, dans la mesure où vous m'êtes plus proches par la naissance. Car c'est ce à quoi exhorte le dieu, sachez-le bien. Et pour ma part, je pense que jamais rien de meilleur n'est advenu à cette cité que ma mise au service du dieu. » (29e-30a). Et tout cet ensemble est encadré par deux mentions d'Anytos, la véritable « âme » du procès, présenté comme essayant de faire taire Socrate, c'est-à-dire de le détourner de sa mission divinement « inspirée » (29c-d et 30b).

Par ailleurs, le second passage fournit une « explication » (style indirect, Socrate expliquant ce qu'il fait) de ce que le premier montre « en actes » (style direct, Socrate « jouant » ce qu'il dirait au premier athénien de rencontre). Et de fait, cet ensemble (29c-30c) divise le dialogue en deux parties égales, la seconde fournissant la justification, le logos, de ce que la première se contente de « montrer » .

Chacune de ces deux parties est elle-même construite autour d'une section centrale qui s'intéresse à des « disciples » de Socrate, mais de bien différentes espèces :

  • en 23c-24c, nous sommes mis en présence de simples « suiveurs » de Socrate, dont le seul but est de s'amuser, qui ne savent que l'« imiter » sans vraiment le comprendre, et qui ne réussissent en fin de compte qu'à susciter involontairement une unité factice contre Socrate entre ceux qu'ils ridiculisent, pseudo-unité qui conduit au procès intenté par Anytos, Mélétos et Lycon.
  • en 33a-34b, par contre, nous sommes mis en présence des véritables disciples de Socrate, ses amis unis derrière lui dans l'adversité, prêts à lui venir en aide, témoins par leur silence de l'absurdité des charges présentées par Mélétos.

Nous voyons alors que les deux parties du dialogue mettent en parallèle en les opposant, d'un côté l'acte de la cité contre Socrate, ce procès résultat d'une mauvaise interprétation de son « apparence » par ses concitoyens, de l'autre l'acte de Socrate en faveur de la cité, sa défense, fondée sur une interprétation correcte de la volonté divine. Et alors que la première partie s'attache à la vie de Socrate visible aux Athéniens et à leurs réactions face à celle-ci, la seconde partie nous introduit aux motivations profondes de Socrate et à sa propre comprésension de sa vie.

En outre, chaque partie tour à tour procède, sur le plan « physique », du passé au présent, puis à l'avenir, et sur le plan « logique », des niveaux les plus bas du réel, les images, vers les sphères les plus hautes, le bien qui est notre destinée, notre « telos ». On peut mettre cette progression en parallèle avec l'analogie de la ligne proposée à la fin du livre VI de la République et les différents ordres de « compréhension » qu'elle introduit : eikasia (imagination), pistis (croyance, foi), dianoia (réflexion, pensée discursive) et epistèmè (science, savoir).

La première image trompeuse de Socrate est fournie à Athènes par les Nuées d'Aristophane, auxquelles Socrate répond dans la première section de la seconde partie par l'image véridique qu'il donne de lui, celle du taon destiné à réveiller la cité : non plus s'élevant vers les nuages dans on ne sait trop quelle nacelle, mais descendant du ciel vers la cité et ses concitoyens ; non plus développant des théories fumeuses sur les nuages, mais écoutant la voix du dieu venue du « ciel » . Dans cette même sphère de l'apparence externe, Socrate fait de l'argent la pierre de touche de la vraie sophia, opposant la richesse des sophistes réclamant des salaires astronomiques pour leurs cours (première partie) à son propre désintéressement et à sa pauvreté (mentionnée de nouveau dans la seconde partie).

Progressant des images vers les faits, de l'imagination à la « pistis » (la « foi » ), nous trouvons un parallèle entre l'oracle de Delphes et le « signe démonique ». L'oracle de Delphes est une voix « matérielle » , que l'on peut situer dans l'espace et le temps, qui a pu être entendue par de nombreux auditeurs, qui a été transmise à Socrate par la « voix réjouissante (chaire-phôn) » de Chéréphon, et il fournit un principe « externe » à la conduite de Socrate, particulièrement sa conduite « privée » (« privée », non pas au sens d'intime, mais en opposition avec la vie « publique » , c'est-à-dire avec l'activité « politique » au sens usuel ; cette vie « privée » englobe la plus grande partie de la vie « sociale » de Socrate à l'agora et dans les rues d'Athènes, celle où il n'agissait que comme simple citoyen et non comme chargé d'une fonction oiffcielle). C'est l'oracle qui suscite l'enquête sur la sophia des autres hommes à travers toutes les strates de la société d'Athènes, toutes les parties de son « âme » (les trois classes de citoyens mentionnées tour à tour, les politiciens, les poiètai et les artisans, sont à mettre en parallèle avec les trois classes de citoyens dans la République, qui servent de « grosses lettres » pour analyser l'âme individuelle, et, ce faisant, on comprendra qu'une cité qui a remplacé ses gardiens par des poiètai, Homère l'éducateur, ou Aristophane dans le cas présent, est en mauvaise forme ! Mais il y a pire : quand il s'agit de poursuivre Socrate, l'« âme » de l'accusation est mainteant constituée d'un poiètès, Mélétos, dans le rôle de porte-parole prenat la place des gardiens-thumos ; le « logos » est réduit à un vulgaire rhéteur devenu loup, Lycon (dont le nom signifie « loup »), qui ne prononce pas une seule parole ; et c'est Anytos, l'artisan, le demiourgos devenu politicien qui a pris sa place, un demiourgos qui, au contraire de celui du Timée, ne mérite pas qu'on l'imite !). Le « signe démonique » quant à lui, ce « quelque chose de divin et de démonique (theion ti kai daimonion) » qu'évoque Socrate en 31c8-d1 et qu'on a souvent personnifié sous le nom de « démon de Socrate » (qui serait daimôn en grec, mot qui n'est pas celui qu'utilise Socrate pour désigner ce dont il parle ici), est le principe « interne » « spirituel » de la conduite de Socrate dans sa vie, inaudible à qui que ce soit d'autre, invisible et immatétiel, mais c'est lui le véritable logos du comportement de Socrate, en particulier dans sa vie « publique » .

En progressant vers la seconde moitié de chaque partie, on atteint le présent et le moment du « dialogos »  : dans la première partie, dialogue avec Mélétos, auquel répond dans la seconde le « dialogue » avec les juges sur la sentence. De mon point de vue, dans ce découpage, la séparation entre le premier et le second discours ne constitue pas une démarcation entre sections : en d'autres termes, le verdict lui-même est au centre de la troisième section, réponse « en coulisses » des juges à Socrate. Et ce que Socrate nous laisse ici entendre, c'est qu'il n'est pas disposé à entendre n'importe quel logos, mais seulement un logos « vrai » , et aussi qu'il n'est pas disposé non plus à abandonner le logos, quoi qu'il lui en coûte, parce que le logos est un don des dieux.

La dernière section de chaque partie traite de la mort et de ce qui advient avec elle ; la mort est vue ici comme le « telos » de la vie humaine, le sceau de son caractère bon ou mauvais, et la possible porte vers l'ultime « epistèmè », plutôt que comme le mal ultime qu'il faudrait éviter à tout prix. Dans la première partie, il nous est dit que ce n'est pas sur de fausses images de la mort que nous devons fonder notre vie, cependant que, dans la seconde partie, nous sommes confrontés à un « voyant » , un Socrate investi du don de prophétie par sa mort maintenant imminente, qui nous offre un aperçu de ce qui pourrait nous attendre dans l'« après-mort » .

Finalement, la dernière section de la seconde partie, c'est-à-dire le troisième discours, est à lui tout seul comme une sorte de résumé de l'ensemble, construit sur le même plan, et nous offrant la troisième mention de l'âme en son centre, dans ce qui peut être vu comme une « définition » de la mort : « ... ou bien, conformément à ce qu'on dit, il se pourrait qu'elle soit un changement et une migration pour l'ÂME de ce lieu-ci vers un autre lieu » (40c). Cette mention marque le tournant entre une première partie du discours qui s'intéresse encore à ce monde et une seconde qui s'occupe de l'« autre monde » , avant que la conclusion ne nous ramène sur terre et se termine sur le mot « dieu »  :

  • la première section de la premièr partie du troisième discours (le découpage ici présenté n'est pas mis en évidence dans le plan d'ensemble ci-dessus, qui s'attache plus à souligner les parallèles entre la première et la seconde partie du dialogue dans son ensemble) présente le jugement par Socrate des juges qui l'ont condamné, c'est-à-dire de ceux qui se sont fiés aux apparences ;
  • la seconde section s'adresse à ceux qui ont mérité le titre de vrai juges en sachant voir la vérité en Socrate et en ne le condamnant pas, et elle nous offre un dernier « fait » , l'ultime « signe démonique » adressé à Socrate ;
  • après la mention de l'âme, nous nous déplaçons dans l'Hadès, dont nous est tout d'abord présentée une « image » prise chez les poiètai , mais une image qui réintroduit le logos dans un dernier trait d'humour, l'image de Socrate poursuivant son enquête sur les habitants de l'autre monde ;
  • et finalement, Socrate décode pour nous la signification du dernier « signe démonique » qui lui a été adressé.

Cette lecture de l'Apologie montre qu'il n'est plus possible de regarder ce texte comme un ouvrage « de circonstance » , un rapport plus ou moins « journalistique » sur le procès de Socrate écrit quelques années après sa mort en réponse à d'autres écrits similaires moins fidèles à la vérité des faits. Tout autant que n'importe quel autre dialogue, c'est une œuvre philosophique, construite selon les mêmes principes que ceux qui sous-tendent la République et tous les autres dialogues. J'ajouterai que cet ouvrage cherche moins à être fidèle à la lettre des discours de Socrate qu'à leur esprit, ce qui est bien plus fructueux ; et, dans cette entreprise, Platon, comme à son habitude, se révèle un maître...



28/11/2011
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