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Projet de loi réformant la protection de l'enfance26 février 2013

Projet de loi réformant la protection de l'enfance

 

 

TITRE III - DISPOSITIFS D'INTERVENTION DANS UN BUT DE PROTECTION DE L'ENFANCE

Article 11 (art. L. 223-1 du code de l'action sociale et des familles)
Droits des parents dans leurs relations avec le service de l'aide sociale à l'enfance

Objet : Cet article rend obligatoire l'élaboration d'un document, cosigné par le service de l'ASE et les parents, recensant les actions engagées auprès de l'enfant et désignant un référent chargé d'en suivre la mise en oeuvre et la cohérence dans le temps.

I - Le dispositif proposé

Aujourd'hui, deux reproches principaux peuvent être adressés au dispositif de prise en charge des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance : le manque de continuité et de cohérence dans la durée des mesures proposées pour chaque enfant et une collaboration souvent insuffisante avec les parents qui pourtant, en dehors des cas de placement judiciaire, sont à l'origine de la mesure ou, du moins, y ont consenti.

C'est la raison pour laquelle le présent article rend désormais obligatoire l'élaboration conjointe par les parents et le service de l'ASE d'un document de prise en charge de l'enfant, qui recense toutes les actions qui seront menées auprès de lui, en précisant leurs objectifs, leurs durées et les professionnels chargés de les mettre en oeuvre. Lorsque la situation de la famille et l'intérêt de l'enfant le permettent, il peut également servir de support à la définition des modalités pratiques d'exercice du droit de visite et d'hébergement des parents.

Il s'agit d'un document d'engagement réciproque : s'il précise le rôle des parents pour la réussite de l'action éducative envisagée, il est également obligatoirement contresigné par tous les professionnels qui auront à prendre en charge l'enfant.

Il est d'ailleurs particulièrement significatif de constater que ce document s'inscrit dans l'article du code de l'action sociale et des familles qui fixe les droits des parents dans leurs relations avec le service de l'ASE : il ne doit donc pas être compris comme le fondement d'une possible sanction des parents en cas d'échec de la mesure mais au contraire comme une garantie de la qualité de la prise en charge de leur enfant, un moyen d'assurer le respect de leur droit à être informés et à consentir, malgré les restrictions éventuellement apportées à l'exercice de leur autorité parentale, aux actions de protection envisagées. Se rattachent ainsi à ce même objectif les précisions apportées concernant le droit des parents à être assistés dans leurs démarches vis-à-vis du service de l'ASE et de l'établissement dans lequel leur enfant est placé.

Le texte précise également que le document de prise en charge est porté à la connaissance de l'enfant, dès lors que celui-ci est capable de discernement : il semble en effet important, dès lors que l'enfant a la maturité nécessaire, de le faire participer à sa propre protection et, à défaut de susciter son adhésion, de lui faire au moins comprendre les raisons des mesures qui sont prises pour lui.

Le principal objectif de ce document de prise en charge est donc d'assurer la cohérence des actions entreprises auprès de l'enfant. C'est pourquoi il est prévu que son élaboration soit précédée d'une évaluation pluridisciplinaire de la situation de l'enfant dans son environnement et, surtout, qu'il désigne l'institution et, au sein de celle-ci, la personne qui sera plus particulièrement chargée de suivre l'enfant et de coordonner les interventions des différents professionnels.

Ce référent ne doit pas être compris comme un référent éducatif, car il ferait alors double emploi avec les missions exercées par les éducateurs en charge de l'enfant, mais comme un référent de parcours, garant de la continuité de la prise en charge de l'enfant dans le temps.

Bien que désigné par le président du conseil général, le référent ne sera pas nécessairement issu des services de l'ASE : en cas de placement long, il pourra être plus opportun de désigner comme référent un membre de l'équipe éducative, les fonctions de référent éducatif et de référent de parcours étant alors confondues. A l'inverse, lorsqu'une succession de mesures plus ponctuelles est envisagée, ce qui est fréquent en matière d'action éducative en milieu ouvert, le référent devra être choisi de façon à constituer un élément de stabilité pour la famille.

II - La position de votre commission

Soucieuse d'améliorer la cohérence et la continuité des mesures de protection mobilisées pour chaque enfant, votre commission ne peut qu'approuver la création d'un document de prise en charge individuel confié au service de l'aide sociale à l'enfance car il permet de responsabiliser tous les professionnels qui interviennent autour d'un même enfant en matière de coordination de leurs actions.

Il donne également aux parents les moyens d'apprécier la qualité de la prise en charge proposée à leur enfant. Cette mesure s'inscrit d'ailleurs dans un mouvement plus général de reconnaissance des droits de l'usager, un parallèle pouvant naturellement être fait entre le document prévu par le présent article et le contrat de séjour rendu obligatoire pour tout accueil en établissement médico-social par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

Votre commission souligne l'importance toute particulière du document de prise en charge dans le cadre des placements longs : il doit pouvoir revêtir, dans ce cas, une véritable valeur de projet de vie pour l'enfant et garantir la stabilité de son placement.

La continuité de la prise en charge est en effet déterminante pour des enfants déjà traumatisés par la séparation d'avec leurs parents : à ce sujet, votre commission ne craint pas d'affirmer, à l'encontre d'un dogme relativement répandu, qu'il faut donner à l'enfant et à son gardien la possibilité de s'attacher l'un à l'autre, car cette possibilité est un élément fondamental pour le développement de l'enfant.

C'est la raison pour laquelle votre commission approuve également la désignation d'un référent de parcours pour chaque enfant confié au service de l'aide sociale à l'enfance. Il est en effet indispensable qu'un professionnel soit spécialement désigné pour garantir la continuité de la prise en charge. Il s'agit également d'un élément déterminant pour la construction de la relation de confiance avec la famille qui doit présider à la protection administrative de l'enfance.

Votre commission est toutefois consciente de l'effort financier que représente, pour les départements, la mise en place d'un tel accompagnement. Elle regrette d'ailleurs que le Gouvernement, estimant que la mesure proposée ne faisait qu'entériner dans la loi une pratique déjà largement répandue au sein des différents services d'aide sociale à l'enfance, n'ait pas jugé utile de chiffrer le coût de ce dispositif.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 12 (art. L. 222-3, L. 222-4 et L. 375-9-1 du code de l'action sociale et des familles, art. L. 552-6 et L. 755-4 du code de la sécurité sociale)
Création d'une mesure administrative d'accompagnement en économie sociale et familiale et d'une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial

Objet : Cet article donne aux départements un nouvel outil d'aide à domicile à travers la création d'une mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale, transfère la tutelle aux prestations familiales dans le code civil et complète cette dernière par un volet éducatif, visant à restaurer l'autonomie sociale et financière de la famille.

I - Le dispositif proposé

Cet article vise à permettre une prise en charge précoce des familles qui connaissent des difficultés dans la gestion de leur budget, difficultés dont les conséquences peuvent être dommageables pour l'enfant.

Aujourd'hui, en effet, tant que le juge des enfants n'estime pas nécessaire d'ouvrir une mesure de tutelle aux prestations familiales, les familles concernées restent livrées à elles-mêmes, sans qu'aucun dispositif de soutien ne leur soit accessible. Cet état de fait conduit d'ailleurs fréquemment les juges à multiplier des tutelles qui, en droit, ne sont pas strictement nécessaires, dans l'unique but d'ouvrir à la famille l'accès à l'accompagnement qui est prévu dans ce cadre.

Il existe pourtant des professionnelles - ce sont effectivement le plus souvent des femmes - dont le métier est précisément d'assister les familles dans la gestion du budget familial : il s'agit des conseillères en économie sociale et familiale (CESF). Mais celles-ci interviennent aujourd'hui surtout dans le cadre du service social polyvalent, auprès des ménages titulaires d'un minimum social, et dans le cadre des dispositifs de prévention du surendettement ; elles sont donc peu associées au dispositif de protection de l'enfance.

L'inscription, prévue par leparagraphe I du présent article, d'une mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale parmi les mesures d'aide à domicile susceptibles d'être proposées aux familles par le service de l'ASE va donc permettre d'organiser l'intervention des CESF dans les familles au titre de la protection administrative de l'enfance et de limiter le recours, aujourd'hui excessif, au juge en la matière.

Le paragraphe II complète la création du premier échelon de protection que constitue le nouvel accompagnement en économie sociale et familiale à la charge des départements par un transfert, du code de la sécurité sociale vers le code civil, de la tutelle aux prestations familiales, désormais intitulée « mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial ».

Ce transfert n'est pas seulement anecdotique : il vise à redonner à la tutelle aux prestations familiales sa vocation, souvent perdue de vue, d'outil de protection de l'enfance. Par ailleurs, son inscription parmi les mesures d'assistance éducative permet de faire bénéficier les familles des droits et garanties attachées à ces mesures, notamment leur limitation dans le temps et leur renouvellement par décision judiciaire spécialement motivée.

Ce transfert est également l'occasion d'améliorer le dispositif de la tutelle aux prestations familiales sur quatre points :

- des précisions sont d'abord apportées sur les situations susceptibles de conduire à l'ouverture d'une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial : la référence aux conditions défectueuses d'alimentation, de logement ou d'hygiène, qui peuvent malheureusement être totalement indépendantes de la bonne volonté des parents, est supprimée. Seule subsiste donc la référence à l'utilisation des prestations familiales dans un sens contraire à l'intérêt de l'enfant, c'est-à-dire à leur affectation à des dépenses autres que celles liées à l'entretien, la santé ou l'éducation des enfants ;

- par ailleurs, la mesure d'aide à la gestion du budget familial devient subsidiaire par rapport à l'accompagnement en économie sociale et familiale pouvant être proposé, avec l'accord des parents, par les services de l'ASE : le nouvel article 375-9-1 du code civil décline ainsi de façon explicite le principe général édicté à l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles, selon lequel l'autorité judiciaire n'est fondée à intervenir que lorsque la protection administrative s'avère insuffisante pour garantir la protection de l'enfant ;

- un rôle éducatif est confié au tuteur aux prestations familiales, désormais dénommé« délégué aux prestations familiales » : le texte précise que le délégué doit s'efforcer de recueillir l'adhésion des parents sur l'affectation des prestations qu'il propose et de restaurer, par son action éducative, l'autonomie sociale et financière de la famille ;

- enfin, la procédure de déclenchement de la décision judiciaire d'aide à la gestion du budget familial est encadrée : pour saisir le juge aux fins d'ordonner cette mesure, une habilitation sera nécessaire, la liste des personnes habilitées étant fixée par décret en Conseil d'Etat.

Pour le reste, les dispositions du présent article relèvent des mesures de coordination : ainsi, le paragraphe III modifie les articles L. 552-6 et L. 755-4 du code de la sécurité sociale qui déterminaient le régime de la tutelle aux prestations familiales respectivement pour la métropole et pour les Dom, afin de tirer les conséquences de la création de la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve la création d'une mesure administrative d'accompagnement en économie sociale et familiale, rendant subsidiaire l'intervention d'une véritable tutelle aux prestations sociales.

Aujourd'hui, l'image négative de la tutelle aux prestations familiales, vue comme coercitive et stigmatisante pour les familles, conduit souvent à un recours tardif, empêchant, dans la plupart des cas, d'engager une réelle action avant que la situation de la famille ne se soit gravement dégradée. Il est vrai que l'emploi du terme de « tutelle » ne facilite pas la perception de cette mesure, celle-ci étant alors confondue avec le régime de la tutelle au sens strict, qui entraîne une incapacité juridique.

La création d'un accompagnement en économie sociale et familiale sous la responsabilité du département devrait permettre une plus grande rapidité d'intervention, une plus grande souplesse, une meilleure adhésion des intéressés et favoriserait au total une moindre stigmatisation des familles.

Votre commission est néanmoins consciente que la mise en oeuvre de cette mesure risque de se heurter à la pénurie des personnels formés pour assurer un tel accompagnement. Les conseillères en économie sociale et familiale sont en effet une denrée rare : selon la Drees, le nombre d'emplois budgétaires de CESF s'élevait en 1998 (derniers chiffres disponibles) à 6.767 et le nombre de diplômes délivrés dans cette filière est de l'ordre de 900 par an.

Répartition au 1er janvier 1998 des emplois de
conseillers en économie sociale et familiale

Conseils généraux

1.013

Communes ou CCAS

1.654

Caisses d'allocations familiales

1.183

Établissements et services accueillant des mineurs protégés

177

Secteur associatif

1.837

Autres catégories d'établissements sociaux et médico-sociaux

903

Total

6.767

Le Gouvernement évalue à cent équivalents temps plein supplémentaires le nombre de postes de CESF nécessaires pour mettre en oeuvre cette réforme, soit un coût de 3 millions d'euros. Mais l'ampleur réelle des besoins dépendra naturellement de la façon dont les départements s'empareront de ce nouvel outil.

Outre cette difficulté de recrutement des personnels, l'article soulève une seconde inquiétude chez les présidents de conseils généraux : celle de se voir transférer le financement des mesures de tutelle aux prestations familiales, désormais intitulées « mesures d'aide à la gestion du budget familial ».

Du fait du transfert de cette mesure du code de la sécurité sociale vers le code civil et de sa nouvelle dénomination, une incertitude pèse en effet sur l'identité de son financeur : alors que l'article L. 167-3 du code de la sécurité sociale met les frais de tutelle aux prestations familiales à la charge des caisses d'allocations familiales, le code civil prévoit que, de façon générale, les mesures de tutelle sur les mineurs sont à la charge de l'aide sociale à l'enfance. Même si la tutelle aux prestations familiales n'est pas une mesure de tutelle au sens strict du terme, car elle n'emporte aucune conséquence sur la capacité juridique des intéressés, une confusion reste possible.

C'est la raison pour laquelle votre commission a souhaité réaffirmer, par amendement, la permanence des règles concernant l'autorité chargée de prendre en charge les frais afférents à cette mesure : les Caf et, pour leurs ressortissants, les caisses de mutualité sociale agricole seront donc toujours compétentes en la matière. Elle vous présente également trois amendements de coordinationou de précision rédactionnelle.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 13 (art. L. 222-4-2, L. 222-5, L. 223-2 et L. 223-3-1 du code de l'action sociale et des familles, art. 375-2, 375-3, 375-5 et 375-7 du code civil)
Diversification des modes d'accueil des enfants placés et clarification des règles relatives au droit de visite des parents

Objet : Cet article donne un caractère législatif aux formules innovantes expérimentées par les départements en matière de prise en charge des mineurs protégés et habilite le juge à autoriser, dans certaines situations exceptionnelles, les personnes à qui l'enfant est confié à effectuer certains actes non usuels sans l'accord des titulaires de l'autorité parentale.

I - Le dispositif proposé

Cet article a pour triple objectif de diversifier les modes de prise en charge, de clarifier les règles relatives à l'exercice par les parents de leur droit de visite et d'hébergement et d'aménager, dans l'intérêt de l'enfant, certaines règles concernant l'exercice de l'autorité parentale.

La diversification des modes de prise en charge

Les expérimentations mises en place depuis plusieurs années dans de nombreux départements montrent la nécessité de sortir de la dichotomie traditionnelle entre intervention à domicile et placement hors de la famille. La situation des enfants en danger et de leur famille est en effet d'une infinie variété et un besoin d'individualisation des réponses est apparu, qui n'est d'ailleurs pas propre au domaine de la protection de l'enfance, comme en attestent les réformes récentes en matière de prise en charge des personnes âgées ou handicapées.

Mais ces pratiques nécessitent d'être sécurisées sur le plan juridique car elles dépendent, notamment dans le cadre de la protection judiciaire, de la souplesse des magistrats et des relations partenariales qui ont pu être nouées entre les différents professionnels de la protection de l'enfance.

C'est la raison pour laquelle le paragraphe Idu présent article donne une consécration législative à quatre formules innovantes déjà testées par les départements :

- il crée d'abord la possibilité d'un simple accueil de jour, afin d'offrir un outil intermédiaire entre les interventions du service d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), qui ne peuvent être que ponctuelles même si elles sont régulières, et le placement pur et simple qui consiste à retirer entièrement l'enfant de son milieu familial. Ce nouvel outil de soutien éducatif est notamment susceptible d'être actionné pour des adolescents en conflit avec leur famille ;

- il permet ensuite au président du conseil général, dans le cadre de la protection administrative, de moduler sa proposition d'hébergement en fonction des besoins de l'enfant : il pourra ainsi convenir avec la famille d'un accueil à temps partiel ;

- il ouvre la possibilité, pour les services d'AEMO qui le souhaitent, de se spécialiser pour assurer un hébergement exceptionnel ou périodique des mineurs confiés par le service de l'aide sociale à l'enfance ou par le service de protection judiciaire de la jeunesse : il s'agit de donner une base légale à l'accueil ponctuel des enfants à l'occasion d'une crise familiale aiguë.

L'habilitation préalable prévue par cet article doit permettre de conserver à ce type d'accueil sa souplesse, en évitant d'avoir à requérir une ordonnance du juge des enfants avant chaque période d'hébergement. La seule formalité prévue, qui revêt naturellement une importance particulière pour l'accueil exceptionnel, est une formalité d'information immédiate des parents et du juge des enfants ;

- il donne enfin une base légale à l'hébergement d'urgence, en cas de danger immédiat ou de suspicion de danger immédiat pour l'enfant : bien que cette disposition ne soit pas très explicite, il s'agit en fait d'autoriser la mise à l'abri des jeunes fugueurs qui ne sont pas en danger chez eux mais qui se mettent en danger du fait qu'ils se retrouvent dans la rue sans protection familiale.

L'hébergement est alors autorisé pour soixante-douze heures, période qui doit être mise à profit pour faire le point avec le jeune et, le cas échéant, engager une médiation familiale pour préparer son retour chez ses parents. Pendant ces soixante-douze heures, l'enfant n'est pas juridiquement admis à l'aide sociale à l'enfance mais simplement recueilli, ce qui explique que l'accord des parents pour assurer l'hébergement ne soit pas requis : le texte prévoit en effet une simple information des titulaires de l'autorité parentale et du procureur de la République.

La clarification des règles relatives au droit de visite et d'hébergement des parents

Lorsque le juge décide d'un placement, il est naturellement amené à déterminer le lieu d'hébergement de l'enfant et les modalités d'exercice du droit de visite que conservent malgré tout les parents, ce qui le conduit nécessairement à aborder la question du maintien des liens de l'enfant avec sa famille.

Il s'agit d'un sujet délicat qu'il convient d'aborder de façon très pragmatique, en prenant en compte avant tout l'intérêt supérieur de l'enfant. On est souvent tenté de considérer que l'intérêt de l'enfant est toujours de maintenir, coûte que coûte, une relation avec ses parents. Il faut toutefois avoir le courage de reconnaître et d'affirmer que dans certains cas, notamment de maltraitance grave ou de troubles psychiques importants chez les parents, l'intérêt de l'enfant est sans doute de limiter, voire de couper ces liens pour pouvoir se reconstruire.

C'est à ce difficile équilibre que souhaite parvenir le paragraphe II :

- il pose d'abord un principe général selon lequel le lieu d'hébergement de l'enfant doit être déterminé sur la base de deux critères : l'intérêt de l'enfant, tout d'abord, et, dans un second temps seulement, la nécessité de faciliter l'exercice du droit de visite des parents ;

- il élargit la panoplie des outils à la disposition du juge pour encadrer le droit de visite et d'hébergement des parents, lorsque la poursuite des relations entre l'enfant et sa famille présente des risques pour l'enfant : il pourra ainsi désormais non seulement restreindre ou suspendre le droit de visite des parents comme aujourd'hui mais aussi en encadrer l'exercice, en le subordonnant à la présence d'un tiers ;

- à l'inverse, lorsque les relations entre parents et enfants sont pacifiées, il permet au juge d'être plus souple dans la détermination du droit de visite : il pourra ainsi renvoyer au document de prise en charge cosigné par les parents et le service de l'aide sociale à l'enfance le soin de déterminer, dans les limites qu'il fixe, les modalités pratiques d'exercice de ce droit. Il recouvre naturellement sa compétence en cas de litige portant sur l'application de l'accord trouvé entre les parties ;

- afin de désamorcer les conflits autour de la question du droit de visite, il donne au procureur de la République la possibilité de fixer des modalités provisoires en matière de droits de correspondance, de visite et d'hébergement, lorsqu'il autorise le placement provisoire en urgence d'un enfant. Il s'agit toutefois d'une simple possibilité et le procureur peut, si la situation est trop complexe, réserver cette question jusqu'à ce que le juge du fond, à savoir le juge des enfants, statue sur la poursuite de la mesure de placement.

Enfin, ce même paragraphe clarifie les règles applicables lorsqu'un placement est envisagé dans le cadre d'une procédure de divorce ou de séparation des parents. Les règles de la procédure civile assurent en effet une primauté des décisions du juge aux affaires familiales : aujourd'hui, s'il existe une requête en divorce ou un jugement de divorce, le juge des enfants est lié par la décision du juge aux affaires familiales en matière de garde et ne peut donc prononcer un placement que si un danger nouveau pour l'enfant justifie de revenir sur la décision prise dans le cadre de la procédure de divorce. Le texte complète ce dispositif en étendant la règle de primauté des décisions du juge aux affaires familiales aux cas de requête ou de jugement antérieur sur la question spécifique de la résidence et des droits de visite.

L'aménagement des règles d'exercice de l'autorité parentale

Lorsqu'un enfant fait l'objet d'un placement judiciaire, les parents continuent d'exercer tous les attributs de l'autorité parentale qui restent compatibles avec cette mesure d'assistance éducative.

Leur accord est donc nécessaire pour l'accomplissement de tous les actes dits « non usuels », liés à l'exercice de l'autorité parentale : si la personne ou le service à qui l'enfant est confié peuvent librement l'inscrire à l'école ou la cantine, l'autoriser à se rendre chez un ami ou à suivre une activité extrascolaire, ils doivent recueillir l'autorisation des parents pour les actes plus importants, comme faire vacciner et opérer l'enfant ou partir en voyage.

Mais cette règle pose un problème lorsque les parents refusent leur autorisation de façon abusive ou encore lorsqu'ils sont dans l'impossibilité de donner ce consentement, soit parce qu'ils ne donnent aucune nouvelle, soit parce que leur état de santé y fait obstacle. Dans ces situations de blocage, les personnes qui ont la garde de l'enfant se voient contraintes de demander systématiquement une ordonnance du juge chaque fois qu'un acte est nécessaire.

C'est pourquoi le présent article aménage les règles d'exercice de l'autorité parentale sur les enfants placés : il donne au juge la possibilité d'autoriser l'établissement d'accueil, sous certaines conditions, à exercer un acte non usuel relevant normalement de l'autorité parentale. Cette possibilité est toutefois strictement encadrée puisqu'elle n'est ouverte que dans les cas de blocage avéré, la preuve de celui-ci étant à la charge du gardien de l'enfant, et pour certains actes limitativement déterminés par le juge.

II - La position de votre commission

Jusqu'à présent, le recours à des formules innovantes de prise en charge des mineurs en danger reposait entièrement sur la bonne volonté des magistrats qui devaient ruser avec la lettre de la loi pour rédiger une décision qui autorise le mode d'accueil envisagé tout en respectant les catégories juridiques existantes.

Votre commission ne peut donc que se féliciter de la diversification prévue par cet article car elle correspond à un vrai besoin d'individualisation, de proximité et de réactivité dans les réponses apportées aux familles. La reconnaissance législative de ces modes d'accueil alternatifs va enfin permettre leur développement et la résolution des problèmes juridiques que pose leur absence actuelle de base légale. Elle reconnaît que ces nouvelles mesures ont un coût, évalué par le Gouvernement à 10 millions d'euros

Les dispositions qui permettent d'héberger en urgence de façon souple les jeunes fugueurs revêtent un intérêt tout particulier : l'accueil provisoire pour soixante-douze heures permet de garantir la mise à l'abri du jeune et d'engager un dialogue avec lui, sans pour autant avoir à entrer dans une procédure d'admission à l'aide sociale à l'enfance, inutilement stigmatisante pour la famille alors qu'il n'y a pas réellement de carence éducative mais simplement un conflit exacerbé entre un adolescent et ses parents.

Mais dans leur rédaction actuelle, ces nouvelles dispositions restent difficiles à distinguer de la procédure d'accueil d'urgence déjà prévue par le code de l'action sociale et des familles mais qui vise les cas où l'enfant est en danger dans sa propre famille. Il paraît nécessaire de clarifier ce point par amendement.

De plus, dans l'un comme dans l'autre cas, aucune mention n'est faite des dispositions qui sont prises en cas d'impossibilité pour l'enfant de réintégrer le domicile familial à l'issue du délai maximum d'hébergement provisoire ou de refus des parents de voir cet hébergement se prolonger au-delà de ce délai. Votre commission vous propose donc de compléter le dispositif sur ce point, pour prévoir la saisine du procureur en vue d'une ordonnance de placement judiciaire provisoire.

La possibilité, pour les services d'action éducative en milieu ouvert, d'assurer un hébergement exceptionnel ou périodique de certains mineurs a également retenu toute l'attention de votre commission car elle offre une réponse souple et intéressante pour assurer une continuité de la prise en charge du mineur au gré des périodes de crise et d'accalmie dans la situation de la famille, sans avoir à repasser devant le juge avant chaque période d'hébergement.

Toutefois, tel qu'il est rédigé, le texte du projet de loi semble donner un pouvoir de décision totalement autonome aux services d'AEMO pour assurer l'hébergement de tout mineur quel qu'il soit. Il paraît donc indispensable de préciser, paramendement, que l'hébergement exceptionnel ou périodique nécessite une habilitation préalable du juge, dans le cadre de la décision initiale qui confie un mineur particulier au service.

Par ailleurs, si la possibilité, pour le service, de prendre l'initiative d'un hébergement, qui fait toute la souplesse et l'intérêt de ce dispositif, doit être préservée, il convient néanmoins depréciser que les parents ont la possibilité de contester les décisions du service devant le juge des enfants.

S'agissant des précisions apportées sur les modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement par les parents d'enfants placés, votre commission se félicite de la souplesse permise par le présent article : il semble en effet particulièrement judicieux de laisser au juge la possibilité d'être plus ou moins directif en la matière, en fonction de la situation de l'enfant, du motif ayant présidé au placement et de la qualité de ses relations avec ses parents.

Votre commission approuve également la réaffirmation de l'intérêt supérieur de l'enfant comme critère prioritaire pour la définition de son lieu d'accueil, avant toute considération pratique concernant l'exercice du droit de visite des parents. Il lui semble toutefois que le texte pourrait être amendé pour tenir compte d'un autre critère qui serait naturellement lui aussi subordonné à l'intérêt supérieur de l'enfant : celui de la nécessité de préserver, autant que possible, les relations de l'enfant avec ses frères et soeurs. Il convient, en effet, de ne pas ajouter au traumatisme de la séparation d'avec les parents, celui d'une dissolution de la fratrie. De nombreuses études montrent en effet combien la fratrie peut être le point de départ d'un processus de résilience et de reconstruction pour l'enfant.

Enfin, elle vous propose un amendement de coordination puis d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 14 (art. L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles)
Unités de vie distinctes pour les enfants accueillis en établissement en fonction des motifs du placement

Objet : Cet article oblige les établissements qui accueillent des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance à s'organiser en unités de vie distinctes, la répartition des enfants devant être réalisée en fonction des motifs ayant conduit au placement.

I - Le dispositif proposé

La moindre des choses qu'on est en droit d'attendre des établissements qui accueillent les mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance est qu'ils leur assurent la sécurité qu'ils n'étaient plus en mesure de trouver au domicile familial.

Pourtant, trop souvent, le mode d'organisation de la structure d'accueil ne permet pas de respecter cette exigence : la violence entre enfants est un phénomène répandu, pouvant résulter de la confrontation, dans un même établissement, d'enfants relevant de situations très différentes : maltraitance, difficultés relationnelles, troubles du comportement et confiés à l'ASE faute de place dans le secteur spécialisé...

Ces difficultés sont d'ailleurs d'autant plus fortes que certaines structures peuvent avoir une double, voire une triple habilitation : ils accueillent alors aussi bien des enfants confiés au service de l'aide sociale à l'enfance, des enfants confiés au service de la protection judiciaire de la jeunesse au titre des mesures d'assistance éducative et des enfants relevant de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale avait imposé aux établissements de s'organiser en unités de vie, ce qui a été fait par beaucoup de structures, mais sur la base d'un critère d'âge qui ne permet pas toujours d'assurer la sécurité des plus fragiles.

C'est la raison pour laquelle cet article, après avoir rappelé les obligations de sécurité des établissements, leur enjoint de s'organiser en unités de vie distinctes en fonction du motif qui a présidé au placement des enfants qu'ils accueillent.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'approuver cette précision qui va dans le sens d'une meilleure sécurité pour les enfants accueillis en établissement. Il n'est en effet pas admissible que des enfants victimes de maltraitance dans leur famille soient à nouveau confrontés à la violence au sein des établissements chargés de leur protection.

Il est regrettable qu'il faille introduire dans la loi de telles précisions qui paraissent relever du bon sens ou, à tout le moins, de la circulaire ministérielle. Les informations transmises à votre commission montrent heureusement qu'un nombre important de départements ont anticipé sur cette législation.

Il n'en demeure pas moins que la mise aux normes de tous les établissements existants aura un coût élevé pour les départements car les restructurations imposées par cet article supposent des investissements importants, en locaux et en moyens humains.

Bien qu'il n'ait pas chiffré ce coût, le Gouvernement en est d'ailleurs bien conscient, puisque l'article 16 du présent projet de loi donne un délai de deux ans aux établissements pour se mettre en conformité avec cette nouvelle obligation.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 15 (art. L. 542-1 du code de l'éducation, art. L. 226-1 et L. 226-12-1 du code de l'action sociale et des familles)
Formation des professionnels participant à des missions de protection de l'enfance

Objet : Cet article vise à améliorer la formation aux questions relatives à la protection de l'enfance de l'ensemble des professionnels qui sont susceptibles, du fait de leurs fonctions, de rencontrer des situations d'enfant en danger.

I - Le dispositif proposé

Le succès du nouveau dispositif centralisé de recueil des informations préoccupantes sur les enfants en danger dépend de la capacité des professionnels susceptibles, du fait de leurs fonctions, de rencontrer de telles situations de les détecter et de les analyser. Or, cette capacité ne peut pas s'acquérir uniquement par l'expérience. C'est la raison pour laquelle la formation professionnelle revêt une importance de tout premier plan.

Pour être totalement adaptée aux enjeux, la formation aux problématiques de l'enfance en danger doit répondre à deux caractéristiques :

- elle doit être initiale et continue, car les sources de dangers pour l'enfant évoluent avec la société ;

- elle doit être au moins partiellement commune aux différentes professions : c'est à cette condition qu'elle pourra constituer le socle d'une culture partagée par les différents acteurs et institutions, indispensable pour aboutir à des diagnostics convergents.

Une telle formation est déjà prévue, dans son principe, par l'article L. 542-1 du code de l'éducation qui recense les professions astreintes à une obligation en la matière. Le présent article complète donc simplement ce dispositif sur deux points :

- il étend la formation aux problématiques de la protection de l'enfance à de nouveaux professionnels : ainsi, les personnels de police municipale seront soumis à la même obligation de formation que celle déjà prévue pour les médecins, les autres personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les enseignants, les personnels de la police nationale et de la gendarmerie ;

- il prévoit également une formation obligatoire des cadres territoriaux qui exercent des responsabilités en matière de protection de l'enfance par délégation du président du conseil général, celle-ci devant intervenir avant ou immédiatement après la prise effective de fonction, de façon à leur permettre d'être opérationnels le plus rapidement possible.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'approuver l'attention apportée par le Gouvernement à la formation aux problématiques de la protection des mineurs en danger de l'ensemble des professionnels en contact avec des enfants.

Mais cette formation doit, selon elle, nécessairement comporter un module commun à toutes ces professions, afin de contribuer à l'émergence d'une culture partagée, même si cela n'exclut pas la mise en place de formations spécifiques à chaque métier participant à la protection de l'enfance. Il convient également de développer, dans le cadre de la formation continue, des modules permettant aux professionnels d'exprimer leurs émotions et d'analyser leurs pratiques à partir de cas cliniques. Votre commission vous propose donc de compléter le dispositif dans ce sens.

Outre un amendement visant à supprimer une citation inutile, votre commission vous propose decompléter la liste des professions soumises à une obligation de formation dans le domaine de la protection de l'enfance, en l'étendant aux personnels d'animation relevant d'un agrément du ministère de la jeunesse et des sports. Ces personnels, au contact des enfants du fait de leur mission, peuvent en effet avoir à connaître des situations d'enfants en danger. Ils doivent donc, comme les enseignants ou les éducateurs, y être sensibilisés pour apprendre à reconnaître les signes d'alerte et pour savoir réagir de façon adaptée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 16 - Dispositions transitoires

Objet : Cet article vise à donner un délai de deux ans aux établissements hébergeant des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance pour se mettre en conformité à leurs nouvelles obligations en matière d'organisation de l'accueil.

I - Le dispositif proposé

La création, au sein des établissements accueillant des mineurs confiés au service de l'ASE, d'unités de vie distincte en fonction du motif ayant conduit au placement de l'enfant suppose, de la part des structures, de réviser entièrement leur organisation.

Tous ne se trouvent pas dans la même situation au regard de cette obligation nouvelle :

- certains l'avaient anticipée et disposent déjà de telles unités : pour ces dernières, l'entrée en vigueur de la loi sera neutre ;

- d'autres s'organisent déjà en unités de vie regroupant un nombre restreint d'enfant, mais la répartition de ces derniers s'opère selon d'autres critères que celui du motif du placement : ces établissements devront donc essentiellement réviser leurs règles de fonctionnement et éventuellement recruter à la marge le personnel nécessaire pour mettre en oeuvre la réforme ;

- d'autres, enfin, constituent encore des structures de grande taille et ne sont pas équipées, en locaux et en personnel, pour parvenir à s'organiser rapidement en unités de vie. Ce sont ces structures pour lesquelles la réforme sera la plus délicate à appliquer.

Pour tenir compte de ces difficultés, le présent article accorde aux établissements un délai de deux ans à compter de la date de publication de la loi pour se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations.

II - La position de votre commission

Si votre commission approuve le principe d'une organisation des établissements en unités de vie distinctes en fonction du motif ayant présidé au placement des enfants qu'ils accueillent, elle considère en revanche que le délai de deux ans laissé à ces derniers pour se mettre en conformité avec cette nouvelle obligation est trop court.

En effet, lorsque de nombreux établissements sont concernés dans un même département, les contraintes budgétaires imposeront un étalement des investissements. Dans un certain nombre de cas, la réhabilitation des établissements exigera une fermeture partielle ou totale de la structure et un relogement des enfants accueillis, ce qui suppose également une programmation dans le temps des travaux nécessaires.

Par ailleurs, lorsque la réorganisation sera impossible dans le cadre des structures existante et qu'une partition de l'établissement devra être envisagée, une procédure devant le comité régional de l'organisation sanitaire et sociale (Cross) devra être engagée, ce qui allongera d'autant les délais.

Tous ces arguments militent, selon votre commission, en faveur d'une période transitoire plus longue : c'est la raison pour laquelle elle vous propose de fixer par amendement cette durée à trois ans.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 16
Compensation des charges résultant, pour les départements, de la mise en oeuvre du projet de loi

Cet article additionnel vise à prévoir une compensation par l'Etat des charges résultant de la mise en oeuvre du présent projet de loi portant réforme de la protection de l'enfance.

Le Gouvernement a évalué le coût de la mise en oeuvre du projet de loi et des nécessaires mesures d'accompagnement de la réforme à 150 millions d'euros, au terme de sa montée en charge, prévue sur trois ans, dont 115 millions d'euros à financer par les conseils généraux.

Dans le contexte financier difficile que connaissent les départements, avec l'explosion des dépenses de RMI et la montée en charge rapide de la nouvelle prestation de compensation du handicap, il semble indispensable de donner aux départements les moyens de mettre en oeuvre cette réforme très attendue sans avoir à alourdir encore la fiscalité locale.

Au surplus, les nouvelles missions de prévention sociale confiées aux services de PMI, qui sont de loin les plus coûteuses, sont assimilables à des extensions de compétence pour les départements et doivent, à ce titre, être obligatoirement compensées, conformément aux dispositions de l'article 72-2 de la Constitution.

Votre commission vous demande d'insérer cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 6 juin 2006 sousla présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédéà l'audition de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le projet de loi n° 330(2005-2006) réformant la protection de l'enfance.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a tout d'abord insisté sur la très large concertation qui a présidé à l'élaboration du projet de loi réformant la protection de l'enfance. Un débat national décentralisé a été organisé par les présidents de conseils généraux, auquel ont été associés les professionnels de la protection de l'enfance et les associations. Une vingtaine de journées de réflexion thématiques ont par ailleurs été organisées par le ministère, avec le concours d'experts et de spécialistes. Le projet de loi s'appuie également sur les recommandations de plusieurs rapports parlementaires, établis respectivement par Mme Marie Thérèse Hermange, M. Philippe Nogrix et M. Louis de Broissia.

Le ministre a ensuite indiqué que l'élaboration de ce projet de loi avait trois motivations principales :

- d'abord, renforcer la prévention, à laquelle ne sont consacrés que 4 % des 5 milliards d'euros de crédits alloués chaque année à la protection de l'enfance, par le repérage, dès le stade de la grossesse, des situations potentiellement à risque et par la participation des enfants à des examens médicaux organisés vers l'âge de trois et six ans ;

- ensuite, améliorer le dispositif d'alerte pour éviter que des enfants ne continuent de souffrir en silence, alors que des signes auraient pu permettre de détecter leur situation de détresse. S'inspirant des expériences conduites avec succès dans certains départements, le projet de loi prévoit la création, dans chaque département, d'une cellule centralisée de signalement. Composée d'experts, elle aura pour vocation de recueillir des informations et de procéder à une première évaluation de la situation de l'enfant, préalable à une éventuelle saisine de l'autorité judiciaire si un danger grave et imminent est avéré. Le bon fonctionnement de ces cellules suppose un partage d'informations entre professionnels, qui ne doit toutefois pas porter atteinte à la règle du secret professionnel indispensable à l'établissement d'une relation de confiance avec les familles ;

- enfin, diversifier les modes de prise en charge des enfants en danger, afin d'éviter que les professionnels ne soient trop souvent confrontés à une alternative binaire : laisser l'enfant dans sa famille ou le placer dans une famille d'accueil. Une aide pourrait par exemple être dispensée aux familles aux moments les plus difficiles de la journée, entre le moment de la sortie de l'école et la fin du dîner notamment ; de même, pour les enfants qui souffrent de problèmes psychologiques lourds, des unités d'accueil thérapeutiques, associant équipe médicale et famille d'accueil, vont être développées.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a ensuite souligné que le Conseil d'Etat a confirmé la nature législative de l'ensemble des dispositions contenues dans le projet de loi. Il a indiqué que la mise en oeuvre du projet de loi nécessiterait l'élaboration, en concertation avec l'Association des départements de France (ADF) et l'Association des régions de France (ARF), de guides de bonnes pratiques et de référentiels, destinés aux professionnels.

Abordant enfin la question des moyens, il a estimé que le coût de la réforme, qui vise surtout à améliorer l'organisation du dispositif de protection de l'enfance, serait limité, soit environ 150 millions d'euros par an, au terme d'une période de montée en charge de trois ans. Rappelant que la plus grande partie de ces dépenses seraient supportées par les conseils généraux, il a pris l'engagement que ces charges supplémentaires seraient intégralement compensées.

S'inquiétant de la pénurie de personnel qualifié dans les métiers de la protection de l'enfance,M. André Lardeux, rapporteur, a demandé combien de créations de postes seraient nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a répondu que la pénurie de personnel est localisée dans certains secteurs et souligné que les techniciennes d'intervention sociale et familiale, les psychologues et les éducateurs spécialisés sont en nombres suffisants. En revanche, le recrutement des puéricultrices, des sages-femmes et des médecins est plus difficile. Il a souhaité, en conséquence, que les vacations de médecins libéraux dans les écoles soient encouragées, même si l'ampleur des besoins, estimée à environ 150 médecins en équivalent temps plein, ne doit pas être surestimée. Au total, 400 travailleurs sociaux ou médicaux supplémentaires devraient être recrutés par l'Etat et 2.500 par les départements.

M. André Lardeux, rapporteur, a alors fait observer que le contrôle de légalité effectué par les préfectures rend parfois difficile l'organisation de vacation de médecins libéraux dans des établissements publics.

M. Gérard Dériot a confirmé ce point de vue, indiquant que le conseil général qu'il préside s'est vu interdire de faire appel à des médecins libéraux pour accomplir des vacations en médecine du travail, alors que ces praticiens possédaient les qualifications requises.

M. André Lardeux, rapporteur, s'est ensuite enquis des conditions de la participation des magistrats du siège au travail des cellules départementales de signalement.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué que la réforme a été élaborée en étroite concertation avec le ministère de la justice, de sorte que les craintes qu'il avait pu avoir initialement d'un cloisonnement excessif entre les administrations se sont révélées infondées. Il a ajouté qu'un groupe de travail, rassemblant les ministères concernés, les représentants des conseils généraux et les associations, met au point un protocole national des signalements, en s'appuyant sur les expériences conduites dans plusieurs départements.

Après avoir rappelé que les conseils généraux ont souvent organisé leurs services de manière déconcentrée, M. André Lardeux, rapporteur, a demandé si les cellules de signalement auront vocation à centraliser toutes les informations recueillies à l'échelle du département.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué qu'une centralisation des signalements est souhaitable au niveau du département, pour qu'un groupe d'experts puisse effectuer une première analyse du dossier. En revanche, la cellule n'a pas obligatoirement vocation à effectuer elle-même une évaluation approfondie des situations, cette mission pouvant être assumée par des équipes plus proches du terrain.

M. André Lardeux, rapporteur, a noté que la protection maternelle et infantile (PMI) n'intervient plus dans les écoles et s'est interrogé sur la manière d'associer l'éducation nationale à la politique de prévention souhaitée par le Gouvernement. Il a également demandé s'il fallait envisager une décentralisation de la médecine scolaire.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a rappelé que la décentralisation de la médecine scolaire a été envisagée il y a deux ans, mais que le projet avait été retiré en raison de la forte opposition qu'il avait suscitée. Dans un souci d'apaisement, le Gouvernement n'a pas souhaité revenir sur cette question à l'occasion de cette réforme et propose de réhabiliter la médecine scolaire dans le cadre institutionnel actuel.

M. Bernard Cazeau a salué l'ample concertation effectuée à l'occasion de la préparation de cette réforme, ce qui n'est pas si fréquent de la part du Gouvernement. A cette occasion, les départements ont obtenu des améliorations du texte, notamment la reconnaissance de la notion de collectivité territoriale « chef de file ». Il a insisté sur la nécessaire coordination de la prise en charge psychosociale des enfants en danger, qui déborde largement du seul cadre médical. Il a ensuite regretté que les moyens alloués à la réforme de la protection de l'enfance soient insuffisants, évaluant à environ 4.000 les créations de poste nécessaires pour permettre aux départements d'accomplir pleinement leurs missions. Il a enfin souhaité avoir des précisions sur l'articulation entre ce projet de loi et le projet de loi de prévention de la délinquance en cours de préparation, qui place le maire au coeur du dispositif de prévention.

M. Alain Milon a insisté sur l'importance d'une prévention précoce, dès le stade de la grossesse, des situations potentiellement dangereuses pour l'enfant. Il s'est réjoui de ce que l'intérêt supérieur de l'enfant soit le fil conducteur du projet de loi et a souhaité que le développement affectif et social de l'enfant soit pris en compte au même titre que son développement physique et intellectuel. Il a évoqué les problèmes posés par l'audition des enfants dans le cadre des procédures judiciaires et souhaité que les jeunes puissent être entendus seuls lorsque cela s'avère nécessaire. Il a mis en garde enfin contre les inconvénients de placements en famille d'accueil de trop courte durée, soulignant à quel point ils peuvent être déstabilisants pour l'enfant, et s'est interrogé sur l'opportunité d'une réforme de l'article 375 du code civil, qui fixe à deux ans la duré maximale des mesures éducatives décidées par les institutions.

M. Paul Blanc a insisté sur la pénurie de médecins dans les services de médecine scolaire et de PMI et a suggéré de proposer à des médecins en retraite d'effectuer des vacations dans ces services. Il a confirmé les inconvénients de placements de trop courte durée dans les familles d'accueil. Il a aussi insisté, citant un drame survenu dans son département, sur les dangers d'une politique visant à maintenir l'enfant trop longtemps dans sa famille alors que des risques sont avérés. En guise de boutade, il a enfin demandé si le projet de loi prévoit la création de Maisons départementales de l'enfance, par analogie avec les Maisons départementales du handicap.

M. Alain Vasselle s'est félicité que le ministre ait chiffré le coût de sa réforme et a demandé si la mise en oeuvre du texte nécessiterait des décrets d'application. Rappelant que la parution des décrets d'application est souvent tardive, il a souhaité que les projets de loi soient, de manière générale, accompagnés des projets de décret s'y rapportant dès le moment de leur présentation au Parlement. Il s'est également préoccupé de la prise en compte du développement social de l'enfant, estimant que les problèmes auxquels sont confrontés les enfants sont aujourd'hui rarement d'origine médicale. Il a jugé que trop d'enfants souffrent d'une inattention de la part de leurs parents et s'est interrogé sur l'accompagnement des familles dans leur mission éducative, ainsi que sur la formation des travailleuses familiales. Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur l'articulation du projet de loi avec la réforme de la prévention de la délinquance.

En réponse à une remarque deMme Gisèle Printz, qui s'inquiétait des intentions du Gouvernement en matière de décentralisation de la médecine scolaire, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a répété qu'elle demeurerait de la compétence de l'Etat.

Mme Janine Rozier a souligné les difficultés du partage de l'information entre services sociaux et le rôle pivot souvent joué par le maire en la matière, qui justifierait qu'il soit tenu au courant des suites données en cas de signalement de mineurs en danger.

M. Claude Domeizel a insisté sur la vulnérabilité des enfants face aux agressions sexuelles et rappelé que les mineurs victimes ne disposent que d'un délai de dix ans après leur majorité pour porter plainte contre leur agresseur. Or, le souvenir de ces agressions peut parfois resurgir à la faveur d'un événement, le décès de l'auteur par exemple, survenant bien après l'expiration du délai de dix ans. Souhaitant ouvrir le débat sur ce point, il a annoncé son intention de déposer des amendements à ce sujet.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué, en réponse à M. Bernard Cazeau, que l'évaluation des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme a été effectuée en partenariat avec l'ADF et que les chiffres qu'il a cités lui paraissent représenter un ordre de grandeur raisonnable. Il a ensuite expliqué que le texte relatif à la prévention de la délinquance est actuellement soumis à concertation et que les principaux problèmes de coordination avec la réforme de la protection de l'enfance ont été résolus. Il a souligné que la coopération des maires et des présidents de conseils généraux en matière d'action sociale pourrait être formalisée dans des conventions et qu'un coordinateur pourrait être désigné. Les règles relatives au partage d'informations entre travailleurs sociaux sont également harmonisées entre les deux textes.

En réponse à M. Alain Milon, M. Philippe Bas a jugé souhaitable d'éviter la multiplication des auditions d'enfants dans le cadre des procédures judiciaires. Il a rappelé que, dans les affaires d'agressions sexuelles sur mineurs, les examens médicaux ne permettent d'attester de la réalité de l'agression que dans 3 % des cas. La parole de l'enfant est donc déterminante dans ces procédures. Il a recommandé la création d'unités médico-judiciaires chargées de recueillir la parole de l'enfant, dans des conditions telles qu'elles rendent inutiles la répétition de ces auditions.

En ce qui concerne l'article 375 du code civil,M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a rappelé que la loi oblige simplement à réexaminer les décisions de placement tous les deux ans, mais qu'elle n'impose pas d'attribuer à chaque fois une nouvelle famille d'accueil à l'enfant. Sans s'opposer à la mise en oeuvre de mesures de placement pour une durée plus longue, il a néanmoins jugé indispensable de prévoir, dans ce cas, un rapport d'étape pour assurer un suivi efficace de l'enfant.

En réponse à M. Paul Blanc, il a estimé qu'une prise de décision collégiale peut permettre d'éviter que les services d'aide sociale à l'enfance ne s'obstinent à maintenir l'enfant dans sa famille, alors que cette solution s'est révélée dangereuse. Il a indiqué que les départements pouvaient s'inspirer de l'exemple de l'Alsace, où des Maisons départementales de l'enfance ont été constituées, mais que ce n'était pas une obligation prescrite par le projet de loi. Il a également jugé que l'accomplissement de vacations par des médecins retraités s'inscrirait aisément dans la logique du plan pour l'emploi des seniors présenté par le Premier ministre.

Répondant à M. Alain Vasselle, il a déclaré que la loi s'accompagnerait de sept ou huit décrets d'application. Il a estimé difficile de présenter les projets de décret en même temps que les projets de loi, faisant valoir, d'une part, qu'il est malaisé de rédiger les décrets avant que le texte de loi définitif ne soit connu, d'autre part, que la préparation des décrets nécessite souvent une phase de concertation. La présentation simultanée des projets de loi et de décret rendrait par ailleurs peu opérante la distinction entre la loi et le règlement prévue à aux articles 34 et 37 de la Constitution.

Abordant la question de la participation de l'éducation nationale à la protection de l'enfance,M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué que M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, annoncera prochainement un plan triennal de rénovation de la médecine scolaire.

Réagissant aux propos de Mme Janine Rozier, il a noté que les règles imposent déjà le retour d'informations vers le maire, mais qu'elles pourraient être rendues plus opérationnelles.

Répondant enfin à M. Claude Domeizel, il s'est déclaré ouvert à un débat relatif à l'allongement du délai de dix ans prévu pour la dénonciation des atteintes sexuelles sur mineur, bien que cette question relève plutôt des compétences du Garde des sceaux.

M. Claude Domeizel a répété que cette question s'inscrit pour lui pleinement dans la problématique de la protection de l'enfance.

M. Alain Vasselle a demandé quels budgets seraient mis à contribution pour financer la compensation des dépenses supplémentaires mises à la charge des départements.

Rappelant que les sommes en jeu étaient limitées, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué que le financement de ces dispositions serait assumé par le budget de l'Etat et par la branche famille de la sécurité sociale, grâce à des mesures de bonne gestion et de redéploiement de crédits

II. AUDITIONS

Audition de M. Paul DURNING, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée (Gipem), directeur du Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (Snatem) et de l'Observatoire national pour l'enfance en danger (Oned) (mercredi 31 mai 2006)

Réunie le mercredi 31 mai 2006dans la matinée, sous la présidence deM. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de M. Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée (Gipem), directeur du Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (Snatem) et de l'Observatoire national pour l'enfance en danger (Oned).

M. Paul Durning a tout d'abord dressé un panorama de l'enfance en danger en France en 2006 : le nombre d'enfants bénéficiaires d'une mesure de protection de l'enfance est estimé à 270.000, le nombre des nouveaux entrants sur une année étant de l'ordre de 80.000. Le budget consacré par les départements à la politique décentralisée d'aide sociale à l'enfance s'élève, quant à lui, à 5 milliards d'euros.

Il s'est ensuite félicité de ce que le projet de loi harmonise enfin les définitions du public bénéficiaire de la protection de l'enfance, selon que l'on se réfère à la protection administrative ou à la protection judiciaire en retenant, pour l'ensemble du champ, l'unique notion d'enfants « en danger dans leur santé, leur sécurité, leur moralité ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ». Cette notion d'enfants en danger a également ses limites : elle n'intègre pas les enfants victimes de violences commises par des adultes n'appartenant pas à leur entourage ou encore par d'autres jeunes.

M. André Lardeux, rapporteur, a rappelé que le premier rapport de l'Oned mettait en lumière la nécessité de mettre en cohérence les données chiffrées sur l'enfance en danger. Il a souhaité savoir si la création d'observatoires départementaux de la protection de l'enfance permettrait d'améliorer cette situation.

M. Paul Durning a expliqué que les observatoires départementaux de la protection de l'enfance assureraient une mission indispensable : collecter les données chiffrées sur l'enfance en danger et le devenir des enfants pris en charge et analyser ces informations pour proposer l'amélioration des pratiques de prévention et d'intervention.

Des observatoires de ce type existent déjà dans treize départements, dix autres préparent leur création et sept, enfin, sont en capacité de fournir des données statistiques à l'Oned, sans disposer, stricto sensu, d'un observatoire. L'un des principaux défis pour ces observatoires serait de parvenir à mobiliser les chiffres provenant de l'institution judiciaire.

Il a ensuite plaidé pour une représentation des conseils généraux au sein du groupe permanent interministériel pour l'enfance maltraitée (GPIEM), même si le conseil d'administration et l'assemblée générale du Gipem sont déjà configurés pour permettre une véritable collaboration entre l'Etat et les départements sur cette question.

M. André Lardeux, rapporteur, s'est interrogé sur les méthodes de travail adoptées par le Snatem dans ses relations avec les départements et l'autorité judiciaire pour le traitement des signalements qui lui parviennent.

M. Paul Durning a expliqué que le Snatem reçoit des appels de toute la France : chacun de ces appels est transmis, le cas échéant, sous la forme d'un compte rendu d'appel téléphonique (Crat) aux autorités locales compétentes.

Dans chaque département, il existe un correspondant unique pour le 119, nommé par le conseil général, qui reçoit toutes les transmissions concernant son département par fax, puis par courrier, dans un délai maximum de vingt quatre heures hors week-end. Les départements disposent de trois mois pour informer le Snatem des démarches entreprises à la suite de la transmission. 35.000 appels parviennent chaque année au 119, entre 7.000 et 8.000 font l'objet d'un compte rendu transmis aux départements. Ceux-ci répondent dans 85 % des cas dans un délai moyen de trois mois et demi. Les saisines directes du procureur par le Snatem sont extrêmement rares et font, en tout état de cause, l'objet d'une transmission en parallèle au département de résidence de l'enfant.

M. André Lardeux, rapporteur, a voulu savoir si l'expérience du Snatem en matière de traitement des informations préoccupantes permet de mettre en lumière des difficultés particulières du système actuel de signalement.

M. Paul Durning a recensé les principales critiques pouvant être adressées au dispositif actuel de signalement. Il est d'abord peu lisible, notamment pour les intervenants susceptibles de signaler une situation et qui ne sont pas des spécialistes de la protection de l'enfance ; il est exposé à de nombreux risques d'engorgement ; il ne permet pas d'assurer un suivi satisfaisant des situations en cas de saisine directe du procureur, en raison de l'absence de retour d'informations vers les départements.

M. André Lardeux, rapporteur, s'est demandé si la création de cellules départementales de recueil des informations préoccupantes, proposée par le projet de loi, pourrait apporter des améliorations à cette situation.

M. Paul Durning a estimé qu'une cellule départementale de recueil des signalements aurait l'avantage de constituer un lieu facilement identifiable pour tous les intervenants susceptibles de signaler une situation de danger, ainsi qu'un lieu« ressource » pour les professionnels du département. Le regroupement des informations préoccupantes concernant une même situation permettrait également d'améliorer l'évaluation, la prise de décision et le suivi des enfants.

Il a toutefois précisé que l'Oned ne juge pas souhaitable de confier systématiquement à la cellule la mission d'évaluer les situations individuelles, ce choix pouvant dépendre de la taille et du mode d'organisation des départements.

M. André Lardeux, rapporteur, a voulu savoir si le Snatem est amené à renseigner des professionnels sur l'étendue et les limites du secret professionnel ou médical.

M. Paul Durning a indiqué qu'une dizaine de professionnels seulement, en moyenne, solliciterait le 119 chaque année pour échanger sur les notions d'anonymat et de secret professionnel.

Le partage d'informations entre professionnels ne semble pas poser de problèmes entre assistants sociaux relevant de différentes institutions, mais la question se complique lorsque les travailleurs sociaux de protection de l'enfance sont amenés à travailler avec d'autres types de professionnels, notamment les bailleurs sociaux ou les enseignants. Il faut alors, en effet, tirer les informations susceptibles d'être partagées. En sens inverse, il est parfois difficile pour les travailleurs sociaux de la protection de l'enfance d'obtenir des informations de la part de certains services, par exemple les centres médico-psychologiques (CMP) qui refusent souvent toute transmission en se retranchant derrière leurs positions de dispensateurs de soins. La difficulté principale tient finalement aux différences personnelles de conception du secret professionnel, la formation sur ces questions étant très insuffisante.

M. André Lardeux, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur la notion de secret professionnel partagé, introduite par le projet de loi.

M. Paul Durning a estimé que l'introduction de ce concept apporte une clarification indispensable. Il a approuvé le fait que le projet de loi délimite les informations susceptibles d'être partagées en fonction de leur objectif et prévoie les modalités d'information des parents. Il serait toutefois peut-être nécessaire de préciser les catégories de professionnels concernés.

M. André Lardeux, rapporteur, a voulu savoir si les mesures proposées par le projet de loi en matière de diversification des modes de prise en charge répondent à la préoccupation de l'Oned d'introduire davantage de souplesse dans l'alternative entre action éducative à domicile et placement (reconnaissance de l'accueil de jour et de l'accueil à temps partiel ou périodique...).

M. Paul Durning a indiqué que les départements avaient développé depuis plusieurs années de nouvelles pratiques pour faire face à la multiplicité des situations familiales, en se fondant sur une nouvelle approche du travail avec les familles visant à s'appuyer sur leurs ressources et leurs possibilités de mobilisation.

L'Oned a regroupé les dispositifs repérés en cinq catégories : les relais parentaux, les accueils de jour, les mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) renforcées, l'accueil séquentiel et les prises en charge associant soutien parental et suppléance.

Ces nouveaux modes de prise en charge ont en commun de reposer sur des besoins importants en personnel (six à huit enfants suivis en moyenne par un professionnel, contre vingt cinq à trente en AEMO classique).

Il a insisté sur la nécessité de consolider par la loi ce mouvement de diversification des interventions auprès des parents et des enfants, afin d'aller, à long terme, vers une individualisation accrue des réponses en fonction des caractéristiques et des besoins de chaque situation familiale et du projet élaboré pour chaque enfant. Cette piste de travail est d'ores et déjà ouverte par le projet de réforme qui formalise un document élaboré avec la famille, document qui mériterait d'ailleurs d'être mieux mis en valeur.

M. André Lardeux, rapporteur, s'est interrogé sur les catégories de professionnels qui seraient parties prenantes du nouveau dispositif de secret professionnel partagé pour savoir notamment si les élus seront concernés.

M. Paul Durning a précisé que l'Oned n'avait pas étudié la question du secret professionnel. Il ne s'est pas prononcé sur la question de l'association des élus, estimant que ce choix est éminemment politique.

M. Nicolas About, président, a déclaré ne pas être opposé à un partage du secret professionnel avec les élus responsables de la politique de protection de l'enfance. Ce partage est comparable à la situation d'un cabinet médical où les collaborateurs du médecin sont également liés par le secret médical s'ils apprennent des informations dans le cadre de leur formation ou de l'exercice de leur activité.

M. Paul Durning a tenu à préciser que l'intervention des communes dans le dispositif de protection de l'enfance lui paraît constituer une source de complexité.

Mme Claire-Lise Campions'est interrogée sur les nuances sémantiques qui ont conduit à préférer les termes d'« enfant en danger » et d'« informations préoccupantes » à ceux d'« enfant maltraité » et d'« informations signalantes ».

M. Louis Souvet a souhaité obtenir des précisions sur l'influence éventuelle de la taille du département sur son choix d'un mode d'organisation du dispositif de signalement.

M. Guy Fischer a déploré le manque de coordination entre les différents projets de loi du Gouvernement, que révèle notamment le futur projet de loi sur la prévention de la délinquance, qui s'inscrit dans une optique sécuritaire contraire aux objectifs du présent texte.

M. Paul Durning a précisé que le terme d'« enfant maltraité »avait été introduit par la loi fondatrice du 10 juillet 1989 dans le code de l'action sociale et des familles, alors que le code civil s'attachait à la notion d'« enfant en danger ». Il a approuvé l'harmonisation au profit de la définition du code civil, qui a le mérite d'être plus large et de permettre de tenir compte des différentes situations à risques pour l'enfant.

Il a considéré que les différences d'organisation d'un département à l'autre en matière de centralisation et d'évaluation des informations préoccupantes doivent être respectées. Le traitement des situations individuelles doit ainsi pouvoir continuer à être réalisé au niveau des territoires.

Il a enfin regretté que l'Oned n'ait été saisi ni du projet de loi relatif à l'égalité des chances, désormais adopté, ni du texte à venir consacré à la prévention de la délinquance, alors même qu'ils contiennent tous deux des dispositions qui ont un impact sur la protection de l'enfance.

Audition de MM. Bernard CAZEAU, président de la commission Politiques familiales et Jean-Pierre VIAL de l'Assemblée des départements de France (ADF) (mercredi 31 mai 2006)

La commission a ensuite entendu MM. Bernard Cazeau, président de la commission Politiques familiales, et Jean-Pierre Vial, del'Assemblée des départements de France(ADF).

M. Bernard Cazeau a reconnu que le projet de loi sur la protection de l'enfance avait fait l'objet d'une large concertation avec les professionnels de terrain et avec les conseils généraux. Ces derniers ont été satisfaits dans leurs demandes de voir le rôle de chef de file des départements reconnu et le partage des compétences entre conseils généraux et autorité judiciaire clarifié.

Il s'est toutefois inquiété du financement de cette réforme, dont l'impact a été évalué, par le ministre lui-même, à 150 millions d'euros sur trois ans. Il a souhaité que la compensation de ces charges, inscrite dans l'avant-projet de loi, puis supprimée de la version présentée en conseil des ministres, soit rétablie par le Parlement.

M. Jean-Pierre Vial a insisté sur les difficultés de financement de la réforme, dans le contexte du transfert du revenu minimum d'insertion (RMI) et de la montée en charge de la prestation de compensation du handicap (PCH). Or, l'aide sociale à l'enfance représente déjà 30 % du budget d'action sociale des départements. Ces dépenses ont progressé de 45 % au cours des cinq dernières années, et même de 55 % pour celles liées aux placements. En outre, la réforme suppose la mobilisation de moyens supplémentaires de la part du secteur psychiatrique.

Il s'est déclaré satisfait de la réaffirmation du rôle de chef de file des départements en matière de protection de l'enfance et il a insisté sur la nécessité de conserver sa souplesse au dispositif de signalement mis en place par chaque département, en fonction de ses spécificités.

M. André Lardeux, rapporteur, a souhaité connaître les principales difficultés rencontrées par les départements pour assurer leurs missions de protection de l'enfance. Il a voulu savoir si la création des cellules opérationnelles de recueil des informations préoccupantes sur les mineurs en danger sera de nature à améliorer la coordination de la protection administrative et judiciaire de l'enfance.

M. Bernard Cazeau a regretté que la coordination des interventions des départements et de l'autorité judiciaire dépende encore aujourd'hui de la bonne volonté des magistrats. Il a fait valoir sa préférence pour un dispositif de centralisation des informations préoccupantes qui soit plus souple que la cellule opérationnelle prévue par le projet de loi. Il a toutefois reconnu la nécessité de mettre en place un outil de centralisation des signalements, pour éviter les situations encore trop fréquentes pour lesquelles des signalements directs à l'autorité judiciaire, classés sans suite pour des raisons de procédure, ne font l'objet d'aucun retour vers les services de l'aide sociale à l'enfance, obérant ainsi toute possibilité d'intervention sociale auprès des familles concernées.

M. Jean-Pierre Vial a insisté sur le fait que la centralisation des informations préoccupantes sous l'égide du conseil général ne doit pas servir d'alibi aux professionnels de terrain pour se décharger de leurs responsabilités de repérage des enfants en danger, d'analyse des situations et éventuellement de signalement direct au juge en cas de danger immédiat.

M. André Lardeux, rapporteur, a souhaité connaître le sentiment des présidents de conseils généraux sur la diversification des modes de prise en charge des mineurs en danger prévue par le projet de loi.

M. Bernard Cazeau a précisé que les nouveaux modes d'intervention auprès des enfants en danger étaient déjà expérimentés depuis de nombreuses années, avec succès mais sans réelle base légale, par de nombreux départements. La souplesse et l'individualisation des réponses permises par ces nouveaux dispositifs répondent à la demande de l'ensemble des professionnels de la protection de l'enfance. Il a approuvé la création d'une mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale pouvant être mise en oeuvre, en amont de toute mesure de tutelle et avec l'accord des parents, par les départements, mais il a mis en garde contre toute tentation de faire dériver une telle mesure vers une forme de sanction pour les parents supposés négligents, comme tel est le cas dans le cadre du contrat de responsabilité parentale. Il a toutefois observé que le développement de ces mesures se heurterait inévitablement à la pénurie des conseillères en économie sociale et familiale.

M. André Lardeux, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur l'obligation faite aux services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) par le projet de loi de désigner un référent pour chaque enfant confié et d'établir, avec les parents, un document synthétisant les actions menées et leurs objectifs.

M. Jean-Pierre Vial a indiqué que la plupart des départements ont déjà mis en place des formes de documents de prise en charge des enfants, conclus entre les services de l'aide sociale à l'enfance et les parents. Il a souhaité que le projet de loi permette de conserver une certaine souplesse en la matière. En ce qui concerne la désignation d'un référent pour chaque enfant, la lourdeur d'une telle mesure exigerait que sa mise en place soit précédée d'une étude d'impact et de délais pour sa montée en charge.

M. Bernard Cazeau a admis que la désignation d'un référent pour chaque enfant est sans doute une solution idéale pour assurer la cohérence des parcours de protection, mais une telle mesure demandera, outre un effort financier considérable de la part des départements, un investissement important en matière de formation.

M. André Lardeux, rapporteur, a enfin souhaité recueillir les réactions des présidents de conseils généraux à l'extension des missions des services de protection maternelle et infantile (PMI) en matière de prévention des difficultés familiales autour du petit enfant.

M. Bernard Cazeau s'est déclaré ouvert à un élargissement des missions des services de PMI, mais ceci impliquera de compléter les équipes en place par des professionnels du domaine social et d'inventer, avec les maternités, des modes d'intervention dans le domaine de la périnatalité. En ce qui concerne la mise en place d'un bilan pour les enfants de trois à quatre ans, il a mis en garde contre toute tentation d'en faire une sorte d'outil de prévention précoce de la délinquance, en s'appuyant sur une vision déterministe des troubles de comportement du petit enfant.

M. Guy Fischer a observé que la réforme proposée n'aura de consistance que si elle s'appuie sur des moyens financiers importants. Il a également souligné l'hypothèque que font peser sur sa mise en oeuvre la pénurie de certaines catégories de travailleurs sociaux et la politique de recrutement très restrictive de beaucoup de départements. Il a enfin voulu recueillir l'avis de l'ADF sur l'avant-projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui neutralise, selon lui, une grande partie des futures dispositions sur la protection de l'enfance.

M. Bernard Cazeau a indiqué ne pas pouvoir se prononcer sur le texte relatif à la prévention de la délinquance, dans la mesure où le bureau de l'ADF ne s'est pas encore réuni pour l'examiner. Il a tenu à préciser que si le rapport de l'Inserm sur la corrélation entre délinquance et troubles du comportement dans la petite enfance lui semble constituer un travail scientifique de valeur, l'existence de ces troubles ne peut en aucun cas avoir de caractère prédictif pour une politique de prévention de la délinquance.

Mme Claire-Lise Campion a fait part de son souhait de voir la commission se saisir pour avis du futur projet de loi sur la prévention de la délinquance. Par ailleurs, elle a craint que la pénurie de professionnels formés ne constitue un obstacle majeur à la mise en oeuvre de la réforme de la PMI.

M. Bernard Cazeaua reconnu que le statut et la rémunération des médecins de PMI découragent les vocations dans ce secteur. Parallèlement, les difficultés de recrutement des autres catégories de professionnels intervenant en PMI résultent surtout du manque d'attractivité de certains territoires.

Mme Janine Roziera souhaité savoir comment les départements envisagent de mettre en oeuvre les nouvelles missions de la PMI en matière de prévention. Elle s'est demandé si la réforme ne conduit pas à rétablir en réalité le dispositif des consultations de nourrissons en vigueur dans les années soixante.

M. Bernard Cazeaua précisé qu'il n'est pas envisageable de rendre systématique la visite des professionnels de la PMI au domicile de toutes les jeunes accouchées d'un secteur donné. La nouvelle prévention sociale confiée à la PMI concernerait en fait les personnes qui se tournent déjà vers ce service pour la prévention médicale.

M. Jean-Pierre Michel a voulu savoir si les conseils généraux sont favorables à une décentralisation de la médecine scolaire, afin de permettre une continuité des actions de prévention au-delà de l'âge de six ans.

M. Bernard Cazeaua rappelé que les départements avaient demandé cette compétence lors de la loi de décentralisation de 2003, mais que le Gouvernement avait reculé devant le refus des syndicats de médecins scolaires.

M. André Lardeux, rapporteur, a enfin souhaité recueillir le sentiment de l'ADF sur la création des observatoires départementaux de l'enfance en danger.

M. Bernard Cazeauen a approuvé le principe, estimant que ces nouveaux organismes permettraient d'alimenter de façon plus précise les bases de données statistiques de l'Oned.

Table ronde réunissant des associations de la protection de l'enfance
Mmes Sylviane HOCHER, administrateur et Jacqueline LANG, présidente, d'Enfance et partage
M. Arnaud GRUSELLE, directeur de la Fondation pour l'enfance,
Mme Martine BROUSSE, directrice de La voix de l'enfant,
Maître Yves CRESPIN, président,
et Mme Sandra MONTEL, juriste, de l'Enfant bleu
Mmes Chantal LEBATARD, administratrice, et Florence N'DA KONAN, chargée de mission de l'Union nationale des associations familiales (Unaf) (mercredi 31 mai 2006)

Ensuite, la commission a organisé une table ronde réunissant les représentants de plusieursassociations de protection de l'enfance :Mme Sylviane Hocher, administrateur d'Enfance et partage, Mme Martine Brousse, directrice deLa voix de l'enfant, Maître Yves Crespin, président, et Mme Sandra Montel, juriste de L'enfant bleu, Mmes Chantal Lebatard, administratrice, et Florence N'da Konan, chargée de mission de l'Union nationale des associations familiales (Unaf).

Mme Sylviane Hocher s'est félicitée du fait que l'intérêt de l'enfant constitue le coeur du projet de loi, mais elle a regretté que le message porté par ce texte soit brouillé par la concomitance d'autres projets de loi annoncés, notamment celui relatif à la prévention de la délinquance. Elle s'est dite satisfaite du nouveau dispositif de signalement. Elle a enfin salué la présence d'un volet relatif à la prévention précoce dans le texte.

Mme Martine Brousse a reconnu la bonne volonté du Gouvernement pour réformer les dispositifs de protection de l'enfance, mais elle a estimé que les mesures proposées ne permettront pas de mettre fin aux dysfonctionnements actuels, notamment par manque de moyens financiers et humains. Elle a pointé les nombreuses lacunes du dispositif de l'aide sociale à l'enfance : la protection des enfants est peu ou pas assurée le soir, le week-end et pendant les vacances par manque de personnel, les décisions des présidents de conseils généraux sont entachées de considérations politiques et les remontées statistiques en direction de l'Oned sont insuffisantes.

Rappelant les affaires d'Outreau et d'Angers,M. Yves Crespin a considéré que le dispositif de protection de l'enfance nécessite une réforme globale, ainsi que des moyens humains et financiers renforcés. A la lumière de ce constat, il a exprimé sa déception face au contenu du projet de loi, estimant que celui-ci ne comporte aucune mesure réellement novatrice.

Il s'est déclaré opposé à un renforcement des pouvoirs des présidents de conseils généraux, considérant que les affaires judiciaires récentes avaient montré la faillite du dispositif de protection aujourd'hui placé sous la responsabilité des départements. Il a présenté trois pistes pour une réforme plus efficace de la protection de l'enfance : la création de cellules de signalement dotées de réels moyens de prise en charge des mineurs maltraités, la reconnaissance d'un devoir d'ingérence familiale pour les travailleurs sociaux et la fusion, en une seule institution, du juge des enfants et du juge aux affaires familiales.

Mme Chantal Lebatard a souligné l'ambiguïté du projet de loi, qui apporte de réelles améliorations en matière de repérage et de prise en charge des enfants en danger, mais qui ne permet pas de résoudre les dysfonctionnements constatés en matière de lutte contre la maltraitance. Elle a toutefois reconnu au projet de loi le mérite de promouvoir une nouvelle culture du travail en commun entre les départements, les services de l'Etat et l'autorité judiciaire.

Elle a fait part des inquiétudes des associations familiales quant à la coordination du projet de loi avec d'autres textes en préparation, notamment celui sur la prévention de la délinquance, considérant que ce dernier risque d'instrumentaliser la protection de l'enfance pour en faire un outil de protection de la société contre la délinquance.

Elle a en revanche salué les dispositions du projet de loi qui permettent une diversification des modes de prises en charge des mineurs en danger, estimant que ces mesures répondent aux besoins d'innovation et d'adaptation aux situations individuelles rencontrés par les acteurs de terrain et devraient permettre de sécuriser les expérimentations déjà menées dans de nombreux départements.

M. André Lardeux, rapporteur, s'est ému des critiques violentes de certaines associations à l'égard des élus. Il a voulu savoir quelle autorité serait susceptible d'être mieux adaptée que les conseils généraux pour mettre en oeuvre la politique de protection de l'enfance.

M. Alain Milon a rejoint les interrogations du rapporteur quant à l'autorité la plus pertinente en matière de protection de l'enfance.

Mme Françoise Henneron s'est interrogée sur la possibilité de mieux associer les maires au dispositif de protection de l'enfance, rappelant que ces derniers, notamment en milieu rural, sont souvent les premiers à détecter les familles en difficulté.

M. Bernard Cazeaua jugé excessives les critiques adressées aux départements soulignant que, depuis la décentralisation de l'aide sociale à l'enfance en 1989, les départements avaient multiplié par six le budget jusqu'alors consacré par l'Etat à la protection de l'enfance. Il a insisté sur le fait que les affaires judiciaires récentes ne doivent pas faire oublier les nombreux drames évités grâce à l'intervention des services sociaux départementaux.

Mme Isabelle Debré a estimé que les difficultés de l'aide sociale à l'enfance résident en réalité dans un défaut de coordination entre les départements, les communes, les assistantes sociales et l'autorité judiciaire.

M. Guy Fischer a observé que le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance envisage de confier de nombreux pouvoirs aux maires, ce qui ne serait pas sans poser des problèmes de cohérence avec le dispositif départemental de protection de l'enfance.

Mme Martine Brousse a tenu à réaffirmer son profond respect pour les élus et elle a admis que les défaillances du dispositif de signalement résident principalement dans l'articulation des interventions de nature administrative et judiciaire. Elle a reconnu que l'action des départements en matière de prise en charge des enfants maltraités est tout à fait satisfaisante, mais elle a maintenu qu'en matière de signalement, les conseils généraux peuvent être tentés de se soumettre à la loi du silence, surtout lorsque les actes de maltraitance ont lieu en institution. La désignation et la rémunération des administrateurs ad hoc par les départements posent également des problèmes, car ceux-ci peuvent ensuite difficilement dénoncer les dysfonctionnements des services départementaux.

Mme Sylviane Hocher a souligné que la décentralisation de l'aide sociale à l'enfance a entraîné des inégalités de traitement selon les territoires. Par ailleurs, les différents acteurs de la protection de l'enfance vivent en général dans la défiance les uns vis-à-vis des autres, cherchant à défendre un pré carré là où il faudrait que les intérêts corporatifs s'estompent au profit de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ainsi, bien souvent, les services du conseil général refusent d'informer les personnes à l'origine d'un signalement des suites qui lui ont été données, alors même que la loi en donnel'obligation aux départements.

Mme Chantal Lebatard a reconnu que le département est sans doute l'échelon le plus pertinent pour la conception, la coordination et la mise en oeuvre de la politique de protection de l'enfance. Dans ces conditions, une coopération avec les communes peut être envisagée dès lors que le rôle pivot du conseil général est préservé. Elle a toutefois insisté sur le fait que la politique de protection de l'enfance devrait également comprendre un échelon national : il est donc indispensable de parvenir à un fonctionnement satisfaisant de l'Oned.

M. André Lardeux, rapporteur, a souhaité connaître le sentiment des associations de protection de l'enfance sur la notion de secret professionnel partagé introduite par le projet de loi.

M. Yves Crespins'est dit choqué que l'on puisse encore opposer le secret professionnel dans un domaine aussi sensible que celui de la maltraitance à enfant. Il a estimé que dans le cadre des nouvelles cellules de signalement, le secret professionnel devrait être totalement écarté, faute de quoi elles n'apporteraient aucun progrès par rapport à la situation actuelle.

Mme Martine Brousse a fait valoir le caractère paradoxal de la notion de secret partagé : par définition, un secret ne se partage pas. Il semblerait plus approprié de parler de partage d'informations.

A l'inverse, M. Nicolas About, président, s'est dit très attaché à la notion de secret professionnel, estimant que celui-ci était un moyen de protéger l'enfant. Parler de secret partagé est donc approprié, puisqu'il s'agit de partager des informations couvertes par le secret uniquement avec des personnes également liées par le même secret et donc par les mêmes responsabilités à l'égard de l'enfant.

Mm Isabelle Debré s'est déclarée favorable à la notion de secret partagé, car il s'agit d'échanger des informations confidentielles entre membres d'un même corps sur le modèle de ce qui existe en matière de secret médical.

M. Bernard Seillier a considéré que le concept de partage d'informations serait inadapté dans la mesure où la notion d'information implique une diffusion publique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Mme Sylviane Hocher a fait part de l'inquiétude que lui inspire la reconnaissance d'un secret professionnel partagé, considérant que cette notion peut être pervertie dans un but de contrôle social.

M. Guy Fischer a indiqué que le titre II du projet de loi consacré à l'audition de l'enfant et aux liens entre protection sociale et protection judiciaire de l'enfance est, à son sens, celui qui pose les plus grandes difficultés. Autant la reconnaissance d'un droit de l'enfant à être entendu à sa demande dans le cadre des affaires qui le concernent doit être saluée, autant l'obligation pour tous les partenaires de la protection de l'enfance de transmettre au conseil général les informations préoccupantes dont ils ont connaissance est source d'inquiétudes. Compte tenu des risques d'utilisation abusive des renseignements transmis, il est à craindre que les travailleurs sociaux refuseront le plus souvent de coopérer.

Mme Martine Brousse s'est indignée du fait que le secret professionnel ou médical puisse encore servir d'alibi pour repousser un signalement, alors que, chaque année, plus de trois cents enfants meurent sous les coups d'un proche. Le partage d'informations, y compris quand elles sont normalement couvertes par le secret professionnel, doit être obligatoire dès lors qu'il y a atteinte ou risque d'atteinte à l'intégrité de l'enfant.

M. Bernard Seillier a regretté que les débats de la table ronde se cantonnent à des considérations générales toujours empreintes d'émotivité et il a souhaité savoir si les associations ont élaboré des propositions précises d'amélioration à présenter à la commission.

Mme Chantal Lebatard a rappelé que les acteurs de la protection de l'enfance ont à connaître de situations individuelles très différentes : en cas de maltraitance, le secret professionnel doit effectivement être levé afin de permettre le partage des informations nécessaires à la mise à l'abri de l'enfant ; mais il existe aussi d'autres situations de danger, moins tranchées, où la question se pose du partage entre les informations devant rester confidentielles et celles utiles à la prise en charge de la famille. Dans ce deuxième cas, la notion de secret professionnel partagé est utile pour permettre une analyse en commun de la situation d'un enfant.

M. Yves Crespin a expliqué le manque de précision des propositions concrètes des associations pour améliorer le dispositif de protection de l'enfance par la précipitation avec laquelle le Gouvernement a souhaité conduire la réforme.

M. André Lardeux, rapporteur, a fait observer que le ministre avait organisé des rencontres avec des professionnels de terrain dans tous les départements et que les enseignements de cette concertation avaient fait l'objet d'une synthèse et d'un débat à l'occasion d'assises nationales de la protection de l'enfance organisées dans le Maine-et-Loire au printemps 2006.

Il a ensuite souhaité recueillir l'avis des participants à la table ronde sur l'obligation faite aux départements de consigner dans un document unique, contresigné par les parents, l'ensemble des mesures dont bénéficie l'enfant, et leurs objectifs.

Mme Chantal Lebatard s'est dite favorable à l'idée d'une contractualisation avec les parents, considérant qu'un tel document pourrait être un bon outil d'aide à la parentalité. Toutefois, ce dispositif risque d'être confondu avec le contrat de responsabilité parentale, créé par la loi relative à l'égalité des chances, et dont les objectifs sont étrangers à la protection de l'enfance. D'une façon générale, il semble indispensable de veiller à ce que les moyens accordés aux dispositifs d'aide à la parentalité soient maintenus.

M. Bernard Cazeaua souhaité avoir des précisions sur la notion de devoir d'ingérence familiale évoquée par les associations. Ce concept paraît en effet contradictoire avec le principe, réaffirmé par le projet de loi, d'association des parents aux décisions concernant leur enfant et de maintien du lien avec la famille d'origine.

M. Yves Crespin a expliqué que les affaires judiciaires récentes ont concerné en général des familles suivies par des travailleurs sociaux, lesquels avaient été dans l'incapacité de détecter les actes de maltraitance, faute de pouvoir pénétrer à l'intérieur des familles.

Mme Sylviane Hocher a plaidé pour un abandon du dogme du maintien à tout prix des liens entre l'enfant et sa famille biologique : la nécessité de préserver des relations entre l'enfant et sa famille doit être appréciée au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. Pour ce qui concerne la contractualisation avec les familles, elle a insisté sur le fait que les engagements devront être réciproques et que les services d'aide à l'enfance devront donner aux parents les moyens d'assumer leur rôle.

Mme Martine Brousse a regretté que le projet de loi ne s'attache pas davantage à la prévention des difficultés familiales et au soutien à la parentalité.

Mme Chantal Lebatard a souhaité que des précisions puissent être apportées au projet de loi sur la confidentialité du document d'engagement réciproque. Elle a également plaidé pour une simplification du financement des dispositifs d'aide à la parentalité. Elle a enfin salué la création d'une mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale, à la charge des départements, mais elle s'est interrogée sur l'existence des moyens humains et financiers nécessaires à sa mise en oeuvre.

Table ronde réunissant des professionnels de la protection de l'enfance
M. Hervé HAMON, président du Tribunal pour enfants de Paris, membre du comité directeur de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille,
Mme Roselyne BECUE-AMORIS membre de l'Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des départements (Andass)
M. Michel GACON, directeur général de SOS villages d'enfants
MM. Pierre SUESSER, vice-président, et Bruno PERCEBOIS, secrétaire, du Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI),
et M. Jean-Jacques ANDRIEUX, directeur général de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (Unasea) (mercredi 31 mai 2006)

Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, sous la présidence deM. Nicolas About, président, la commission a organisé une table ronde réunissant plusieurs professionnels de la protection de l'enfance : M. Hervé Hamon, président du Tribunal pour enfants de Paris, membre du comité directeur de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille,Mme Roselyne Becue-Amoris, membre de l'Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des départements(Andass), M. Michel Gacon, directeur général de SOS villages d'enfants, MM. Pierre Suesser, vice président, et Bruno Percebois, secrétaire duSyndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPMI), etM. Jean-Jacques Andrieux, directeur général de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (Unasea).

M. Hervé Hamon a souligné la très large concertation menée sur le projet de loi. L'association des magistrats de la jeunesse et de la famille a particulièrement apprécié d'avoir été ainsi consultée. Globalement, le projet de loi a bien tenu compte de l'ensemble des enjeux de la protection de l'enfance.

Mme Roselyne Becue-Amoris s'est également félicitée de la concertation menée sur ce texte. Elle a insisté sur l'officialisation dans la loi de pratiques déjà courantes dans les départements. Il serait toutefois utile de bien préciser le contenu des actions de prévention et de clarifier l'articulation entre les différents acteurs de la protection de l'enfance, notamment en matière de partage du secret professionnel.

M. Michel Gacon a indiqué avoir une vision très positive du projet de loi, qui améliore et renforce le dispositif actuel. Il a néanmoins regretté l'absence de dispositions sur le concept de « projet de vie de l'enfant » qui figurait dans le rapport de Valérie Pécresse au nom de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits de l'enfant, ainsi que de la mention de l'accueil des fratries qui représente pourtant une part très importante des signalements en France.

M. Pierre Suessera témoigné du processus de concertation engagé depuis le mois de janvier. Il a ensuite développé les éléments sur lesquels les médecins de PMI souhaiteraient des inflexions : la prévention, la cellule départementale de recueil des informations, le dispositif de signalement, le secret professionnel et le partage entre la protection de la vie privée et la protection de l'enfance.

M. Jean-Jacques Andrieux a souligné les aspects positifs de la concertation menée sur le terrain, notamment avec les associations à l'échelon départemental. Il s'est également félicité de la décision de pérenniser le comité de pilotage mis en place pour préparer le projet de loi. Il a toutefois fait valoir une inquiétude liée aux risques de confusion et de télescopage avec le futur projet de loi sur la prévention de la délinquance, ce qui nécessitera une très grande vigilance dans la coordination entre les deux textes.

M. André Lardeux, rapporteur, a souhaité savoir quels sont aujourd'hui les obstacles à un repérage efficace des enfants en danger. La création de cellules départementales de recueil des informations préoccupantes permettra-t-elle d'améliorer ce repérage et l'orientation des enfants vers les mesures les plus adaptées ?

M. Hervé Hamon a estimé que le dispositif des cellules départementales aura de l'intérêt s'il ne se limite pas à un recueil d'informations, mais comprend également des mises en perspective, des analyses et des statistiques. Il a rappelé la nécessité d'un travail sur le terrain, malgré des organisations territoriales très différentes selon les conseils généraux, ce qui constitue l'une des difficultés du texte. En définitive, ce dispositif sera utile s'il permet d'aboutir à l'élaboration de schémas départementaux conjoints.

Mme Roselyne Becue-Amoris a rappelé que la loi de 1989 a eu le mérite de nommer pour la première fois la maltraitance. La définition de critères plus larges d'intervention est une bonne chose, car elle permet de clarifier le cadre d'intervention des organisations départementales. La question du repérage doit être reliée à la politique de la prévention ; celle-ci comporte deux niveaux : d'une part, l'accompagnement de familles en difficulté sans pour autant avoir identifié l'existence de risques ou de dangers, d'autre part, la prévention des risques eux-mêmes. Il est important pour les départements de repositionner leurs interventions en fonction de cette définition de la prévention, le soutien à des actions collectives étant complémentaire d'actions individuelles. Les deux moments forts en matière de prévention interviennent à la naissance, puis dans le cadre de l'école ; or, la difficulté pour les enseignants du primaire résulte du fait qu'ils n'ont plus d'assistante sociale à leur disposition. Elle a regretté la dénomination de cellule départementale, lui préférant celle de dispositif départemental ; néanmoins, cette structure sera utile pour l'analyse, le travail sur des protocoles, l'articulation avec les autres partenaires, notamment la justice et les associations, l'amélioration de la cohérence dans les décisions prises et le soutien technique aux équipes. Elle a cependant insisté sur la nécessité d'effectuer le travail d'évaluation sur le terrain et de toujours privilégier l'accompagnement direct des familles.

M. André Lardeux, rapporteur, a souhaité savoir si le nouveau rôle attribué aux services de la PMI dans la mise en place d'une prévention précoce de la maltraitance des enfants est judicieux.

M. Pierre Suessera estimé le moment de la grossesse particulièrement favorable à la prévention. Il doit permettre un temps de rencontre et de dialogue entre, d'un côté, les professionnels et, de l'autre, les personnes avec des besoins. Il s'est déclaré favorable à une prévention ouverte reposant sur la promotion de la santé avant même le repérage des risques. A cet égard, il a regretté l'aspect trop restrictif de l'exposé des motifs du projet de loi.

M. Nicolas About, président, a indiqué que le Parlement ne peut modifier l'exposé des motifs d'un projet de loi, mais les préoccupations soulevées par les médecins de PMI peuvent donner lieu à des développements dans le rapport ainsi que dans le cadre de la discussion générale du projet de loi en séance publique. En outre, pour des dispositions à caractère normatif, ces observations peuvent donner lieu au dépôt d'amendements.

M. Guy Fischer a d'abord fait valoir l'ampleur des risques liés à l'abondance des textes sur le sujet, en particulier au regard des avant-projets de textes sur la prévention de la délinquance et la remise en cause de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs. En matière de prévention, il a estimé indispensable d'appréhender les difficultés de façon globale, et non restrictive. Il a souligné le risque lié à une précision excessive de tous les cas de maltraitance. Enfin, il a évoqué le problème essentiel des moyens financiers.

M. Jean-Jacques Andrieux a indiqué que la pierre angulaire de la réforme est de permettre la réunion de tout ce qui était jusqu'alors cloisonné. Parmi les principales difficultés du repérage des enfants en danger, figure la multiplicité des observateurs et des possibilités d'intervention. Dès lors, il est indispensable d'élaborer des stratégies communes et surtout de disposer d'un lieu d'évaluation des actions menées par différents acteurs auprès des familles. Les cellules départementales seront un lieu opérationnel de recueil et de traitement des informations ; leur modèle devra être celui des cellules créées dans le cadre du Fonds de solidarité logement (FSL).

Mme Claire-Lise Campion est convenue du rôle des services de PMI dans la prévention, mais elle a souligné le problème des moyens humains nécessaires et surtout du recrutement de personnels compétents.

M. Jean-Pierre Michel s'est déclaré inquiet de l'extension de la notion de prévention, notamment aux cas pour lesquels il n'y a pas de risque connu, ce qui pourrait entraîner des dérives, voire une forme de« contrôle social » sur la population. Il a précisé que certains départements ont déjà de telles pratiques à travers de longs questionnaires présentés aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI).

M. Bernard Cazeaua indiqué qu'il existe trois périodes particulièrement favorables aux actions de prévention : l'entretien du quatrième mois de grossesse, la période périnatale à la maternité et la troisième année de maternelle. Il a souhaité savoir comment les services de PMI envisagent l'articulation entre leur action médicale et leur action sociale.

M. Bruno Perceboisa reconnu que la question des moyens est un vrai problème. Elle s'inscrit dans le cadre général de la démographie médicale, paramédicale et sociale. Puis il a précisé que la promotion de la santé inclut le repérage des risques, mais que cette notion va bien au-delà de cette seule mission.

Mme Roselyne Becue-Amoris a insisté sur la manière très différente d'aborder les deux niveaux de la prévention : lorsqu'il s'agit de la prévention au sens large, des lieux d'accueil anonymes peuvent très bien remplir la mission ; en revanche, lorsqu'il s'agit d'une procédure de recueil d'informations ou de l'identification d'une famille, une procédure personnelle, écrite et protectrice est mise en oeuvre.

M. Pierre Suessera regretté que le statut des professionnels territoriaux ne soit pas toujours au même niveau que celui des personnels équivalents au niveau national, par exemple dans le domaine de la médecine salariée. Il a reconnu qu'il pourrait y avoir un danger si l'intervention des professionnels était trop focalisée sur une grille de facteurs de risques prédéterminée. En revanche, la disponibilité des professionnels et leur possibilité de recourir à des réponses aussi variées que possible permet une approche de la prévention beaucoup plus ouverte.

M. Hervé Harmon a estimé qu'il y a un risque de« contrôle social » si on se place dans un cadre de surdétermination des risques. En revanche, s'il existe une ligne de partage claire entre, d'une part, la prévention au sens large, d'autre part, la prévention des risques, cet écueil disparaît. Toutefois, la réflexion sur le secret professionnel doit être menée avec la conscience de cette difficulté.

M. André Lardeux, rapporteur, a souhaité savoir si la notion de secret professionnel partagé, introduite par le projet de loi, est de nature à faciliter la conciliation par les professionnels de leurs obligations de protection du secret et de protection de l'enfant.

M. Hervé Hamon a regretté que cette question du secret professionnel n'ait pas été examinée au moment de la réforme du code de procédure pénale. Il a souligné qu'une difficulté particulière existe pour les travailleurs sociaux qui interviennent dans le cadre d'une hiérarchie. Il a considéré utile de mettre en place juridiquement un secret partagé, celui-ci existant déjà de fait dans de nombreux travaux pluridisciplinaires, mais la question en débat est de savoir jusqu'où aller dans le partage des informations.

Mme Roselyne Becue-Amoris a témoigné de l'existence de très nombreuses réunions de synthèse dans lesquelles le secret est partagé. Dans la plupart des départements, la situation a bien évolué en matière de partage des informations, mais il reste un travail de formation et d'accompagnement à réaliser dans ce domaine. Elle a ensuite souligné la très vive inquiétude des travailleurs sociaux des départements au sujet du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Il lui paraît essentiel que la notion de secret soit reliée à la question du travail fait avec les familles sur la voie de la prévention.

Mme Bernadette Dupont a souligné le rôle utile des conseillères en économie sociale et familiale, les questions matérielles étant souvent à l'origine des difficultés des familles, et la nécessité de revaloriser ce métier. Elle a également fait valoir l'importance du rôle des élus locaux dans le domaine de la protection de l'enfance et a estimé nécessaire un minimum de partage des informations entre les services sociaux et les élus.

M. Bruno Perceboisa considéré que le secret professionnel doit constituer une liberté pour les familles, et non une contrainte. Dans la réalité quotidienne des réunions et concertations, le secret professionnel n'est pas un obstacle et très peu de professionnels sont d'ailleurs poursuivis pour rupture de ce secret. En revanche, il a estimé difficile le partage de ce secret entre professionnels et élus : l'article 7 du projet de loi encadre bien la notion et, en tout état de cause, il convient de rechercher l'association des familles aux procédures. Il a également regretté que le projet de loi sur la prévention de la délinquance remette en cause l'équilibre trouvé par le texte sur la protection de l'enfance.

M. Jean-Jacques Andrieux a, lui aussi, déploré la remise en question du secret professionnel par le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

M. Nicolas About, président, a insisté sur le fait que, très souvent, les maires saisissent les services sociaux de familles en difficulté et qu'ils n'obtiennent pas de retour d'information sur les démarches effectuées par le conseil général.

M. Jean-Jacques Andrieux a indiqué qu'actuellement les échanges d'informations se font en fonction de la conception personnelle de chacun et que le problème principal résulte de l'absence de protocole pour ces relations. Il importe en effet qu'il n'y ait pas de dérive en cette matière de la protection de l'enfance. Il a ensuite estimé que le maire est avant tout un facilitateur sur le plan de l'action sociale et qu'il doit pouvoir obtenir certaines informations de la part des travailleurs sociaux, compte tenu des faibles moyens à sa disposition pour traiter ce genre de difficultés.

M. Pierre Suessera observé que les obstacles à la communication entre professionnels ne résultent pas tant de la bonne ou de la mauvaise volonté des différents acteurs que de l'absence de temps, de lieu, de formation ou de culture professionnelle. En ce qui concerne les échanges avec les non-professionnels, parmi lesquels les élus, la question doit être réglée par l'appréciation des différentes circonstances sans création de situation de blocage. Puis il a exposé deux difficultés résultant des termes de l'article 5 du projet de loi : d'abord, la notion d'« information précoce » sur les mineurs en risque de danger, qui fait appel à un trop grand nombre de situations et est susceptible de créer un engorgement des cellules de signalement, pourrait être utilement remplacée par la notion d'« élément avéré de risque » ; ensuite, cet article met sur le même plan les acteurs de la politique de protection de l'enfance et ceux qui lui apportent leur concours, ce qui n'est pas souhaitable.

M. Paul Blanc a considéré que la notion de secret médical, comme celle de secret professionnel, était bien identifiée, aussi bien dans le code pénal que dans le code de déontologie des médecins ; dès lors, il a souhaité connaître la différence entre la notion de partage d'informations et le secret professionnel, estimant indispensable le partage des informations, notamment avec les élus, qui sont souvent les premiers à signaler des situations difficiles.

M. Nicolas About, président, a insisté sur le fait que le partage du secret professionnel, qui est d'application constante dans le domaine médical, ne signifie pas pour autant la levée du secret.

M. Jean-Jacques Andrieux a fait valoir que les associations de sauvegarde de l'enfance ont demandé que le projet de loi inclue l'obligation du retour d'informations. Il a à nouveau souligné que l'avant-projet de loi sur la prévention de la délinquance prévoit une grave dérive en matière de levée du secret professionnel qui lui paraît incompatible avec ce qui est prévu dans le projet de loi pour la protection de l'enfance.

M. André Lardeux, rapporteur, a indiqué que la loi prévoit déjà l'obligation du retour d'informations.

M. Bernard Cazeaua précisé qu'en Dordogne ce retour d'informations est systématiquement mis en oeuvre.

M. Michel Gacon a fait valoir que son association intervient surtout dans le cadre du placement d'enfants en difficulté ; toutefois, il a considéré que la loi devrait permettre des avancées en matière de secret professionnel puisqu'on constate de vrais réflexes corporatistes.

Mme Roselyne Becue-Amoris a rappelé que des retours d'informations étaient déjà prévus dans la loi de 1989. En matière de secret professionnel, une formation et un accompagnement des différents acteurs concernés sont nécessaires : seules certaines informations peuvent être communiquées aux maires. Elle a reconnu que, dans le passé, on a peut-être parfois trop insisté sur les problèmes psychologiques, alors que des réalités concrètes méritent d'être réglées et que, dans ce cadre, les conseillères en économie sociale et familiale ont un véritable rôle à jouer. A cet égard, elle a regretté la diminution des crédits d'aide sociale de la CNAF.

M. André Lardeux, rapporteur, a souhaité connaître l'avis des intervenants sur le document de synthèse qui devra désormais être établi par les services de l'aide sociale à l'enfance avec les parents. Il a également demandé leur sentiment sur la diversification des réponses mises à la disposition des départements et des juges pour répondre aux besoins des enfants.

Mme Roselyne Becue-Amoris a indiqué que la plupart des départements ont déjà des documents écrits signés avec les parents, mais l'officialisation de cette procédure est une très bonne chose. En revanche, il n'est pas souhaitable de soumettre les professionnels à une trop grande multitude de documents. En matière de diversification des réponses, les départements sont favorables aux procédures proposées, qui reprennent des pratiques déjà existantes. Toutefois, pour certains équipements de proximité, les coûts financiers sont importants et la formation des personnels encore insuffisante. Elle a détaillé quelques points d'inquiétude sur le projet de loi : la difficulté à mettre en oeuvre des unités distinctes pour enfants, la création d'accueils spécialisés avec des équipes sociales et non médicales et le problème de la différence de coût entre l'action en milieu ouvert et l'accueil de jour.

M. Michel Gacons'est déclaré favorable à l'alternative entre action en milieu ouvert et placement. Toutefois, il y a des situations d'une telle gravité qu'elles nécessitent un placement et, dans ce cas, la sacralisation du lien entre parents et enfants doit être remise en cause. Il a évoqué la notion de « projet de vie de l'enfant »qui figure dans le rapport Pécresse, estimant qu'il permet l'application du principe important de stabilité de l'accueil de l'enfant et des intervenants. En outre, il a insisté sur le maintien des liens fraternels dans l'accueil des fratries.

M. Jean-Jacques Andrieux a considéré que l'établissement d'un document de synthèse est une bonne idée, de même que la diversification des réponses apportées aux problèmes rencontrés par les enfants. Il a néanmoins souligné deux difficultés : la tarification au titre de l'action en milieu ouvert et le problème de l'autonomie du juge devant lequel il convient de revenir à chaque fois que le mode d'intervention est modifié.

M. André Lardeux, rapporteur, a souhaité connaître les principales difficultés actuelles en matière de coordination des interventions des départements et de la justice dans le domaine de la protection de l'enfance.

M. Hervé Hamon a estimé indispensable d'éviter l'opposition entre l'action en milieu ouvert et le placement, de même que l'application d'une théorie sur l'attachement entre parents et enfants. Il a jugé utile de réfléchir à une suite dans les catégories juridiques disponibles, aussi bien à titre ponctuel que pour des interventions de longue durée. La diversification suppose des lignes budgétaires départementales pour financer des actions innovantes, soit au titre de l'accueil de jour, soit au titre de l'action en milieu ouvert, voire très ouvert.

Mme Roselyne Becue-Amoris a estimé que la bonne volonté des acteurs est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement des relations entre les départements et les juges. Il importe que les acteurs respectent les protocoles. A cet égard, les schémas conjoints sont un cadre utile, évitant de dépendre de problèmes de personnes.

M. Hervé Hamon a regretté l'absence de spécialisation dans la gestion du corps judiciaire. Il est convenu de l'utilité des schémas départementaux conjoints pour élaborer une politique juridictionnelle en matière de protection de l'enfance

III. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 14 juin 2006sous la présidence de M. Nicolas About, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. André Lardeux sur leprojet de loi n° 330 (2005-2006) réformant laprotection de l'enfance.

M. André Lardeux, rapporteur, a tout d'abord présenté les conclusions de son rapport (cf. exposé général).

M. Nicolas About, président, s'est félicité de ce que le rapporteur ait fait référence à la notion de «bientraitance », estimant que celle-ci devait inspirer l'ensemble de la politique de protection de l'enfance.

M. Guy Fischer a reconnu que le projet de loi avait fait l'objet d'une large concertation, mais il a estimé que ses mesures ne permettraient pas de contrebalancer les effets d'autres textes, notamment ceux sur la prévention de la délinquance, sur l'immigration, sur la réforme des ordonnances de 1945 et sur l'égalité des chances. Il a regretté le manque d'ambition du projet de loi, qui ne s'attache pas à résoudre les difficultés de fond de la protection de l'enfance et dont la mise en oeuvre se heurtera à l'insuffisance des moyens humains et financiers à la disposition des départements. Il a enfin considéré que la réforme proposée repose sur une approche excessivement comportementaliste et qu'au total, elle risque d'accroître les inégalités. Pour toutes ces raisons, il a déclaré que le groupe communiste républicain et citoyen voterait contre le texte.

M. Bernard Cazeau a relayé la déception des associations de protection de l'enfance devant un texte qui n'améliore qu'à la marge les dispositifs existants. Il s'est toutefois déclaré satisfait de la reconnaissance du rôle de chef de file du département en matière de protection de l'enfance. Il a estimé que les mesures prévues en faveur du développement de la prévention précoce se heurteraient à un problème de financement. Il a enfin dénoncé le télescopage entre cette réforme et celle prévue en matière de prévention de la délinquance. Il a donc annoncé que le groupe socialiste, apparentés et rattachés, s'abstiendrait sur le texte.

M. Louis Souvet s'est déclaré satisfait de la concertation menée par le Gouvernement sur le texte. Il a voulu savoir si la réforme s'était inspirée d'expériences fructueuses menées à l'étranger. Après avoir approuvé le retour d'informations prévu en faveur des maires, il s'est interrogé sur le rôle de l'éducation nationale en matière de signalement. Il a enfin souhaité connaître les aides prévues pour les femmes dont les difficultés auraient été repérées au cours du nouvel entretien obligatoire du quatrième mois de grossesse.

Après avoir salué à son tour la concertation ayant présidé à l'élaboration de la réforme, M. Gérard Dériot a approuvé la réaffirmation du rôle de chef de file des présidents de conseil général opérée par le projet de loi. Il a signalé que la mise en oeuvre des mesures prévues en matière de partage d'informations suppose un changement de culture des travailleurs sociaux. Il a également prévenu que l'extension des compétences des services de PMI se heurterait à la pénurie de médecins capables de les mettre en oeuvre. Le contrôle de légalité devra impérativement être plus souple pour permettre aux départements de recourir à des médecins vacataires. Il a enfin approuvé la proposition du rapporteur de prévoir une compensation financière intégrale pour les départements, tout en s'interrogeant sur les modalités de celle-ci.

Mme Bernadette Dupont a insisté sur la nécessité de passer d'un système de protection de l'enfance uniquement centré sur l'enfant à un dispositif d'assistance à la famille. Elle a salué l'action des conseillères en économie sociale et familiale (CESF), dont le recrutement doit être encouragé. Le développement de cette profession suppose toutefois d'accroître le nombre de personnes formées chaque année, ce qui nécessite une coopération accrue avec les régions désormais responsables des établissements de formation en travail social. Elle a souligné, elle aussi, que la mise en oeuvre de la réforme implique un changement de mentalité chez les professionnels de la protection de l'enfance.

Mme Isabelle Debrés'est à son tour inquiétée du financement de la réforme. Elle a salué l'initiative du rapporteur de renforcer le retour d'informations en faveur des maires qui signalent des familles en difficulté. Elle a enfin regretté que la réforme proposée par le Gouvernement reste en deçà des attentes des associations.

Mme Claire-Lise Campion a reconnu que l'élaboration du texte avait été précédée d'un vrai débat avec les professionnels de la protection de l'enfance, mais elle a regretté que le projet de loi se borne finalement à améliorer l'existant. Elle a émis des doutes sur la capacité de l'éducation nationale à participer à la prévention, alors que le Gouvernement a décidé de réduire fortement le nombre de postes au sein de ce ministère. Elle a déploré l'absence d'une véritable politique nationale de la famille. Elle a également repéré plusieurs oublis dans le projet de loi, notamment sur la prise en charge des mineurs étrangers isolés et sur la reconnaissance des lieux de rencontre parents-enfants. Elle s'est enfin inquiétée du financement de la réforme et de son télescopage avec le texte sur la prévention de la délinquance.

M. Alain Vasselle s'est félicité de l'extension du rôle des services de PMI. Il a approuvé l'initiative du rapporteur d'élargir l'objet de la visite médicale obligatoire à l'entrée en cours préparatoire et de créer un examen similaire à l'entrée au collège. Il a appuyé la demande du rapporteur de prévoir une compensation des charges nouvelles pour les départements, dès lors que les crédits ne seront pas prélevés sur la branche famille de la sécurité sociale.

Mme Brigitte Bout a salué le rôle fondamental des techniciennes d'intervention sociale et familiale (TISF) et des CESF pour accompagner les familles et les enfants en amont de toute difficulté. Elle a approuvé l'idée de mieux associer les maires au dispositif de signalement, tout en soulignant les difficultés actuelles rencontrées par les élus pour travailler avec les assistantes sociales. Elle a enfin insisté sur la nécessité de mieux recruter et contrôler les familles d'accueil pour éviter des placements inadaptés et préjudiciables à l'enfant.

M. Claude Domeizel s'est ému des délais de prescription en matière d'abus sexuels, trop brefs à son sens pour certaines victimes. Il a ensuite plaidé pour que les infractions sexuelles mineures commises par des jeunes de moins de seize ans puissent ne pas être inscrites durablement à leur casier judiciaire. Aujourd'hui en effet, les jeunes subissent les conséquences de leur acte malheureux pendant plus de vingt ans, car ils sont automatiquement inscrits au fichier des délinquants sexuels, ce qui les empêche d'accéder à certaines professions.

M. Jean-Pierre Godefroy a regretté le mutisme du texte sur la question des mineurs étrangers isolés, estimant qu'on ne peut pas renvoyer chez eux, à leur majorité, des enfants qu'on avait auparavant accepté de prendre en charge.

Mme Gélita Hoarau a dénoncé les reconductions à la frontière opérées ces derniers mois à Mayotte, où des enfants ont été renvoyés chez eux sans leurs parents, et vice versa. Elle a également protesté contre les suppressions de postes dans l'éducation nationale et le manque de moyens humains des PMI, estimant que ces facteurs ne pouvaient que conduire à un échec de la réforme présentée. Elle a enfin considéré que la protection de l'enfant commence avec le devoir de lui assurer un toit décent et qu'il conviendrait d'envisager la politique de l'enfance d'une manière globale et cohérente.

M. Nicolas About, président, a observé que le nombre d'enfants scolarisés n'a jamais été aussi faible qu'aujourd'hui et que, par conséquent, le nombre d'enseignants par élève est actuellement à son niveau le plus élevé. Les suppressions de postes envisagées lui sont donc apparues comme étant des mesures de bonne gestion, car l'augmentation continue de la dépense publique contribue également à mettre en difficulté les familles qui en assument la charge.

M. André Lardeux, rapporteur, a pris acte de la déception de certaines associations, tout en observant qu'aucune d'entre elles n'avait été en mesure de lui faire des propositions d'amendements pour améliorer le texte. Il a toutefois indiqué que les associations doivent avoir toute leur place dans le dispositif de signalement et au sein des observatoires départementaux de la protection de l'enfance.

S'agissant du financement de la réforme, il a dit comprendre les inquiétudes des présidents de conseil général, mais il a constaté qu'eux non plus n'avaient pas cru bon de lui faire parvenir des propositions d'amendements. Il a indiqué que ses contacts avec le cabinet du ministre lui permettent d'annoncer que le Gouvernement proposerait la création d'un fonds alimenté par l'Etat et par la branche famille pour financer la réforme.

Il a ensuite indiqué que la comparaison avec les modèles étrangers permet de conclure à la performance du système français de protection de l'enfance.

Abordant le rôle de l'éducation nationale en matière de signalement, il a expliqué que celle-ci participerait au dispositif départemental de signalement. Les enseignants vont toutefois devoir modifier leur comportement, puisqu'ils ont aujourd'hui le réflexe de s'adresser systématiquement au juge sans en avertir en parallèle les services du conseil général.

Revenant sur la création d'un entretien obligatoire au quatrième mois de grossesse, il a expliqué que ce nouvel outil vise à améliorer le repérage des futurs parents en difficulté, afin de les orienter vers des dispositifs d'aide existants, mais mal mobilisés.

M. André Lardeux, rapporteur, a reconnu que la pénurie de médecins rend difficile le recrutement des professionnels nécessaires dans les services de PMI. Il a approuvé le recours à des vacations de médecins libéraux ou retraités.

Il a expliqué que l'assistance à la famille en amont des difficultés constitue l'un des objectifs du projet de loi, à travers notamment la création de la nouvelle mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale. Il a reconnu qu'il faudrait augmenter le nombre de CESF et améliorer leur formation.

Concernant le rôle des maires, il s'est dit en faveur d'un meilleur retour d'informations quand ceux-ci signalent une famille en difficulté, mais il a estimé difficile de leur confier d'autres missions en matière de protection de l'enfance, sous peine de brouiller la clarification des compétences à laquelle tente de procéder le projet de loi.

M. André Lardeux, rapporteur, s'est déclaré favorable à la définition d'une véritable politique de la famille, mais il a souligné que sa mise en oeuvre suppose de faire des choix par rapport à d'autres priorités dans un contexte budgétaire contraint.

S'agissant du recrutement des familles d'accueil, il a insisté sur le rôle de contrôle du département. Il a également précisé que les assistants familiaux ne peuvent pas être multipliés simplement pour répondre à un problème d'emploi.

Abordant la question de la prescription en matière d'agressions sexuelles sur mineurs, il a précisé que le code pénal prévoit déjà que les plaintes en la matière peuvent être déposées jusqu'à vingt ans après la majorité ; aller au-delà consisterait à conclure à l'imprescriptibilité de ces crimes. Il a ensuite déclaré n'être pas opposé à un aménagement de l'inscription au fichier des délinquants sexuels pour les jeunes de moins de seize ans ayant commis des infractions sexuelles mineures.

S'agissant enfin des mineurs étrangers isolés, M. André Lardeux, rapporteur, a rappelé qu'ils pourront bénéficier de la procédure de mise à l'abri provisoire prévue par le projet de loi, mais il a reconnu qu'une solution de prise en charge à long terme doit être trouvée en leur faveur.

La commission a ensuite procédé àl'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l'article premier (définition de la protection de l'enfance et renforcement du rôle des services de protection maternelle et infantile), la commission a adopté un amendement visant à confier aux PMI un rôle de repérage et d'orientation des enfants rencontrant des difficultés psychologiques, ainsi qu'un amendement visant à associer la médecine scolaire à la politique de prévention en matière de protection de l'enfance.

Elle a adopté sans modification les articles 2 (élargissement du dispositif de protection de l'enfance à la prévention des dangers et des risques de danger pour l'enfant),3 (conditions de dispense de l'obligation alimentaire), et 4(audition de l'enfant dans le cadre des procédures judiciaires qui le concernent).

A l'article 5 (recueil des informations préoccupantes sur les mineurs en danger et procédure de signalement à l'autorité judiciaire), elle a adopté un amendement visant à prévoir la participation des associations de protection de l'enfance au dispositif départemental de recueil des informations préoccupantes sur les mineurs en danger, ainsi qu'un amendement visant à sécuriser la transmission de ces informations lorsqu'elles sont couvertes par le secret professionnel. Elle a ensuite adopté deux amendements, le premier tendant à rendre systématique la transmission par le procureur au département de toutes les saisines directes qui lui parviennent, le second obligeant l'autorité judiciaire à informer le président du conseil général des suites données à ses signalements. Elle a enfin adopté un amendement faisant obligation au département d'assurer à son tour un retour d'information vis-à-vis des maires qui signalent un enfant en danger.

La commission a adopté sans modificationl'article 6 (coordination entre protection administrative et protection judiciaire des mineurs en danger).

A l'article 7 (partage d'information entre personnes également soumises au secret professionnel), elle a adopté deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination.

A l'article 8 (création d'observatoires départementaux de la protection de l'enfance), elle a adopté un amendement visant à élargir les compétences des nouveaux observatoires départementaux de la protection de l'enfance au suivi des schémas départementaux de l'enfance, ainsi qu'un amendement visant à prévoir une participation des associations concourant à la protection de l'enfance et de la famille à ces observatoires. Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 9 (inscription de l'accueil de jour parmi les mesures de placement susceptibles d'être décidées par le juge), la commission a adopté un amendement visant à rectifier une erreur matérielle.

A l'article 10 (information réciproque du président du conseil général et de l'autorité judiciaire sur la situation des mineurs faisant l'objet d'une mesure de protection), elle a adopté deux amendements visant à supprimer des dispositions relevant du niveau réglementaire.

Elle a adopté l'article 11 (droits des parents dans leurs relations avec le service de l'aide sociale à l'enfance) sans modification.

A l'article 12 (création d'une mesure administrative d'accompagnement en économie sociale et familiale et d'une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial), la commission a adopté un amendement visant à préciser l'autorité compétente pour financer la nouvelle mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial. Elle a en outre adopté un amendement de précision rédactionnelle et trois amendements de coordination.

A l'article 13 (diversification des modes d'accueil des enfants placés et clarification des règles relatives au droit de visite des parents), elle a adopté un amendement visant à mieux distinguer les procédures applicables en matière d'accueil d'urgence selon que l'enfant est en danger au sein de sa famille ou qu'il se met lui-même en danger en abandonnant le domicile familial. Elle a ensuite adopté un amendement visant à préciser les conditions dans lesquelles les services d'AEMO sont autorisés à héberger de façon exceptionnelle et périodique les mineurs que le juge leur a préalablement confiés, ainsi qu'un amendement visant à inclure, parmi les éléments retenus par le juge pour déterminer le lieu d'accueil de l'enfant, la nécessité de préserver ses liens avec ses frères et soeurs. Elle a enfin adopté un amendement de coordination.

La commission a adopté sans modificationl'article 14 (unités de vie distinctes pour les enfants accueillis en établissement en fonction des motifs du placement).

A l'article 15 (formation des professionnels participant à des missions de protection de l'enfance), elle a adopté un amendement visant à inclure les personnels d'animation relevant du ministère de la jeunesse et des sports parmi les professionnels ayant l'obligation de suivre une formation initiale et continue dans le domaine de la protection de l'enfance, ainsi que deux amendements visant à prévoir des modules de formation communs aux différentes professions et institutions participant aux missions de la protection de l'enfance. Elle a enfin adopté un amendement visant à supprimer des dispositions redondantes dans le code de l'action sociale et des familles et dans le code de l'éducation.

A l'article 16 (dispositions transitoires), elle a adopté un amendement visant à porter de deux à trois ans le délai laissé aux établissements accueillant des enfants confiés à l'ASE pour se mettre en conformité avec leur obligation de s'organiser en unités de vie distinctes en fonction des motifs ayant présidé au placement des enfants qu'ils accueillent.

Elle a enfin adopté un amendement portantarticle additionnel après l'article 16 visant à prévoir une compensation par l'Etat des charges résultant de la mise en oeuvre du projet de loi.

La commission a ensuite adopté leprojet de loi ainsi amendé



26/02/2013
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