liens parents enfant sefca Europe

Quel droit au maintien du lien grand parent ?

Quel droit au maintien du lien grand parent ?

Convertir en PDF

Version imprimable

Suggérer par mail

Écrit par Didier Lebon

01-01-2013

L’émergence d’un nouveau lien grand parental

L’évolution de la société a mis en lumière un rôle nouveau et une implication croissante des grands-parents dans le développement et le bien être de leurs petits-enfants.

Selon une étude comparative européenne récente, en France les grands-parents sont très actifs et présents auprès de leurs petits-enfants, qu’il s’agisse des grands-mères (65%) ou des grands-pères (54 %) et cette implication se traduit non de façon régulière et continue, mais plutôt ponctuelle et hebdomadaire (Grandparenting in Europ, Grandparents Plus, Report June 2010).

Ce nouveau lien intergénérationnel, qui se manifeste surtout par l’accueil des petits-enfants, se voit malheureusement parfois compromis, voire rompu, à l’occasion de la rupture du couple des parents, leur remariage et les difficultés posées par les familles recomposées, mais aussi parfois à la suite d’une séparation ou d’un divorce des grands-parents.

La loi prévoit un droit au lien entre l’enfant et ses grands-parents: L’article 371-4 du Code Civil prévoit que : « L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit ».

Pour la jurisprudence « il est de principe que la relation enfant-ascendant peut s'exercer dans le cadre d'un droit de correspondance, de visite et/ ou d'hébergement » (Cour d’Appel de Bastia, 26 octobre 2011). Sur ce fondement, en cas de rupture du lien intergénérationnel, des grands-parents sont de plus en plus souvent tentés de saisir le juge aux affaires familiales afin de se voir reconnaître un droit de visite, voire parfois d’hébergement, de leurs petits-enfants, généralement une ou deux après-midi par mois (le mercredi ou samedi), chez eux ou en lieu neutre, tel un espace de rencontre agréé (Décret n°2012-1153 du 15 octobre 2012 relatif aux espaces de rencontre destinés au maintien des liens entre un enfant et ses parents ou un tiers, J.O. 17 octobre 2012).

Les partisans de ce droit grand-parental mettent en avant que les grands-parents sont susceptibles de procurer à l’enfant un environnement de stabilisation, notamment ensuite d’un divorce ou d’un évènement dramatique, tel le décès de l’un des parents. Ils soulignent aussi que l’interruption ou la rupture d’un lien grand-parental établi est facteur de traumatisme pour l’enfant.

Les opposants, généralement le ou les parents de l’enfant, mettent en exergue les conséquences d’une contrainte judiciaire susceptible de déstabiliser l’environnement parental de l’enfant. Ils rappellent que l’exclusion des grands-parents est parfois justifiée par de sérieuses raisons. Ainsi des parents s’opposent au droit de visite grand-parental en invoquant des comportements de maltraitance (Civ. 1ère, 20 mai 2009), ou des difficultés affectives graves dont ils ont pu être eux-mêmes victimes (Civ. 1ère, 28 février 2006), ou encore les conséquences conflictuelles d’une immixtion des grands-parents dans les choix éducatifs de l’enfant (Civ. 1ère, 27 mai 2010).

Un droit pour les grands parents ou pour l’enfant?

Au plan juridique, certains opposants ont soutenu que seul l'enfant disposerait du droit d'entretenir des relations avec ses ascendants et non l'inverse (Civ. 1ère, 11 juin 2008) et que s’agissant d'un droit revenant aux enfants et non d'une prérogative appartenant aux grands-parents, ceux-ci devraient donc justifier que leurs petits-enfants soient demandeurs à l'exercice de ce droit.

Cependant, ainsi que l’a récemment rappelé une juridiction d’appel : « en réalité, ces dispositions ne peuvent s'interpréter comme attribuant le droit aux relations personnelles exclusivement aux enfants, et non aux ascendants, tant il est vrai qu'une telle interprétation revient à nier en fait tout droit aux grands-parents de jeunes petits-enfants… Si sans doute, il existe un courant de jurisprudence qui entérine cette interprétation du texte ci-dessus, force est de constater que la jurisprudence dominante se détermine, quant à l'octroi, ou non, d'un droit d'hébergement pour les grands-parents, sur les critères de l'intérêt de l'enfant et sur la notion de motif grave qui doit empêcher un hébergement » (Cour d’Appel de Rennes, 7 février 2012).
Des juridictions considèrent même qu’il ressort de ces dispositions « que les parents ne peuvent, sans motif légitime tenant à l'intérêt de l'enfant, faire obstacle aux relations de ce dernier avec ses grands-parents » (Cour d’Appel de Lyon, 12 septembre 2011), faisant ainsi peser sur les parents la charge de la preuve d’un intérêt légitime tenant à l’intérêt de l’enfant qui justifierait le refus d’un droit de visite et d’hébergement.

Un droit reconnu lorsque justifié par l’intérêt de l’enfant

Les Juges accordent le droit de visite dès lors que la demande s’avère sincère. Un droit de visite a été ainsi accordé à une grand-mère maternelle, bien qu’elle n’ait jamais vu son petit-fils âgé de 7 ans et alors même qu’elle était en rupture totale avec sa fille qui s’opposait à cette demande (Cour d’Appel de Lyon, 16 mai 2011).

Pour des enfants placés en attente d’adoption, les Juges se montrent peu enclins quant à l’octroi d’un droit de visite au grand-parent de l’enfant, car au nom de l’intérêt de l’enfant « la mise en place d’une telle mesure risquerait fortement d’entraver la bonne intégration des enfants dans leur famille d’accueil, perturbant le processus d’acclimatation par la reviviscence du passé, et plaçant la future famille adoptive dans une problématique supplémentaire » (Cour d’Appel de Douai, 13 octobre 2011).

Un droit refusé lorsque le contexte familial est conflictuel

Lorsque la demande est présentée dans un contexte familial conflictuel, les Juges refusent d’accorder un droit de visite et d’hébergement (Cour d’Appel de Rennes, 10 janvier 2012 ; 7 février 2012 ; 5 juin 2012), notamment parce que l’enfant « ne saurait être ainsi instrumentalisé pour un éventuel et aléatoire règlement du conflit familial particulièrement aigu » (Cour d’Appel de Douai, 17 février 2011).

Pour justifier du refus, des Juges mettent en avant l’impact de la contrainte judiciaire, soulignant que « si les grands-parents sont légitimes à conserver des contacts avec leurs petits-enfants » l’organisation d’un droit de visite par la contrainte peut « exacerber le ressentiment » (Cour d’Appel de Douai, 8 septembre 2011), ou qu’il convient « de privilégier la sérénité des enfants … en les écartant d’un conflit familial ancien dont elles n’avaient pas été protégées par les adultes et sur lequel la justice n’avait pas de prise » (Cour d’Appel de Lyon, 16 mai 2011).

Un droit qui doit souvent trouver sa première expression en dehors des prétoires

Certaines juridictions fustigent l’impuissance des adultes à résoudre leurs conflits personnels. Ainsi une Cour, relevant que « dans un tel contexte douloureux, où même les adultes ne savent pas trouver un comportement apaisant et s'extraire de leurs souffrances et conflits personnels, il est difficile d'imposer des rencontres à des adolescentes, même si le vécu de leur mère peut encore influer sur leur position » devait en déduire que « l'intérêt des enfants fait obstacle à la poursuite d'un droit de visite imposé en ce qu'il perturbe gravement l'équilibre des enfants » (Cour d’Appel de Lyon 21 février 2011).

D’autres font même clairement comprendre aux parents et grands-parents qui s’opposent, que l’issue ne doit pas être recherchée dans le prétoire pour les orienter vers une aide psychologique, et ce au nom de l’intérêt de l’enfant. Une Cour a ainsi décidé que « afin de ne pas perturber davantage les enfants par le conflit des adultes, il convient de tenir compte de l'état d'esprit actuel de chacun pour envisager une reprise modérée des relations avec les grands-parents maternels, en invitant tant les parents que les grands-parents à se faire aider psychologiquement pour résoudre leurs problèmes personnels et relationnels, pour le bien-être consécutif de leurs enfants et petits enfants », soulignant qu’une mère et sa fille pouvaient « d'ailleurs pour elles-mêmes à consulter ensemble un professionnel qui pourra les guider chacune dans l'intérêt de toute la famille (Cour d’Appel de Douai, 8 septembre 2011).

Enfin, parfois certains Juges se montrent même sévères dans leur motivation de refus. C’est ainsi qu’une Cour n’a pas hésité à adresser une vive recommandation à un grand-parent dont le comportement révélait vraisemblablement un syndrome d’aliénation grand-parentale. La Cour avait relevé que les enfants constituaient un enjeu procédural répété entre leur mère et leur grand-mère et que les enfants se plaçaient dans une position de défense de leur mère qu’ils ressentaient comme victime de leur grand-mère et qu’ils ne supportaient pas de la sentir juger par celle-ci.

Après avoir rappelé que l’intérêt des enfants « est de vivre leur enfance en harmonie avec leurs parents qui gouvernent et administrent leur quotidien et non d’avoir à considérer que leur mère n’a pu les élever qu’avec le soutien dominant et critique d’une grand-mère critique » la Cour s’est autorisée la recommandation suivante : « Il importerait qu’un travail sur le lien soit fait au préalable et que la grand-mère écrive à ses petits enfants pour les rassurer sur la place qui est d’abord celle de leur mère et ensuite, accessoirement, la sienne auprès d’eux. L’acceptation par la grand-mère de cette recommandation que s’autorise la Cour, dans l’intérêt conjugué des enfants et des juridictions qui pourraient être saisies dans un avenir proche, devrait autoriser les enfants à avoir l’envie d’exercer leur droit à rencontrer leur grand-mère et à la voir sans risquer de perdre leur vie de famille prioritairement centrée autour de leurs deux parents » (Cour d’Appel de Lyon, 5 mars 2012).

Pareilles motivations d’ordre pédagogiques, plus que juridiques, doivent être saluées. L’intérêt de l’enfant est en effet le seul principe qui sous-tend le droit à la reconnaissance et au maintien du lien grand-parental. Parents et grands-parents se doivent de ne pas l’oublier.

 



25/06/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi