liens parents enfant sefca Europe

RAPPORT

1

TABLE DES MATIERES

Préface....................................................................................................................................... 3

Introduction ............................................................................................................................... 4

CHAPITRE I : PROTECTION DE L’ENFANCE : UN SYSTEME EN EVOLUTION ? ....... 7

I. Un cadre juridique en cours de réforme – des pratiques en mutation................................. 7

I.1 - Les conditions d’une intervention de protection sociale et judiciaire ........................ 7

I.2 - L’émergence de la question de l’évaluation des situations ........................................ 9

I.3 - Mieux associer les familles à la définition d’un projet de soutien plus global : vers

un nouveau mode de fonctionnement de l’Aide sociale à l’enfance ? ............................. 13

I.4 - Séparation, autorité parentale et intérêt de l’enfant .................................................. 20

II. Les acteurs institutionnels : la place des associations ..................................................... 27

II.1 - Les associations en France : entre militantisme et institutionnalisation ................. 27

II.2 - Les défis auxquels sont confrontées les associations .............................................. 31

II.3 - Dans ce contexte, trois types de stratégie sont développés par les associations ..... 34

CHAPITRE II : LA MISE EN COHERENCE DES DONNEES CHIFFREES EN MATIERE

D’ENFANCE EN DANGER ................................................................................................... 40

I. Exploitation des sources existantes................................................................................... 40

I.1 - Estimation actualisée du nombre d’enfants et de jeunes majeurs bénéficiant d’une

mesure en protection de l’enfance.................................................................................... 40

I.2 - Séries statistiques chronologiques et départementales sur les bénéficiaires de l’Aide

sociale à l’enfance (source Drees).................................................................................... 44

II. Dispositif d’observation longitudinale des enfants bénéficiant d’une mesure en

protection de l’enfance ......................................................................................................... 52

II.1 - Cadre théorique ....................................................................................................... 52

II.2 - Les choix méthodologiques..................................................................................... 55

CHAPITRE III : LES PRATIQUES DE PREVENTION, DE DEPISTAGE ET DE PRISE EN

CHARGE ................................................................................................................................ 61

I. Les pratiques entre AED/AEMO et placement................................................................. 61

I.1 - Présentation des cinq modalités................................................................................ 62

I.2 - Des difficultés repérées ............................................................................................ 73

I.3 - Conclusion ................................................................................................................ 76

II - Les jeunes en difficultés multiples ................................................................................. 77

II.1 - Rappel historique..................................................................................................... 78

II.2 - Les pratiques observées par l’Oned ........................................................................ 79

II.3 - Conclusion............................................................................................................... 81

CONCLUSION....................................................................................................................... 83

GLOSSAIRE........................................................................................................................... 84

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 86

2

Un travail collectif

Ce rapport est issu d’un travail collectif coordonné par Paul Durning, directeur de l’Oned et

du GIP Enfance maltraitée. Tous les membres de l’ONED ont participé à l’écriture du

premier chapitre et contribué, par leurs critiques et suggestions, à l’ensemble du document.

Pascale Breugnot, doctorante en sciences de l’éducation et chargée d’études et Anne Oui,

chargée de mission, ont coordonné les chapitres I et III. Sylvie Leman, magistrate, qui a

entre-temps rejoint le tribunal de Rennes, a participé à la rédaction des chapitres I et III,

écrit et élaboré les propositions d’ordre juridique dans l’ensemble du document. Y a

également contribué son successeur, Pascaline Chamboncel-Saligue, magistrate chargée de

mission ayant rejoint l’Oned en octobre 2006. Catherine Lacronique, Inspectrice d’académie-

Inspectrice pédagogique régionale vie scolaire, actuellement en poste à l’Académie de Paris,

a apporté sa contribution au chapitre I.

Lucy Marquet et Juliette Halifax, doctorantes en démographie et chargées d’études, ont eu la

charge du chapitre II. Hélène Milova, docteur en sociologie, maître de conférences à

l’Université Paris X-Nanterre, a rédigé les éclairages internationaux issus de ses recherches

conduites à l’Oned. David Pioli, docteur en sociologie ayant intégré l’équipe en octobre

2006, a enrichi le présent document de nouveaux éléments.

Véronique Fava-Natali, responsable de la communication-documentation, et Delphine

Latimier, rédactrice, ont assumé la correction et la mise en page du rapport. Rehema Moridy,

secrétaire de direction, a organisé les rencontres et contribué à la coordination de l’équipe.

3

Préface

Le deuxième rapport de l’Oned que j’ai l’honneur de remettre intervient dans une

année très riche en réflexions et en concertation centrée sur la protection de l’enfance

dans notre pays. Dans quelques semaines, le projet de loi réformant la protection de

l’enfance sera discuté par l’Assemblée Nationale. Ce texte extrêmement important,

porté par un élan consensuel de tous les acteurs, constituera un tournant

fondamental pour l’avenir de notre système.

Comme beaucoup d’autres, le premier rapport de l’Oned préconisait un

remaniement du système français de protection de l’enfance et formulait une série

de propositions. Plusieurs d’entre elles ont été reprises par le projet de loi adopté par

le Conseil des ministres le 3 mai 2006 et en première lecture à l’unanimité au Sénat

les 20 et 21 juin 2006.

Ce premier vote a été précédé d’une très importante concertation lancée par le

ministre Philippe BAS pour élaborer le projet puis préparer sa mise en application

après promulgation. Ce second rapport au Parlement et au Gouvernement récapitule

les principaux travaux conduits dans ce cadre, auxquels l’Oned a activement

participé et qui ont nourri sa réflexion.

Comme celui de 2005, ce document est organisé en trois grandes parties consacrées

successivement à une réflexion générale sur le système de protection de l’enfance en

cours de transformation, à l’observation quantitative de l’enfance en danger, et à

l’analyse des pratiques de protection des enfants et des adolescents qui méritent

d’être mieux connues. Il tente, cela me semble essentiel, d’articuler une élaboration

théorique et des propositions concrètes.

L’équipe de l'ONED partiellement renouvelée et renforcée, animée par Paul

DURNING, a fondé ses analyses sur un important travail de terrain, de très

nombreuses rencontres et surtout une écriture pluri-disciplinaire et pluriinstitutionnelle

qui constitue une des spécificités des rapports de l’Oned.

Comme mon prédécesseur le Sénateur Philippe NOGRIX, je conclurai cette préface

en soulignant deux points : la volonté de prudence des auteurs de ce rapport et leur

attachement à souligner combien la protection de l’enfance concerne de très

nombreux partenaires et appelle des politiques publiques concertées.

Christophe BÉCHU

Président du GIPEM

Président du Conseil général de Maine-et-Loire

4

Introduction

Conformément à l’article 9 de la loi du 2 janvier 2004 (article L226-6, alinéa 3 du CASF), le

Sénateur Philippe Nogrix, alors Président du GIP Enfance maltraitée, et Paul Durning,

directeur de l’Oned, remettaient le 5 septembre 2005 à M. Philippe Bas, ministre délégué à la

Sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, le premier

rapport de l’Oned au Parlement et au Gouvernement.

Cette remise s’inscrivait dans un contexte dans lequel de nombreux acteurs du système de

protection de l’enfance demandaient sa réforme par voie législative. L’Appel des Cent à

Monsieur le Président de la République en est l’illustration la plus forte. L’Oned dans son

rapport proposait une telle réforme et faisait le point des nombreux travaux qui, au cours des

dernières années, formulaient une telle proposition. Dès le 5 octobre 2005, le ministre

Philippe Bas annonçait sa volonté de rénover par voie législative le système de protection en

soulignant l’importance d’associer tous les acteurs concernés à cette tâche.

L’année 2005-2006 apparaîtra, dans une approche rétrospective, comme une période fort riche

pour l’histoire de la protection de l’enfance.

Avant d’annoncer le plan de ce rapport, il nous semble opportun de récapituler les initiatives,

rapports, groupes de travail, dont beaucoup sont en cours : une telle recension participe de

l’observation du champ et devrait faciliter des approches rétrospectives. C’est dans cette

perspective que nous avions, l’année dernière, tenté de récapituler les rapports, pas toujours

aisés d’accès, relatifs à la protection de l’enfance et diffusés entre 2000 et 2004. Leur examen

avait montré des analyses et propositions d’amélioration du dispositif de protection de

l’enfance de plus en plus convergentes.

Les ouvrages, articles de recherches et thèses sont progressivement recensés dans le centre de

ressources numérisé dont la constitution est une des missions de l’Observatoire.

Des groupes de travail, nombreux et aux objectifs diversifiés

Après avoir décidé d’ouvrir le chantier de la rénovation de la loi de protection de l’enfance,

M. Philippe Bas a organisé un premier ensemble de travaux sous forme de journées

thématiques réunies à Paris. Leur objectif était de faire des propositions sur les changements à

introduire dans la loi. Ce premier ensemble de groupes de travail a permis de dégager les

aspects consensuels et le point de vue de représentants d’institutions ou de groupes très divers

sur les modifications envisagées. Entre décembre 2005 et février 2006, ont été discutés les

thèmes suivants : « prévention précoce pendant la grossesse et autour de la naissance pour

prévenir les dangers de la maltraitance », « le suivi de l’enfance », « les troubles du

comportement de l’enfant et de l’adolescent », « la prévention et le soutien des familles hors

du domicile », « le soutien à domicile dans le cadre de la protection administrative », « le

soutien à domicile dans le cadre de la protection judiciaire », « évaluation des situations

individuelles » et « accueil des enfants confiés », les cinq premières journées thématiques

étant pilotées par le ministère chargé de la Famille, les trois suivantes par le ministère chargé

de la Famille et le ministère de la Justice. Le ministère de la Justice a piloté quatre autres

journées thématiques portant sur : « la subsidiarité », « le partage de l’information », « le

signalement » et « la coordination de la justice des mineurs et le rôle du juge des enfants ».

Ces groupes ont permis d’élaborer des bases, parfois de manière détaillée, pour les principales

5

dispositions de la loi. Citons, par exemple, l’article sur le partage du secret de l’information

ou celui sur l’organisation du recueil des informations préoccupantes.

Un débat national dont l’organisation dans des délais très brefs a été confiée aux présidents de

Conseil généraux, soutenus par les préfets, a ensuite été lancé dans les départements ; les

instances judiciaires ont également été sollicitées pour contribuer à la réflexion. Les

intervenants des différentes institutions concernées réunis par département devaient répondre

à un ensemble de questions et notamment les suivantes : quelles actions pour prévenir la

maltraitance, quelles bonnes pratiques en matière de partage d’informations entre

professionnels tenus au secret, comment mieux répondre aux besoins et à l’intérêt de l’enfant

en matière d’action éducative et quel travail mener auprès des parents, quels avantages et quel

bilan des pratiques et actions originales expérimentées dans les départements ? Soixante-dix

départements au moins ont organisé des débats sur la réforme, le ministre a pu participer à

cinq d’entre eux et s’est déplacé dans plusieurs autres services.

Pour conserver une vision d’ensemble, le ministre a réuni à trois reprises1 un comité national

de la réforme de la protection de l’enfance qu’il a systématiquement présidé.

Le projet a fait l’objet de travaux de rédaction, auxquels ont particulièrement contribué la

Direction générale de l’action sociale, la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse et

la Direction des affaires civiles et du sceau, et des négociations interministérielles usuelles. Le

projet adopté par le conseil des ministres le 3 mai 2006 a été soumis en première lecture au

Sénat les 21 et 22 juin derniers.

Une deuxième série de groupes de travail a été constituée à partir de mai 2006. Ces groupes,

conviés par le cabinet du ministre, sont à nouveau pluri-institutionnels et multi-partenariaux.

Leurs objectifs assignés sont différents. Défini comme opérationnel, chacun des groupes

thématiques a pour mission de contribuer à l’élaboration d’un guide, d’un référentiel ou des

recommandations en vue de textes règlementaires. Ces groupes se réunissent à la fois autour

des thèmes suivants : « accueil de l’enfant », « autorité parentale et droits de l’enfant »,

« évaluation », « formation », « formules alternatives », « intervention à domicile », « jeunes

majeurs », « médiation », « mineurs étrangers isolés », « observatoire départemental »,

« pauvreté », « prévention », « rôle du maire », « signalement ». Un comité de pilotage vise à

assurer la cohérence. Ces groupes, actuellement en cours, doivent conclure leurs travaux

courant janvier 2007. L’Oned participe à plusieurs d’entre eux et tente d’archiver ces travaux

toujours dans la perspective de permettre un retour rétrospectif aux personnes intéressées

(chercheurs, acteurs, responsables politiques…)

Le projet de loi sera soumis à l’Assemblée nationale dans les semaines à venir. La discussion

est préparée par un rapport de la Commission des affaires sociales et culturelles qui propose

des amendements, dont certains très importants. En d’autres termes, le rapport de l’Oned pour

2006 est rédigé alors que des débats parlementaires se poursuivent et que certains choix

déterminants ne sont pas arrêtés.

Relevons d’ores et déjà que le projet de loi, après les nombreuses concertations présentées cidessus,

a recueilli un fort consensus au Sénat. Une question, devenue lancinante, concerne

l’articulation de ce texte avec d’autres projets récents ou en cours de discussion. Nous

relèverons plus loin que les interventions en direction des parents, prévues par la loi sur

l’égalité des chances ou encore par certaines dispositions du projet de loi relatif à la

1 19.12.2005, 2.02.2006, 2.06.2006

6

prévention de la délinquance, entretiendront des relations complexes avec d’autres mesures

telles les Aides éducatives à domicile (AED), dans leur mise en oeuvre comme dans les

conditions de la saisine du président du Conseil général, notamment par les maires. Nous

retrouvons la première proposition du rapport 2005 préconisant que l’État parle d’une seule

voix sur les questions qui participent de la protection de l’enfance et concernent donc

plusieurs départements ministériels. La question de l’absentéisme scolaire et de l’adaptation

sociale des élèves en difficulté est, à cet égard, exemplaire.

Le présent rapport reprendra le même plan en trois chapitres que le rapport remis en 2005. Le

premier chapitre est consacré à des analyses d’ensemble du système français de protection de

l’enfance. Plutôt que de tenter une analyse globale, nous avons privilégié dans une première

section quatre interrogations relatives à la définition de l’enfant en danger, à l’évaluation des

situations et à la place des parents dans l’élaboration ou l’imposition du projet ; un

développement consacré à la question de la séparation du point de vue de ses incidences sur

l’autorité parentale tente d’apporter des éléments de réponse à la question de savoir si la

délégation d’autorité parentale, disposition de fait peu utilisée dans ce contexte, pourrait

contribuer à améliorer la situation des enfants accueillis sur une longue durée ou s’il serait

plus cohérent d’envisager d’autres procédures. Une seconde section est consacrée à l’analyse

de l’évolution de la place des associations qui assurent une part importante des mesures de

protection de l’enfance.

Le second chapitre est consacré, comme en 2005, à la mission confiée à l’Oned de mise en

cohérence des données chiffrées : il actualise l’estimation du nombre d’enfants bénéficiant

d’une mesure de protection de l’enfance en France, souligne les différences départementales

grâce à une exploitation partielle des séries statistiques chronologiques de la DREES et décrit

brièvement le dispositif d’observation longitudinale proposé par l’Oned.

Le dernier chapitre participe de notre mission de diffusion auprès de « l’Etat, des collectivités

territoriales, des établissements publics, des fondations et des associations des pratiques de

prévention, de dépistage et de prise en charge médico-sociale et judiciaire de la maltraitance

dont les résultats évalués ont été jugés concluants ». Il est consacré cette année aux pratiques

développées entre AED/AEMO et placement pour lesquelles une typologie a été proposée et,

d’autre part, aux actions mises en place autour des jeunes en difficultés multiples, dont la

prise en charge appelle une coopération interinstitutionnelle.

L’Oned participe à un dispositif européen, ChildONEurope, ainsi qu’à d’autres réseaux plus

larges consacrés aux échanges internationaux en matière de protection de l’enfance. Ces

collaborations nous ont conduits à décider d’insérer dans ce rapport deux encadrés

susceptibles d’éclairer des questions auxquelles nous sommes confrontés. Nous évoquons

ainsi, dans le premier chapitre, les évolutions législatives récentes en matière de partenariat

interinstitutionnel en Angleterre et présentons, dans le deuxième, le système allemand de

quantification des situations d’enfants en danger. Ces contributions, pour l’instant limitées,

seront développées sur le site internet de l’Oned.

7

CHAPITRE I : PROTECTION DE L’ENFANCE : UN SYSTEME

EN EVOLUTION ?

Ce chapitre, centré sur l’analyse du dispositif, est particulièrement marqué par le fait que le

projet de loi réformant la protection de l’enfance étant en débat, de nombreuses questions

restent ouvertes. Dans une première section, nous évoquerons quatre enjeux participant à la

cohérence interne du projet en discussion et interrogeant la cohérence globale des textes

récents, ou en cours, relatifs aux réponses sociales à apporter aux difficultés rencontrées par

certains parents dans leurs tâches éducatives.

Dans une seconde section consacrée aux acteurs du dispositif, nous avons voulu compléter le

rapport précédent en tentant d’éclairer la place des associations assurant une part importante

des mesures de protection de l’enfance et dont nous n’avions pu, en 2005, prendre en compte

l’apport, faute de temps.

I. Un cadre juridique en cours de réforme – des pratiques en

mutation

Dans cette section, quatre axes seront développés relatifs aux critères spécifiant les saisines

judiciaires et administratives, à l’évaluation des situations, à la place accordée aux parents

selon le cadre institutionnel de l’action et enfin à la question d’un partage de l’autorité

parentale entre parents et service gardien dans certaines situations de séparation à long terme

en permettant au service gardien d’assurer de façon facilitée des décisions de la vie

quotidienne de l’enfant en cas de défaillance ou d’obstruction parentale.

I.1 - Les conditions d’une intervention de protection sociale et judiciaire

La notion d’enfant en danger peut être considérée, d’une part, sous l’angle théorique de sa

définition juridique et, d’autre part, sous l’angle de l’observation statistique, ce dernier point

étant abordé au chapitre II du présent rapport. Les enjeux de l’approche juridique sont, d’une

part, les critères de prise en compte d’une situation par le dispositif et, d’autre part, les critères

de distinction et d’articulation des actions administratives et judiciaires de protection.

Dans le cadre des contributions qui ont précédé le projet de loi réformant la protection de

l’enfance, la question a été posée - notamment dans le cadre de la Mission famille de

l’Assemblée nationale - de retenir l’intérêt de l’enfant, défini comme « la protection de sa

sécurité et de son développement intellectuel et affectif » (Cf. Québec et Italie), comme

concept plus « opératoire » pour la protection de l’enfance.

L’ensemble des réflexions a débouché sur le maintien des choix antérieurs du droit français, à

savoir la place de l’enfant dans un système de protection dont la famille est le premier garant

et non un système centré sur les droits de la personne, faisant du magistrat l’arbitre entre

droits de l’enfant et droits des parents.

Le projet de réforme de la protection de l’enfance apporte, sur la définition du champ, les

éléments suivants (article 2 du projet de loi) :

- la notion de danger est homogénéisée en y intégrant le concept de « mauvais traitement »

central dans la loi de 1989, ce qui permet de clarifier la marche à suivre pour les intervenants,

notamment pour les personnes à l’origine de signalements. De plus, la mise en concordance

des fondements de l’intervention fait prévaloir le caractère juridique de la définition.

8

Cependant il ne faudrait pas que les phénomènes de maltraitance, dont personne ne conteste la

réalité, perdent leur visibilité, d’autant que la notion d’enfant maltraité est reconnue au niveau

international et fonde nombre de dispositifs et d’analyses de systèmes étrangers.

- en outre, la notion d’intérêt de l’enfant n’est pas complètement absente puisque le projet lui

emprunte le concept de développement de l’enfant (explicité dans ses différentes composantes

par les amendements des assemblées) pour compléter la condition d’éducation gravement

compromise.

La nouvelle approche de l’enfance en danger continuera à poser problème pour une partie du

public (comme certains particuliers appelant le 119) et des professionnels (notamment des

médias) qui intègrent, parmi les enfants en danger, les enfants victimes de violences

commises par des adultes n’appartenant pas à leur entourage ou encore par d’autres jeunes.

Elle n’apporte pas non plus de réponse à la question de savoir jusqu’à quel point les troubles

du comportement, les fugues et l’absentéisme scolaire sont des manifestations de mal être

relevant de la protection de l’enfance. Il faut cependant observer que la référence au

développement de l’enfant ouvre cette possibilité.

Si le danger est désormais l’unique notion retenue, ce choix ne suffit pas à régler le problème

de l’articulation entre compétence administrative et compétence judiciaire. La position selon

laquelle le danger doit demeurer le fondement des interventions est souvent accompagnée

d’une demande de définition légale de cette notion, ce qui n’est pas l’option retenue à ce jour.

Pourtant, à cette position, sont fréquemment adjoints des éléments tels que l’aménagement de

l’autorité parentale, le recours à la contrainte, l’opposition des parents etc. (Cf. proposition n°

7 des dix propositions des cinq départements d’Ile-de-France). En effet, en l’état actuel du

droit, il existe un hiatus entre les principes affirmés - c'est-à-dire le maintien d’une

compétence du juge des enfants en cas de danger - et les règles qui sont tirées de la pratique et

qui ne font pas appel à cette seule notion. A la condition de danger, s’ajoute, en pratique et

systématiquement, sauf dans les cas de violences sexuelles, une autre condition qui peut être :

- la gravité de l’atteinte physique ou psychique subie par l’enfant,

- la collaboration ou non des parents ou leur simple capacité à le faire,

- l’urgence à faire cesser la situation de danger,

- et surtout l’atteinte aux droits d’autorité parentale ou la contrainte à exercer sur les

parents pour faire cesser le danger.

On peut remarquer que ces conditions complémentaires peuvent être précises et définies alors

que le danger reste simplement nommé. Ceci s’explique par la notion elle-même, qui est

fondée sur une potentialité, qui plus est, évolutive dans le temps.

Dans le projet de loi réformant la protection de l’enfance déposé par le ministre chargé de la

famille et adopté sans modification sur ce point par le Sénat, la proposition est d’articuler la

saisine du juge des enfants par le président du Conseil général à partir non du danger mais de

la capacité de la mesure administrative à faire cesser cette situation de danger, outre les cas où

la situation ne peut être évaluée et ceux où la famille refuse l’intervention du service ou ne

peut collaborer avec lui. Cette formulation amorce un changement d’organisation de la

protection de l’enfance, avec un schéma selon lequel le Conseil général intervient en première

ligne et le juge des enfants dans un second temps.

Un dispositif de protection ambitieux comme celui de la France offre une palette de

possibilités, sans que ces actions soient coordonnées au regard de l’autorité qui les met en

oeuvre, allant de la prévention des difficultés familiales jusqu’à la prise en charge complète

9

d’un enfant élevé durablement hors de sa famille. Le projet tente d’organiser la gradation des

réponses sociales et judiciaires. On a parlé à ce sujet de principe de subsidiarité. L’objectif est

d’inscrire l’intervention des acteurs dans un ordre de gradation qui va d’un appui à la famille

(prévention), à une intervention soutenue (protection sociale), puis passe le relais à

l’intervention judiciaire. Le moment de ce passage de relais peut être déterminé en fonction de

la définition du cadre de la compétence judiciaire et signe un autre mode d’intervention qui

intègre une notion d’autorité, de mesure imposée et, de ce fait, d’atteinte à l’autorité parentale,

fondé sur une conception de l’action publique venant renforcer les ressources, moyens et

actions propres des personnes.

Si les amendements envisagés par l’Assemblée nationale selon les éléments du rapport déposé

par la Commission des affaires sociales en juin 20062 étaient adoptés, on reviendrait à un

système dans lequel la nature du danger détermine a priori la saisine de l’autorité

administrative ou de l’autorité judiciaire, avec un glissement de niveau par rapport aux textes

de 1958-1959 : à la séparation « risque/danger » se substituerait une démarcation « risque et

danger simple/danger grave et manifeste ». Un changement découlerait néanmoins des

obligations d’information du président du Conseil général en cas de saisine directe du

procureur de la République.

I.2 - L’émergence de la question de l’évaluation des situations

La question de l’évaluation-diagnostic est devenue une question majeure de la protection de

l’enfance, ce qui constitue en soi une importante évolution. En témoigne notamment le

recours généralisé à la notion de référentiel, qui, pour ne pas devenir un « concept fourretout

», doit être resituée dans sa signification.

Le référentiel est ce par rapport à quoi on évalue : pour l’essentiel, les objectifs de l’action, ou

de l’organisation, ou de la personne qu’on évalue. Selon une autre acception, le référentiel de

l’évaluation est ce sur quoi elle s’appuie. Dans cette définition, les outils d’évaluation doivent

satisfaire à ce référentiel. Les outils concrétisent en quelque sorte les exigences auxquelles

l’évaluation doit se conformer pour être correcte.

Les réflexions du rapport Naves3, conduisaient dès juin 2003, au constat selon lequel les

déficits d’évaluation se situaient à trois niveaux :

- les décisions individuelles, insuffisamment fondées sur une évaluation de la situation de

l’enfant et de l’état de ses liens avec ses parents,

- les prises en charge, leur degré d’adéquation aux besoins des enfants et leur qualité,

- le dispositif lui-même en observant qu’il existe dans le domaine de la protection de l’enfance

peu d’objectifs d’action fixés dans un cadre national et peu de vérification de la mise en

oeuvre des bonnes pratiques.

Ce constat est confirmé par la récente étude de Michel Boutanquoi4, qui conclut à la quasiabsence

de travaux d’évaluation systématiques et scientifiques des pratiques et souligne

notamment le faible niveau d’élucidation et de mise à jour, dans le travail auprès des parents

2 Lardeux A., Projet de loi réformant la protection de l’enfance, Commission des Affaires sociales, Rapport

n°393 déposé le 14 juin 2006.

3 Naves P., Pour et avec les enfants et adolescents, leurs parents et les professionnels - Contribution à

l’amélioration du système français de protection de l’enfance, 2003

4 Boutanquoi M., La qualité des pratiques en protection de l’enfance, 2005

10

et des enfants, des intentions et des moyens des professionnels. On ne sait pas si « les

décisions prises envers les usagers sont référées à des stratégies cohérentes des travailleurs

sociaux et des institutions, ou s’expliquent plutôt par des représentations sociales hétérogènes

et des pratiques réactives ».

L’évaluation-diagnostic est une préoccupation d’actualité qui suscite interrogations, réflexions

et débats5. La formalisation de référentiels pour cette phase essentielle peut être abordée selon

deux approches : d’une part, sous un angle « procédural », consistant à définir un mode de

travail spécifique, son déroulement, les professionnels qui doivent y être associés, les champs

à investiguer etc. (voir, dans le paragraphe sur le travail avec les familles, les expériences de

certains départements dans la mise en place de procédures d’évaluation avec les familles). Cet

aspect peut être complété par la définition d’outils consensuels et partagés pour aborder les

différents champs de l’évaluation, étant précisé que le recours à un instrument n’est jamais

suffisant pour poser un diagnostic. Celui-ci appelle une synthèse dans le cadre d’équipes

pluridisciplinaires.

En l’état actuel de la réflexion en France sur ces questions, il nous semble qu’une première

étape consisterait à se mettre d’accord sur les champs à évaluer systématiquement du point de

vue d’une situation d’enfants en danger, avec la proposition d’en retenir trois :

- le développement (physique, psycho-affectif, cognitif et social) de l’enfant,

- l’état des relations entre l’enfant et ses parents,

- le contexte familial et environnemental dans lequel vit l’enfant.

Quelles que soient la ou les approches retenues, la question majeure que pose l’évaluationdiagnostic

est celle de sa finalité. Le dépistage de la maltraitance, du danger, ou des difficultés

d’apprentissage ne prend sens que dans la mesure où il s’accompagne d’une prise en charge

adaptée. C’est pourquoi, au-delà du repérage des situations d’enfants entrant d’une manière

ou d’une autre dans le dispositif de protection, le système d’observation proposé par l’Oned

(voir chapitre 2) se préoccupe également des actions mises en oeuvre, pas seulement de

manière quantitative mais quant à leur nature et à leur succession. Cette étape de « visibilité »

fait partie de l’évaluation de l’efficience des interventions qui sera l’un des enjeux majeurs

des prochaines années.

Médecine scolaire et protection de l’enfance : entre potentialités et limites factuelles6

L’école, lieu d’intégration de tous les enfants, a pour mission d’opérer un suivi réglementé de

la santé dont les services de santé scolaire, créés par l’ordonnance n°45-2407 du 18 octobre

1945, ont la charge.

En l’état des textes en vigueur, les médecins scolaires réalisent notamment des bilans de santé

obligatoires qui, outre le recueil des données épidémiologiques permettant une meilleure

connaissance de la population concernée, doivent permettre le dépistage des difficultés

médicales, psychologiques, sociales, susceptibles d’entraver la scolarité des élèves.

De manière plus spécifique, la médecine scolaire est aussi directement impliquée dans le

repérage des situations relevant du domaine de la protection de l’enfance. Toutefois, il s’avère

que l’articulation indéniable avec la protection de l'enfance se heurte à des limites factuelles,

affectant les moyens mis en oeuvre.

5 Cf. les réactions à la publication du rapport de l’INSERM

6 Ce premier travail initié par C. Lacronique, IA-IPR Vie scolaire, chargée de mission jusqu’en août 2006 à

l’Oned, témoigne de la nécessité pour l’Observatoire d’une coordination directe avec ce partenaire important de

la protection de l’enfance que constitue l’Education nationale.

11

I. Un acteur important du dispositif de protection de l’enfance

a) Une mission légalement définie

Trois textes du 12 janvier 2001 (circulaire n°2001-012, circulaire n°2001-013 et circulaire n°

2001-014, publiée dans le BO de l’Education nationale du 25 janvier 2001) précisent les

missions générales des services de santé scolaire, et notamment les fonctions respectives des

médecins et infirmier(e)s scolaires, dans les situations d’urgence auprès des enfants et des

adolescents en danger ou en cas de suspicion de maltraitance.

Soulignant la nécessité pour l’école de fournir au travers de ses acteurs un cadre de « sécurité

face aux violences et aux carences de certains adultes qui entourent (l’enfant) », la circulaire

n° 2001-014 rappelle que par application de l’article L.226-3 (anciennement art. 68) du

CASF, les infirmiers doivent se conformer au dispositif mis en place par le Président du

Conseil général permettant de recueillir en permanence les informations relatives aux mineurs

maltraités, et de répondre aux situations d’urgence, selon les modalités définies en liaison

avec l’autorité judiciaire, et les services de l’Etat dans le département. Pour leur part, les

médecins sont habilités à délivrer aux autorités compétentes les certificats décrivant les

lésions ou les troubles subis.

A cette fin, ces praticiens ne sont tenus au secret professionnel que dans les conditions et sous

les réserves énoncées à l’article 226-13 du code pénal. S’agissant de l’enfance en danger, ils

sont soumis au code pénal - articles 223-6 (non-assistance à personne en péril), 226-15 à 28

(mise en péril des mineurs), 434-1, 434-3 (non-dénonciation de crime, délit et non-assistance

à personne en danger pour les mineurs de 15 ans) -, au code de procédure pénale - article 40 -

et au code de déontologie.

La suspicion de maltraitance doit ainsi donner lieu à une évaluation partagée qui diffère selon

le degré d’enseignement, primaire ou secondaire.

En l’absence de certitude, la suspicion d’une situation de maltraitance de la part d’un membre

de la communauté éducative doit être systématiquement confrontée au point de vue des autres

membres, et en particulier à celui des services de santé scolaire.

Néanmoins, à la maternelle, et au minimum jusqu’en moyenne section de maternelle, les

services de la Protection maternelle et infantile doivent être sollicités afin de réaliser

l’évaluation nécessaire. Dans le reste du premier degré, le médecin et l’infirmier scolaires

réalisent cette évaluation qui prévoit une information parallèle aux parents, sauf dans les cas

de suspicion de violences sexuelles au sein de la famille.

Dans le second degré et pour les mineurs de 15 ans, l’évaluation est réalisée par les services

de la médecine scolaire, en lien avec le service social scolaire et, le cas échéant, le service

social de circonscription.

Par ailleurs, il convient de souligner l’importance du travail quotidien réalisé par les services

de médecine scolaire auprès des enfants dans la prévention et le dépistage des situations de

danger.

On soulignera notamment le rôle de l’infirmier scolaire qui effectue ce suivi individuel en

collaboration avec le service social scolaire, donnant priorité aux élèves signalés pour

absentéisme important, sanctions disciplinaires, troubles du comportement, retard scolaire.

Enfin, la mise en oeuvre plus générale d’une éducation à la santé, par diverses actions,

consistant aussi bien dans des conseils et informations dispensés aux jeunes scolarisés et aux

12

familles, qu’en des animations intégrant tous les acteurs intéressés à la protection de

l’enfance (art. L.542-3 du code de l’éducation), positionnent le médecin scolaire comme un

partenaire incontournable des services départementaux de la protection de l’enfance.

b) Une mission appelant un partenariat affirmé

Une collaboration est ainsi supposée s’instaurer entre les acteurs de la médecine scolaire, et

les partenaires internes à l’Education nationale mais aussi tous les partenaires extérieurs. Le

travail en réseau se traduit normalement en effet par des échanges d’informations entre les

professionnels appartenant à des institutions différentes : ce partenariat intéresse les services

de l’éducation nationale, des affaires sanitaires et sociales, de la protection maternelle et

infantile, les services hospitaliers, intersecteurs de psychiatrie, médecins généralistes,

médecine du travail et toute personne ayant des responsabilités auprès des jeunes (juges des

enfants, maires, élus, responsables en matière de santé, associations de parents, services

d’aide sociale à l’enfance, etc.).

Il existe au terme des circulaires précitées une ambition visant la logique de complémentarité

et non de concurrence entre les professionnels de santé, les divers secteurs de santé et les

secteurs ayant des responsabilités auprès des jeunes – la médecine scolaires étant pour

exemple le relais des services de PMI, au minimum jusqu’à la moyenne section de maternelle.

Cependant, cette vision théorique et optimiste se heurte à des limites factuelles découlant des

moyens mis en oeuvre, mais aussi des concepts maniés.

II. Des limites et des questions

Si les missions des médecins et infirmières scolaires sont bien définies, ces professionnels

affirment tous être surchargés de travail ; ils ne parviennent pas en tout état de cause à assurer

toutes les tâches dont ils ont la responsabilité. Certains indiquent même ne pouvoir effectuer

que 85% des bilans de santé obligatoires à 6 ans, dans l’enseignement public. La cause

première des difficultés citées est liée à la pénurie de médecins, ce qui, d’après les prévisions

ne peut que s’amplifier. Dans les secteurs « découverts » seules les urgences sont assurées du

type : enfant en danger ou épidémie (méningites surtout). Pourtant, dans certains cas

particuliers qui nécessitent l’avis d’un « expert médico-scolaire », les professionnels

concernés répondent à la demande en particulier dans le cas des orientations vers les

structures spécialisées.

Nombre de professionnels de l’école se plaignent du manque de suite du diagnostic pourtant

effectif, la prise en charge des troubles se trouvant décalée dans le temps du fait de délais

d’attente, et de difficultés pratiques d’orientation spécialisées. Le travail réalisé par les

services de santé scolaire semble ainsi contraint par les capacités de réponse parfois limitées

de certains de ses partenaires, notamment dans le secteur de la psychiatrie infanto-juvénile. La

souffrance de l’enfant s’en trouve majorée, et les enseignants restent impuissants pour trouver

les réponses dans l’intervalle.

Par ailleurs, la liaison qui est censée exister avec le service de PMI pour les enfants d’école

maternelle est loin d’être suffisante, malgré la fiche instituée par arrêté interministériel du 18

août 1997 et la volonté déjà ancienne de mieux articuler l’action de ces deux acteurs.

Une des remarques en outre qui peut être faite sur le problème des moyens est relative à la

couverture inégale selon les territoires, liée historiquement à des critères qui mériteraient

d’être actualisés.

L’enjeu des moyens devient encore plus crucial à l’aune de la réforme de la protection de

l’enfance, qui met l’accent sur le dépistage des troubles, et l’importance des bilans

13

périodiques. En effet, même si la fréquence des visites n’est à ce jour pas définitivement

arrêtée, un minimum de deux bilans rythmerait la scolarité de l’enfant. Les médecins

compétents pour les bilans seraient principalement ceux du milieu scolaire, mais de façon

réaliste également ceux du secteur libéral ou hospitalier, les parents ayant la possibilité de

fournir un certificat délivré par le médecin de leur choix.

Se pose, bien sûr, la question de l’habilitation - en tout cas de la compétence spécialisée des

médecins concernés, le dépistage des troubles nécessitant des outils (tests...), voire du temps,

et une formation. La réglementation à venir sur le contenu du bilan, qui reste à définir,

permettra peut-être un partage éclairé d’idées entre les professionnels de la santé, et les autres

intéressés.

Il paraît, en outre, très dommageable que l’école élémentaire ne soit pas dotée

systématiquement en personnel médical. Si le rôle d’accueil et de réconfort qu’assurent en

pratique les infirmières au collège et au lycée est indéniablement utile aux adolescents et

participent d’une réelle prévention, pourquoi une telle aide n’est-elle pas présente auprès des

jeunes enfants, entre six et douze ans, sujets également à des maux dans tous les sens du

terme ?

Ces difficultés sont renforcées dans certains établissements de l’enseignement privé dont les

élèves peuvent, de fait, échapper à un contrôle sanitaire.

Au-delà des questions de moyens, les éléments relatifs à l’obligation de secret professionnel

et au partenariat induisent une observation à la lumière du projet de réforme de la protection

de l’enfance. En effet, les médecins scolaires entreraient dans la catégorie des personnes

autorisées au « secret partagé » pour l’accomplissement de la mission de protection de

l’enfance, tant dans l’évaluation des situations personnelles, que dans la détermination des

actions dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier (article 7 du projet).

I.3 - Mieux associer les familles à la définition d’un projet de soutien plus

global : vers un nouveau mode de fonctionnement de l’Aide sociale à

l’enfance ?

a) Associer les parents

Travailler autrement avec les familles se trouvant en grandes difficultés avec leurs enfants est

une préoccupation ancienne des institutions chargées de la protection de l’enfance. Depuis

que le rapport Bianco-Lamy a permis une prise de conscience en soulignant, en 1980, que les

enfants et leurs parents étaient les grands absents de la protection de l’enfance, des évolutions

ont eu lieu de façon plus ou moins concomitante à différents niveaux.

Sur le plan juridique, les parents, usagers de l’Aide sociale à l’enfance, ont été resitués dans

leur place de personnes dont les droits doivent être respectés par les services administratifs.

Les professionnels du secteur socio-éducatif savent que toute action visant le changement

suppose que les personnes s’approprient au moins partiellement le projet qui les concerne.

Enfin, les connaissances dans les champs de la psychologie du développement de l’enfant et

des sciences de l’éducation indiquent la nécessité d’impliquer les parents ou, à tout le moins,

de les prendre en compte dans la prise en charge des troubles pouvant résulter de

perturbations familiales.

14

Pour ce qui est du fonctionnement administratif de l’aide sociale à l’enfance, ces courants ont

débouché sur l’accumulation de différents outils insuffisamment articulés entre eux, rendant

nécessaires des clarifications techniques sur la place, le rôle et l’utilité de chacun.

- Formulaires et documents prévus aux articles R 223-4, R223-5, R 223-6 du CASF,

devant être établis en cas d’attribution d’une prestation d’aide sociale à l’enfance et

mentionnant, le cas échéant, le recueil de l’accord ou de l’avis des parents.

- Contrat de séjour et document individuel de prise en charge devant être établis

conformément à l’article L 311-4 du CASF par tout établissement ou service

accueillant un enfant pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance.

- Projet individualisé défini pour l’enfant confié à un assistant familial dans le contrat

d’accueil prévu à l’article L 421-10 du CASF.

- Document introduit par l’article 11 du projet de loi réformant la protection de

l’enfance - modifiant l’article L 223-1 du CASF -, outil nouveau dont la portée risque

cependant de passer inaperçue. En effet, cet article a peu fait l’objet de débats ou de

commentaires et le document dont il est question a perdu, avec la désignation

initialement retenue dans l’avant-projet de loi de « document d’engagement

réciproque », de sa force symbolique et d’innovation. En introduisant l’idée que le

service s’engage également envers la famille, cette désignation ouvrait la perspective,

insuffisamment présente dans le droit de l’aide sociale à l’enfance, d’un rendu compte,

y compris à l’égard des usagers, de la mise en oeuvre de moyens destinés à les aider à

faire face à leurs difficultés. Il est néanmoins important de souligner la dimension

institutionnelle de ce document puisqu’il est signé par les parents et par le président du

Conseil général - ou l’un de ses délégataires dans le champ de la protection de

l’enfance - et pas seulement par le travailleur social en contact avec la famille.

Cette évolution est à relier, au-delà d’une volonté de réaffirmer le droit des usagers, au

meilleur cadrage de l’action administrative et à la notion de subsidiarité de l’action publique

par rapport au « pouvoir d’agir »7 des personnes.

b) Les modalités départementales

Développer l’action administrative en ciblant et en anticipant sa portée et ses limites suppose

d’établir, autant que possible avec les personnes concernées, un état des lieux de la situation.

Plusieurs services départementaux d’Aide sociale à l’enfance ont mis en place des modalités

de travail visant à favoriser l’élaboration d’un diagnostic partagé avec les familles pouvant

relever d’une aide. Sans avoir fait un point exhaustif de ces initiatives, l’Oned en a étudié

certaines particulièrement significatives du point de vue de leurs objectifs ou de leurs

modalités.

Afin d’associer les parents aux mesures de soutien envisagées et d’aider les professionnels

dans la construction du projet, un département a instauré, de façon expérimentale sur une

circonscription, une instance de concertation parents-professionnels. Il s’agit de l’organisation

d’une rencontre entre la famille (parents, mais également, le cas échéant, oncles, tantes,

grands-parents, et l’enfant lui-même avec l’accord de ses parents) et le ou les professionnels

impliqués dans le repérage des difficultés de l’enfant et ceux impliqués dans l’élaboration

7 Le Bossé Y., De l’"habilitation" au "pouvoir d’agir" : vers une appréhension plus circonscrite de la notion

d’empowerment, Nouvelles pratiques sociales, Une pragmatique de la théorie, Volume 16, numéro 2, 2003

15

d’un projet de soutien. Cette rencontre est médiatisée par deux animateurs, professionnels de

l’ASE, de la PMI ou du service social qui maîtrisent les logiques de la protection de l’enfance.

Cette instance, qui est réunie sur la base du volontariat des professionnels et uniquement si la

famille en est d’accord, a pour tâche prioritaire d’expliciter à tous les protagonistes

l’ensemble des points de vue sur les difficultés rencontrées, de dégager les points de

convergence. Elle peut également expliciter et formaliser les désaccords. Elle peut être saisie

préalablement à une réunion pluri-professionnelle ou faire suite à celle-ci.

L’évaluation de cette expérimentation indique que l’instance de concertation a été

principalement demandée en amont d’une saisine de l’ASE (demandes principalement

formulées par la PMI et l’Education nationale). L’instance a eu principalement un impact en

termes de compréhension des problématiques familiales, notamment par la prise en compte

des incidences culturelles. Elle a, dans certains cas, initié ou confirmé une relation de

confiance entre parents et professionnels. L’instance a parfois occasionné un infléchissement

du mode d’intervention des professionnels ou facilité la mise en oeuvre d’un

accompagnement.

Un autre département a créé, après deux ans d’expérimentation, une modalité de travail

baptisée Evaluation transversale d’aide à la parentalité et à l’enfant (ETAPE). Cette

intervention est prévue pour permettre une évaluation partagée avec la famille de ses

difficultés et des moyens de les résoudre ; elle comprend une phase d’exploration et une phase

d’élaboration du projet. L’objectif de la modalité ETAPE est soit de constituer une phase

préalable à l’engagement d’actions ultérieures ainsi mieux définies et préparées, soit

d’apporter des solutions par elle-même sans que d’autres développements soient

immédiatement nécessaires.

Concrètement, la modalité est engagée sur instruction écrite des chefs de services ASE

(responsables territoriaux ayant la délégation de signature) directement ou après examen

d’une situation familiale par la commission technique saisie en cas de signalements. Après

proposition à la famille concernée et avec son accord, l’ETAPE s’exerce pour une durée de

trois mois avec la possibilité d’être prolongée une seule fois. L’intervention ne peut s’engager

ou doit s’interrompre lorsque la famille exprime d’une façon ou d’une autre son opposition.

Elle est menée conjointement par un travailleur social de la polyvalence et/ou de l’ASE et/ou

un travailleur médico-social de la PMI, intervenant en binômes ou trinômes désignés par le

chef de service en fonction des circonstances et des disponibilités. Elle s’exerce

principalement sous forme d’entretiens avec les membres de la famille et éventuellement

auprès de partenaires professionnels dans le respect du secret professionnel. Elle fait l’objet

d’une conclusion écrite rédigée par les intervenants adressée au chef de service, le cas échéant

sous forme de projet d’AED ou de toute autre proposition d’action.

Les constats et réflexions sous-jacents à la mise en place de cette modalité portent notamment

sur l’importance de prendre du temps pour qu’une famille puisse s’approprier de façon

durable et réfléchie l’élaboration d’un projet et la mise en place d’une aide.

Cette formule, qui a suscité un réel intérêt dans le département, a produit des effets

secondaires en termes d’amélioration de la collaboration entre services. Il est souligné qu’elle

nécessite des moyens importants en personnel.

Dans une logique similaire, un autre département a créé un mandat d’évaluation permettant

une observation de quatre mois d’un enfant dans son milieu familial et son environnement

16

pour une évaluation globale de sa situation et une orientation effectuées par un binôme

travailleur social/psychologue. Mis en oeuvre selon la même procédure qu’une AED, ce

mandat a pour objectif, dans une situation complexe, de recueillir les éléments de la situation

familiale qui posent problème, de repérer les capacités de la famille à envisager des solutions,

à utiliser les ressources de son environnement, de formuler des propositions d’action afin de

permettre une aide à la décision. Les actions par ailleurs menées au titre du suivi social de la

famille se poursuivent concomitamment. A la différence des expériences précédemment

décrites, ce mandat peut être confié au secteur associatif habilité du département.

Ces initiatives départementales sont, pour la plupart, issues de réflexions des professionnels

de terrain à partir des difficultés rencontrées dans leur pratique autour de la question du

recueil de l’accord des parents dans la procédure d’attribution d’une prestation administrative.

Parmi ces difficultés, on peut notamment citer : le risque de rigidifier tout projet

d’intervention notamment en exigeant l’accord des parents pour la mise en place d’une aide,

la nécessité d’aider la famille à analyser sa situation pour favoriser son consentement

«éclairé », la prise en compte du facteur « temps » et du besoin d’équilibrer le mode

d’intervention entre l’urgence, qui ne permet pas de construire, et la lenteur qui démobilise.

Ces modalités s’appuient également sur une volonté de mieux formaliser les besoins et

ressources de la famille : les expériences départementales présentées permettent de faire un

bilan rétrospectif des actions déjà menées avec la famille, d’analyser avec elle sa situation et

de co-construire des réponses (Cf. en Angleterre les réflexions sur l’évaluation des

compétences -étude de H. Ward, professeur à l’Université de Loughborough, UK) comme le

recommandaient certains rapports publics (rapport Roméo notamment).

Prévention ou protection ?

Outre les questions de contractualisation et d’information des familles, les services d’Aide

sociale à l’enfance sont confrontés au problème de la cohérence entre différents services ou

prestations : puéricultrices de PMI, TISF, AED etc., notamment lorsqu’il s’agit

d’interventions à domicile. Une des premières difficultés consiste à préciser si l’intervention à

domicile relève de la prévention ou de la protection.

La réponse quant à la frontière entre ces deux notions s’avère différente d’un département à

l’autre :

- dans certains départements, la frontière entre protection et prévention se situe au niveau de

la mesure contractuelle

- dans d’autres, elle est au niveau du signalement et de la mesure judiciaire

- dans un troisième cas de figure, c’est parfois le placement, qu’il soit administratif ou

judiciaire, qui départage prévention et protection.

Dans un autre département ayant développé une démarche d’actions contractualisées très tôt,

des interventions à domicile sur « mandat administratif » portant sur l’intervention de

technicien(ne)s de l’intervention sociale et familiale (TISF), d’un conseillèr(e) en économie

sociale et familiale (CESF) ou de psychologues ont été mises en place. Le travailleur social

référent de la famille au titre du service d’action sociale joue un rôle de coordination des

interventions auprès de la famille, les interventions à domicile mandatées ayant vocation à

apporter une valeur ajoutée à sa propre action généraliste. Les mandatements de TISF, de

CESF ou d’un psychologue se font sur la base d’une évaluation effectuée par le travailleur

social référent de la famille permettant de construire un projet avec un objectif opérationnel

précis, défini avec la famille, ayant une durée précise et évaluable. Pour les familles

présentant des difficultés chronicisées, un protocole particulier est préconisé en vue de mieux

17

articuler l’évaluation et le mandatement et de renforcer l’approche globale. En cas de mesure

de protection (c'est-à-dire dans ce département à partir du moment où l’enfant est pris en

charge), un référent enfant s’ajoute au référent famille. On trouve dans cette expérience la

préoccupation d’assurer « le suivi et la continuité des interventions mises en oeuvre pour

l’enfant et sa famille ».

c) Les nouveaux textes

Il convient d’observer que la place et la prise en compte de la responsabilité des parents sont

abordées différemment dans des textes ou projets récents qui se préoccupent

d’accompagnement parental.

Ainsi la loi pour l’égalité des chances du 31.03.2006 crée un contrat de responsabilité

parentale -CRP- (articles 48 et 49). Ce dispositif établit un lien entre les problèmes

d’absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement scolaire ou de toute autre

difficulté liée à une carence de l’autorité parentale, et la protection de l’enfance puisque le

président du Conseil général, saisi par une institution (école, maire, directeur de CAF) doit,

soit proposer le CRP, soit prendre « toute autre mesure d’Aide sociale à l’enfance adaptée à la

situation ». L’article induit une notion de compétence liée. Ce dispositif semble reposer sur le

postulat que les difficultés énoncées sont le fait de l’enfant et de l’insuffisance éducative de sa

famille, sans poser le principe d’une analyse approfondie de la difficulté repérée. S’agissant

des mesures qui doivent être proposées, se pose la question de la distinction à faire entre le

contrat de responsabilité parentale et une mesure ASE de type Aide éducative à domicile

(AED), mesure administrative ne pouvant donc être mise en place sans l’accord des parents,

qui peut avoir pour vocation d’aider ces derniers à mieux exercer leurs responsabilités

éducatives. Une différence majeure porte évidemment sur l’existence d’une éventuelle

« sanction » en cas de non respect d’un contrat de responsabilité parentale, avec la possibilité

donnée au Président du Conseil général de demander à la CAF de suspendre alors le

versement des prestations afférentes à l’enfant.

Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance institue un conseil pour les droits

et les devoirs des familles, réuni par le maire. Il a notamment pour mission d’adresser à une

famille des recommandations destinées à prévenir des comportements susceptibles de mettre

l’enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui.

La notion de risque de danger fonde la compétence du Président du Conseil général à

intervenir auprès des mineurs concernés (article L 221-1 du CASF).

Par ailleurs, le projet de réforme de la protection de l’enfance prévoit en son article 5 que les

personnes qui apportent leur concours à la politique de protection de l’enfance transmettent au

Président du Conseil général toute information préoccupante sur un mineur en danger ou

risquant de l’être.

Une telle transmission n’est cependant pas prévue par le projet de loi relatif à la prévention de

la délinquance, l’information du Président du Conseil général n’intervenant que lorsqu’un

accompagnement parental est mis en place. En ce qui concerne le conseil pour les droits et les

devoirs des familles, il est prévu d’examiner avec la famille l’opportunité d’informer les

professionnels de l’action sociale et les tiers intéressés des recommandations qui lui sont

faites.

L’accompagnement parental, qui consiste en un suivi individualisé au travers d’actions de

conseil et de soutien à la fonction éducative, est proposé par le maire lorsque l’ordre, la

sécurité ou la tranquillité publique sont menacés en raison du défaut de surveillance ou

d’assiduité scolaire d’un mineur. La notion de danger n’apparaît plus.

18

Cet accompagnement intervient faute d’un contrat de responsabilité parentale dont le maire

doit vérifier l’absence avant de proposer l’accompagnement : si l’accompagnement parental

proposé par le maire se heurte au refus des parents ou n’est que partiellement accompli, le

maire saisit le Président du Conseil général en vue de la conclusion du contrat de

responsabilité parentale, sans qu’il soit fait référence dans ce texte à la possibilité pour le

Président du Conseil général de proposer toute autre mesure d’Aide sociale à l’enfance.

Ainsi, ces nouveaux dispositifs posent des problèmes d’articulation avec les missions et

actions de l’Aide sociale à l’enfance, entraînant des risques de chevauchement de

compétences au moment où le projet de réforme de la protection de l’enfance réaffirme le rôle

de chef de file en ce domaine du Président du Conseil général, et un risque d’illisibilité et

d’incompréhension sur le fonctionnement du système du côté des familles.

L’Oned propose d’éclairer ce qui a été développé jusqu’à présent dans ce chapitre par

d’autres expériences en la matière. L’Angleterre offre un modèle de partenariat interinstitutionnel

récemment mis en place et qui se révèle in fine intéressant pour les acteurs

français de la politique de l’enfance.

Les évolutions du partenariat inter-institutionnel en Angleterre8

Le Children Act de 1989 visait à introduire les principes de la Convention des droits de

l’enfant dans la loi de protection de l’enfance britannique. Les notions de maltraitance et

d’intérêt supérieur de l’enfant y sont introduites, un cadre d’intervention et de protection,

définissant les obligations d’intervention des tribunaux et des autorités locales, y est défini.

Suite au décès très médiatisé d’un enfant en 2000, une enquête avait été ordonnée dont les

résultats ont abouti au Children Act de 2004. Cette réforme de la protection des enfants

introduit notamment une obligation pour les autorités locales de créer des Conseils de

protection de l’enfance, composés de représentants des différentes professions et institutions

concernées et ayant pouvoir de décision. Un des principaux objectifs affichés est un meilleur

partage de l’information entre institutions mais également une meilleure coordination des

actions destinées aux enfants.

La présentation qui suit tente de retracer différents aspects liés à cette réforme, susceptibles de

présenter un intérêt pour les observateurs français que nous sommes :

- le fonctionnement du partenariat inter-institutionnel avant la nouvelle loi,

- la nouveauté introduite dans le partenariat inter-institutionnel par la nouvelle loi.

La coopération inter-institutionnelle

Dès 1999, une circulaire recommandait aux autorités locales, la création de Comités

territoriaux de protection de l’enfant (ACPC) au niveau des comtés. Ces comités regroupaient

des représentants des autorités locales, de la police ainsi que des secteurs scolaire, sanitaire,

social et de l’orientation professionnelle. Ils devaient mettre en place une stratégie et des

politiques de travail interinstitutionnelles en matière de protection de l’enfance en danger.

Les autorités locales étaient libres d’instaurer ou non ces comités, leur fonctionnement était

donc variable d’un endroit à l’autre.

Différentes recherches, synthétisées dans un rapport présenté par Harriet Ward, ont permis

d’analyser le fonctionnement du partenariat inter-institutionnel9.

8 L’Oned a choisi de nourrir ce rapport d’informations internationales sur les thématiques analysées en contexte

français.

19

Les bénéfices identifiés de cette collaboration sont les suivants : une évaluation plus attentive

et plus efficace des cas complexes, des interventions plus créatives, moins de dédoublage des

interventions, une meilleure utilisation des ressources, une meilleure définition du rôle de

chacun, davantage de situations traitées, une plus grande satisfaction et un sentiment de

réussite plus marqué chez les professionnels impliqués.

Une des questions soulevées reste cependant la perception par les usagers de l’amélioration

des services. Il a été souligné, en particulier, que si l’approche inter-institutionnelle était utile

dans les cas complexes, elle pouvait gêner le travail quotidien sur les cas plus simples qui sont

aussi les plus nombreux. En effet, selon certains auteurs, le climat interne de l’organisation

semble davantage influer sur la qualité des services que la coopération inter-institutionnelle.

H. Ward soulève d’autres problèmes dans le fonctionnement des ACPC : manque de

financement (les différentes institutions n’ayant pas obligation de contribuer au financement

des Comités), différences de statut entre les représentants envoyés par les diverses institutions

et manque d’autorité du Comité pour imposer des décisions aux institutions membres.

La coexistence de cultures professionnelles différentes, la concurrence entre services sur les

questions de financement et la confusion qui règne quant aux rôles et aux responsabilités des

différents groupes professionnels en présence font partie des difficultés soulevées.

Local Children Safeguarding Boards

La loi de 2004 crée un « Commissaire des enfants » chargé de coordonner les services

destinés aux enfants au niveau national et un directeur des services pour enfants, responsable

des « Children’s Trust » (pôles pour l’enfance) au niveau local. Les Children’s Trusts

assureront la coordination entre toutes les institutions s’occupant d’enfants. Outre la

protection des enfants en danger, le bien-être et la sécurité de tous les enfants sont aussi mis

en avant.

La mission de protection sera plus particulièrement supervisée par les « Local Children

Safeguarding Boards » (Conseils de la protection des enfants LCSB), dont la mise en place

devait être achevée en avril 2006.10 Le remplacement des Comités (ACPC) par ces Conseils

devrait remédier à certaines des difficultés évoquées précédemment. Leur fonction première

sera de coordonner les institutions et d’assurer l’efficacité des dispositifs mis en place

localement.

Plusieurs améliorations sont envisagées, à partir de l’expérience pratique et de l’analyse

scientifique du fonctionnement des ACPC, notamment l’introduction d’une grille unique et

commune de recueil des informations en vue de l’évaluation de la situation d’un enfant.

L’évaluation, transparente et partagée avec les parents, doit déterminer : le développement de

l’enfant selon sept dimensions (la santé, l’éducation, le développement affectif et

comportemental, l’identité, les relations familiales et sociales, l’apparence sociale, les

compétences en termes d’auto-prise en charge) ; la capacité des parents selon sept dimensions

également (les soins de base, la garantie d’un environnement émotionnel sécurisant, la

9 Ward Harriet et alii, Safeguarding children : a scoping study of research in three areas, Centre for child and

family research, Department of Social Sciences, Loughborough University, 2004.

10 http://www.everychildmatters.gov.uk/socialcare/safeguarding

20

stimulation, la capacité de contrôle et l’établissement de limites, la stabilité) ; les ressources

communautaires (histoire et fonctionnement familiaux, famille élargie, logement, emploi,

ressources financières, intégration sociale de la famille, ressources communautaires). Selon H.

Ward, le partage de l’information disponible est un des problèmes centraux. L’introduction de

bases de données recensant les enfants au niveau local, prévue par la loi, devrait régler le

problème du secret partagé, en incluant des items relevant de différents domaines.

L’obligation du secret professionnel et la confidentialité des informations, seraient respectées

grâce à des protections spéciales. Des modules de formation communs devraient permettre de

remédier aux différences d’approches entre services et professionnels11.

I.4 - Séparation, autorité parentale et intérêt de l’enfant

Au travers des débats d’idées, mais aussi de la pratique quotidienne des professionnels de la

protection de l’enfance, se dessine avec obstination la problématique de la bonne mesure,

suffisante par rapport au risque ou adaptée aux besoins de l’enfant.

Les mesures se fondent ainsi sur une nouvelle approche du travail avec les familles,

s’appuyant sur leurs ressources et leurs capacités de mobilisation, privilégiant le « faire avec »

et la co-éducation. Mais, si certaines situations permettent un dialogue éclairé avec les parents

et une amélioration des conditions, rendant ainsi possible la fin de la mise à distance de

l’enfant, d’autres situations mettent en évidence une obstruction parentale ou de graves

déficiences faisant obstacle à une immersion de l’enfant dans un univers très carencé, violent

ou pathologique.

De manière générale, la séparation parent-enfant tend actuellement à être plus difficilement

nommée, comme si l’emploi d’euphémismes ou de « mots-médicaments » pouvait atténuer la

frustration parentale, en cautérisant la plaie, et diminuer ainsi le risque d’opposition. Le projet

de loi sur la protection de l’enfance supprime ainsi l’expression « retirer l’enfant de son

milieu actuel » pour se borner à employer le verbe « confier », l’accent étant davantage mis

sur le choix de la personne ou de l’organisme que sur la séparation en tant que telle. Pourtant

le conflit, comme la départition, ont leurs vertus propres, permettant quelquefois de franchir

des étapes positives, en tout cas décisives pour l’avenir de l’enfant, avec une plus ample

maturité des parents.

Au-delà de la difficulté à nommer la séparation, plane la question de la gestion dans le temps

de la mise à distance, avec l’incidence sur l’exercice de l’autorité parentale, au travers de ses

éventuels aménagements, voire atteintes plus radicales. En effet, le gardien pérennisé, le plus

souvent en la personne du Conseil général, doit pouvoir répondre sur la durée à l’exigence

légale de projet individualisé pour l’enfant. Si la délégation d’autorité parentale a paru et

paraît encore pour certains praticiens une réponse adéquate, il s’avère que cet aménagement

prononcé judiciairement n’est, selon le cas, pas forcément adéquat ou suffisant. Par ailleurs,

l’imagination dont les professionnels peuvent faire preuve dans les solutions éducatives ne

coïncide pas forcément avec une mise en forme juridique efficace.

11Brandon M. Thoburn J., Rose S., Belderson P., Living with significant harm : a follow up study. Final Report

for NSPCC, 2005.

21

a) « l’absolutisme » de l’autorité parentale

Dans l’état actuel du droit, le code civil pose comme principe en son article 375-7 que « les

père et mère dont l’enfant a donné lieu à une mesure d’assistance éducative conservent sur

lui leur autorité parentale et en exercent tous les attributs qui ne sont pas inconciliables avec

l’application de la mesure ».

Ce texte énonce un « non-partage » de l’autorité parentale par le seul fait de l’existence d’une

mesure éducative.

Toutefois, la fin de l’alinéa permet au juge des enfants d’intervenir lorsqu’il estime que

l’exercice (ou le non exercice) de cette autorité par les parents est en contradiction avec

l’application de la mesure. Le magistrat autorise ainsi le service mandaté à prendre des

décisions en matière de santé, de scolarité, de démarches administratives, etc.

Chacune de ses décisions n’est prise que pour un acte ponctuel d’autorité parentale. En

théorie, la procédure exige une audience à laquelle ont été convoqués les parents et le service.

En pratique le magistrat peut répondre favorablement à la demande, même hors audience,

mais seulement après la démonstration de ce que les parents ont été sollicités, se sont abstenus

ou ont refusé de manière abusive l’autorisation sollicitée et que celle-ci est indispensable à

l’application de la mesure. En outre, comme tout magistrat saisi d’une instance mettant en jeu

l’intérêt d’un mineur en situation conflictuelle avec ses parents, le juge des enfants peut

désigner un administrateur « ad hoc », avec une mission précise et pour une durée

déterminée12.

Par ailleurs, un principe fort est affirmé dans l’article 376 du code civil : « aucune

renonciation, aucune cession portant sur l’autorité parentale ne peut avoir d’effet, si ce n’est

en vertu d’un jugement dans les cas déterminés ci-dessous ». Le droit de la famille français

demeure fondé sur les liens du sang qui ne sont plus toujours en adéquation avec la

multiplication des modèles familiaux, notamment des familles recomposées.

b) Les aménagements ou suppressions de l’autorité parentale

Dans la pratique, lorsque l’enfant fait l’objet d’un accueil provisoire auprès de l’Aide sociale

à l’enfance avec l’accord des parents, un fonctionnement en apparence consensuel peut être

de mise. La co-éducation (c'est-à-dire l’éducation conjointe par le service et les parents)

s’instaure de façon non heurtée et est, en tout état de cause, explicitée par les besoins de

l’enfant. On assiste alors à une sorte d’exercice conjoint, en parallèle avec celui prévu par la

loi pour des parents séparés à l’égard de leur enfant. Toutefois, il convient de rester vigilant

sur le risque de « dérapage » lié à l’absence de cadre. Chaque acte accompli par un

professionnel, même s’il relève pour partie de l’autorité parentale, mérite d’être réfléchi au

préalable en équipe, y compris si le parent a signé une autorisation de type « mandat » rédigée

dans des termes généraux.

Le basculement du placement vers l’autorité judiciaire ne s’impose pas toujours si l’accueil

constitue une modalité d’intervention éducative préparée avec l’enfant, comprise par lui et

servant son intérêt.

Toutefois, si le placement est amené à durer, le formalisme de l’assistance éducative présente

des avantages, en ce que le parent est « interpellé » de manière solennelle sur ses fonctions

parentales, ses responsabilités éducatives mais aussi sur ses ressources morales.

12 Les spécialistes de droit civil considèrent une telle nomination critiquable pour les mineurs dotés de

discernement dans la mesure où ceux-ci disposent d’une capacité propre en matière d’assistance éducative.

22

Cependant la mobilisation parentale sur injonction judiciaire trouve ses limites dans de

nombreux cas, qui se traduisent par une révision tous les deux ans, voire tous les ans, au cours

d’une audience qui risque d’être de manière répétitive source d’angoisse pour l’enfant et

d’humiliation sous-jacente pour le parent, lorsque celui-ci n’a pas les moyens intellectuels ou

psychologiques de remédier à ses carences. L’enfant pourra, par ailleurs, se trouver déstabilisé

par les attitudes quelquefois réellement « nuisibles » du parent, si celui-ci, trop rigidifié dans

sa problématique pour accepter une quelconque remise en cause, se cantonne à un mode

culpabilisant.

Force est de réfléchir sur le réalisme d’une solution, apportant une plus ample latitude

décisionnelle pour le service gardien, en même temps qu’une moindre souffrance pour

l’enfant, sécurisé quant à la durée de sa prise en charge.

Deux démarches judiciaires, que nous examinerons successivement, sont possibles :

- la délégation générale d’autorité parentale qui, comme le partage, demeure du

domaine exclusif du juge aux affaires familiales,

- le retrait d’autorité parentale relève lui de la compétence du Tribunal de grande

instance statuant en formation civile (Chambre du conseil), hormis les cas où il est

prononcé par une juridiction pénale.

La délégation d’autorité parentale (DAP)

La délégation d’autorité parentale peut-être volontaire

L’article 377 du code civil permet aux parents, ensemble ou séparément, de saisir le juge en

vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre

de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou le

service départemental de l’Aide sociale à l’enfance.

La loi du 4 mars 2002 a supprimé la double condition tenant à l’âge maximal du mineur, qui

peut désormais être âgé de 16 ans (ou plus) et à la remise préalable au tiers. Elle a en outre

précisé la qualité de membre de la famille que peut prendre ce tiers.

La délégation d’autorité parentale peut aussi être imposée

Elle est alors demandée par le tiers qui a recueilli l’enfant et qui est un particulier, un

établissement ou le service départemental de l’Aide sociale à l’enfance.

Elle suppose un désintérêt manifeste des parents ou une impossibilité d’exercer tout ou partie

de l’autorité parentale.

Avant la loi du 4 mars 2002, seul le désintérêt parental pendant plus d’un an pouvait fonder

une demande de délégation d’autorité parentale. Celle-ci a donc été facilitée ; elle peut

concerner aussi les parents en difficulté, ce qui semble correspondre à l’un des deux cas de

figure mis en exergue précédemment.

La délégation d’autorité parentale peut n’être être que partielle

L’article 377 du code civil prévoit que la délégation peut-être de « tout ou partie » de

l’autorité parentale, ce qui suppose que les parents puissent dans certains cas en conserver une

partie et, pas systématiquement, se trouver anéantis dans leur fonction.

Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 stipule, dans l’article 377-1 du code civil que le jugement

de délégation peut prévoir, pour les besoins d’éducation de l’enfant, que les père et mère ou

l’un d’eux, partageront tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale avec le tiers

délégataire, ce partage nécessitant alors l’accord du ou des parent(s).

23

A la différence du juge des enfants qui demeure saisi de son dossier jusqu’à une décision de

non-lieu, le jugement du juge aux affaires familiales met fin à sa mission, dès le prononcé de

la décision. Il faudra donc à nouveau le saisir si l’on souhaite une autre décision, notamment

une décision de fin de délégation, qui ne peut être sollicitée que si elle est justifiée de

nouvelles circonstances (article 377-2 du code civil).

Le retrait de l’autorité parentale

Cette procédure est en pratique moins usitée de l’Aide sociale à l’enfance, qui la voit comme

une sanction et répugne à y recourir. Pourtant, les termes des articles 378 et 378-1 du code

civil qui fondent cette atteinte décisionnelle forte prévoient plusieurs cas :

- celui du complément d’une condamnation pénale, si la juridiction criminelle ou

correctionnelle fait usage de la faculté prévue par les textes (qui est devenue une

obligation pour certaines infractions à caractère sexuel),

- celui du désintérêt manifeste pendant plus de deux ans par abstention volontaire des

droits et des devoirs parentaux, après prise d’une décision d’assistance éducative,

- celui, en dehors de la condamnation pénale, de l’attitude parentale incompatible avec

la responsabilité et l’aura décisionnelle : mauvais traitements, consommation

alcoolique (excessive et habituelle) ou toxicomaniaque, défaut de soins ou manque de

direction « mettant manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de

l’enfant ».

Cependant, à la différence de la délégation d’autorité parentale, seul le ministère public, en

sus d’un membre de la famille et du tuteur, peut saisir le Tribunal de grande instance de la

demande de retrait d’autorité parentale. Il appartient ainsi au gardien, s’il n’est déjà tuteur (par

exemple tutelle déférée à l’Aide sociale à l’enfance), de convaincre le Procureur de la

République de l’utilité de l’action, en lui demandant de présenter la demande en son nom

propre mais avec les arguments développés dans son mémoire.

Les procédures sont en apparence claires et la délégation semble dans l’esprit plus positive

que le retrait. Pourtant, mises en perspective avec les besoins en matière de réponses

éducatives, leur force imaginative apparaît insuffisante ou, en tout cas, mal exploitée.

c) Les perspectives

Une solution lourde et peu mise en oeuvre

L’affirmation d’un principe de « co-éducation » possible entre les parents et, par exemple, le

service de l’Aide sociale à l’enfance, en tant que délégataire, a pu laisser imaginer une

passerelle entre les procédures qui concernent l’autorité parentale et celles de la protection de

l’enfance.

Ce principe suppose cependant un accord des intéressés. Par ailleurs, la procédure est soumise

au juge aux affaires familiales, magistrat saisi sur requête des parents ou de celui qui demande

la délégation.

Un questionnaire sur le thème de « la Délégation d’autorité parentale et les enfants protégés »

a été adressé par l’Oned aux juges aux affaires familiales de trente tribunaux de grande

instance. Les magistrats de dix-sept tribunaux l’ont renseigné.

Il en résulte, en premier lieu, que la procédure de DAP est peu utilisée par les particuliers

mais également par les services de l’ASE, les demandes n’étant majoritairement pas fondées

24

sur une durée de placement. La DAP partielle (une partie de l’autorité parentale seulement est

déléguée) concerne en général un seul des deux parents ou porte sur le suivi de la santé et de

la scolarité de l’enfant, les formalités administratives. Quelques cas ont trait au droit de visite

et d’hébergement des parents.

Selon l’enquête, certains parents concernés par les DAP présentent des difficultés sociales,

psychologiques, des conduites toxicomaniaques.

Cinq tribunaux sur les dix-sept ont eu à se prononcer sur des demandes de délégation

d'autorité parentale représentant une première mesure de protection pour un mineur.

Presque tous ont connu ensuite des demandes de restitution de l’autorité parentale.

Le principe de l’organisation d’une co-éducation (autorité parentale partagée) entre les parents

et le délégataire est quasi inconnu.

Si les relations avec le juge des enfants sont réelles, notamment en raison de l’obligation

légale de recueillir son avis sur toute délégation concernant un enfant suivi dans le cadre de

l’assistance éducative, elles n’existent que peu avec le juge des tutelles.

Ce magistrat intervient cependant également auprès de mineurs, notamment en cas de vacance

de l’autorité parentale et a parfois à connaître de la situation d’enfants protégés.

Ces réponses confirment des éléments ressortant de l’interrogation de services de l’Aide

sociale à l’enfance sur le thème de la délégation, selon lesquels cette procédure reste peu

utilisée et, en tout cas, pas dans un but d’intervention en protection de l’enfance ou en

prévention, pour un travail avec les familles en co-éducation dans un effort de partage de

l’exercice de l’autorité parentale. En l’état actuel des pratiques, une demande de délégation

d’autorité parentale sera ainsi davantage le constat de l’échec de l’action éducative, de la

démission des parents dans leur rôle alors qu’une telle démission appellerait au moins en

théorie un retrait de l’autorité parentale. La nécessité d’une suppléance à plein temps justifie

de manière discutable, selon nous, le recours procédural à la délégation.

L’étanchéité des sphères juridiques et éducatives

Les professionnels, mus par une énergie louable, ont fait preuve de réflexion en même temps

que d’imagination pour mettre en oeuvre des solutions intermédiaires, plus nuancées que les

simples mesures prévues par les textes du code civil.

Toutefois, ces modalités d’intervention entre AEMO/AED et placement mettent en question

la place de l’autorité parentale ainsi que le rôle et la responsabilité des services, au-delà du

problème de la qualité de gardien du mineur et de la notion jurisprudentielle du « pouvoir de

direction et de contrôle » exercé sur lui, déjà évoqués dans le premier rapport de l’Oned.

Les nouvelles pratiques liées à la nécessité de faire face à des situations familiales à

problématiques multiples associent prévention et protection. Elles sont fondées sur une

nouvelle approche du travail avec les familles et ont pour objectif de renforcer les capacités

parentales.

Cette logique fait partie de la représentation qu’ont de leur mission bon nombre de travailleurs

sociaux et de professionnels. Il n’est donc pas étonnant de trouver dans leur réflexion sur le

sujet l’idée que la responsabilité de l’enfant étant confiée au service, celui-ci peut, en cas de

désaccord avec les parents, prendre des décisions en lien avec cette responsabilité pour la

santé, la sécurité, la scolarité, les loisirs…13

13 Cf. Sellenet, C., L’enfance en danger, ils n’ont rien vu ?, Belin, 2006, pour le cas du « placement à

domicile ».

25

Force est de rappeler cependant à ce stade, que la législation actuelle ne reconnaît aux

services aucune prérogative en la matière, notamment dans le cadre judiciaire.

Ni une mesure de suivi éducatif en milieu ouvert, ni même une décision de placement

n’impliqueront une délégation visant l’exercice de l’autorité parentale, dont on a vu au surplus

l’aspect frustrant potentiellement ressenti par le mineur concerné. Ces mesures maintiendront

aux seuls parents la responsabilité de toutes les décisions à prendre.

Une mesure de placement dit « à domicile » ou de placement dit « séquentiel » ne se

prononcera au mieux que sur le droit de visite et d’hébergement des parents.

Dans le cadre administratif, la situation dépendra d’éventuelles autorisations consenties par

les parents de manière contractuelle mais il faut constater qu’elles existent rarement, qu’elles

sont potentiellement sujettes à abus et souvent dénuées de toute portée juridique.

Si le projet de loi réformant la protection de l’enfance intègre de nouvelles mesures, en les

nommant de façon adaptée à la prestation proposée au titre de l’accueil (de jour, modulable,

exceptionnel ou périodique dans le cadre d’une mesure en milieu ouvert...), il n’en demeure

pas moins que les notions de co-éducation et de « faire avec » la famille ne reçoivent aucune

traduction juridique.

Il ressort de ce qui précède que les sphères de l’éducatif et de l’autorité parentale demeurent

étanches l’une à l’autre dans les principes. Le problème n’est révélé que lorsqu’un conflit

oppose les titulaires de l’autorité parentale et les intervenants.

Quelle sera ainsi la responsabilité des services qui ont, par exemple, procédé à l’inscription

d’un mineur dans un centre de loisirs ou pour une classe verte ? Cette question a déjà été

soumise aux juridictions en ce qui concerne la responsabilité en qualité de gardien des

services dans le cadre du placement dit « à domicile ». Elle se posera, sans doute, de manière

de plus en plus fréquente pour tous les autres attributs de l’autorité parentale dans le cadre des

mesures innovantes, l’action au plus près des familles et au quotidien entraînant

nécessairement une difficulté à limiter l’intervention éducative aux actes strictement usuels.

Tant les services de l’Aide sociale à l’enfance que les services du secteur associatif attirent

régulièrement l’attention des juges des enfants sur les difficultés occasionnées par les refus ou

les abstentions des parents.

Certains mineurs ne reçoivent ainsi pas les soins ou les suivis qui leur seraient nécessaires

alors même qu’ils sont « protégés » ! Jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme sur la

protection de l’enfance, certaines décisions, dont l’abstention ne remet pas en cause

« l’application de la mesure », ne peuvent trouver force exécutoire au détriment de l’intérêt

d’un mineur.

Les pistes d’évolution possibles

La pratique des juges des enfants relative à l’autorisation du gardien en lieu et place du parent

a trouvé une confirmation législative dans le projet de loi réformant la protection de l’enfance,

dans le seul cas cependant où le refus ou la négligence des détenteurs de l’autorité parentale

met l’enfant en danger. Le projet de loi adopté par le Sénat ne posait plus cette condition de

danger mais celle du caractère exceptionnel de l’autorisation du juge des enfants. Le projet

amendé soumis à l’Assemblée nationale vise, au jour où nous écrivons le présent rapport, le

seul critère d’intérêt de l’enfant. Cela constitue en apparence un élargissement notable mais

aucune précision n’est donnée quant à la forme procédurale de la décision, avec ou sans

audience préalable. Pour une cohérence entre le concept d’intérêt de l’enfant et une utilité

pratique, il conviendrait de permettre que la forme procédurale n’exige plus que chaque acte

26

soit précédé d’une audience contradictoire, la faculté de recours ouverte aux parents

s’estimant lésés suffisant à préserver les droits de la défense puisque le service aurait, de toute

façon, fait la démonstration de la négligence ou du refus parental.

La procédure prévue devant le juge aux affaires familiales pour la délégation d’autorité

parentale semble, par ailleurs, bien lourde et suppose un accord des parents, leur désintérêt ou

encore leur impossibilité. De plus, il n’est pas prévu que la délégation puisse être limitée dans

le temps (par exemple, le temps de la mesure administrative ou judiciaire). Rappelons qu’elle

prend fin par un nouveau jugement, nécessairement sollicité auprès du juge aux affaires

familiales (article 377-2 du code civil).

Plusieurs suggestions peuvent intervenir à ce stade, sur des niveaux de réflexion de différents

ordres :

- Lorsque l’enfant est pris en charge auprès d’une structure au titre d’un accueil administratif,

il ne faut pas oublier les potentialités en matière d’exercice de l’autorité parentale. En effet, si

l’un des parents fait systématiquement obstruction à la prise de décisions nécessaires à

l’éducation quotidienne de l’enfant (inscription scolaire, loisirs), le juge aux affaires

familiales peut décider d’un exercice unilatéral de l’autorité parentale, en lieu et place de

l’exercice conjoint. Pourquoi ne pas appliquer cette possibilité au cas du parent qui fait

obstacle aveuglément à l’opportunité d’accueillir un enfant au sein d’une structure, sur des

périodes ou à la journée ?

- Lorsque l’enfant est pris en charge au titre d’une mesure judiciaire, le principe du partage de

l’autorité parentale entre les parents et le service mandaté (par le juge ou par les parents euxmêmes)

serait de nature à faciliter l’exercice des mesures dans l’intérêt de l’enfant sans priver

les parents de leurs droits.

Un parallèle pourrait être fait avec l’autorité parentale conjointe qui veut que, même au-delà

d’une séparation, l’enfant puisse bénéficier d’une éducation co-dirigée par ses parents,

supposés aptes à une concertation par les moyens qu’ils déterminent, la communication

devant en théorie être antérieure à la décision mais pouvant être postérieure pour des actes

urgents, en vertu du mandat de gestion. Il est intéressant de réfléchir à ce terme de

« conjoint » car il conditionne, en fait, une réflexion commune sur l’intérêt de l’enfant confié,

à laquelle le ou les parents sont supposés pouvoir accéder, si besoin après une aide extérieure

ou par une aide de leur propre choix. Si ce partage de l’autorité parentale prenait la forme

d’une délégation, il conviendrait que le juge compétent reste saisi de l’instance même après le

prononcé de la mesure. La durée maximale des échéances en assistance éducative, fixée à

deux ans (hors le cas du placement auprès d’un tiers digne de confiance), ne serait plus ainsi

une entrave à la formulation d’un projet à long terme, au bénéfice de l’enfant. Par ailleurs, la

mesure de délégation pourrait être revue avant son terme théorique, en cas de changement

situationnel.

- Toujours à un niveau procédural, lorsque la démonstration serait faite que tout travail

éducatif s’avère impossible, non par capacité suffisante de parents déficients, mais par

obstruction systématique, ou volonté de nuire, ou encore abstention volontaire de prendre en

considération les besoins élémentaires de l’enfant, le retrait d’autorité parentale devrait

pouvoir faire l’objet d’une réflexion d’équipe moins entravée par l’idée sous-jacente de

sanction. Malgré le changement de dénomination, le retrait d’autorité parentale reste en effet

encore trop attaché à l’ancien terme de « déchéance », emportant plus jugement de valeur que

conséquence objectivée, tirée d’un constat récurrent donc immobile dans les faits.

27

- Plus largement, à un niveau institutionnel, une solution rationnelle, déjà décrite dans le

précédent rapport de l’Oned, consisterait à consacrer le principe d’un juge unique du

dysfonctionnement familial, qui réunirait en les réaménageant les fonctions de juge des

enfants et de juge aux affaires familiales. Cette solution, outre qu’elle comporterait des

avantages en termes de moyens d’effectifs chez les magistrats, apporterait une plus grande

lisibilité pour les justiciables comme pour les partenaires socio-éducatifs et harmoniserait les

décisions prises dans le parcours des mineurs.

- Toujours au niveau institutionnel, une solution moins radicale, mais plus coûteuse en termes

d’énergie, consisterait à expérimenter l’instauration d’un « pôle décisionnel », réunissant sous

forme de conférences périodiques sur des cas complexes, le juge aux affaires familiales, le

juge des enfants et le juge des tutelles mineurs, en présence du procureur de la République.

Sans doute une telle confrontation pourrait-elle faciliter les passerelles entre dossiers

intéressant des mineurs confrontés à des dysfonctionnements familiaux, et en danger, et

participer enfin à ce que les parcours judiciaires deviennent moins tortueux.

II. Les acteurs institutionnels : la place des associations

Quelle part prend la société civile en France, dans la réflexion, la définition et la mise en

oeuvre de la politique de protection de l’enfance ?

Le système français est très spécifique de ce point de vue et se différencie d’autres pays

européens tels que l’Allemagne que l’on présentera en fin de chapitre.

II.1 - Les associations en France : entre militantisme et

institutionnalisation

Le bénévolat et le militantisme ont fortement contribué à produire l’action sociale à travers

différentes logiques.

a) une évolution historique marquée par l’institutionnalisation

Dans la lignée des institutions de charité prenant en charge le recueil des enfants trouvés, des

oeuvres confessionnelles et privées appuyées par des philanthropes, des sociétés de

bienfaisance et de patronage, des oeuvres diverses (patronages pour les délinquants, comités

de défense des mineurs traduits en justice, sociétés de sauvetage pour la préservation des

enfants victimes), les oeuvres privées se rattachent petit à petit au régime associatif de la loi

de 1901.

La loi du 1er juillet 1901 relative « au contrat d’association » le définit comme « une

convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, de façon

permanente, leurs connaissances et leurs activités dans un but autre que de partager les

bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicable

aux contrats et obligations ». Cette loi couvre deux principes fondamentaux : la liberté

individuelle pour les particuliers, les personnes privées de constituer un groupement afin de

constituer une personne morale ; la liberté, une fois l’entité créée, de se développer et

d’exercer l’activité choisie.

28

La construction de certaines associations se rattache historiquement à la mise en place d’une

action volontaire en vue d’apporter une réponse concrète et selon une certaine philosophie à

un problème précis. Les associations subsistent alors principalement par l’engagement de

leurs membres. Le financement relève des cotisations des adhérents, de dons, de collectes, de

subventions d’origines multiples.

Au XIXème siècle, des congrégations sont à l’origine de l’ouverture d’orphelinats, telle la

congrégation Saint Joseph à Vienne (Isère). Ultérieurement, des associations ont été créées à

l’initiative de personnalités philanthropes, soucieuses de faire progresser un type d’actions en

direction d’un public spécifique d’enfants « déshérités ». C’est le cas de « l’oeuvre » fondée

par le Docteur Grancher en vue d’organiser les placements nourriciers à la campagne

d’enfants de familles tuberculeuses ou de l’association créée, entre autres, par Olga Spitzer

dont le but est « d’effectuer des enquêtes et des démarches dans l’intérêt des enfants

délinquants ou difficiles ».14

D’autres associations « militantes » visent à alerter l’opinion publique sur le phénomène de

l’enfance maltraitée (associations d’aide aux mineurs victimes ou à leurs parents) ou à oeuvrer

pour le développement d’études et de recherches à caractère scientifique (AFIREM). Les

premières se sont souvent construites en opposition aux dispositifs officiels sur la base de la

dénonciation de ce qu’elles considéraient comme les carences et les négligences des services

publics ou habilités de la protection des mineurs. Sur le plan politique et médiatique, elles ont

été les premiers acteurs du système français à utiliser de manière offensive l’appui de

personnes issues du monde du spectacle ou de l’économie marchande15.

Il existe également quelques associations d’usagers comme le « Fil d’Ariane », créé en 1998

en région parisienne, association de prévention et de soutien des familles dans le placement

d’enfants disposant de trois antennes régionales (Pays de Loire, Limousin, Nord Pas de

Calais).

Néanmoins, ces associations d’usagers sont faiblement présentes dans le champ si l’on

considère ce qui existe dans d’autres pays européens. A la notable exception des associations

départementales de pupilles et anciens pupilles de l’Etat, dont l’existence et le soutien par les

pouvoirs publics sont prévus à l’article L 224-11 du code de l’action sociale et des familles, le

mouvement associatif est peu investi par les personnes « bénéficiaires » et « usagers » de la

protection de l’enfance qui sont peu soutenues dans cette démarche. Il est peu soutenu par les

pouvoirs publics.

Michel Chauvière observe que, dès 1943, une première politique sectorielle du ministère de la

Santé en matière « d’enfance difficile » s’affirme. Elle prend une forme stratégique, très

originale à cette date, par la création des Associations régionales de sauvegarde de l’enfance

et de l’adolescence -ARSEA-. Leurs statuts leur fixent comme but « la sauvegarde de

l’enfance et de la jeunesse et la coordination des associations qui poursuivent le même but ».

« Sur le plan doctrinal, elle s’appuie sur un Conseil technique de l’enfance déficiente et en

danger moral16 », créé par arrêté du 25 juillet 1943.

Jusqu’en 1944, dix associations régionales ont ainsi été créées sur l’ensemble du territoire,

associations qui reçoivent leurs directives et leurs subsides du ministère de la Santé.

14 Becquemin M., Protection de l’enfance. L’action de l’association Olga Spitzer, Ed. Erès, 2003

15 Grevot A., Voyage en protection de l’enfance, CNFE-PJJ, 2001.

16 Chauvière M., « Question pour un non-évènement : quelles alternatives à l’Education surveillée en 1945 ? »,

Le temps de l’histoire, n°1, La protection de l’enfance, Regards, 1998.

29

Bien que relevant de la loi 1901, les ARSEA ont un statut particulier. En effet, des

fonctionnaires sont imposés comme membre de droit dans les conseils d’administration. Autre

fonction, et c’est de cette manière que les ARSEA endossent une mission de service public,

elles se voient confier la charge de « l’intégration et de la modernisation par le biais de

l’affiliation de tout le secteur d’initiative privée ainsi que des établissements publics… »17.

Les statuts de ces ARSEA mobilisent des représentants des Ministères (Santé publique et

population, Justice, Education nationale, Santé) et par la suite ceux de la Sécurité sociale.

Le Conseil technique de l’enfance déficiente et en danger moral a pour mission « d’établir le

statut de l’enfance déficiente et en danger moral et de fournir dans toutes les circonstances où

l’enfant déficient a besoin d’être assisté, les techniques et les méthodes qui permettent

d’assurer son dépistage, son observation et son reclassement dans la vie sociale ».

Le travail de ce conseil aboutit à la loi du 3 juillet 1944, relative à la protection des mineurs

déficients et en danger moral, qui définit un système global de prise en charge de l’enfance

inadaptée avec les ARSEA comme appui institutionnel ainsi qu’à la loi du 5 juillet 1944

relative au remboursement aux institutions privées des frais d’entretien et d’éducation des

mineurs en danger moral et des enfants « anormaux ». Après des subventions aléatoires, le

remboursement des frais est ainsi fixé. L’État, suite aux initiatives des ARSEA dans des

régions pilotes, décide de revoir les statuts de ces groupements et de les utiliser plus

largement comme moyen d’action.

Au même titre, dans le secteur de la formation, le premier « stage » de « l’école des cadres »

en 1943, d’abord intégré dans un complexe géré par la Préfecture de la Seine, n’a pu se

pérenniser que grâce à son passage vers le secteur associatif. Le secteur associatif s’implante

rapidement dans le champ de la formation et développe ainsi deux axes prioritaires :

- susciter et pérenniser des structures,

- former et qualifier des intervenants (travailleurs sociaux)18.

Les décrets des 14 et 30 juillet 1964 permettent de regrouper quatre directions ou services

(relevant de trois ministères) qui se trouvaient au sein de chaque département : la direction

départementale de la santé, la direction départementale de la population, la division de l’aide

sociale, le service de la santé scolaire. Ce regroupement prend le nom de Direction de l’action

sanitaire et sociale -DDASS-. C’est dans ce cadre que vont se développer pendant vingt ans

les actions sanitaires et sociales avec un renforcement du personnel de l’Etat et des

départements. Ce regroupement vise à favoriser la cohésion des actions conduites sur le

terrain.

Dans le même temps, le ministère de la Santé publique et de la population souhaite

généraliser l’expérience des ARSEA. L’arrêté du 22 janvier 1964, crée dans chaque région un

centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptée -CREAI- et lui fixe trois missions :

- animation du réseau associatif,

- aide technique aux établissements,

- gestion directe d’établissements et de services.

Les CREAI doivent également jouer un rôle important dans le domaine de l’information et de

la formation.

17 Ibid.

18 Kegler H., Protection de l’enfance et justice des mineurs : le secteur associatif à l’épreuve de l’innovation,

Actes des journées d’études de la FN3S, 1995

30

Les ARSEA s’effacent ainsi au profit des CREAI, la gestion des établissements et services

revenant principalement aux ADSEA.

b) Une place juridiquement encore en construction

Au fur et à mesure que les associations sont amenées à gérer des prestations, les pouvoirs

publics définissent les principes qui régulent leur articulation avec ces dernières :

- principe de l’agrément et de l’habilitation : les deux termes recouvrent sensiblement

les mêmes choses. Ce sont des actes unilatéraux. Sur la base d’une habilitation légale,

l’administration attribue ou refuse cet agrément ou habilitation en fonction de normes

fixées par elle,

- principe du conventionnement : il formalise un engagement réciproque après

négociations entre les parties sur un objectif. Il garantit à l’association le financement

et les moyens nécessaires à la réalisation d’un projet,

- principe du contrôle qui a notamment pour objectif de s’assurer des conditions

matérielles et morales de prise en charge des mineurs.

Dans le champ de la protection de l’enfance, les associations ne sont cependant pas

positionnées de la même manière selon leurs interlocuteurs publics : elles peuvent être

mandataires des juges des enfants qui leur confient directement l’exécution de mesures

d’assistance éducative et, le cas échéant, sur une autre partie de leur activité, prestataires de

services pour les départements qui leur délèguent la prise en charge de mesures. Que leurs

responsabilités soient directes ou non, elles ont un seul interlocuteur chargé de financer les

mesures de protection de l’enfance qui est aujourd’hui le département.

Si le code de l’action sociale et des familles place sous la protection conjointe du juge des

enfants et du président du Conseil général les mineurs retirés à leurs familles et confiés à une

institution privée (art. L. 227-2), il n’impose pas l’information systématique du président du

Conseil général dans le cas d’exécution d’une mesure de milieu ouvert confiée par le juge à

une structure associative. Le projet de loi réformant la protection de l’enfance prévoit de

remédier à cette lacune (art. 10).

Au titre de leur mission de prestataire de l’Aide sociale à l’enfance, les associations assurent

donc la gestion d’établissements et de services, les liens avec les usagers. Sont-elles pour

autant délégataires d’une mission de service public ? Dans quelle mesure doivent-elles

respecter les missions de service public telles que l’obligation d’égalité de traitement des

usagers dans la même situation, de continuité de service ?

Sur ces aspects, le lien juridique entre les associations et les départements n’est pas précisé.

Ne sont pas suffisamment clarifiées en particulier les responsabilités réciproques du

département à qui l’enfant est confié par le juge des enfants et de l’association à qui le même

département demande d’en assurer la prise en charge. En témoigne la diversité des contenus et

des modalités de délégation des Conseils généraux qui affectent la mission des « référents

Aide sociale à l’enfance », mission diversement formalisée selon les lieux. Entre les

configurations où le département procède à une délégation intégrale de sa compétence de

« gardien » sur l’enfant et celles où un référent ASE intervient quasiment en doublon de

l’établissement ou du service, un certain nombre de départements réfléchissent à des

organisations de travail permettant de combiner la nécessaire autonomie des services

s’occupant de l’enfant et la responsabilité juridique de l’Aide sociale à l’enfance à qui le

mineur a été confié.

31

Au fur et à mesure de la professionnalisation des missions de protection de l’enfance, se sont

créées des associations catégorielles par type de prise en charge ayant pour objectifs à la fois

de défendre un certain type d’intervention éducative (le milieu ouvert, le placement

familial...) et de militer pour une philosophie de l’action (défense des droits des personnes au

sein du système de protection de l’enfance) : création du Carrefour national de l’AEMO

(CNAEMO) en 1979 et de l’Association nationale des placements familiaux (ANPF) en

1988...

Ainsi, la dynamique associative se trouve structurée par des logiques de prestations et de

métiers liées à chaque établissement. L’outil d’intervention (placement familial, internat,

milieu ouvert) donne sens à l’organisation entière. Le public est engagé dans des filières

spécifiques dans lesquelles la continuité et la cohérence du projet de vie se trouvent réduites.

Ce cloisonnement au niveau du dispositif territorial provoque un décalage par rapport aux

avancées réglementaires et légales (notamment en termes de droit des usagers), ainsi que par

rapport à l’évolution de la demande sociale autour de nouveaux besoins des jeunes et de leurs

parents.

Selon les départements, les associations et leur diversité sont plus ou moins représentées. Le

chiffre de 80 % de prises en charge exercées par le secteur associatif est souvent cité.

L’actualisation du fichier FINESS19, organisée par la Direction de la recherche, des études, de

l’évaluation et des statistiques (DREES) en collaboration avec les DRASS20 permet d’estimer

la part de l’associatif en termes d’accueil en établissement concourant à la protection de

l’enfance. Ainsi, en 2006, 77 % des places offertes par des établissements accueillant des

enfants et des jeunes dans le cadre de la protection de l’enfance sont privées, dont 65 % sont

associatives (Associations Loi 1901 et Associations de Droit local21). La capacité des maisons

d’enfants à caractère social -MECS- (75% de la capacité totale d’accueil en établissements)

est privée à hauteur de 94% dont 80% dans un cadre associatif, alors que 98% des places

offertes par les foyers de l’enfance (19% de la capacité d’accueil) sont publiques. Les 3% de

places restantes sont mises en oeuvres par les pouponnières à caractère social (46% de places

privées dont 26% dans le cadre d’associations), les lieux de vie (100% de places privées dont

91% dans le cadre d’associations) et les villages d’enfants (100% des places sont

associatives). Afin d’avoir une idée complète de la place des secteurs associatif et public en

termes d’intervention en protection de l’enfance, cette analyse demanderait à être complétée

par la connaissance de la répartition du placement familial et des mesures de milieu ouvert

entre les deux secteurs22.

II.2 - Les défis auxquels sont confrontées les associations

Au fil des années, les associations se sont organisées, structurées, professionnalisées et ont

acquis une technicité évidente, une créativité. Elles ont perdu, dans le même temps, une part

de leur identité associative et de leur engagement militant.

19 Fichier national des établissements sanitaires et sociaux

20 Direction régionale des affaires sanitaires et sociales

21 En Lorraine et en Alsace.

22 Selon l’enquête sur les bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance de 2004 (Drees), 55% des enfants bénéficiant

d’une mesure d’accueil gérée par l’ASE (Décision administrative de placement ou placement confié par le juge

des enfants à l’ASE) sont placés dans une famille d’accueil. Par ailleurs, 50% de l’ensemble des mesures en

protection sont des actions en milieu ouvert (Cf. Chapitre 2, Titre I).

32

Le militantisme des associations suppose une capacité à développer une pensée, une

élaboration propre. Il nécessite l’engagement gratuit de personnes dans cette démarche. Or,

bien que leur mise en place soit facilitée par les souplesses de la loi de 1901, l’existence des

associations dans la durée est conditionnée par la nécessité de développer et de diversifier leur

activité. Plus les fonds propres d’une association sont restreints, plus son existence dépend de

l’activité de gestion de services et la conduit à toujours devoir penser à l’adéquation et à la

diversification des prestations proposées.

La nécessité de développer des activités rémunérées a pu entraîner une moindre présence

« politique » des associations dans des débats sur le sens des actions menées en même temps

que l’on assistait à une « évolution du militantisme social au cours des dernières années »23.

Une question se pose alors pour ces associations : comment poursuivre leur action militante

au fur et à mesure qu’elles développent une activité rémunérée ? De plus, les associations

impliquées dans la protection de l’enfance sont aujourd’hui confrontées à trois évolutions

majeures :

a) L’impact de la décentralisation qui intervient plus de vingt ans après le

transfert des compétences

La décentralisation a renforcé le rôle des élus locaux dans la conduite des politiques sociales

en confiant une large compétence aux départements.

Néanmoins, comme le soulignait A. Grevot24 en 2001, « si le processus de décentralisation

des années 1980 a transféré de l’Etat aux départements, la compétence en matière d’action

sociale, on doit constater que, faute d’une réelle légitimité sociale dont bénéficient en la

matière les collectivités locales de la plupart de nos pays voisins, les départements sont restés

avant tout centrés sur la gestion administrative et financière d’un dispositif de moyens, plutôt

que sur l’élaboration, le suivi et l’évaluation d’orientations affirmées de politiques de

prévention et de protection de l’enfance ».

Le rôle du Conseil général comme chef de file de l’action sociale sur le territoire

départemental a été renforcé par la loi du 13 août 2004. Concrètement, pour les associations

cela implique qu’elles ne relèvent plus d’une autorité unique et qu’elles doivent rendre

compte de leur notoriété auprès de chaque autorité des départements dans lesquels elles sont

implantées.

Actuellement, les associations dont l’activité s’exerce sur plusieurs départements ou régions

expriment une inquiétude au regard des politiques départementales qui viseraient à fixer pour

les internats et services éducatifs « des quotas minima d’enfants du département » accueillis

dans l’établissement. Même si chaque département verse un prix de journée en fonction des

enfants qu’il confie, des difficultés peuvent se présenter du côté de la prise en charge de

dépenses d’investissement pour la réhabilitation de locaux et de l’accès à des emprunts. Si le

nombre d’enfants du département accueillis est trop minime, la question de l’existence du

service peut se poser.

23 Ion J., La fin des militants ?, Paris, Ed. de l’Atelier, 1997.

24 Grevot A., Voyage en protection de l'enfance une comparaison européenne, Éditions CNFE-PJJ, 2001

33

b) L’interpellation sur l’évaluation de l’action

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a rendu l’existence et

l’évolution des services et établissements associatifs dépendantes de la volonté publique. En

effet, c’est dans le cadre exclusif d’une autorisation publique, liée à l’analyse et à l’état des

besoins du département conformément au schéma départemental, qu’une association pourra

mettre en oeuvre des prestations.

Par ailleurs, cette même loi pose pour la première fois des obligations d’évaluation interne et

externe de l’activité et de la qualité des prestations fournies. Les résultats des évaluations

devront être communiqués à l’autorité ayant délivré l’autorisation, son renouvellement étant

conditionné par les résultats de l’évaluation externe.

Outre le fait qu’en France la question de l’évaluation soit apparue, dans ce champ, d’une

manière récente et soudaine et qu’elle pose des problèmes techniques de mise en oeuvre, les

intervenants craignent la mise en place d’un modèle économique de l’évaluation fondé sur le

seul rapport coût/bénéfice.

c) La pression des financements

Face aux charges financières des départements dans l’ensemble du champ social, avec

notamment la hausse des dépenses liées au vieillissement et au handicap, la question des coûts

de prise en charge renforce la nécessité d’avoir un retour sur la qualité des actions menées.

De plus, les départements contestent le fait d’être considérés uniquement comme financeurs et

demandent des retours d’information systématiques relatifs aux prises en charge.

Se pose également la question de la rationalisation des fonctionnements au niveau des

responsabilités réciproques du service gardien et du service chargé d’accueillir l’enfant

(exemple de réflexion menée dans certains départements pour clarifier le rôle des référents

ASE par rapport à celui des institutions qui prennent en charge l’enfant au quotidien).

De leur côté et bien qu’elles soient consultées sur des projets par les financeurs, les

associations se sentent souvent considérées comme de simples opérateurs, prestataires de

service. Leur sentiment est de ne pas avoir une force de proposition suffisante au plan local et

national. « Faute d’une inscription dans des dynamiques sociales fortes, comme celle des

charities anglaises ou des associations liées aux mouvements sociaux piliers de la vie civile

allemande ou belge, les associations françaises, pourtant historiquement à l’origine de

beaucoup d’initiatives en matière de protection de l’enfance, n’incarnent pas le contrepouvoir

face aux pouvoirs publics. »25

Pour diversifier les prestations et les organismes chargés de les mettre en oeuvre, les

départements recourent depuis peu à des formes de mise en concurrence, proches de celles du

secteur industriel et commercial. Il semble que la commande de services ou d’établissements

relevant des missions de protection de l’enfance soit régie par l’article 30 du code des

marchés publics c’est-à-dire d’une procédure « adaptée » : chaque collectivité définit sa

procédure de mise en concurrence et doit respecter les principes de transparence, de liberté

d’accès et d’égalité de traitement avec une notion de publicité de la commande.

Ceci exclut, en l’état actuel du droit, l’idée d’une procédure extrêmement simplifiée et proche

d’un accord de gré à gré.

25 Grevot A., Voyage en protection de l’enfance, CNFE-PJJ, 2001.

34

II.3 - Dans ce contexte, trois types de stratégie sont développés par les

associations

a) Construire leur spécificité

Certaines associations maintiennent leur activité militante en mettant l’accent sur une

spécificité qui leur est propre et qui leur permet d’avoir une identité bien repérée. Par

exemple, l’Oeuvre de secours aux enfants (OSE) a pour perspective de travailler les

répercussions des questions d’exil, de transplantation, de déracinement ; SOS villages

d’enfants s’est spécialisé dans l’accueil de fratries et la réflexion scientifique s’y rattachant.

Pour un établissement qui développe une spécificité, la question des quotas d’enfants du

territoire évoquée ci-dessus, peut représenter un vrai risque si les besoins du département ne

correspondent pas au seuil de viabilité de l’établissement. Cette situation pourrait aboutir à

une fragilisation, voire à la fermeture de la structure.

Afin de porter leur spécificité ou leur action militante, les associations sont confrontées à la

nécessité de mobiliser leur personnel « politique », c’est-à-dire les membres du conseil

d’administration. Ainsi l’Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés

sanitaires et sociaux (UNIOPSS) mène une réflexion sur la question de la « gouvernance »,

visant à la formation des administrateurs. La « gouvernance » se veut une démarche

d’ensemble permettant d’améliorer et de rendre plus sûrs la conduite, la gestion et le

fonctionnement des organismes sans but lucratif. Dans les faits cependant, les personnels

dirigeants des services associatifs semblent plus présents sur les réflexions de fond -y compris

via leurs propres organisations de représentation- que les administrateurs des associations.

b) Développer un maillage au plan local en se faisant reconnaître par le

département et en favorisant des synergies avec les autres partenaires

On assiste ainsi à des regroupements au plan local du secteur associatif gestionnaire

d’équipements en vue de constituer une force de réflexion et de proposition au niveau

départemental. Sans prétendre à l’exhaustivité, l’Oned a constaté l’existence de tels

regroupements selon des modalités relativement formalisées notamment dans deux

départements.

L’ « inter association 44 » -I.A.44- regroupe les 17 associations intervenant dans le dispositif

de protection de l’enfance de Loire-Atlantique. Ces associations se rencontrent depuis plus de

dix ans pour partager leurs préoccupations et réfléchir ensemble à l’amélioration de leurs

missions, et ce, en lien avec l’évolution des besoins.

Ce regroupement n’a pas de personnalité morale spécifique, une réunion générale a lieu tous

les deux mois, chaque association étant représentée par un binôme (un membre du Conseil

d’administration et un directeur de l’association).

Différents groupes de travail sont actuellement organisés concernant :

- le partage des orientations politiques associatives en terme « d’union militante »,

- l’analyse des projets respectifs de chacun pour rendre plus visible l’offre d’ensemble

et chercher à la faire évoluer vers plus de cohérence en déclinant le concept « d’offre

coordonnée »,

- l’élaboration d’une charte de reconnaissance respective et d’engagement réciproque en

direction des différents partenaires.

35

L’échange lors de ces rencontres vise à trouver des accords d’objectifs et de méthode afin

d’établir un plan d’action, de le conduire et de le faire évaluer.

Un état des lieux de l’offre de places et des prix de journée dans le département a ainsi été

effectué.

L’IA 44 souhaiterait engager un travail avec l’ensemble des acteurs essentiels de la protection

de l’enfance (Conseil général, Protection judiciaire de la jeunesse, magistrats, etc.) du

département.

Le « réseau 38 » regroupe les 18 associations de protection de l’enfance de l’Isère

(établissements et services de milieu ouvert), hormis deux associations de prévention. Il est

longtemps resté informel, piloté au départ par l’URIOPSS, et est devenu une association en

2001.

Le réseau 38 organise trois assemblées générales par an et met en place des commissions

techniques (actuellement sur l’évaluation et la formation). Des réflexions ont également lieu

concernant les questions de tarification, d’accueil d’urgence...

Il participe à l’élaboration du schéma départemental à trois niveaux : comité stratégique,

comité technique, comité de pilotage des établissements et des services. A partir de ce dernier,

s’organisent les différents chantiers du schéma. Ce comité de pilotage est divisé en différentes

commissions de travail, animées par trois personnes : un représentant de la Direction enfance

famille, un du réseau 38 et un de la PJJ. Le réseau 38, par sa place actuelle, est très présent

dans la structuration et la réflexion autour du schéma.

Parallèlement au schéma, des ateliers de travail regroupant des salariés du département se sont

mis en place. Une charte d’engagement réciproque existe dorénavant entre le département et

le Réseau 38.

Ces regroupements inter-associatifs permettent d’effectuer un état des lieux, un diagnostic,

une analyse et d’élaborer les moyens à mettre en oeuvre. Les propositions d’orientation sont

effectuées à l’échelle du territoire, de manière transversale et en articulation entre les acteurs.

Ce n’est que dans ce sens que les associations peuvent prendre pleinement leur place de

partenaires dans l’élaboration de la politique départementale. En l’absence de tels réseaux,

chaque structure associative se positionne par rapport à ses propres enjeux ce qui limite la

possibilité d’influer sur les orientations générales.

Les choix et orientations territoriaux appellent une coordination entre le secteur public et le

secteur privé. Dans cette optique, la clarification des missions et rôles du secteur public et

associatif est en réflexion de part et d’autre.

Que le réseau soit formel ou informel, cette construction inter-associative assure, par un

partage des responsabilités et une mutualisation des moyens, une viabilité de certaines

« petites » associations. Par exemple, ces dernières n’ont souvent pas les moyens de

construire, seules, des outils d’observation et d’évaluation. Le réseau permet une réflexion

commune, de tester ces outils ensemble, de les formaliser, ce qui évite notamment les

phénomènes de saturation. Ce partage de savoirs et de responsabilités dans le cadre du

partenariat va même, dans certains secteurs, jusqu’à la mise en place de formations

communes.

La mutualisation des moyens entre associations devrait être facilitée par le décret n° 2006-413

du 6 avril 2006 qui prévoit de nouvelles formes juridiques pour ce type de projets, telles que

le groupement de coopération sociale ou médico-sociale.

Cette volonté de coordination plus fine des interventions, entre partenaires oeuvrant dans le

même champ ou dans des champs voisins, vise également à bâtir des axes de développement

complémentaires. Par la mise en place de groupes de travail thématiques, les associations

36

regroupent des savoir-faire jusqu’alors cloisonnés et dans lesquels elles perdaient ainsi une

partie de leur identité associative. Cette tendance permet de s’engager dans un état des lieux

au niveau départemental afin de bâtir des axes de développement, de réponses face à des

problématiques, de mettre en évidence les manques mais également de proposer des pistes de

progression.

Ainsi, la prise en compte du décalage entre la structuration du système par prestations et les

besoins des familles amène les associations à s’interroger sur les changements à introduire

dans l’offre de services pour mieux répondre à ces évolutions d’ordre social et politique, et ce,

notamment par une mutualisation de leur action. L’orientation actuelle, pour les associations

de certains territoires, est donc de ne plus se centrer uniquement sur les usagers de leurs

établissements mais de prendre en compte l’ensemble de la population par une coordination

des interventions. L’amont et l’aval des interventions ainsi que les liens entre celles-ci sont au

centre des préoccupations visant à proposer une démarche qualité dans une vision

transversale.

Les réseaux inter associatifs et regroupements doivent cependant rester liés aux coordinations

nationales afin de prolonger une réflexion cohérente au niveau national voire européen.

c) Se constituer en fédération au niveau national

Au cours des années 2005-2006, la concertation développée par le ministère chargé de la

famille autour du projet de loi réformant la protection de l’enfance ainsi que le projet de loi

relatif à la délinquance ont été l’occasion pour le secteur associatif de réfléchir à la place qu’il

occupe et à sa nécessaire structuration pour être force de propositions.

Une réforme structurelle de la protection de l’enfance est reconnue comme nécessaire par

l’ensemble du secteur associatif. Elle est vécue comme une opportunité pour faire évoluer les

modes d’animation, le pilotage et la coopération des professionnels.

La structuration du secteur associatif s’est ainsi effectuée par une fédération des principales

« têtes de réseaux » leur permettant d’occuper une place significative dans le débat. La

principale initiative au niveau national est la constitution de la Coordination des associations

de protection de l’enfance (CNAPE). Cette confédération associative, créée à la fin 2005-

début 2006, regroupe des fédérations sectorielles représentant chaque forme de prise en

charge dans le champ de la protection de l’enfance (l’Association nationale des placements

familiaux, le Carrefour d’échanges techniques de la tutelle aux prestations sociales enfants,

Citoyens et justice, le Carrefour national de l’action éducative en milieu ouvert, le Comité

national de liaison des Associations de prévention spécialisée, la Fédération nationale de la

médiation familiale, la Fédération nationale des services sociaux spécialisés de protection de

l’enfance et de l’adolescence en danger, l’Union nationale des associations de sauvegarde de

l’enfance, de l’adolescence et des adultes).

Sans y appartenir, le Groupement national des directeurs généraux d’associations (GNDA)

contribue à la CNAPE, par l’invitation de ses membres à participer à certains travaux en

qualité de personnes qualifiées.

S’appuyant sur l’expérience des associations, la CNAPE a proposé une contribution au débat

national sur la réforme de la protection de l’enfance avec comme principe « de faire revivre

les fondements de la protection de l’enfance en plaçant l’enfant au centre du débat,

d’articuler les fonctionnements et les décisions dans une complémentarité des approches et

37

des compétences entre l’Etat, les collectivités locales, les magistrats et les associations afin

que chacun puisse exercer pleinement ses responsabilités ».

L’objectif est de redonner du sens à l’action et de renforcer l’identité associative en lien avec

les « savoir-faire » qui restaient jusqu’alors cloisonnés dans le champ.

Par ailleurs, l’UNASEA a voté lors de son assemblée générale du 18 mai 2006 le principe de

son adhésion à l’UNIOPSS. Un bilan de ce rapprochement devrait être présenté en 2008. Les

branches régionales de l’UNASEA deviendront-elles une branche spécialisée « protection de

l’enfance » de l’URIOPSS sur certaines régions ?

Cette capacité associative à s’investir dans les débats de société, à éclairer le champ de la

politique suite à l’expertise de terrain, à alimenter les débats et à contribuer ainsi à des

orientations est un enjeu actuel aussi bien au niveau interne qu’au niveau européen où les

associations prennent une place dans les instances de réflexion sur les politiques de l’enfance

et de la famille (Cf. la participation d’EURO-CEF au comité d’experts du Conseil de

l’Europe).

La place des associations dans le secteur de l’aide a l’enfance en Allemagne

Répartition des mesures entre secteurs public et associatif

En Allemagne, les interventions permettant de mettre en oeuvre les missions de l’aide à la

jeunesse, sont réparties en trois catégories26 :

- les mesures « ambulatoires » regroupant les consultations éducatives, le soutien familial,

l’aide dans les situations d’urgence…,

- les mesures « semi-stationnaires » regroupant le soutien d’enfants et de jeunes dans les

institutions de jour, le suivi intensif individuel (peut alterner les mesures ambulatoires et

stationnaires)27 ; le travail avec la jeunesse (loisirs, prévention), les groupes de vie de semaine

(sans prise en charge le week-end) ;

- les mesures « stationnaires » regroupant les aides éducatives hors du milieu familial

(placement familial, foyer, appartements collectifs…).

Au 31 décembre 2002, 318 768 places existaient dans le domaine de l’aide à la jeunesse, dont

plus d’un tiers dans le domaine très large, du travail avec la jeunesse (centres de loisirs etc.).

Parmi ces places, 38 008 (11,92%) relevaient de structures publiques gérées directement par

les services de la jeunesse et 280 760 (88,07%) relevaient du secteur associatif ou privé.

26 Bundesministerium für Familie, Senioren, Frauen und Jugend (2002) 11. Kinder- und Jugendbericht. Bericht

über die Lebenssituation junger Menschen und über die Leistungen der Kinder- und Jugendhilfe in Deutschland,

Berlin, p. 131-133

27 Le suivi individuel intensif, prévu à l’art. 35 de la loi de 1991, est une forme d’aide flexible s’adressant à des

jeunes et jeunes majeurs (14 - 21 ans) ayant besoin, en raison de la complexité de leur situation, d’un suivi à long

terme et particulièrement intensif, afin de surmonter des situations de crise. Le suivi est « coupé sur mesure » en

fonction des ressources et des besoins du jeune. Il peut se présenter sous forme ambulatoire ou stationnaire, ou

encore, alterner les deux formes. Ce suivi demande une planification et des révisions régulières et attentives.

38

En termes de structures et services : il existait 28 286 structures et services délivrant des

prestations dans le cadre de l’aide à la jeunesse, dont : 7 468 (26,4%) services gérés par les

autorités publiques et 20 818 (73,59 %) gérés par des organismes associatifs/privés28.

Comme dans le système français, en Allemagne la majorité des mesures d’assistance

éducative sont réalisées par le secteur associatif, le financement étant à la charge des pouvoirs

publics.

Relations entre associations et autorités publiques

Le secteur associatif est représenté par six regroupements reconnus au niveau fédéral, dont

trois unions confessionnelles (catholique, protestante, juive), l’union des travailleurs, l’union

paritaire regroupant de nombreuses petites associations et la croix rouge allemande.

Les autorités publiques ont la responsabilité de l’aide à la jeunesse à différents niveaux29:

- niveau fédéral : le gouvernement fédéral rend un rapport sur la situation des jeunes et les

objectifs et résultats de l’aide à la jeunesse, par période législative. Le gouvernement est

conseillé par une commission constituée de 20 scientifiques et représentants des unions des

communes, des associations, des syndicats, des unions d’employeurs, des mouvements de la

jeunesse et de la jeunesse politique.

- niveau des Länder : la haute autorité pour la jeunesse du Land (rattachée à un ou plusieurs

ministères selon les Länder) assure un soutien de l’activité de l’aide à la jeunesse et de son

développement et opère la validation des compétences des autorités locales dans le domaine

de l’aide à la jeunesse.

- les autorités régionales : les services de la jeunesse du Land ont des compétences

consultatives, de soutien pour des projets-pilotes et l’évolution des activités de l’aide à la

jeunesse, des formations continues, ainsi que pour la protection des enfants et des jeunes en

institution et l’autorisation des associations à prendre en charge la tutelle d’enfants.

- les autorités locales : les services locaux de la jeunesse sont composés de la commission de

l’aide à la jeunesse et de l’administration de l’aide à la jeunesse.

La commission est composée de membres votants dont 3/5 sont des membres de l’assemblée

des élus locaux ou délégués par elle et 2/5 sont choisis par l’assemblée sur proposition des

associations de l’aide à la jeunesse. Les membres consultatifs sont des représentants des

églises et de la communauté juive, des écoles, un médecin du service de la santé, un magistrat

aux tutelles, aux affaires familiales ou de la jeunesse, le directeur de l’administration du

service de la jeunesse et le directeur de l’administration de la collectivité territoriale. Cette

commission a pouvoir de décision sur les affaires de l’aide à la jeunesse, la répartition des

finances, la planification de l’aide à la jeunesse, le soutien au secteur associatif.

L’administration de l’aide à la jeunesse est composée du directeur, de pédagogues, de

travailleurs sociaux et de personnels administratifs. Ce sont ces services locaux qui réalisent

les fonctions de prévention, de protection, de prise en charge des enfants et des jeunes, en

gérant les affaires quotidiennes.

28 www.destatis.de: Kinder- und Jugendhilfestatistiken - Sonst. Einr. i.d. Kinder- u.Jugendhilfe (o.Tageseinr. f.

Kinder) am 31.12.2002.

29 Fieseler G. , Herborth R., Recht des Familie und Jugendhilfe, Luchterhand, p. 111, 2001.

39

La loi garantit ainsi aux associations une place formelle dans les prises de décisions

concernant la planification de l’aide à la jeunesse aussi bien au niveau fédéral, qu’au niveau

local.

La loi de l’aide à l’enfance et à la jeunesse de 1991 pose trois principes fondamentaux

concernant les rapports entre les associations et les autorités locales dans le champ de l’aide à

la jeunesse 30 :

- principe de partenariat : le partenariat entre autorités publiques (services de la jeunesse) et

associations, concerne les accords sur les prestations et sur leurs coûts ainsi que la

planification de l’aide à la jeunesse. Le lieu du partenariat est la commission d’aide à la

jeunesse au niveau local.

Les autorités publiques sont sommées de respecter l’autonomie des organismes

associatifs/privés, en termes d’objectifs (concepts, modes de travail), de mise en oeuvre de la

mission, d’organisation du travail. Ainsi, la responsabilité de l’autorité publique ne s’applique

qu’à la légalité de la mise en oeuvre de la mission alors que les standards professionnels de la

mise en oeuvre relèvent de la responsabilité de l’association. L’autorité publique est impliquée

dans l’élaboration des plans d’aide individuels mais non dans leur mise en oeuvre.

- principe de subsidiarité : les autorités publiques ne réalisent pas les interventions qui sont

mises en oeuvre par le secteur privé/associatif. Ce principe s’inscrit dans la tradition de limiter

les interventions publiques afin de favoriser les actions d’entraide privées. Par ailleurs,

l’autorité publique doit veiller à l’existence d’une pluralité de l’offre d’aide afin que les

usagers puissent faire usage de leur droit de choisir, dans la limite de coûts équivalents.

- principe de soutien : les autorités publiques ont l’obligation de soutenir financièrement les

formes d’aides privées/associatives.

La place des associations dans les processus de planification et de décision est consolidée par

la loi de 1991, dans le principe. Cependant la dépendance financière des associations, face aux

autorités publiques, relativise le pouvoir dont elles disposent dans la réalité. Ainsi, les

restrictions budgétaires et l’obligation de rationalisation des moyens contraignent les

associations à modifier leur organisation, la gestion de leur personnel, les modes de mise en

oeuvre des mesures qui leur sont confiées, etc.

30 Kunkel Peter-Christian: § 4 Zusammenarbeit der öffentlichen Jugendhilfe mit der freien Jugendhilfe, in:

SGB VIII - Online-Handbuch, hg. I. Becker-Textor und M. R. Textor, http://www.sgbviii.de/S67.html

40

CHAPITRE II : LA MISE EN COHERENCE DES DONNEES

CHIFFREES EN MATIERE D’ENFANCE EN DANGER

L’Oned, au titre de sa mission de mise en cohérence des données chiffrées, tente d’élargir

progressivement la connaissance de la population des enfants en danger dans le cadre d’une

défaillance de l’autorité parentale par plusieurs moyens :

Recenser, promouvoir et analyser les sources existantes en France concernant les

enfants susceptibles de bénéficier d’une prise en charge en protection de l’enfance

mais aussi, notamment par le biais des enquêtes rétrospectives, les personnes ayant

été maltraitées sans avoir bénéficié d’aide.

Mettre en place un nouveau système d’observation qui permette d’intégrer les

données de fait recueillies sur les enfants et leur famille par différentes institutions

intervenant en protection de l’enfance.

Etre à l’initiative d’autres études et enquêtes examinant la population des enfants

en danger, les phénomènes de mise en danger ou de protection et le devenir des

enfants pris en charge.

Dans le cadre de coopérations européennes et internationales, recueillir des

données, analyser des systèmes d’observation et confronter des méthodologies.

Nous présenterons une estimation actualisée du nombre d’enfants bénéficiant de mesures de

protection de l’enfance en France, proposerons une analyse partielle des séries chronologiques

et départementales relatives aux bénéficiaires de l’Aide sociale à l’enfance (source : Drees)

avant de décrire brièvement le dispositif d’observation des enfants pris en charge en

protection de l’enfance que l’Oned développe actuellement avec un panel de départements.

I. Exploitation des sources existantes

I.1 - Estimation actualisée du nombre d’enfants et de jeunes majeurs

bénéficiant d’une mesure en protection de l’enfance

Le chapitre II du précédent rapport mettait en exergue le fait que les sources de données

existantes ne permettent pas la connaissance précise de la population des enfants en danger en

France. Une méthode d’estimation avait alors été développée permettant de conclure que, au

31 décembre 2003, en France métropolitaine 235 239 mineurs et 19 790 jeunes majeurs

étaient pris en charge par au moins une mesure en protection de l’enfance (soit 1,74% des

moins de 18 ans et 0,86 % des 18-21 ans).

Rappelons que cette estimation est fragile notamment parce qu’elle intègre une hypothèse sur

le taux de doubles mesures qui reste à vérifier (Cf. méthodologie). Dans son questionnaire

annuel aux départements, la DREES tente d’obtenir cette information grâce à une question sur

« le nombre d’enfants bénéficiaires d’au moins une aide au 31 décembre » de chaque année.

Cependant cette question trouve peu de réponses (en 2004, seuls 27 départements sur 100 y

avaient répondu) et celles-ci sont peu fiables : le nombre d’enfants pris en charge était

supérieur au nombre de mesures dans 17 des départements ayant répondu à cette question en

2004. Ainsi, la DREES n’exploite pas ces données et il n’existe pas d’autre source permettant

41

de connaître le taux de doubles mesures pour l’ensemble des enfants et des jeunes majeurs

pris en charge en protection de l’enfance.

Par la suite, grâce au dispositif d’observation longitudinale des enfants bénéficiant d’une

mesure en protection de l’enfance expérimenté par l’ONED (Cf. infra), le taux de doubles

mesures pourra être connu avec davantage de précision.

La même méthodologie que l’année dernière a donc été utilisée afin d’estimer le nombre

d’enfants et de jeunes pris en charge au 31 décembre 2004 et d’observer son évolution en

France métropolitaine :

- le nombre d’enfants de moins de 18 ans bénéficiant d’au moins une mesure

serait, fin 2004, de 241 131 en France métropolitaine, soit 1,78 % des moins de 18 ans31 ;

- le nombre des jeunes majeurs bénéficiant d’au moins une mesure serait, fin

2004, de 21 418 en France métropolitaine, soit 0,91 % des 18-21 ans.

Durant l’année 2004, le nombre d’enfants pris en charge par la protection de l’enfance a

augmenté. En termes relatifs (pourcentage de jeunes pris en charge par rapport à la population

française du même âge), cette augmentation est de 2,5 % pour les mineurs et de 6,6 % pour

les jeunes majeurs.

Cependant, deux facteurs viennent relativiser cette augmentation :

- D’une part, le taux de doubles mesures entre placements physiques et mesures en

milieu ouvert est une estimation calculée à partir des données disponibles : les

décisions judiciaires concernant les mineurs bénéficiant d’une mesure en assistance

éducative. Ce taux est ensuite extrapolé à l’ensemble des mesures ainsi qu’aux jeunes

majeurs. Or, le taux de doubles mesures calculé a fortement varié entre 2003 et 2004

(passant de 7,6 % à 6,1 %) et aucun élément ne permet de conclure qu’une telle

évolution concerne les décisions administratives ou celles relatives aux jeunes

majeurs.

Si on appliquait le taux de doubles mesures obtenu en 2003, l’augmentation durant l’année

2004 serait donc plus faible : + 0,74 % pour les mineurs et + 4,78 % pour les jeunes

majeurs.

- D’autre part, la DREES a, cette année, affiné sa méthode de calcul pour estimer les non

réponses départementales concernant les actions éducatives à domicile (AED). Le

nombre d’AED est légèrement plus important que les données publiées au 31

décembre 2004 (35 545 au lieu de 35 51432), mais surtout, la répartition entre mineurs

et jeunes majeurs diffère des années précédentes (en 2004, 5,4 % des AED

concernaient des 18-21 ans contre seulement 5 % en 2003).

Avec une estimation similaire à celle de l’année dernière, la part des mineurs pris en

charge aurait été très légèrement plus importante mais celle des jeunes majeurs un peu

plus faible.

31 D’après les estimations de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques), le 1er janvier

2005, il y avait en France métropolitaine 13 547 680 enfants de moins de 18 ans et 2 347 392 majeurs de moins

de 21 ans. Sur la France entière, ils étaient respectivement 14 108 818 et 2 438 268.

32 Chastenet B., Trespeux F., Bénéficiaires de l’aide sociale des départements en 2004, Document de travail de

la DREES, coll. Séries statistiques, n°92, février 2006, p. 33

42

Partant de ces deux constats, l’augmentation durant l’année 2004 des enfants pris en charge en

protection de l’enfance, bien que réelle, est à relativiser. Pour les années suivantes, la

méthodologie devrait se stabiliser et les écarts d’une année à l’autre pourraient être évalués de

façon plus fiable.

Il reste que l’absence de comptabilisation des doubles mesures et l’ignorance de la durée des

mesures rendent urgente l’implantation du dispositif de recueil de données individuelles et

longitudinales proposé plus loin.

Les données étant disponibles, la même estimation a également été effectuée sur l’ensemble

de la France. Il apparaît alors que, avec l’inclusion des DOM, la part des enfants pris en charge

est encore plus importante alors que la part des jeunes majeurs est légèrement plus faible :

- le nombre d’enfants de moins de 18 ans bénéficiant d’au moins une mesure

serait, fin 2004, de 253 539 sur la France entière, ce qui représente 1,80 % des moins de

18 ans ;

- le nombre de jeunes majeurs bénéficiant d’au moins une mesure serait, fin 2004,

de 22 019 sur la France entière, ce qui représente 0,90 % des 18-21 ans.

43

METHODOLOGIE (France entière)

Nombre d’enfants placés en protection de l’enfance le 31/12/2004

0-18 ans 18-21 ans Total %

Enfants confiés à l’ASE* 103 182 16 184 119 366 82%

Dont mesure administrative* 14 718 16 184 30 902 21%

Dont mesure judiciaire* 88 464 0 88 464 61%

Placement direct par le Juge des enfants* 23 088 0 23 088 16%

Total enfants accueillis à l’ASE* 126 270 16 184 142 454 97%

Enfants placés en secteur public PJJ (art. 375)** 538 0 538 0%

Protection jeunes majeurs secteur public** 0 266 266 0%

Protection jeunes majeurs secteur habilité** 0 2 876 2 876 2%

Total des placements en protection de l’enfance 126 808 19 326 146 134 100%

Total enfants placés en protection de l’enfance (%) 87% 13% 100%

* Drees, enquêtes sur les bénéficiaires de l’ASE ** DPJJ, données issues du logiciel GAME

Nombre d’enfants ayant une mesure ouverte en protection de l’enfance le 31/12/2004

0-18 ans 18-21 ans Total Total (%)

Aides éducatives à domicile (AED)* 35 461 2 005 37 466 25%

AEMO financées par l’ASE 99 235 0 99 235 67%

AEMO financées par la PJJ – secteur public 8 370 808 9 178 6%

AEMO financées par la PJJ – secteur habilité 0 1 299 1 299 1%

Total des mesures en milieu ouvert 143 066 4 112 147 178 100%

Total des mesures en milieu ouvert (%) 97% 3% 100%

*La distinction entre mineurs et jeunes majeurs pour les AED a été estimée par la DREES à partir des

départements ayant répondu à cette question

Estimation du taux de doubles mesures (placement physique et milieu ouvert) en assistance

éducative le 31/12/2004

Nom de la mesure

France entière au

31/12/04

Sources des données

Mesures confiées par le JE à l’ASE 88 464 DREES

Placements directs secteur associatif 23 088 DREES

Placements mineurs

Art. 375 c.c.

Placements directs secteur public 538 DPJJ

Total des placements mineurs Art. 375 c.c. 112 090

AEMO financées par Milieu ouvert (AEMO) l’ASE 99 235 DREES

Art. 375 c.c. AEMO financées par la PJJ 8 370 DPJJ

Total des AEMO Art. 375 c.c. 107 605

Total des mesures (placement + AEMO) 219 695

Nombre de mineurs en assistance éducative (Art. 375 c.c.) 206 397*

Tableaux de bord des

Tribunaux pour enfants

* dont 89,26% avec une seule mesure, 9,36% avec deux mesures et 1,38% avec trois mesures ou plus.

D’après les tableaux de bord des tribunaux, 206 397 mineurs sont pris en charge en assistance

éducative. Ceci nous permet d’estimer que le taux de doubles mesures entre placement physique et

mesure en milieu ouvert est de 6,1% en assistance éducative ([1-(206 397 / 219 695)]*100). Ce

taux de double comptage est appliqué à l’ensemble des mesures administratives et judiciaires, quel

que soit l’âge des enfants protégés.

44

I.2 - Séries statistiques chronologiques et départementales sur les

bénéficiaires de l’Aide sociale à l’enfance (source Drees)

Aujourd’hui, la quasi-totalité des mesures de protection de l’enfance (95%) est gérée par les

services d’Aide sociale à l’enfance des départements33. Or, la plupart des analyses produites

par les différentes institutions sont effectuées au niveau national. Il nous semble important de

pouvoir étudier les différences départementales.

Pour ce faire, nous nous sommes fondés sur les données de la DREES (Direction de la

recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, ministère de la Santé et des

solidarités) qui recueille chaque année des statistiques sur les bénéficiaires de l’Aide sociale à

l’enfance dans les départements34. La DREES, qui effectue des analyses nationales de ces

données, nous a fourni les statistiques recueillies pour les années 1992 à 2004 qui permettent

d’observer les disparités et les évolutions départementales.

a) Les mesures financées par l’Aide sociale à l’enfance

Sur cette période, la proportion de mesures en protection de l’enfance financée par les

Conseils généraux a augmenté, en France, de 11,3 % : en 1992, il y avait en moyenne 15

mesures pour 1 000 jeunes de moins de 21 ans, contre 17 en 2004. Un peu plus de la moitié de

ces mesures concerne des accueils physiques à l’ASE mais l’écart avec les actions éducatives

tend à se réduire.

Près de trois mesures d’action éducative sur quatre sont décidées par le juge des enfants

(AEMO), cette répartition étant stable dans le temps.

Du côté des accueils gérés par l’ASE, en 1992, un cinquième faisait suite à un placement

direct par le juge ; il n’y en a plus que 17 % en 2004. Par ailleurs, de moins en moins

d’enfants sont pris en charge en accueil provisoire dans le cadre d’une décision

administrative : leur proportion par rapport à la population des moins de 21 ans a baissé de

20 % entre 1992 et 2004 alors que la part des accueils confiés à l’ASE par le juge des enfants

a augmenté de 26 %.

Toutes les mesures administratives de placement ont diminué entre 1992 et 2004 mais les

pupilles de l’Etat constituent la catégorie ayant le plus fortement baissé (-40 %). Cette

situation reste cependant peu importante (16 pupilles pour 100 000 jeunes). Les évolutions

des accueils provisoires de mineurs et de jeunes majeurs sont plus fluctuantes, avec une forte

baisse jusqu’en 1998 pour les premiers et, jusqu’en 2002, pour les seconds.

Parmi les accueils confiés à l’ASE par le juge des enfants, les retraits partiels de l’autorité

parentale restent très minoritaires durant toute la période. Les délégations d’autorité parentale

à l’ASE ainsi que les tutelles à l’ASE sont également très peu utilisées mais, si les premières

restent constantes, les secondes ont doublé entre les années 1992 et 2004. Le juge confie

toujours aussi fortement, et ce, de plus en plus, les accueils d’enfants à l’ASE : 26 % de

l’ensemble des mesures en 1992 et 29 % en 2004.

33 Concernant les moins de 18 ans, 97 % des mesures en protection de l’enfance sont financées par les conseils

généraux.

34 Au niveau des signalements, l’ODAS ne publie pas d’informations par département et l’analyse des appels

téléphoniques au 119-Allô enfance maltraitée n’est évidemment pas pertinente pour une vision complète de

l’activité des départements.

45

Evolution des mesures d’aide sociale à l’enfance en France, 1992-2004

Nombre de mesures

d’aide sociale à

l’enfance

Nombre de mesures

pour 100 000 jeunes

de moins de 21 ans

Répartition des

mesures d’aide

sociale à l’enfance

(%)

31 déc.

1992

31 déc.

2004

31 déc.

1992

31 déc.

2004

31 déc.

1992

31 déc.

2004

Evolution

1992-2004

(%)

Ensemble des mesures35 257 613 279 124 1 519 1 691 100 100 +11,3

Actions éducatives 116 512 136 670 687 828 45,2 49,0 +20,5

AED 31 597 37 435 186 227 12,3 13,4 +21,8

AEMO 84 915 99 235 501 601 33,0 35,6 +20,1

Accueils à l’ASE 141 101 142 454 832 863 54,8 51,0 +3,8

Mesures administratives 39 750 30 902 234 187 15,4 11,1 -20,1

Pupilles de l'Etat 4 643 2 712 27 16 1,8 1,0 -40,0

Accueil provisoire mineurs 16 100 12 210 95 74 6,2 4,4 -22,1

Accueil provisoire majeurs 19 007 15 980 112 97 7,4 5,7 -13,6

Accueils confiés à l’ASE par le

JE36

72 431 88 464 427 536 28,1 31,7 +25,5

DAP à l'ASE 3 137 2 902 18 18 1,2 1,0 -4,9

Tutelles à l'ASE 2 098 3 922 12 24 0,8 1,4 +92,1

Retraits partiels auto. parentale 32 10 0 0 0,0 0,0 -67,9

Placement ASE par JE 67 164 81 630 396 495 26,1 29,2 +24,9

Placements directs JE 28 920 23 088 171 140 11,2 8,3 -18,0

Tiers digne de confiance - 11 068 - 67 - 4,0 -

Etablissement / service - 11 416 - 69 - 4,1 -

DAP particulier/établissement - 604 - 4 - 0,2 -

Source : DREES, ministère de la Santé et des solidarités

b) Les disparités départementales

Ces chiffres globaux cachent de grandes disparités départementales puisque, en 2004, le

nombre de mesures en protection de l’enfance pour 1 000 jeunes de moins de 21 ans variait,

selon les départements, de 8,4 à 37,4. D’autre part, ces mesures sont parfois en diminution

(jusque -55 %) alors qu’ailleurs elles augmentent fortement (jusque +106 %).

D’une part, les cartes permettent d’observer les différences d’ampleur entre départements et

les évolutions sur douze ans. D’autre part, l’analyse des données de quelques départements

permet de mettre en avant ces différences et de pointer les spécificités départementales.

Un premier développement est consacré à la répartition entre actions en milieu ouvert et

accueils de 1992 à 2004.

Puis, compte tenu de l’actuel débat concernant la judiciarisation de la protection de l’enfance

et le rôle de chef de file des présidents de Conseils généraux, nous nous attacherons à

observer les évolutions départementales concernant la répartition des mesures administratives

et judiciaires.

35 Notons que ce nombre total de mesures en protection de l’enfance n’équivaut pas au nombre d’enfants

bénéficiaires.

36 Juge des enfants

46

Nombre de mesures d’aide sociale à l’enfance pour 1 000 jeunes de

moins de 21 ans, par département

1992 2004

Source : DREES, ministère de la Santé et des solidarités

Actions en milieu ouvert ou accueils

En France, les prises en charge en protection de l’enfance concernent plus souvent des

mesures d’accueil à l’ASE (mesures administratives, judiciaires et placements directs par le

juge des enfants) que des mesures en milieu ouvert (142 454 accueils physiques en 2004 pour

136 670 actions éducatives). Ces dernières années les mesures d’accueil sont restées

relativement stables (augmentation de 4 % en douze ans) alors que, dans le même temps, les

actions en milieu ouvert ont fortement augmenté (21 %) en termes relatifs.

Ile-de-France

Légende

Moins de 12 mesures

Entre 12 et 14 mesures

Entre 14 et 16 mesures

Entre 16 et 18 mesures

Entre 18 et 20 mesures

Entre 20 et 22 mesures

22 mesures ou plus

Non réponse

Ile-de-France

Dom

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Dom

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

47

Mesures d’action éducative à domicile et mesures d’accueil à l’ASE : France (31

décembre 1992 - 31 décembre 2004)

0

2

4

6

8

10

12

14

16

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Nb de mesures pour 1 000 jeunes

France - Accueils ASE

France - Actions éducatives

Source : DREES, ministère de la Santé et des solidarités

Au niveau départemental, les évolutions sont beaucoup plus hétérogènes. Quelques exemples

d’évolutions départementales différentes sont présentés dans les graphiques suivants. Huit

départements, nommés de A à G, ont été choisis afin de montrer les divergences. Il est

difficile de construire une typologie pour tous les départements et les cas choisis ne sont pas

représentatifs en France. Ils permettent cependant de mettre en exergue différentes tendances

en oeuvre.

Dans le premier graphique, les trois départements présentent des évolutions peu différentes de

ce qu’on observe sur l’ensemble de la France en termes relatifs : le recours aux actions

éducatives augmente plus fortement que le recours aux accueils physiques. Cependant, alors

que dans le département A, la part des enfants accueillis à l’ASE et la part des enfants

bénéficiant d’une action éducative sont à peu près les mêmes que sur l’ensemble de la France

(en moyenne, pour chaque mesure, 8 enfants pour 1 000 jeunes dans le département), ce n’est

pas le cas des deux autres départements. Dans le B, il y a deux fois plus d’enfants placés que

de mesures en milieu ouvert alors que c’est l’inverse dans le département C.

Le deuxième graphique montre des évolutions opposées pour deux départements. En 1992, le

département D suivait plus d’enfants en action éducative que de jeunes accueillis hors du

domicile familial ; c’était l’inverse dans le département E. Entre 1992 et 2004, les accueils ont

légèrement augmenté dans le premier département et légèrement diminué dans le second

tandis que l’évolution des mesures en milieu ouvert a été très marquée avec une division par

deux en D et une multiplication par six en E. Au total, en 2004, la situation s’était totalement

inversée entre ces deux départements.

Dans le troisième graphique, les départements F et G présentent également des évolutions

distinctes, ceci à des niveaux différents puisque, quelle que soit l’année et le type de mesure,

le département G est toujours situé en-deçà du F. Dans ce dernier, en 1992, les mesures sont

réparties équitablement entre le placement et le milieu ouvert. Ce n’est plus le cas en 2004. A

l’inverse, en 1992, les actions éducatives étaient presque inexistantes dans le département G

alors qu’elles sont équivalentes, voire supérieures à partir de 1998.

48

Mesures d’action éducative à domicile et mesures d’accueil à l’ASE : exemples

d’évolutions départementales (31 décembre 1992 - 31 décembre 2004)

0

2

4

6

8

10

12

14

16

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Nb de mesures pour 1 000 jeunes du département

A Accueils

ASE

A Actions

éducatives

B Accueils

ASE

B Actions

éducatives

C Accueils

ASE

C Actions

éducatives

0

2

4

6

8

10

12

14

16

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Nb de mesures pour 1 000 jeunes du département

D Accueils

ASE

D Actions

éducatives

E Accueils

ASE

E Actions

éducatives

0

2

4

6

8

10

12

14

16

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Nb de mesures pour 1 000 jeunes du département

F Accueils

ASE

F Actions

éducatives

G Accueils

ASE

G Actions

éducatives

Source : DREES, ministère de la Santé et des solidarités

49

Notons tout de même que ces statistiques sont collectées au niveau départemental et que leur

fiabilité est donc fonction de la qualité des procédures mises en place dans chaque

département. Même si la DREES a de nombreux contacts avec ses interlocuteurs locaux, elle

n’est pas en mesure de vérifier sur place la manière dont les données sont enregistrées. Ainsi,

les évolutions des données de certains départements montrent des irrégularités parfois

étonnantes.

Par ailleurs, tous les départements ne répondent pas à l’ensemble des questions chaque année.

Sur la période étudiée (1992-2004), au moins une année n’est pas renseignée pour 62

départements sur 100 concernant les accueils et pour 54 départements sur 100 concernant les

actions éducatives. Lorsque cela est possible, la DREES fait des estimations par rapport aux

années antérieures et postérieures.

Mesures judiciaires ou administratives

En 1992, la part des décisions administratives était sensiblement la même parmi les mesures

d’accueil gérées par l’Aide sociale à l’enfance et parmi les mesures en milieu ouvert :

respectivement 28,2 % et 27,1 %. Cependant l’évolution a été très différente dans les deux

groupes puisque, entre 1992 et 2004, la part des décisions administratives concernant des

placements a baissé de 23 % alors qu’elle est restée stable pour les mesures en milieu ouvert

(augmentation de 1 %). Ainsi, seuls 21,7 % des placements en cours le 31 décembre 2004

faisaient suite à une décision administrative alors que c’était le cas pour 27,4 % des mesures

en milieu ouvert.

Mesures en protection de l’enfance :

part des décisions administratives en France

0

5

10

15

20

25

30

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Nb de mesures pour 1 000 jeunes

France - Part des actions éducatives à domicile dans

l'ensemble des mesures en milieu ouvert

France - Part des accueils décidés par l'ASE dans

l'ensemble des accueils en protection de l'enfance

Source : DREES, ministère de la Santé et des solidarités

La judiciarisation récente des décisions concernant la protection de l’enfance a donc

essentiellement touché les mesures de placement. Parmi celles-ci, les placements directs par le

juge ainsi que les mesures touchant à l’autorité parentale n’ont pas bénéficié de cette

augmentation qui a essentiellement touché les mesures de placements à l’ASE par le juge et

les tutelles à l’Aide sociale à l’enfance.

50

Les décisions de placement administratif ont diminué dans la majorité des départements. Un

département sur cinq a connu une augmentation, cette dernière étant supérieure à 5 % dans

seulement 12 d’entre eux. Elle a notamment été forte dans les Alpes-Maritimes, la Drôme, la

Haute-Corse, la Moselle et les Pyrénées-Atlantiques. A l’inverse, la diminution est supérieure

à la moyenne nationale (-23 %) dans 54 départements.

Accueils en protection de l’enfance :

part des décisions administratives par département

1992 2004

Source : DREES, ministère de la Santé et des solidarités

En ce qui concerne les décisions de mesure en milieu ouvert, la part des aides éducatives à

domicile (AED) a diminué, entre 1992 et 2004, dans la moitié des départements. Mais les

écarts sont plus importants dans le cas d’une augmentation de la part des mesures

administratives que dans le cas d’une diminution. Ainsi, vingt départements ont connu une

augmentation supérieure à 50 % alors qu’ils ne sont que neuf à avoir enregistré une

diminution de la part des décisions administratives supérieure à 50 %.

Les cinq départements déjà cités ayant connu une augmentation de la part des accueils

administratifs ont également vu augmenter la part des décisions administratives de mesure en

milieu ouvert. Ces départements ont donc été soumis à une hausse globale de l’activité

Légende – Part des mesures administratives

Moins de 10%

Entre 10% et 20%

Entre 20% et 30%

Entre 30% et 40%

Entre 40% et 50%

Plus de 50%

Dom

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Dom

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Ile-de-France Ile-de-France

51

décisionnelle de l’Aide sociale à l’enfance qui mériterait d’être mise en relation avec leurs

choix politiques.

Les autres départements qui ont connu une très forte augmentation sont la Marne – bien que

les aides éducatives à domicile soient pratiquement inexistantes –, le Haut-Rhin, l’Aisne, le

Bas-Rhin, la Corrèze, le Doubs, la Manche, l’Yonne, la Somme, la Guadeloupe et la Guyane.

Les diminutions les plus importantes concernent, quant à elles, le Pas-de-Calais, le Vaucluse,

la Lozère, la Haute-Savoie, les Bouches-du-Rhône, la Haute-Vienne, le Maine-et-Loire, la

Savoie et l’Oise.

Mesures en milieu ouvert :

part des décisions administratives par département

1992 2004

Source : DREES, ministère de la Santé et des solidarités

Ces quelques exemples montrent l’importance d’analyser les données par département. En

effet, depuis la décentralisation, les actions concernant la protection de l’enfance dépendent

des politiques départementales. Pour chaque utilisation importante d’une mesure par rapport à

une autre ainsi que pour chaque évolution atypique, il serait nécessaire de mettre en relations

les résultats obtenus avec les caractéristiques départementales. Une des missions de l’Oned est

d’aider les instances départementales, et prochainement les observatoires départementaux,

dans ce travail d’analyse.

Légende – Part des mesures administratives

Moins de 10%

Entre 10% et 20%

Entre 20% et 30%

Entre 30% et 40%

Entre 40% et 50%

Plus de 50%

Dom

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Dom

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Ile-de-France Ile-de-France

52

II. Dispositif d’observation longitudinale des enfants

bénéficiant d’une mesure en protection de l’enfance

II.1 - Cadre théorique

a) Etat des lieux en France

Le recensement des sources de données chiffrées montre que l’observation de l’enfance en

danger s’effectue actuellement à partir de différentes sources de données visant des finalités

gestionnaires et non la connaissance d’une population précise37. Les remontées sont agrégées,

l’unité de compte est rarement l’enfant. Les sources de données ne peuvent être appariées

pour offrir une idée d’ensemble de la population prise en charge en protection de l’enfance, ce

qui rend particulièrement difficile l’analyse de l’évolution de la population en termes de prises

en charges nouvelles et achevées sur l’année.

L’Oned poursuit l’exploitation de ces sources comme en témoignent les analyses

départementales présentées cette année dans la première partie de ce chapitre grâce aux séries

chronologiques de la Drees relatives aux bénéficiaires de l’Aide sociale à l’enfance38.

La mise en place d’un système de recueil de données individuelles, longitudinales et

anonymisées sur un panel de départements répondrait à cette carence de données chiffrées sur

les enfants qui bénéficient d’une prise en charge en protection de l’enfance en France. Elle

offrirait de nombreuses possibilités de connaissances et d’analyse. La démarche conduite en

Allemagne est, de ce point de vue, intéressante.

b) Une collecte de données en temps réel : l’exemple de l’Allemagne

En Allemagne, la connaissance de la population des enfants pris en charge repose sur une

collecte continue de données au sein des autorités administratives qui décident à la fois des

prises en charge et suivent la mise en oeuvre des interventions.

L’organisme central responsable de la protection des mineurs est l’Office de la jeunesse

présent au niveau local sous la responsabilité des autorités locales. Il n’existe pas, en

Allemagne, d’institution équivalente au juge des enfants français. Les décisions prennent la

forme d’un « plan d’aide » établi d’un commun accord entre l’Office de la jeunesse, les

détenteurs de l’autorité parentale, le mineur concerné et le service chargé de mettre en oeuvre

la mesure d’aide.

Le « Centre pour les statistiques de l’aide à l’enfance et à la jeunesse » de l’Université de

Dortmund est chargé d’analyser les données recensées sur l’Aide à l’enfance et à la jeunesse,

« Kinder und Jugendhilfe » par l’Office fédéral des statistiques. Depuis 1991, le recensement

de données individuelles auprès de chaque bénéficiaire permet la connaissance des

populations prises en charge selon le type d’intervention mis en oeuvre.

En 2004, sur 100 000 mineurs, 165 étaient placés en institution, 69 en famille, 53 en accueil

de jour et 23 en suivi individuel intensif. Pour la catégorie de mesures mi-stationnaires et

37 Oned, Premier rapport annuel au Parlement et au Gouvernement, septembre 2005.

38 Cf. Chapitre II, I.2

53

stationnaires (aides en dehors du domicile parental), le total est de 310 mineurs placés sur 100

000 (soit 0,31 %). A titre de comparaison, en France, au 31 décembre 2004, 0,88% des

enfants et jeunes majeurs étaient accueillis en protection de l’enfance.

Le recueil d’informations sur les enfants pris en charge est mis en oeuvre à travers une collecte

de bulletins renseignés pour chaque enfant à différents moments de leur prise en charge. Ils

sont remplis au niveau local sur des questionnaires papier, puis collectés au niveau de chaque

Land, qui vérifie qu’ils sont complets et plausibles, avant de les transmettre à l’Office fédéral

des statistiques. Selon le type de mesure, cette collecte de données individuelles permet de

produire des statistiques de stocks à une date donnée mais aussi d’analyser l’évolution des

effectifs grâce à des statistiques de flux (collecte de bulletins individuels renseignés en début,

en fin ou lors des changements d’intervention). Sont recueillies des informations sur l’enfant,

ses caractéristiques démographiques, son environnement de vie familial et socio-économique,

les mesures mises en oeuvre, les raisons d’interventions, les orientations en fin de mesure.

Pour l’étude des parcours d’enfants, le seul élément est une question sur la prise en charge

antérieure. En Allemagne, le suivi des parcours d’aide se fait uniquement à l’échelle des

suivis de cohorte, sur des échantillons représentatifs.

L’analyse de ce système d’observation qui a 15 ans d’existence et qui est en cours de

rénovation est riche d’enseignements à l’heure où nous réfléchissons à l’amélioration de notre

collecte de données sur les enfants bénéficiant d’interventions en protection de l’enfance en

France. Les marges d’erreur de remplissage des questionnaires individuels propres à chaque

type de mesure (onze types d’intervention sont prévus dans la loi d’aide à l’enfance et à la

jeunesse -KJHG- de 1991) ont continuellement progressé depuis 1991. La difficulté

essentiellement levée est la mauvaise application du renseignement continu des questionnaires

(en début, changement et fin de mesure) au profit d’un remplissage a posteriori en fin d’année

basé sur l’exploitation des dossiers individuels. Les données les plus complètes sont obtenues

dans deux cas : elles reposent sur l’exploitation des banques de données réalisées pour la

planification de l’aide à la jeunesse au niveau local ; des analyses de ces statistiques sont

publiées régulièrement, sous la forme de comparaisons intercommunales, par les

administrations des Länder.

Les projets de refonte du système reposent sur deux volontés : simplifier la collecte et

exploiter l’existant c’est-à-dire les données enregistrées dans les bases de gestion

informatique. La refonte du système prévoit la centralisation des formulaires auprès de

l’Office de la jeunesse qui commandite et finance les mesures. Elle passe d’une multiplication

des questionnaires par type de mesure et d’évènement (nouvelle mesure, mesure achevée,

mesure recensée en cours) à un seul questionnaire, rempli une fois par an, pour chaque mesure

en cours (ayant débuté dans l’année écoulée ou avant) ainsi que pour chaque mesure ayant

pris fin dans l’année écoulée (qu’elle ait débuté dans l’année ou avant). Pour répondre à la

difficulté rencontrée par les professionnels du travail social qui remplissent les fiches papiers,

le recueil de données se fera par extraction dans les bases de données informatiques utilisées

par les professionnels pour la gestion au quotidien des situations. Il existe en Allemagne

douze fournisseurs de logiciels et certains Länder disposent de leurs propres systèmes (en

tout, l’Allemagne compte actuellement seize Länder).

Le projet de l’Oned prend en compte ces difficultés. Il préconise une centralisation des

informations au sein des départements. Il recommande un enregistrement des informations au

moment des évènements et organise le recueil des informations au moyen d’extractions

automatiques de données individuelles et anonymisées enregistrées pour le suivi des

54

situations. Une sauvegarde de l’historique des situations sera permise grâce à des

transmissions régulières et anonymisées des situations à l’Oned. Ce dernier restituera des

résultats pour les départements concernés sous la forme d’indicateurs mais également

d’annuaires statistiques largement diffusés et pouvant être exploités par des équipes locales et

de recherche.

c) Principes d’une exploitation des données recueillies en protection de

l’enfance en France

En France, l’exploitation des données recueillies par les institutions intervenant en protection

de l’enfance (Conseils généraux, tribunaux pour enfants, parquets, DDPJJ) aboutit à étudier la

population des « enfants en danger » qui sont les enfants en danger repérés par ces institutions

et identifiés en danger après évaluation de leur situation.

Ce traitement des informations collectées dans le cadre du suivi des enfants pris en charge en

protection de l’enfance vise cinq objectifs d’étude.

Il s’agit, tout d’abord, de suivre le parcours des enfants de la première information

préoccupante à la dernière mesure de prise en charge. Ainsi, l’Oned souhaite connaître pour

un même enfant le nombre d’informations préoccupantes, les délais entre l’information

préoccupante et la mise en oeuvre d’une intervention, l’itinéraire de prise en charge au regard

de l’évolution de la situation de l’enfant et de son environnement familial… Si un enfant fait

l’objet de plusieurs informations préoccupantes, il s’agira de déterminer si elles se sont

succédé avant une première décision de prise en charge ou si elles sont intervenues au cours

de celle-ci. Les interventions mises en oeuvre seront par ailleurs étudiées selon l’origine de

l’information préoccupante (la sensibilisation des partenaires à l’importance d’envoyer les

informations préoccupantes directement au Conseil général aboutit-elle à des prises en charge

ASE plus précoces ?). Par exemple, en matière d’itinéraire de prise en charge, nous nous

demanderons selon l’âge de l’enfant, dans quelle proportion une décision d’accueil suit une

prise en charge en AEMO, quels sont l’intensité et le calendrier des changements de lieu de

placement à l’intérieur d’une mesure de prise en charge, quelle modification de

l’environnement familial provoque une nouvelle décision de prise en charge.

Compter les enfants en danger et analyser l’évolution de cette population au niveau du

département constitue un second objectif. Par exemple, l’étude cherchera à déterminer si une

hausse éventuelle du nombre d’enfants identifiés en danger provient d’une modification des

pratiques de repérage ou d’intervention ou d’une dégradation de la situation dans un territoire.

Pour ce faire, elle mesurera, entre autres, si cette augmentation d’une année sur l’autre

s’explique par une plus grande visibilité des dispositifs d’intervention, et ce auprès de quel

public, mais aussi si elle résulte d’une réduction des délais entre la première information

préoccupante et la première décision de prise en charge.

Il s’agit également de comparer la population des « enfants en danger » à la population

générale. Des caractères démographiques (sexe, âge, constitution de la famille, etc.) et socioéconomiques

(scolarité de l’enfant, diplôme et catégorie socioprofessionnelle des parents,

etc.), recensés dans les études en population générale, seront utilisés pour qualifier la

population des enfants en danger afin de mettre en évidence des évolutions convergentes ou

contrastées. Par exemple, si on remarquait que l’âge à la maternité est plus précoce parmi les

mères des enfants bénéficiant d’intervention en protection de l’enfance à partir de six ans par

rapport aux mères de la population générale, l’action du département pourrait être développée

en direction des maternités précoces.

55

Le recueil des données vise à fournir, à terme, un cadre pour des analyses intra

départementales plus fines. L’analyse de la composition de la population des enfants en

danger et de son évolution doit permettre d’établir des liens avec les éléments définissant le

contexte départemental (par exemple, son offre associative et publique en direction des

enfants et des familles) et les politiques mises en oeuvre.

Enfin, ce recueil permettra de constituer une base de données pour réaliser ultérieurement des

enquêtes avec échantillon représentatif. La connaissance sur un panel de départements, de

l’ensemble des enfants en danger et de leurs caractéristiques permettra de réaliser des

enquêtes sur des populations ciblées et des problématiques plus précises comme « la santé des

enfants confiés au fil de leur prise en charge », « leur parcours scolaire » ou encore « les

violences institutionnelles ».

Afin d’atteindre les objectifs précédemment annoncés, l’Oned a fait des choix

méthodologiques précis.

II.2 - Les choix méthodologiques

a) Des données individuelles, anonymisées, longitudinales et centralisées au

sein de chaque département observé

Pour répondre aux cinq objectifs d’étude, les données, d’ores et déjà collectées dans le cadre

du suivi de l’enfant par les institutions, doivent être individuelles, anonymisées et

longitudinales.

Les données individuelles concernent chaque enfant et le situent dans son environnement

familial et social. Elles caractérisent l’enfant dans une vision individuelle (sexe, âge,

scolarité…), comme l’enfant de deux parents (vie en couple, nombre de frères et soeurs,

catégorie socio-professionnelle des parents), dans son environnement social et familial de vie

lorsqu’il n’est pas placé (nombre de personnes du ou des ménages de référence de l’enfant39,

conditions de logement, lien marital entre les adultes du ménage…).

Une vision longitudinale suppose de caractériser l’enfant à l’occasion de chaque « évènement

en protection de l’enfance » (au moment de la réception d’une information préoccupante, de

l’étude de la situation par un professionnel avant décision de prise en charge, lors des

changements de prises en charge). Ceci se fait au moment de la caractérisation des

évènements eux-mêmes : origine et auteur de l’information préoccupante, la ou les formes de

danger repérée(s) par le professionnel dans son rapport destiné au juge des enfants ou au cadre

ASE, nature administrative ou judiciaire de la décision de prise en charge, existence ou non

d’interventions au domicile de l’enfant ou d’un accueil de l’enfant en dehors du domicile

parental…

Depuis la décentralisation, les Conseils généraux se munissent, chacun selon leurs besoins,

d’équipements informatiques et il est très fréquent que le logiciel utilisé par les services de

l’ASE, le soit également par les autres services. Dans une observation suivie des trajectoires

institutionnelles, la nécessaire datation des évènements, au cours desquels la situation de

l’enfant est observée, doit être réfléchie au regard de l’utilisation actuelle des logiciels

39 Le ménage de référence est le logement dans lequel l’enfant vit lorsqu’il n’est pas placé. L’enfant peut avoir

deux ménages de référence dans le cas d’une garde partagée.

56

informatiques des Conseils généraux qui remplissent avant tout une fonction de gestion. De

façon générale, un logiciel de gestion a pour objet de renseigner sur une situation actuelle et

non sur l’historique des situations. Les systèmes informatiques que l’équipe de l’Oned a pu

observer au cours de visites dans certains Conseils généraux répondent effectivement

généralement à ce principe. Lorsque des modifications interviennent sur une situation, l’agent

administratif qui saisit les informations remplace les anciennes par les nouvelles. Nous avons

cependant repéré une sauvegarde de l’historique pour certaines informations (comme les

différentes décisions de prises en charge pour un enfant dans le temps) mais, à aucun moment,

la sauvegarde de l’ensemble des informations qui caractérisent le contexte de ces évènements.

Le souci d’historicité doit être applicable à chaque logiciel.

Pour une reconstitution des trajectoires individuelles et dans un souci d’exhaustivité, l’Oned

préconise aux départements du panel, voire à tous ceux qui souhaitent disposer d’une telle

connaissance, une centralisation des informations au sein du département (centralisation des

informations des différents territoires, des institutions administratives et judiciaires, au fil du

parcours de l’enfant). Une datation des évènements et une transmission régulière à l’Oned des

données individuelles et anonymisées extraites de la base de données départementales (dans

un format texte) permettront de sauvegarder les informations selon leur date d’arrivée et de

mener une étude longitudinale du parcours des enfants pris en charge en protection de

l’enfance.

« Une méthodologie pour le chaînage des données sensibles tout en respectant l’anonymat »

des personnes40 développée par le Département d’information médicale du CHU de Dijon et

avalisée par la CNIL permettra à la fois un « hachage » irréversible de l’identité de l’enfant et

le chaînage des données individuelles et anonymisées afin de reconnaître les enfants d’une

même famille et de reconstituer leurs parcours de prise en charge.

Rappelons que l’ensemble du système d’observation sera soumis à la CNIL.

b) Exemples de données recueillies en réponse aux objectifs d’étude

Il est nécessaire de déterminer, dès la conception du projet, les champs susceptibles de faire

l’objet d’études spécifiques. De ces thèmes dépendent les données à recueillir.

Caractéristiques démographiques de la population

Les données démographiques caractérisant l’enfant, ses parents ou les autres adultes qui en

assurent la garde (adultes de référence si l’enfant n’est pas placé) telles que la date de

naissance, le lieu de naissance, l’année de la première arrivée dans le département,

éventuellement la date de décès, la date de mise en couple (voire de séparation des parents)

sont indispensables pour déterminer à partir de quel moment un enfant est susceptible d’être

identifié « en danger » dans un département et d’analyser l’évolution en nombre et structure

(par âge et sexe) de la population des « enfants en danger ». Par exemple, sur un territoire, le

nombre d’ « enfants en danger » risque d’augmenter non parce que la situation devient plus

inquiétante dans cet espace mais uniquement parce qu’il devient attractif pour des couples

40 Quantin C., Gouyon B., Allaert F-A., Cohen O., « Méthodologie pour le chaînage de données sensibles tout en

respectant l’anonymat : application au suivi des informations médicales », Courrier des statistiques n°113-114,

Insee, 2005, pp. 15-26.

57

avec enfants ce qui aboutit à une hausse générale de la population susceptible de bénéficier

d’un soutien en protection de l’enfance.

Par ailleurs, l’âge de l’enfant, son sexe, la date de mise en couple des parents, l’âge à la

naissance de leur(s) enfant(s), la nationalité des enfants, des parents, sont des caractères

susceptibles d’influer sur les types de prise en charge décidés. Une analyse des décisions de

prise en charge en protection de l’enfance se devra de mesurer le phénomène de protection de

l’enfance au sein de populations « au maximum homogènes démographiquement » et de

comparer les trajectoires institutionnelles de sous-populations aux caractéristiques

démographiques différentes.

Caractérisation de la situation de l’enfant au fil de sa trajectoire en protection de

l’enfance

La situation de l’enfant avant toute intervention nous informe sur la ou les problématiques

auxquelles les services doivent faire face et montre de quelle manière les mesures mises en

oeuvre permettent de répondre à certaines difficultés au regard de l’évolution de la situation.

Afin de saisir les premiers éléments objectifs sur l’état de l’enfant, nous nous intéresserons en

priorité, selon l’âge de l’enfant et sa trajectoire en protection de l’enfance, à son niveau

scolaire, à une éventuelle insertion professionnelle, au dernier diplôme obtenu mais aussi à

des éléments sur la fréquentation de l’école et sur une éventuelle intégration dans des

dispositifs spécialisés avant ou en cours de prise en charge en protection de l’enfance (classe

d’initiation pour les nouveaux arrivants non francophones, scolarité pour élèves en difficulté,

éducation spécialisée pour élèves handicapés ou inadaptés, accompagnement

psychopathologiques ou psychiatriques, insertion professionnelle adaptée).

De façon ultérieure, des études cherchant à saisir de façon plus approfondie l’évolution de

l’état de l’enfant (état de santé, qualité des liens avec les parents, socialisation, autonomie,

développement affectif) pourront compléter ces premières informations recueillies et

s’inscrire au sein des trajectoires institutionnelles.

Caractérisation de l’environnement familial et de vie de l’enfant au fil de sa trajectoire

en protection de l’enfance

En parallèle de la situation de l’enfant lui-même, un changement de la situation familiale et de

vie de l’enfant lorsqu’il n’est pas placé influe sur la succession des décisions d’intervention à

mettre en oeuvre en protection de l’enfance. Par ailleurs, la connaissance des caractéristiques

familiales et socio-économiques des familles aidées dans un territoire peut guider le

développement des structures d’intervention. Notons que les services proposant des « mesures

innovantes » ont développé leurs pratiques en fonction de leur connaissance des populations

concernées par leurs interventions.

58

c) Difficultés anticipées

Nous distinguons deux difficultés majeures. Dans un premier temps, ce système d’observation

qui repose sur une exploitation des données collectées dans le cadre de la mise en oeuvre

d’interventions en protection de l’enfance doit se préoccuper de la qualité des données

recueillies mais aussi de leur signification au regard des pratiques et des politiques

départementales. Dans un second temps, il doit proposer une méthodologie pour déterminer

de façon homogène, d’un département à l’autre, la population des « enfants en danger ».

Qualité des données et des analyses

La mise en place d’un système d’observation exploitant les données recueillies par les

institutions intervenant en protection de l’enfance aboutit à étudier cette population au regard

du processus qui mène à une décision de prise en charge administrative de l’Aide sociale à

l’enfance ou judiciaire en assistance éducative.

Repérage des situations

La population des « enfants en danger » est tout d’abord le résultat de la détection des

situations inquiétantes par tout un chacun en tant que particulier (voisin, famille, parent

d’élève…), ou en tant que professionnel en contact plus ou moins direct avec les enfants

(Education nationale, centres de loisirs, hôpitaux, travailleurs sociaux, police/gendarmerie…),

puis de l’arrivée des informations préoccupantes auprès des services de l’Aide sociale à

l’enfance, du parquet des mineurs ou du juge des enfants ou, dans l’état actuel du projet de loi

de protection de l’enfance, auprès des « cellules opérationnelles départementales ».

L’Oned parle d’information préoccupante ou inquiétante pour nommer tout élément

d’information susceptible de laisser craindre qu’un enfant puisse avoir besoin d’aide. Selon

l’origine de l’information, les difficultés d’ordre familial peuvent être de natures et

d’intensités très différentes. Par information préoccupante, nous entendons aussi bien une

demande volontaire de la famille auprès d’un service social du Conseil général pour

surmonter une difficulté passagère qu’une transmission, par une assistante sociale scolaire,

d’un rapport sollicitant une prise en charge en protection de l’enfance.

Pour l’étude de la population des « enfants en danger », il est primordial de connaître l’origine

des informations préoccupantes, leur succession en nombre et dans le temps pour un enfant.

En effet, la visibilité des institutions intervenant influe sur le nombre d’enfants effectivement

protégés. Cette visibilité peut s’accroître ce qui augmente le nombre d’ « enfants en danger ».

Nous observons dans les départements que la création de « cellules » provoque une

augmentation du nombre d’informations préoccupantes les premières années d’existence. Par

ailleurs, le développement différencié de partenariats dans le cadre de protocoles

départementaux provoque des intensifications spécifiques en matière de transmission

d’informations inquiétantes en direction des Conseils généraux. La visibilité peut également

évoluer grâce à des campagnes de prévention dirigées vers des populations jusque là mal

identifiées et/ou orientées. Enfin, une réduction des délais entre l’arrivée de la première

information préoccupante et la première décision de prise en charge peut également expliquer

une augmentation du nombre d’ « enfants en danger » sur une période donnée.

59

Certaines informations doivent être recueillies directement par les professionnels qui

suivent l’enfant

Après étude de la situation, le travailleur social (interne ou externe aux services de protection

de l’enfance) rédige un rapport destiné au juge des enfants ou au cadre ASE qui prend la

décision de prise en charge. Un formulaire papier associé à ce rapport permettra un recueil

formalisé et homogène des informations qui caractériseront la population des « enfants en

danger ».

Les décisions de prise en charge reposent également sur l’offre de services du département

Les informations collectées lors de l’étude de la situation par le travailleur social fondent en

partie les modalités de prise en charge. La décision de prise en charge dépend également

d’éléments contextuels extérieurs, tels, par exemple, la situation socio-économique locale, les

infrastructures existantes et disponibles, qu’il sera nécessaire d’appréhender par une collecte

de données extérieure à ce système d’observation.

Dans le cadre de la mise en place d’un système d’observation qui collecte les informations sur

les enfants d’un département, l’interlocuteur administratif d’un organisme national ne peutêtre

que le niveau central du Conseil général car l’organisme national ne peut organiser la

collecte dans les territoires des départements du fait par exemple de l’absence d’homogénéité

des sectorisations entre les services de certains conseils généraux.

Détermination de la population des « enfants en danger »

Dans le dispositif s’observation proposé, la population des « enfants en danger » se définit

comme les mineurs de 18 ans faisant l’objet d’une prestation de l’ASE, qui repose sur une

évaluation concluant à une suspicion de danger dans le cadre de difficultés d’ordre familial,

d’une défaillance de l’autorité parentale, y compris passagères ou d’une décision judiciaire en

assistance éducative41.

Il est nécessaire de recueillir l’ensemble des décisions administratives de l’ASE (AED,

accueil provisoire mais aussi TISF, interventions spécifiques aux départements,

accompagnement social….) afin de prendre en compte les diversités départementales dans un

contexte où la distinction « mesure de prévention »/« mesure de protection » ou

« contractuelle »/« non contractuelle » n’est pas suffisante pour fixer de façon homogène les

frontières des interventions mises en oeuvre dans le cadre de la protection de l’enfance. Le

croisement de cette décision avec le résultat de l’analyse de la situation permettra de

déterminer les enfants en danger pris en charge au niveau administratif.

41 Au stade actuel du projet de loi, l’article provisoire L.223-1, faisant de l’évaluation avant toute décision de

prestation une obligation, rend cette définition opérationnelle.

60

1- Suspicion de violence sexuelle envers l’enfant

 oui  non  ne sait pas

2- Suspicion de violence physique envers l’enfant

 oui  non  ne sait pas

3- Suspicion de négligence lourde envers l’enfant

 oui  non  ne sait pas

4- Suspicion de violence psychologique envers l’enfant

 oui  non  ne sait pas

5- Suspicion de condition d’éducation défaillante sans maltraitance évidente

(ne peut être coché que si la modalité « oui » n’est pas cochée pour 1-2-3-4)

 oui  non  ne sait pas

6- Suspicion de danger résultant du comportement de l’enfant lui-même

 oui  non  ne sait pas

La situation de danger évaluée avant chaque décision sera formalisée à l’aide d’une question

qui renseigne sur l’auteur présumé du danger ainsi qu’à l’aide d’une série de six questions

caractérisant le danger (voir tableau ci-dessus).

L’enfant sera supposé en danger si l’auteur présumé de la maltraitance suspectée ou des

conditions d’éducation défaillante se situe dans le cadre de l’autorité parentale (dans le cadre

familial et plus généralement, des personnes ayant autorité sur l’enfant) et si au moins une des

six questions sur les formes de danger trouve une réponse positive.

Pour chaque suspicion de danger, les modalités de réponse sont « oui », « non », « ne sait

pas » afin de repérer les situations où les problématiques de danger se cumulent mais aussi

afin d’identifier les formes de danger que le travailleur social n’a pas réussi à évaluer. Les

quatre premières questions renvoient aux quatre formes de maltraitances formalisées au

niveau international. Les enfants en danger mais sans suspicion de maltraitance seront repérés

par une absence de réponse positive aux quatre premières questions sur les formes de danger

et une réponse positive à la cinquième. Il sera ainsi possible de distinguer parmi l’ensemble

des enfants en danger, ceux suspectés d’être maltraités des autres. Une sixième forme a été

ajoutée afin d’identifier les cas où l’enfant se met lui-même dans une situation de danger à

laquelle les parents ne réussissent pas à faire face.

Aussi longtemps qu’il est pris en charge en protection de l’enfance et ce jusqu’à son 18ème

anniversaire, l’enfant fera partie de la population des « enfants en danger » dans la mesure où

il serait en danger s’il n’était pas pris en charge. Au même titre, cette étude prend en compte

les enfants « Pupilles de l’Etat » qui seraient en danger s’ils n’étaient pas accueillis par l’ASE.

A des fins de suivi du parcours de l’enfant, l’observation de la prise en charge en protection

de l’enfance sera poursuivie jusqu’à 21 ans.

Cette définition permet de définir la population observée tout en appréhendant des pratiques

d’intervention administrative différenciées d’un département à l’autre et évoluant dans le

temps (le projet de loi en cours prévoit d’ores et déjà une multiplication des prestations

prévues au livre II titre II du Code de l’action sociale et des familles).

61

CHAPITRE III : LES PRATIQUES DE PREVENTION, DE

DEPISTAGE ET DE PRISE EN CHARGE

Une des missions de l’Oned est de « recenser les pratiques de prévention, de dépistage et de

prise en charge médico-sociale et judiciaire dont les résultats évalués ont été jugés concluants

afin d’en assurer la promotion auprès de l’Etat, des collectivités territoriales, des

établissements publics, des fondations et des associations oeuvrant dans ce domaine » (art. L.

226-6 du CASF).

Un premier état des lieux a été consacré aux pratiques se situant « entre AED/AEMO et

placement ». Dans son rapport remis en 2005, l’Oned avait proposé une classification de ces

dispositifs, effectuée à partir de l’analyse de documents adressés par différents services

(projets, rapports d’activité, plaquettes de présentation...).

En 2006, une visite d’une trentaine de services, ainsi qu’une journée thématique, ont permis,

grâce à une analyse transversale, d’en extraire une typologie issue des pratiques et

réinterrogée en conclusion.

Par ailleurs, une autre thématique relative aux pratiques mises en oeuvre en direction de jeunes

en difficultés multiples a été initiée.

I. Les pratiques entre AED/AEMO et placement

Dans le souci d’adapter les réponses apportées aux enfants et familles, le dispositif de

protection de l’enfance a vu se développer de nouvelles pratiques d’accueil et d’intervention

offrant des solutions variées, souples, évolutives dans le temps, alternant différentes modalités

de prise en charge.

Même si certaines sont anciennes, ces initiatives se sont développées principalement à partir

d’une réflexion élaborée suite à l’analyse des besoins dans le cadre des schémas

départementaux. Le rapport Naves-Oui-Briand42 de 2003, ainsi que la loi n° 2002-2 du 2

janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ont influencé la mise en place de ces

dispositifs.

Le développement de ces modalités de prise en charge est également lié à l’analyse des

besoins par les professionnels de terrain afin de sortir de l’alternative entre deux mesures :

AED/AEMO et placement.

Outre la prévention du danger, ces modalités de prise en charge visent la prévention de

l’isolement et des ruptures (dilution des liens familiaux, ruptures dans le parcours du jeune...),

par une pratique du « faire avec, être avec » s’appuyant sur les ressources des familles et de

l’environnement et apportant une continuité éducative et une réinscription sur le territoire.

42 Naves P., Oui A., Briand C., POUR et AVEC les enfants et adolescents, leurs parents et les professionnels :

contribution à l’amélioration du système de protection de l’enfance et de l’adolescence, rapport du groupe de

travail « Protection de l’enfance et de l’adolescence », remis au Ministre délégué à la famille, 2003.

62

Les deux modalités les plus pratiquées sont l’accueil de jour de l’enfant et la prise en charge

associant intervention à domicile et suppléance43. Il apparaît très clairement que les

départements ont plus particulièrement choisi de développer ou de favoriser l’une ou l’autre

des modalités d’intervention ; quand l’une est très présente, l’autre est souvent inexistante.

I.1 - Présentation des cinq modalités

La classification établie reprend des éléments transversaux. Pour chaque type de dispositif, les

équipes ont mis en place des projets spécifiques en fonction des publics visés, voire en

fonction de chaque situation d’enfant.

Cinq types de mesures sont proposés : le relais parental, l’accueil de jour de l’enfant, l’accueil

de jour du groupe familial, l’accueil séquentiel et la prise en charge associant intervention à

domicile et placement.

a) Le relais parental

Le premier relais parental a été créé en 1985.

- Objectifs et description de l’action

L’objectif est de proposer une réponse d’accueil souple, d’immédiateté pour des situations ne

nécessitant pas une mesure administrative d’accueil provisoire et ne trouvant pas d’adéquation

avec les autres dispositifs d’accueil d’enfants.

Ces dispositifs, organisés sur un mode familial, offrent la possibilité d’accueillir des fratries

quels que soient les âges des enfants dans une structure similaire à un cadre de vie familial. Il

s’agit d’un accueil de proximité qui permet le maintien des activités de l’enfant (scolarité,

activités sportives, suivis divers...). Un droit « de visite » très large est proposé à la famille.

Ils accueillent des enfants dont les parents sont confrontés à des problèmes familiaux, sociaux

ou de santé, ponctuels et périodiques, ne leur permettant pas ainsi d’assumer momentanément

leur fonction parentale. Il s’agit de répondre à la difficulté « d’être parent 24h/24 », et, en

l’absence de relais dans la famille ou dans le voisinage, de proposer un lieu d’accueil pour

l’enfant. Ces hébergements ont principalement lieu lors d’hospitalisation du parent, de

changement dans la vie familiale...

Outre ces critères d’accueil, certains relais parentaux sont amenés à accepter un accueil de

jour et/ou de nuit, lorsque le dispositif institutionnel ne permet pas de répondre à certains

besoins (horaires de travail décalés, reprise ou réinsertion dans l’emploi, démarches ou suivis

à effectuer lorsque la famille ne bénéficie pas d’une solution de garde, parents sans papiers,

enfant déscolarisé en attente d’un établissement spécialisé…). Certains de ces relais ont élargi

leur possibilité d’accueil à des enfants présentant un handicap et ne bénéficiant pas de

structures d’accueil, permettant ainsi à la famille de « souffler ».

- Cadre institutionnel et juridique - Financement

L’admission se fait sur la base d’un accord de gré à gré. Elle peut s’effectuer à la demande des

parents ou en liaison avec les services sociaux qui connaissent la famille, de façon simple et

43 Cf. définition de la suppléance familiale in Fablet D., Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, sous la

direction de Barreyre J. Y., Bouquet B., octobre 2006.

63

rapide. Une autorisation d’accueil et une autorisation de soins signées par les parents

permettent la prise en charge d’un enfant. Les parents peuvent cependant à tout moment y

mettre fin et ne sont pas en réalité tenus de respecter par exemple le rythme de leur présence

auprès de leur enfant, même si un règlement intérieur est établi à cet effet.

La seule conséquence de ce non respect est la fin éventuelle de la prise en charge du mineur.

Le maintien d’un accueil et le rythme de visite ne peuvent être imposés aux parents hors le

cadre judiciaire. Dans ce cas, une réorientation de l’enfant est nécessaire.

En ce qui concerne l’autorisation de soins, il appartient bien aux parents de donner leur accord

pour les actes qui doivent être accomplis sur leur enfant. Cette autorisation doit être donnée

pour chaque acte et une autorisation générale de soins, sans précision, ne dispense pas le

service d’obtenir l’accord des parents au cas par cas.

Ces relais se sont développés principalement dans le secteur associatif. Le budget est

constitué, au moment de la création, de sources de financement multiples. Le financement est

ensuite octroyé dans le cadre d’une dotation globale du Conseil général « au titre

d’établissement dans le cadre de la prévention » ce qui permet d’assurer une pérennité de la

structure. Ils peuvent désormais être créés au titre d’établissement expérimental prévu par

l’article L312.1-12e du CASF. Une participation financière est demandée aux parents.

- Questions

Leur nombre reste encore limité bien qu’ils répondent concrètement à des difficultés qui ne

relèvent pas d’un accueil provisoire de l’enfant tel que prévu à l’article 222.5-1e du CASF.

Ces difficultés sont en lien direct avec les situations grandissantes de précarité et d’isolement

des familles. Actuellement, à notre connaissance, des relais sont implantés dans une dizaine

de départements dont un envisage la création de ce type de dispositif sur les trois zones

stratégiques de son espace en fonction des besoins territoriaux.

Outre les critères d’admission « de dépannage ponctuel », la situation économique actuelle

amène de plus en plus de demandes liées à des expulsions ou à une problématique de

logement, notamment dans les centres urbains. Etant donné les délais pour retrouver un

appartement, des accueils de dépannage qui se veulent ponctuels peuvent s’orienter vers des

séjours beaucoup plus longs.

Ces relais fonctionnent principalement avec une équipe de techniciens de l’intervention

sociale et familiale -TISF- avec, pour certains, des assistantes maternelles pour les enfants très

jeunes ou ne supportant pas la vie en collectivité.

Le recrutement d’auxiliaires de puériculture s’avère de plus en plus complexe, étant donné les

horaires de travail et le rattachement à la convention collective de 1966, moins avantageuse

pour les personnels de santé que la convention de 1951. Ce manque a des répercussions sur

l’accueil de très jeunes enfants. Les équipes sont complétées par des emplois d’insertion, des

bénévoles...

Ce type de dispositif est très fortement porté par une direction « militante », très disponible,

participant à toutes les activités du relais, ce qui pose la question de la pérennité lors des

départs de l’encadrement.

Une autre difficulté relève du fait de devoir évaluer, dans l’urgence, une situation familiale

afin de rester dans les critères d’accueil « de dépannage ». Certains dispositifs, afin d’évaluer

64

au mieux la situation, effectuent une liaison avec les professionnels du secteur quand la

famille est connue par ces services.

- Le projet de loi dans sa forme actuelle

Le projet de loi ne mentionne pas ce type de structure qui relève d’actions de prévention et qui

appelle un fonctionnement très souple. Néanmoins, cette absence de réglementation ne permet

pas de faciliter le développement de tels dispositifs correspondant à des besoins bien repérés.

b) L’accueil de jour de l’enfant

Les dispositifs d’accueil de jour se sont principalement développés à la fin des années 1990-

début 2000, essentiellement dans le secteur associatif.

La création d’un des premiers services d’accueil de jour remonte à 1973. Il est alors implanté

au sein d’un établissement qui accueille des enfants sous trois formes différentes : un petit

internat ; une école en demi-internat devenu institut de rééducation ; un service d’accueil de

jour, appelé service ambulatoire, prenant en charge des enfants (en difficultés scolaires et

présentant des problèmes de comportement) pendant leur temps libre.

- Objectifs et description de l’action

Ces services de jour accueillent des enfants posant des difficultés éducatives au domicile

(absence de limites, instabilité, manque de confiance…) souvent accompagnées de difficultés

d’apprentissage, de risques de rupture scolaire et présentant fréquemment des problèmes de

comportement à l’école ou lors d’activités péri-scolaires.

Ces dispositifs peuvent être autonomes ou prendre appui sur des internats éducatifs disposant

d’un dispositif de scolarité interne. L’équipe assurant la prise en charge en accueil de jour

bénéficie alors des moyens de l’internat (direction, services administratifs et généraux,

locaux), ainsi que de certaines activités (la scolarité, les activités éducatives et sportives,

l’hébergement si nécessaire...).

Ils proposent une palette d’activités : soutien scolaire et éducatif intensifs, activités

individuelles ou de groupes (thématiques, de parole, d’expression corporelle….). L’accueil de

l’enfant s’effectue, selon les dispositifs et les situations, sur des temps non scolaires

(mercredi, samedi, soirée) ou sur des temps scolaires.

En effet, afin d’éviter des exclusions scolaires suite au manque d’investissement et surtout

aux problèmes de comportement posés par certains jeunes dans le cadre scolaire, les

structures d’accueil de jour permettent une scolarité en alternance. Des enseignants sont

détachés par l’Education nationale dans ces dispositifs afin d’effectuer des remises à niveau,

de réfléchir et de préparer des orientations plus adaptées... L’objectif est de maintenir

l’inscription du jeune dans une école même si ses difficultés ne lui permettent pas de la

fréquenter, et de favoriser une adhésion à un processus d’apprentissage. L’enseignant détaché

à l’accueil de jour peut accompagner cette réintégration scolaire en intervenant au sein de la

classe.

Ces différentes modalités d’accueil de jour de l’enfant visent à éviter les ruptures, par une

intervention intensive, face aux difficultés de l’enfant qui le marginalisent dans les dispositifs

de droit commun. Il s’agit ainsi de prévenir autant que possible le placement ou d’aider à

65

préparer la séparation (afin que le jeune et ses parents y adhèrent pleinement) lorsque celle-ci

est nécessaire.

Le projet éducatif est formalisé par un protocole d’accompagnement individualisé. Il est établi

selon les difficultés et disponibilités de l’enfant et de ses parents. Il fixe le rythme d’accueil,

les modalités et les objectifs du projet. L’amplitude d’accueil va de 5 à 15 heures

hebdomadaires. En principe, ces dispositifs ne permettent pas d’hébergement.

D’autre part, bien que la prestation soit centrée sur l’enfant, la place des parents est

primordiale quant au travail éducatif mené par l’équipe. Les interventions auprès des parents

visent un soutien à la parentalité qui s’articule autour d’entretiens individuels, de groupes

thématiques, de temps d’activités enfant/parent(s)/professionnel(s), de groupes de paroles

entre parents animés par des membres de l’équipe. Il s’agit d’accompagner les parents dans la

compréhension de leur place et rôle, de les aider à retrouver et à mettre en oeuvre leurs

capacités à éduquer leur enfant, de les aider à utiliser les dispositifs de droit commun de leur

quartier. Ce travail avec les parents peut également s’effectuer à l’occasion de rencontres

quotidiennes informelles au moment des accompagnements de l’enfant.

Les rencontres effectuées avec les équipes ainsi que l’analyse des projets de service font

apparaître que les pratiques des professionnels s’appuient sur les ressources de la famille, sur

son environnement et sur les actes éducatifs concrets de la vie quotidienne, sur le « faireavec

» les familles.

Des séjours de courte durée sont, pour certains services programmés, avec les enfants ou les

dyades parents-enfants afin de poursuivre l’observation et l’intervention éducative sur des

séquences temporelles plus longues.

Les équipes se constituent, selon les dispositifs, d’éducateurs spécialisés, techniques, sportifs,

assistants de service social et de psychologues, psychiatres, médiateurs…

- Cadre institutionnel et juridique - Financement

L’accueil de jour se met en place dans des cadres juridiques différents selon les structures. Il

peut se faire hors mesure ASE en réponse directe à une demande de la famille, dans le cadre

d’un accueil provisoire, dans celui d’une mesure d’accueil de jour ASE ou encore dans le

cadre judiciaire. Le juge confie alors l’enfant à l’ASE qui mandate le service. Cette mesure

peut s’accompagner d’une AED ou d’une AEMO, de manière exceptionnelle et étudiée au cas

par cas.

Les services d’accueil de jour mobilisent une équipe pour une prise en charge d’un petit

effectif (en général de 10 à 20 enfants, jusqu’à 46 pour certains autres). Le prix de journée

varie de 58 € à 115 €, calculé sur un nombre de 250 à 365 jours, selon les structures.

- Questions

L’intervention se veut intensive (en moyenne 10 heures par semaine), de courte durée, de

proximité (rayon de 15 à 20 kilomètres). Ce dernier point n’est pas sans poser problème pour

de nombreux services. En effet, les accompagnements demandent une certaine disponibilité

des parents et, dans certaines zones, le réseau de transport en commun ne permet pas

d’effectuer des déplacements à horaires variables. Les éducateurs peuvent être amenés à

66

prendre en charge ces accompagnements. Pour certains services, les accompagnements des

enfants sont effectués en taxi afin de permettre un travail régulier avec l’enfant. Ceci

augmente d’autant les coûts de cette intervention.

Certains accueils de jour bénéficient de personnels enseignants détachés de l’Education

nationale. Lorsque les objectifs du projet visent à réduire les difficultés d’apprentissage, ces

détachements s’avèrent indispensables mais restent néanmoins plus ou moins faciles à

négocier avec les académies.

- Le projet de loi dans sa forme actuelle

Selon l’article 13.1-1e du projet de loi, l’accueil de jour est une prestation administrative de

prévention et d’aide à la famille mise en oeuvre sur décision de l’Aide sociale à l’enfance

« hors placement » puisqu’elle ne relève pas des mesures de prise en charge figurant à

l’article L 222-5.

Par ailleurs, l’article 9 prévoit la possibilité pour le juge des enfants de confier un enfant à un

service ou à un établissement habilité pour l’accueil des mineurs à la journée dans le cadre de

l’article 375-3 du code civil qui était traditionnellement celui de la séparation. Se pose la

question de la possibilité pour le juge de prévoir un accueil de jour dans le cadre du milieu

ouvert (article 375.2). Il y aurait donc une possibilité de « placement de jour » sur décision

judiciaire tandis que, du côté administratif, l’accueil de jour serait conçu comme une forme

d’aide à la famille « hors placement » ?

c) L’accueil de jour du groupe familial

- Objectifs et description de l’action

Il s’agit d’un mode d’accueil collectif. L’intervention est fondée sur des supports d’activités

simples, proches des activités de la vie quotidienne qui permettent des mises en situation

donnant aux parents la possibilité de réinterroger leurs conceptions éducatives et leurs

pratiques et de co-construire des réponses éducatives entre eux.

Ces temps d’activités collectives sont complétés par des temps d’échanges en groupe ayant

trait aux questions familiales en général et par des entretiens individuels permettant d’aborder

les difficultés spécifiques. Des mini séjours parents-enfants complètent l’observation et les

mises en situations.

Il s’agit ici de sortir de la logique de face à face professionnel/famille, de l’usage de

l’entretien individuel comme principal outil éducatif, par l’intervention de professionnels de

champs de compétences divers sur un même temps d’accueil. L’un des objectifs consiste à

sortir de la relation exclusivement individuelle et de rompre l’isolement.

Le positionnement professionnel est fondée sur le « faire avec » les familles : observer,

analyser les comportements et conduites, favoriser la co-régulation et la co-construction de

réponses éducatives entre parents et, si besoin est, montrer indirectement au parent comme

faire.

Un accompagnement global et soutenu des familles et des enfants est ainsi effectué (en

moyenne 5 heures par semaine). Il se donne comme objet de travailler à la restauration des

liens parents/enfants et à la redynamisation familiale.

67

- Cadre institutionnel et juridique - Financement

Les deux dispositifs repérés par l’Oned se sont mis en place en 2001 et 2003. L’un, dans le

cadre du service public, bénéficie d’un financement global ASE au titre de la prévention. Les

familles, en fonction de leur adhésion au projet et au travail proposé, y sont suivies « hors

mandat ». Une mesure d’AEMO ou d’AED peut être maintenue parallèlement en fonction de

la situation et dans un travail de concertation.

L’autre, service associatif, exerce des mesures d’accueil multi-familial d’inspiration

canadienne et britannique, plus particulièrement sous forme de programmes, dans le cadre

d’AEMO ou d’IOE, et souhaite ouvrir un service à part entière dans le cadre judiciaire et

administratif.

- Questions

Nous n’avons connaissance que de deux services ayant mis en place un projet structuré et

spécifique d’intervention en direction du groupe familial (des activités proposées en groupe

aux parents, voire aux parents et aux enfants peuvent être concrétisées de manière plus

ponctuelle dans le cadre d’AEMO, d’AED, de la PMI ou d’internats éducatifs).

On peut s’interroger sur ce développement minime comparé aux « accueils de jour pour

enfants ». La pratique quotidienne des professionnels, la notion « de faire avec les parents »,

l’animation de groupe de parents, la pluri professionnalité des équipes ne constituent-ils pas

un frein pour de tels projets ? Cette question renvoie à la formation des professionnels, tant

initiale que continue, qui sera abordée en fin de chapitre.

- Le projet de loi dans sa forme actuelle

L’accueil de jour de la famille peut être rattaché à l’article I-1e du projet de réforme.

Néanmoins, la loi n’a pas prévu la création de mesure collective concernant l’ensemble de la

famille.

d) L’accueil séquentiel

Il s’agit d’une mesure de placement prévoyant un accueil à temps partiel de l’enfant sur

certaines plages de temps définies (quelques jours dans la semaine, week-ends), que l’on peut

comparer à une modalité de garde alternée entre la famille et le dispositif de suppléance

familiale (famille d’accueil, internat, pouponnière).

Il est difficile de retrouver les dates exactes de mise en place de cette modalité de prise en

charge. Il semble que de nombreux internats la pratiquent de manière informelle depuis

longtemps en fonction de la situation individuelle de chaque enfant. Certains l’intègrent

dorénavant de manière officielle dans le cadre d’accueils provisoires ou d’ordonnances de

placement provisoire « avec hébergement le plus large possible au domicile familial ».

- Objectifs et description de l’action

Cet accueil peut se mettre en place de manière initiale lorsque les parents ont des difficultés à

assumer totalement leur fonction parentale, lorsqu’il s’agit d’évaluer les difficultés de l’enfant

et la relation parent/enfant ou de préparer l’adhésion à un placement. Il peut être secondaire,

faisant suite à un placement « classique » en vue de la préparation d’un retour au domicile.

Dans ce type d’accueil, l’enfant a sa place, son lit, dans un groupe précis, au sein de

l’institution. L’alternance domicile/internat est régulière.

68

Les équipes ayant mis en place cette modulation du placement, la justifient en notant que

l’isolement des familles ne leur permet pas de bénéficier de relais dans leur entourage.

Certaines problématiques familiales ne relèvent pas d’un placement à temps complet, une

suppléance partielle étant néanmoins nécessaire.

Il s’agit également d’inverser la logique : au lieu de renvoyer l’enfant au domicile tous les

week-ends (soit un laps de temps long et souvent dépourvu d’activités), d’alterner des retours

durant la semaine et de pouvoir accueillir l’enfant une partie du week-end.

La présence de l’enfant au domicile certains jours de la semaine, favorise l’implication des

parents et leur réinscription dans le projet éducatif mis en place en direction de l’enfant. Ils

sont ainsi plus régulièrement amenés à effectuer des accompagnements (scolaires, de loisirs,

de soins…).

L’intervention de l’éducateur à l’internat et au domicile permet d’évaluer plus précisément les

difficultés et les ressources familiales et d’instaurer une relation de confiance plus forte avec

la famille. Celle-ci, par ce non cloisonnement de l’intervention semaine/week-end, demande

plus facilement de l’aide quand elle se retrouve confrontée à des difficultés lorsque l’enfant

est au domicile. La structure de l’internat permet ainsi d’accueillir l’enfant 24h/24, 365 jours

par an. Néanmoins, elle demande une organisation pour les astreintes au sein de la structure.

Si le parent ne peut raccompagner l’enfant à l’internat lors de crises ou de difficultés diverses

nécessitant sa mise à l’abri, un membre de l’équipe doit pouvoir se déplacer au domicile.

Une continuité de l’intervention vise à éviter des ruptures notamment par un accompagnement

progressif du retour de l’enfant au domicile et la réinscription sur un territoire. Des liens sont

ainsi établis avec l’école, les centres de loisirs et sportifs…

- Cadre institutionnel et juridique - Financement

Cet accueil « séquentiel » se met en place dans le cadre de mesures d’accueil provisoire ou

d’ordonnances de placement provisoire. Certains magistrats fixent les modalités de garde de

manière précise, d’autres laissent l’établissement gérer cette alternance au vu de la situation.

Le prix de journée est le même que celui d’un accueil classique en internat. Lors des

négociations avec les services de tutelle, il a été reconnu que l’intervention ne se limitait pas

uniquement à l’accueil mais qu’elle s’effectuait également au domicile de la famille lorsque

l’enfant y est présent ou uniquement pour des entretiens avec le(s) parents(s).

- Questions

Le « séquentiel » semble intégré dans de nombreux établissements comme une pratique tout à

fait adéquate pour préparer des placements de manière souple afin que le jeune et ses parents

y adhèrent totalement et pour permettre l’accompagnement du retour de l’enfant au domicile

après un placement « classique ».

Cependant la mise en place du « séquentiel » comme mesure à part entière, pose de réelles

questions d’organisation au sein des équipes d’internats. Certains professionnels adhèrent

d’emblée à cette modalité d’intervention, d’autres restent plus réticents en ce qui concerne les

interventions au domicile des familles, ce qui pose une difficulté dès lors que le projet de

l’établissement est de généraliser cette pratique.

69

Une vigilance est également nécessaire quant à l’articulation de cette mesure avec les

interventions des autres professionnels (polyvalence de secteur, PMI, équipes d’AED ou

d’AEMO…).

- Le projet de loi dans sa forme actuelle

Le projet de loi réformant la protection de l’enfance modifie le code de l’action sociale et des

familles en son article L 222-5 qui prévoit que sont pris en charge par le service de l’Aide

sociale à l’enfance les mineurs ne pouvant demeurer provisoirement dans leur milieu de vie

habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel modulable selon les

besoins ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil

spécialisé, familial, ou dans un établissement ou service « expérimental ». Cette disposition

inclut donc l’accueil séquentiel sous le terme « d’accueil périodique ».

Celui-ci demeure cependant régi par les règles précédentes concernant la fixation,

contractuelle ou par le juge, de la nature et de la fréquence des droits de visite et

d’hébergement, le maintien dans le cadre d’une mesure judiciaire d’un droit de

correspondance des parents et de tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas

inconciliables avec la mesure.

La souplesse nécessaire dans l’organisation des droits de visite et d’hébergement des parents

dans le cadre de l’accueil séquentiel pose actuellement des difficultés juridiques qui ne sont

pas réglées par le projet de réforme. Le juge est, en effet, toujours censé réglementer la nature

et la fréquence de ce droit. L’article 13 du projet dispose, dans un nouvel article L 223-3-1 du

code de l’action sociale et des familles44, que lorsque l’enfant est confié au service

départemental de l’Aide sociale à l’enfance, le juge peut décider que les conditions d’exercice

des droits de visite et d’hébergement sont déterminées conjointement entre le service et les

parents dans le cadre d’un document établi entre eux.

Ceci n’autorise pas le service à décider de la fréquence et de l’organisation des visites en

fonction de la situation du mineur et de sa famille, le juge étant nécessairement saisi de tout

désaccord.

Cependant, dans un certain nombre de cas, les droits de visite et d’hébergement sont

directement organisés par l’internat en accord avec le(s) détenteur(s) de l’autorité parentale,

en dehors de tout cadre juridique.

Deux arrêts récents rendus par la Cour de Cassation ont apporté certaines précisions

intéressantes à cet égard. La décision du 11 mars 2003 (Cass. Civ. 1ère) donne obligation au

juge des enfants d’apporter dans la fixation des modalités du droit de visite, avec ou sans

hébergement, les précisions relatives à la fréquence et au lieu où s’exerceront les relations. En

fait, davantage qu’un simple rappel d’une compétence exclusive, le rôle du juge des enfants se

trouve limité par cette décision, pour le concentrer de façon réaliste sur les points majeurs de

la réglementation, souvent lourds de conséquence sur l’avenir familial.

Une seconde décision du 27 mai 2003 (Cass. Civ. 1ère) est relative à la possibilité de formuler

de manière évolutive le droit de visite et d’hébergement, en ayant présent à l’esprit le

caractère « instantané » de l’audience, comme concentré d’émotions, alors qu’il faut pouvoir

44 En application de la nouvelle version de l’article 375-3 du code civil

70

tabler sur une évolution somme toute rapide des modalités concrétisant les relations entre

parents et enfants placés.

Il en résulte que seul l’élargissement (au contraire de la restriction) peut être décidé par

l’organisme gardien, en dehors d’une intervention du juge des enfants. En effet,

l’élargissement facilité va dans le sens d’une réunion plus rapide de la famille séparée,

conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) 45. Si la

restriction par le biais de la suspension s’avère nécessaire, elle devra être discutée en

audience, éventuellement programmée dans les meilleurs délais suivant l’ordonnance rendue

en urgence.

e) La prise en charge associant intervention au domicile familial et

suppléance en internat ou en famille d’accueil

Elle s’est mise en place à partir de deux modalités d’intervention :

1°) à partir de l’intervention en milieu ouvert (AEMO)

D’abord mis en place comme service faisant suite à un internat, ce dispositif à part entière,

combinant suivi en milieu ouvert et possibilité d’hébergement, s’est implanté dès 1972 sur le

département du Calvados où il comprend actuellement quatre équipes, en secteur associatif.

L’intervention se déroule au domicile de la famille ou au service et permet un accueil du

jeune, d’une nuit à quelques jours, si la situation le nécessite. Cet hébergement peut

s’effectuer dans la structure ou dans d’autres lieux suite à la mise en place d’un partenariat

(famille élargie, famille d’accueil, foyer de jeunes travailleurs…).

2°) à partir de l’internat

Le service ayant servi de référence à d’autres dispositifs de ce type est le Service d’adaptation

progressive en milieu naturel du Gard -SAPMN- créé en 1980 et étendu à tout le département.

Plusieurs départements expérimentent ou ont mis en place ce type de dispositif, dans le

secteur privé associatif ou public dans des centres départementaux de l’enfance, depuis les

années 2000 principalement. Il porte différentes appellations : « placement éducatif en

famille », « accompagnement enfance-famille », « service éducatif de suivis alternatifs à la

maison de l’enfance », « placement hors les murs »...

L’enfant est confié à un établissement par une mesure de placement (accueil provisoire ou

principalement ordonnance de placement provisoire) qui en autorise l’hébergement au sein de

sa famille. Si la situation le nécessite, l’enfant réintègre l’internat, voire une famille d’accueil,

après évaluation de la situation familiale. L’intervention des éducateurs se déroule

essentiellement au domicile.

- Objectifs et description de l’action

Certains constats ont amené les équipes à proposer ce type de prestations associant

intervention à domicile et suppléance.

45 Mais on sait aussi que la haute juridiction européenne rappelle en corollaire du principe de vie familiale celui

de l’intérêt supérieur de l’enfant, d’où la prise en compte de réactions ou d’un rythme (sommeil, alimentation

pour le jeune enfant, scolarité, projets pédagogiques ou même liens amicaux pour le plus grand), pour fonder une

dérogation ponctuelle voire prolongée à la réglementation pré-établie.

71

La réflexion est basée sur le fait que la séparation est nécessaire à certains moments mais pas

toujours utile sur le long terme. Le danger ne nécessite pas toujours une séparation continue

enfant/famille. Un hébergement ponctuel permet de mettre l’enfant à l’abri et de reprendre,

avec le groupe familial, la situation de crise de manière réactive afin de la traiter et de la faire

retomber rapidement. Les circonstances ayant amené à « la mise à distance » de l’enfant sont

retravaillées avec la famille, de manière concrète et réactive. La modulation s’effectue en

fonction de la situation familiale, réévaluée au jour le jour, et l’hébergement se veut

temporaire.

Relevons que certains jeunes dépriment ou régressent en internat, ne donnant plus de sens à ce

placement. Il y a alors dilution des effets. D’autres passent par des situations « de crise » pour

manifester un refus du placement avec mise en danger. Il est donc nécessaire de repenser

l’intervention et d’envisager des modulations ou de travailler un retour au domicile.

L’accompagnement d’un retour, suite à un placement, par les intervenants ayant connu le

jeune, permet d’assurer la continuité de la prise en charge et une réinscription sur le territoire

de la famille. Il s’agit de prolonger l’action éducative lorsque l’enfant est au domicile familial

et d’éviter le traumatisme de la rupture du lien avec l’équipe éducative qui connaît les parents

et le jeune.

Le cadre du milieu ouvert classique ne permet pas, lors de ces situations de crises ponctuelles,

de répondre de manière efficiente. La « mise à l’abri » de l’enfant ne peut, en effet, s’effectuer

que dans le cadre d’un placement, impliquant une autre équipe et dessaisissant les

professionnels du milieu ouvert. Cette possibilité de répondre à un hébergement ponctuel

offre une continuité à l’accompagnement.

Selon les équipes rencontrées, cette modalité facilite l’adhésion et la relation de confiance

avec la famille qui peut d’elle-même alerter l’équipe en cas de difficulté. La famille est

rassurée de pouvoir contacter un professionnel 24 h/24. Néanmoins, ceci implique que

l’équipe reste vigilante et maintienne réellement une évaluation de la situation au quotidien.

Le nombre de suivis par travailleur social est d’environ 6 à 8 mineurs. Des rencontres avec le

jeune et/ou ses parents, des démarches d’accompagnement ont lieu plusieurs fois par semaine,

avec un minimum de 5 heures d’intervention directe avec la famille.

- Cadre institutionnel et juridique - Financement

Dans le département du Calvados, l’entrée dans le dispositif s’effectue par décision

administrative ou judiciaire en milieu ouvert, le recours possible à un hébergement séquentiel

est indiqué à la famille et au jeune. Le financement s’effectue sous la forme d’un prix de

journée de 50 € par enfant.

Lorsque la prise en charge se fait à partir d’un internat, le prix de journée est différent de la

prise en charge en internat. Il varie de 40 à 80 € par enfant, selon les établissements.

- Questions

Ces deux modalités de prise en charge associant intervention à domicile et suppléance

nécessitent une connaissance approfondie par l’équipe de toutes les situations suivies. Seule

72

cette connaissance partagée par l’équipe peut permettre de répondre à l’évaluation des

situations lors de « crises familiales » et à l’accueil de l’enfant.

L’AEMO avec hébergement nous interroge principalement sur les questions concrètes de

mise en place (moyens, locaux adaptés, nombre de mesures par travailleur social…) qui

nécessitent une création de service à part entière.

Dans le cadre de l’internat, nous nous interrogeons, d’une part, sur la question du lien, du

cadre d’accueil et des repères pour l’enfant. En effet, l’enfant retrouve bien le même internat

lors des accueils mais pas toujours le même groupe, « sa place, son lit » dans la structure. Il

faut noter que toutes les équipes rencontrées (composées d’éducateurs, de psychologues)

soulignent que ces accueils répétitifs sont exceptionnels dans ce type de pratique étant donné

la fréquence des rencontres avec la famille.

Certains services, lorsque cette alternance (famille-établissement) ne suffit pas à prévenir la

rupture, voire l’exclusion du jeune, mettent en place parallèlement une multitude de solutions

de réseaux (famille d’accueil, parrainage, bénévoles, artisans...). Jusqu’où peut-on aller dans

la mise en place de solutions alternatives ?

De nombreux professionnels rencontrés s’interrogent sur l’arrêt de la mesure. Les familles

sont en effet habituées à pouvoir joindre un interlocuteur 24h/24, à trouver une solution rapide

à leurs difficultés, à être en relation privilégiée et de forte confiance avec un professionnel,

voire une équipe. La notion de protection de l’enfance ne perd-t-elle pas un peu de son sens

lorsque certains professionnels (éducateurs, magistrats) s’interrogent sur la notion de

« confort » de ces interventions pour certaines situations familiales ? Qu’en est-il du devenir

du jeune après l’arrêt des mesures ?

- Le projet de loi dans sa forme actuelle

Le dispositif « AEMO et hébergement » est intégré dans le droit positif par le projet de loi

réformant la protection de l’enfance qui précise dans l’article 375-2 du code civil que le

service de milieu ouvert peut être spécialisé pour prendre des mesures éducatives permettant

l’hébergement exceptionnel ou périodique du mineur. Le service doit informer sans délai de

cet hébergement les parents ou les représentants légaux du mineur ainsi que le juge des

enfants. Cet article semble dispenser le service d’une autorisation préalable des parents ou du

juge pour recevoir le mineur. Les questions de la durée de l’hébergement et des relations

parents-enfant pendant ce séjour ne sont pas réglées et doivent, dans ce cas, renvoyer au droit

commun (accord avec les parents ou intervention du juge pour imposer ces modalités).

Ce qui est communément appelé « placement à domicile » ne fait pas l’objet d’une disposition

du projet de loi réformant la protection de l’enfance. Elle pourrait prendre place dans celle qui

consacre l’accueil séquentiel. Dans le cas du placement à domicile, l’enfant est cependant en

principe à demeure chez ses parents et des temps d’accueil ne sont pas organisés a priori. Le

service n’est pas autorisé par un texte, comme dans le cas de « l’AEMO avec possibilité

d’hébergement », à accueillir le mineur en informant les parents et le juge.

Les décisions des magistrats réglementent actuellement de manière très diverse l’organisation

de la vie du mineur placé qui demeure au domicile parental et prévoient, ou non, de façon plus

ou moins précise, les passages en accueil institutionnel. Certaines décident d’un placement et

autorisent le mineur à demeurer chez lui, sans autre précision. D’autres prévoient un accueil

possible si la situation le nécessite, renvoyant sur le service l’évaluation de ladite situation et

73

la décision d’hébergement. Certains services procèdent d’eux-mêmes à l’accueil en en

informant le magistrat, d’autres sollicitent alors une ordonnance de placement provisoire, ce

qui contraint le juge à transformer sa décision en un placement classique.

Ces expériences se multiplient et les problèmes de responsabilité qu’elles posent sont

fréquemment constatés. La responsabilité du service pour les actes commis notamment par les

mineurs qui sont dans leur famille a été consacrée par la jurisprudence. Cette situation

inquiète les intervenants dont certains auraient souhaité qu’elle fasse l’objet d’une disposition

du projet de réforme actuellement en débat.

I.2 - Des difficultés repérées

Reprenant l’analyse des cinq dispositifs, quelques difficultés méritent d’être soulignées :

a) Phase d’expérimentation

Des phases d’expérimentation plus ou moins longues sont mises en place selon les dispositifs

et les départements. Lorsque celles-ci se prolongent trop dans le temps (jusqu’à deux ans),

nous pouvons noter que les équipes, après maints questionnements, refontes du projet...

arrivent à des phases de saturation. La question du réinvestissement des professionnels, du

portage du projet par l’équipe se pose alors réellement.

A noter également, notamment dans le cadre de certains dispositifs associant intervention à

domicile et suppléance, que ces professionnels peuvent être amenés à poursuivre leur pratique

classique en internat, couplée à cette expérimentation. La difficulté de passer d’un

positionnement professionnel à un autre est régulièrement soulignée.

b) Critères d’orientation

Des indicateurs pour décider d’une orientation vers tel ou tel type de mesure semblent

difficiles à repérer. A qui propose-t-on tel ou tel type de mesure ?

Comme le souligne Catherine Sellenet46 dans sa recherche relative à un dispositif de

placement à domicile, « à l’origine, le secret espoir des professionnels du placement à

domicile était d’intervenir plus préventivement que curativement... ce rêve, modeste et fou va

être infirmé par notre étude sociologique. Le placement à domicile rencontre des familles

précarisées, voire marginalisées, des familles « habituées » des interventions, malmenées par

la vie et enkystées dans des problèmes multiples et récurrents... Elles ne constituent pas une

population nouvelle à laquelle serait proposée une formule récente ».

Cette question des orientations renvoie à une définition précise dans le projet de service des

critères de prise en charge et surtout à l’évaluation individuelle des situations (évaluation des

compétences parentales, des difficultés et évaluation du développement de l’enfant,

évaluation des aspects de l’environnement), de l’actualité et de l’acuité du danger.

Certains dispositifs ont mis en place des commissions pluri-professionnelles et pluriinstitutionnelles

« évaluant les compétences parentales, les facteurs de danger ».

46 Sellenet C. (2006), L’enfance en danger. Ils n’ont rien vu ?, Paris, Ed. Belin.

74

La question de l’évaluation et des outils dont disposent les professionnels pour permettre

d’analyser et d’appréhender les questions que posent ces situations, et ce dans l’intérêt de

l’enfant et en fonction des capacités parentales, est au coeur du débat aujourd’hui.

c) Evaluation des dispositifs

Nous pouvons constater que très peu de ces dispositifs ont fait l’objet d’une évaluation.

Quelques services effectuent néanmoins un travail évaluatif en interne.

Pour ce type de dispositifs, il paraît essentiel que l’évaluation soit pensée dans le cadre de la

mise en place du projet afin que l’équipe y soit préparée, que le budget soit prévu et que le

projet soit réadapté ou recadré si nécessaire, ce qui permettrait de suivre l’évolution du

dispositif.

Une évaluation qui, d’une part, se mettrait en place uniquement de la hiérarchie vers les

professionnels de terrain ne peut être vécue que comme un contrôle et provoquer des

résistances.

La pérennité d’une évaluation sur le terrain ne peut être garantie que si des chercheurs ou

experts externes construisent, avec les professionnels, des outils d’évaluation. Les praticiens

pourraient ainsi se saisir de ces outils pour poursuivre un travail évaluatif continu, en interne.

D’autre part, la culture de l’évaluation n’est pas encore intégrée dans les pratiques de

professionnels. Elle devrait être pensée dès la formation initiale.

Différents points mériteraient de faire l’objet d’investigations approfondies parmi d’autres :

- la spécificité des indicateurs de prise en charge, notamment par rapport aux autres

mesures : AED, AEMO, placement en internat et en famille d’accueil,

- les limites de l’intervention, notamment jusqu’où aller dans la recherche de solutions

de réseau pour éviter les ruptures, la lisière entre intervention intensive et intrusion,

protection de l’enfant et droit à la protection de la vie privée,

- les pratiques effectives développées par les intervenants auprès des parents et des

enfants,

- l’organisation des fins de mesure et le devenir.

d) Régulation en équipe

Ce type d’intervention repose dans certains dispositifs sur des temps de présence réguliers et

fréquents au domicile des familles parfois incompatibles avec la distance indispensable à

l’évaluation. C’est pourquoi ces modes d’intervention doivent s’exercer dans le cadre d’une

équipe pluridisciplinaire, lieu de réflexion et de partage autour des situations vécues, et avec

une nécessaire supervision du professionnel dans sa pratique. Dans cette mesure, le fait que

tous les membres de l’équipe connaissent des personnes concernées, enfant ou parent, permet

une intervention partagée au-delà du professionnel référent et évite le face-à-face trop

individualisé.

Peu d’équipes ont parallèlement mis en place des supervisions qui leur permettent de

travailler les pratiques en direction des familles, les pratiques entre professionnels et de

préserver un regard objectif sur les situations individuelles.

75

e) Conséquences sur la formation des travailleurs sociaux

Les nouvelles pratiques de travail auprès des familles dans les dispositifs situés entre

l’AED/AEMO et le placement confirment l’urgence d’un regard nouveau sur la formation des

professionnels concernés.

Les professionnels n’interviennent plus selon des modes spécifiques, du type de l’expertise,

mais dans une nouvelle approche combinant une phase d’observation, une « formation

parentale » fondée sur une co-construction d’expériences avec les parents (il s’agit de « faire

et d’être » avec les parents). Cette co-construction d’expérience avec les parents repose sur

l’accomplissement avec eux d’actes de la vie quotidienne relatifs à l’éducation de l’enfant et à

la vie avec un enfant ainsi qu’à l’accompagnement dans un certain nombre de démarches.

Parallèlement, les professionnels doivent constamment être vigilants en termes d’appréciation

de la situation de l’enfant.

Ces nouvelles interventions des professionnels impliquent :

- de disposer de compétences conduisant les professionnels à passer d’une position

d’expertise à une position de co-éducation avec les familles,

- de coupler une position d’intervenant en accueil avec une action au domicile,

- d’articuler soutien à l’évolution des parents et sauvegarde du bon développement de

l’enfant,

- de proposer différents modes de prise en charge et d’approche en fonction de l’analyse

de la situation,

- de croiser les références théoriques qui sous-tendent les interventions,

- d’évaluer régulièrement les situations familiales afin de réajuster le projet individuel

tout en assurant l’efficacité de la mesure de protection en direction de l’enfant.

La formation des professionnels à ce nouveau type d’approche est indispensable. Elle doit

intégrer et combiner les apports théoriques mais également leurs implications pratiques afin

de constituer une garantie de professionnalisme. Elle devrait être dispensée, notamment en

formation continue, à tous les intervenants amenés à exercer ce type d’accompagnement des

familles, éducateurs, puéricultrices, assistants de service social, TISF, conseillers socioéducatifs,

etc.

f) La question des moyens47

Il s’avère nécessaire de cerner les indicateurs d’orientation vers ces nouveaux dispositifs,

notamment au regard de l’AED ou de l’AEMO, afin de redéfinir et de clarifier les contours du

dispositif, et ce, dans un souci de parfaite égalité entre les justiciables et de lisibilité.

Les services qui se mettent actuellement en place proposent une intervention intensive avec

des moyens humains et financiers conséquents.

Le prix de journée est moindre que celui du placement et il est certain qu’un des objectifs est

bien de le limiter. Par contre, il est de cinq à dix fois plus important que le prix de journée

d’une AED ou AEMO.

Chaque professionnel, lors des mesures associant intervention à domicile et suppléance,

assure un suivi de 6 à 8 situations permettant une grande disponibilité et un travail éducatif

poussé avec les familles. Ceci n’est pas le cas en AEMO où le nombre moyen de mesures par

travailleur social avoisine les 30.

47 Sur « la nécessaire émergence d’une approche économique en protection de l’enfance », voir P. Naves,

Defalvard H. et al., Economie politique de l’action sociale, Ed. Dunod, 2006.

76

A noter que chaque équipe ne peut suivre qu’un nombre limité de situations ce qui renvoie à

la question du public auquel ces mesures sont proposées.

I.3 - Conclusion

Les nouvelles pratiques d’intervention ainsi repérées remettent en question l’organisation

actuelle du dispositif de protection de l’enfance sur deux plans :

- en premier lieu du point de vue de la distinction opérée depuis 1958-1959 entre les

actions menées en milieu ouvert et celles menées dans le cadre de la séparation et du

placement. C’est le cas en particulier des formules d’accueil séquentiel, d’AEMO avec

hébergement, de placement à domicile,

- ensuite, ces nouvelles formes d’intervention interrogent la notion de prestations. En

effet, elles se caractérisent par la mise en place d’un nouveau rapport avec les familles

associant l’évaluation et le soutien de leurs capacités, la définition progressive de

l’action par une évaluation affinée de la situation de l’enfant, la mobilisation de

différents outils notamment par la diversification des compétences des professionnels

intervenant dans les services développant ces actions innovantes, la mise en place

d’une relation de confiance renforcée par un travail dans la durée et une présence

physique continue, mais aussi téléphonique, auprès de la famille.

Si l’intérêt d’une diversification des réponses du secteur de la protection de l’enfance a été

largement souligné dans les réflexions préalables à la réforme du dispositif, deux approches se

dégageaient sur le plan juridique : la première consiste à introduire dans les textes de

nouvelles prestations pour conforter le développement de ces pratiques. C’est celle qui a

prévalu dans le projet de loi.

Une seconde approche, introduite par l’Oned dans son rapport 2005, suggère que la

consolidation de ces nouvelles interventions relève moins de l’élaboration de nouvelles

mesures et de la détermination de leur caractère administratif ou judiciaire que d’une réflexion

plus globale sur ce qui ressort de l’action administrative et du pouvoir judiciaire : reconnaître

au juge des enfants la possibilité d’autoriser les services mandatés à organiser au quotidien et

selon l’état de l’enfant les modalités et la périodicité des droits de visite et d’hébergement des

parents en cas de séparation serait alors la voie pour consolider des pratiques de prise en

charge adaptées au cas par cas aux besoins de l’enfant et de sa famille.

En l’état du chantier législatif, si la palette des réponses prévues sur le plan juridique est

amenée à largement s’enrichir, la lisibilité des actions risque de devenir plus floue. D’une

part, le terme accueil fait l’objet d’un emploi assez systématique dans l’ensemble des

nouvelles pratiques précédemment décrites. Il est utilisé aussi bien pour désigner des

pratiques « ambulatoires » que pour dénommer la séparation. D’autre part, même si nous

avons tenté de dresser une typologie, il faut bien reconnaître que les formules de l’accueil

séquentiel, de l’AEMO avec hébergement et de la suppléance avec milieu ouvert, donnent en

pratique lieu à des projets extrêmement proches. En réalité, une distinction peut être faite

essentiellement sur des aspects institutionnels mais pas en termes de types de prise en charge

proposés aux enfants et aux parents. Il apparaît bien que, si les interventions sont pensées en

termes de « mesures », les objectifs, les moyens, les outils de ces différentes modalités sont

relativement identiques. La question actuelle est donc celle du contenu de ces mesures, de

l’articulation entre les références théoriques et les pratiques.

77

Il sera également important de déterminer, une fois la réforme entrée en vigueur, comment ces

nouvelles prestations sont utilisées, par les départements en particulier, et si elles favorisent de

nouveaux modes d’intervention s’appuyant sur les ressources de la famille, aidant les parents

à développer leurs compétences parentales et travaillant à l’insertion du groupe familial dans

son environnement.

II - Les jeunes en difficultés multiples

En 2006, l’Oned a décidé, suite à une demande du Conseil d’administration, de se pencher sur

les pratiques mises en oeuvre en direction de jeunes en difficultés multiples48 dont aucune

institution ne peut ou ne souhaite s’occuper. Le terme de « jeunes incasables » paraît très

problématique : non seulement la terminologie est peu respectueuse des personnes mais le fait

de « ne pas trouver de place » et le phénomène d’exclusion auxquels elle renvoie peuvent être

liés autant aux fonctionnements institutionnels qu’à ceux des individus eux-mêmes ainsi

qu’aux interactions entre les deux phénomènes. Les raisons de l’exclusion peuvent être de

natures très différentes.

Pour cerner cette réalité, l’Oned a tenté de définir son champ d’observation à partir des

éléments suivants : la sélection des structures étudiées se fait sans tenir compte d’une limite

d’âge et en fonction du type de difficultés rencontrées par les jeunes. Les structures retenues

doivent être interinstitutionnelles (au moins deux institutions concernées, parmi l’ASE, la

Santé, la Justice, l’Education nationale et un travail en coopération étroite) et les mineurs

doivent combiner au moins deux types de difficultés relevant de champs de compétence

institutionnels différents, dont une, de la protection de l’enfance. Il est également tenu

compte, d’une part, du caractère paroxystique des difficultés des jeunes et, d’autre part, du fait

de s’adresser à des jeunes ayant été renvoyés ou refusés par au moins une institution.

Les dispositifs d’intervention « classique » tels que les actions éducatives en milieu ouvert ou

la suppléance ne suffisent pas toujours à répondre de manière efficiente aux problématiques

de certains jeunes49. Ils peuvent se situer dans un refus, voire provoquer une mise en échec

des institutions chargées de les prendre en charge.

La démarche mise en place doit prendre en compte des éléments tels que : qui sont ces jeunes,

comment vivent-ils ? Différentes attitudes se manifestent plus ou moins : l’existence du refus

du cadre proposé, l’exigence quant à leurs souhaits de réponses, la notion d’immédiateté, la

non demande, la difficulté de se projeter dans l’avenir donc la difficulté à construire un projet

à long terme, les passages à l’acte, les fugues, les comportements parfois violents...

La relation éducative, par sa démarche compréhensive dans le cadre d’un rapport uniquement

verbal, peut être vécue par le jeune comme intrusive, voire comme une menace.

La question a longtemps consisté à se demander de quelle institution relevaient ces jeunes

(éducatif, social, médical, judiciaire...), ce qui permettait de conclure qu’en définitive ils ne

48 Rappelons que l’appel d’offres de recherche thématique de l’Oned a porté, en 2006, sur le même sujet.

49 A noter que, lors des visites effectuées par l’équipe de l’Oned dans les départements, plusieurs services

d’AEMO notaient une part non négligeable d’arrivées tardives de jeunes en crises graves de tous milieux

sociaux. La plupart n’auraient pas bénéficié de mesure au préalable, bien que les parents décrivent une petite

enfance très difficile avec d’importants signes de mal être, ce qui pose la question de la prévention et du repérage

des difficultés pour proposer des interventions adaptées.

Le système d’observation expérimenté par l’Oned devrait permettre de mieux repérer ces entrées tardives dans le

système de protection.

78

relevaient de personne. La difficulté de ces jeunes est bien qu’à un moment de leur parcours,

ils n’ont pas été entendus, accueillis quelque part, par « quelqu’un » comme « sujets ». Au

coeur des enjeux familiaux, sociaux, institutionnels voire politiques, il s’agit avec eux de

reconstruire une rencontre, un lien, de les accueillir et de les soutenir. Comme dans les

pratiques entre AEMO/AED et placement analysées précédemment, l’accompagnement

s’oriente de plus en plus vers une démarche « du faire avec et être avec » sur des temps

réguliers qui visent à maintenir le cadre et la continuité, avec une exigence : trouver (inventer)

de nouveaux modes d’établissements de la relation avec ces adolescents en vue de leur

proposer des soins de type psychothérapeutique.

La construction d’une réponse adaptée induit le rapprochement des professionnels du soin, de

la prévention et de l’éducation et non pas seulement la juxtaposition d’interventions. De

nouveaux dispositifs se mettent en place, construits dans une approche concertée, fondée sur

la connaissance mutuelle, l’identité professionnelle de chacun mais aussi sur l’articulation

inter-institutionnelle.

II.1 - Rappel historique

La prise en charge des jeunes en grande difficulté concerne autant le secteur de la justice que

ceux de la santé, du social, de l’éducation. Chacun d’eux a développé des politiques et

réglementé ses interventions depuis l’après-seconde guerre mondiale et dès 1945 en ce qui

concerne notamment l’enfance délinquante. La conscience de ce que les difficultés multiples

que présentaient ces jeunes se situaient à la croisée des secteurs concernés a amené les acteurs

à promouvoir une coordination de leurs interventions.

Soulignons qu’une concertation engagée dès 1999 entre les ministères de la Justice et de la

Santé a abouti, dans le prolongement du séminaire santé-justice de mai 2000, à la rédaction

d’un ouvrage intitulé « La prise en charge des jeunes en grande difficulté, éléments de

guidance à l’usage des professionnels », en 2003. Jacques de Maillard, chercheur et

enseignant de sciences politiques à l’IEP de Grenoble, y retrace le cheminement vers des

actions conjointes, dont il situe le démarrage à la circulaire du 21 août 1985 de l’Education

nationale et de la Justice pour la prise en charge des jeunes sous mandat judiciaire dans le

cadre des classes relais. Qu’il s’agisse de circulaires ou d’instructions ministérielles ou

interministérielles, il relève qu’elles appellent au partenariat, à l’association, au suivi global

(circulaire du 11 décembre 1992 du ministère de la santé, du 20 novembre 1997, du 8

septembre 1998, du 23 février 1999, circulaire du 2 octobre 1998 relative à la lutte contre la

violence en milieu scolaire signée de cinq ministères).

La circulaire PJJ du 12 mars 1996 cible une contractualisation des relations entre l’Etat et les

Conseils généraux.

L’instruction interministérielle relative à la protection de l’enfance du 10 janvier 2001 est

signée de sept ministres et de deux secrétaires d’Etat. Faisant référence aux lois du 10 juillet

1989 et du 17 juin 1998, elle rappelle la nécessité que les services de l’Etat coordonnent leur

action au service d’une politique efficace de protection de l’enfance. Elle préconise la mise en

place d’un groupe de coordination départemental réunissant l’ensemble de ces services.

79

Spécifique à la prise en charge concertée des troubles psychiques des enfants et adolescents

en grande difficulté, la circulaire du 3 mai 2002 est signée des directeurs de la PJJ, de la

Santé, de l’Hospitalisation et des soins, de l’Action sociale. Elle a pour objet d’inscrire en

priorité les réponses aux besoins d’éducation et de santé de ces mineurs dans les programmes

de santé et de l’enfance et de prévoir le cadre d’intervention qui doit permettre une meilleure

association des compétences de chacun des champs judiciaire, éducatif, sanitaire et social.

La volonté d’un travail partenarial est donc réelle et prend généralement la forme de

conventions ou de protocoles signés par les partenaires concernés. A ce stade, deux difficultés

sont régulièrement renvoyées par les intéressés : la pérennité et le financement du dispositif.

II.2 - Les pratiques observées par l’Oned

Trois grands types de structures/organisations peuvent d’ores et déjà être distingués parmi les

services que l’Oned a commencé à recenser :

a) Les services d’« aide aux aidants »

Il s’agit, soit sous forme d’équipes dédiées, soit sous forme de réunions régulières de

professionnels de différents champs de compétence, d’apporter un appui technique, une

logistique de réseau et une supervision à des équipes dépassées par la prise en charge de

jeunes en difficultés multiples. A Paris, la création du Dispositif Expert Régional Pour

Adolescents en Difficulté répond au souci de doter la région Ile-de-France d’un lieu

ressources pour les professionnels des équipes socio-éducatives et de santé mentale confrontés

à des blocages lors de la prise en charge d’adolescents en souffrance psychique. L’équipe du

DERPAD reçoit ces professionnels dans ses locaux ou se déplace dans les institutions. Un

Dispositif Ressource concernant les Adolescents Difficiles (DRAD), monté dans la Somme

par des représentants d’institutions intervenant dans le champ de la santé, de l’éducation et de

la protection de l’enfance propose également une consultation d’aide et d’élaboration aux

équipes.

b) Le réseau institutionnalisé de partenariat pour le suivi de situations

individuelles

Au regard des limites des réponses institutionnelles existantes et des problèmes rencontrés par

certains jeunes qui refusent les solutions proposées ou sont en rupture avec elles, des

partenaires ont développé une stratégie commune s’appuyant sur un travail en réseau. La

coopération entre partenaires a pour objectif, pour chaque situation soumise au réseau, de

rechercher une orientation ou de la construire en élaborant un parcours séquentiel impliquant

les moyens mutualisés des institutions parties prenantes (exemple du ROC en Loire-

Atlantique, du réseau de prise en charge des jeunes en très grande difficulté socio-éducative

et/ou judiciaire pouvant présenter des troubles psychiatriques en Côte-d’Or, du réseau accueil

en Seine-Saint-Denis). L’expérience de « Démission impossible » dans le Nord-Pas de Calais,

sur les problèmes de déscolarisation et de décrochage scolaire, repose sur la proposition de

parcours alternant des temps scolaires et des plateformes de pré-professionnalisation en

entreprise.

80

c) Les structures d’accueil avec ou sans financements croisés permettant de

répondre à des multi problématiques (réponses de type socio-éducatif et de

soins psychologiques)

Face aux troubles importants de certains jeunes auxquels les structures éducatives ordinaires

ne sont pas en mesure de répondre et qui ne relèvent pas pour autant d’une hospitalisation à

plein temps en secteur psychiatrique, des départements ou des associations, parfois après un

certain temps de fonctionnement en réseau institutionnalisé de partenariat, ont été amenés à

créer des établissements ou services pouvant offrir à la fois un accueil dans la durée et une

palette de réponses incluant une part importante de soins psychiques. Avec (exemple de

l’Unité Educative Thérapeutique de Côte-d’Or) ou sans (cas de Métabole à Paris)

participation financière du dispositif de santé, ces structures expérimentales visent la

restauration psycho-affective des adolescents et leur insertion sociale et professionnelle.

Des projets de création de structures à financements croisés sont en cours dans plusieurs

départements. Dans un département, la création d’une structure à triple financement (Conseil

général, PJJ, DDASS) pouvant accueillir des adolescents en grandes difficultés psychiques a

été bloquée, vraisemblablement pour des raisons financières.

Sur le plan institutionnel, parmi les trois catégories présentées ci-dessus les structures

impliquant plusieurs partenaires sont créées par voie de convention. Ainsi pour le ROC de

Loire-Atlantique une convention a été établie en 2003 et s’inscrit dans le cadre de la circulaire

du 3 mai 2002. Signée du préfet de Loire-Atlantique, du président du Conseil général, du

directeur de l’Agence régionale d’hospitalisation (ARH), des présidents des tribunaux de

grande instance de Nantes et St Nazaire, du directeur général du CHU de Nantes, du Syndicat

inter hospitalier de santé mentale de Loire-Atlantique, du directeur diocésain de

l’enseignement catholique, cette convention est mise en place pour une durée d’un an

renouvelable après évaluation. Elle peut être dénoncée moyennant un préavis de trois mois.

En Côte-d’Or, un réseau de prise en charge des jeunes en très grande difficulté socioéducative

et/ou judiciaire pouvant présenter des troubles psychiatriques a été créé. Une

convention constitutive a été établie en 1999 entre le Département, la DRASS, la DDASS, le

procureur de la République, la direction de la PJJ, la Direction départementale de la sécurité

publique, l’Inspection académique ; conclue pour une durée d’un an, elle est tacitement

reconduite et peut être dénoncée avec un préavis d’un mois.

Ainsi la pérennité de ces dispositifs dépend de la volonté de chaque participant qui peut à tout

moment, selon une modification de politique ou un changement de personne, retirer son

engagement. La situation du dispositif peut devenir immédiatement critique si le retrait est

décidé par un participant financeur. Dans le cas du ROC, le coordonnateur du réseau, seul

salarié, est employé par le Syndicat inter hospitalier en santé mentale de Loire-Atlantique qui

peut mettre fin à sa participation. Les nombreuses circulaires et instructions susvisées incitent

les partenaires à la conclusion de tels partenariats, sans que les dispositifs soient ainsi

institutionnalisés.

Le cas du DERPAD (Dispositif Expert Régional pour Adolescent en difficulté) est particulier.

Créé le 1er juillet 1996 par une convention entre le ministère de la Justice, le ministère de la

Santé, le président général de la Mutualité de la fonction publique et le directeur général de

l’Institut mutualiste Montsouris, ce dispositif est devenu un Groupement d’intérêt public en

mai 2006, les membres fondateurs en étant le ministère de la Justice et la Mutualité de la

fonction publique.

81

d) L’AEMO dite renforcée

L’AEMO dite renforcée correspond souvent, outre la diminution du nombre de suivis par

travailleur social, à l’élaboration d’un projet de prise en charge d’une population spécifique,

notamment les adolescents « à difficultés multiples ». Le renforcement de l’AEMO permet, en

effet, un type de réponse pour des jeunes en situation de vulnérabilité, voire d’exclusion. Il

s’agit d’agir directement auprès du mineur, mais aussi d’apporter aide et conseils à ses

parents, de protéger l’adolescent tout en permettant son maintien dans son milieu familial.

Elle conjugue des interventions pluri disciplinaires (éducateurs spécialisés, éducateurs

techniques, éducateurs sportifs, psychologues…).

Cette intervention est conçue pour une prise en charge sur un temps court. La relation et

l’action éducative s’engagent dès l’audience, différentes rencontres étant d’emblée

programmées sur un délai rapproché.

Il s’agit d’établir le contact, de maintenir le lien et de pouvoir proposer de manière réactive ce

qui évite le danger et permet d’engager une relation de confiance. L’intervention est ciblée sur

les priorités en termes de danger. Afin de garder le contact, il est parfois nécessaire

d’imaginer d’autres réponses dans l’instant. Il s’agit, quelquefois à partir « du peu », de

trouver le centre d’intérêt, l’adhésion pour arriver ensuite à la construction d’un projet

éducatif à part entière. Cela conduit à élaborer, avec le jeune et sa famille, des projets sous

forme de contrats brefs ayant des contenus très clairement ciblés qui permettent ainsi de

donner un sens et un rythme clairement identifiables à l’intervention. Des « temps ou séjours

de rupture », des solutions d’hébergement temporaire peuvent être proposés dans le cadre du

service ou dans la construction d’un partenariat avec d’autres.

II.3 - Conclusion

La mise en place d’une prise en charge en réseau des jeunes à difficultés multiples permet,

d’une part, de ne pas fractionner leurs difficultés, de ne pas « les classer » dans une catégorie,

de prendre en compte la globalité de leur problématique. D’autre part, ces réseaux permettent

aux professionnels de mettre en commun des approches différentes, sources de

décloisonnement et d’échanges, de tenir un engagement sur la durée et de partager le projet

avec le jeune et la prise en charge. Ceci évite la répétition des ruptures, les clivages.

Des limites apparaissent néanmoins quant à la mise en place et au fonctionnement en réseau :

- la prise en charge d’un jeune par une institution est articulée à un financement au prix

de journée. Par contre, la problématique et les réponses en direction de ces jeunes

demandent parfois une prise en charge par plusieurs institutions sur des mêmes temps

ponctuels,

- les liens de dépendance entre institutions. En effet, dans ce type de réseau certaines

institutions sont financées par d’autres, les institutions ne sont alors pas partenaires au

même titre du réseau.

- la formalisation sous forme de conventionnement induit une fragilité de ces structures.

Les questions liées à la difficulté du recrutement de professionnels diplômés, qui se posent

dans nombre de services, sont d’autant plus présentes dans les dispositifs d’accompagnement

de jeunes en grandes difficultés. D’autre part, la difficulté de mixité des équipes éducatives

est également posée étant donné la diminution du nombre d’éducateurs.

Il faut noter que des réflexions autour de projets de réseaux ou de structures d’accueils pluripartenariales

ont été récemment suspendues dans certains secteurs, en raison de la création de

82

maisons d’adolescents et en attendant de connaître leur configuration ainsi que leur offre de

service localement.

Enfin le projet de loi réformant la protection de l’enfance, a pour objectif de permettre la

création de structures d’accueil pour des adolescents à difficultés multiples nécessitant un

hébergement, un accompagnement socio-éducatif et une prise en charge de type

thérapeutique, notamment par son article 13.I.2°.a). L’insertion de ce nouveau type de service

dans un article réservé au statut juridique des mineurs relevant de la protection de l’enfance

aboutit à réserver cette possibilité à l’accueil provisoire alors que la plupart des jeunes à

difficultés multiples relèvent aujourd’hui d’une mesure judiciaire. Un recours éventuel des

juges des enfants à l’AEMO avec hébergement ne serait qu’un palliatif.

83

CONCLUSION

A l’heure où l’Oned remet ce deuxième rapport au Parlement et au Gouvernement, le projet

de loi réformant la protection de l’enfance est encore en débat au Parlement. 2006 est donc

une année de transition et c’est dans cette perspective que le présent rapport a traité d’un

certain nombre de questions qui se posent autour de l’évolution en cours du cadre juridique du

dispositif, en ouvrant le champ des réflexions à des expériences étrangères.

Une fois la loi votée, une des missions importantes de l’Oned sera d’étudier dans les mois et

années à venir la mise en oeuvre des nouvelles dispositions et d’assurer pleinement son rôle

de soutien aux administrations, aux départements et aux associations. Le prochain rapport

analysera de façon précise la mise en place de la réforme ainsi que les problèmes et les

attentes qu’elle suscitera parmi les conseils généraux et l’ensemble des acteurs de la

protection de l’enfance.

84

GLOSSAIRE

Sigle Définition

ADF Assemblée des départements de France

AED Aide éducative à domicile

AEMO Action éducative en milieu ouvert

AEP Action éducative préventive

ANPF Association nationale des placements familiaux

ASE Aide sociale à l'enfance

CAF Caisse d’allocations familiales

CASF Code de l'action sociale et des familles

CATTP Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel

CESF Conseillèr(e) en économie sociale et familiale

CIDE Convention internationale des droits de l’enfant

CLIS classe d’intégration scolaire

CMP Centre médico-psychologique

CMPP Centres médico-psycho-pédagogique

CNAEMO Carrefour national de l’AEMO

CNAF Caisse nationale des allocations familiales

CNAPE Coordination des associations de protection de l’enfance

CNESMS Conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale

CNIL Commission nationale informatique et liberté

CRAT Compte-rendu d'appel téléphonique

CREAI Centre régional pour l'enfance et l'adolescence inadaptées

CRP Contrat de responsabilité parentale

DACG Direction des affaires criminelles et des grâces

DAP Délégation d’autorité parentale

DDASS Direction départementale de l'action sanitaire et sociale

DRASS Direction régionale des affaires sanitaires et sociales

DESCO Direction de l'enseignement scolaire

DGS Direction générale de la santé

DHOS Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins

DPJJ Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

DRASS Direction régionale de l'action sanitaire et sociale

DREES Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques

FINESS Fichier national des établissements sanitaires et sociaux

GIP Groupement d'intérêt public

GIPEM Groupement d'intérêt public enfance maltraitée

GNDA Groupement national des directeurs généraux d’associations

INPES Institut national de prévention et d’éducation pour la santé

INSEE Institut national de la statistique et des études économiques

INSERM Institut national de la santé et de la recherche médicale

IOE Investigation et orientation éducative (mesure de)

JAF Juge aux affaires familiales

MDPH Maison départementale des personnes handicapées

85

MECS Maison d'enfants à caractère social

ODAS Observatoire national de l'action sociale décentralisée

OND Observatoire national de la délinquance

ONED Observatoire national de l'enfance en danger

OPJ Officier de police judiciaire

OPP Ordonnance de placement provisoire

OSE Oeuvre de secours aux enfants

PJJ Protection judiciaire de la jeunesse

PJM Protection jeunes majeurs

PMI Protection maternelle et infantile

REAAP Réseau d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents

RRSE Recueil de renseignements socio-éducatifs

SAPMN Service d’adaptation progressive en milieu naturel

SEGPA Service section d’enseignement général et professionnel adapté

SSP Service social polyvalent

TISF Technicien de l’intervention sociale et familiale

UNIOPSS

Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et

sociaux

UPI Unité pédagogique d’intégration

URIOPSS

Union régionale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et

sociaux

86

BIBLIOGRAPHIE

Textes juridiques

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mineurs et à la protection de l’enfance

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droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales

Loi n°98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions

sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs

Loi n°2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants

Loi n°2000-197 06/03/2000 visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la

détection des faits de mauvais traitements à enfants

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Loi n°2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale

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éducative

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fonctionnement des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques

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Décret n°2006-627 du 29 mai 2006 relatif aux dispositions du code du travail applicables aux

assistants maternels et aux assistants familiaux

Décret n°2006-1153 du 14 septembre 2006 relatif à l’agrément des assistants maternels et des

assistants familiaux et modifiant le code de l’action sociale et des familles (partie

réglementaire)

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87

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Circulaire n° 2001-012 du 12-1-2001 relative aux orientations générales pour la politique de

santé en faveur des élèves

Circulaire n°70 du 11 décembre 1992 relative aux orientations de la politique de santé

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Circulaire DGS n°97-731 du 20 novembre 1997 relative aux conférences régionales de santé

et aux programmes régionaux de santé.

Circulaire DGS/DAGPB/DAS n°98/568 du 8 septembre 1998 relative à la mise en oeuvre de

la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions

Circulaire N°DGS/SP2/99/110 du 23 février 1999 relative à la mise en place de programmes

régionaux d'accès à la prévention et aux soins pour les personnes en situation de précarité

Circulaire d'orientation 2001-04 DIR/15-05-2001 relative à la protection judiciaire de la

jeunesse sur l'organisation des services au niveau départemental N

Circulaire n°2003-210 du 01 décembre 2003 relative à la santé des élèves, programme

quinquennal de prévention et d’éducation

Circulaire interministérielle n° DGS/SD6C/DHOS/O2/DESCO/2005/471 du 18 octobre 2005

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Circulaire du 14 février 2006 relative à la mise en place du programme de réussite éducative

88

Circulaire n° 2006-051 du 27 mars 2006 intitulée « Préparation de la rentrée 2006 »

Code de l’action sociale et des familles

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21/12/2011
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