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Violation du droit à un délai de procédure raisonnable : exigence d’un recours en indemnisation effectif

Violation du droit à un délai de procédure raisonnable : exigence d’un recours en indemnisation effectif

Toute procédure judiciaire est tenue de respecter un délai raisonnable. La violation de ce principe ouvre droit à réparation. Dans le cadre d’une action engageant la responsabilité de l’État, le justiciable doit avoir droit à un recours effectif et à une procédure judiciaire qui respecte, elle-même, l’exigence d’un délai raisonnable.


Conformément à l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme, la justice doit répondre à l’objectif du respect d’un délai raisonnable de la procédure.

L’exigence de célérité s’applique à toute procédure judiciaire et prend en compte la durée entière de celle-ci. En matière pénale, le délai court à partir de la date à laquelle l’accusation a été portée. Il couvre toute la procédure, y compris les recours quand il existe plusieurs degrés de juridictions. Il prend fin à la date de la décision judiciaire définitive.

Afin d’apprécier le caractère raisonnable du délai de procédure, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a dégagé trois éléments à prendre en compte (CEDH 8 déc. 1983, Pretto c/ Italie ; CEDH 25 mars 1999, Pélissier et Sassi c/ France) :

– la complexité de l’affaire ;

– le comportement des autorités judiciaires ;

– la conduite des requérants.

En France, pour dénoncer une procédure excédant un délai raisonnable, les justiciables agissent sur le fondement de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire (COJ, anc. L. 781-1). Ce texte permet d’obtenir réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice mais n’a aucune incidence sur la validité des procédures en cause (Crim. 24 avr. 2013).

Dans le premier arrêt rapporté, le requérant français, au nom de son père décédé, une action en responsabilité de l’État sur le fondement de l’article L. 781-1 du Code de l’organisation judiciaire, alors en vigueur. Il invoquait la durée excessive des poursuites pénales engagées contre son père. La procédure en indemnisation ayant duré plus de six années, le requérant fit un recours devant la CEDH afin de voir condamner la France pour violation de l’article 6, §1er, de la Convention.

La Cour tranche en sa faveur estimant que la durée de la procédure litigieuse était excessive et ne répondait pas à l’exigence du « délai raisonnable ». Elle rappelle, à cette occasion, l’importance pour les juridictions internes de porter une attention particulière à ce type de procédures d’indemnisation, notamment pour ce qui est de la durée raisonnable de leur examen (CEDH 22 mai 2003, Gouveia da Siva Torrado c/ Portugal ; CEDH 29 mars 2006, Cocchiarella c/ Italie ; CEDH 24 sept. 2009, Sartory c/ France).

Si la Cour condamne la procédure d’une durée excessive, elle exige également que les États prévoient un recours adéquat pour redresser la violation.

Dans le second arrêt rapporté, un ressortissant canadien, placé sous mandat d’arrêt pour différentes infractions, se plaignait de la longueur de la procédure menée à son encontre. Il avait introduit trois requêtes auprès de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles afin de voir levées les saisies réalisées dans le cadre de l’instruction de l’affaire. Le requérant obtint la levée des saisies mais engagea une procédure devant la CEDH contre l’État belge au motif que l’instruction était toujours pendante plus de onze ans après les faits.

Conformément à sa jurisprudence passée, la Cour reconnaît au requérant le droit à un recours effectif (Conv., art. 13) concernant le grief relatif à la durée de l’instruction (CEDH gde ch., 10 sept. 2010, McFarlane c/ Irlande). En l’espèce, les deux recours, ouverts au requérant, invoqués par le gouvernement belge, ne pouvaient être considérés comme effectifs. Estimant que la complexité de l’affaire ne suffisait pas à expliquer pourquoi la procédure avait connu une telle durée, la Cour conclut à une violation de l’article 6, § 1er, de la Conv. EDH.

CEDH 28 oct. 2014, Panju c/ Belgique, n° 18393/09

CEDH 30 oct. 2014, Palmero c/ France, n° 77362/11

Références

■ CEDH 8 déc. 1983, Pretto c/ Italie, n°7984/77.

■ CEDH 25 mars 1999, Pélissier et Sassi c/ France, n° 25444/94.

 Crim. 24 avr. 2013, n°12-82.863.

■ CEDH 22 mai 2003, Gouveia da Siva Torrado c/ Portugal, n° 65305/01.

■ CEDH 29 mars 2006, Cocchiarella c/ Italie, n°64886/01.

■ CEDH 24 sept. 2009, Sartory c/ France, n°40589/07.

■ CEDH, gde ch., 10 sept. 2010, McFarlane c/ Irlanden°31333/06.

■ Convention européenne des droits de l’homme

 Article 6 - Droit à un procès équitable

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique,  lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à :

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend  pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

Article 13 - Droit à un recours effectif

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

■ Article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire

« L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.

Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »

 

Auteur : O. A.
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30/11/2014
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