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EXAMEN DES ARTICLES CHAPITRE 1ERDISPOSITIONS RELATIVESA L'ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE 1ER
DISPOSITIONS RELATIVES
A L'ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE

Le premier chapitre du projet de loi concerne les relations entre la Chancellerie et les magistrats du parquet ; il comprend trois articles qui tendent à préciser les rôles respectifs du ministre de la justice, du procureur général et du procureur de la République.

L'Assemblée nationale a complété ce chapitre par deux articles additionnels, le premier prévoyant la possibilité pour une association reconnue d'utilité publique, partie civile, de demander au parquet de faire appel de la décision sur l'action publique en cas de jugement de relaxe (article 1er bis) et le second fixant des délais pour l'examen des pourvois dans l'intérêt de la loi formés par le garde des Sceaux devant la Cour de cassation (article 1er ter).

Article 1er
(art. 30 à 30-2 du code de procédure pénale)
Attributions du ministre de la justice

L'article 1er du projet de loi a pour objet de définir le rôle du ministre de la justice en matière d'action publique. A cette fin, il tend à insérer dans le titre Ier du Livre Ier du code de procédure pénale, consacré aux " autorités chargées de l'action publique et de l'instruction ", un nouveau chapitre intitulé " Du ministre de la justice " qui est appelé à s'insérer entre les chapitres concernant respectivement la police judiciaire et le ministère public et qui introduirait, selon sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, trois nouveaux articles dans le code de procédure pénale (articles 3011(*) à 30-2).

A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a remanié la présentation formelle de l'article 1er du projet de loi en y apportant un certain nombre de modifications de fond.

Article 30 du code de procédure pénale
Définition des orientations générales de la politique pénale
Interdiction des instructions dans les affaires individuelles

A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a regroupé dans un même article du code de procédure pénale (art. 30) deux dispositions que la rédaction initiale du projet de loi faisait figurer dans deux articles séparés et qui concernent respectivement :

- la définition par le ministre de la justice des orientations générales de la politique pénale (1èr alinéa) ;

- et l'interdiction faite à ce même ministre de donner des instructions dans les affaires individuelles (2nd alinéa).

· La définition des orientations générales de la politique pénale

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que le ministre de la justice définissait les " orientations générales " de la politique pénale, destinées aux magistrats du ministère public et portées à la connaissance des magistrats du siège.

Afin semble-t-il de mieux marquer le caractère impératif de ces orientations générales définies par le garde des Sceaux, l'Assemblée nationale a préféré les désigner sous le terme de " directives " ; elle a en outre précisé qu'elles seraient adressées aux magistrats du ministère public " pour application " et aux magistrats du siège " pour information ".

Cette disposition n'a pas d'équivalent dans la législation actuelle, aucune disposition législative ne prévoyant formellement la définition d'orientations ou d'instructions de caractère général par le garde des Sceaux.

Cependant, dans la pratique, il est d'usage que la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice adresse des circulaires aux magistrats du parquet, notamment à l'occasion de la publication de nouveaux textes législatifs.

Mme Elisabeth Guigou, actuel garde des Sceaux, a d'ailleurs considérablement développé cette pratique. En effet, alors que les circulaires concernant la politique pénale étaient jusque là relativement peu nombreuses, pas moins de 39 circulaires ont été adressées aux magistrats depuis son accession à la Chancellerie (5 en 1997, 26 en 1998 et 8 en 199912(*)). Ces circulaires ont porté tant sur des priorités générales de la politique pénale telles que l'aide aux victimes d'infractions pénales, les réponses à apporter à la délinquance juvénile, la lutte contre le racisme et la xénophobie ou la lutte contre les sectes, que sur des problèmes d'actualité plus ponctuels comme la sécurité des transports publics, le dispositif judiciaire mis en place à l'occasion de la coupe du monde de football, la poursuite des actes délictueux dirigés contre les produits agricoles importés, la gestion des " crises urbaines " ou encore les conditions de travail dans les transports routiers.

Certes, il peut apparaître légitime que le Gouvernement, chargé, aux termes de l'article 20 de la Constitution, de déterminer et de conduire la politique de la Nation, définisse des priorités en matière de politique pénale, dans la mesure où les magistrats du parquet n'ont en pratique pas les moyens de poursuivre toutes les infractions et sont appelés à faire des choix d'opportunité. Cependant, il convient de veiller à ce qu'une telle définition de priorités n'entraîne par contre coup l'indication de domaines non prioritaires et n'aboutisse ainsi à un infléchissement du code pénal qui doit rester la base essentielle de la politique pénale.

La consécration dans le code de procédure pénale de ces " orientations " ou " directives " du ministre pose ainsi le problème de leur valeur juridique.

En effet, ainsi que l'a d'ailleurs confirmé Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, au cours de son audition devant votre commission des Lois, elles ne sauraient avoir une valeur réglementaire, le pouvoir réglementaire étant exercé par le seul Premier ministre en application de l'article 21 de la Constitution.

Elles ne sauraient non plus a fortiori empiéter sur la compétence du législateur ; or il est à souligner qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, le droit pénal relève du domaine de la loi.

De même que les circulaires actuelles, conformément à une jurisprudence constante du Conseil d'Etat13(*), les " directives " générales du ministre de la justice ne pourront avoir qu'une valeur interprétative et non normative.

C'est pourquoi votre commission juge préférable d'employer le terme d'" orientations " plutôt que celui de " directives " afin de bien marquer qu'elles ne peuvent jouer qu'un rôle d'impulsion ; elle vous propose donc d'adopter des amendements rédigés en ce sens.

Par ailleurs, reste posée la question de savoir si un magistrat du parquet qui ne respecterait pas les orientations générales de la politique pénale définies par le ministre s'exposerait à des sanctions disciplinaires, le projet de loi n'apportant de réponse claire à ce sujet ni dans son dispositif ni dans son exposé des motifs.

Au cours de son audition devant votre commission des Lois, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a pour sa part estimé que le pouvoir disciplinaire pourrait s'exercer, mais qu'il serait sans doute difficile de le mettre en oeuvre la première fois qu'un procureur ne respecterait pas une directive générale, dans la mesure où celui-ci pourrait justifier ce non-respect en invoquant les circonstances locales.

· L'interdiction des instructions dans les affaires individuelles

Dans un second alinéa, le texte proposé par l'article 1er du projet de loi pour l'article 30 du code de procédure pénale, tel que modifié par l'Assemblée nationale, pose le principe de l'interdiction faite au ministre de la justice de donner des instructions dans les affaires individuelles.

On rappellera que dans le droit actuel, le pouvoir reconnu au garde des Sceaux de donner des instructions dans les affaires individuelles, de par son autorité hiérarchique sur les magistrats du parquet, est strictement encadré par l'article 36 du code de procédure pénale14(*), dans sa rédaction issue de la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 dite " loi Méhaignerie ". Aux termes de cet article, " le ministre de la justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes. "

Depuis la loi du 24 août 1993 qui a cherché par cette rédaction à clarifier les relations entre le ministre de la justice et les parquets, seules sont donc légales les instructions " écrites et versées au dossier " . Par ailleurs, la lettre du texte n'autorise que les instructions tendant à l'engagement de poursuites et prohibe donc en principe les instructions tendant au classement sans suite, qui seraient les plus contestables puisqu'elles aboutiraient à une décision insusceptible de recours et non soumise à un juge.

L'interdiction de toute instruction du ministre de la justice dans les affaires individuelles, à laquelle tend le projet de loi, a une valeur symbolique forte. Elle marque la volonté de garantir l'impartialité des décisions des magistrats du parquet et de lever tout soupçon quant à une éventuelle motivation politique des interventions du ministre.

Elle correspond ainsi à l'engagement pris par l'actuel Premier ministre au cours de sa déclaration de politique générale du 19 juin 199715(*) et à la pratique constamment réaffirmée par Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, depuis son arrivée à la Chancellerie.

Cependant, force est de constater que l'abrogation des dispositions actuelles de l'article 36 du code de procédure pénale ne devrait avoir que peu d'incidence pratique dans la mesure où les instructions écrites et versées au dossier semblent avoir été fort rares.

De plus, aucune disposition législative ne pourra jamais empêcher d'éventuelles conversations entre la Chancellerie et les magistrats du parquet et il n'est pas inutile de rappeler que le garde des Sceaux conservera une influence sur la carrière des magistrats du parquet puisque qu'il gardera en tout état de cause le pouvoir de proposition pour les nominations, même lorsque celles-ci seront soumises à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature à la suite de l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle en instance d'adoption par le Congrès.

Par ailleurs, le projet de loi entoure l'interdiction des instructions individuelles faite au ministre de la justice, d'importantes contreparties qui en relativisent singulièrement la portée.

D'une part, il met l'accent sur le développement des instructions générales. Or, la politique pénale n'étant finalement que le résultat du traitement d'une multitude d'affaires individuelles, la différence entre les instructions générales -qui visent le traitement d'affaires particulières- et les instructions individuelles, peut n'être que ténue. En témoigne l'exemple donné par Mme Elisabeth Guigou, au cours du débat à l'Assemblée nationale, de la production par la Chancellerie de directives générales adaptables d'heure en heure pour faire face à une grève de routiers.

D'autre part, ainsi qu'on le verra plus loin, le projet de loi tend à instituer un droit d'action propre du ministre de la justice lui permettant d'intervenir directement dans les affaires individuelles en provoquant la mise en mouvement de l'action publique (cf. ci-après article 30-1 nouveau du code de procédure pénale).

En outre, le ministre dispose d'un droit d'information sur toutes les affaires.

Quoi qu'il en soit, votre commission considère que lorsque les intérêts fondamentaux de l'Etat sont en jeu, il est de la responsabilité du Gouvernement de garantir la cohérence de l'action publique.

C'est pourquoi elle vous propose d'adopter un amendement tendant à prévoir la possibilité pour le ministre de la justice de donner des instructions individuelles pour ce qui concerne les infractions relatives aux atteintes aux intérêts fondamentaux de l'Etat et au terrorisme, visées aux titres Ier et II du livre IV du code pénal, consacré aux crimes et délits contre la Nation, l'Etat et la paix publique. Il s'agit notamment de la trahison, de l'espionnage, des attentats, complots et mouvements insurrectionnels, des atteintes au secret de la défense nationale et des actes de terrorisme.

Dans les affaires relatives à ces infractions, le ministre pourrait donc, comme dans le droit actuel, enjoindre aux procureurs généraux d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il jugerait opportunes.

De même qu'à l'heure actuelle, ces instructions devraient être écrites et versées au dossier ; votre commission a en outre souhaité qu'elles soient motivées.

Ce n'est donc que sous réserve du maintien des prérogatives actuelles du ministre de la justice dans ce " domaine réservé " que votre commission vous propose d'accepter l'interdiction générale des instructions du ministre dans les affaires individuelles.

Pour les affaires autres que celles mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat, elle vous proposera de confier le soin d'assurer l'unité de l'application de la politique pénale à une autorité indépendante nouvelle, le procureur général de la République auquel serait reconnu le pouvoir de donner des instructions dans les affaires individuelles dans les mêmes conditions que celles qui sont actuellement prévues par l'article 36 du code de procédure pénale pour le ministre de la justice (cf. article additionnel après l'article 1er du projet de loi).

Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour l'article 30 du code de procédure pénale après l'avoir modifié par les amendements présentés ci-dessus.

Article 30-1 nouveau du code de procédure pénale
Droit d'action propre du ministre de la justice

Le texte proposé pour l'article 30-1 nouveau du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, tend à permettre au ministre de la justice de mettre en mouvement l'action publique dans l'intérêt général en cas de carence du parquet.

Il s'agirait d'un pouvoir d'action propre qui devrait être exercé personnellement par le garde des Sceaux dans l'hypothèse où celui-ci estimerait, en l'absence de poursuites pénales, que l'intérêt général commanderait de telles poursuites.

Cette action permettrait donc, à titre subsidiaire, de mettre en mouvement l'action publique, mais non d'y mettre fin. Elle serait mise en oeuvre selon les modalités suivantes :

- le ministre de la justice saisirait lui-même la juridiction d'instruction par voie de réquisitoire ou la juridiction de jugement par voie de citation directe ;

- une copie de l'acte de poursuite serait adressée, par l'intermédiaire du procureur général, au parquet compétent (par tous moyens en cas d'urgence) ;

- le parquet devrait ensuite jouer le même rôle dans la procédure que s'il avait lui-même enclenché l'action publique, le ministre n'étant ni partie à cette procédure, ni représenté par un avocat .16(*)

L'Assemblée nationale a complété ce dispositif en permettant au ministre de la justice d'exercer un " droit de suite " dans la procédure en cas de décision ultérieure du juge tendant à mettre fin aux poursuites ; ainsi, le ministre pourrait subsidiairement se pourvoir en appel ou en cassation contre une décision de refus d'informer, de non-lieu ou de relaxe intervenant dans une procédure à l'origine de laquelle il aurait mis en mouvement l'action publique.

Le droit d'action propre du ministre de la justice qui serait ainsi institué a pour objet de lui permettre, à titre exceptionnel, de provoquer l'engagement de poursuites pénales si l'intérêt général lui semble l'exiger, nonobstant l'interdiction de toute instruction dans les affaires individuelles. Selon les explications fournies par Mme Elisabeth Guigou devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale, cette procédure pourrait par exemple être utilisée dans des affaires concernant la défense des intérêts nationaux, la défense nationale, les crimes contre l'humanité, la lutte contre le terrorisme ou encore les discriminations raciales.

Mme Elisabeth Guigou a en outre précisé au cours de son audition devant votre commission des Lois que ce droit d'action propre lui paraissait susceptible d'être mis en oeuvre dans des hypothèses où le parquet se refuserait à poursuivre, par exemple, des commandos anti-IVG, ou un fonctionnaire détenant des documents classés secret défense sans respecter les règles prévues en la matière, ou une entreprise pratiquant des ventes d'armes illégales, ou encore en vue de sanctionner le nouveau délit de bizutage.

A la différence d'une instruction donnée à un magistrat du parquet, le caractère public de cette procédure aurait l'avantage d'une plus grande transparence ; en outre, le garde des Sceaux devrait en assumer personnellement la responsabilité et en rendre compte devant le Parlement (cf. ci-après article 30-2 nouveau du code de procédure pénale).

Cependant, elle apparaît quelque peu contradictoire avec le principe de la suppression de toute instruction du garde des Sceaux dans les affaires individuelles, ces différences portant davantage sur la forme que sur le fond.

Au surplus, l'instauration de ce droit d'action directe du ministre de la justice ne va pas sans soulever quelques interrogations tant sur le plan des principes que quant à sa mise en oeuvre pratique.

Tout d'abord, ce dispositif peut être considéré comme portant atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, dans la mesure où il fait jouer au garde des Sceaux, membre de l'exécutif, le rôle d'un magistrat et où il aboutit ainsi à la création d'un second ministère public ou d'un " parquet bis ".

D'autre part, dans la pratique, le parquet se trouverait dans une situation curieuse puisqu'après avoir été désavoué par le ministre, il devrait reprendre à son compte une poursuite qu'il n'aurait pas souhaité engager. En outre, la publicité donnée à cette poursuite risque d'aboutir à une médiatisation telle que la procédure ne pourrait être que très rarement, voire jamais engagée et qu'en tout cas la sérénité des éventuels débats serait quelque peu compromise.

Enfin, sous la Vème République, ainsi que l'a rappelé le président Jacques Larché, il n'existe pas de responsabilité politique individuelle des ministres. Le ministre de la justice ne saurait donc engager sa responsabilité politique à l'occasion du recours à cette procédure.

Pour toutes ces raisons, votre commission considère que la création de ce droit d'action propre du ministre de la justice n'est pas opportune. Au demeurant, cette procédure n'aurait plus de raison d'être dans la mesure où, comme votre commission vous le propose, le garde des Sceaux conserverait la possibilité de donner des instructions dans les affaires mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat et où serait instituée une autorité indépendante susceptible de provoquer l'engagement de poursuites dans les autres affaires si des considérations d'intérêt général le justifiaient.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement de suppression du texte proposé pour l'article 30-1 nouveau du code de procédure pénale.

Article 30-2 nouveau du code de procédure pénale
Publicité des orientations générales de la politique pénale
Information du Parlement sur leur mise en oeuvre

Dans un souci de transparence et de meilleure participation du Parlement, le texte proposé pour l'article 30-2 nouveau du code de procédure pénale tend à prévoir la publicité des orientations générales de la politique pénale et l'information du Parlement sur les conditions de leur mise en oeuvre.

· Dans son premier alinéa, tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale, il pose tout d'abord le principe de la publicité des directives générales du ministre de la justice. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, la Chancellerie envisage, comme pour les circulaires actuelles, une publication systématique au Bulletin officiel du ministère de la justice, mais pas nécessairement au Journal officiel.

Votre commission vous propose d'adopter cette disposition sous réserve d'un amendement de coordination tendant à remplacer le terme " directives " par le terme " orientations ".

· Dans son second alinéa, tel que rédigé par l'Assemblée nationale, le texte proposé pour l'article 30-2 nouveau du code de procédure pénale prévoit l'obligation pour le ministre de la justice d'informer chaque année le Parlement des conditions de mise en oeuvre de ses directives générales de politique pénale, ainsi que de l'application de son pouvoir propre d'engagement de poursuites pénales, prévu à l'article 30-1 nouveau du code de procédure pénale.

L'Assemblée nationale a souhaité préciser que cette information du Parlement donnerait lieu à une déclaration du ministre de la justice pouvant être suivie d'un débat, qui devrait normalement avoir lieu dans chacune des deux assemblées.

Votre commission approuve cette disposition tendant à renforcer l'information du Parlement et à lui permettre d'exercer plus efficacement sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement dans le domaine de la politique pénale. L'ensemble du dispositif constitue l'un des aspects les plus positifs et novateurs du projet.

Elle vous propose donc d'adopter le texte proposé pour l'article 30-2 nouveau du code de procédure pénale sous réserve d'amendements de coordination tendant à substituer le mot " orientations " au mot " directives " et à faire disparaître la référence au droit d'action propre du ministre de la justice (article 30-1 nouveau du code de procédure pénale) qu'elle vous a précédemment proposé de supprimer.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier du projet de loi tel que modifié par l'ensemble des amendements présentés ci-dessus.

Article additionnel après l'article 1er
Création d'un procureur général de la République

Après l'article premier, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel prévoyant l'institution d'une autorité indépendante, placée au sommet de la hiérarchie du ministère public et chargée d'assurer la cohérence de l'action publique au niveau national pour ce qui concerne les infractions autres que celles relatives aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et au terrorisme. Cette autorité serait désignée sous les termes de " procureur général de la République ".

La mise en place de cette autorité indépendante répondrait à la nécessité de garantir une application homogène, sur l'ensemble du territoire national, de la politique pénale définie par le Gouvernement, et d'assurer aussi l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Sur le plan technique, elle aurait en outre pour effet de permettre une coordination de l'action des procureurs généraux près les cours d'appel non suspecte de politisation, et garantissant aussi l'impartialité des décisions du parquet vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Elle apporterait ainsi une solution radicale à la question récurrente de l'influence politique sur la conduite des affaires pénales.

Elle s'inspirerait des organes indépendants placés à la tête du parquet dans plusieurs Etats étrangers, tels que par exemple le Directeur des poursuites publiques anglais, le " Fiscal général " espagnol ou le procureur général de la République portugais.

L'amendement propose donc d'introduire dans le code de procédure pénale un nouveau chapitre intitulé " Du procureur général de la République " qui s'insérerait entre les divisions respectivement consacrées au ministre de la justice et au procureur général près la cour d'appel, et qui comporterait des dispositions relatives aux attributions et à la désignation du procureur général de la République.

· S'agissant tout d'abord de ses attributions, le procureur général de la République devrait veiller à la cohérence de l'exercice de l'action publique sur l'ensemble du territoire national et au respect des orientations générales de la politique pénale définies par le ministre de la justice.

De même que le procureur général près la cour d'appel est chargé de coordonner l'action des procureurs de la République, le procureur général de la République serait chargé de coordonner l'action des procureurs généraux de manière à éviter d'éventuelles distorsions dans la conduite de l'action publique entre les ressorts des différentes cours d'appel.

Alors que le garde des Sceaux n'interviendrait plus en aucune façon dans les affaires individuelles, hormis les cas où les intérêts fondamentaux de l'Etat seraient en cause, le procureur général de la République, autorité indépendante et apolitique, aurait en revanche la possibilité de donner des instructions aux procureurs généraux pour ce qui concerne les infractions autres que celles visées aux titres Ier et II du livre IV du code pénal, à condition toutefois qu'elles soient écrites, motivées et versées au dossier, de même que pour les instructions susceptibles d'être données par les procureurs généraux aux procureurs de la République. Cette disposition lui permettrait le cas échéant de faire valoir des considérations d'intérêt général, par exemple en matière d'extradition ou encore en cas de mouvements sociaux menaçant l'ordre public.

Son action devrait s'inscrire dans le cadre général de la loi pénale et de la politique pénale définie par le Gouvernement.

Bien entendu, il devrait rendre compte de l'exercice de sa mission, en adressant chaque année au Président de la République et au ministre de la justice un rapport sur son activité.

· Les modalités de désignation du procureur général de la République devraient permettre de garantir sa légitimité et son impartialité.

Dans cet esprit, l'amendement propose qu'il soit nommé par le Président de la République, issu du suffrage universel et qui, aux termes de l'article 64 de la Constitution, est " garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire ".

Cependant, afin d'éviter toute politisation de cette nomination, le Président de la République serait tenu de le choisir sur une liste de trois personnalités proposées par le Conseil supérieur de la magistrature, qui est chargé de l'assister dans sa mission constitutionnelle de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Le Conseil supérieur de la magistrature, qui se réunirait à cette fin en formation plénière, resterait pour sa part libre de présenter toute personnalité qui lui semblerait qualifiée pour exercer les fonctions attribuées au procureur général de la République. De manière à assurer son indépendance, le mandat du procureur général de la République devrait être d'une durée suffisante, qui pourrait être fixée à cinq ans, mais ne serait pas renouvelable.

On observera que la nomination du procureur général de la République par le Président de la République serait soumise au contreseing du Premier ministre et du ministre de la justice, conformément aux dispositions des articles 13 et 19 de la Constitution.

Ainsi serait donc désignée une personnalité éminente qui pourrait assumer en toute indépendance la responsabilité d'une application cohérente de la politique pénale définie par le Gouvernement.

Il convient cependant de ne pas conférer à cette personnalité une irresponsabilité totale.

L'amendement prévoit donc que dans l'éventualité où le procureur général de la République se trouverait empêché d'exercer ses fonctions, de même que dans l'hypothèse où il aurait commis un manquement grave aux obligations de sa charge, le Président de la République mettrait fin à ses fonctions sur décision du Conseil supérieur de la magistrature saisi par le ministre de la justice et statuant en formation plénière à la majorité absolue de ses membres.

Désireuse de garantir la cohérence de l'action publique tout en levant toute ambiguïté quant à son éventuelle politisation, votre commission vous propose donc de prévoir la mise en place d'un procureur général de la République indépendant à la tête du ministère public en adoptant un amendement tendant à insérer après l'article premier un article additionnel ainsi rédigé.

Article 1er bis
(art. 497-1 nouveau du code de procédure pénale)
Droit pour les associations de demander au procureur
de faire appel sur l'action publique

Cet article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale sur proposition de M. Alain Tourret, a pour objet d'insérer dans le code de procédure pénale un article 497-1, afin de permettre aux associations reconnues d'utilité publique, parties civiles, ayant fait appel d'un jugement sur leurs intérêts civils, de demander au procureur de la République de faire appel de la décision sur l'action publique. Dans les dix jours, le procureur devrait, s'il décidait de ne pas donner suite à cette demande, informer la partie civile des motifs de sa décision. En cas de réponse négative ou en l'absence de réponse, l'association pourrait former un recours devant le procureur général qui devrait l'informer des motifs de sa décision s'il décidait de ne pas interjeter appel.

Le texte proposé prévoit que ses dispositions ne modifient pas les délais prévus par le code de procédure pénale en matière d'appel des jugements correctionnels (les parties disposent de dix jours pour faire appel à l'exception du procureur général qui dispose de deux mois).

Depuis plusieurs années, le rôle des associations dans le procès pénal se renforce de manière continue. Le législateur a en effet reconnu à un grand nombre d'entre elles le droit de participer au procès, soit en joignant leur action à celle du procureur ou de la victime soit en mettant elles-mêmes en mouvement l'action publique. Ainsi, le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, en cours de discussion, prévoit-il la possibilité pour les associations de lutte contre les sectes d'exercer les droits reconnus à la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.

Cette extension continue du rôle des associations dans le procès pénal n'est pas sans susciter certaines interrogations. M. Pierre Albertini, député, dans le rapport qu'il a présenté sur ce sujet au nom de l'office parlementaire d'évaluation de la législation, note ainsi : " Dans le procès pénal, ces groupements n'apparaîtront pas comme des victimes ordinaires en raison de la nature des intérêts statutaires qu'ils expriment. Entre l'intérêt général qui guide la société et l'intérêt particulier des personnes qui la composent, faut-il admettre l'existence d'une catégorie intermédiaire ou mixte, empruntant à l'un et à l'autre certains caractères ? "17(*).

Il est sans doute nécessaire de revoir complètement la question du rôle des associations dans le procès pénal. En effet, la législation sur cette question s'est développée de manière désordonnée et il est difficile de percevoir aujourd'hui la cohérence de l'ensemble. Certaines associations peuvent mettre en mouvement l'action publique tandis que d'autres ne peuvent que joindre leur action à celle du procureur ou de la victime, les durées d'existence nécessaires pour pouvoir exercer les droits reconnus à la partie civile ne sont pas les mêmes pour toutes les associations, dans certains cas la reconnaissance d'utilité publique ou un agrément est exigé, dans d'autres cas une certaine durée d'existence est suffisante.

Dans ce contexte, il ne paraît pas souhaitable d'adopter, dans le cadre du présent projet de loi, une nouvelle mesure ponctuelle, qui permettrait à certaines associations de demander au procureur de faire appel sur l'action publique. Une telle évolution mérite une réflexion approfondie. Le principe de notre procédure pénale est que les parties civiles peuvent faire appel quant à leurs intérêts civils seulement. Est-il réellement opportun de leur permettre d'intervenir dans la décision du procureur en ce qui concerne l'action publique ? Si une telle évolution est souhaitable, ne serait-il pas logique qu'elle bénéficie à toutes les parties civiles et non seulement à certaines associations ?

Compte tenu des incertitudes qui entourent la mesure proposée, votre commission vous propose la suppression de l'article 1er bis.

Article 1er ter
(art. 620 du code de procédure pénale)
Pourvois dans l'intérêt de la loi

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Véronique Neiertz, a pour objet de fixer un délai de six mois pour l'examen par la Cour de cassation des pourvois dans l'intérêt de la loi formés à la demande du garde des Sceaux.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 620 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour le ministre de la Justice de demander au procureur général près la Cour de cassation, par un " ordre formel ", de " dénoncer à la chambre criminelle des actes judiciaires18(*), arrêts ou jugements contraires à la loi " aux fins d'annulation.

Le pourvoi alors formé par le procureur général près la Cour de cassation est un pourvoi dans l'intérêt de la loi qui, lorsqu'il donne lieu à annulation, ne peut porter préjudice ni au condamné, ni à la partie civile, à l'égard de laquelle le jugement subsiste et conserve l'autorité de la chose jugée. L'annulation d'une décision qui serait reconnue n'être que le résultat d'une application erronée de la loi pénale peut en revanche profiter au condamné, conformément aux principes généraux du droit pénal.

Les pourvois dans l'intérêt de la loi formés à l'initiative du ministre de la justice sont fort peu nombreux ; en effet, selon les informations communiquées par la Chancellerie, on en recense 5 en 1992, 3 en 1993, 9 en 1994, 4 en 1995, aucun en 1996, 3 en 1997 et aucun en 1998 et 1999.

La nouvelle rédaction de cet article résultant de l'article 1er ter du projet de loi maintient la faculté pour le ministre de la Justice d'être à l'initiative d'un pourvoi dans l'intérêt de la loi tout en complétant le dispositif par la fixation de deux délais :

- un premier délai de dix jours est fixé au procureur général près la Cour de cassation pour saisir à la chambre criminelle ;

- et un second délai de six mois est fixé à la Cour de cassation pour rendre son arrêt.

La précision de ces délais est motivée par le souci que les pourvois dans l'intérêt de la loi formés à la demande du garde des Sceaux soient examinés rapidement. Au cours du débat à l'Assemblée nationale, Mme Véronique Neiertz a invoqué, à l'appui de son amendement, certains domaines pouvant nécessiter une intervention exceptionnelle du ministre de la justice, tels que les problèmes de l'interruption volontaire de grossesse et de la bioéthique, des sectes, de la liberté de la presse ou encore de la nationalité.

Cependant la justification de ces délais peut être contestée car l'examen d'un pourvoi dans l'intérêt de la loi n'est pas forcément plus urgent que l'examen d'un pourvoi ordinaire. Au surplus, aucune sanction n'est prévue en cas de non respect de ces délais par la Cour de cassation.

Il n'apparaît donc pas opportun de fixer de tels délais.

Aussi votre commission vous propose-t-elle d'en rester au texte actuel de l'article 620 du code de procédure pénale et d'adopter un amendement de suppression de l'article 1er.

Article 2
(art. 35 à 37 du code de procédure pénale)
Attributions du procureur général près la cour d'appel

Cet article a pour objet de préciser le rôle du procureur général près la cour d'appel qui se trouve renforcé dans le nouveau dispositif. A cette fin, il tend à modifier la section II du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale, intitulée " Des attributions du procureur général près la cour d'appel ", dont seuls deux articles sont laissés inchangés, à savoir, d'une part, l'article 34 disposant que le procureur général représente en personne ou par ses substituts le ministère public auprès de la cour d'appel et auprès de la cour d'assises instituée au siège de la cour d'appel et, d'autre part, l'article 38 précisant que les officiers et agents de police judiciaire sont placés sous la surveillance du procureur général.

L'Assemblée nationale, suivant les propositions de sa commission des Lois, a modifié la rédaction de l'article 2 du projet de loi en y apportant des modifications essentiellement formelles.

Article 35 du code de procédure pénale
Application de la loi pénale dans le ressort de la cour d'appel

Dans sa rédaction actuelle, l'article 35 du code de procédure pénale prévoit successivement :

- que le procureur général est chargé de veiller à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel ;

- qu'à cette fin, les procureurs de la République concernés lui adressent un état mensuel des affaires de leur ressort ;

- et qu'il a le droit de requérir directement la force publique dans l'exercice de ses fonctions.

Dans sa rédaction résultant du projet de loi tel que modifié par l'Assemblée nationale, le nouveau texte proposé pour l'article 35 du code de procédure pénale reprend la première et la troisième de ces dispositions 19(*). Il y ajoute en outre la mention selon laquelle le procureur général a autorité sur tous les magistrats du ministère public de son ressort, laquelle figure actuellement à l'article 37 du code de procédure pénale.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article 35 du code de procédure pénale n'apporte donc pas de modification substantielle au droit positif.

Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Article 36 du code de procédure pénale
Coordination de l'application des orientations
générales de la politique pénale

Ainsi qu'il a été rappelé précédemment (cf. article 1er du projet de loi), l'article 36 du code de procédure pénale permet actuellement au ministre de la justice de donner des instructions au procureur général dans les affaires individuelles.

Cette faculté étant supprimée par le projet de loi, celui-ci utilise la " coquille " de l'article 36 du code de procédure pénale pour y insérer des dispositions nouvelles relatives à la coordination par le procureur général de l'action des procureurs de la République.

Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le nouveau texte proposé pour l'article 36 du code de procédure pénale charge en effet le procureur général d'animer et de coordonner l'application par les procureurs de la République des directives générales du ministre de la Justice, d'adapter, le cas échéant, ces directives en fonction des circonstances locales, ainsi que d'évaluer leur application dans son ressort.

Ces nouvelles dispositions répondent au souci de renforcer le rôle du procureur général en vue d'une application homogène de la politique pénale définie par le ministre à travers des orientations générales que l'Assemblée nationale a jugé préférable de baptiser " directives ".

Cependant, si une coordination de l'action des procureurs de la République est ainsi prévue au niveau du procureur général, en revanche aucune disposition n'est prévue par le projet de loi pour assurer l'homogénéité de l'action des procureurs généraux.

Ceux-ci étant en outre autorisés à adapter les orientations générales définies par le garde des Sceaux en fonction des circonstances locales, on peut légitimement s'interroger sur le danger d'une atomisation ou d'une " balkanisation " de la politique pénale suivant les différentes cours d'appel. Des distorsions pourraient ainsi apparaître dans l'application de la politique pénale d'une cour d'appel à l'autre, au risque de remettre en cause le principe de l'égalité des citoyens devant la loi.

C'est pourquoi votre commission vous a proposé de confier la coordination globale de l'action des procureurs généraux à un procureur général de la République (cf. article additionnel après l'article 1er).

Au niveau de la cour d'appel, elle approuve la coordination de l'action des procureurs de la République par le procureur général.

Votre commission vous propose de compléter le texte proposé pour cet article 36 du code de procédure pénale par un amendement tendant à préciser que le procureur général serait tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui pourraient lui être données soit par le ministre, pour des affaires mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat (cf. art. 30 du code de procédure pénale), soit par le procureur général de la République pour les autres affaires (cf. art. 30-4 du code de procédure pénale), de même que le procureur de la République est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données par le procureur général (cf. art. 39-2 du code de procédure pénale).

Votre commission vous propose donc d'adopter le texte proposé pour le nouvel article 36 du code de procédure pénale, sous réserve de cet amendement ainsi que d'amendements de coordination tendant à remplacer le terme " directives " par le terme " orientations ".

Article 37 du code de procédure pénale
Instructions du procureur général aux procureurs
de la République dans les affaires individuelles

Dans sa rédaction actuelle, l'article 37 du code de procédure pénale pose tout d'abord le principe de l'autorité hiérarchique du procureur général sur l'ensemble des magistrats du ministère public du ressort de la cour d'appel ; ce principe est repris par le projet de loi dans le texte proposé pour le nouvel article 35 du code de procédure pénale, ainsi qu'il a été indiqué précédemment.

L'actuel article 37 du code de procédure pénale confère en outre au procureur général la prérogative de donner à ces magistrats des instructions dans les affaires individuelles (ainsi que de leur dénoncer des infractions à la loi pénale) dans les mêmes conditions que celles prévues par l'actuel article 36 du code de procédure pénale pour les instructions du ministre de la justice au procureur général, ce qui implique notamment l'exigence que ces instructions soient écrites et versées au dossier.

S'il tend à supprimer toute intervention du ministre de la justice dans les affaires individuelles, le projet de loi entend en revanche maintenir la possibilité pour le procureur général de donner des instructions aux procureurs de la République.

Aussi, le texte proposé pour le nouvel article 37 du code de procédure pénal précise-t-il les modalités d'intervention du procureur général dans les affaires individuelles. Il reproduit à cette fin les dispositions actuellement prévues en faveur du ministre par l'actuel article 36 du code de procédure pénale, sous réserve de deux innovations :

- d'une part, les instructions devraient désormais être non seulement écrites et versées au dossier, mais motivées (1er alinéa) ;

- d'autre part, les instructions " négatives " faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique seraient désormais explicitement prohibées (2nd alinéa).

Cette interdiction est susceptible de viser les instructions tendant au classement sans suite, mais aussi des instructions qui tendraient à la poursuite d'une enquête afin d'empêcher la mise en mouvement de l'action publique.

Il n'apparaît cependant pas indispensable de la préciser explicitement dans un second alinéa dans la mesure où le premier alinéa du texte proposé pour l'article 37 du code de procédure pénale, décalqué de l'actuel article 36, n'autorise littéralement que les seules instructions " d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes ".

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à supprimer le second alinéa du texte proposé pour l'article 37 du code de procédure pénale.

Article 37-1 nouveau du code de procédure pénale
Information des magistrats de la cour d'appel
sur la mise en oeuvre de la politique pénale

A l'instar de l'obligation d'information publique du Parlement par le ministre de la justice des conditions de mise en oeuvre de la politique pénale, prévue au niveau national par l'article 1er du projet de loi (article 30-2 nouveau du code de procédure pénale), le texte proposé pour être inséré dans un article 37-1 nouveau du code de procédure pénale prévoit l'obligation pour le procureur général d'informer au moins une fois par an l'assemblée des magistrats de la cour d'appel des conditions de mise en oeuvre des directives générales du ministère de la justice dans le ressort de la cour d'appel, cette information étant rendue publique.

Cette disposition répond au souci de transparence de la politique pénale qui caractérise le projet de loi.

L'exigence d'une information spécifique de l'ensemble des magistrats (du siège comme du parquet) sur les conditions locales de la mise en oeuvre de la politique pénale constitue une innovation ; on rappellera cependant que ces questions sont d'ores et déjà susceptibles d'être abordées à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée au cours de laquelle il est fait un exposé de l'activité de la juridiction durant l'année écoulée (cf. article R 711-2 du code de l'organisation judiciaire).

Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour l'article 37-1 du code de procédure pénale sous réserve d'un amendement de coordination tendant à substituer le terme " orientations " au terme " directives ".

Article 37-2 nouveau du code de procédure pénale
Information du ministre de la justice sur les affaires individuelles
et sur la mise en oeuvre de la politique pénale

Le texte proposé pour être inséré dans un nouvel article 37-2 du code de procédure pénale a pour objet de prévoir l'obligation pour le procureur général d'informer le ministre de la justice, d'une part, de manière ponctuelle, sur les affaires individuelles en cours et, d'autre part, de manière générale, sur la mise en oeuvre, dans son ressort, de la politique pénale définie par le ministre. Le devoir d'information du ministre incombant au procureur général est ainsi pour la première fois explicité dans un texte.

· S'agissant tout d'abord des affaires individuelles, le premier alinéa impose au procureur général d'informer le ministre " des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance ", formule au demeurant peu explicite, ainsi que du déroulement des procédures correspondant aux affaires pour lesquelles le ministre aurait exercé son propre droit d'engagement de poursuites, prévu par l'article 1er du projet de loi (article 30-1 nouveau du code de procédure pénale).

En outre, le ministre pourrait demander à être informé " de toute autre affaire dont les parquets sont saisis ", le procureur général étant tenu de déférer à cette demande.

Selon les explications fournies par Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, la remontée d'information ainsi organisée doit permettre au Gouvernement de disposer des éléments de réflexion nécessaires à l'élaboration de ses orientations générales de politique pénale.

On peut cependant s'interroger sur la portée concrète de l'obligation d'information du ministre ; celle-ci s'étend-elle aux pièces de la procédure couvertes par le secret de l'instruction, ce qui pourrait entraîner des risques de fuites ?

Votre commission, approuvant la volonté de supprimer toute intervention du garde des Sceaux dans les affaires individuelles autres que celles mettant en cause les intérêts fondamentaux de l'Etat, a néanmoins souhaité que la cohérence générale de la politique pénale soit assurée par une autorité indépendante, le procureur général de la République, qui se verrait conférer la possibilité de donner des instructions dans les affaires individuelles, à condition qu'elles soient écrites, motivées et versées au dossier. Dans la logique de cette proposition, le procureur général de la République serait également fondé à demander des informations sur les affaires individuelles.

Par coordination avec ses précédentes propositions, votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à prévoir, s'agissant des affaires individuelles, l'obligation pour le procureur général d'informer non seulement le ministre de la justice, mais également le procureur général de la République, ainsi qu'à faire disparaître la référence à l'article 30-1 nouveau du code de procédure pénale relatif au droit d'action propre du ministre qu'elle vous a précédemment proposé de supprimer.

· Par ailleurs, d'une manière plus générale, le second alinéa du texte proposé pour le nouvel article 37-2 du code de procédure pénale prévoit l'obligation pour le procureur général d'adresser au ministre de la justice un rapport annuel sur la mise en oeuvre des directives générales du ministre dans son ressort.

Les rapports annuels ainsi élaborés par les procureurs généraux devraient contribuer à alimenter la réflexion du garde des Sceaux en vue de l'élaboration des orientations générales de sa politique pénale.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à ce que le ministre de la justice transmette ces rapports au procureur général de la République pour alimenter son information.

Elle vous soumet en outre un amendement de coordination tendant à remplacer le terme " directives " par le terme " orientations ".

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 du projet de loi tel que modifié par l'ensemble des amendements présentés ci-dessus.

Article 3
(art. 39-1 à 39-4 nouveaux du code de procédure pénale)
Attributions du procureur de la République

Cet article a pour objet de préciser le rôle du procureur de la République. A cette fin, il tend à compléter par quatre nouveaux articles la section III du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale, intitulée " Des attributions du procureur de la République ", dont les dispositions actuelles (art. 39 à 44) ne sont pas modifiées quant au fond.

A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a remanié la rédaction de l'article 3 du projet de loi en y apportant des modifications essentiellement formelles.

Article 39-1 nouveau du code de procédure pénale
Application de la loi pénale dans le ressort
du tribunal de grande instance

Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le texte proposé pour le nouvel article 39-1 du code de procédure pénale constitue le pendant, pour le procureur de la République, des dispositions prévues par la nouvelle rédaction de l'article 35 du code de procédure pénale pour le procureur général (cf. article 2 du projet de loi).

Il précise en effet :

- d'une part, que le procureur de la République est chargé de faire assurer l'application de la loi pénale dans le ressort du tribunal de grande instance (alors que le procureur général veille pour sa part à l'application de la loi pénale dans le ressort de la cour d'appel) ;

- et, d'autre part, qu'il a le droit de requérir directement la force publique dans l'exercice de ses fonctions (de même que le procureur général).

Cette seconde disposition figure actuellement à l'article 42 du code de procédure pénale, dont l'abrogation est prévue par le paragraphe II ter de l'article 11 du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour le nouvel article 39-1 du code de procédure pénale sans modification.

Article 39-2 nouveau du code de procédure pénale
Mise en oeuvre des orientations générales
de la politique pénale

Dans la rédaction que lui a donnée l'Assemblée nationale, le texte proposé pour le nouvel article 39-2 du code de procédure pénale précise que le procureur de la République doit mettre en oeuvre les directives générales du ministre de la justice, qui lui sont transmises par le procureur général, le cas échéant après adaptation en fonction des circonstances propres au ressort de la cour d'appel, conformément aux dispositions prévues par la nouvelle rédaction de l'article 36 du code de procédure pénale.

Le procureur de la République se voit donc en principe contraint d'appliquer les orientations générales de la politique pénale définies par le ministre de la justice ; néanmoins, le texte du projet de loi lui accorde, de même qu'au procureur général, une marge d'adaptation en fonction des circonstances locales du ressort du tribunal de grande instance.

Cette disposition peut être justifiée par un souci de souplesse ; elle prête cependant à interrogations au regard de la nécessaire unité de la politique pénale sur l'ensemble du territoire et du principe de l'égalité des citoyens devant la loi.

Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour l'article 39-2 nouveau du code de procédure pénale sous réserve d'amendements de coordination tendant à substituer le terme " orientations " au terme " directives ".

Article 39-3 nouveau du code de procédure pénale
Conformité des réquisitions écrites
aux instructions du procureur général

Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le premier alinéa du texte proposé pour le nouvel article 39-3 du code de procédure pénale prévoit l'obligation pour le procureur de la République de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données par le procureur général, qu'il s'agisse d'une manière générale des instructions écrites, motivées et versées au dossier prévues par la nouvelle rédaction de l'article 37 du code de procédure pénale (cf. article 2 du projet de loi), ou plus particulièrement des instructions d'engagement de poursuites délivrées par le procureur général à la suite de l'exercice d'un recours hiérarchique contre un classement sans suite dans le cadre des dispositions prévues par le nouvel article 48-1 du code de procédure pénale (cf. article 5 du projet de loi).

Il est à souligner que le principe de l'obligation de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions est déjà prévu, pour l'ensemble du ministère public, par la première phrase de l'article 33 du code de procédure pénale que le paragraphe I de l'article 11 du projet de loi prévoit d'abroger. D'autre part, le principe de la liberté de parole du ministère public à l'audience est maintenu puisqu'il n'est pas prévu de modifier la seconde phrase du même article 33 du code de procédure pénale qui pose ce principe20(*).

Le premier alinéa du texte proposé pour le nouvel article 39-3 du code de procédure pénale n'apporte donc pas de modification substantielle au droit positif.

Quant au second alinéa, il prévoit l'obligation pour le procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique à la demande de la commission de recours contre les classements sans suite, que tend à instituer le nouvel article 48-2 du code de procédure pénale résultant de l'article 4 du projet de loi.

Cependant, votre commission vous proposera de supprimer ce nouvel article 48-2 du code de procédure pénale, la création d'une commission de recours contre les classements sans suite ne lui paraissant pas fondée (cf. commentaire de l'article 5 du projet de loi).

En conséquence, elle vous propose d'adopter un amendement tendant à supprimer le second alinéa du texte proposé pour l'article 39-3 du code de procédure pénale.

Elle vous propose également d'adopter un autre amendement de coordination tendant à remplacer la référence à l'article 48-1 nouveau du code de procédure pénale (qu'elle vous proposera de supprimer) par une référence à l'article 40-2 nouveau du même code dans lequel elle vous proposera de faire figurer les dispositions relatives à l'exercice du recours hiérarchique contre un classement sans suite.

Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour le nouvel article 39-3 nouveau du code de procédure pénale ainsi modifié.

Article 39-4 nouveau du code de procédure pénale
Information des magistrats du tribunal de grande instance
sur la mise en oeuvre de la politique pénale

Le texte proposé pour être inséré dans un nouvel article 39-4 du code de procédure pénale constitue l'exacte réplique, pour le procureur de la République, du nouvel article 37-1 du code de procédure pénale (cf. article 2 du projet de loi) relatif à l'obligation d'information des magistrats incombant au procureur général.

Il prévoit en effet l'obligation pour le procureur de la République d'informer au moins une fois par an l'assemblée des magistrats du tribunal de grande instance des conditions de mise en oeuvre des directives générales du ministre de la justice dans le ressort du tribunal de grande instance, cette information étant rendue publique.

De même qu'au niveau de la cour d'appel, l'exigence d'une information spécifique de l'ensemble des magistrats du tribunal de grande instance sur les conditions de mise en oeuvre de la politique pénale est nouvelle, même si ces questions sont d'ores et déjà susceptibles d'être abordées au cours de l'audience solennelle de rentrée.

Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour le nouvel article 39-4 du code de procédure pénale, sous réserve d'un amendement de coordination tendant à remplacer le terme " directives " par le terme " orientations ", ainsi que d'un amendement rédactionnel21(*).

Article 39-5 du code de procédure pénale
Information du procureur général sur les affaires individuelles
et sur la mise en oeuvre de la politique pénale

Le texte proposé pour être inséré dans un nouvel article 39-5 du code de procédure pénale tend à définir les obligations d'information du procureur général incombant au procureur de la République.

Il s'inspire très précisément des dispositions prévues par le nouvel article 37-2 du code de procédure pénale relatif aux obligations d'information du ministre de la justice incombant au procureur général (cf. article 2 du projet de loi).

· S'agissant tout d'abord des affaires individuelles, le premier alinéa impose ainsi au procureur de la République d'informer le procureur général " des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance ", ainsi que du déroulement des affaires correspondant aux procédures dans lesquelles le ministre aurait exercé son droit propre d'engagement de poursuites prévu par le nouvel article 30-1 du code de procédure pénale (cf. article 1er du projet de loi).

En outre, le procureur général pourrait demander à être informé " de toute autre affaire dont le procureur est saisi ".

Ces dispositions ont pour objet d'assurer la remontée vers le procureur général des informations qui lui sont nécessaires pour exercer son rôle de coordination de l'action des procureurs de la République et, le cas échéant, leur donner des instructions dans le cadre des dispositions prévues par la nouvelle rédaction de l'article 37 du code de procédure pénale (cf. article 2 du projet de loi).

Par coordination avec les propositions qu'elle vous a faites précédemment, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à faire disparaître la référence au droit d'action propre du ministre de la justice (article 30-1 nouveau du code de procédure pénale) qu'elle vous a proposé de supprimer.

· Enfin, d'une manière plus générale, le second alinéa du texte proposé pour l'article 39-5 du code de procédure pénale prévoit l'obligation pour le procureur de la République d'adresser au procureur général un rapport annuel sur la mise en oeuvre des directives générales du ministre de la justice dans son ressort.

Les rapports ainsi élaborés par les procureurs de la République sont destinés à permettre au procureur général de préparer le rapport annuel de synthèse adressé au garde des Sceaux.

Votre commission vous propose d'adopter cette disposition sous réserve d'un amendement de coordination tendant à substituer au terme " directives " le terme " orientations ".

Elle vous propose d'adopter l'article 3 du projet de loi après l'avoir modifié par l'ensemble des amendements présentés ci-dessus.




16/10/2014
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