ALLEMAGNE • A quoi bon des “boîtes à bébés” ?
ALLEMAGNE • A quoi bon des “boîtes à bébés” ?
voire video sur http://lorentzemeric.blogspot.fr/
Dans une centaine de villes allemandes, il existe depuis
2000 un dispositif anonyme pour abandonner un enfant sans risque. Une nouvelle
loi doit en préciser le cadre juridique.
"Boîte à bébés"
La “boîte à bébés” sauve des vies, disent les
uns. Elle ne fait que créer des orphelins, disent les autres. Depuis la mi-mars,
la ville d’Erbach, dans la Hesse, a elle aussi sa boîte à bébés. Le support du
couffin a été fait sur mesure, une alarme et un chauffage sont là pour assurer
la survie de l’enfant. Sur le plan technique, tout a été prévu pour qu’une mère
ou un père de la région de l’Odenwald puisse donner son nouveau-né anonymement.
Et pourtant, jusqu’à présent, la boîte à bébés est restée fermée, le chauffage
éteint. Le dispositif entrera-t-il un jour en fonction ? La réponse reste
incertaine. “Nous ne savons pas quoi faire”, explique la directrice
adjointe de la clinique d’Erbach, Christiane Karnovsky, 53 ans. “Nous ne
savons même plus si de tels dispositifs sont légaux.”Cette question
préoccupe de nombreuses personnes, et pas seulement dans la Hesse. Aujourd’hui,
il existerait en Allemagne entre 80 et 90 boîtes à bébés – personne n’en connaît
le nombre exact. Elles soulèvent des questions d’ordre juridique, mais avant
tout éthique. Faut-il mettre en sourdine le droit d’un enfant à avoir accès à
ses origines pour, peut-être, sauver une vie ? Quid des droits du père
lorsqu’une mère donne leur enfant sans l’en avertir ? Ces boîtes à bébés
incitent-elles des femmes à abandonner “simplement” leur enfant ?
Favorisent-elles certains types de criminalité, comme le trafic d’enfants
?
Depuis que la première boîte a été installée, il y a douze ans, elles sont gérées en l’absence de tout cadre légal. Pour certains experts, la procédure à suivre ensuite avec les enfants déposés est tout aussi obscure.Dans une étude, l’Institut allemand pour la jeunesse (Deutsches Jugendinstitut) invite le gouvernement à élaborer enfin un cadre juridique clair. Ses conclusions ont été largement discutées au printemps et, peu après, la clinique d’Erbach a renoncé à son projet.
“Naissance confidentielle”
Kristina Schröder (CDU), ministre chrétienne-démocrate de la Famille, a elle aussi conscience du problème : oui, il existe une “zone d’ombre juridique”, a-t-elle reconnu au printemps. Les experts de son ministère planchent déjà sur un projet de loi qu’elle souhaite présenter d’ici à l’automne. Point clé du texte, le nouveau principe de “naissance confidentielle” doit permettre à toutes les femmes enceintes qui le souhaitent de mettre au monde leur enfant sans décliner leur identité, puis de le donner en vue d’une adoption.
L’identité de la mère doit être conservée dans un endroit neutre, par exemple une structure de conseil, sous pli scellé, et mise à la disposition de l’enfant à ses 16 ans. Les psychologues estiment qu’il est important pour les enfants de pouvoir un jour prendre contact avec leur mère. Il existe ailleurs des dispositifs similaires. La loi de Kristina Schröder devrait apporter une sécurité juridique aux intervenants, aux mères et aux enfants.
Depuis que la première boîte a été installée, il y a douze ans, elles sont gérées en l’absence de tout cadre légal. Pour certains experts, la procédure à suivre ensuite avec les enfants déposés est tout aussi obscure.Dans une étude, l’Institut allemand pour la jeunesse (Deutsches Jugendinstitut) invite le gouvernement à élaborer enfin un cadre juridique clair. Ses conclusions ont été largement discutées au printemps et, peu après, la clinique d’Erbach a renoncé à son projet.
“Naissance confidentielle”
Kristina Schröder (CDU), ministre chrétienne-démocrate de la Famille, a elle aussi conscience du problème : oui, il existe une “zone d’ombre juridique”, a-t-elle reconnu au printemps. Les experts de son ministère planchent déjà sur un projet de loi qu’elle souhaite présenter d’ici à l’automne. Point clé du texte, le nouveau principe de “naissance confidentielle” doit permettre à toutes les femmes enceintes qui le souhaitent de mettre au monde leur enfant sans décliner leur identité, puis de le donner en vue d’une adoption.
L’identité de la mère doit être conservée dans un endroit neutre, par exemple une structure de conseil, sous pli scellé, et mise à la disposition de l’enfant à ses 16 ans. Les psychologues estiment qu’il est important pour les enfants de pouvoir un jour prendre contact avec leur mère. Il existe ailleurs des dispositifs similaires. La loi de Kristina Schröder devrait apporter une sécurité juridique aux intervenants, aux mères et aux enfants.
La ministre se
félicite d’avoir trouvé “une législation équilibrée”, qui “respecte
la volonté des mères souhaitant garder l’anonymat et le droit des enfants à
connaître leur propre identité”. Et les boîtes à bébés ? “L’objectif
est que les femmes utilisent à leur place le dispositif de naissance
confidentielle. Les boîtes à bébés doivent devenir superflues”,
explique-t-elle. En attendant, elle ne précise pas concrètement le mode de
gestion des boîtes existantes. Une chose est certaine, c’est que dans
leur publicité les gérants de ces boîtes devront préciser “Danger de mort
pour les mères et les enfants” : les futures mères doivent savoir qu’il est
mieux d’accepter l’aide de professionnels plutôt que d’accoucher à la maison ou
dans les bois pour ensuite déposer son nourrisson dans une boîte à bébés.De
nouvelles affaires attisent sans cesse le débat. Début juillet, un bébé d’à
peine quelques heures a été déposé devant un poste de police en Basse-Saxe. Peu
avant, un nouveau-né avait été trouvé dans une boîte à bébés près de Hambourg,
avant que la mère se ravise et demande à récupérer son enfant. De tels drames
chargent encore davantage le débat d’émotion. Les controverses ne divisent
d’ailleurs pas uniquement les partis ; elles tiraillent aussi les institutions
et les associations qui gèrent les boîtes à bébés. Comme le Service social des
femmes catholiques, qui appartient à Caritas (Secours
catholique).
Ni questions ni témoins
Au bureau local de l’association de Fulda, Gisela Buhl, sa présidente, est pour les boîtes à bébés. Cette femme d’une cinquantaine d’années parle beaucoup des enfants et de leur vie après l’abandon. Ces onze dernières années, 13 nouveau-nés ont été trouvés dans les berceaux des trois dispositifs de l’évêché gérés par l’association. Gisela Buhl souhaite même voir davantage de boîtes à bébés – au moins une dans chaque grande ville d’Allemagne. Devant elle, un album avec des photos de bébés, d’enfants en bas âge et d’écoliers qui jouent avec leurs parents adoptifs. “Je ne sais pas si ces garçons et ces filles seraient encore en vie et ce qu’ils seraient devenus sans ces boîtes à bébés, s’interroge-t-elle. Mais je sais que grâce à elles, maintenant, ils vivent bien.”
A 70 kilomètres de Fulda, dans un autre bureau de Caritas, on entend un son de cloche différent. Yvonne Fritz, 46 ans, dirige une entreprise à Giessen. Elle nous parle d’histoires bouleversantes de femmes enceintes dont le compagnon, violent, ne veut pas d’enfant, de femmes toxicomanes, qui n’arrivent déjà pas à gérer leur propre vie. “On n’aidera ces femmes que si on peut leur parler, estime-t-elle, et souvent on n’a l’occasion de leur parler que s’il n’y a pas de boîte à bébés. C’est parfois difficile mais, jusqu’à présent, nous sommes toujours parvenues à trouver avec ces femmes d’autres issues.” Les maisons de femmes, les foyers mère-enfant, au besoin une adoption classique, dont la famille de la mère ne sait rien. L’essentiel, toutefois, c’est que l’accouchement, anonyme ou non, se passe sous contrôle médical. “Autrement, c’est imprudent et pour la mère et pour l’enfant.”De telles réflexions ont du mal à s’imposer face au lobby des boîtes à bébés, qui fait parfois beaucoup de bruit. “Pas de questions, pas de témoins, pas de policiers”, ainsi l’association de Hambourg SterniPark vante-t-elle ses services de conseil et ses boîtes à bébés, avec le soutien de journaux à sensation. SterniPark a installé le premier dispositif de ce genre en Allemagne. Aujourd’hui, elle en possède trois et affirme avoir “sauvé” 41 enfants.D’après l’Institut allemand pour la jeunesse, en Allemagne, entre l’an 2000 et le mois de mai 2010, 278 enfants auraient été trouvés dans ces boîtes. Toutefois, tous les intervenants n’ont pas répondu à l’enquête. Bref, personne ne sait exactement combien d’enfants ont été déposés dans les boîtes à bébés au cours des douze dernières années, ni ce qu’ils sont devenus.Pour le ministère de la Famille, on décidera de l’avenir de ces boîtes lorsque la future loi sur la naissance confidentielle aura fait ses preuves – dans quelques années
Ni questions ni témoins
Au bureau local de l’association de Fulda, Gisela Buhl, sa présidente, est pour les boîtes à bébés. Cette femme d’une cinquantaine d’années parle beaucoup des enfants et de leur vie après l’abandon. Ces onze dernières années, 13 nouveau-nés ont été trouvés dans les berceaux des trois dispositifs de l’évêché gérés par l’association. Gisela Buhl souhaite même voir davantage de boîtes à bébés – au moins une dans chaque grande ville d’Allemagne. Devant elle, un album avec des photos de bébés, d’enfants en bas âge et d’écoliers qui jouent avec leurs parents adoptifs. “Je ne sais pas si ces garçons et ces filles seraient encore en vie et ce qu’ils seraient devenus sans ces boîtes à bébés, s’interroge-t-elle. Mais je sais que grâce à elles, maintenant, ils vivent bien.”
A 70 kilomètres de Fulda, dans un autre bureau de Caritas, on entend un son de cloche différent. Yvonne Fritz, 46 ans, dirige une entreprise à Giessen. Elle nous parle d’histoires bouleversantes de femmes enceintes dont le compagnon, violent, ne veut pas d’enfant, de femmes toxicomanes, qui n’arrivent déjà pas à gérer leur propre vie. “On n’aidera ces femmes que si on peut leur parler, estime-t-elle, et souvent on n’a l’occasion de leur parler que s’il n’y a pas de boîte à bébés. C’est parfois difficile mais, jusqu’à présent, nous sommes toujours parvenues à trouver avec ces femmes d’autres issues.” Les maisons de femmes, les foyers mère-enfant, au besoin une adoption classique, dont la famille de la mère ne sait rien. L’essentiel, toutefois, c’est que l’accouchement, anonyme ou non, se passe sous contrôle médical. “Autrement, c’est imprudent et pour la mère et pour l’enfant.”De telles réflexions ont du mal à s’imposer face au lobby des boîtes à bébés, qui fait parfois beaucoup de bruit. “Pas de questions, pas de témoins, pas de policiers”, ainsi l’association de Hambourg SterniPark vante-t-elle ses services de conseil et ses boîtes à bébés, avec le soutien de journaux à sensation. SterniPark a installé le premier dispositif de ce genre en Allemagne. Aujourd’hui, elle en possède trois et affirme avoir “sauvé” 41 enfants.D’après l’Institut allemand pour la jeunesse, en Allemagne, entre l’an 2000 et le mois de mai 2010, 278 enfants auraient été trouvés dans ces boîtes. Toutefois, tous les intervenants n’ont pas répondu à l’enquête. Bref, personne ne sait exactement combien d’enfants ont été déposés dans les boîtes à bébés au cours des douze dernières années, ni ce qu’ils sont devenus.Pour le ministère de la Famille, on décidera de l’avenir de ces boîtes lorsque la future loi sur la naissance confidentielle aura fait ses preuves – dans quelques années
ALLEMAGNE — Droits de l’enfant
A la fin des années 1990, il n’existait pratiquement
plus de “boîtes à bébés” en Europe. Le dispositif a resurgi en Allemagne en
2000, puis s’est étendu à dix autres pays membres de l’UE. Contrairement aux
idées reçues, relate le quotidien berlinois Die Tageszeitung, “les
utilisatrices ne sont pas que prostituées ou droguées. Elles forment une
population très hétérogène, par leur âge, leur qualification et leurs
revenus.” En juin dernier, l’ONU a réagi à cette évolution et appelé au
respect de la Convention des droits de l’enfant. Celui-ci doit notamment pouvoir
savoir qui sont ses parents biologiques (article 7).La loi allemande devrait
tendre vers cette exigence.
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