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Recueil des obligations

 

Recueil des obligations
déontologiques
des magistrats
2010
Le pictogramme qui figure ci-contre mérite
une explication. Son objet est d’alerter le lecteur
sur la menace que représente pour l’avenir
de l’écrit, particulièrement dans le domaine de
l’édition technique
et universitaire, le développement
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1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans
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© Éditions Dalloz – 2010
ISBN : 978-2-247 09037-2
Article 20 de la loi organique no 94-100
du 5 février 1994
sur le Conseil supérieur de la magistrature
modifié par la loi no 2007-287
du 5 mars 2007
« Il élabore et rend public
un Recueil des obligations déontologiques
des magistrats. »
VII
Sommaire
Présentation du Recueil........................................ IX
Préambule.....................................................................
XIII
A. L’indépendance.............................................. 1
B. L’impartialité.................................................. 7
C. L’intégrité......................................................... 13
D. La légalité........................................................ 25
E. L’attention à autrui.................................. 31
F. Discrétion et réserve............................. 39
Conclusion................................................................... 43
IX
Présentation du Recueil
L’autorité judiciaire tient sa légitimité de la
Constitution. Cette légitimité est confortée
par la confiance que lui accordent les
citoyens.
C’est pourquoi de nombreux pays ont,
depuis une vingtaine d’années, élaboré un
corpus déontologique à destination des
magistrats.
En France, une commission de réflexion sur
l’éthique dans la magistrature a été mise en
place par le ministre de la Justice. Elle a
déposé, en 2003, un rapport proposant, en
particulier, l’élaboration d’un Recueil des principes
déontologiques1.
Le 6 juin 2006, une commission d’enquête
parlementaire a remis un rapport formulant de
nombreuses propositions, dont celle tendant à
« introduire un code de déontologie dans le
statut des magistrats2 ».
Lors de l’examen, par l’Assemblée nationale,
du projet de loi organique relative au recrutement,
à la formation et à la responsabilité des
1. Rapport remis au garde des Sceaux le 27 novembre 2003,
p. 26.
2. Rapport no 3125 de l’Assemblée nationale, proposition 68.
X
Présentation du Recueil
magistrats, les députés ont adopté un amendement
confiant au Conseil supérieur de la
magistrature, organe constitutionnel indépendant,
le soin d’élaborer et de rendre public un
Recueil des obligations déontologiques des magistrats.
Cet amendement est devenu l’article 18
de la loi organique no 2007-287 du 5 mars
2007, complétant l’article 20 de la loi organique
du 5 février 1994.
Chargé de cette nouvelle mission, le
Conseil, au terme d’une démarche comparatiste,
a constaté que la référence déontologique
nationale a, pour l’institution judiciaire, un
rôle de régulation des conduites, une fonction
d’identification et de communication avec le
public. Elle donne vie, localement, aux instruments
juridiques internationaux, en dessinant
une figure universelle du magistrat.
Le Conseil a défini une méthode de travail
originale tendant à associer le public et le
corps judiciaire aux différentes étapes de l’élaboration
du Recueil.
Ainsi, il a fait effectuer par un institut de
sondage, en mai 2008, une étude sur les Français,
les magistrats et la déontologie3. Une
3. Ce sondage, réalisé par l’IFOP, a porté sur un échantillon
de 1008 personnes représentatif de la population
française. Le rapport est consultable dans le rapport
d’activité 2007 du Conseil supérieur de la magistrature.
Présentation du Recueil
XI
consultation des magistrats, portant sur leur
activité et leur déontologie, a également été
réalisée, en juillet 20084.
Le Conseil supérieur de la magistrature a
également entendu diverses personnalités et a
suscité, dans le ressort de chaque cour d’appel,
des débats et des échanges entre magistrats. Les
synthèses de ces travaux, établis par les correspondants
du Conseil, ont enrichi ses réflexions.
Le Parlement a souhaité que soit établi un
Recueil des obligations déontologiques et non un
code de déontologie. Cette orientation « traduit
le choix de ne pas figer le contenu de
règles par essence évolutives, ni de les détailler
dans un catalogue exhaustif mais inévitablement
incomplet. Elle marque ainsi la volonté
de conserver la conception ancrée depuis 1958
d’un énoncé de principes généraux liés à
quelques grandes valeurs fondamentales (indépendance
et impartialité) »5.
Au-delà de ces valeurs cardinales, la déontologie
des magistrats a comme ambition d’établir
des références pour l’exercice d’une fonction,
aussi délicate dans son exercice
qu’essentielle à l’équilibre de la société.
4. Les résultats de la consultation se trouvent dans le rapport
d’activité 2008 du Conseil dans sa version synthétique.
5. Rapport de la commission des lois du Sénat no 176 du
24 janvier 2007.
XII
Présentation du Recueil
Le comportement professionnel du magistrat
ne peut être laissé à sa discrétion. Il est
déterminé par la loi et obéit aux exigences
éthiques de sa fonction. Celles-ci sont précisées
dans ce Recueil.
Les situations qui relèvent de la déontologie
judiciaire y sont abordées de manière
concrète, selon une structure thématique.
Leurs commentaires peuvent intéresser les
mêmes obligations ou situations, appréhendées
différemment.
L’évolution de la société et des institutions
conduira, nécessairement, à l’avenir, à des
réexamens de son contenu par le Conseil supérieur
de la magistrature6.
6. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a rendu
permanente cette nouvelle compétence du Conseil.
XIII
Préambule
Rendre la justice est une fonction essentielle
dans un État de droit. Les magistrats
ont entre les mains la liberté, l’honneur,
la sûreté et les intérêts matériels de ceux qui
vivent sur le territoire de la République. Ce
rôle éminent fonde les exigences que chacun
peut avoir à leur égard et appelle des moyens
humains, budgétaires et matériels adaptés.
Les principes, commentaires et recommandations
qui suivent ont pour objectif d’établir
des références déontologiques pour les magistrats
français. Ils ont été conçus pour les soutenir,
les orienter et fournir à l’institution judiciaire
un cadre permettant de mieux
appréhender sa déontologie. Ils ont également
pour finalité d’éclairer les représentants des
pouvoirs législatif et exécutif, ainsi que les
auxiliaires de justice et le public, afin de faire
mieux connaître la complexité de l’action des
magistrats dans l’exercice de leurs missions.
Le magistrat, membre de l’autorité judiciaire,
tire sa légitimité de la loi qui l’a voulu
indépendant et impartial, principes qui s’imposent
aux autres pouvoirs. La méconnaissance
de ces impératifs compromettrait la confiance
du public.
XIV
Préambule
Le magistrat démontre, par son intégrité,
qu’il est digne de décider de l’exercice des
droits essentiels des individus. Plus que tout
autre, il est tenu à la probité et à la loyauté.
Par sa connaissance, en permanence renouvelée,
des textes et des principes applicables, et
par son souci de ne jamais renoncer à la protection
des libertés individuelles dont il est
gardien, le magistrat affirme la prééminence
du droit.
La justice est rendue au nom du peuple
français. Le magistrat se doit de prêter attention
à ceux qu’il juge, comme à ceux qui
l’entourent, sans jamais attenter à la dignité de
quiconque, en préservant l’image de l’institution
judiciaire et en respectant le devoir de
réserve.
Ce Recueil ne constitue pas un code de discipline
mais un guide pour les magistrats du
siège et du parquet qui appartiennent, en
France, au même corps. Sa publication est de
nature à renforcer la confiance du public dans
un fonctionnement indépendant et impartial
du système judiciaire français.
1
A. L’indépendance
A.1 L’indépendance de l’autorité judiciaire
est un droit constitutionnel, reconnu aux
citoyens comme aux justiciables, qui garantit
l’égalité de tous devant la loi par l’accès à une
magistrature impartiale.
Elle est la condition première d’un procès
équitable.
Elle est assurée sur le plan institutionnel et
mise en oeuvre aux plans fonctionnel et
personnel.
Niveau institutionnel
Principes
A.2 Les magistrats défendent l’indépendance
de l’autorité judiciaire car ils sont
conscients qu’elle est la garantie qu’ils statuent
et agissent en application de la loi, suivant les
règles procédurales en vigueur, en fonction des
seuls éléments débattus devant eux, libres de
toute influence ou pression extérieure, sans
avoir à craindre une sanction ou espérer un
avantage personnel.
2
A. L’indépendance
L’inamovibilité des magistrats du siège et le
principe de l’avancement librement consenti
constituent une garantie essentielle de l’indépendance
des juges.
A.3 Si l’indépendance des magistrats est
garantie statutairement, dire le droit de
manière indépendante est également un état
d’esprit, un savoir-être et un savoir-faire qui
doivent être enseignés, cultivés et approfondis
tout au long de la carrière.
Commentaires et recommandations
a.4 Les magistrats préservent leur indépendance
vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif,
en s’abstenant de toute relation inappropriée
avec leurs représentants et en se
défendant de toute influence indue de leur
part.
a.5 Ils doivent apparaître, aux yeux des
citoyens et des justiciables, comme respectant
ces principes.
a.6 La mobilité géographique permet de préserver
les magistrats de relations trop proches
avec les diverses personnalités locales, notamment
auxiliaires de justice, institutions, associations
partenaires, milieux économiques ou
médias.
A. L’indépendance
3
a.7 Les magistrats en activité ne sollicitent pas
pour eux-mêmes des distinctions honorifiques,
afin d’éviter toute suspicion, dans l’esprit du
public, sur la réalité de leur indépendance.
a.8 Les magistrats ne peuvent être poursuivis
ou sanctionnés disciplinairement en raison de
leurs décisions juridictionnelles.
Exercice fonctionnel
Principes
A.9 Les magistrats conduisent les procédures,
mènent les débats et rendent leurs décisions
de façon indépendante.
A.10 Dans l’exercice de leurs fonctions, ils
bannissent par principe et repoussent toute
intervention tendant à influencer, directement
ou indirectement, leurs décisions, en dehors
des voies procédurales et légales.
Commentaires et recommandations
a.11 Gardien des libertés individuelles, le
magistrat applique les règles de droit, en
fonction des éléments de la procédure, sans
céder à la crainte de déplaire ni au désir de
plaire au pouvoir exécutif, aux parlementaires,
4
A. L’indépendance
à la hiérarchie judiciaire, aux médias ou à
l’opinion publique.
a.12 Dès qu’il pressent que des influences ou
pressions, quelles que soient leurs origines,
peuvent être exercées sur lui, le magistrat
recourt à la collégialité, chaque fois qu’elle est
procéduralement possible.
a.13 Le magistrat doit prendre conscience de
l’incidence de ses éventuels préjugés culturels
et sociaux, ainsi que de ses convictions politiques,
philosophiques ou confessionnelles, sur
la compréhension des faits qui lui sont soumis
et sur son interprétation des règles de droit.
a.14 L’affectation d’un juge, ou son remplacement,
ne doit jamais être guidée par la volonté
d’orienter une décision. Seules doivent être
prises en compte les nécessités du service régulièrement
constatées.
a.15 La gestion des flux et le traitement des
affaires dans un délai raisonnable constituent
une exigence légitime pour les magistrats ; ces
objectifs ne sauraient les dispenser du respect
des règles procédurales et légales, de la qualité
des décisions et de l’écoute du justiciable,
garanties d’une justice indépendante.
a.16 Lorsqu’il participe à des instances où
sont élaborées localement des politiques
A. L’indépendance
5
publiques, le magistrat s’abstient d’engagements
de nature à altérer sa liberté de jugement
et son indépendance juridictionnelle.
a.17 Malgré leur appartenance à un même
corps et l’exercice de leurs fonctions dans un
même lieu, les magistrats du siège et du parquet
conservent et marquent publiquement
leur indépendance réciproque.
a.18 Dans les affaires où ils ont reçu pour instruction
d’exercer des poursuites, les magistrats
du parquet, gardiens, au même titre que
les magistrats du siège, des libertés individuelles,
développent librement à l’audience les
observations orales qu’ils croient convenables
au bien de la justice.
a.19 Le fait, pour un magistrat du parquet,
de demander, dans une affaire individuelle,
que des instructions de poursuivre du ministre
de la Justice ou du procureur général, soient
écrites et versées au dossier, conformément aux
articles 30 et 36 du Code de procédure pénale,
ne constitue un manquement ni à la loyauté,
ni au principe de subordination hiérarchique.
6
A. L’indépendance
Approche personnelle
Principe
A.20 Le magistrat a, comme tout citoyen, le
droit au respect de sa vie privée. Il s’abstient
cependant d’afficher des relations ou d’adopter
un comportement public de nature à faire
naître un doute sur son indépendance dans
l’exercice de ses fonctions.
Commentaires et recommandations
a.21 Le magistrat bénéficie des droits reconnus
à tout citoyen d’adhérer à un parti politique,
à un syndicat professionnel, ou à une
association et de pratiquer la religion de son
choix.
a.22 Il s’abstient, dans le ressort territorial de
la juridiction à laquelle il appartient, de tout
prosélytisme politique, philosophique ou
confessionnel pouvant porter atteinte à
l’image d’indépendance de l’autorité
judiciaire.
a.23 Le magistrat s’abstient de se soumettre à
des obligations ou contraintes de nature à restreindre
sa liberté de réflexion ou d’action et
de porter atteinte à son indépendance.
7
B. L’impartialité
B.1 Droit garanti aux justiciables par l’article
6 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertes fondamentales,
l’impartialite du magistrat constitue,
pour celui-ci, un devoir absolu, destine a
rendre effectif l’un des principes fondateurs de
la Republique : l’egalite des citoyens devant
la loi.
B.2 L’impartialite est, au meme titre que
l’independance, un element essentiel de la
confiance du public en la justice.
B.3 Parce qu’elle conditionne la validite,
non seulement de la decision elle-meme, mais
egalement du processus qui conduit le magistrat
a sa decision, l’obligation d’impartialite
impose la mise en oeuvre de principes institutionnels,
fonctionnels et personnels.
Niveau institutionnel
Principes
B.4 Le principe d’impartialite d’une juridiction
et des membres qui la composent
8
B. L’impartialité
implique que les modalités de nomination et
d’affectation des magistrats reposent sur des
règles d’application objective et transparente,
fondées sur les compétences professionnelles.
B.5 Les débats judiciaires doivent être, sauf
exceptions légales, publics.
Commentaires et recommandations
b.6 L’impartialité des magistrats composant
une juridiction commande l’application rigoureuse
des règles relatives aux incompatibilités
professionnelles.
b.7 Les principes dont s’inspirent les dispositions
actuelles, contenues dans l’ordonnance
statutaire, dans les Codes de l’organisation
judiciaire, de procédure civile et pénale,
relatives aux incompatibilités ont vocation à
s’appliquer à l’ensemble des situations
rencontrées.
b.8 Lors de son retour à une activité juridictionnelle,
le magistrat qui a exercé des responsabilités
à l’extérieur du corps judiciaire doit
veiller à ce que son impartialité ne puisse être
mise en cause.
b.9 L’impartialité appelle des moyens matériels,
budgétaires et humains qui procurent

Recueil des obligations