Colonna: un pourvoi en cassation de la défense
Ajaccio avant le transfert sur les lieux du crime de la cour d'assises spéciale qui rejuge Yvan Colonna (8 juin)
AFP - Stephan AgostiniLa cour d'assises spéciale de Paris a décidé mercredi de verser aux débats la lettre de menaces qu'Yvan Colonna aurait envoyée à un témoin clé pour l'accusation.
La défense a immédiatement annoncé un pourvoi en cassation contre cette décision.
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Reconstitution à Ajaccio pour le procès Erignac
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Procès Colonna:déplacement à Ajaccio
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"Le fait que l'origine du document litigieux, constitué d'une photocopie, reste indéterminée, ne suffit pas à l'écarter des débats", a annoncé le président de la cour, Hervé Stephan. Déboutés dans leur demande d'irrecevabilité, les conseils de Colonna ont donc annoncé un pourvoi en cassation.
Révélée le 27 mai, cette lettre de quatre pages rédigée en corse, transmise par le directeur de la police judiciaire, avait fait l'effet d'un coup de tonnerre. Datée de Fresnes le 19 décembre 2010, elle menaçait de "guerre" Pierre Alessandri, l'un des six membres du commando condamnés en 2003 pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac, s'il ne faisait pas tout pour innocenter Yvan Colonna au procès.
Alessandri fait partie des membres du commando qui avaient mis en cause le berger de Cargese lors de leurs gardes à vue en mai 1999. Il ne s'était rétracté que 17 mois plus tard.
Alors qu'ils n'avaient pas contesté l'authenticité de cette lettre dans leurs premières déclarations à la presse, les avocats de Colonna l'avaient très vite qualifiée de "faux" devant la cour. La défense conteste aussi les conditions dans lesquelles cette missive est arrivée au procès, le directeur de la police judiciaire, Christian Lothion, ayant refusé de révéler l'identité de la personne qui la lui a fournie.
Audience à huis clos lundi à Ajaccio
La cour d'assises spéciale de Paris s'est déplacée à Ajaccio lundi soir pour une audience à huis clos. Protégée par un cordon de CRS, l'audience s'est déroulée sur les lieux du crime, rue du colonel Colonna d'Ornano, où le préfet Erignac a été assassiné le 6 février 1998 vers 21h, alors qu'il se rendait à pied à un concert après avoir garé sa voiture. C'était la première fois depuis son procès de 2007 qu'Yvan Colonna revenait en Corse.
"Ce transport conforte mes convictions sur la culpabilité d'Yvan Colonna", a déclaré, côté parties civiles, Me Benoit Chabert, qui représente l'Etat, devant la presse en fin de soirée. Cette audience a en revanche été jugée "très favorable à la défense" par l'un des avocats d'Yvan Colonna, Me Pascal Garbarini.
La taille du tireur n'a pu être tranchée
Les deux avocats ont souligné que le débat sur la taille du tireur n'avait pu être tranché, les deux balisticiens présents sur les lieux n'étant pas tombés d'accord. "On ne peut pas dire quelle était la taille du tireur", a résumé Me Chabert. Me Garbarini en revanche a souligné que l'un des balisticiens avait estimé que "le tireur devait nécessairement faire plus d'1,75 m, voire 1,80 m", alors que Colonna ne mesure que 1,72 m. "Le doute profite à l'accusé", a-t-il estimé.
Alessandri s'est rétracté
Pierre Alessandri, le seul des six membres du commando condamnés en 2003 à avoir accepté de donner des détails sur le déroulement du crime, était lui aussi présent. Condamné à perpétuité comme coauteur de l'assassinat, il assure depuis 2004 être celui qui a tué le préfet de trois balles dans la nuque. Comme d'autres membres du commando, il avait lors de sa garde à vue en mai 1999 mis en cause Yvan Colonna, et ne s'était rétracté que des mois plus tard. Selon Me Chabert, Alessandri "a donné une version impossible. Il a placé le préfet Erignac à pratiquement deux mètres de l'endroit où on a trouvé son corps".
Mais pour Me Garbarini, Pierre Alessandri a donné une version "très contradictoire avec celle qu'il avait donnée en garde à vue", et "on s'aperçoit qu'on ne peut ni s'appuyer sur l'une, ni s'appuyer sur l'autre". "Il me parait assez difficile dans ces conditions qu'Yvan Colonna puisse être reconnu coupable dans cette affaire", a-t-il dit.
Premier retour en Corse
Le berger de Cargèse faisait son retour en Corse pour la première fois depuis son procès de 2007, lorsqu'un transport de justice avait également été organisé. Yvan Colonna a été "attentif mais spectateur" de cette opération. "Je n'ai rien à voir dans cette affaire, donc je ne participe pas", a-t-il dit au début de l'audience, selon son avocat. Il est ensuite resté silencieux.
Jugé pour la troisième fois pour l'assassinat du préfet et l'attaque quelques mois plus tôt de la gendarmerie de Pietrosella, près d'Ajaccio, où l'arme du crime avait été dérobée, le berger de Cargèse conteste l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.
L'audience s'est déroulée dans le calme sous haute protection policière, journalistes et badauds étant tenus à distance par un cordon de CRS. Les quelques dizaines de curieux qui s'étaient rassemblés en début de soirée ont peu après quitté les lieux. La cour et la majorité des participants sont repartis pour Villacoublay (Yvelines) à bord d'un avion militaire Transall qui a décollé vers 0h30, selon Mme Dubois.
Le fils du préfet assassiné, Charles-Antoine Erignac, avait également fait le déplacement. Quelque 640 CRS et gendarmes mobiles étaient arrivés du continent pour renforcer les effectifs stationnés en permanence en Corse.
Troisième procès pour Colonna
Colonna, qui conteste tous les faits qui lui sont reprochés, est jugé pour la troisième fois pour l'assassinat du préfet Claude Erignac, le 6 février 1998 vers 21h00, alors qu'il se rendait à pied à un concert après avoir garé sa voiture.
Le verdict d'appel de 2009, qui avait confirmé sa condamnation à perpétuité en y ajoutant une période de sûreté de 22 ans, a été annulé par la Cour de cassation pour un vice de procédure
Reconstitution à Ajaccio pour le procès Erignac
Audience très particulière au procès d'Yvan Colonna.La Cour s'est déplacée sur les lieux du crime, à Ajaccio. Une sorte de reconstitution qui n'a manifestement pas vraiment fait avancer les débats. La défense, comme les parties civiles, ont jugé que leurs positions étaient confortées.
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