CommDH/IssuePaper(2009)1
CommDH/IssuePaper(2009)1
Version française
Strasbourg, 19 juin 2009
Les enfants et la justice des mineurs : Pistes d’améliorations
SOMMAIRE
I. Introduction
II. Les normes internationales
2.1 La Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE)
2.2 Les instruments directeurs des Nations Unies en matière de justice des mineurs
2.3 Les recommandations des Nations Unies en matière de détention
2.4 Les règles du Conseil de l’Europe concernant les sanctions et les mesures
2.5 Les recommandations du Conseil de l’Europe concernant la prévention de la délinquance
III. La prévention
IV. La déjudiciarisation – Alternatives à la procédure judicaire
4.1 La déjudiciarisation par les services sanitaires/sociaux
4.2 La déjudiciarisation par la police
4.3 Les limites de la déjudiciarisation
4.4 Les moyens alloués à la déjudiciarisation et la coordination de la déjudiciarisation
5.1 Le pouvoir discrétionnaire lors du jugement
5.2 Les principes concernant le jugement
5.3 Assistance dans le cadre de la phase de jugement
5.4 Les mesures non privatives de liberté
5.5 La détention comme mesure de dernier ressort
VI. La privation de liberté des non-délinquants
6.1 La détention avant jugement
6.2 La privation de liberté à des fins d’assistance et de protection
VII. Les conditions de détention
7.1 Le droit à la sécurité
7.2 Des placements adaptés individuellement
7.3 Des établissements adaptés aux enfants
7.4 Des structures de petite taille décentralisées avec une sécurité minimale
7.5 Santé et éducation
7.6 Les services de réinsertion
7.7 Contrôle, inspection et plaintes
Les documents thématiques sont commandités et publiés par le Commissaire aux droits de l'homme afin de contribuer au débat ou de faire avancer la réflexion sur une question importante et d'actualité en matière de droits de l'homme. Toutes les opinions exprimées dans ces documents d'experts ne réflètent pas forcément la position du Commissaire. Les documents thématiques sont disponibles sur le site web du Commissaire: www.commissioner.coe.int.
Remerciements
Le Commissaire aux droits de l’home tient à remercier le Dr Ursula Kilkelly, consultante externe, pour son aide dans la préparation de ce document.
Dresser un tableau précis de la délinquance juvénile en Europe est une tâche complexe. La perception selon laquelle les enfants sont de plus en plus violents semble s’être développée. Les statistiques existantes n’indiquent cependant pas une augmentation générale du taux de délinquance juvénile. De plus, elle ne doit pas être examinée séparément, sans tenir compte des taux de criminalité qui sont en hausse dans leur ensemble.
L’étude comparative de la justice des mineurs est un exercice difficile, rendu compliqué par l’utilisation de définitions différentes, le manque de données et la variété des modes de collecte des données. Plusieurs pays européens n’en répondent pas moins d’une manière plus punitive, en ayant davantage recours à la détention des mineurs et en continuant d’emprisonner les enfants avec les adultes. Dans plusieurs pays d’Europe, l’âge de la responsabilité pénale est très bas, les taux d’incarcération sont un sujet de préoccupation et le nombre d’enfants issus de groupes minoritaires en prison est disproportionné. Si des mesures de substitution sont mises en place dans certains cas, la tendance générale semble aller vers des réponses plus répressives, particulièrement dans le cas des enfants plus âgés et de ceux ayant commis une infraction grave.
Or, dans certains pays, le nombre de jeunes envoyés en prison est en baisse en raison d’un recours accru à des programmes de déjudiciarisation, à la fois avant et comme alternative à la procédure judiciaire et à la détention provisoire. On notera à cet égard le nombre croissant de pratiques se fondant sur des valeurs de justice réparatrice, ainsi que le principe d’organiser des conférences familiales. Bon nombre de ces approches devront être testées rigoureusement afin de déterminer si elles sont efficaces pour répondre de manière positive à un comportement délictueux. Nous ne pouvons qu’appeler à une évaluation approfondie de ces approches pour s’assurer de leur entière compatibilité avec les principes énoncés dans les normes internationales et européennes concernant les enfants.
A titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la définition internationale, un enfant est toute personne âgée de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. Il existe plusieurs définitions d’un mineur et d’un délinquant mineur. La plus récente, énoncée dans une recommandation1 est une personne de moins de 18 ans suspectée d’avoir commis ou ayant commis une infraction.
Les États n’ont pas tous la même approche de la délinquance juvénile, et la justice des mineurs varie d’un pays à l’autre. Les normes établies par les instruments internationaux et européens en matière de droits de l’enfant prennent une importance accrue. Ces normes ont une approche commune qui met l’accent sur la déjudiciarisation, le recours à des mesures non privatives de liberté et la prise en considération des besoins et des intérêts de l’enfant. A ce titre, elles constituent des repères utiles et importants qui sont communs à tous les États du Conseil de l’Europe.
L’objectif de ce document est d’analyser les normes internationales et européennes pertinentes en matière de justice des mineurs et de donner des exemples de mise en œuvre de ces normes. La question d’une justice adaptée aux enfants et du contact entre les enfants et le système judiciaire n’est délibérément pas traitée dans le présent document, le Conseil de l’Europe devant publier prochainement des lignes directrices sur cette même question2. Le présent document commencera par recenser les normes internationales et européennes en matière de justice des mineurs et s’intéressera ensuite à quatre questions pratiques : la prévention, la déjudiciarisation, le jugement et la détention.
Au cours des vingt-cinq dernières années, des normes internationales en matière de justice des mineurs ont été élaborées par l’Organisation des Nations Unies à l’échelon international et par le Conseil de l’Europe à l’échelon régional. Des instruments spécifiques aux enfants, tels que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, et des traités généraux en matière de droits de l’homme, tels que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH), on joué un rôle crucial en énonçant les obligations des États à l’égard des délinquants mineurs. Ces conventions, avec leurs instances chargées de l’application et du contrôle du respect (respectivement le Comité des droits de l’enfant et la Cour européenne des droits de l’homme) ont élaboré et fixé des normes internationales pour le traitement des enfants en conflit avec la loi. D’autres instruments, par exemple la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ont un rôle plus spécialisé, de contrôle du traitement des personnes placées en détention, y compris des enfants. En outre, tout un éventail de déclarations et de recommandations non contraignantes, adoptées à la fois par l’ONU et par le Conseil de l’Europe, ont produit des codes spécifiques concernant les droits des délinquants mineurs et d’autres aspects spécifiques de la justice des mineurs, notamment la déjudiciarisation, la prévention de la délinquance, les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, ainsi que la détention.
La CIDE, qui a été ratifiée par tous les États membres du Conseil de l’Europe, énonce quatre principes généraux – le droit à la vie, à la survie et au développement, le droit à la non-discrimination, l’exigence que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant, ainsi que le droit de l’enfant d’être entendu dans le cadre de toute affaire le concernant. Ces principes doivent faire partie de la politique globale de l’État s’agissant du traitement des enfants en conflit avec la loi. En particulier, les États doivent veiller à ce que la législation, les politiques et la pratique dans le domaine de la justice des mineurs protègent les droits de tous les enfants, favorisent leur développement harmonieux, considèrent leur l’intérêt supérieur comme une considération primordiale dans toutes les décisions les concernant et prennent en compte leur opinion en fonction de leur âge et de leur maturité. La CIDE prescrit l’adoption de lois et de procédures et la mise en place d’institutions spécialement conçues pour les enfants en conflit avec la loi. Elle requiert un système judiciaire adapté aux mineurs, un âge minimal de la responsabilité pénale et l’adoption de mesures pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l’homme et les garanties légales doivent être pleinement respectées (article 40). La politique de l’État à l’égard de la délinquance juvénile doit intégrer la prévention de la délinquance et doit souligner l’importance d’intervenir sans recourir au système de justice pénale. Les phases du procès et du jugement doivent être adaptées en fonction de l’âge de l’enfant et de son manque de maturité3.
Aux termes de l’article 40 de la CIDE, tout enfant accusé d’infraction à la loi pénale a droit à un traitement respectant sa dignité et ses valeurs personnelles. L’âge de l’enfant et la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci doivent être pris en compte. De plus, la Convention interdit la peine de mort et l’emprisonnement à vie pour les enfants et requiert que la détention (avant et après le jugement) soit une mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible. Elle interdit également la privation de liberté arbitraire des enfants, et dispose qu’ils ont droit d’avoir accès rapidement à l’assistance juridique ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté. Il y a donc lieu d’appliquer une large gamme de mesures autres que le placement en institution, propres à assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l’infraction. Lorsque la privation de liberté est utilisée, les enfants ont droit à être traités avec humanité et respect, à la protection, à des soins de santé et à l’éducation.
Des recommandations détaillées en matière de justice des mineurs ont été formulées dans trois instruments internationaux clefs, adoptés en tant que résolutions de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies. Il s’agit :
· des Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (« Principes directeurs de Riyad »), adoptés en 19904 ;
· de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (« Règles de Beijing »), adopté en 19855 et
· des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (« Règles de la Havane »), adoptées en 19906.
Il existe également des Lignes directrices en matière de justice impliquant des enfants victimes et témoins d’actes criminels7, qui ne portent pas spécifiquement sur la justice des mineurs mais s’appliquent cependant aux procédures impliquant des mineurs accusés, si la victime est aussi âgée de moins de 18 ans. Ces règles et lignes directrices étoffent utilement les dispositions de la CIDE et d’autres instruments portant sur tout un éventail de questions relatives à la justice des mineurs, et doivent être lues en lien avec la CIDE.
Les recommandations des Nations Unies concernant les droits des enfants placés en détention comprennent la CIDE et les Règles de la Havane. En outre, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies a adopté plusieurs résolutions sur le sujet8, appelant l’attention sur plusieurs normes internationales en matière de droits de l’homme dans le domaine de la justice des mineurs et réaffirmant que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions concernant une privation de liberté. En 2006, l’étude du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants a noté le niveau élevé de violences physiques et de châtiment corporels que subissent les enfants en détention, et recommandé qu’une attention particulière soit accordée à cette question afin d’y mettre fin9.
En 2008, le Conseil de l’Europe a adopté les Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures10 (« les Règles européennes »), énonçant d’importants principes que doivent observer les États membres dans leur manière de traiter les mineurs. Aux termes de ces règles, l’imposition et la mise en œuvre de sanctions ou de mesures doivent tenir compte de l’intérêt supérieur du mineur et du principe de proportionnalité. Elles doivent être proportionnées à l’infraction commise et prendre en considération l’âge de l’enfant, son bien-être physique et mental, son développement, ses capacités et sa situation personnelle. Selon ces principes, les mesures doivent être adaptées à chaque jeune, mises à exécution sans retard excessif et en suivant le principe de l’intervention minimale. Les mineurs doivent être associés aux procédures lors desquelles des mesures sont prononcées et appliquées, et jouir de tous leurs droits, notamment du droit au respect de leur vie privée, tout au long de la procédure. Une approche multidisciplinaire et multi-institutionnelle est nécessaire pour garantir une politique globale et la continuité de la prise en charge des mineurs. Le personnel concerné doit être qualifié et des crédits suffisants doivent être alloués pour garantir l’utilité de cette intervention dans la vie des mineurs. Toutes les sanctions prononcées doivent faire l’objet d’une inspection et d’un contrôle réguliers. Ce document fournit également de nombreuses recommandations sur les conditions de détention qui doivent être prévues dans la législation, énoncées dans les politiques et observées dans la pratique dans tous les États membres.
De plus, le Conseil de l’Europe a adopté plusieurs recommandations relatives à la délinquance des mineurs et à la justice des mineurs. Il s’agit notamment de :
· la Recommandation N° R (87) 20 sur les réactions sociales à la délinquance juvénile ;
· la Recommandation N° R (88) 6 sur les réactions sociales au comportement délinquant des jeunes issus de familles migrantes ;
· la Recommandation Rec(2000) 20 sur le rôle de l’intervention psychosociale précoce dans la prévention de la criminalité ;
· la Recommandation Rec(2003)20 concernant les nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs ;
· la Recommandation Rec(2004)10 relative à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux ;
· la Recommandation Rec(2005)5 relative aux droits des enfants en institution ;
· la Recommandation Rec(2006)2 sur les Règles pénitentiaires européennes.
La prévention est souvent considérée comme le dernier maillon de la chaine d’actions visant à promouvoir une politique progressive dans le domaine de la justice des mineurs. Or, la prévention de la délinquance est un élément essentiel de la prévention de la criminalité. Non assortie de mesures visant à prévenir la délinquance, une politique en matière de justice des mineurs présenterait de graves lacunes.
La délinquance juvénile peut avoir des causes profondes comme la pauvreté, le fait d’être défavorisé sur le plan scolaire, les abus subis dans l’enfance, le manque de soutien familial et des problèmes d’alcool et/ou de toxicomanie. Les jeunes qui commettent des infractions ont tendance à être marginalisés dans leur famille, leur communauté et/ou la société en général. Les efforts visant à prévenir la délinquance juvénile doivent être entrepris auprès des jeunes sur tous ces terrains. De plus, les stratégies de prévention de la délinquance doivent s’employer à résoudre les problèmes de fond en ciblant les familles et les enfants qui en ont le plus besoin, en adaptant les programmes scolaires de manière à éviter l’abandon des études et en apportant un soutien familial intensif et une assistance aux familles sous pression. Dans ce contexte, il convient de mentionner le système des Children’s Hearings mis en place en Écosse. Fondé sur le modèle welfare, ce système a pour objectif d’éviter la criminalisation des enfants (de moins de 16 ans ayant commis une infraction de faible gravité), de les traiter en prenant en considération leur intérêt supérieur, au lieu d’apporter une réponse punitive, et de recourir au children’s panel, à une instance administrative chargée d’identifier les besoins non satisfaits des enfants et d’y répondre de manière globale. Autre initiative à noter, les conférences familiales - qui ont vu le jour en Nouvelle-Zélande - sont désormais utilisées par les services sanitaires et sociaux de plusieurs pays européens pour donner les moyens aux familles d’identifier les besoins de leurs enfants, de prendre des mesures constructives en vue d’y répondre et leur éviter en définitive de commettre des actes délictueux. De tels mécanismes peuvent constituer une alternative pour répondre à la délinquance juvénile, ne serait-ce que parce qu’ils évitent aux jeunes de commettre une infraction et d’avoir affaire au système de justice pénale.
Plus généralement, les instruments internationaux préconisent aux États de prendre des mesures pour répondre aux problèmes de santé particuliers des jeunes. Une assistance adaptée doit être apportée à ceux ayant eu des problèmes de santé mentale, d’alcool ou de toxicomanie. Le parrainage, la thérapie familiale et les programmes de liaison pour apporter une assistance appropriée aux familles, se sont révélés efficaces dans de nombreux pays pour aider les familles sous pression à faire face à la situation et à répondre de manière efficace au comportement à risque de leurs enfants. Les programmes d’assistance à la famille, notamment les programmes de thérapie familiale, peuvent favoriser le développement harmonieux de l’enfant, garantir que son intérêt supérieur sera pris en compte ainsi que son opinion. Ces programmes ont démontré qu’ils constituaient un mécanisme de prévention efficace à cet égard.
Les mesures visant à prévenir la délinquance juvénile doivent être inspirées par des approches reposant sur des observations factuelles. Elles doivent également être centrées sur l’enfant, entreprises en partenariat avec l’enfant, plutôt que de chercher à le contrôler, et viser en premier lieu le plein épanouissement et le développement harmonieux de l’enfant. Elles doivent également prévoir des actions, notamment éducatives, qui répondent à leurs besoins, leur apportent une assistance, particulièrement dans le cas des jeunes ayant besoins d’une prise en charge et d’une protection spécifiques, et assurent leur bien-être et leurs intérêts. Une intervention officielle doit être mise en place en premier lieu dans l’intérêt général de l’enfant, et être inspirée par l’équité et la justice.
Les programmes d’assistance à la famille et les programmes communautaires doivent être renforcés. Il convient de prendre des mesures pour mettre les familles en mesure de se familiariser avec le développement de l’enfant et les soins des enfants, de promouvoir l’instauration de relations positives entre parents et enfants, de sensibiliser les parents aux préoccupations des enfants et des jeunes et d’encourager la participation des jeunes aux activités familiales et communautaires. Les programmes de prévention à domicile et à caractère familial, tels que les programmes de soutien à la fonction parentale et les programmes de visite à domicile, peuvent être considérés comme des possibilités appropriées. La qualité de l’éducation dans la prime enfance a également un rôle important à jouer dans ce contexte et les États devraient mettre en place des services éducatifs et de garderie de qualité, à un prix abordable pour tous les enfants, afin, entre autres, de prévenir la délinquance et la récidive.
Dans la communauté, les organisations bénévoles s’occupant de la jeunesse devraient recevoir des aides financières et un large éventail d’équipements et de services récréatifs présentant un intérêt particulier pour les jeunes devrait être rendu aisément accessible aux jeunes. Il est également de la responsabilité de l’État de veiller à ce que tous les enfants aient accès à toute une gamme d’activités de loisirs et soient encouragés à y participer, qu’il s’agisse d’équipements sportifs, de cafés pour les jeunes et d’autres espaces sociaux où les jeunes peuvent passer du temps en toute sécurité avec leurs pairs. Les jeunes doivent être associés à la conception et, lorsque c’est possible, au fonctionnement de ces structures. Des efforts particuliers sont nécessaires pour veiller à ce que ces structures soient accessibles aux jeunes marginalisés. Un soutien et des moyens financiers doivent être consacrés à la protections des jeunes sans domicile fixe et il doit y avoir des services de proximité dotés de ressources suffisantes pour apporter des informations, des conseils et une assistance aux jeunes et à leurs familles.
Les mesures préventives doivent notamment veiller à ce que l’éducation vise au plein épanouissement de la personnalité et des talents des jeunes et leur apporte un soutien sur le plan émotionnel, et à ce que des services et l’assistance nécessaires soient offerts. Il convient d’élaborer et d’utiliser pleinement des programmes de prévention spécialisés ainsi que des matériels, approches et outils éducatifs adaptés aux jeunes présentant des risques particuliers. Ceux qui sont susceptibles d’abandonner l’école devraient bénéficier d’un soutien scolaire et financier. Des programmes scolaires de remplacement devraient être élaborés pour les réconcilier avec les études. Des agents de liaison spécialisés devraient être nommés pour travailler avec les familles dans le but de les aider à comprendre l’intérêt de l’éducation pour leurs enfants et de veiller à ce qu’elles disposent des capacités nécessaires pour apporter un soutien éducatif à leurs enfants. Le système éducatif devrait aussi être utilisé pour promouvoir une bonne santé, notamment mentale, attirer l’attention sur l’importance du sport et des loisirs et sensibiliser aux dangers des drogues et de l’alcool.
Sur le plan de la politique sociale, le placement en institution doit être une mesure de dernier ressort, limitée à des circonstances strictement définies. Afin de restreindre le nombre d’enfants retirés de leurs familles, des services d’assistance à la famille, de soutien et de thérapie familiale ont démontré leur efficacité. Lorsque le placement en institution est inévitable, des mesures doivent être prises pour veiller à ce que les jeunes placés bénéficient de tous les services nécessaires. Une attention spéciale doit être accordée aux enfants dont le placement en institution se termine, ces derniers devant bénéficier d’une assistance pour faciliter leur transition vers une vie autonome.
L’harmonisation de la législation et des politiques nationales avec les normes internationales et européennes est nécessaire. Elle requiert également la mise en place de programmes de prévention des comportements délictueux. Ces programmes devraient être contrôlés et évalués périodiquement et modifiés, le cas échéant, en tenant compte des résultats de recherches scientifiques sérieuses. La conception de ces instruments stratégiques devrait être un processus inclusif visant à intégrer à la fois les savoirs de l’enfant et ceux de la justice des mineurs. La responsabilité de mise en œuvre de ces programmes devraient incomber au ministère compétent, qu’il s’agisse du ministère de la protection de l’enfance, de la jeunesse ou de la justice. La participation à ces programmes d’assistance destinés aux jeunes devrait être volontaire et il faudrait que les jeunes eux-mêmes prennent part à leur conception, leur élaboration et leur exécution. Le rôle des différents intervenants dans la prestation de services spécialisés doit être clairement défini, et les systèmes de « placement en institution» doivent être clairement distingués du système « judiciaire ».
Aux termes de l’article 40(3) de la CIDE, les États doivent, chaque fois que cela est possible et souhaitable, promouvoir des mesures pour traiter les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction pénale sans recourir à la procédure judiciaire. La déjudiciarisation, qu’il s’agisse d’orienter l’enfant vers les services sanitaires/sociaux ou vers des procédures informelles de prévention de la récidive, doit être l’objectif clef de tout système de justice des mineurs, et devrait figurer expressément dans la législation.
Le Comité des droits de l’enfant a recommandé que les mesures tendant à épargner aux enfants le système de justice des mineurs en les orientant vers les services sociaux constituent une « pratique bien établie pouvant et devant être mise en œuvre dans la plupart des cas »11. De telles approches ne devraient pas se limiter aux primo-délinquants ou à ceux qui ont commis des infractions légères, compte tenu des perspectives de bons résultats tant pour les enfants que pour la société et de leur bon rapport coût-efficacité. Par exemple, dans le modèle écossais des Children’s Hearings, il est possible d’éviter la procédure judicaire aux enfants en les orientant vers les services d’aide sociale. Cette approche welfare, qui met davantage l’accent sur les besoins de l’enfant et non sur son comportement délictueux, constitue un moyen important de veiller à ce que les enfants n’ayant pas atteint l’âge de la responsabilité pénale soient orientés vers les services sanitaires/sociaux appropriés.
Une orientation vers les services de police ou un avertissement par la police constituent un moyen de réponse approprié pour les mineurs sans recourir à la procédure judiciaire. Si les modes d’intervention par la police varient, notamment en ce qui concerne le niveau d’intervention employé, il convient dans tous les cas de veiller particulièrement à ce que les enfants n’aient pas affaire au système de justice pénale (dont la police fait formellement partie), à moins qu’il n’ait été établi que cette réponse était appropriée et souhaitable. Les programmes mis à exécution par la police peuvent recourir aux conférences familiales (qui réunissent le mineur et sa famille en vue de rechercher une solution aux problèmes à l’origine de son comportement délictueux), la justice réparatrice (où la victime peut être présente, avec une forme de réparation) et une surveillance par un policier spécialement formé. Le programme mis en œuvre par la Garda, la police irlandaise, comprend ces trois types d’intervention. La Bosnie-Herzégovine a également introduit récemment des lois qui prévoient une mesure éducative (sans procédure judiciaire) visant à éviter les poursuites pénales aux enfants et à encourager les jeunes à ne pas récidiver. En Finlande, une médiation victime-délinquant est proposée de manière informelle et peut constituer, lorsqu’elle est utilisée, un motif de renonciation des poursuites.
Dans d’autres pays, les mesures évitant le recours à la procédure judiciaire peuvent être administrées par d’autres structures (par ex. les services de probation), comme alternative efficace dans l’attente du jugement. La probation avant jugement est utilisée (pour tous les types d’infractions) en Italie, où le respect d’un programme approuvé par l’autorité judiciaire donne lieu à une grâce. Quelle que soit la nature de la mesure utilisée – sachant que plus les possibilités de déjudiciarisation sont nombreuses, plus grandes sont les chances d’une intervention précoce efficace – les droits de l’homme et les garanties légales doivent être pleinement respectées dans les affaires relevant de la justice pour mineurs qui sont traitées sans recourir à la procédure judiciaire. Les droits de l’homme doivent par conséquent être le fondement de toutes les réponses à la délinquance, notamment des mesures extrajudiciaires.
A cet égard, et s’agissant de l’article 40 de la CIDE, le Comité des droits de l’enfant a souligné ce qui suit :
· Il ne faut recourir à la déjudiciarisation que si des éléments probants indiquent que l’enfant en cause a commis l’infraction qui lui est imputée, s’il reconnaît librement et volontairement sa responsabilité et si son aveu n’est pas exploité à son détriment dans une éventuelle poursuite judiciaire ;
· L’enfant doit donner librement et volontairement son consentement à la mesure de déjudiciarisation, ce consentement devant reposer sur des informations suffisantes et précises quant à la nature, à la teneur et à la durée de ladite mesure, ainsi que sur les conséquences d’une non-coopération ou de l’inexécution ou de l’inachèvement de la mesure de sa part ;
· La loi doit contenir des dispositions précisant dans quel cas la déjudiciarisation est possible, et les pouvoirs revenant à la police, aux procureurs et aux autres organismes en ce qui concerne les décisions en la matière devraient être réglementés et donner lieu à réexamen ;
· Le respect par l’enfant de la mesure de déjudiciarisation jusqu’à son terme doit se solder par un classement total et définitif de l’affaire; toute information consignée doit être réservée uniquement pour une durée limitée et ne devrait pas être considérée comme un « casier judiciaire » ou l’équivalent.
En plus de fixer des limites formelles au recours à des moyens non judiciaires, ces directives précisent qu’il est important que ceux qui administrent ces programmes soient suffisamment qualifiés et aient accès à une formation continue, portant, par exemple, sur les normes internationales, la justice des mineurs et le développement de l’enfant, de manière à garantir la qualité de l’intervention. Il est important également que les programmes de déjudiciarisation soient contrôlés par un système de gestion des dossiers transparent et tenu à jour. L’efficacité de ces programmes et leur respect des principes applicables à la justice des mineurs énoncés dans la CIDE et d’autres normes internationales devraient faire l’objet d’un suivi approfondi et objectif.
Bien qu’étant reconnus comme faisant partie de la justice des mineurs dans certains pays, les programmes de déjudiciarisation sont nouveaux pour d’autres pays et il faut du temps pour les consolider. Il convient également de veiller à ce que des ressources suffisantes soient consacrées à ces programmes, au moyen d’une dotation budgétaire spécifique. Ces programmes doivent par ailleurs être régis par un cadre juridique cohérent et intégrés dans le système juridique. Des structures doivent être mises en place pour assurer une coordination effective entre les différents programmes de déjudiciarisation, et les responsabilités des organismes concernés doivent être clairement définies. L’ensemble du personnel doit être convenablement formé et appuyé dans son travail de manière à pouvoir répondre aux besoins des jeunes. La sensibilisation des autorités juridictionnelles à l’intérêt et à l’efficacité de la déjudiciarisation permet d’en promouvoir l’usage. Toutes ces mesures sont nécessaires pour développer la confiance dans la déjudiciarisation, en particulier auprès des autorités juridictionnelles.
Lorsque la prévention et les mesures non judiciaires échouent à prévenir la récidive, ou lorsqu’elles ne sont pas jugées appropriées, le mineur se retrouve devant une autorité compétente pour juger. Le fait que la décision le concernant soit prononcée par une autorité est crucial pour veiller au respect de ses droits et à la prévention de la récidive.
Les normes internationales donnent des indications claires quant à la manière dont les affaires impliquant des enfants doivent être jugées. Aux termes de l’article 3 de la CIDE, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant. Selon le Comité des droits de l’enfant, cela signifie que les objectifs traditionnels de la justice pénale (répression/punition) doivent céder la place à des objectifs de réadaptation et de justice réparatrice dans le traitement des enfants délinquants. Le système de justice des mineurs doit rechercher le bien-être du mineur et faire en sorte que « les réactions vis-à-vis des délinquants mineurs [soient] toujours proportionnées aux circonstances propres aux délinquants et aux délits »12. La réponse aux délinquants mineurs doit prendre en considération non seulement la gravité de l’infraction, mais aussi la situation du délinquant. Des facteurs tels que le statut social de l’enfant, sa situation familiale, le préjudice causé par l’infraction et d’autres facteurs affectant sa situation personnelle doivent être pris en compte dans les réactions. Un tribunal peut ensuite prononcer des sanctions ou des mesures d’une durée déterminée aux délinquants mineurs13.
En plus de l’impact significatif des principes généraux relatifs au jugement, la phase de jugement peut être subjective. Un pouvoir discrétionnaire suffisant doit être prévu à tous les stades de la procédure, compte tenu de la nécessité de prendre en compte les besoins variés des mineurs. Un tel pouvoir discrétionnaire ne doit cependant pas être illimité, et des efforts doivent être faits pour garantir la transparence nécessaire à tous les stades et à tous les niveaux d’exercice de ce pouvoir. Des programmes de formation continue systématiques et la collecte de données actualisées sur la phase de jugement sont d’importants moyens de garantir que la décision sera transparente et fera l’objet d’un examen suffisamment approfondi. C’est indispensable si l’on veut que la pratique du jugement se développe dans le respect des principes de la non-discrimination et de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Afin de se conformer aux normes internationales, la législation relative au jugement doit être cohérente et rédigée en des termes clairs. Elle doit indiquer les critères à prendre en considération par l’autorité juridictionnelle. Aux termes de la règle 17 des Règles de Beijing, la décision de l'autorité compétente doit s'inspirer des principes suivants dans toute affaire concernant un mineur :
a) La décision doit toujours être proportionnée non seulement aux circonstances et à la gravité du délit, mais aussi aux circonstances et aux besoins du délinquant ainsi qu'aux besoins de la société ;
b) Il n'est apporté de restrictions à la liberté personnelle du mineur -- et ce en les limitant au minimum -- qu'après un examen minutieux ;
c) La privation de liberté individuelle n'est infligée que si le mineur est jugé coupable d'un délit avec voies de fait à l'encontre d'une autre personne, ou pour récidive, et s'il n'y a pas d'autre solution qui convienne ;
d) Le bien-être du mineur doit être le critère déterminant dans l'examen de son cas.
En outre, la Convention relative aux droits de l’enfant et la CEDH interdisent l’imposition de la peine de mort aux mineurs, les châtiments corporels et l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle. L’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre les enfants a également recommandé de proscrire toutes les formes de violence contre les enfants.
Avec la politisation croissante de la délinquance juvénile, il est évident que des réponses plus punitives, notamment des peines plus longues et plus dures, peuvent être introduites pour satisfaire les demandes sociales favorables à des sanctions « plus dures », particulièrement pour les mineurs reconnus coupables d’infractions graves. Dans ces cas, il est souvent avancé comme argument que la gravité de l’infraction et la nécessité de protéger la sécurité publique sont des considérations primordiales. Ces préoccupations sont légitimes. Cependant, si l’on veut faire des progrès en ayant recours à cette approche, il est tout aussi indispensable de veiller à sensibiliser davantage le public et les décideurs politiques aux problèmes auxquels sont souvent confrontés les délinquants mineurs. Des efforts sont nécessaires pour diversifier l’offre de mesures en réponse à la délinquance juvénile, fondées sur des données probantes et le respect des droits de l’enfant. Les médias ont un rôle important à jouer ainsi qu’une responsabilité à cet égard ; ils doivent notamment être encouragés à mettre en relief le rôle positif des jeunes dans la société. Les médias jouent un rôle clef car ils sont à la base des perceptions du grand public au sujet de la délinquance juvénile. Des efforts sont nécessaires pour dépolitiser le processus de justice des mineurs, afin de s’assurer qu’il est le résultat d’un processus décisionnel reposant sur des données probantes et non soumis à l’influence changeante des médias ou de l’opinion politique.
Prononcer un jugement est une tâche difficile et onéreuse. Les juges doivent bénéficier d’une formation sur le développement de l’enfant, la psychologie de l’enfant et les droits de l’enfant de manière à garantir qu’ils sont en mesure de s’acquitter de leurs tâches à cet égard. La législation doit énoncer clairement les sanctions susceptibles d’être appliquées dans le cadre des affaires relevant de la justice des mineurs, et les magistrats devraient avoir accès à tout un éventail de compétences techniques et de conseils pour être assistés dans leurs décisions. En particulier, des experts devraient informer les magistrats sur les effets de la phase de jugement en général – quels types d’interventions sont efficaces et pourquoi. L’exigence de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant pendant la phase de jugement devrait être expressément prévue par la loi et une assistance devrait être fournie aux magistrats s’agissant de la mise en œuvre de ce principe. Les autorités de décision devraient être assistées dans l’exercice de leurs fonctions par les services sanitaires et de probation. Ces services devraient notamment les aider à choisir la sanction la plus appropriée pour un délinquant particulier et les conseiller sur des sanctions qui doivent répondre aux besoins de l’enfant tout en étant compatibles avec les principes de proportionnalité et d’intervention minimale. Les rapports des services sociaux devraient être utilisés afin de garantir l’approche individualisée des décisions concernant les mineurs et faciliter un jugement judicieux des affaires concernées par l’autorité compétente.
Il incombe aux instances juridictionnelles et de jugement de veiller à ce que les droits de l’enfant et les garanties d’un procès équitable soient respectés. La phase de jugement doit elle-même respecter les droits de l’enfant. Il ne doit par conséquent y avoir aucune discrimination entre les enfants – la même décision doit être applicable, quels que soient le lieu de résidence de l’enfant ou son origine, par exemple – et compatible avec le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’opinion du jeune doit également être prise en compte. De même, des mesures, notamment d’ordre législatif, devraient être prises afin que les autorités juridictionnelles veillent à ce que les jeunes soient associés à la procédure judiciaire et à ce que la décision les concernant leur soit communiquée par le juge ou le magistrat dans une langue qu’ils comprennent. L’utilité de tribunaux spécifique et de la participation effective des enfants à la procédure a été soulignée par la Cour européenne14. Un tribunal spécialisé, avec notamment un conseil juridique spécialisé est également indispensable pour assurer une protection adéquate des droits de l’enfant pendant la phase de procès et de jugement.
Au termes de l’article 40 de la CIDE, tout enfant accusé d’infraction à la loi pénale a droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales d’autrui et prenne en compte son âge et la nécessité de promouvoir sa réinsertion et de l’encourager à jouer un rôle constructif dans la société. L’article 37 de la CIDE, aux termes duquel la détention ne doit être utilisée qu’en dernier ressort, requiert clairement que la priorité soit donnée à des mesures non privatives de liberté ou à accomplir au sein de la communauté comme alternative à la détention. En outre, l’article 40(4) dispose ce qui suit :
« Toute une gamme de dispositions, relatives notamment aux soins, à l’orientation et à la supervision, aux conseils, à la probation, au placement familial, aux programmes d’éducation généralisée et professionnelle et aux solutions autres qu’institutionnelles seront prévues en vue d’assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l’infraction ».
Les États doivent prévoir toute un arsenal de sanctions et de mesures pour veiller à ce que la réponse à la conduite délinquante prenne en compte le bien-être de l’enfant. Une vaste gamme de mesures est nécessaire pour permettre une certaine souplesse et apporter une réponse adaptée à chaque situation, et pour veiller à ce que la détention soit une mesure de dernier ressort. Le système judiciaire devrait ainsi pouvoir prononcer différents types d’ordonnances, d’injonctions ou de mesures : de soins, de surveillance et de conseil, de probation ou de travail d’intérêt général, une amende et une indemnisation, une ordonnance de traitement, une obligation de participer à un stage ou à des activités similaires, un mandat de placement dans une famille d’accueil, un mandat de placement en établissement ou d’une prise en charge dans un autre cadre éducatif. Les programmes en question peuvent comprendre un encadrement des jeunes par des parrains (adultes ou pairs), des séances de thérapie et d’orientation, notamment une prise en charge en institution en cas d’alcoolisme ou de toxicomanie ou de problèmes de santé mentale. D’autres mesures peuvent être prises pour placer les enfants sous la supervision des services de probation ou des services sanitaires afin de traiter les causes profondes de leur délinquance. Des programmes éducatifs ciblant des compétences d’apprentissage pratiques, comme des cours pour apprendre à lire, à écrire et à compter ont démontré leur efficacité tout comme des cours d’éducation de formation professionnelle présentant un intérêt spécifique pour les jeunes. Ces enseignements leur permettent d’acquérir les compétences et les savoir-faire nécessaires pour les aider à entrer dans la vie active. De telles sanctions et mesures doivent être conçues de manière à permettre aux jeunes d’acquérir les compétences nécessaires pour jouer un rôle plus constructif dans la société par le biais de l’école, de la formation professionnelle et du monde du travail, et à renforcer leur sens des responsabilités envers leur famille et leur communauté.
L’incarcération des enfants est non seulement inefficace pour lutter contre les comportements délictueux, mais elle peut également nuire à leur développement et à leur santé. C’est la raison pour laquelle il importe également que l’État prenne des mesures pour veiller à ce les mesures non privatives de liberté soient la norme dans les affaires relevant de la justice des mineurs, et pour restreindre le nombre d’enfants condamnés à une peine privative de liberté. Conformément aux normes internationales en matière de justice des mineurs, la détention ne doit être utilisée qu’en dernier ressort, ce qui impose à l’État l’obligation d’offrir des alternatives à l’emprisonnement. Il pourra notamment s’agir de mesures non privatives de liberté imposées à la suite d’une condamnation ou se substituant à une condamnation, qui permettent aux jeunes de rester dans leur famille, et de sanctions à appliquer dans la communauté, entre autres, qui constituent une sorte de restitution à la communauté. Ces mesures permettent aux jeunes de réparer une partie des préjudices qu’ils ont causés. Aux termes des Règles européennes, une vaste gamme de sanctions et de mesures appliquées dans la communauté, adaptées aux différents stades de développement des enfants, doit être prévue à toutes les étapes de la procédure de la justice des mineurs. La priorité doit être donnée aux sanctions et mesures susceptibles d’avoir un effet éducatif – à condition qu’elles soient proportionnées et susceptibles d’appel – et de constituer une réparation des infractions commises par les mineurs15.
De nombreux États prévoient désormais de multiples sanctions appliquées dans la communauté pour les délinquants mineurs. Par exemple, en Allemagne, il existe des sanctions alternatives, notamment la médiation entre les victimes et les délinquants, dans tous les Länder. En Belgique, l’autorité judiciaire peut ordonner le placement des enfants sous la supervision des services sociaux (assorti de conditions éducatives), ou les enfants peuvent être placés chez des proches, dans une famille d’accueil ou faire l’objet d’un suivi à des fins éducatives et d’observation. On constate un recours accru à la médiation et aux conférences familiales en Belgique. La Bosnie-Herzégovine a introduit une nouvelle solution de justice réparatrice, sous la forme d’une procédure de médiation où le mineur doit présenter ses excuses, verser une indemnisation et effectuer un travail d’intérêt général. Dans un contexte de hausse des taux d’incarcération des mineurs, les approches welfare faisant appel aux services sociaux et à la justice réparatrice/aux conférences familiales font aussi partie de la réponse aux Pays-Bas. La législation irlandaise prévoit également tout un arsenal de réponses (notamment des mesures d’aide à l’exercice de la fonction parentale, des mesures d’encadrement par un « parrain », des mesures de placement en institution, des mesures de suivi intensif et des mesures éducatives et de formation) visant à éviter l’incarcération des enfants.
Le droit interne doit prévoir des dispositions relatives à la décision d’infliger une sanction et à l’exécution des sanctions et mesures appliquées dans la communauté. Le choix de la mesure doit être déterminé par une évaluation individuelle de l’intérêt supérieur de l’enfant, et une attention spéciale doit être accordée au caractère adapté des mesures destinées aux mineurs qui sont étrangers ou issus des minorités ethniques. Les enfants doivent être associés de manière utile à la décision d’imposer une sanction et être informés, dans une langue qu’ils comprennent et d’une manière qui leur soit intelligible, des modalités d’exécution de la mesure et de leurs droits et devoirs à cet égard. L’exécution doit se fonder sur des évaluations individualisées et appliquer les meilleures pratiques en matière de travail social et de protection de la jeunesse.
La décision d’infliger ou de révoquer une sanction doit être prise par une autorité judiciaire et la loi doit prévoir la possibilité d’assouplir ou de lever la mesure si le mineur a fait des progrès suffisants. Si les mineurs ne respectent pas les conditions dont sont assorties les sanctions qui leur sont imposées, cela ne doit pas automatiquement mener à une privation de liberté. Les transgressions mineures n’ont pas besoin d’être signalées à l’autorité chargée de décider si la mesure a été respectée, et le non-respect ne doit pas automatiquement constituer une infraction.
Un trop grand nombre d’enfants sont incarcérés en Europe et, bien que les chiffres soient en baisse dans certains pays, ils augmentent dans beaucoup d’autres. Cela tient à des raisons complexes, mais il est clair que ces chiffres ne baisseront pas tant que cela ne deviendra pas un objectif politique. Il est évident que l’incarcération ne sera pas une solution de dernier ressort s’il n’existe qu’un nombre limité de mesures de substitution. S’il n’existe pas d’autres sanctions, on aura trop rapidement recours à l’incarcération, particulièrement si c’est la réponse traditionnelle. Il peut être difficile de modifier les pratiques, et la formation sur l’importance d’éviter aux enfants le placement en détention est essentielle à cet égard. En particulier, l’expérience de la Finlande montre le rôle important que peut jouer la formation des magistrats pour restreindre le recours à l’incarcération. Un soutien politique est nécessaire si l’on veut que le recours à la détention soit vraiment une mesure de dernier ressort.
Les États devraient envisager attentivement la possibilité d’inscrire dans la Constitution ou la législation le principe selon lequel l’incarcération ne devrait être utilisée qu’en dernier ressort. La législation irlandaise va jusqu’à disposer qu’une peine d’emprisonnement ne devrait être prononcée qu’en l’absence de tout autre alternative raisonnable. Il est cependant crucial de faire le lien entre l’existence de tout un arsenal de mesures extrajudiciaires et la réalisation de l’objectif consistant à garantir que l’incarcération ne sera utilisée qu’en dernier ressort. À cet égard, il n’est pas possible de mettre en œuvre séparément les articles 37 et 40(4) de la CIDE. Les responsables de l’élaboration des politiques doivent comprendre la relation entre la mise en place d’une variété de mesures en milieu ouvert pour les mineurs ayant enfreint la loi et la diminution du recours à la détention. Le fait de s’engager clairement à appliquer le principe d’incarcération comme une mesure de dernier ressort dans la législation ne va pas, en soi, réduire le nombre d’enfants placés en détention si la législation ne prévoit pas également des réponses de substitution. Par exemple, en Angleterre et au Pays de Galles, le décret sur la réadaptation de la jeunesse (Youth Rehabilitation Order) permet aux magistrats de choisir parmi toute une gamme de mesures à appliquer dans la communauté lors du jugement d’un mineur. La loi devrait aussi prévoir la possibilité de placer les jeunes dans un établissement ouvert, dans un centre de détention de nuit, ainsi que la libération anticipée.
Aux termes de l’article 37 de la CIDE, l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être conforme à la loi, une mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible. De plus, les enfants ne peuvent être privés de liberté arbitrairement. Comme il est affirmé dans les Règles européennes, la privation de liberté doit être appliquée uniquement aux fins pour lesquelles est prononcée et d’une manière qui n’aggrave pas les souffrances qui en résultent.
Une préoccupation particulière a été exprimée au sujet du placement des enfants en détention pendant de longues périodes dans l’attente de leur procès. Le Comité des droits de l’enfant a considéré que pareille situation constituait une « violation grave de la Convention »16. La détention doit être limitée à des « circonstances exceptionnelles ». Pour honorer leurs engagements dans ce domaine, les États doivent prendre des mesures spécifiques pour restreindre le nombre d’enfants en détention avant jugement et proposer des mesures de substitution en vue de réduire le recours général à la détention avant jugement. La détention avant jugement utilisée comme punition doit être strictement interdite. La loi doit préciser clairement les conditions devant être remplies pour placer ou maintenir un enfant en détention dans l’attente de son jugement. Dans certains cas, la détention avant jugement peut être nécessaire pour veiller à ce que l’enfant comparaisse à l’audience, lorsque l’enfant représente un danger immédiat pour lui-même ou pour autrui ou s’il a de fortes chances d’être condamné à une peine privative de liberté de longue durée. Il convient de soutenir la mise en liberté sous caution et aucun effort ne doit être épargné pour veiller à ce que l’enfant reste dans sa famille dans l’attente de son procès, tout en bénéficiant d’une assistance, et évite la récidive. D’autres mesures, par exemple le placement dans une famille d’accueil, des programmes de « parrainage » et des mesures de placement en établissement doivent exister pour restreindre le recours à la détention avant jugement.
Lorsque la détention avant jugement est inévitable, il est indispensable qu’elle dure le moins longtemps possible. A cet effet, il convient d’accélérer les procédures concernant des détenus en instance de jugement. De plus, la durée de la détention avant jugement doit être strictement limitée pour les mineurs, et la nécessité d’une telle privation de liberté doit être révisée régulièrement. Ces normes sont confirmées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur le terrain de l’article 5 de la CEDH, aux termes duquel les enfants doivent être représentés légalement au cours des procédures les concernant pour contester la légalité de leur placement en détention.
La vulnérabilité particulière des enfants placés en détention provisoire doit être prise en considération : leur traitement doit respecter pleinement leur dignité et leur intégrité personnelle. Des efforts sont nécessaires pour améliorer la qualité de cette période de détention avant jugement, veiller à ce qu’ils soient séparés des mineurs dont la culpabilité a été établie et veiller à ce qu’ils aient accès à toute une gamme de mesures et d’activités, sachant qu’ils sont présumés innocents aussi longtemps que leur culpabilité n’a pas été établie.
La privation de liberté ne doit être utilisée qu’en dernier ressort, que son but soit de réadapter ou d’apporter une assistance et une protection aux enfants. Or, des préoccupations de plus en plus nombreuses ont été exprimées au sujet de la pratique qui consiste à priver des enfants de liberté afin de leur apporter une assistance ou une protection dans un environnement sécurisé. Le recours à ce que l’on appelle la « détention à des fins de protection », c.à.d. la privation de liberté aux fins de protéger les enfants en danger, peut masquer une carence des systèmes de services sociaux. Ce type de détention peut cependant jouer un rôle positif, dans certaines circonstances, lorsqu’il est nécessaire de placer un enfant dans un environnement ou sa sécurité sera assurée. Une garantie importante et primordiale serait de rechercher l’adhésion de l’enfant, lorsque cela est possible, afin d’éviter tout placement arbitraire. Un réexamen régulier du placement devrait aussi être prévu. Il est important que toute une gamme d’options soient mise en place – par exemple, des services d’assistance à la famille, un placement dans une famille d’accueil ou une autre forme d’hébergement temporaire – pour réduire le recours à la détention à des fins de protection.
La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la prévention de liberté à des fins de protection était compatible avec la CEDH uniquement si elle servait l’objectif d’« éducation surveillée » aux termes de l’article 5(1)(d). Quant au sens de ce concept, la Cour a estimé qu’il ne devait pas être mis de manière rigide sur le même pied que les notions d’instruction dans une salle de classe17. Dans le contexte d’un jeune pris en charge par les services sociaux, une telle notion doit « englober de nombreux aspects de l’exercice par les autorités locales des droits parentaux dans l’intérêt de la personne concernée et aux fins de la protéger ». Cependant, les enfants ayant besoin d’une assistance et d’une protection qui ne sont ni accusés ni reconnus coupables d’une infraction pénale ne peuvent être placés dans une institution pénale, à moins qu’il n’en ait été décidé autrement à des fins d’éducation surveillée18. De plus, comme pour les enfants en détention provisoire, la décision de placer l’enfant dans un établissement sécurisé pour des raisons thérapeutiques doit être révisée régulière.
Il existe aujourd’hui de nombreux textes internationaux se rapportant aux droits des enfants en détention. Le droit international l’a énoncé clairement : les enfants en détention doivent être séparés des adultes19. Cette norme n’étant respectée ni par les États dans lesquels le nombre d’enfants détenus est important, ni par ceux qui n’en comptent qu’un petit nombre. Tout comme les adultes, mis à part le fait qu’ils sont privés de liberté, les enfants en détention ont droit à jouir de tous les droits dont jouissent leurs pairs dans la collectivité. Il est évident que certains droits prennent davantage d’importance pour les enfants placés en détention. On notera tout particulièrement le droit à la protection, le droit à la santé et aux soins, le droit de maintenir un contact avec leur famille, le droit à l’éducation et à la formation, mais aussi le droit de se livrer au jeu et à des activités récréatives.
Les jeunes privés de liberté doivent avoir accès à toute une gamme d’activités intéressantes20 et un plan individualisé doit être établi pour les aider à progresser vers des régimes moins restrictifs et les préparer à la libération et à la réinsertion dans la société. Les activités et mesures en question doivent promouvoir la santé physique et mentale des enfants, renforcer leur respect d’eux-mêmes, favoriser leur sens des responsabilités et les encourager à adopter des attitudes et à acquérir des compétences qui leur éviteront la récidive. Par conséquent, les enfants doivent être en bonne forme physique et avoir accès à des services et à des structures afin de poursuivre leur développement éducatif et leur épanouissement personnel.
Les droits les plus fondamentaux des enfants en détention comprennent le droit à la vie, à la survie et au développement et le droit à la protection. Les lieux de détention ne sont pas exempts de violence et la recherche a montré que les enfants subissent des niveaux de violence préoccupants dans certains centres de détention, à la fois de la part du personnel et d’autres jeunes21. Les établissements de petite dimension ont plus de chances de fournir un environnement (plus) sûr aux enfants, et plusieurs mesures supplémentaires sont nécessaires pour veiller à ce que les droits de l’enfant soient sauvegardés dans tous les établissements. Ces mesures, qui doivent être énoncées dans le droit interne, comprennent :
· L’interdiction du châtiment corporel ;
· Le recours strictement limité à l’usage de la force et de la contrainte physique (cette pratique devant en outre être contrôlée et révisée régulièrement) et l’interdiction de toute forme de contrainte visant à infliger une douleur délibérée aux enfants ;
· L’interdiction du placement en cellule d’isolement comme moyen de punition et son recours limité à des circonstances exceptionnelles ;
· Des politiques contre les brimades et les brutalités et des codes de conduite clairs et transparents.
Compte tenu de l’extrême vulnérabilité des enfants, les autorités doivent protéger leur intégrité physique et mentale et favoriser leur bien-être, d’où la nécessité, dans certains cas de détenir séparément ceux qui craignent d’être agressés ou harcelés par d’autres détenus. Une prise en charge spécifique sera apportée à ceux qui ont été victimes d’abus.
Une inspection régulière et rigoureuse des établissements de détention par un personnel qualifié indépendant sont essentielles pour renforcer leur sécurité. Il en va de même de la possibilité pour les mineurs de recourir à un mécanisme de plainte indépendant auquel ils peuvent avoir un accès confidentiel et dans le cadre duquel ils peuvent exprimer leurs préoccupations22. Le bon ordre et la sécurité de l’environnement aident à protéger l’intégrité du jeune et le personnel devrait avoir une approche proactive en la matière afin d’établir des relations positives avec les enfants. Il est par conséquent essentiel que le personnel bénéficie d’une formation régulière. Des mesures supplémentaires sont indispensables pour créer un environnement sûr pour le jeune placé en détention, notamment la mise en place d’un régime propre à intéresser les jeunes (pour l’éviter l’ennui), des stratégies anti-drogue efficaces et la mise à disposition de services de soutien psychologique, d’orientation, de thérapie et d’autres services de santé mentale. Il est de plus en plus reconnu dans de nombreux pays européens que les enfants en conflit avec la loi sont de plus en plus nombreux à souffrir de problèmes de santé mentale importants ou de graves problèmes de comportement. Cela tient en partie aux conséquences d’un meilleur diagnostic dans le cadre de la détention, mais reflète également une certaine approche punitive à l’égard des enfants, qui ne devraient pas être privés de liberté. Ces enfants devraient recevoir un traitement et des soins appropriés dans des centres spéciaux. Les centres de détention ordinaires ne sont pas équipés pour répondre à leurs besoins.
Les Règles de la Havane ainsi que les Règles européennes fournissent d’importantes indications pratiques aux États pour ce qui est de l’organisation et de la gestion de leurs établissements de détention. Elles mettent l’accent sur l’importance d’assurer une bonne gouvernance de ces établissements, notamment avec des systèmes de gestion des dossiers confidentiels et modernes et des politiques fermes en ce qui concerne l’admission, le transfèrement et la libération. De plus, elles soulignent l’importance de recueillir tous les renseignements pertinents sur le jeune (scolarité, famille et santé) au moment de l’admission. Cette évaluation est essentielle pour déterminer le type de placement le plus adapté aux besoins du jeune et établir un programme de placement individualisé. Des mesures non privatives de liberté, ainsi que des régimes ouverts ou semi-ouverts doivent également être prévues.
Les enfants doivent être séparés des adultes en détention. Ils doivent être maintenus séparés des détenus adultes dans toute la mesure du possible, et il ne devrait pas y avoir d’occasions de contact et de communication entre les enfants et les détenus adultes. Les établissements de détention doivent offrir des services répondant aux besoins personnels des mineurs détenus et à l’objectif spécifique de leur incarcération. Ils devraient assurer les conditions requises, avec les dispositifs de sécurité et de surveillance les moins restrictifs, pour éviter que les mineurs ne nuisent à eux-mêmes, au personnel, à d’autres personnes et à la société. Les établissements devraient être de petite taille, pouvoir assurer une prise en charge individualisée, être organisés en petites unités de vie, être situés dans des lieux facilement accessibles et faciliter le contact entre les enfants et leurs familles. Des dispositions doivent être prises pour veiller à ce que les enfants en détention bénéficient d’une éducation, de soins de santé et d’activités de loisirs appropriés. L’environnement physique doit être conforme à l’objectif de réadaptation assigné au traitement des mineurs détenus, compte dûment tenu de leur besoin d’intimité et de stimulants sensoriels, tout en leur offrant des possibilités d’association avec leurs semblables et en leur permettant de se livrer à des activités sportives, d’exercice physique et de loisirs.
Les principaux critères pour le placement d’un enfant doivent être la nécessité de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, de lui fournir la prise en charge la plus adaptée à ses besoins et de protéger son intégrité mentale et physique et son bien-être. Le maintien de liens familiaux et sociaux devrait également être considéré comme une priorité. Les mineurs et leur famille devraient être consultés au sujet du placement initial et de tout transfèrement ultérieur. Les enfants ont droit à ce que leurs points de vue soient entendus et pris en compte dans ce processus.
Différents types d’établissements sont nécessaires pour veiller à ce qu’il soit tenu compte des besoins et des droits des jeunes placés en détention. En particulier, les États doivent se doter à la fois d’établissements sécurisés pour les mineurs et d’établissements avec des mesures de sécurité minimales voire aucune. La pratique démontre que la mise en place d’un traitement individualisé est plus facile dans de petits établissements, et que le niveau de tension y est moins élevé. Les enfants doivent être envoyés dans des établissements dans lesquels les mesures de sécurité sont aussi réduites que possible, d’où la nécessité évidente d’avoir des établissements présentant différents niveaux de sécurité. Les établissements de détention pour mineurs devraient être décentralisés, de petite dimension et intégrés dans l’environnement social, économique et culturel de la collectivité. Il est particulièrement important que les familles puissent y accéder aisément.
Toute intervention doit être conçue de manière à promouvoir le développement des enfants, qui doivent être activement encouragés à y participer. Elle doit s’efforcer de répondre aux besoins individuels des enfants en fonction de leur âge, de leur sexe, de leur origine, de leur stade de développement et du type d’infraction commise. Une évaluation individuelle doit être entreprise aussi vite que possible après leur admission afin de déterminer leurs besoins en termes de santé et d’éducation. Un plan individualisé pour les activités en détention et d’autres aspects de la prise en charge doit être établi et le règlement de l’établissement doit être expliqué à l’enfant dans une langue qu’il comprend. Les activités doivent viser à remplir des fonctions d’éducation, de développement personnel et social, de formation professionnelle, de réinsertion et de préparation à la remise en liberté. Elles peuvent inclure notamment l’enseignement scolaire, d’autres types de formation, le développement de compétences sociales, des techniques de gestion de la colère, des consultations pour les problèmes de dépendance, des thérapies individuelles et de groupe, l’éducation physique et le sport, des activités créatrices et de loisirs, des activités hors institution, différentes formes de permission de sortie et une assistance après la libération. Les services sanitaires et sociaux locaux, et non les autorités pénitentiaires, devraient être responsables juridiquement et financièrement l’accès que les enfants à ces services pendant leur détention.
Des interventions appropriées doivent être mises en place pour les enfants membres de minorités ethniques ou religieuses ou pour les mineurs qui sont des ressortissants étrangers. Ces derniers doivent être autorisés à recevoir des visites prolongées ou à entretenir d’autres formes de contact avec le monde extérieur, lorsque c’est nécessaire pour compenser leur isolement social, et ils doivent pouvoir être informés de la possibilité d’un transfèrement dans leur pays d’origine. Ceux qui sont membres de minorités doivent avoir droit à des dispositions spéciales pour pouvoir continuer à observer leurs pratiques culturelles spécifiques.
Il a été observé que les taux élevés de récidive chez les enfants posent des questions graves quant à l’efficacité et à l’objectif de l’ensemble du système de justice des mineurs et, partant, une grande partie des difficultés associées au recours à la détention réside dans son incapacité à venir à bout des comportements délictueux. Les États doivent par conséquent mettre l’accent sur la réinsertion des enfants à la suite d’un placement en détention et devraient envisager la possibilité d’imposer aux autorités locales une obligation légale de veiller à la réinsertion des enfants. La réinsertion devrait également être un aspect important des peines privatives de liberté, les deux principales priorités étant la protection et l’assistance. Une coopération entre l’administration pénitentiaire et les services spécialisés dans la communauté, suivant l’exemple de certaines institutions en France, devrait être mise en place. L’approche utilisée aux Pays-Bas est également pertinente, avec des centres de détention de nuit qui permettent aux jeunes d’aller à l’école la journée. Cette approche permet ainsi aux jeunes d’avoir accès aux services de la collectivité tout en purgeant leur peine de détention.
Des mesures doivent être prises pour veiller à ce que le fait de retirer les enfants de leurs familles, de leurs amis et de leur communauté n’ait pas d’effets durables. Par exemple, les modalités de visites doivent permettre aux mineurs de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible. Les possibilités d’intégration sociale, y compris les permissions de sortie et la communication avec le monde extérieur par le biais des médias, de visites et d’échanges d’informations doivent également être encouragées.
Les familles et les autres membres de la communauté devraient s’investir autant que possible dans le centre de détention, afin que les jeunes qui y sont placés puissent maintenir des liens avec eux et leur communauté. Dans la mesure du possible, des dispositions doivent être prises afin que les mineurs fréquentent les écoles et les centres de formation locaux et prennent part à d’autres activités au sein de la collectivité. Tous les jeunes doivent être aidés à faire la transition vers la vie dans la collectivité et bénéficier d’une préparation à la libération dans le cadre du plan global individualisé. Il peut s’agir de mesures comme une permission supplémentaire ou une libération conditionnelle, accompagnées d’un soutien social effectif ou d’une assistance pour assurer le retour progressif du mineur à la vie en milieu libre. Les centres semi-ouverts peuvent être particulièrement adaptés à cet effet. Les systèmes de « copains », qui permettent à ceux qui ont réussi leur transition d’apporter une aide aux autres, peuvent se révéler efficaces. Ce type de services et d’accompagnement permet d’aider les jeunes à faire la transition vers la vie au sein de la collectivité, et ces besoins doivent être pris en compte dans le cadre du plan global individualisé.
Les institutions, services et structures chargées de l’assistance et de la protection de l’enfance doivent se conformer aux normes établies par les autorités compétentes, notamment pour ce qui est de la sécurité, de la santé, du personnel, qui doit être qualifié et en nombre suffisant, et de la surveillance. La nécessité d’une inspection et d’un contrôle réguliers et indépendants est particulièrement importante dans les centres de détention (qu’ils soient utilisés à des fins punitives ou de protection), et plusieurs normes internationales insistent sur l’importance de veiller à ce que le personnel intervenant auprès des enfants dans tous les domaines de la justice des mineurs soit suffisamment qualifié et reçoive une formation régulière. Les enfants doivent pouvoir présenter des plaintes à une autorité indépendante, par le biais d’un mécanisme rapide, simple et efficace et offrant un droit de recours. Les enfants doivent pouvoir accéder à des défenseurs indépendants, tels que ceux qui ont été introduits en Angleterre et au Pays de Galles, et savoir qu’ils peuvent ainsi leur faire part de leurs préoccupations et présenter des plaintes sans crainte de subir de représailles. La priorité doit être donnée à la médiation et à réparation comme moyen de résolution des plaintes ou en réponse aux requêtes.
Il existe suffisamment de normes internationales, de principes juridiques et de recommandations détaillées pour assister les États désireux de réformer leur politique en matière de justice des mineurs. Les États devraient mettre en place des systèmes à la fois efficaces et fondés sur les droits, et assurer le bien-être des enfants et des jeunes en conflit avec la loi. Les normes fournissent un ensemble complet et objectif de points de référence à l’aune desquels les États peuvent mesurer leur système de justice des mineurs. Le processus de suivi permet de faire connaître les bonnes pratiques qui existent dans les pays du Conseil de l’Europe, et de partager des informations sur ces pratiques.
Les principes de base sont bien établis et indiquent la voie à suivre :
· Des programmes de prévention adaptés pour promouvoir la prévention de la délinquance devraient être élaborés, en s’inspirant d’approches fondées sur des données probantes, et adaptés régulièrement pour tenir compte de l’évolution des besoins des enfants.
· Le recours à des moyens non judiciaires devrait être un objectif clef de tout système de justice des mineurs. Un personnel qualifié et des crédits suffisants devraient être mis en place afin que le processus suscite davantage la confiance, et l’exercice du pouvoir devrait être soumis à des limites strictes et révisé à intervalles réguliers.
· Les mesures de déjudiciarisation devraient mettre l’accent sur les besoins de l’enfant et être proposées aux primo-délinquants et aux récidivistes. Il doit être précisé clairement dans la législation que le mineur doit y adhérer.
· Le processus de jugement devrait se fonder sur l’intérêt supérieur de l’enfant, la gravité de l’infraction, mais aussi sur les circonstances de l’infraction. Les juges devraient recevoir une formation spéciale et être assistés par des experts dans leurs décisions.
· La priorité doit être donnée aux mesures non privatives de liberté appliquées dans la communauté comme alternative à la détention, avec un objectif à finalités éducatives et réparatrices.
· La détention avant jugement et la détention à des fins d’assistance et de protection ne doivent être utilisées que dans des circonstances exceptionnelles et des mesures de substitution devraient exister afin d’en restreindre le recours
· La privation de liberté doit être une mesure de dernier ressort. Les enfants doivent toujours être détenus séparément des adultes.
· En détention, les enfants ont droit à ce que tous leurs droits soient respectés, une attention particulière devant être accordée à leur sécurité et à leur santé, à leur éducation ainsi qu’au maintien de leurs liens avec leurs amis et leur famille. Des mécanismes indépendants et effectifs doivent exister pour qu’ils puissent présenter leurs plaintes.
· De petites structures dotées d’un personnel qualifié et en nombre suffisant, offrant des programmes à la fois éducatifs et de réinsertion, sont essentielles pour préparer la réinsertion de l’enfant dans la société.
1 Recommandation CM/Rec (2008) 11 du Comité des Ministres aux États membres sur les Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures, 5 novembre 2008.
2 Au titre de suivi de la Résolution N° 2 sur une justice adaptée aux enfants, adoptée à la 28e Conférence des Ministres européens de la Justice du Conseil de l’Europe (Lanzarote, octobre 2007), le Conseil de l’Europe prépare actuellement des lignes directrices européennes pour une justice adaptée aux enfants, visant à aider de manière concrète les gouvernements à rendre leurs systèmes judiciaires plus adaptés aux besoins des enfants, afin de renforcer leur accès à la justice.
3 Comité des droits de l’enfant, Observation générale N° 10 sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs, CRC/C/GC/10, 2 février 2007.
4 Adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies par sa Résolution 45/112 du 14 décembre 1990.
5 Adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies par sa Résolution 40/33 du 29 novembre 1985.
6 Adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies par sa Résolution 45/113 du 14 décembre 1990.
7 Adoptées par le Conseil économique et social des Nations Unies par sa Résolution 2005/20 du 22 juillet 2005.
8 Les droits de l’homme dans l’administration de la justice, en particulier des enfants et des jeunes en détention. Conseil économique et social des Nations unies en 1996 (E/CN.4/RES/1996/32), 1998 (E/CN.4/RES/1998/39) et 2000 (E/CN.4/RES/2000/39).
9 Rapport de l’expert indépendant chargé de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants, A/6199, 26 août 2006.
10 Recommandation CM/Rec (2008) 11 du Comité des Ministres aux États membres sur les Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures, 5 novembre 2008.
11 Observation générale No 10, par. 24.
12 Règle 5.1 des Règles de Beijing.
13 Recommandation CM/Rec(2008)11, règle 3.
14 S.C. c R.U., 15 juin 2004, §§ 28-37. Voir également T. c R.U. et V. c R.U., 16 décembre 1999.
15 CM/Rec (2008) 11, par. 23 et 44.
16 Observation générale N° 10, par. 28.
17 Koniaraska c. R.U. (décision sur la recevabilité), 12 octobre 2000.
18 D.G. c. Irlande, 16 mai 2002.
19 Entre autres l’article 37(c) de la CIDE ; la règle 29 des Règles de la Havane, CM/Rec (2008) 11, par. 59 ou les Conclusions XV-2 du Comité européen des droits sociaux, la déclaration d’interprétation de l’article 17§1 de la Charte sociale européenne révisée, p. 32.
20 CM/Rec (2008) 11, par. 76-82
21 Rapport de l’expert indépendant chargé de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants, A/6199, 26 août 2006.
22 CM/Rec (2008) 11, par. 121-126.
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