Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Date : 08/02/1981
Qualification(s) disciplinaire(s) : Manquement au devoir de délicatesse (à l’égard des supérieurs hiérarchiques) - Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation de respecter le principe de la séparation des pouvoirs) - Manquement au devoir de probité (devoir de réserve)
Décision : Révocation sans
Mots-clefs : Activité juridictionnelle (acte étranger) - Critique - Déclaration - Délicatesse - Etat de magistrat - Juge d’instance - Média - Organisation du service - Probité - Radio - Réserve - Révocation sans suspension des droits à pension - Saisine - Séparation des pouvoirs - Supérieur hiérarchique
Fonction : Juge d’instance
Résumé : Contestation en des termes violents et discourtois des décisions prises par le président du tribunal de grande instance en matière d’organisation et de fonctionnement du service - Déclarations radiophoniques sur une affaire dont le magistrat était saisi - Magistrat méconnaissant de façon répétée le cadre de sa saisine - Violation du principe de la séparation des pouvoirs
Lien(s) : S041, S042, S043, S044CE, S059
Le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme Conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence du premier président de la Cour de cassation, et siégeant à huis clos ;
Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, complétée et modifiée par les lois organiques n° 67-130 du 20 février 1967 et n° 70-642 du 17 juillet 1970 ;
Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 19 février 1959 relatif au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche de M. le garde des sceaux du 17 juillet 1980, dénonçant au Conseil les faits motivant une poursuite disciplinaire contre M. X, juge au tribunal de grande instance de V, chargé du service du tribunal d’instance de W ;
Après avoir entendu M. le directeur des services judiciaires qui s’est retiré après les débats ;
Et sur le rapport de M. Wagner,
Après avoir entendu M. X en ses explications, ainsi que M. Y, juge au tribunal de grande instance de U, M. Z, juge honoraire au tribunal de grande instance de T, et M. A, juge au tribunal de grande instance de S, chargé du service du tribunal d’instance de R, qui l’assistaient ;
Considérant qu’aux termes de l’article 43 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire » ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumis au conseil de discipline que M. X, juge au tribunal de grande instance de V, chargé du service du tribunal d’instance de W, s’est, dans une série de lettres, visées dans l’acte de dénonciation du garde des sceaux et rédigées en des termes violents et discourtois, opposé, en matière d’organisation et de fonctionnement du service judiciaire, au président du tribunal de grande instance de V ; que ces faits constituent un manquement à la délicatesse à laquelle ce magistrat est tenu ; qu’il a, le 4 juillet 1980, exprimé, à la Radio Télévision Luxembourgeoise, son opinion sur une affaire dont il était saisi ; que, ce faisant, l’intéressé a manqué au devoir de réserve qui incombe aux magistrats ;
Considérant que M. X a rendu diverses décisions juridictionnelles retenues dans l’acte de dénonciation sus-indiqué de M. le garde des sceaux ;
Considérant qu’en vertu du principe fondamental, qui garantit l’indépendance des magistrats du siège, leurs décisions juridictionnelles ne peuvent être critiquées, dans les motifs et dans le dispositif qu’elles comportent, que par le seul exercice des voies de recours prévues par la loi ; que la juridiction disciplinaire ne saurait donc en connaître ;
Considérant, toutefois, qu’un tel principe trouve sa limite lorsqu’il résulte de l’autorité même de la chose définitivement jugée qu’un juge a, de façon grossière et systématique, outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine, de sorte qu’il n’a accompli, malgré les apparences, qu’un acte étranger à toute activité juridictionnelle ;
Considérant, d’une part, qu’il résulte d’un arrêt de la cour d’appel de Q, en date du 22 novembre 1979 et passé en force de chose jugée, que M. X, dessaisi par deux arrêts antérieurs de la même cour ayant infirmé successivement les deux ordonnances qu’il avait rendues dans la même affaire, a prononcé, sans avoir été à nouveau saisi, une troisième ordonnance entre les mêmes parties ayant le même objet et la même cause ; que la cour d’appel de Q a, une nouvelle fois, proclamé que cette dernière ordonnance avait été rendue au mépris du dessaisissement déjà constaté ; qu’ainsi, il a méconnu le cadre de sa saisine de façon répétée et ne pouvant dès lors relever de la seule erreur, fût-elle grossière ; que, d’autre part, la première chambre civile de la Cour de cassation, saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre un jugement du 8 juin 1979 du tribunal d’instance de W, rendu par M. X, a, par arrêt du 15 janvier 1980, annulé ce jugement au motif que ce tribunal avait méconnu le principe de la séparation des pouvoirs ; qu’il est ainsi établi que M. X a violé les dispositions de la loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, qui interdit au juge, à peine de forfaiture, d’enfreindre le principe de la séparation des pouvoirs ;
Considérant que l’ensemble de ces faits constituent, de la part de M. X, des manquements graves et réitérés aux devoirs de son état ;
Par ces motifs,
Prononce la révocation sans suspension des droits à pension ;
Autorise la publication de la présente décision
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