Enfants hyperactifs : gare à la pilule de l'obéissance Ritaline
Enfants hyperactifs : gare à la pilule de l'obéissance
Le Point.fr - Publié le 29/04/2011 à 20:37 - Modifié le 29/04/2011 à 22:09
La prescription de plus en plus répandue de méthylphénidate, plus connu sous le nom de Ritaline®, inquiète certains spécialistes.
C'est sûr qu'il est toujours plus facile d'opter pour la prise quotidienne d'un médicament afin de calmer son bambin que d'accepter un lourd suivi psychologique, éducatif et parfois social... © PQR
Dans son numéro du mois de mai, le Journal des professionnels de la petite enfance titre "Hyperactivité... Le mal du XXIe siècle ?" À cette interrogation, le docteur Bruno Toussaint, rédacteur en chef de la revue Prescrire, dont l'absence de toute publicité, sponsor, actionnaire ou subvention, assure une parfaite indépendance vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, répond : "Vu l'intérêt grandissant pour les médicaments traitant cette pathologie, ce n'est pas impossible."
En effet, même si sa prescription est très encadrée en France (classe des stupéfiants), le méthylphénidate s'est fait une véritable place sur le marché. Entre 2004 et 2009, le nombre de boîtes, tous dosages confondus, remboursées par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés est passé de 171 274 à 274 186, soit une augmentation de 60 %. Et les chiffres ne risquent pas de fléchir. Aux deux marques, la Ritaline® et son homologue le Concerta® déjà commercialisés dans les pharmacies françaises, est récemment venue s'ajouter une troisième, le Quasym®.
Effets indésirables
Il est sûr qu'il est plus facile d'opter pour la prise quotidienne d'un médicament afin de calmer son bambin que d'accepter un lourd suivi psychologique, éducatif et parfois social, en plus des profonds changements à opérer au sein de la sphère familiale. Pour autant, méfiance ! "Les dérivés amphétaminiques, comme on l'a vu avec le Mediator®, ne sont pas toujours bons pour la santé !" prévient Bruno Toussaint, qui a souvent alerté, dans les pages de sa revue, sur les effets indésirables de cette molécule. Ils ont tendance à exciter le cerveau et le système cardio-vasculaire. Ils peuvent perturber le fonctionnement cardiaque et conduire jusqu'à l'arrêt du coeur ; le méthylphénidate est d'ailleurs incriminé dans plusieurs décès aux États-Unis. Ce dérivé amphétaminique entraîne aussi une diminution de l'appétit, qui, chez l'enfant, peut se traduire par un retard de croissance allant de 1 à 1,5 cm par an, en particulier la première année de traitement. Par ailleurs, à doses usuelles, il peut entraîner des hallucinations visuelles et tactiles mettant souvent en scène des insectes, des serpents ou des vers... Sans parler de la dépendance qui se développe.
Thérapies comportementales
"Ce qu'il est important de comprendre, c'est que le méthylphénidate n'est pas un médicament qui sauve des vies, c'est un médicament qui traite les symptômes uniquement", explique Bruno Toussaint. "Il faut reconnaître qu'il existe des cas d'enfants hyperactifs très difficiles et qu'avec ce médicament l'enfant se porte mieux. Mais ces cas sont rares et il existe bien d'autres solutions à mettre en place avant d'en arriver à la prescription de cette molécule, dont on ne connaît pas très bien les effets au long cours." D'ailleurs, dans 75 % des cas, les thérapies comportementales sont efficaces chez les enfants présentant une hyperactivité avec troubles de l'attention.
La rigueur est donc de mise, car "le méthylphénidate expose à des risques disproportionnés en cas de dérapage de prescription chez les enfants simplement turbulents", indique Bruno Toussaint. Il faut bien mesurer l'ampleur des troubles d'un enfant "hyperactif" et tenter toutes les autres solutions avant d'accepter de le dompter à coups de Ritaline® et consorts, qui "doivent absolument rester le dernier recours dans le traitement de l'hyperactivité de l'enfant". Un recours qui, selon le patron de Prescrire, est globalement d'une "efficacité bien modeste".
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