Harcèlement sexuel : nouvelle formule
Votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel vient répondre ainsi aux impératifs constitutionnels de mai 2012 : décryptage.
■ Contexte.- La loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel — publiée au Journal officiel 7 août 2012 — fait suite à la décision de censure du Conseil constitutionnel de l'article 222-33 du Code pénal qui définissait et réprimait le harcèlement sexuel (Cons. const., 4 mai 2012, décis. n° 2012-240-QPC). Issue dans sa dernière mouture, de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002, la définition de l'incrimination méconnaissait le principe de légalité des délits et des peines, en ce qu'elle permettait que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis. Le texte entendait de façon lacunaire le harcèlement sexuel comme « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ». L'article 222-33 du Code pénal est abrogé avec effet immédiat entraînant l'annulation de toutes les procédures en cours et l'interdiction d'engager de nouvelles poursuites sur ce fondement.
■ Définition et sanction.- Le nouveau texte d'incrimination a été adopté, dans les conditions prévues à l'article 45, alinéa 3, de la Constitution (procédure accélérée), le 31 juillet dernier. Désormais, dans sa nouvelle rédaction, l'article 222-33 du Code pénal incrimine les faits de harcèlement sexuel selon deux modalités :
I. - Le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. - Le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
Les nouvelles dispositions donnent une définition, certes plus précise mais également plus complexe que par le passé du délit de harcèlement sexuel. Dans l'attente de la réception des textes par la jurisprudence, une circulaire du 7 août 2012 (Circ. CRIM n° 2012 -15 / E8, 7 août 2012 : Nor : JUS D 1231944 C) en présente le sens et la portée.
Les peines encourues sont également modifiées. L'auteur de harcèlement encourt dorénavant deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende lorsque les faits sont commis :
1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
2° Sur un mineur de quinze ans ;
3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice.
Il est à noter que les peines complémentaires qui étaient auparavant prévues demeurent encourues en application des dispositions inchangées du Code pénal (C. pén., art. 222-44 et s.).
■ Application dans le temps. - On rappellera aussi que ces nouvelles dispositions, de par leur nature plus sévère, ne peuvent évidemment s'appliquer de façon rétroactive à des faits commis avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.
■ Code du travail. - Parallèlement, le principe de l'interdiction du harcèlement sexuel à l'encontre des salariés est rappelé par l'article L. 1153-1 du Code du travail et la nouvelle définition est reprise à la fois dans le Code du travail et dans la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
■ Harcèlement moral et discriminations.- La loi du 6 août 2012 introduit par ailleurs d'autres modifications. On relèvera à titre principal celles concernant le harcèlement moral et les discriminations.
S'agissant du harcèlement moral, les peines encourues sont alignées sur celles encourues en cas de harcèlement sexuel, soit deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende (au lieu d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende). En outre, le harcèlement moral dans les relations de travail est désormais uniquement sanctionné par les dispositions de l'article 222-33-2 du Code pénal, et non plus par celles de l'article L. 1155-2 du Code du travail, ce dernier réprimant désormais les discriminations dans le travail commises à l'égard d'un salarié qui a subi ou refusé de subir un harcèlement moral ou qui a témoigné sur de tels faits.
Concernant ensuite les discriminations, la nouvelle loi sanctionne de façon spécifique les discriminations résultant des faits de harcèlement sexuel.
Ainsi, « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu'elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article 222-33 ou témoigné sur de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés ». Les peines encourues sont de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (C. pén., art. 225-1-1 nouveau) s'ils sont commis par un particulier et de cinq d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (C. pén., art. 432-7) s'ils sont commis par un agent public. Les faits de discrimination prévus par le Code du travail (C. trav. art. L. 1152-2, L. 1153-2 et L. 1153-3), lorsqu'ils sont commis à la suite d'un délit de harcèlement moral ou sexuel, sont punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros (C. trav., art. L. 1155-2).
■ Identité sexuelle.- Enfin, l'article 225-1 du Code pénal qui énumère les motifs de discriminations interdits est enrichi d'une nouvelle notion : l'identité sexuelle. Désormais, à côté des discriminations commises en raison de l'orientation sexuelle de la victime, peut-on trouver celles qui sont commises en raison de son identité sexuelle. Le but du législateur est de rendre plus explicite le fait que ces dispositions s'appliquaient non seulement aux personnes homosexuelles, mais également aux personnes transsexuelles ou transgenres.
La loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel
Références
■ Cons. const., 4 mai 2012, décis. n° 2012-240-QPC, Dalloz Actu Étudiant 9 mai 2012.
■ Code pénal
« I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.
Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :
1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
2° Sur un mineur de quinze ans ;
3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice. »
« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. »
« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales à raison de l'origine, du sexe, de la situation de famille, de l'apparence physique, du patronyme, de l'état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l'orientation ou identité sexuelle, de l'âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales. »
« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu'elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article 222-33 ou témoigné de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés. »
« La discrimination définie aux articles 225-1 et 225-1-1, commise à l'égard d'une personne physique ou morale, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 Euros d'amende lorsqu'elle consiste :
1° À refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ;
2° À entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;
3° À refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;
4° À subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ou prévue à l'article 225-1-1 ;
5° À subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ou prévue à l'article 225-1-1 ;
6° À refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
Lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 Euros d'amende. »
« La discrimination définie aux articles 225-1 et 225-1-1, commise à l'égard d'une personne physique ou morale par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste :
1° À refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ;
2° À entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque. »
■Code du travail
« Aucun salarié , aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.»
« Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. »
« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés. »
« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés. »
« Sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel définis aux articles L. 1152-2, L. 1153-2 et L. 1153-3 du présent code.
La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l'affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu'elle désigne. Ces frais ne peuvent excéder le montant maximum de l'amende encourue. »
■ Article 45 de la Constitution de 1958
« Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux Assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique. Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis.
Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux Assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque Assemblée ou, si le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.
Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées. Aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement.
Si la commission mixte ne parvient pas à l'adoption d'un texte commun ou si ce texte n'est pas adopté dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. En ce cas, l'Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat. »
Auteur : C. L.
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