"Personne ne détenant LA vérité, il importe que les différences de point de vue s'expriment sans restriction mais dans un cadre qui fait droit à l'opinion d'autrui. Les mots pouvant être des armes blessantes, il conviendra de s'exprimer comme cela doit se faire ..."
Ce genre de remarque repose sur une une injonction paradoxale étonnante. Ainsi en même temps que l'on prône la liberté de parole, on censure cette dernière immédiatement. Bien entendu, chacun conçoit que la courtoisie soit de mise dans un échange mais dire que les mots sont des armes blessantes revient à admettre qu'il faut débattre à fleuret moucheté. Finalement le débat est admis pourvu que l'on soit tous d'accord ; les désaccords ne pouvant reposer que sur des détails mineurs. Si les idées se déclinent de 0 à 180 degrés, vous êtes invités à laisser vos propos ne jamais dépasser 90 degrés car au-delà cela pourrait être "blessant". Soyez libres mais trop. On pourra se demander qui fixe l'étendue des propos acceptables. Il ya forcément quelqu'un, qui maitrisant le débat, est un peu plus égal que les autres.
Tout ceci rappelle curieusement la Ferme des animaux de George Orwell lorsqu'à la fin du roman, Douce la jument demande à l'âne Benjamin de lui lire les commandements inscrits sur le mur. Il lui dit qu'il n'en reste plus qu'un seul :
- Tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres.
Dans les relations humaines il s'agit d'un ensemble de deux ordres (explicites ou implicites) intimés à quelqu'un qui ne peut en satisfaire un sans violer l'autre. L'exemple que je livre au début est un cas parfait de double contrainte, puisqu'en même temps que l'on vante la libre parole on vient la circonscrire. Si l'on parle librement on risque donc de dépasser les bornes implicites mais si l'on respecte ces bornes alors on ne respecte plus l'incitation à la libre parole. De même, tandis que l'auteur explique personne ne détient LA vérité, il admet tout de même la censure en imposant donc SA ou du moins UNE vérité.
Gregory Bateson, qui en a décrit le mécanisme, l'exprime ainsi : « vous êtes damné si vous le faites, et vous êtes damné si vous ne le faites pas ». Une retranscription proposé est : Si tu ne fais pas A, tu ne (survivras pas, ne seras pas en sécurité, n'auras pas de plaisir, etc.) Mais si tu fais A, tu ne (survivras pas, ne seras pas en sécurité, n'auras pas de plaisir, etc.).
La double contrainte exprime donc le fait d'être acculé à une situation impossible, le problème étant que le fait de dépasser l'absurdité soit intimé comme une obligation. To bind, dans l'expression « double-bind » signifie « coller », « accrocher », allusion à deux ordres impossibles à exécuter. L'antipsychiatrie de Laing et Cooper utilise le nom de knot (« nœud ») qui évoque bien cette situation d'enfermement.
Bateson pensait que ces situations pouvaient être à l'origine de la schizophrénie. On sait aujourd'hui que les causes de la schizophrénie sont bien plus complexes que cela. Toutefois, vivre dans la double contrainte permanente est une source de stress intense amenant parfois à des états de stupeur et de décompensation sévère.
La double contrainte rend fou ! La double contrainte est l'arme favorite des pervers et elle se développe de plus en plus. Il n'y a qu'à analyser assez froidement le monde dans lequel on vit pour comprendre qu'en même temps que les mots liberté et démocratie sont avancés, des contrôles de plus en plus sévères de la parole sont mis en place. La double contrainte est l'arme favorite de ceux qui vous confisque le droit de penser comme vous l'entendez tout en vous assurant qu'ils œuvrent pour votre liberté.
Lahttp://psychotherapeute.blogspot.fr/2010/01/injonction-paradoxale-et-double.html double contrainte est l'arme favorite des pervers et peut rendre fou.