Après un mouvement d'ampleur inédit en février, vous appelez, avec une vingtaine d'organisations syndicales et professionnelles, à la grève le mardi 29 mars, pour réclamer un "plan d'urgence pour la justice". Est-ce à dire que rien n'a été fait ?
- Effectivement, rien n'a été fait. Les différents intervenants et professionnels de la justice ne peuvent que déplorer la fin de non recevoir qu'ils se sont vu opposer à leur demande de repenser globalement les difficultés de la justice et en particulier le manque de moyens tant humains que matériel.
S'agissant plus particulièrement de la profession d'avocat, et alors que les missions de service public qui nous sont confiées sont chaque jour plus nombreuses, les promesses de 2000 [le 18 décembre 2000 les organisations professionnelles représentant les avocats et le gouvernement ont signé un protocole d'accord sur une réévaluation de 15 % de l'aide juridictionnelle, NDLR] quant à la juste rémunération de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle, n'ont pas vues le moindre commencement d'exécution.
Bien plus, la loi de finances et le décret du 15 mars 2011 ne font qu'accroître les charges des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle, diminuant d'autant leur indemnisation, pourtant déjà ridicule.
Quelles sont les urgences ?
- Les urgences, pour l'ensemble des domaines du droit, résident d'une part, dans la mise à niveau des moyens de la justice en corrélation avec les missions qui sont les siennes. La fin de l'évitement du juge à tout prix, au nom de modes alternatifs de règlement des conflits qui ne garantissent pas toujours l'équilibre des parties en présence.
D'autre part l'urgence réside dans la fin du tout répressif pour repenser la justice pénale en termes d'inclusion et non d'exclusion, en termes de réhabilitation et non en termes d'élimination.
Le malaise exprimé par les professionnels de la justice n'est-il pas surtout dû à l'organisation de la justice en France et plus particulièrement à son manque d'indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif?
- La question de l'indépendance de la justice par rapport aux pouvoirs publics se pose essentiellement pour le Parquet. En ce qui concerne les magistrats du siège, ils sont indépendants, mais le pouvoir exécutif se comporte ces derniers temps, comme s'ils ne l'étaient pas, commentant, critiquant, contestant leurs décisions... Bref exerçant pas ce biais une pression inacceptable à leur endroit.
Interview de Pascale Taelman, présidente du Syndicat des Avocats de France, par Benjamin Harroch - Nouvelobs.com
(le mardi 22 mars 2011)