La cour d'assises des mineurs et la publicité restreinte
Par Michel Huyette
Nous avons déjà abordé ici la question de la publicité restreinte quand la cour d'assises juge un accusé qui était mineur au moment des faits (lire ici, et ici). Si le principe en justice est que toutes les audiences sont publiques, la publicité est réduite à la cour d'assises soit, obligatoirement, quand l'accusé est "mineur", soit, facultativement, quand la victime d'un viol le demande.
Aujourd'hui, la règle est la suivante :
En principe le procès d'un accusé mineur au jour du crime se déroule selon le régime dit de la "publicité restreinte", ce qui signifie que ne peuvent assister à l'audience que les parties au procès, les membres de sa proche famille, et les services éducatifs (texte ici).
Toutefois, les règles ont été modifiées par une loi de 2011 pour l'accusé devenu majeur au moment du procès. Dorénavant, le procès peut être public :
- si l'accusé devenu majeur, un autre accusé ou le ministère public le demande,
- si la cour (composée des seuls magistrats professionnels, sans les jurés) considère que la publicité est de l'intérêt de l'accusé, de la société ou de la partie civile,
- s'il n'existe pas de raison de considérer que "la personnalité de l'accusé qui était mineur au moment des faits rend indispensable que, dans son intérêt, les débats ne soient pas publics" (texte ici).
Une affaire qui vient d'être jugée par la cour d'assises des mineurs de la Corse du sud en est une rare illustration.
L'affaire a été largement reprise par les medias puisqu'il s'agissait de la mort donnée par un mineur à ses deux parents et à ses deux frères. La juridiction de jugement étant la cour d'assises des mineurs, la publicité était a priori exclue.
Toutefois, en début de procès, l'accusé dorénavant âgé de plus de 18 ans (il avait 16 ans quand les faits ont été commis en août 2009) avait lui-même demandé que son procès soit public afin, selon le compte rendu des medias, d'avoir des contats avec l'extérieur après une période d'enfermement et pour que des personnes soient dans la salle pour le soutenir. Le ministère public s'est déclaré défavorable. Et finalement la cour d'assises a maintenu la publicité restreinte et rejeté la demande de l'acusé en retenant, toujours d'après les medias, que "la personnalité de l'accusé fait qu'il doit être protégé".
Au-delà de cette affaire particulière, et pour en revenir à des généralités, il est toujours dans de telles circonstances difficile de prendre position et de choisir entre deux solutions dont aucune n'est manifestement absurde.
Quand une affaire a un retentissement légitime en ce sens qu'elle pose des questions de société qui peuvent intéresser bien au-delà des seules personnes impliquées, la publicité des débats et par voie de conséquence la connaissance de l'entier dossier peut aider à comprendre quel processus a conduit une personne à commettre un crime.
Mais à l'inverse la préoccupation première, comme cela a été indiqué dans les précédents articles, reste la protection d'un jeune accusé. Il n'est pas forcément opportun, pour préserver son avenir, que tout ce qui a pu se passer, que tous les aspects de sa personnalité, soient connus de l'extérieur. Sa résinsertion future peut être rendue bien plus difficile si beaucoup de choses, fidèles ou non au contenu du dossier, ont été écrites sur lui, son caractère, son parcours, ses actes.
C'est pourquoi, quand il y a matière à hésitation, et comme le rappellent les textes, la publicité restreinte reste le principe et la publicité ordinaire l'exception.
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