La loi du 5 mars de protection de l’enfance les abus
La loi du 5 mars de protection de l’enfance
La loi du 5 mars de protection de l’enfance est intéressante à plusieurs titres. D’abord, elle est à relier à la "Journée internationale des enfants disparus" (commémorée vendredi 25 mai). Ensuite, elle a été votée à la suite d’un bras de fer entre les deux camps de la majorité présidentielle d’avant le 6 mai.
Il s’agit d’une bonne loi. Elle n’a pas subi d’ailleurs de critiques majeures. C’est une bonne loi parce qu’au moment de sa discussion, le Premier ministre d’alors, Dominique de Villepin, a su résister aux assauts d’un ministre de l’Intérieur boulimique, obnubilé par sa fonction et les résultats, et qui voulait instrumentaliser la loi de protection de l’enfance à son profit, en faire un texte annexe, en quelque sorte, de la loi de prévention de la délinquance !
La loi de protection de l’enfance n’a pas non plus subi le contre-coup des affaires qui ont marqué l’opinion (Outreau, Angers...).
Enfin, malgré le danger Sarkozy et les pressions très fortes exercées par ce dernier, c’est l’esprit des professionnels de l’enfance que le gouvernement d’alors - dont son ministre de la famille, Philippe Bas - a souhaité faire prévaloir sur l’agitation des esprits liée à ces affaires et au thème de l’insécurité. L’enfance sera bien protégée des dangers et préservée aussi du danger Sarkozy !
La loi réformant la protection de l’enfance du 5 mars 2007 est donc un prolongement de la législation déjà existante qu’elle renforce, améliore. Elle poursuit trois objectifs prioritaires : développer la prévention en matière de protection de l’enfance, renforcer le dispositif d’alerte et d’évaluation des risques de danger pour l’enfant, mieux articuler la protection administrative et judiciaire de l’enfance en utilisant des critères communs d’intervention, améliorer et diversifier les modes d’intervention
Pour la prévention de l’enfance, la loi met fin à un scandale : Seuls 4 % des 5 milliards d’euros consacrés à la protection de l’enfance par les départements chaque année (200 millions d’euros), étaient jusqu’à présent destinés à la prévention. Et la loi était muette sur la question de la prévention en matière de protection de l’enfance. La loi du 5 mars inscrit explicitement la mission dans la liste des missions des services de l’aide sociale à l’enfance. La prévention est développée concrètement par l’action renforcée de la PMI (Protection maternelle et infantile) pour les enfants d’âge de la maternelle, et de la médecine scolaire au-delà.
Sur le chapitre de la protection de l’enfance, la loi apporte aussi des améliorations notables : un renforcement du recueil des données préoccupantes et la création d’une celllule départementale ainsi que d’un observatoire départemental pour les signalements d’enfants en danger, une meilleure coordination entre les services administratifs et judiciaires (Conseil général via le service d’aide à l’enfance et juge des enfants). Cela prend la forme d’une notion commune de la notion de danger de l’enfant, des critères communs d’appréciation du danger. La diversification des modes de prise en charge est aussi une réponse innovante. Deux nouvelles mesures, l’une administrative, l’autre judiciaire, sont créées, la première dite d’« accompagnement en économie sociale et familiale », et l’autre appelée « mesure d’aide à la gestion du budget familial ». L’accueil de jour est ajouté aux possibilités données au juge pour enfant lorsqu’il doit soustraire l’enfant à son milieu naturel. L’accueil d’urgence est rénové et étendu. Il permettra par exemple d’accueillir les jeunes fugueurs qui se mettent en danger en errant et par les fréquentations liées à cette errance.
La loi réaffirme et rend plus effective la notion de l’intérêt de l’enfant. Elle introduit la notion de stabilité affective de l’enfant. On peut se montrer néanmoins critique sur le fait que la loi invoque cette notion à l’appui d’une disposition autorisant des mesures judicaires pouvant désormais excéder deux ans (risque d’abandon de l’enfant par les parents découragés par la durée longue de la mesure de placement). Autre point important : la loi veut assurer une meilleure continuité des interventions. Enfin le secret professionnel partagé peut être considéré comme la clé de voûte du dispositif. Par exception à l’article 226-13 du Code pénal qui réprime la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, le secret professionnel doit être partagé entre des professionnels tous soumis au secret, dans un objectif de protection de l’enfance. Le partage sera strictement limité à ce qui est nécessaire. Les parents et le mineur (selon l’âge et la maturité) en seront informés. La loi relative à la prévention de la délinquance prévoit également un partage d’informations à caractère secret entre professionnels mais sans information préalable des représentants légaux du mineur. On le voit ce n’est pas le même esprit qui a guidé les deux textes parce que prévention de la délinquance et protection de l’enfance sont deux politiques distinctes.
En conclusion, on peut dire que la loi a fait l’objet d’un consensus parce qu’elle est le fruit d’un long travail ayant mobilisé des professionnels et des experts de la question. Elle ne repose pas sur le diktat des résultats immédiats, sur l’empressement à légiférer, ni sur un fond d’idéologie teinté de populisme. On ne peut en dire autant de la loi de prévention de la délinquance parue le même jour. Il est heureux donc que cette bonne réforme ait échappé aux griffes de Sarkozy. Mais qu’en sera-t-il pour d’autres lois sensibles à venir
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