La répartition des compétences JAF / Juge des enfants (jurisprudence)
Au sein d'une même famille, peuvent intervenir au même moment le juge aux affaires familiales (JAF), pour cause se séparation des parents ou de désaccord dans l'usage des prérogatives d'autorité parentale, et le juge des enfants (JE) quand l'enfant est en danger dans son milieu naturel.
Il est donc particulièrement important de bien fixer les domaines de compétence de chacun de ces magistrats, afin d'écarter un risque de contrariété de décision et de fermer la porte aux régulières tentatives de contournement de la décision de l'un par la saisine de l'autre.
Les juridictions doivent donc être très attentives à ne pas aller au-delà de leurs compétences respectives (1). Un exemple récent en est une nouvelle illustration.
Dans cette affaire, un jugement du juge aux affaires familiales confère aux deux parents l’autorité parentale conjointe, fixe la résidence de l’enfant chez la mère et accorde au père un droit de visite et d’hébergement. Puis, à cause notamment d'un grave conflit entre les deux parents, une procédure d'assistance éducative était ouverte chez un juge des enfants.
Après une assez longue période d'action éducative en milieu ouvert, le juge des enfants confie la mineure à son père, et, jusqu’à décision du juge aux affaires familiales, accorde à la mère un droit de visite et d’hébergement.
Dans son arrêt du 3 juillet 2013 (décision ici), la chambre des mineurs de la cour d'appel d'Aix en provence rappelle d'abord le cadre juridique applicable :
"Selon l’article 375‑3 du même code, lorsqu’une décision a été rendue sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, ou lorsque le juge aux affaires familiales a été saisi en vue de statuer sur la résidence et les droits de visite afférents, un retrait de l’enfant de son milieu actuel ne peut être ordonné par le juge des enfants que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à celle‑ci. "
Puis, dans l'affaire qui lui est soumise, elle juge que :
"En l’espèce, il est incontestable que la situation de K chez sa mère n’était pas satisfaisante et que des mesures d’assistance éducative ont du être ordonnées, sous la forme d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert. Dans le cadre de celle‑ci, les difficultés de la mère ont été confirmées. A certains moments, Madame G a pu se monter adaptée, mais, à d'autres moments, elle se montre dépassée et en difficulté pour gérer sa fille.
Le rapport du service d’assistance éducative en milieu ouvert du 1er février 2013 indique qu'un accord avait été obtenu sur les modalités de prise en charge de l’enfant par une psychomotricienne et une psychologue, qui n'étaient pas mise en œuvre depuis plusieurs mois. Alors que Madame G avait accepté que le père s'en charge, elle est revenue sur cet accord et a contacté un autre un autre pédopsychiatre, avant de l'interrompre son intervention pour des motifs financiers. Par ailleurs, K manifeste un comportement agressif à l’école. En outre, les conditions d'hygiène sont très dégradées. Le service d'assistance éducative en milieu ouvert constate un manque de stimulation et des difficultés relationnelles avec Madame G qui se montre fuyante dans les échanges.
Les difficultés de la mère constituent des éléments sérieux d'inquiétude. Les conditions d'éducation et de développement intellectuel, social de K sont gravement compromises et cette situation justifie pleinement la mise en place d'une mesure d'aide éducative pour apporter aide et conseil aux parents et veiller à la mise en place des mesures de soutien nécessaires à l’enfant.
Toutefois, il n'est pas établi par les pièces de la procédure et de l’audience que l’enfant courre chez sa mère un danger grave et immédiat, justifiant de la placer chez son père, cette mesure constituant, dans le cadre de l'assistance éducative, une mesure exceptionnelle d'une particulière gravité.
En l’absence d’éléments de gravité suffisants, c’est devant le juge aux affaires familiales, déjà saisi, que doit être examinée la question de la résidence de l’enfant et déterminer quel est le parent le plus apte à lui offrir des conditions d’éducation adaptées à ses besoins et à son intérêt.
En revanche, il n’est pas justifié de procéder au placement de l'enfant dans le cadre de la procédure d'assistance éducative sur le fondement de l'article 375‑3 du code civil. La décision déférée sera en conséquence infirmée."
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1. Sur l'ensemble de la problématique cf. le "Guide de la protection judiciaire de l'enfant", en accès libre (lien sur l'image en haut et à gauche de ce blog). Lire aussi l'article de JM. Permingeat "Les compétences concurrentes du juge des enfants et du juge aux affaires familiales" dans le n° de mai 2013 de la revue Actualité Juridique famille.
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