La sanction de l’erreur manifeste du législateur devant le Conseil constitutionnel.
1
Marie Galand, Nancy-Université
le Conseil constitutionnel.
Qu’est-ce donc que cette erreur « qui saute aux yeux sans qu’il soit besoin d’être un expert
très averti ? »
Classiquement admis en contentieux administratif, comme l’a souligné le doyen Georges
Vedel, ce concept semble transposable, dans une certaine mesure, au contrôle de
constitutionnalité.
Le contrôle de constitutionnalité, qui induit le respect de la Constitution tant s’agissant des
conditions d’élaboration de l’acte que de son contenu, implique alors qu’une interprétation du
texte constitutionnel ait, au préalable été réalisée.
Ainsi, et de façon sommaire, la théorie réaliste induit un gouvernement des juges qui s’oppose
à tout forme de démocratie, laquelle démocratie, au sens large, implique l’état de droit, donc
une obligatoire protection de la sphère individuelle, ainsi qu’une nécessaire protection des
citoyens contre ses abus et les moyens pour contrôler le pouvoir. Ce « gouvernement des
juges » semble, en l’état actuel de la pratique, peu probable car les juges n’exercent pas
l’essentiel du pouvoir. Pour d’autres, si l’interprétation du juge est justifiée par un
raisonnement juridique, alors le contrôle de constitutionnalité serait un frein au pouvoir
politique du législateur, sans pour autant être un pouvoir politique. Et là, nous sommes en
opposition avec le « gouvernement de juges », car ces derniers sont associés au
gouvernement
1. En effet, le Conseil constitutionnel participe à l’élaboration de la norme en cequ’il en fixe l’interprétation et en suggère le contenu.
En conséquence, le Conseil agit sur la hiérarchie des normes d’avantage pour assurer la
stabilité de l’exécutif, mais, d’autre part, son action induit une juridicisation de la vie
politique, qui entraîne une pacification de cette dernière, l’empêchement de renversements ou
de bouleversements brutaux, lesquels rompraient l’équilibre constitutionnel (et ce
essentiellement lors de changement de majorité), un renforcement de la cohésion de la société
politique, une adaptation de la Constitution. En d’autres termes, de part sa jurisprudence, il
agit certes sur la hiérarchie des normes, mais également sur l’équilibre des pouvoirs, la
garantie des droits fondamentaux et la sécurité juridique.
Le Conseil constitutionnel ne constitue certes pas un autre pouvoir comme ce peut être le cas
en Allemagne ou aux Etats-Unis, mais il fait respecter à chacun des pouvoirs les limites de
leurs compétences respectives bien que, dans l’édiction des normes la loi continue de primer
car en effet, malgré les dispositions constitutionnelles et le recul de la théorie classique de la
primauté de la loi, le législatif garde sa primauté sur l’exécutif dans la compétence d’édicter
des normes juridiques.
Ce constat s’illustre par le fait que le domaine de la loi, contrairement à celui du règlement,
touche les matières les plus importantes comme le droit civil des personnes, le droit pénal, le
droit fiscal, les garanties fondamentales des libertés publiques, etc. De plus, le domaine de la
loi est très étendu voire extensible, notamment depuis la décision du 2 juillet 1965
2 où leConseil constitutionnel déclare que le domaine législatif est « déterminé non seulement par
l’article 34 mais aussi par d’autres dispositions de la Constitution, notamment ses articles 72
et 74. » Désormais la compétence législative découlera de nombreux articles, comme du
1
CC, décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975, dans laquelle le Conseil constitutionnel rappel qu’il ne détientpas « un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du parlement ».
2
CC, décision n°65-34 du 2 juillet 1965, considérant 1, par exemple.2
Préambule de la Constitution de 1958, ou encore des lois organiques
1, enfin de l’interprétationextensive de certaines rubriques de l’article 34 de la Constitution.
Egalement le domaine de la loi recouvre une grande unité dans ses diverses composantes car
sont réduites les différences entre les rubriques de l’article 34 de la Constitution, c'est-à-dire
celles où la loi est compétente pour fixer les règles et celles où la loi est compétente pour
déterminer les principes. En effet la distinction « règle - principe » est relativisée car le
législateur peut parfois, comme dans le cas de la libre administration des collectivités
territoriales, ne pas se limiter aux principes fondamentaux mais descendre au niveau des
règles de détail.
Enfin, le domaine de la loi n’entraîne pas une séparation stricte par rapport au domaine du
règlement car le gouvernement accepte les empiètements du législateur, et parce que le
Conseil ne juge pas inconstitutionnelle une disposition de nature réglementaire contenue dans
une loi
2.L’erreur manifeste n’est pas propre au droit constitutionnel. En la matière, l’erreur manifeste
du législateur entraîne la censure des dispositions adoptées. Mais cette possible censure
présente une certaine frustration en ce que le contrôle exercé par le Conseil est a priori donc
abstrait. En effet, il ne peut appréhender toutes les réalités concrètes à venir, s’agissant de la
loi qui, si elle n’est pas déclarée contraire à la Constitution, entrera en vigueur. De plus, nul
n’ignore que la saisine du Conseil constitutionnel s’agissant de la conformité des lois à la
Constitution est tantôt obligatoire, tantôt facultative.
Les erreurs que le Conseil constitutionnel examine ne sont pas de même degré, partant, les
sanctions sont relatives à la gravité de l’erreur. Il en va de même s’agissant du contrôle luimême,
en ce sens que le Conseil laisse au législateur, en certains cas, une marge
d’appréciation et qu’il rappel alors qu’il « ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation et de
décision de même nature que celui du Parlement ».
S’agissant des sanctions, le Conseil les hiérarchise. En effet, parfois il les relève mais ne les
sanctionne pas. Parfois encore, il émet des réserves d’interprétation, c'est-à-dire qu’il ne
censure pas la loi à condition que les dispositions comportant l’erreur soient interprétées dans
le sens donné par lui. Enfin, l’erreur peut être d’une telle gravité que le Conseil censure
purement et simplement la loi. Il peut même se saisir d’office de certaines erreurs d’une
gravité telle qu’elles ne peuvent rester sous silence.
De manière plus pragmatique il existe une gradation des verdicts :
-le Conseil déclare la loi qui lui a été déférée conforme à la Constitution, sans autres
commentaires,
-le Conseil déclare encore que la loi soumise à son contrôle est conforme à la
Constitution mais sous des réserves d’interprétation énoncées dans sa décision, ainsi il exclut
les interprétations qui rendraient la loi contraire à la Constitution
3,-le Conseil déclare que la loi soumise à son contrôle n’est pas conforme à la
Constitution mais il explique au législateur comment agir afin que cette loi soit conforme,
-le Conseil, enfin, déclare que la loi déférée est purement et simplement contraire à la
constitution.
Afin d’étudier au mieux la sanction de l’erreur manifeste du législateur devant le Conseil
constitutionnel, il est nécessaire de s’attacher au principe de légalité, car le Conseil réalise, en
1
CC, décision n°62-19 du 3 avril 1962, considérant 2, par exemple.2
CC, décision n°82-143 du 30 juillet 1982, considérant 11, par exemple.3
Rappelons qu’il existe les réserves neutralisantes qui ôtent toute portée juridique à une disposition, les réservesconstructives qui modifient le contenu d’une disposition et les réserves directives qui informent sur la manière
dont une disposition devra être appliquée.
3
partie, un contrôle de proportionnalité en la matière, assimilable dans une certaine mesure à
celui réalisé par le Conseil d’état lors du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation dans le
cadre du recours pour excès de pouvoir (II). Ceci entraîne les notions désormais inséparables
de « sécurité juridique », d’ « intelligibilité, lisibilité et clarté de la loi » (I).
I – Des concepts conditionnant la validité des normes juridiques.
Permettez avant d’en arriver au coeur de la question de traiter brièvement de ces concepts dont
le législateur ne peut se défaire, et qui, je pense, sont nécessaire à la compréhension de ce
point particulier qu’est la sanction de l’erreur manifeste du législateur.
Il s’agit des principes de sécurité juridique et de clarté de la loi, des objectifs à valeur
constitutionnelle d’intelligibilité et de lisibilité de la loi.
Le principe de sécurité juridique, aujourd’hui clairement établit en droit français, notamment
sous l’impulsion européenne et par la consécration des droits fondamentaux, est sans
équivoque protégée, mais sans jamais être expressément invoquée comme telle par le Conseil.
Le principe de sécurité juridique, élément de la sûreté, n’est pas cette situation à l’issue de
laquelle les lois promulguées sont définitivement établies car, en effet, le législateur peut
modifier les textes antérieurs, voire les abroger, sous couvert de leur substituer de nouvelles
normes et « de ne pas priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. »
1Ainsi, lorsque le législateur a assorti de garanties l’exercice de libertés, il ne peut les en
dépouiller totalement. Il s’agit notamment de la liberté d’entreprendre, du droit de propriété,
ou encore de la liberté contractuelle, des droits de la défense. Reste une garantie
fondamentale, la non rétroactivité des lois plus dures en matière répressive. Dans d’autres
matières la rétroactivité doit nécessairement être justifiée par la poursuite d’un « intérêt
général suffisant. »
2En conséquence, les caractéristiques fondamentales de la loi sont qu’elle doit être intelligible
et accessible. Du principe de sécurité juridique découlent alors ces notions qui désormais
conditionnent l’adoption d’une loi : intelligibilité, lisibilité
3 et clarté4.Dans une décision du 16 décembre 1999, le Conseil considère que « l’accessibilité et
l’intelligibilité de la loi sont des objectifs de valeur constitutionnelle » car « la garantie des
droits ne pourrait pas être effective si les citoyens ne disposaient pas d’une connaissance
suffisante des normes qui sont applicables »
5. Par conséquent et de façon logique pour êtreintelligible, la loi doit être claire et précise
6, donc complète afin de ne pas menacer lescitoyens dans leurs droits, mais également de sorte que les autorités d’application n’empiètent
pas sur les compétences du législateur, que donc soit préservée la séparation des pouvoirs.
Ce sont l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi qui induisent l’égalité entre les citoyens. En
effet, une loi incertaine, complexe, rompt l’égalité s’agissant de sa compréhension, de son
application, de l’exercice d’une liberté en ce qu’aucune borne précise ne lui est assignée. Un
texte lisible est un texte intelligible, donc simple, concis afin d’être compréhensible car
comme « nul n’est censé ignorer la loi », au préalable tous doivent être en mesure de la
comprendre. C’est ce qu’écrit Henri Capitant au sujet du code civil : « Clarté, précision,
1
CC, décision n°98-404 du 18 décembre 1998, considérant 5, par exemple.2
Idem.3
CC, décision n°2005-514 du 28 avril 2005, considérant 14, par exemple. L’accessibilité et l’intelligibilité de laloi sont pour le Conseil constitutionnel des objectifs à valeur constitutionnelle.
4
CC, décision n°2001-455 du 12 janvier 2002, considérant 9, par exemple. Le principe de clarté découle del’article 34 de la Constitution et se distingue des objectifs à valeur constitutionnelle d’accessibilité et
d’intelligibilité de la loi.
5
CC, décision n°99-421 du 16 décembre 1999, considérant 13, par exemple.6
CC, décision n°2000-435 du 7 décembre 2000, considérant 43, par exemple.4
concision, mesure, ce sont là les qualités qui […] en font un modèle qui n’a jamais été
surpassé ».
1« La sécurité juridique est (donc) le lieu où se cristallise la conciliation des exigences relatives
à la protection des droits individuels et celles relatives à l’intérêt général. »
2Cependant, ce principe avéré risque d’entrer en conflit avec le principe de légalité, principe
qui en l’espèce nous intéressera particulièrement, étant un des piliers du contrôle et donc de la
possible sanction de l’erreur manifeste. Pris en son sens le plus large, le principe de légalité
est une condition de la qualité des normes juridiques, et c’est au juge que revient
nécessairement le soin d’apprécier cette validité. Le juge constitutionnel, protecteur des
intérêts des individus, considère cette validité en étudiant la proportionnalité existante ou non
entre les mesures prises et les atteintes éventuelles subies par les particuliers, donc en
mesurant leur caractère équitable.
II – Légalité et proportionnalité, deux standards explicatifs de l’erreur manifeste.
1) Le principe de légalité
L’activation des textes constitutionnels par le juge constitutionnel a produit la situation selon
laquelle désormais la légalité n’est qu’une composante de la constitutionnalité, cette dernière
véhiculant le contenu essentiel des droits fondamentaux. Ce changement a permis un
processus de décision plus démocratique, en ce que le gouvernement est obligé de porter
devant le parlement les principaux choix à arrêter. Le législateur doit donc exercer pleinement
ses compétences et ne plus les abandonner au pouvoir réglementaire.
En outre, cette supplantation est paradoxale s’agissant de la technique de sanction de l’erreur
manifeste. En effet, c’est en prenant exemple sur le juge administratif que le juge
constitutionnel réussi à sanctionner les erreurs manifestes du législateur. En contentieux
administratif, le principe de légalité est primordial s’agissant de la sanction de l’erreur
manifeste. Cependant, le juge administratif sanctionne les actes de l’administration, ce qui
sous entend que le terme de légalité semble approprié. Même si ce même vocable apparaît
pour la matière constitutionnelle comme constituant un abus de langage, c’est au sens de la
technique pure qu’il doit être regardé. En effet, tout comme le fait le juge administratif, le
juge constitutionnel se réfère à des normes supérieures, en l’occurrence une fondamentale
qu’est la Constitution, ainsi qu’à des procédures d’élaboration des normes législatives. Ainsi,
évidemment que le principe de légalité n’a pas lieu d’être en l’espèce car il ne fait référence
qu’à la hiérarchie des normes, laquelle ne permet pas au Conseil constitutionnel de
sanctionner l’erreur manifeste du législateur. D’autant plus, que ce principe a été crée par le
juge administratif pour l’administration uniquement. En conséquence, le Conseil
constitutionnel reprend, au moins en partie, la grille de lecture qui permet au Conseil d’état de
sanctionner l’Administration en cas d’erreur manifeste d’appréciation, la mise en oeuvre du
contrôle du législateur est très différente de celle du contrôle du pouvoir administratif, mais
l’opération de contrôle est très similaire dans les deux cas.
S’agissant de la mise en oeuvre du contrôle, le Conseil constitutionnel, certainement parce
qu’il est « le régulateur des rapports entre pouvoirs publics et non juge d’un contentieux
1
V. Revue politique et parlementaire, vol. 91, 1917, p. 305, Comment on fait les lois aujourd’hui, HenriCapitant.
2
Cahiers du Conseil constitutionnel, n°11, 1er semestre 2001, p. 107, Réflexion en guise de conclusion sur leprincipe de sécurité juridique
, Bertrand Mathieu.5
auquel seraient mêlés les particuliers »
1restreint la saisine, saisine qui de plus n’a pas à êtremotivée et qui entraîne un examen de la totalité du texte déféré. Ainsi, la saisine ne donne pas
lieu à un contentieux mais induit une participation du Conseil à l’élaboration de la loi car en
effet, il ne contrôle en aucune manière la régularité juridique d’une norme, mais il exprime la
validité ou l’invalidité d’une norme.
S’agissant, de l’opération de contrôle, « les deux organes de contrôle sont à la fois stricts
gardiens du droit et respectueux des zones où la formulation de la règle de droit se situe à un
niveau supérieur à celui du contrôle »
2.Le juge constitutionnel n’agit qu’en droit car en effet, il apprécie la validité des normes de
degré inférieur au regard de normes supérieures.
Reste à noter, cependant, que bien que les techniques de contrôle exercées par le Conseil
constitutionnel soient quasiment les même que celles du Conseil d’état, les normes soumises
au contrôle de constitutionnalité et les normes de références utilisées lors de ce contrôle sont
moindre que celles dont il s’agit lors du contrôle de l’excès de pouvoir administratif.
Effectivement, le Conseil constitutionnel ne dispose de sa compétence que sur la base de
textes dont peu de lacunes sont à dénombrer. De plus, les normes de référence permettant de
connaître de la validité ou de l’invalidité des normes contrôlées sont le bloc de
constitutionnalité lequel, contrairement au « bloc de légalité », ne relève que du droit écrit, qui
bien sûr est interprété.
Un autre point de similitude mais également d’opposition, est que le juge administratif exerce
sa compétence avec une autorité supra-décrétale et infra-législative, tout comme le juge
constitutionnel qui agit à un niveau supra-législatif et infra-constitutionnel, mais sans jamais
ne créer de droit contrairement au Conseil d’état qui selon la formule « découvre les principes
généraux du droit », découverte qui parfois semble d’avantage être une invention. Certes, il
faudrait ne pas omettre les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République,
mais ces derniers sont dans la jurisprudence constitutionnelle en nombre très faible
contrairement aux principes généraux du droit.
Enfin, les cas d’ouvertures du contrôle sur lesquels s’appuie le Conseil d’état n’existent pas,
ou que très rarement et de manière implicite, s’agissant du contrôle de constitutionnalité. En
outre, la manière dont sont opérés les contrôles est similaire, les deux faisant par exemple un
usage comparable du concept de l’erreur manifeste ou du principe de proportionnalité, et ce
uniquement afin de savoir si il y a compatibilité ou incompatibilité entre l’acte contrôlé (la
norme inférieure) et la norme supérieure ou de référence. Cependant en la matière, le Conseil
constitutionnel se trouvant plus souvent face à des déclarations de principe et non face à des
normes de référence précises ; il dispose ainsi d’une possibilité d’interprétation plus extensive
ou restrictive de ces normes de référence.
Il est évident que l’expression d’erreur manifeste vienne de la jurisprudence administrative,
qu’elle permet tant au Conseil d’état qu’au Conseil constitutionnel de censurer un abus de la
part de l’auteur de l’acte de son pouvoir discrétionnaire ou de sa compétence liée. Cette erreur
manifeste est donc d’une gravité telle qu’elle ne peut être acceptable soit au regard de la
compétence attribuée au créateur de l’acte, soit au vu de la disproportion existante entre le
contenu et les motifs de ce même acte. C’est alors qu’apparaît le principe de proportionnalité,
principe qui pour le juge constitutionnel permet de limiter l’usage de la compétence liée ou du
pouvoir discrétionnaire, alors qu’à l’origine le juge administratif l’utilise comme technique,
afin d’établir un équilibre entre la mesure prise par les pouvoirs publics et les dommages
1
Cahiers du Conseil constitutionnel n°1, 1er semestre 1996, Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoiradministratif
, Georges Vedel.2
Cahiers du Conseil constitutionnel n°1, 1er semestre 1996, Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoiradministratif
, Georges Vedel.6
subits par les particuliers, afin d’établir un équilibre entre l’application d’une mesure
contraignante nouvelle et des situations existantes et nées de l’usage d’une liberté. Notons
qu’il se peut qu’une grande marge de manoeuvre soit laissée au législateur, comme le
démontre la décision du 27 juin 2001 relative à
l’interruption volontaire de grossesse et à lacontraception
1.2) Le contrôle de proportionnalité
En premier lieu notons que le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil
constitutionnel est un contrôle restreint
2, mais tout contrôle restreint n’est pas un contrôle deproportionnalité en ce que le Conseil ne sanctionnera que l’erreur manifeste de qualification
s’il estime qu’existent des imprécisions dans l’énoncé des conditions, comme par exemple
l’illustre la décision du 29 décembre 2003 relative à la
loi de finances pour 2004. A l’issue deson analyse sur la sincérité de la loi de finances, le Conseil estime que le Gouvernement n’a
pas floué le Parlement en ce qu’il lui a donné toutes les informations nécessaires à son études
et ce relativement aux circonstances de temps
3.Egalement, le Conseil n’opère pas un contrôle de proportionnalité lorsqu’il contrôle la notion
d’intérêt général, ou plus précisément son utilisation.
« L’erreur manifeste d’appréciation des faits est un contrôle restreint de la qualification
juridique des faits alors que le contrôle de proportionnalité est un contrôle de l’adaptation des
moyens aux fins »
4.Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel est celui « de l’aptitude de la loi à atteindre
l’objectif que le législateur s’est donné »
5. Ainsi, le législateur, dés lors qu’il ne porte pasatteinte à un principe de valeur constitutionnelle peut agir à sa guise, poursuivre n’importe
quel objectif. C’est d’ailleurs en ce sens que doit précisément être regardée la décision relative
à
la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité6, en ceque le Conseil, dans un premier temps estime que « la procédure prévue par l’article 175-2 du
code civil ne peut être regardé comme portant une atteinte excessive au principe
constitutionnel de la liberté du mariage »
7, pour ensuite décider « que le respect de la libertédu mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la
Déclaration de 1789, s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse
obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé »
8. En d’autres termes, le Conseil ens’appuyant sur un tel contrôle importé de la jurisprudence administrative mais également,
notons le, de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, devrait
contrôler le fait que la norme soit appropriée à la réalisation du but recherché par son auteur,
le fait que les moyens utilisés par l’auteur soient les moins préjudiciables pour les
destinataires de cette même norme, le fait qu’il ne doive en aucun cas exister de disproportion
avec le but recherché.
S’agissant de la deuxième condition, le Conseil ne la revendique pas en ce sens qu’il estime
que l’action du législateur doit, pour être conforme, s’inscrire dans le cadre d’une réforme qui
n’est contraire à aucun principe de valeur constitutionnelle. Il ne contrôle pas l’opportunité de
1
CC, décision n°2001-446, considérant 5.2
CC, décision n°96-375 du 9 avril 1996, considérant 11, par exemple.3
CC, décision n°2003-489, considérant 4.4
Revue française de Droit constitutionnel, n°45, 2001, p. 79, Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel :défense et illustration d’une théorie générale
, Valérie Goesel-Le Bihan.5
Revue française de Droit constitutionnel, n°30, 1997, p. 230, Réflexion iconoclaste sur le contrôle deproportionnalité
, Valérie Goesel-Le Bihan.6
CC, décision n°2003-484 du 20 novembre 2003.7
Considérant 93.8
Considérant 94.7
la norme. Il ne recherche donc pas de mesure alternative car comme il l’a mainte fois évoqué
il « ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que
celui du Parlement ; qu’il ne lui appartient donc pas de rechercher si l’objectif que s’est
assigné le législateur pouvait être atteint par d’autres voies dés lors que les modalités retenues
par la loi déférée ne sont pas manifestement inappropriées à la finalité poursuivie ». Une
décision du Conseil constitutionnel démontre parfaitement cette pratique. En effet, dans sa
décision sur la
loi pour la sécurité intérieure, le Conseil après avoir rappelé les raisons pourlesquelles des examens médicaux assortis de prélèvements sanguins pouvaient être réalisés
sur une personne suspectée de viol, d’agression ou d’atteinte sexuelle conclue qu’aucune
erreur manifeste n’est à relever au regard de l’objectif poursuivi par le législateur
1.La troisième condition existe mais n’est pas réalisée en tant que telle car en quelque sorte
exercée de manière conjointe avec la deuxième condition, celle relative à la nécessité. Voyons
en ce sens la décision du 11 décembre 2003 dans la quelle le juge précise qu’étant donné la
présence de garanties propres à l’objectif poursuivi, il n’y a pas, en l’espèce, disproportion
2.Toutefois, le contrôle de proportionnalité, malgré ces déviances, est bien ancré dans le
paysage constitutionnel. Cette adaptation de la norme aux objectifs poursuivis semble même
être une condition nécessaire à la constitutionnalité d’une loi. Prenons pour exemple la
décision du 8 décembre 2005 relative au
traitement de la récidive des infractions pénales danslaquelle le Conseil estime que le placement sous surveillance électronique est en rapport avec
l’objectif poursuivi par le législateur
3. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel est amené àexercer un tel contrôle lorsque des dispositions constitutionnelles particulières s’imposent au
législateur pour qu’une loi soit adoptée conformément à la Constitution. C’est également le
cas lorsque des mesures constitutionnelles imposent des justifications au législateur s’il
souhaite adopter une loi qui fait naître des régimes juridiques différents. En d’autres termes
un nouveau régime juridique n’est applicable qu’à une situation juridique différente.
Une dérogation existe. Lorsque le législateur, bien qu’il porte atteinte à un droit de valeur
constitutionnelle, ne tente pas pour autant d’adopter une loi contraire à la Constitution dans la
mesure où il se justifie de la poursuite d’un intérêt général. Cet intérêt général doit être
suffisant ce qui illustre la nécessité d’un équilibre institué entre les exigences relatives à
l’intérêt général et celles relatives à la garantie des droits
4. Rappelons que depuis une décisiondu 18 décembre 1998 l’intérêt financier ne fait plus parti de l’intérêt général
5.Bien qu’il s’appuie sur une technique dont les preuves ne sont plus à démontrer, mais en se
l’appropriant, c'est-à-dire en l’adaptant pleinement à sa matière, le Conseil constitutionnel ne
tente il pas par là de bien marquer la distinction existante entre législatif et exécutif ?
De nombreuses décisions du Conseil illustrent la sanction de l’erreur manifeste du législateur,
ou du moins le raisonnement effectué par le Conseil lorsque les requérants invoquent une telle
erreur. En revanche, très peu souvent l’expression erreur manifeste est employée, que ce soit
par les requérants ou par le juge. En effet, sur la trentaine de décisions étudiées afin de réaliser
cette modeste et sommaire étude, seules neuf décisions du Conseil contiennent l’expression
« erreur manifeste ». Qu’en penser ? Qu’il s’agit effectivement d’une récupération mais
1
CC, décision n°2003-467 du 13 mars 2003, considérants 49 et 50.2
CC, décision n°2003-486, considérant 23, v. aussi la décision n°2003-489 du 29 décembre 2003, considérant33.
3
CC, décision n°2005-527, considérant 18, v. aussi la décision n°2006-539 du 20 juillet 2006, considérants 13 et14 dans lesquels le Conseil qu’il n’y a pas d’erreur manifeste parce qu’il y a conciliation entre la sauvegarde de
l’ordre public et le droit de mener une vie familiale normale, v. aussi la décision n°2005-530 du 29 décembre
2005, considérant 67, dans lequel le Conseil opère un contrôle de l’adéquation.
4
CC, décision n°2005-522 du 22 juillet 2005, considérant 12, par exemple.5
CC, décision n°98-404, considérant 7.8
surtout d’une appropriation de la technique et donc d’une mise en lumière des compétences de
chacun ? ou Que le Conseil, bien que s’étant octroyé une autonomie peut être plus grande,
sinon au moins égale, que celle du Conseil d’état, n’ose pas encore être le juge plein et entier
du législateur, comme le Conseil d’état est celui de l’Administration ?
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