Les services sociaux font toujours transpirer les élus
Social
Les services sociaux font toujours transpirer les élus
Un rapport sénatorial relance le débat sur les services publics, dont le financement est prisonnier des règles sibyllines de l’UE et de la France.
Tant que la situation ne sera pas clarifiée, les rapports sur les services sociaux et l’UE s’empileront. Après le Parlement européen, c’est au tour du Sénat de rendre ses conclusions, mises en ligne le 1er août. Le diagnostic est connu : confusion sur les procédures à suivre pour attribuer des aides publiques, collectivités locales perdues dans le millefeuille juridique du paquet Monti-Kroes et de la directive services, télescopage du droit de la concurrence et des services sociaux…
Certaines des propositions formulées par les auteurs du rapport ne sont pas neuves. En-deçà de 200 000 euros sur trois ans, il est facile d’attribuer une aide publique à toute association ou organisme en contrepartie d’un service social. Au-delà, un autre régime s’applique, bien plus contraignant. Le rapport de la Chambre haute préconise donc un relèvement du seuil. Lors du troisième forum sur les services sociaux d’intérêt général, le Commissaire européen Michel Barnier avait proposé de le porter à 600 000 euros sur trois ans. La révision du paquet Monti Kroes, attendue en septembre, dévoilera le chiffre retenu.
Erreur politique
Mais la méthode fait débat. « Ce que je reproche au commissaire Almunia, c’est de vouloir faire modifier le texte par la Commission seule, sans passer par la codécision, qui permettrait d’associer le Conseil au Parlement. Juridiquement, c’est possible, mais politiquement, c’est une erreur », commente Pierre Bauby, conseiller au Centre européen des entreprises à participation publique.
En attendant la révision des seuils, les collectivités locales continueront de mal interpréter le droit communautaire. Celles-ci se croient souvent obligées de passer par un appel d’offre pour respecter les obligations de transparence prévues par les règles européennes. Or, lorsqu’un prestataire à vocation sociale (aide aux devoirs, portage de repas auprès de personnes âgées, réinsertion professionnelle…) propose ses services à une commune, celle-ci n’est pas obligée de mettre en concurrence les structures locales avant d’attribuer l’aide financière.
Elle peut recourir à une forme de « mandatement » qui permet d’octroyer directement une subvention à un porteur de projet, à condition de décliner précisément par écrit les missions qui vont être accomplies par le prestataire et le mode de calcul de l’aide prévue. Un critère très strict, car tout surplus de subvention est jugé illégal par la Commission européenne.
Puzzle
Dans les faits, l’acte de mandat impose un cadre figé à des services sociaux qui, par essence, se doivent d’être flexibles pour s’adapter aux populations concernées. « Prenez le cas d’une infirmière qui dispense des soins aux personnes âgées, vous ne pouvez pas déterminer si le service pour chaque personne va durer une heure ou dix minutes. Proposer un service social, ce n’est pas vendre du gaz ou de l’électricité », illustre Pierre Bauby.
La plupart du temps, les collectivités locales redoutent de ne pas rédiger l’acte de mandat correctement et évitent donc d’y recourir. En janvier 2010, l’État a donc mis au point un « contrat d’objectifs », dont le modèle-type a été adossé à une circulaire.
Mais les auteurs du rapport du Sénat constatent que les collectivités territoriales « ne se le sont pas approprié et continuent de recourir abusivement à la commande publique pour financer les activités des associations. » Pour enrayer ce travers, les élus proposent de développer la formation des « fonctionnaires territoriaux au droit européen et à la réglementation des subventions. »
Le manque de lisibilité du régime applicable aux services publics est double. Au niveau national, la transposition de la directive services a été intégrée morceau par morceau dans différents textes, si bien que le puzzle est aujourd’hui difficile à reconstituer. Alors que l’UE ne le demandait pas, la France a décidé d’ouvrir les crèches ou l’aide à domicile à la concurrence européenne déclinée dans la directive services. Elle ne l’a en revanche pas fait pour les laboratoires d’analyses médicales.
La poule et l’oeuf
Au plan européen, la situation n’est guère plus simple : le brouillard entourant les « services d’intérêt économique général » et les difficultés que pose le mandatement (dont la définition diffère en fonction des textes) ont poussé les sénateurs à réclamer une directive-cadre pour enfin mettre un terme à ce cauchemar juridique.
L’idée n’est pas nouvelle, mais elle ne parvient pas à se frayer un chemin, ni au Parlement, ni à la Commission. Il serait de toute façon naïf de croire que le problème des SSIG se résoudra d’un coup de baguette magique. Les services sociaux recouvrent un champ si vaste qu’il est « impossible d’y appliquer les même règles, sauf à produire un texte qui se contente de généralités, estime Pierre Bauby, tout en reconnaissant le besoin évident de clarifier les règles ».
Dans le cas contraire, les élus peuvent s’attendre à vivre des expériences traumatisantes. En juin dernier, le Limousin a été condamné par la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui lui reprochait d’avoir attribué des aides illégalement à des organismes publics de formation (Greta, Afpa etc). Ces derniers avaient pourtant formulé une demande de subvention auprès de la région, mais le tribunal a estimé que le Limousin était l’instigateur du projet et aurait donc dû recourir à un appel d’offre. Une histoire de poule et d’œuf, où les élus locaux n’auraient pas été inquiétés s’ils avaient opté pour la mise en concurrence…
CALENDRIER :
Septembre : révision du paquet Monti-Kroes
Fin 2011 : communication sur les entreprises sociales
Fin 2012 : adoption par le Parlement et le Conseil des mesures liées au single
A découvrir aussi
- Affaire DSK : des traces ADN sur le chemisier de
- Décision n° 2010-110 QPC
- Bébé retrouvé mort à Kleinblittersdorf : la mère toujours pas identifiée