La police a découvert des enfants attachés et visiblement sous-alimentés dans une maison de Perris, en Californie (Etats-Unis), dimanche. Ils étaient scolarisés à domicile. Leurs parents n’ont pas fourni d’explication à ces mauvais traitements.
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Elle a été surnommée « la maison de l’horreur ». Douze frères et sœurs, âgés de 2 à 29 ans, ont été découverts attachés, affamés et sales, dans leur résidence de Perris, à deux heures au sud-est de Los Angeles (Californie, Etats-Unis). Certains portaient même des chaînes. Leurs parents, David et Louise Turpin, ont été placés en détention pour neuf chefs d’inculpation, dont torture et mise en danger de la vie d’autrui. L’alerte a été donnée, dimanche 14 janvier, par une treizième victime, leur sœur de 17 ans.
Celle-ci est parvenue à s’échapper par une fenêtre, peu avant le lever du jour, et compose le 911, le numéro d’urgence américain, depuis un appareil portable désactivé trouvé dans la maison.« Mes frères et sœurs sont prisonniers à l’intérieur », confie-t-elle aux policiers. Elle ajoute que certains sont attachés « avec des chaînes et des cadenas ».
Une apparence juvénile et une petite taille
Elle rencontre les policiers et leur présente des photos pour prouver ses affirmations. Les agents se rendent au domicile de David Turpin et de son épouse Louise, laquelle semble surprise de voir débarquer les autorités. La maison est sale et dégage une forte odeur nauséabonde, explique le shérif du comté de Riverside, Greg Fellows, dans cette vidéo diffusée par le Washington Post (en anglais). Les enfants se disent « affamés ». La police leur donne à manger et à boire.
Être enchaîné à un lit et mal nourri, avec des blessures… J’appelle ça de la torture.
Greg Fellows, shérif du comté de Riverside
Six des treize victimes – y compris celle qui a donné l’alerte – étaient des mineurs âgés de 2 à 17 ans. Ils ont été conduits à l’hôpital universitaire de Riverside, précise le Washington Post (en anglais). Les sept adultes – cinq femmes et deux hommes âgés de 18 à 29 ans – ont été admis au centre médical régional de Corona.
Quand on les voit pour la première fois, il est difficile de penser qu’ils sont adultes, car ils sont petits à cause de leur malnutrition.
Mark Uffer, directeur du centre médical régional de Corona
Ils séjournent désormais ensemble dans une zone sécurisée, sous l’attention de l’équipe médicale. « Je crois qu’ils espèrent que leur vie va vite s’améliorer. » « Ils sont tous dans un état stable et se portent tous très bien, compte tenu de l’ampleur des faits qui ont été décrits », a commenté Mark Uffer, le directeur du centre médical de Corona, sur CBS(en anglais).
Le couple n’avait pas d’antécédent judiciaire
David et Louise Turpin, eux, ont été incapables de fournir une explication aux mauvais traitements infligés à leurs enfants. Le couple n’avait pas d’antécédent judiciaire et les services de protection de l’enfance n’avaient jamais entendu parler de la famille. Dans le voisinage, les voisins étaient surtout frappés par la pâleur des enfants. « Je pensais que les enfants étaient scolarisés à la maison », a notamment déclaré Kimberley Milligan, citée par le Los Angeles Times. « Vous savez que quelque chose ne va pas, mais on ne veut pas penser du mal des gens. »
« Ils étaient pâles comme des vampires et n’avaient que la peau sur les os », dit-elle à l’AFP. « C’est comme s’ils n’avaient jamais vu le soleil », décrit un voisin interrogé par ABC (en anglais). Les enfants n’apparaissaient presque jamais dans le quartier, mais les habitants ont le souvenir de garçons et de filles très maigres. Julie Olha, une voisine du couple, explique qu’une année, les décorations de Noël de la famille sont restées installées longtemps après le mois de décembre. A tel point qu’elle est partie frapper à leur porte. « Vous avez besoin d’aide ? La fête de Pâques est maintenant passée. »
On en sait peu sur le couple, qui a également vécu au Texas et s’est déclaré en faillite à deux reprises. On ignore s’ils avaient un emploi ces dernières années. Sur une page Facebook au nom de David-Louise Turpin, depuis effacée, le couple apparaît lors d’une cérémonie, sans doute un mariage. Louise Turpin est en robe longue blanche, son époux en costume et ils sont entourés de treize enfants et jeunes adultes. Les filles, aux cheveux longs et châtains, portent toutes la même robe mauve à imprimé quadrillé, sauf le bébé en robe fushia. Les garçons arborent la même coupe au bol que David Turpin. Le couple avait renouvelé ses vœux de mariage à la chapelle d’Elvis de Las Vegas (Nevada), selon CBS (en anglais). Ils y sont retournés en 2013 et 2015 avec les enfants.
« Nous sommes surpris et choqués », ont réagi James et Betty Turpin, les parents de David. Interrogés par ABC (en anglais), ils expliquent que les treize enfants ont reçu une « scolarité à domicile très stricte » et devaient mémoriser de longs passages de la Bible. A les croire, certains ont même tenté de l’apprendre en entier. Lors d’une visite en Californie, les grands-parents ont trouvé que les petits-enfants étaient minces, mais qu’ils semblaient vivre « dans une famille heureuse ».
Une scolarité à domicile sans aucun contrôle
Beaucoup de familles californiennes ont ainsi fait le choix de scolariser leurs enfants à domicile. La maison était enregistrée auprès de l’Etat en tant qu’école privée, non religieuse et mixte, sous le nom Sandcastle Day School. Elle était apparue pour la première fois au registre de l’Etat en 2010. Six élèves étaient inscrits. David Turpin est mentionné comme étant le principal de l’établissement, mais les informations fournies sont peu nombreuses.
Le contrôle de ces structures est limité. Les autorités n’avaient pas la possibilité de frapper à la porte du couple ou de contrôler le programme des cours et d’évaluer les aptitudes des élèves. « Nous ne savions vraiment rien à leur sujet », a résumé Grant Bennett, surintendant du district scolaire de Perris.
La Californie est l’un des quinze Etats américains qui demandent un simple enregistrement pour scolariser les enfants à domicile, selon le groupe Coalition for Responsible Home Education, qui milite pour une surveillance accrue des enfants scolarisés dans ce cadre. « Nous savons que de nombreux parents qui scolarisent à domicile offrent à leurs élèves un environnement familial sécurisant, explique Rachel Coleman (en anglais), directrice générale du groupe. Mais la loi actuelle ne prévoit rien pour empêcher des familles comme les Turpin d’utiliser l’enseignement pour isoler et emprisonner leurs enfants. »