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Sukyo Mahikari : une éducatrice ardennaise en prison

 

 

 

 

Sukyo Mahikari : une éducatrice ardennaise en prison

L'Union, 10 avril 2004 par Christophe Perrin

L'Aide sociale à l'enfance, émanation du conseil général des Ardennes, abrite des membres de la secte Mahikari. La justice a mis en examen trois personnes. Depuis jeudi, une éducatrice spécialisée est en prison.

 Le service de l'Aide sociale à l'enfance des Ardennes, en charge de l'enfance en difficulté, est dans la tourmente depuis l'incarcération d'Isabelle Rota-Rossbach, une éducatrice spécialisée, en poste à Charleville-Mézières depuis les années 80.

La fonctionnaire du conseil général, responsable du suivi des enfants placés par la justice en foyers ou en familles d'accueil, a été interpellée mardi par des policiers du SRPJ de Reims, puis placée 48 heures en garde à vue.

A l'issue de son interrogatoire, cette mère de famille, membre de la secte d'origine japonaise Mahikari (lire ci-dessous), a été mise en examen pour abus de faiblesse sur mineurs, privation de soins, violences morales et non présentation d'enfants. Malgré le soutien de sa hiérarchie, elle a ensuite été incarcérée à la maison d'arrêt de Châlons-en-Champagne. Si les faits sont avérés, elle encourt cinq ans de prison et 750.000 euros d'amende.

Deux autres éducateurs, un homme et une femme, ont été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire avec l'interdiction d'exercer leur profession.

Francis Rota-Rossbach, enseignant, mari de l'éducatrice écrouée, s'est refusé hier à tout commentaire, mais a promis de contre-attaquer par l'intermédiaire de ses avocats. Dans le même temps, une source proche de l'enquête annonçait d'autres mises en examen imminentes.

Alertés dès 1996

Yves Pardonnet, directeur général des services départementaux et Didier Hamel, directeur des interventions sociales ardennaises, se sont réunis hier une bonne partie de la journée. L'affaire fait grand bruit, d'autant que Danièle Villière, secrétaire de l'Union santé CGT, les avait alertés oralement dès février 1996, puis avait adressé un courrier à Roger Aubry, alors président du conseil général, le 16 décembre de la même année. « Il est destructeur que des personnels éducatifs inféodés à une secte soient en contact avec des enfants qui vous sont confiés par le juge, alors que ceux-ci sont déjà en situation de danger chez eux et qu'ils se révèlent fragiles, vulnérables, en grande souffrance », écrivait Danièle Villière.

« Même si les faits évoqués nous préoccupent, il faut néanmoins apporter des preuves que les convictions personnelles affectent l'activité professionnelle. Faute d'éléments tangibles, je ne peux que vous inciter à la plus grande prudence », avait répondu Roger Aubry.

Joint hier soir, le même Roger Aubry expliquait qu'il avait appris cette semaine l'existence de Mahikari. Pour tout renseignement complémentaire, il renvoyait à Benoît Huré, son successeur depuis le 1er avril à la présidence du conseil général.

Malgré la dénonciation de la présence de membres de la secte Mahikari dans la hiérarchie des services sociaux, malgré la plainte avec constitution de partie civile de la mère d'un enfant placé, la situation a perduré.

« Pendant deux ans, j'ai l'exemple d'un enfant qui s'est retrouvé dans les griffes de certaines personnes et que sa mère ne pouvait récupérer », dénonce Danièle Villière.

 Jusqu'au jour où le changement de procureur de la République et de directeur des affaires sanitaires et sociales a accéléré l'enquête.

Enfance ardennaise en danger : 

un nouveau rapport dérangeant

L'Union, 17 avril 2004 par Christophe Perrin

 L'Aide sociale à l'enfance des Ardennes n'est pas seulement dans le collimateur de la justice qui soupçonne trois éducateurs de pratiques sectaires. Un rapport administratif de 82 pages dénonce des anomalies.

Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les anomalies de fonctionnement de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) des Ardennes est sur le bureau du ministre depuis fin mars. Marie Thérèse Roig, qui a succédé à Jean-François Mattéi à la tête du ministère de la Famille, est seule habilitée à rendre public un rapport pour l'instant confidentiel. L'Aide sociale à l'enfance, émanation du conseil général qui suit près de 600 enfants en danger, est en pleine tourmente depuis la mise en examen d'un éducateur et de deux éducatrices (nos éditions du 10 avril).

Une éducatrice, accusée d'abus de faiblesse sur mineurs, privation de soins, violences morales et non présentation d'enfants, est incarcérée depuis plus d'une semaine. Elle appartient à la secte d'origine japonaise Mahikiri.

Alerté par la DDASS, le préfet a demandé une inspection à l'Igas.

Arrivés en octobre à Charleville-Mézières, quatre inspecteurs ont traqué pendant quatre mois les dysfonctionnements des services et l'influence présumée d'une secte. " Sur le sujet sensible de l'existence de comportements sectaires, la mission n'a pas mis au jour de comportements anormaux, mais relève que les modalités de fonctionnement du service de l'ASE couvrent mal ce risque ", concluent les inspecteurs.

Le témoignage de plus de cinquante familles

Y a-t-il un lien entre cette enquête administrative et les investigations de la police judiciaire de Reims ? Officiellement non. Et pourtant les enquêtes apparaissent complémentaires.

 Une éducatrice est accusée d'avoir soustrait volontairement des enfants à leurs parents légitimes. C'est l'une des pierres angulaires de l'enquête du SRPJ. Dans le même temps, l'Igas révèle des actes de maltraitance, des négligences dans la gestion des indemnisations des enfants victimes, une opacité du suivi des mineurs. au point que le rapport a été transmis à la justice.

 L'Igas aurait découvert, entre autres anomalies, que les réunions d'évaluations obligatoires où sont rassemblés l'éducateur, la famille d'accueil, l'assistante sociale, le psychologue., bref, toute l'équipe pluridisciplinaire, autour de l'enfant en danger, n'étaient jamais organisées dans certaines circonscriptions. Ce que conteste la Direction des interventions sociales ardennaises (Disa).

" Des intervenants n'avaient plus accès aux dossiers des enfants. Une situation que nous avons dénoncée dès 96, mais personne ne nous avait pris au sérieux ", rappelle Danielle Villière, ex-secrétaire de la CGT Santé.

 " Le cloisonnement des services était tel qu'il permettait à ces éducateurs d'isoler les enfants et de travailler en vase clos ", dénonce un ancien salarié de la Disa. Le rapport met en exergue le peu de suivi des éducateurs, des comptes-rendus d'évaluation succincts et des dissensions internes dans le domaine de la pédopsychiatrie.

 Alors que le principe est, dans la mesure du possible, de ne jamais rompre les liens du sang, certains agents semblaient avoir des pratiques professionnelles inverses. Plus de cinquante familles auraient témoigné en ce sens.

 Quant aux deux juges des enfants, autorité sous laquelle œuvraient les travailleurs sociaux, ils ont en charge près de 300 dossiers chacun. Difficile, dans ces conditions, de découvrir d'éventuels dérapages dans l'encadrement des enfants.  

Des offrandes en billets neufs

Clicanoo , 5 juillet 2004 par Sébastien Laporte

Des documents troublants que le Journal de l’île s’est procuré montre que les enseignements dispensés au sein de l’antenne réunionnaise, au moins jusqu’en 1999, tendaient à dénigrer la médecine et à inciter des offrandes en “billets neufs”. De nouveaux témoignages viennent éclairer le fonctionnement de cette étrange organisation d’origine japonaise, à laquelle quelques notables de l’île adhéreraient. Plus de 300 personnes fréquenteraient les 80 adeptes réguliers.

L’association Sukyo Mahikari France représentée à la Réunion par son antenne dionysienne dans la ruelle Camp-Jacquot (au bas de la rue Maréchal-Leclerc) bénéficierait d’une “sphère” d’adeptes plus importante qu’elle ne veut bien le reconnaître. Suite à notre édition de lundi dernier, qui révélait l’existence de cette structure dans l’île, les langues se sont en effet déliées…

Reconnue comme “dangereuse” par le rapport parlementaire de 1996, puis analysée dans le rapport de 1999 sur les Sectes et l’argent (par une commission d’enquête de l’Assemblée nationale), où l’organisation d’origine Japonaise est classée parmi les huit sectes les plus riches de France, elle compterait plus de 300 “sympathisants” dans l’île. Au coeur de la structure, nous trouvons 80 adeptes réguliers et dévoués. Un cadre retraité d’une mutuelle est à la tête du local dionysien depuis quelques années.
Selon la déléguée régionale du Centre de documentation, d’éducation et d’action contre les manipulations mentales (CCMM), Dominique Pothin, aucune plainte liée à cette secte n’a fait l’objet d’une procédure judiciaire dans l’île.

“L’asservir psychologiquement en lui soutirant de l’argent”

. Cette association tente d’accompagner les victimes des mouvements sectaires ou leurs proches dans leurs démarches. Toutefois, une plainte a bien été déposée en 1998 au tribunal de Saint-Pierre, par un homme dont la femme avait été victime de Sukyo Mahikari. Il s’agissait d’une plainte contre X pour abus de vulnérabilité qui est resté lettre morte. L’individu, dont l’anonymat est conservé, expliquait : “Ma vie est difficile à vivre, ce groupe a profité de l’ignorance de ma femme pour la persuader qu’elle est capable de guérir par imposition des mains. Les personnes que j’ai eues à rencontrer m’ont dit qu’elle était libre de croire en ce qu’elle voulait. Je ne remets pas en question ses croyances, mais je suis très inquiet quant à sa capacité de discernement et son libre arbitre”. Il terminait en écrivant : “Le mouvement sectaire profite de sa faiblesse et de son ignorance pour l’asservir psychologiquement en lui soutirant de l’argent”.

Ce témoignage est d’autant plus exceptionnel que son auteur a lui-même fait partie de la secte, entraîné par sa femme, avant de s’en éloigner en prenant conscience du danger qu’il courait.

Les faits particulièrement graves qu’il rapporte sont confirmés par une série de documents que le Journal de l’île s’est procuré. Il s’agit de recueils de préceptes et de lois que les (futurs) adeptes doivent lire à leur entrée à Sukyo Mahikari, ainsi que de “témoignages”, ou du moins de textes présentés comme tels par les cadres de la structure, en vue de convaincre leurs nouvelles recrues et les orienter. Ces documents ont été délivrés dans les locaux de l’antenne réunionnaise au moins jusqu’en 1999. “Recherche de thèmes dans les enseignements de Sukuinushisama et de Oshienushisama” -comprenez de Okada, l’officier japonais qui a fondé la secte, et sa fille qui dirige aujourd’hui la branche du mouvement implanté en France- est un livret particulièrement étonnant à ce titre. On peut y lire l’exemple, à suivre bien sûr, d’une écolière qui conserve toute ses économies et fait ensuite “une offrande pour le Grand Temple Mondial”, aujourd’hui construit au Japon.

“Des billets propres, cela plaira à Dieu”

Ces dons pécuniers sont régulièrement recommandés au fil des pages. Le monde dans lequel évoluent les enfants, notamment le milieu scolaire, est présenté comme “pollué”. En revanche, celui qui fait connaître le mouvement Mahikari connaît le bonheur… La mission de chacun doit être “la nouvelle civilisation mondiale”, à laquelle il est aussi souvent fait allusion. “La solution de la crise alimentaire, la réalisation de la révolution médicale…” sont présentées comme étant préparées dans un proche avenir dans une “Ferme de la lumière rayonnante” au Japon. “Pour sauver les autres, l’argent est également indispensable. Pour construire une nouvelle civilisation, il est nécessaire de disposer de fonds importants”, peut-on lire. Les dirigeants de Sukyo Mahikari ont soif d’argent. D’ailleurs dans une autre reliure intitulée “Documents pour le cours d’initiation élémentaire de Mahikari”, au chapitre “comment faire une offrande”, il est clairement expliqué que le Dieu Su a un faible pour la monnaie sonnante et trébuchante : “il est recommandé de préparer, la veille, son enveloppe d’offrande”, puis “nous essaierons de conserver des billets propres” car “cela plaira à Dieu”. La divinité semble par conséquent préférer les billets neufs !

Selon une source proche du dossier, les sommes d’argent ainsi récoltées ne seraient pas aussi importantes que dans les antennes régionales de métropole ou des autres Dom. Il faut dire qu’après quinze ans d’implantation, Sukyo Mahikari n’a pas un nombre d’adeptes très importants comparé par exemple à La Martinique. En plus de ces offrandes, l’organisation bénéficie des sommes provenant des stages de deux ou trois jours qu’elle réalise une fois par an et qui seraient facturés environ 120 euros par individu. Le rapport parlementaire de 1999 (lire ci-dessous) a montré que la secte, en France, a mis au point un système de financements massifs très complexe.

Dénigrement de la médecine

Toutefois, il y a pire. Car outre ces incitations aux “offrandes” pécuniaires, Sukyo Mahikari conseille à ses adeptes de se détourner de la médecine, parfois même en cas de maladie grave. Dans le premier document que nous avons cité plus haut, un “témoignage” est sans ambiguïté : “Ma fille a passé toute sa jeunesse avec un problème rénal qui exigeait un traitement par dialyse et elle a été sauvée du jour où elle a reçu un exemplaire du prospectus de Mahikari intitulé’La vie de Yoko’”. Comme pour cautionner ses propos il est précisé que le récit est écrit par une “experte dans le domaine scientifique”. Celle-ci, convaincue de ce qu’elle avance, finit par expliquer qu’elle répand désormais “Mahikari parmi mes étudiants”. Une mère raconte plus loin, à propos de son fils : “Un jour où il avait un problème grave au poumon, comme je m’inquiétais je l’ai forcé à prendre des médicaments, ce qu’il refusait absolument en disant qu’il ne voulait pas mourir. Il a vomi instantanément et le cachet a roulé juste à mes pieds. J’ai demandé pardon à Dieu, à mon fils. Je ne me suis plus inquiété et son état s’est tout de suite amélioré. Vraiment, j’ai reçu beaucoup d’aide de Dieu à travers le Groupe des parents”. Les adeptes semblent, au bout d’un certain temps, convaincus des pouvoirs des gestes qui leur sont enseignés. Le fondement de l’enseignement repose effectivement sur le pouvoir purificateur de ce qu’ils nomment la “lumière” qu’ils pensent pouvoir diffuser avec leurs mains. Dans le même temps, les soins médicaux sont dénigrés. Les paroles du fondateur vont plus loin lorsqu’il parle de ceux qui “s’octroient effrontément le titre de docteur, alors qu’ils n’ont que des connaissances partielles, et l’esprit étroit. Ce sont les servants des diablesses”, qui “incitent les hommes à absorber des poisons par toutes les voies, ils s’adonnent à l’empoisonnement de l’humanité”.

Un huissier aux commandes de la secte à Saint-Denis

Cet ensemble de préceptes, ajouté à la terreur entretenue des mauvais esprits, conditionne les nouveaux adeptes. Dans son rapport destiné au Premier ministre réalisé en 2003, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) insistait sur le danger de ces refus de soins. “Les professions de santé sont réglementées pour protéger les malades contre la charlatanerie. Des tromperies à l’égard des malades, des diagnostics ésotériques ou aberrants, des procédés illusoires, des produits ou remèdes prétendument magiques ou secrets, sont cependant signalés, souvent liés à des agissements sectaires”, concluaient les auteurs, qui n’ont pu que conseiller un rappel de la législation.

La même Miviludes, dans une autre proposition (“sensibiliser les professions juridiques à la problématique sectaire”) soulignait que “les professionnels du droit (notaires, huissiers…) sont amenés à connaître des situations personnelles de leurs clients. Dans cette sphère privée, il est fondamental qu’ils puissent repérer l’existence d’une emprise sectaire afin de prévenir des opérations patrimoniales ou extra-patrimoniales préjudiciables (abus frauduleux, captation d’héritage…)”. Or, comble de l’ironie, l’un des précédents responsables de l’antenne réunionnaise de Sukyo Mahikari était… un huissier de justice. Son étude, spécialisée dans les ventes aux enchères, a toujours pignon sur rue à Saint-Denis. Pour la défense des parlementaires, on pourra préciser que ce professionnel du droit, en l’occurrence Alain Merle, était aux commandes (locales) de l’organisation vers 1998, avant que le rapport ne soit écrit. A l’époque, Sukyo Mahikari était moins discrète et louait des locaux plus grands que ceux d’aujourd’hui, à Sainte-Clotilde. La structure se présentait déjà comme une association loi 1901, ce qu’elle est effectivement au niveau national, à en croire les registres officiels. Contacté hier, son étude a transmis les interrogations du Journal de l’île à l’homme de robe, qui était en métropole.

La face lucrative de Mahikari

Clicanoo , 9 juillet 2004

Selon le rapport parlementaire de 1999, la face lucrative de Mahikari est constituée par trois sociétés dans lesquelles la secte japonaise détient des participations : une société de droit étranger située au Luxembourg (LH Yoko Shuppan Europe SA), une agence de voyage (HIKARI France) et une Sarl spécialisée, d’après sa déclaration au registre du commerce, dans la formation et l’organisation de congrès (LH France).

Cette dernière est détenue par l’organisation japonaise de la secte et par la société implantée au Luxembourg où elle verse d’importants honoraires (1,2 million de francs en 1995). L’agence de voyage a été constituée pour les besoins de l’association Sukyo Mahikari, organe central de la branche française, dont elle constitue le prolongement, l’ensemble de ses clients étant formé d’adeptes pour lesquels elle organise des voyages au Luxembourg ou au Japon.

Le rapport place la secte parmi les huit plus riches de France. Son patrimoine était à l’époque estimé à 60 millions de francs et son budget annuel à 15 millions de francs. Sukyo Mahikari a reçu de ses membres 9,7 millions de francs en 1996. Cependant, Mahikari n’a pas accepté de communiquer le montant de ses actifs à la commission d’enquête, jugeant cette information “confidentielle”, “jugement qui semble signifier que sa fortune boursière est suffisamment importante pour mériter d’être gardée secrète”, précise le rapport. En tout état de cause, explique le même document, ces actifs doivent représenter plusieurs dizaines de millions de francs. Il a en effet été précisé dans les réponses au questionnaire de la Commission que cette association tire de ses placements financiers des revenus annuels variant entre 1,1 et 1,6 million de francs.

La fortune immobilière de Mahikari s’appuie sur la propriété de lieux de cultes répartis dans les départements où la secte bénéficie d’une audience.

Un haut responsable de l’association, résident luxembourgeois, a précisé devant la Commission que des offrandes versées en espèces étaient transférées au Luxembourg jusqu’en 1995, date à laquelle il a demandé que ces pratiques cessent.

Secte étrange à Saint Denis

Clicanoo , 5 juillet 2004 par Sébastien Laporte

Classée parmi les "sectes dangereuses" par le rapport parlementaire de 1996, elle compterait environ 80 adeptes, dont des notables de l'île.
Elle est localement dirigée par un ancien cadre d'une mutuelle.

Sukyo Mahikari France : l'inscription sur la boîte aux lettres de cette petite maison dionysienne de la ruelle Camp-Jacquot, dans le bas de la
rue du Maréchal-Leclerc, ne laisse aucun doute. Il s'agit bien d'une antenne régionale du mouvement classé parmi les "sectes dangereuses" par
le fameux rapport parlementaire Vivien de 1996 qui avait répertorié les mouvements de ce type.

Fondée en 1959 par un ancien officier japonais, Yoshikazu Okada, la secte a connu une crise interne à sa mort, en 1974. Après une guerre de
succession entre l'héritier désigné et la fille adoptive du fondateur, Keiju, deux factions se forment et se côtoient jusqu'à présent : Sukyo
Mahikari, le réseau de Keiju, le seul représenté en France, et Mahikari Bunmei Kyodan. Aujourd'hui, Sukyo Mahikari (Lumière de vérité)
compterait près de 500 000 adeptes dans le monde, dont un petit millier en France. A la Réunion, ils seraient entre 70 et 80 à suivre les
préceptes d'Okada. Leur implantation remonte à une quinzaine d'années.

L'antenne régionale de la ruelle Camp-Jacquot est d'une discrétion absolue. La secte loue un appartement F3 doté d'un balcon abrité des
regards. Le local est sous surveillance policière depuis une dizaine d'années, comme l'exige la nouvelle législation. Aucune plainte n'a
toutefois été enregistrée.

Lorsque le visiteur passe le portail, il doit ensuite gravir un escalier qui donne sur un palier peint en bleu. Un coup de sonnette et la porte
s'entrebâille prudemment, laissant apparaître un visage suspicieux. Des paravents tapissés de calendriers dissimulent le fond de la pièce. "Vous
êtes bien les représentants de la secte Sukyo Mahikari ?"
A cette question, la réponse ne se fait pas attendre : "Nous sommes une
association."
En l'absence du "responsable", aucun renseignement n'estdonné à un inconnu.

Parcours initiatique vers le Japon

Ledit responsable, auparavant cadre dans une mutuelle, est aujourd'huiretraité. Il se défend d'être un gourou. La secte compterait parmi ses
adeptes quelques notables, recrutés principalement parmi les professions libérales. Elle fonctionne selon des principes relativement banals : les
adhérents suivent un parcours initiatique basé sur trois niveauxconcentriques, révélés un peu partout dans le monde au fil des années
par d'anciens pratiquants.

Le premier ferait appel à des considérations générales sur les originesde l'humanité, la médecine, les esprits et surtout une présentation
officielle du fondateur, Yoshikazu Okada, dont la mission était depurifier les individus et de transmettre ses pouvoirs divins aux autres.

Les nouveaux adeptes se voient remettre un pendentif qu'ils devront porter constamment et doivent tenter de se faire à leur tour recruteurs.

La peur des esprits est renforcée.

Le second niveau consiste en une implication plus marquée dans la vie du local (nommé dojo), dans les prières, et en une sorte de nipponisation.

La langue japonaise, les coutumes nippones prennent en effet de plus enplus de place dans la vie quotidienne.

Il est recommandé de faire des dons, l'argent servant la cause de Keisu.

Le troisième niveau est un stage de plusieurs mois au Japon, dans un centre qui forme des unités spécifiques, où la discipline est très
poussée. Chacun est libre d'en partir quand il le souhaite, mais on rappelle en même temps aux adeptes que la colère de Dieu peut frapper
n'importe où. L'empereur du Japon tient une place centrale dans cet étrange dispositif. Les dérives, dans un tel système, peuvent bien
entendu survenir à tout moment . Car les nouvelles recrues sont peu à peu placées en position de faiblesse psychologique. Il est alors possible d'exiger beaucoup d'eux, notamment des sommesd'argents ou un dévouement abusif pour la secte.

L'antenne réunionnaise est répertoriée en tant qu'association philosophique ou religieuse (loi 1901) . D'après le vice-président de l'Association de la défense des familles et de l'individu (ADFI) en Ile-de-France, qui a traité plusieurs cas liés à cette secte, "SukyoMahikari est bien implantée dans les Dom, mais surtout aux Antilles. Atel point que nous nous demandons aujourd'hui si elle influe surcertaines décisions de justice", explique-t-il, avant de préciser que pour l'instant aucun des dossiers suivis par l'ADFI dans ce cadre n'est lié à la Réunion.

Le local de la ruelle Camp-Jacquot a déjà envoyé au moins l'un de sesmembres au Japon, pour le troisième niveau. Le fait est confirmé par le
"responsable" de l'antenne locale lui-même. Selon l'Adfi, ceux qui sont envoyés au Japon sont destinés à devenir des cadres de Mahikari.

"Pas plus étrange que le yoga"

Le recrutement dans l'île se ferait surtout par le bouche à oreille. Le "responsable" local, qui souhaite garder l'anonymat, nie bien sûr tout
aspect sectaire, mais reconnaît s'être aussi rendu au Japon, lorsqu'il vivait en métropole.
Il est adepte de la secte depuis environ vingt-cinq ans. Selon lui, la structure de Mahikari n'est pas plus pyramidale que celle d'une
entreprise, et rien n'y serait imposé aux membres qui la composent.

Ainsi les pratiques auxquelles les adeptes se livreraient au sein du dojo "ne sont pas plus étranges que le yoga" ou des prières. Il réfute
également les soupçons de tentatives de guérison, les rites de purification, et les pressions psychologiques - tout comme le port des
pendentifs et les sommes d'argent que seraient amenés à verser les adeptes.

"Mahikari a été malgré tous nos efforts inscrite sur une liste de soi-disant sectes", souligne-t-il, en parlant du rapport parlementaire
de 1996, "l'affaire est cousue de fil blanc, c'est une manipulation". Il nie donc en bloc. Quant à la présence de mineurs dans le local,
rapportée par un ancien adepte, le "responsable" expliqu'elle résulte de l'adhésion de familles.

Educatrices sectaires : des familles accusent

 Depuis l'incarcération d'une éducatrice de l'Aide sociale à l'enfance des Ardennes, des familles en difficulté, privées pendant des années de leurs enfants, sortent de leur silence et déposent plainte.

                   Des parents de Charleville-Mézières suivis par les services sociaux, ont-ils été volontairement coupés de leurs enfants ? Depuis l'incarcération d'une éducatrice, membre de la secte Mahikari, et la mise en examen de deux autres fonctionnaires du conseil général des Ardennes, chaque semaine amène son lot de révélations et de plaintes.  

Au nom de l'intérêt de l'enfant, des membres de l'Aide sociale à l'enfance des Ardennes sont accusés d'être à l'origine d'une dérive sectaire. Patrick Talois, 46 ans, Rmiste et malade, dénonce un système qu'il qualifie de " totalitaire " : " Quand ma femme est partie en 1990, me laissant seul avec mes trois enfants, j'étais complètement perdu. J'ai pris l'initiative de confier provisoirement mes enfants aux services sociaux. Je n'ai jamais réussi, pendant treize ans, à les récupérer. Et quand je me plaignais, on m'intimait l'ordre de me taire " . Lui et sa fille Jessica, 18 ans, aujourd'hui inséparables, viennent de déposer plainte, un mois après la mise en examen de trois éducateurs " pour abus de faiblesse " , " privation de soins " et " acte de violence ".

Jessica souligne l'attitude singulière de sa dernière famille d'accueil : " ils dénigraient systématiquement mon père .Ils me faisaient du chantage : si tu ne vas pas le voir, tu  auras ta paire de rollers. Et jamais nous n'étions réunis, ma sœur, mon frère et moi. Je suis contente de savoir que mon père n'a jamais renoncé . Je suis tellement heureuse que notre relation soit intacte malgré tout ce qu'ils ont fait ."

 " Nous avons été détruits "

Des propos accusateurs que Jessica répétera au juge d'instruction qui ne sera pas en manque de témoignages. Une centaine de familles se plaignent des agissements des services sociaux dans le secteur Charleville-Nord.

Pour Patrick Talois, meurtri, " une équipe d'éducateurs a fonctionné en vase clos, édictant ses propres règles, au mépris de la loi et des familles."

Ironie du sort, Patrick Talois a élevé les deux enfants de sa compagne. Mais impossible pour lui, de vivre avec ses propres enfants dont un, ballotté de famille d'accueil en famille d'accueil, est parti à la dérive.

Patrick Talois refuse de crier vengeance mais il veut comprendre. " Pourquoi ont-ils agi ainsi ? A une époque, j'ai braqué l'éducatrice. Ensuite, j'ai baissé les bras pendant deux ans. J'avais peur de faire n'importe quoi. Je ne supportais plus la situation, je devenais fou.

Aujourd'hui,  je la plains .Surtout ses proches qui souffrent à cause d'elle. Mais tout le monde doit savoir que mes enfants et moi-même avons été détruits. Et peut-être de manière irrémédiable."

Après des années de luttes, Patrick Talois résume ainsi une situation ubuesque : " Quand j'ai fait des conneries, il y a plus de 22 ans, j'ai été puni mais je savais pourquoi. Là, je n'ai jamais connu les raisons ."  

    Christophe Perrin.

 

 



11/02/2011
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