Un juge pour enfants se penche sur le cas de Cindy
Un juge pour enfants se penche sur le cas de Cindy
Le président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig dénonce « des méthodes qui négligent complètement l'enfant ».
Le juge Rosenczveig est à l'origine de la loi visant à respecter les liens affectifs noués entre un enfant et sa famille d'accueil. photo DR
Pour le juge Jean-Pierre Rosenczveig, s'il n'y avait eu dans l'actualité la concurrence d'événements majeurs comme ceux qui se déroulent en Égypte et le meurtre de Nantes, l'affaire gersoise de la petite Cindy aurait fait la Une de tous les médias.
Toujours est-il que le cas de cette petite fille de cinq ans, brutalement retirée la semaine dernière à la famille d'accueil chez laquelle elle vivait depuis qu'elle a deux mois, a suscité l'émoi jusque dans le bureau du président du tribunal pour enfants de Bobigny.
« Sud Ouest » En tant que juge pour enfants, avez-vous déjà expérimenté des situations comme celle de Cindy et de sa famille d'accueil ?
Jean-Pierre Rosenczveig. C'est malheureusement un classique. Ce n'est pas la première fois que l'on reproche à une famille d'accueil de trop s'attacher et qu'une famille franchit la ligne jaune du raisonnable.
La ligne jaune ?
Cela ne se définit pas au millimètre… Il n'empêche que comme les travailleurs sociaux, tout un chacun sait qu'une famille d'accueil n'est pas qu'un hôtel et un lieu de gavage, mais constitue un univers généralement chaleureux.
On n'est plus du temps des Thénardier de Montfermeil. Des liens se nouent très rapidement entre l'assistante familiale et l'enfant, mais aussi entre celui-ci et le mari ou compagnon de l'assistante familiale. Des liens encore plus forts si la situation s'éternise comme pour Cindy.
L'Aide sociale à l'enfance (ASE) aurait-elle donc dû réagir avant ?
Dans le cas de Cindy qui vivait chez les Boyer depuis qu'elle a deux mois, il ne faut pas être grand clerc pour voir venir le problème de « l'attachement ». Il y a sûrement des responsabilités partagées, du côté de la famille d'accueil qui n'a pas su « se retenir » et l'ASE qui n'a pas su gérer le problème préventivement. Après, il y a la méthode.
Justement, vous qui êtes à l'origine de la loi du 6 juin 1984 qui affirme que l'on doit respecter les liens entre un enfant et ceux qui lui sont chers, que pensez-vous de la méthode ?
La façon dont la petite a été retirée aux Boyer relève d'une autre époque et néglige complètement l'enfant. Je ne remets pas en cause la décision fondamentale de l'ASE, mais il a manqué un temps où tout le monde se met autour de la table et s'organise pour ménager les transitions. Un enfant n'est pas un meuble que l'on change de place. Dans ce cas précis, Cindy a été punie. Du jour au lendemain, on l'a privé de son univers, de sa chambre, de ses jouets, de son école, de ses camarades et des gens qu'elle aime. Que la décision ait été prise avec de bonnes intentions, soit. Mais que l'on ne prétende pas que tout a été fait « dans l'intérêt supérieur de l'enfant ».
En retirant Cindy plus tôt que prévu, l'ASE aurait voulu protéger la fillette d'une surmédiatisation…
Ce ne sont pas des arguments ! l'ASE a sûrement mal vécu la médiatisation de l'affaire. Mais c'est comme si moi je m'étonnais que telle ou telle affaire défraye la chronique ! Cette affaire du Gers, si elle continue à être aussi mal gérée du haut de l'impérium du Conseil général qui demande que l'on fasse confiance aux services sociaux, va justement faire un mal fou au travail social, à l'Aide sociale à l'enfance qui déjà a du mal à voir son image se détacher de celle de l'assistance publique de jadis et de la DDASS d'hier, comme l'affaire d'Outreau continue de nuire plusieurs années plus tard à la justice.
Cindy a-t-elle une chance de retrouver sa famille d'accueil « historique » ?
Tout cela est tellement énorme qu'on peut d'ores et déjà affirmer sans se tromper que les Boyer « retrouveront » rapidement Cindy et réciproquement que Cindy « retrouvera » cette famille. Pas forcément en retournant vivre avec elle, mais par le biais de lettres, en se voyant ou en passant des week-ends ensemble par exemple.
Une vie commune n'est donc plus envisageable ?
Si bien sûr. Le juge pour enfants peut très bien s'autosaisir et conclure qu'il résulte de tout cela une situation d'enfant en danger, retirer l'enfant à l'ASE et la confier à la famille d'accueil. C'est de toute façon une situation qui relève de la justice, puisqu'il y a conflit.
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