Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE)à l'attention du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les principes et règles régissant les impératifs professionnels applicables aux juges et en particulier la déontologie, les comportements incompa
Avis n° 3 du Conseil Consultatif des Juges Européens (CCJE) à l'attention du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les principes et règles régissant les impératifs professionnels applicables aux juges et en particulier la déontologie, les comportements incompatibles et l'impartialité 1. Le Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE) a rédigé le présent avis sur la base des réponses des Etats à un questionnaire et des textes élaborés par le Groupe de travail du CCJE et par le spécialiste, M. Denis SALAS (France). 2. Le présent Avis fait référence à l’Avis CCJE (2001) OP N°1 (www.coe.int/legalprof, CCJE (2001) 43) sur les normes relatives à l’indépendance et l’inamovibilité des juges, en particulier ses paragraphes 13, 59, 60 et 71. 3. Les CCJE a tenu compte dans ses analyses d’un certain nombre de documents, en particulier : - les Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature (1985) ; - la Recommandation N° R (94) 12 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges ; - la Charte européenne sur le statut des juges (1998) (DAJ/DOC (98) 23) ; - le Code de déontologie de la magistrature, projet de Bangalore.1 4. Le présent avis s’articule autour de deux axes essentiels : - les principes et les règles de conduite professionnelle relevant de la détermination de principes d’éthique, obéissant à des standards très élevés, pouvant être traduits dans une déclaration de principes de conduite professionnelle établie par les juges eux-mêmes (A) ; - les principes et les procédures applicables à la responsabilité pénale, civile et disciplinaire des juges (B). 5. Le CCJE s’est demandé dans ce contexte si des règles et principes existant étaient pleinement compatibles avec les exigences du tribunal indépendant et impartial imposées par la Convention européenne des Droits de l’Homme. 6. Aussi, le CCJE propose-t-il de chercher des réponses à des questions suivantes : - Quelles normes de conduite pour les juges ? - De quelle manière les normes de conduite devraient-elles être formulées ? - Quelle responsabilité pénale, civile et disciplinaire, le cas échéant, pour les juges ? 7. Le CCJE est d’avis que les réponses à ces questions contribueront à la mise en oeuvre du programme cadre d'action global pour les juges en Europe, spécialement des priorités relatives aux droits et responsabilité du juge, conduite et éthique professionnelles (voir doc. CCJE (2001) 24, annexe A, partie III B), et attire l’attention dans ce contexte à ses conclusions figurant aux paragraphes 49, 50, 75, 76 et 77 ci-dessous. A. LES NORMES DE CONDUITE DES JUGES 8. Il apparaît qu'une réflexion d'ordre éthique est indispensable pour différentes raisons. Les méthodes utilisées pour régler les litiges devraient toujours inspirer confiance. Les pouvoirs du juge sont strictement liés aux valeurs de la Justice, la vérité et la liberté. Les normes de conduite des juges sont le corollaire de ces valeurs et la condition de la confiance en la justice. 9. La confiance en la justice est d’autant plus importante en raison de la mondialisation croissante des litiges et de la circulation des jugements. En outre, les attentes légitimes des justiciables dans un Etat de droit supposent que soient définis des principes généraux, compatibles avec le procès équitable et garantissant les droits fondamentaux. Les devoirs du juge lui sont imposés pour garantir son impartialité et l’efficacité de son intervention. 1°) Quelles normes de conduite pour les juges ? 10. Traiter des règles régissant les impératifs professionnels applicables aux juges conduit à s’interroger sur les principes qui les sous-tendent ainsi que sur les objectifs qui sont poursuivis. 11. Quelles que soient les modalités de son recrutement, de sa formation et l’étendue de son mandat, le juge se voit confier des pouvoirs et intervient dans des domaines qui touchent à l’essentiel de la vie des citoyens. Un récent rapport de recherche fait observer que de tous les pouvoirs publics c’est probablement le judiciaire qui a le plus évolué au sein des pays européens. 2 Ces dernières années, les sociétés démocratiques sollicitent davantage leur justice. Le pluralisme croissant de nos sociétés conduit chaque groupe à chercher une reconnaissance ou une protection qui ne lui est pas toujours reconnue. Si l’architecture des démocraties est profondément affectée, les variations nationales restent fortes. Il va de soi que les pays de l’Europe de l’Est qui sortent des régimes autoritaires trouvent dans le droit et la justice une légitimité indispensable à la reconstruction démocratique. Là plus qu’ailleurs, la justice s’affirme par rapport aux autres pouvoirs publics et par sa fonction de contrôle juridictionnel. 12. Les pouvoirs qui sont conférés au juge sont soumis non seulement au droit interne, expression de la volonté nationale, mais aussi aux principes de droit international et de justice reconnus dans les sociétés démocratiques modernes. 13. Le but dans lequel ces pouvoirs sont conférés aux juges est de permettre à ceux-ci de rendre la justice par l’application de la loi et d’assurer que chaque personne dispose des droits et/ou des biens qui lui sont légalement dévolus et dont elle a été ou pourrait être injustement privée. 14. La Convention européenne des Droits de l’Homme exprime bien cet objectif lorsqu’elle énonce dans son article 6, se plaçant du seul point de vue de l’usager, que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ». Loin de souligner la toute puissance du juge, elle met en exergue les garanties apportées aux justiciables et énonce les principes qui fondent les devoirs du juge : indépendance et impartialité. 15. L’on peut observer ces dernières années un besoin marqué d’avoir les garanties plus fortes de l’indépendance et de l’impartialité des juges, des organes indépendants ont été établis afin de protéger la justice des interventions partisanes ; l’importance de la Convention européenne des Droits de l'Homme a été renforcée et s’est fait ressentir au moyen de la jurisprudence de la Cour européenne de Strasbourg et des tribunaux nationaux. 16. L’indépendance des juges constitue un principe essentiel et une garantie pour tous les citoyens, y compris pour les juges. Cette indépendance comprend à la fois un aspect institutionnel et un aspect individuel. L’Etat démocratique moderne devrait être fondé sur la séparation des pouvoirs. Chaque juge devrait chercher par tous les moyens à maintenir l’indépendance judiciaire tant sur le plan institutionnel que sur le plan individuel. La raison d’être de cette indépendance a été discutée en détail dans l’Avis N° 1 (2001) du CCJE, paragraphes 10-13. Elle a pour complément indissociable, comme il a été alors constaté, l’impartialité des juges et constitue en même temps une condition fondamentale de cette impartialité qui est essentielle pour la crédibilité des systèmes judiciaires ainsi que pour la confiance que ceux-ci doivent inspirer dans toute société démocratique. 17. L'article 2 des "Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature" élaborés par les Nations Unies en 1985 affirme que "les magistrats règlent les affaires dont ils sont saisis impartialement, d'après les faits et conformément à la loi, sans restrictions et sans être l'objet des influences, incitations, pressions, menaces ou interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit". Selon l'article 8 les magistrats "doivent toujours se conduire de manière à préserver la dignité de leur charge et l'impartialité et l'indépendance de la magistrature". 18. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a affirmé dans la Recommandation N° R (94) 12 sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges (Principe I.2.d) que « les juges devraient être absolument libres de statuer impartialement sur les affaires dont ils sont saisis, selon leur intime conviction et leur propre interprétation des faits, et conformément aux règles de droit en vigueur ». 19. La Charte européenne sur le statut des juges précise que c'est le statut des juges qui devrait assurer l'impartialité que toute personne attend légitimement des juridictions (paragraphe 1.1). Le CCJE appuie pleinement cette disposition de la Charte. 20. L’impartialité est examinée par la Cour européenne tant selon une approche subjective, qui prend en compte la conviction ou l’intérêt personnel de tel juge en telle occasion, que selon une démarche objective conduisant à déterminer si le juge donnait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime3. 21. Les juges devraient, en toutes circonstances, adopter un comportement impartial, pour éviter que naisse, dans l’esprit du justiciable, un soupçon légitime de partialité. Sur ces points, les apparences devraient être sauvegardées, aussi bien dans l’exercice des fonctions juridictionnelles que pour les autres activités du juge. a. Impartialité et comportement du juge dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles 22. La confiance et le respect portés à la magistrature sont les garanties de l’efficacité du système juridictionnel : la conduite du juge dans son activité professionnelle est logiquement perçue par les justiciables comme un facteur essentiel de crédibilité de la justice. 23. Le juge devrait donc s’acquitter de sa tâche sans favoritisme, manifestation d’un préjugé ou prévention. Il ne devrait pas se déterminer en fonction de considération étrangères à l’application des règles de droit. Tant qu’il est saisi d’une affaire ou pourrait l’être, il ne fait pas sciemment d’observations dont on pourrait raisonnablement penser qu’elles témoignent d’un préjugé dans la solution du litige ou influeront sur le caractère équitable de la procédure. Il manifeste la considération voulue à toutes les personnes (parties, témoins, avocats, par exemple), sans distinction inspirée par des motifs illégitimes ou dépourvue de rapport avec le bon exercice de ses fonctions. Il devrait également garantir une compétence professionnelle évidente dans l’exercice de ses fonctions. 24. Le juge devrait également exercer ses fonctions dans le respect de l’égalité de traitement des parties, en évitant tout parti pris et toute discrimination, en maintenant l’équilibre entre les parties et en veillant au respect du principe de la contradiction. 25. L’efficacité du système judiciaire implique également que le juge fasse preuve d’une conscience professionnelle élevée. Il veille à maintenir un haut niveau de compétence professionnelle, par une formation initiale et continue lui assurant une qualification appropriée. 26. Le juge devrait également remplir ses fonctions avec diligence et rapidité raisonnable. Pour ce faire, il est bien sûr indispensable qu’il soit muni des moyens appropriés, de l’équipement et de l’assistance. Ainsi équipé, le juge devrait être soucieux et capable de s’acquitter de ses devoirs découlant de l’Article 6.1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et rendre les jugements dans un délai raisonnable. b. Impartialité et comportement extra-judiciaire du juge 27. Il ne paraît pas souhaitable d’isoler le juge du contexte social dans lequel il évolue : le bon fonctionnement de la justice implique que les juges soient en phase avec la réalité. De plus, en tant que citoyen, le juge bénéficie de droits et libertés fondamentaux que lui reconnaît, notamment, la Convention européenne des Droits de l’Homme (liberté d’opinion, liberté religieuse…). Il devrait donc, en règle générale, rester libre d’exercer les activités extra-professionnelles de son choix. 28. Néanmoins, ces activités présentent des risques pour son impartialité et même, parfois, pour son indépendance. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre raisonnable entre le degré de l’engagement du juge dans la société et la préservation de son indépendance et de son impartialité ainsi que des apparences de cette indépendance et de cette impartialité dans l’exercice de ses fonctions. Dans cet ordre d’idée, la question qui devrait être toujours posée et celle de savoir si le juge, dans un contexte social précis et aux yeux d’un observateur informé et raisonnable, participe à une activité qui pourrait compromettre objectivement son indépendance ou son impartialité. 29. Le juge devrait adopter un comportement digne dans sa vie privée. Compte tenu de la diversité culturelle des pays membres du Conseil de l’Europe et de l’évolution constante des mœurs, les normes applicables au comportement du juge dans sa vie privée ne peuvent être figées par des impératifs trop précis. Le CCJE encourage la mise en place au sein du corps judiciaire d’un ou des organes, ou d’une ou des personnes ayant un rôle consultatif et de conseil auxquels les juges puissent s’adresser chaque fois qu’ils auront une hésitation sur la compatibilité d’une activité privée avec leur position de juge. L’existence de tels organes ou de telles personnes favorisera l’instauration au sein du corps judiciaire d’une discussion sur le contenu et la portée des règles déontologiques. Pour prendre deux exemples, ces organes ou ces personnes pourraient être établis sous l’égide d’une Cour suprême ou d’une association de juges. Ils devraient dans tous les cas être distincts et poursuivre des objectifs différents des organes chargés de sanctionner les fautes disciplinaires. 30. La participation des juges à des activités politiques pose quelques problèmes importants. Certes, le juge reste un citoyen auquel on doit reconnaître l’exercice des droits politiques conférés aux autres nationaux. Mais, au regard du procès équitable et des attentes légitimes des justiciables, le juge devrait faire preuve de réserve dans l’exercice d’une activité politique publique. Certains Etats ont intégré cette exigence dans leurs règles disciplinaires et sanctionnent les comportements qui heurtent l’obligation de « réserve » imposée aux magistrats. Ils ont également instauré des incompatibilités expresses entre les fonctions de magistrats et certains mandats politiques (mandat au parlement, au Parlement européen, ou mandat politique local), qui visent même parfois le conjoint du magistrat. 31. Plus largement, il conviendrait de réfléchir sur la participation des juges à des débats publics de nature politique : pour que le public conserve sa confiance dans le système judiciaire, il est souhaitable que les juges ne s’exposent pas à des attaques politiques incompatibles avec la nécessaire neutralité de la fonction juridictionnelle. 32. Il apparaît à la lecture des réponses au questionnaire que dans certains Etats l’implication des juges dans le monde politique est conçue restrictivement. 33. Les débats au sein du CCJE ont montré qu’il fallait assurer un équilibre entre la liberté d’opinion et d’expression du juge et l’exigence de neutralité. Il apparaît dès lors nécessaire que le juge, même si son adhésion à un parti politique ou sa participation au débat public sur les grands problèmes de société ne peut être écartée, s’abstienne au moins d’une activité politique de nature à compromettre son indépendance et à porter atteinte à son image d’impartialité. 34. Mais le juge devrait pouvoir participer à certains débats concernant la politique judiciaire de l’Etat. Il devrait pouvoir être consulté, et participer activement à l’élaboration des dispositions législatives concernant son statut et plus généralement, le fonctionnement de la justice. Cet aspect de l’activité des juges pose la question de la participation à une organisation syndicale. La liberté d’expression et d’opinion permet au juge d’exercer des droits syndicaux (d’association), mais des réserves peuvent être posées quant au droit de grève. 35. Travailler dans un domaine différent permet au juge d'avoir une vision sur le monde et une connaissance des problèmes de la société autres que celle qu'il acquiert dans l'exercice de la profession. En revanche, elle présente des risques qui ne sont pas négligeables: elle peut être considérée comme contraire à la séparation des pouvoirs, elle peut aussi affaiblir dans l'opinion du public l'image d’indépendance et d'impartialité des juges. 36. La question de la participation des juges à certaines activités gouvernementales, comme celle des cabinets ministériels, pose des problèmes particuliers. Il convient de préciser qu'aucun obstacle ne s'oppose à l'exercice par un juge de fonctions dans un service administratif d'un ministère (par exemple un service de législation civile ou pénale au ministère de la justice). La question est plus délicate en ce qui concerne l'entrée du juge dans un cabinet ministériel. Le ministre a en effet le droit de choisir librement les membres de son cabinet et, en tant que proches collaborateurs du ministre, ceux-ci participent d'une certaine manière à ses activités politiques. Il apparaît dans ces conditions souhaitable que l'entrée d'un juge en activité dans un cabinet ministériel politique soit subordonnée à l'avis de l'organe indépendant chargé de se prononcer sur la nomination des juges, afin que cette autorité puisse notamment définir les règles de conduite applicables dans chaque cas. c. Impartialité et autres activités professionnelles du juge 4 37. La nature particulière de la fonction juridictionnelle, la nécessité de préserver la dignité de la fonction et de tenir le juge à l’écart des pressions de toutes natures impliquent l’adoption de comportements susceptibles d’éviter les conflits d’intérêts ou les abus de pouvoirs. Ces exigences supposent que les juges s’interdisent toute activité professionnelle qui pourrait les détourner de leurs charges juridictionnelles, ou les conduire à exercer ces charges avec partialité. Dans certains Etats, des incompatibilités avec la fonction de juge sont clairement définies par le statut et conduisent à l’interdiction d’exercer toute activité professionnelle ou salariée. Des exceptions sont prévues pour les activités d’enseignement, de recherches, ou les participations à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques. 38. Les pays ont adopté différentes solutions pour régler le problème des activités incompatibles (un résumé figure en annexe au présent avis) en ayant chaque fois pour objectif général de ne pas dresser une barrière infranchissable entre le juge et la société. 39. Le CCJE est d’avis que des règles de déontologie devraient prévoir que le juge devrait éviter les comportements de nature à compromettre la dignité de sa fonction et devrait préserver la confiance en la justice en diminuant les risques de conflits d’intérêts. Pour cela, il devrait s’abstenir de toute activité professionnelle accessoire qui entraverait son indépendance et porterait atteinte à son impartialité. Dans ce contexte, le CCJE souscrit à la disposition de la Charte européenne sur le statut des juges selon laquelle la liberté de l’exercice des activités extérieures au fonction de juge « ne peut être limitée que dans la mesure où des activités extérieures sont incompatibles avec la confiance en l’impartialité et l’indépendance du juge ou de la juge ou avec la disponibilité requise pour traiter avec attention et dans un délai raisonnable les affaires qui leur sont soumises » (paragraphe 4.2). La Charte européenne reconnaît également le droit des juges à adhérer à des organisations professionnelles et un droit d'expression (paragraphe 1.7) afin d'éviter les "rigidités excessives" qui établiraient entre la société et eux-mêmes des barrières (paragraphe 4.3). Il importe en effet que le juge continue à consacrer l'essentiel de son temps de travail à son rôle de juge, y compris les activités connexes, et ne soit pas tenté d’attacher une attention excessive à des activités extrajudiciaires. Il est évident que le risque d’un intérêt excessif pour de telles activités s’amplifie quand celles-ci donnent le droit à une récompense. Une ligne précise entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas devrait alors être fixée en tenant compte des conditions existant dans chaque pays particulier, étant entendu que l’organe ou la personne recommandés au paragraphe 29 ci-dessus devraient avoir là un rôle. d. Impartialité et relations du juge avec les médias 40. L’on peut observer une tendance générale à la médiatisation de l'activité de la magistrature, surtout dans le secteur pénal, notamment dans certains pays de l'Europe de l'Ouest. Compte tenu des liens qui peuvent s'établir entre les juges et les médias, le risque est que le magistrat se laisse conditionner dans son activité par le journaliste. Le CCJE rappelle à cet égard que dans son Avis N° 1 (2001) il a constaté que si la liberté de la presse est un principe éminent, il faut aussi protéger la procédure judiciaire contre toute influence extérieure indue. Il importe dès lors que le juge fasse preuve de réserve dans ses rapports avec la presse, qu'il sache préserver son indépendance et son impartialité, en s'abstenant de toute exploitation personnelle de ses relations éventuelles avec les journalistes, des commentaires injustifiés sur les dossiers dont il a la charge. Le droit du public à l’information est néanmoins un principe fondamental résultant de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Il implique que le juge réponde aux attentes légitimes des citoyens par des décisions clairement motivées. Le juge devrait également avoir la liberté de préparer un résumé ou un communiqué expliquant la substance ou précisant la signification des ses décisions pour le public. En outre, pour les pays où le juge intervient dans la conduite ou le contrôle des investigations pénales, il convient de concilier la réserve dont le juge doit faire preuve pour les dossiers dont il a la charge avec le droit à l’information. C'est à ces conditions que le juge peut exercer librement sa mission, sans craindre les pressions susceptibles d'être exercées par les médias. Le CCJE a noté avec intérêt la pratique en vigueur dans certains pays consistant à confier à un juge responsable de communication ou un porte-parole attaché au tribunal le soin de communiquer avec la presse sur les sujets intéressant le public. 2°) De quelle manière les normes de conduite devraient-elle être formulées ? 41. La tradition juridique continentale conduit tout naturellement à reconnaître les vertus de la codification. Plusieurs pays se sont dotés de codes de déontologie dans le secteur public (police), dans les professions réglementées (notaires, médecins), dans le secteur privé (presse). En ce qui concerne les juges, depuis peu l'on peut observer le développement des codes éthiques, inspirés des Etats-Unis, surtout dans les pays d’Europe de l’Est. 42. Le plus ancien est le “ code éthique ” italien adopté le 7 mai 1994 par l’Association des magistrats italiens, une organisation professionnelle de magistrats. Le mot « code » est inapproprié car il s’agit en fait de 14 articles qui englobent la totalité du comportement du magistrat du siège (y compris les chefs de juridiction) comme du parquet. 5 Il est clair qu’il ne s’agit pas de règles disciplinaires ou pénales mais d'un instrument d’autocontrôle du corps généré par lui-même. L’article 1 donne le principe général : “ Dans la vie sociale, le magistrat doit se comporter avec dignité, correction et rester attentif à l’intérêt public. Dans le cadre de ses fonctions et dans chaque acte professionnel, il doit être imprégné des valeurs de désintéressement personnel, d’indépendance et d’impartialité ”. 43. D’autres pays, tels que l’Estonie, la Lituanie, l’Ukraine, la Moldova, la Slovénie, la République tchèque et la Slovaquie ont un « code d’éthique judiciaire » ou des « principes de conduite » adoptés par des assemblées représentatives de juges et distincts des règles disciplinaires. 44. La tendance à la codification s’appuie sur des arguments sérieux : il s’agit premièrement de guider les juges pour qu'ils trouvent des réponses à des questions de déontologie professionnelle, ce qui leur confère une autonomie dans la décision et garantit leur indépendance par rapport aux autres pouvoirs. Deuxièmement, les codes informent le public sur les normes de conduite qu’il est autorisé d’attendre de la part des juges. Troisièmement, ces codes contribuent à donner aux citoyens l’assurance que la justice est rendue indépendamment et impartialement. 45. Cependant, le CCJE souligne que la protection de l’indépendance et de l’impartialité ne peut être assurée par la seule déontologie et que de nombreux textes statutaires et procéduraux y concourent. Les normes déontologiques sont différentes des règles statutaires et disciplinaires. Elles expriment une capacité de la profession de réfléchir sa fonction dans des valeurs en adéquation avec les attentes du public et en contrepartie des pouvoirs attribués. Ce sont des normes d’autocontrôle qui impliquent de reconnaître que l’application de la loi n’a rien de mécanique, relève d’un réel pouvoir d’appréciation et place les juges dans un rapport de responsabilité vis-à-vis d’eux mêmes et des citoyens. 46. En outre, la codification de la déontologie pose certaines difficultés, notamment un code de déontologie peut susciter l’illusion qu’il contient la totalité des règles et que tout ce qui n’est pas interdit est permis, il tend à trop simplifier les situations, il fige enfin la déontologie à une période donnée alors qu’il s’agit d’une matière évolutive. Le CCJE suggère qu’il est souhaitable de préparer et d’évoquer une « déclaration de principes de conduite professionnelle », plutôt qu’un code. 47. Le CCJE est d’avis que la préparation de telles déclarations devrait être encouragée dans chaque pays, même si elles ne constituent pas la seule voie de diffusion des règles de conduite professionnelle, puisque : - la formation initiale et continue appropriée devrait contribuer à élaborer et à transmettre les règles déontologiques6 ; - l’inspection judiciaire dans les Etats où elle existe pourrait contribuer, par l’observation des comportements, à faire évoluer la réflexion déontologique, cette réflexion pouvant être diffusée à l’occasion du rapport annuel ; - l’instance indépendante au sens de la Charte européenne sur le statut des juges, si elle intervient dans les procédures disciplinaires, fixe par ses décisions les contours des devoirs et obligations des juges. La diffusion de ces décisions sous une forme appropriée pourrait permettre une meilleure prise de conscience des valeurs qui les fondent ; - des groupes peuvent être constitués à un niveau élevé, rassemblant différents acteurs de la vie judiciaire, pour contribuer à une réflexion éthique et dont les travaux peuvent être diffusés ; - des associations professionnelles devraient constituer un forum de discussion sur les responsabilités et la déontologie de juges et assurer une large diffusion des règles de conduite dans le milieu judiciaire. 48. Le CCJE tient à souligner que la nécessité impérieuse de sauvegarder l'indépendance des juges suppose que lorsque l’on envisage l'élaboration d'une déclaration de normes de déontologie, celle-ci soit fondée sur deux principes essentiels : i) d'abord, elle devrait se référer aux principes fondamentaux de déontologie et affirmer qu’il est impossible de dresser une liste exhaustive de comportements interdits au juge qui seraient préalablement définis ; les principes édictés devraient constituer des instruments d’autocontrôle des juges, c’est-à-dire des règles générales qui sont des guides d'action. Aussi, bien qu’il y ait tant chevauchement qu’effet réciproque, la déontologie devrait-elle rester indépendante du système de discipline des juges, en ce sens que la méconnaissance d’un de ces principes ne devrait pas pouvoir être en elle-même une cause de mise en jeu de la responsabilité disciplinaire, civile ou pénale ; ii) ensuite les principes de déontologie devraient être l’émanation des juges eux-mêmes ; ils devraient être conçus comme un instrument d'autocontrôle du corps, généré par lui-même, qui permet au pouvoir judiciaire d'acquérir une légitimité par l'exercice de fonctions dans le cadre de standards éthiques généralement admis. Une large concertation devrait être prévue, éventuellement sous l’égide d’une personne ou d’un organe mentionnés dans le paragraphe 29, qui pourraient en outre avoir pour tâche d’expliquer et d’interpréter la déclaration de principes de conduite professionnelle. 3°) Conclusions sur les normes de conduite 49. Le CCJE est d’avis : i) que des principes déontologiques devraient guider l’action des juges, ii) que ces principes devraient proposer aux juges des lignes de conduite leur permettant de résoudre les difficultés auxquelles ils sont confrontés au regard de leur indépendance et de leur impartialité, iii) que ces principes devraient émaner des juges eux-mêmes et rester distincts du système de discipline des juges, iv) qu’il serait souhaitable que soient mis en place dans chaque pays un ou des organes ou une ou des personnes au sein du corps judiciaire ayant un rôle consultatif de conseil pour les juges confrontés à un problème touchant à la déontologie professionnelle ou ayant une hésitation sur la compatibilité d’une activité privée avec leur position de juge. 50. Le CCJE est d’avis en ce qui concerne les règles de conduite de chaque juge: i) chaque juge devrait chercher par tous les moyens à maintenir l’indépendance judiciaire tant sur le plan institutionnel que sur le plan individuel, ii) qu’il devrait adopter un comportement intègre dans ses fonctions et dans sa vie privée, iii) que le juge devrait en toutes circonstances adopter un comportement à la fois impartial et qui apparaît comme tel, iv) qu’il devrait s’acquitter de sa tâche sans favoritisme, un préjugé effectif ou apparent, ou prévention, v) que ses décisions devraient être prises en fonction de toutes considérations pertinentes pour l’application des règles appropriées de droit, en excluant toute considération étrangère ; vi) qu’il devrait manifester la considération voulue à toutes les personnes participant à l’activité juridictionnelle ou affectées par celle-ci, vii) qu’il devrait exercer ses fonctions dans le respect de l’égalité des parties, en évitant tout parti pris et toute discrimination, en maintenant l’équilibre entre les parties et en veillant au respect du principe de contradiction, viii) qu’il fasse preuve de réserve dans ses relations avec les médias, qu’il préserve son indépendance et son impartialité en s’abstenant de toute exploitation personnelle de ses relations éventuelles avec les médias et de commentaires injustifiés sur les dossiers dont il a la charge, ix) qu’il devrait veiller à maintenir un haut niveau de compétence professionnelle, x) qu’il fasse preuve d’une conscience professionnelle élevée et d’une diligence répondant à l’exigence d’un jugement prononcé dans un délai raisonnable, xi) qu’il consacre l’essentiel de son temps de travail à ses activités juridictionnelles, y compris des activités connexes, xii) qu’il s’abstienne de toute activité politique de nature à compromettre son indépendance et à porter atteinte à son image d’impartialité. B. RESPONSABILITE PENALE, CIVILE ET DISCIPLINAIRE DES JUGES 4°) Quelle devrait être la responsabilité pénale, civile et disciplinaire des juges ? 51. Le corollaire des pouvoirs et de la confiance accordés par la société aux juges est qu’il devrait être possible de les tenir pour responsables, et même de les démettre de leurs fonctions, en cas d’inconduite suffisamment grave pour justifier une telle mesure. Il convient d’être prudent dans la reconnaissance d’une telle responsabilité, car l’indépendance et la liberté de la magistrature doivent être préservées contre toute pression indue. Dans ce contexte, le CCJE examine tour à tour les questions de la responsabilité pénale, civile et disciplinaire. En pratique, la possibilité d’une responsabilité disciplinaire des juges constitue l’aspect le plus important. a. Responsabilité pénale 52. Les juges qui, dans l’exercice de leurs fonctions, commettent ce qui, dans n’importe quelle circonstance, serait considéré comme un crime (par exemple, accepter des pots-de-vin) ne peuvent prétendre se soustraire aux procédures pénales ordinaires. Les réponses au questionnaire montrent que dans certains Etats même des fautes commises par des magistrats agissant de bonne foi peuvent être considérées comme une infraction pénale. Ainsi, en Suède et en Autriche, les juges (assimilés en cela aux autres fonctionnaires) peuvent être sanctionnés (par exemple, par une amende) dans certains cas de négligence grave (par exemple, liée à une incarcération ou une détention trop longue). 53. Néanmoins, si la pratique actuelle n’exclut pas entièrement la responsabilité pénale des juges pour des manquements non intentionnels commis dans l’exercice de leurs fonctions, le CCJE considère que l’introduction d’une telle responsabilité n’est ni généralement acceptable ni à encourager. Le juge ne devrait pas avoir à travailler sous la menace d’une sanction financière, encore moins d’une peine de prison, menaces dont l’existence pourrait, même inconsciemment, influencer son jugement. 54. Des poursuites pénales vexatoires contre un juge qui n’est pas apprécié par le plaideur sont devenues courantes dans certains Etats européens. Le CCJE est d’avis que dans les pays où des personnes privées peuvent intenter des enquêtes ou des procédures pénales, un mécanisme devrait exister pour empêcher ou pour mettre un terme à de telles enquêtes ou procédures contre un juge touchant à l’exercice de ses fonctions lorsqu’il n’y a pas lieu de penser que la responsabilité pénale du juge est engagée. b. Responsabilité civile 55. Des considérations similaires à celles identifiées au paragraphe 53 s’appliquent à l’imposition d’une responsabilité civile personnelle aux juges en raison de leurs décisions erronées ou d’autres manquements (par exemple, des délais excessifs). Un principe général veut que les juges devraient être absolument dégagés de toute responsabilité civile personnelle à l’égard de toute réclamation les visant directement et liée à l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils agissent de bonne foi. Les erreurs judiciaires, en matière de compétence ou de procédure, dans la détermination ou l’application de la loi ou encore dans l’évaluation des éléments de preuve, devraient faire l’objet d’un appel. Les autres manquements des juges qui ne peuvent être redressés de cette manière (y compris, par exemple, des délais excessifs) devraient, au plus, conduire à une réclamation du justiciable mécontent contre l’Etat. Que l’Etat puisse, dans certaines circonstances, être tenu, au titre de la Convention européenne des Droits de l’Homme, d’indemniser un justiciable est une autre question, dont l’examen n’entre pas directement dans le cadre de cet avis. 56. Cependant, dans certains pays européens, les juges peuvent être tenus civilement responsables pour des décisions gravement erronées ou d’autres manquements graves7, particulièrement à la demande de l’Etat, après qu’un justiciable mécontent eut établi son droit à réparation dans le cadre d’une procédure contre l’Etat. Ainsi, par exemple, en République tchèque, l’Etat peut être tenu de réparer un préjudice causé par une décision illégale d’un juge ou un acte judiciaire, mais il peut se retourner contre le juge si l’inconduite de ce dernier a été établie à l’issue d’une procédure pénale ou disciplinaire. En Italie, l’Etat peut, sous certaines conditions, demander à être remboursé par un juge qui a engagé sa responsabilité, soit par une fraude commise en connaissance de cause, soit par une « négligence grave », sous réserve dans ce dernier cas d’une limitation potentielle de la responsabilité. 57. La Charte européenne sur le statut des juges envisage la possibilité d’un recours de cette nature en son paragraphe 5.2, en ajoutant, à titre de sauvegarde, qu’un accord préalable doit être obtenu d’une autorité indépendante comprenant une représentation substantielle des juges, telle que celle dont la création est recommandée au paragraphe 43 de l’avis n°1 (2001) du CCJE. Le commentaire de la Charte souligne en son paragraphe 5.2 la nécessité de restreindre la responsabilité civile des juges au a) remboursement de l’Etat pour b) des « négligences grossières et inexcusables », par voie de c) procédure judiciaire, d) avec l’accord préalable d’une telle autorité indépendante. Le CCJE avalise tous ces points et va plus loin. L’application de concepts tels que ceux de négligence grossière ou inexcusable se révèle souvent malaisée. S’il existait la moindre possibilité d’action en recours de l’Etat, le juge se sentirait nécessairement étroitement concerné dès lors qu’une réclamation serait adressée à l’Etat. Le CCJE conclut que sauf en cas de faute volontaire, il ne convient pas que dans l'exercice de ses fonctions, un juge soit exposé à une responsabilité personnelle, celle-ci fût-elle assumée par l'État sous la forme d'une indemnisation. c. Responsabilité disciplinaire 58. Tous les systèmes juridiques doivent être dotés d’une forme de système disciplinaire, quoiqu’il ressorte clairement des réponses au questionnaire données par les différents Etats membres que cette nécessité est ressentie beaucoup plus fortement dans certains que dans d’autres. A cet égard, une distinction essentielle existe entre les pays de common law, où les juges professionnels sont moins nombreux et nommés parmi les rangs de professionnels expérimentés, et les pays de droit civil où les magistrats sont plus nombreux et entrent généralement plus jeunes dans la carrière. 59. Les questions qui se posent sont les suivantes : i) Quelles conduites devraient exposer un juge à des poursuites disciplinaires ? ii) Qui devrait avoir l’initiative de telles poursuites et suivant quelles procédures ? iii) Qui devrait être habilité à statuer sur les poursuites disciplinaires et suivant quelles procédures ? iv) Quelles sanctions devraient être disponibles en cas d’inconduite établie à l’issue d’une procédure disciplinaire ? 60. S’agissant de la question (i), le premier point que le CCJE identifie (rappelant en substance un argument exposé plus haut dans cet avis) est qu’il n’est pas juste d’associer les manquements aux normes professionnelles aux inconduites pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires. Les normes professionnelles, qui ont été traitées dans la première partie du présent avis, constituent les meilleures [pratiques], que tous les juges devraient [tendre à] développer et auxquelles ils devraient aspirer. Mettre ces normes en parallèle avec des inconduites justifiant une procédure disciplinaire découragerait leur développement futur et reviendrait à se méprendre sur leur finalité. Pour justifier une procédure disciplinaire, l’inconduite doit être grave et patente, de sorte qu’elle ne puisse être énoncée simplement comme la non-observation des normes professionnelles définies dans des lignes directrices telles que celles faisant l’objet de la première partie de cet avis8. 61. Cela ne signifie pas que les manquements aux normes professionnelles identifiées dans cet avis ne soient pas d’une grande pertinence, lorsqu’il est allégué qu’une inconduite suffisamment grave justifie et exige une sanction disciplinaire. Certaines des réponses au questionnaire reconnaissent ce fait explicitement : par exemple, les normes professionnelles sont décrites comme étant revêtues d’une « certaine autorité » dans les procédures disciplinaires en Lituanie et comme « une aide pour les juges ayant à se prononcer sur des sanctions disciplinaires, car elles apportent un éclairage sur les dispositions de la loi sur les juges » en Estonie. Elles ont également été utilisées dans le cadre de procédures disciplinaires en Moldova. (Par contre, dans leurs réponses, l’Ukraine et la Slovaquie ont nié tout lien entre les deux aspects). 62. Dans certains pays, des systèmes distincts ont même été mis en place pour tenter de réglementer ou de faire appliquer les normes professionnelles. En Slovénie, la non-observation de ces normes peut être sanctionnée par une « Cour d’honneur » formée au sein de l’association des juges, et non par l’organe disciplinaire des juges. En République tchèque, dans les cas particulièrement graves de non-observation des règles déontologiques, les juges peuvent être exclus de « l’Union des juges », qui est à l’origine de ces principes. 63. Le deuxième point que le CCJE identifie est qu’il revient à chaque Etat de spécifier dans ses lois quelle conduite peut donner lieu à une action disciplinaire. Le CCJE note que dans certains pays, des tentatives ont été effectuées pour préciser en détail toutes les conduites pouvant justifier l’ouverture d’une procédure disciplinaire débouchant sur une forme quelconque de sanction. Ainsi, la loi turque sur les juges et les procureurs spécifie une gradation des violations (y compris, par exemple, le fait de s’absenter de son poste sans raison valable pendant un laps de temps variable) en lui faisant correspondre une échelle de sanctions (allant de l’avertissement au blâme public, de différents effets sur la promotion à la mutation et jusqu’à la destitution). De même, une loi adoptée en 2002 par la Slovénie tente de donner effet au principe général de nulla poena sine lege en spécifiant 27 catégories d’infractions à la discipline. Cependant, on constate que dans toutes ces tentatives, il est recouru à des formules générales aux contours mal définis qui suscitent des interrogations quant à l’opinion et au degré. Le CCJE, pour sa part, ne juge pas nécessaire (en vertu du principe nulla poena sine lege ou de tout autre fondement), ni même possible, de tenter de spécifier, au niveau européen, dans des termes précis ou détaillés, la nature de toutes les inconduites qui pourraient justifier une procédure disciplinaire et des sanctions. Par essence, la procédure disciplinaire résulte d’une conduite fondamentalement contraire à celle qui peut être attendue d’un professionnel occupant les fonctions de la personne contre laquelle une inconduite est alléguée. 64. A première vue, l’on pourrait penser que le principe VI.2 de la Recommandation n° R (94) 12 laisse entendre que des motifs précises invoquées à l’appui d’une procédure disciplinaire devraient toujours être « définies » à l’avance « en termes précis en vertu de la loi ». Le CCJE admet pleinement que des raisons précises doivent être invoquées à l’appui de toute action disciplinaire, lorsqu’une telle action est proposée ou intentée, le cas échéant. Mais, comme il l’a indiqué, il ne conçoit pas la nécessité, ni même la possibilité au niveau européen, de tenter de définir toutes ces raisons possibles à l’avance d’une manière autre que la formulation générale actuellement adoptée par la plupart des pays européens. Aussi, à cet égard, le CCJE a-t-il conclu que l’objectif déclaré au paragraphe 60 (c) de son Avis N°1 (2001) ne peut être poursuivi au niveau européen. 65. Toutefois, il apparaît souhaitable que les Etats membres, à titre individuel, adoptent une nouvelle définition légale des raisons précises justifiant qu’une action disciplinaire soit engagée, comme il est recommandé dans la recommandation n° R (94) 12. Actuellement, les motifs des actions disciplinaires sont souvent énoncés dans des termes d’une grande généralité. 66. Le CCJE examine ensuite la question (ii) : Qui devrait avoir l’initiative de telles poursuites et suivant quelles procédures ? Les procédures disciplinaires sont engagées dans certains pays par le Ministère de la Justice, dans d’autres elles sont engagées par certains juges ou conjointement avec eux, ou par les conseils judiciaires ou par les procureurs, tels que le premier Président de la Cour d’appel en France ou le Procureur général en Italie. En Angleterre, l’initiative appartient au Lord Chancellor, mais selon l’usage celui-ci n’entame l’action disciplinaire qu’avec le consentement du Lord Chief Justice. 67. Une question importante consiste à se demander quelles démarches, le cas échéant, peuvent entreprendre les personnes alléguant un préjudice du fait de l’erreur professionnelle d’un juge. Ces personnes doivent être en droit de porter leurs plaintes, quelles qu’elles soient, devant la personne ou l’organe chargé d’entamer l’action disciplinaire. Mais elles ne peuvent être elles-mêmes habilitées à engager cette action ou à obtenir qu’elle le soit. Il doit exister un filtre, faute de quoi les juges pourraient souvent être l’objet de telles poursuites, intentées à l’initiative de justiciables déçus. 68. Le CCJE considère que les procédures conduisant à l’ouverture d’une action disciplinaire devraient être mieux formalisées. Il propose que les pays envisagent la mise en place d’un organe ou d’une personne spécifiquement chargés, dans chaque pays, de recevoir les plaintes, d’entendre les protestations du juge concerné à leur sujet et de décider, à la lumière de ces éléments, si les arguments à la charge du juge sont suffisamment probants pour justifier l’ouverture d’une action disciplinaire, et, dans ce cas, de déférer l’affaire devant l’autorité disciplinaire. 69. La question suivante (iii) est : Qui devrait être habilité à statuer sur les poursuites disciplinaires et suivant quelles procédures ? Une section entière des Principes fondamentaux des Nations Unies est consacrée aux mesures disciplinaires, à la suspension et à la destitution. L'article 17 reconnaît le droit pour le juge à ce que sa cause soit "entendue équitablement". Selon l'article 19, "dans toute procédure disciplinaire (...) les décisions sont prises en fonction des règles établies en matière de conduite des magistrats". Finalement, l'article 20 pose comme principe que "des dispositions appropriées doivent être prises pour qu'un organe indépendant ait compétence pour réviser les décisions rendues en matière disciplinaire, de suspension ou de destitution". Au niveau européen, des indications sont fournies par le Principe VI de la Recommandation N° R(94)12, qui recommande que les mesures disciplinaires soient décidées par "un organe compétent spécial chargé d'appliquer les sanctions et mesures disciplinaires, lorsqu'elles ne sont pas examinées par un tribunal, et dont les décisions devraient être contrôlées par un organe judiciaire supérieur, ou qui serait lui-même un organe judiciaire supérieur", et que les juges bénéficient, au minimum, d’une protection équivalente à celle prévue à l’article 6.1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. De surcroît, le CCJE souligne dans ce contexte que les mesures disciplinaires incluent toute mesure ayant un impact sur le statut ou la carrière des juges, et notamment leur mutation, la perte de leurs droits à l’avancement et la réduction de leurs émoluments. 70. Les réponses au questionnaire indiquent que, dans certains pays, la discipline est assurée par des instances spécialisées dans les affaires de ce type : le comité disciplinaire de la Cour suprême (Estonie, Slovénie – où tous les niveaux sont représentés). En Ukraine, il s’agit d’un comité comprenant de juges du même niveau de juridiction que le juge concerné. En Slovaquie, il existe actuellement un système à deux niveaux, un comité composé de trois juges et le second composé de cinq juges de la Cour suprême. En Lituanie, il s’agit d’un comité composé de juges de différentes juridictions générales et de cours administratives. Dans certains pays, le jugement est rendu par un Conseil de la Magistrature, siégeant en qualité de cour disciplinaire (Moldova, France, Portugal).9 71. Le CCJE a déjà exprimé l’opinion que les actions disciplinaires à l’encontre de tout juge ne devraient être décidées que par une instance indépendante (ou « tribunal »), selon une procédure qui garantit pleinement les droits de la défense ; voir paragraphe 60 (b) de l’Avis N° 1 (2001) du CCJE sur les normes relatives à l’indépendance et l’inamovibilité des juges. Il considère également que l’organe chargé de nommer un tel tribunal pourrait, et devrait être l’organe indépendant (comprenant une représentation substantielle de juges choisis démocratiquement par leurs pairs) qui, comme le CCJE le propose au paragraphe 46 de son premier Avis, devrait être généralement chargé de la nomination des juges. Ceci n’exclut nullement le fait d’inclure dans la composition du tribunal disciplinaire des personnalités autres que des juges (ce qui évite le risque de corporatisme), pourvu que ces personnalités extérieures ne soient jamais des membres du corps législatif, du gouvernement ou de l’administration. 72. Dans certains pays, c’est l’organe judiciaire suprême (la Cour suprême) qui est le premier organe disciplinaire. Le CCJE est d’avis que dans chaque pays les procédures disciplinaires devraient prévoir la possibilité d’un appel de la décision prononcée par le premier organe disciplinaire (qu’il soit lui-même une autorité, un tribunal ou une cour) devant une cour. 73. Dernière question (iv): Quelles sanctions devraient être disponibles en cas d’inconduite établie à l’issue d’une procédure disciplinaire ? Les réponses au questionnaire mettent en lumière de grandes différences, qui, sans doute, sont le reflet de différents systèmes juridiques et d’exigences diverses. Dans les systèmes de common law, où la magistrature est peu nombreuse, homogène et composée de professionnels âgés et expérimentés, la seule sanction formelle dont la nécessité s’impose clairement (et encore, seulement à titre d’éventualité lointaine) consiste en une mesure extrême de destitution, mais des avertissements ou des contacts informels peuvent se révéler très efficaces. Dans les autres pays, où la magistrature est plus nombreuse, moins homogène et dans certains cas, moins expérimentée, une échelle de sanctions formellement exprimées est jugée opportune, incluant même parfois des peines pécuniaires. 74. La Charte européenne sur le statut des juges (article 5.1) déclare que « l’échelle des sanctions susceptibles d’être infligées est précisée par le statut et son application est soumise au principe de proportionnalité. » Quelques exemples de sanctions possibles sont donnés dans la Recommandation n° R (94) 12 (Principe VI.1). Le CCJE souscrit à la nécessité pour chaque juridiction d’identifier les sanctions permises par son propre système disciplinaire, et à l’idée que ces sanctions doivent être, en principe comme dans leur application, proportionnées. Mais il considère qu’au niveau européen, l’on ne peut, ni ne doit tenter d’établir une quelconque liste définitive. 5°) Conclusions sur la responsabilité 75. En ce qui concerne la responsabilité pénale, le CCJE est d’avis: i) que le juge devrait être responsable pénalement dans les termes de droit commun pour les infractions commises en dehors de ses fonctions ; ii) que la responsabilité pénale ne devrait pas être engagée à l’encontre d’un juge pour les faits liés à ses fonctions en cas de faute non intentionnelle de sa part. 76. En ce qui concerne la responsabilité civile, le CCJE considère que, compte tenu du principe de l’indépendance : i) il devrait être remédié aux erreurs judiciaires (que ces dernières aient trait à la compétence, au fond ou à la procédure) dans le cadre d'un système de recours adéquat (avec ou sans l'autorisation du tribunal) ; ii) tout remède pour d'autres fautes de la justice (y compris, par exemple, les retards excessifs) relève exclusivement de la responsabilité de l'État ; iii) sauf en cas de faute volontaire, il ne convient pas que dans l'exercice de ses fonctions, un juge soit exposé à une responsabilité personnelle, celle-ci fût-elle assumée par l'État sous la forme d'une indemnisation. 77. En ce qui concerne la responsabilité disciplinaire, le CCJE considère que : i) dans chaque pays, le statut ou la charte fondamentale applicable aux juges devrait définir - avec le plus de précision possible - les fautes pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires, ainsi que la procédure à suivre ; ii) en ce qui concerne l'ouverture d'une procédure disciplinaire, les pays devraient envisager la mise en place d’une personne ou d’un organe chargé spécialement de recevoir les plaintes, d'obtenir les commentaires des juges concernés à leur sujet et d’apprécier s'il pèse sur les intéressés des charges suffisantes pour ouvrir une telle procédure ; iii) une fois ouverte, toute procédure disciplinaire devrait être soumise à une autorité ou à une juridiction indépendante devant laquelle les droits de la défense soient pleinement garantis ; iv) lorsque cette autorité n'est pas un tribunal, ses membres devraient être nommés par une autorité indépendante (composée en proportion suffisante de juges choisis démocratiquement par leur pairs), ainsi que le CCJE le préconise au paragraphe 46 de son Avis N° 1 (2001) ; v) dans chaque pays les procédures disciplinaires devraient prévoir la possibilité d’un appel de la décision prononcée par le premier organe disciplinaire (qu’il soit lui-même une autorité, un tribunal ou une cour) devant une cour ; vi) les sanctions que cette autorité est habilitée à infliger en cas de faute avérée devraient être définies avec autant de précision que possible par le statut ou la charte fondamentale des juges, et elles devraient être appliquées de façon proportionnée. A N N E X E SYNTHESE DES REPONSES AU QUESTIONNAIRE SUR LA CONDUITE, L’ETHIQUE ET LA RESPONSABILITE DES JUGES
1 Le texte a depuis été révisé en novembre 2002 et est devenu « Les Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire ». Le CCJE n’a pas examiné ces Principes. La Note explicative aux Principes reconnaît la contribution du Groupe de travail du CCJE réuni en juin 2002. 2 Les mutations de la justice. Comparaisons européennes, Ph. Robert et A. Cottino (dir.), L’Harmattan, 2001. 3 Voir par exemple Affaire Piersack, arrêt du 1 octobre 1982, Série A 53, § 30, Affaire De Cubber, arrêt du 26 octobre 1984, Série A 86, § 24.Affaire Demicoli, arrêt du 27 août 1991, Série A 210, §40, Affaire Sainte-Marie, arrêt du 16 décembre 1992, Série A 253-A § 34. 4 Pour une analyse approfondie des incompatibilités voir la Communication de Jean-Pierre Atthenont présentée lors du séminaire organisé par le Conseil de l’Europe sur le statut du juge (Bucarest, les 19-21 mars 1997) et la Communication de Pierre Cornu présentée lors d’un séminaire organisé par le Conseil de l’Europe sur le statut du juge (Chisinau, les 18-19 septembre 1997). 5 Ils portent sur les relations avec les justiciables, le devoir de compétence, l’emploi des ressources publiques, l’usage des informations professionnelles, les relations avec la presse, l’adhésion aux associations, l’image d’impartialité et d’indépendance, l’obligation de correction avec ses collaborateurs, la conduite dans et hors des fonctions et les devoirs du magistrats directeur. 6 Dans son rapport de synthèse présenté à l’issue des travaux de la 1ère réunion du Réseau de Lisbonne, Daniel Ludet a souligné que la formation devrait offrir le lien et encourager la réflexion sur les pratiques professionnelles des juges et sur les principes d’éthique auxquels elles renvoient (voir : La formation des magistrats aux questions relevant de leurs obligations professionnelles et de la déontologie de la profession. 1ère réunion des membres du Réseau européen d’échange d’informations sur la formation des magistrats. Editions du Conseil de l’Europe). 7 Le simple fait que l’Etat ait été jugé responsable pour des délais excessifs ne signifie pas, bien entendu, qu’un juge particulier soit fautif. Le CCJE réitère ici ce qui est dit au paragraphe 27 ci-dessus. 8 C’est pour cette raison que le groupe de travail du CCJE, pendant et à l’issue de la réunion du 18 juin 2002 avec le Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a émis des réserves quant à la version actuelle du Code de Bangalore, qu’il avait, par ailleurs, accueilli favorablement en substance, en désapprouvant le lien direct établi entre les principes de conduite qui y sont énoncés et la question des plaintes et de la discipline (voir paragraphe 2 (iii) de l’annexe V, doc. CCJE-GT (2002) 7) ; voir le commentaire n° 1 (2002) du CCJE sur le projet de Bangalore. 9 En Angleterre, le Lord Chancellor est chargé d’entamer et de décider la procédure disciplinaire. L’action disciplinaire est engagée seulement avec le consentement du Lord Chief Justice et ensuite (sauf si le juge concerné y renonce) un autre juge d’un rang approprié est désigné par le Lord Chief Justice pour enquêter sur les faits et soumettre un rapport assorti de recommandations. Si le Lord Chief Justice y consent, le Lord Chancellor défère alors l’affaire devant le Parlement (lorsque le juge concerné est d’un rang élevé), destitue un juge de rang moins élevé de ses fonctions, prend toute autre mesure disciplinaire ou l’autorise. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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