DROIT CRIMINEL que dit la loi sur le faux
DROIT CRIMINEL
- professeur Jean-Paul DOUCET -
FAUX (Faussaire)
- Cf : Contrefaçon*, Délits pénaux (délit formel)*, Fausse entreprise*, Foi publique*, Fraude*, Manœuvres frauduleuses*, Machination*, Mensonge*, Montage*,Ruse*, Sincérité*, Subreption*, Tromperie*, Usage de faux*, Vérité* – et voir les rubriques ci-dessous.
Voir : R.Garraud, Notions générales sur le faux et l'usage de faux
- Notion. On définit classiquement le faux comme une déformation, une altération ou une négation de la vérité, de la réalité ou de l’authenticité ; cette corruption ayant pour but d’induire autrui en erreur. L’auteur d’un faux est un faussaire.
Farinacius : Le faux est une altération de la vérité, commise en connaissance de cause et dans le but de causer préjudice à autrui.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Le faux est le crime de celui qui se rend coupable d'une supposition frauduleuse pour cacher ou altérer la vérité au préjudice d'autrui.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Le mot faux évoque l’idée d’une altération de la vérité, commise intentionnellement, c’est-à-dire à l’effet de tromper autrui.
Digeste de Justinien (48, 10, 23). Paul : Qu’est-ce qu’un faux ? Il semble qu'il y en a un si l'on imite la signature d'autrui, si l'on tronque ou altère en copiant un libelle ou un compte ; mais pas si, dans un calcul ou un compte, on donne un faux résultat.
Cass.crim. 8 juin 1994 (Gaz.Pal. 1994 II Chr.679) : Constitue un faux pénalement punissable l’altération frauduleuse de la vérité, préjudiciable à autrui, accomplie dans un document faisant titre.
Si ce crime a toujours, de l'avis général, été rangé parmi les infractions les plus graves, c'est sans doute en raison de son caractère secret, et du fait qu'il porte atteinte à un "écrit" qui devrait constituer une preuve indubitable.
Garofalo (La criminologie) parle de la répugnance qu'inspirent les escrocs, les faussaires et autres fripons.
- Règle morale. Dès lors qu'il emporte altération de la vérité, le faux porte atteinte au 8e commandement qui impose de témoigner de la vérité. Son auteur commet donc un péché, au regard de la religion, une faute grave au regard de la morale.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : On appelle faussaire celui qui a commis une fausseté, de quelque nature qu'elle puisse être, soit de vive voix, soit par écrit ou par quelque action, Ce péché est mortel de sa nature ; quoiqu'il puisse quelquefois n'être que véniel, par quelques circonstances qui en diminuent notablement la gravité. Les clercs faussaires doivent être, dégradés et dépouillés de tout privilège clérical, et être livrés au juge séculier pour être punis.
Bergier (Principes de métaphysique et de morale) : Nous ne devons rien dire de faux, ni qui puise induire en erreur qui que ce soit, ni lui porter préjudice.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : La parole humaine, qui doit affirmer la vérité, peut aussi l'altérer ou la nier. L'homme peut volontairement mettre sa parole en désaccord ou en opposition avec ce qui est. Alors il parle faussement, il rend un faux témoignage; et cette fausseté du discours, reconnue et voulue, constitue le mensonge qui est toujours un mal, parce qu'il est opposé à la vérité.
Pierre et Martin (Cours de morale) : Mensonges encore, et souvent vols, dans les faux en écritures publiques et privées, de commerce et de banque.
- Science criminelle. L’altération de la vérité, caractéristique du faux, se réalise de manière secrète, clandestine, occulte. Elle s’apparente ainsi à l’empoisonnement et à l’incendie. C’est pourquoi il convient de l’incriminer, elle aussi, selon la technique du délit formel. Le législateur doit réprimer l’altération de la vérité, commise consciemment en telle ou telle matière, dès lors qu’elle est de nature à porter atteinte, soit à un intérêt public, soit à un intérêt privé. Ainsi, l’attentat constitue l’infraction, quand bien même il n’aurait finalement pas causé de préjudice effectif.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (selon la science criminelle)
Voir : R. Garraud, L'abus de blanc-seing
Cujas : Le faux est une altération de la vérité, commise dans une intention criminelle, qui a porté ou a pu porter préjudice à des tiers.
Morin (Répertoire de droit criminel) : Le faux commis est punissable par cela que le préjudice a été possible au moment de la perpétration du crime, quels que puissent être les événements ultérieurs, quand même une circonstance survenue alors le rendrait désormais impossible.
Goyet (Droit pénal spécial) : Le faux n’existe que si l’altération de la vérité dans un écrit est susceptible de porter un préjudice à autrui.
Quant à la gravité de l'acte, on distingue le faux commis par un simple particulier et un agent public dans l'exercice de ses fonctions.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Louis XIV, par son édit du mois de mars 1680, établit une distinction entre ceux qui avaient commis un faux dans l'exercice de quelques fonctions publiques, et ceux qui n'avaient point de fonctions, ou qui avaient commis le faux hors les fonctions de leur office ou emploi.
Quant à la prescription, il semble que son point de départ doive être fixé au jour où le crime peut être constaté.
Bexon (Développement de la théorie des lois criminelles) : En principe, la prescription doit courir du jour du crime... si ce n'est qu'en matière de faux, le crime ne doit dater que du moment où le faux est reconnu par l'usage que le faussaire veut eu faire : c'est ainsi que les lois de l'Angleterre admettent la prescription.
FAUX (en écriture)
- Cf : Contrefaçon*, Inscription de faux*, Marques*, Signature*, Subreption*, Usage de faux*.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (en droit positif français)
Voir : Décret du 25 brumaire an III (15 novembre 1794), concernant les émigrés (extraits)
- Notion. Le faux en écritures est caractérisé par une altération de la vérité, de nature à causer un préjudice, commise intentionnellement dans un écrit susceptible de servir de preuve.
Garçon (Code pénal annoté) : Le faux en écritures est l’altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice de nature à causer un préjudice, dans un écrit, par l’un des moyens déterminés par la loi.
Garraud (Traité de droit pénal) : Le faux se constitue par une altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, altération portant sur des faits que cet écrit était apte à prouver et susceptible de causer un préjudice.
Cass.crim. 6 septembre 2011, n° 10-86183 : Il n'existe de faux punissable qu'autant que la pièce contrefaite ou altérée est susceptible d'occasionner à autrui un préjudice,.
Desmaze (Les pénalités anciennes) : Le 8 août 1331, Robert d’Artois, ajourné devant la Cour des comptes, garnie de pairs, afin d’y répondre sur une accusation de faux, ne se présenta pas et fit défaut. La demoiselle Devion, accusée d’être sa complice, fut brûlée le 6 octobre 1331.
Michelet (Histoire de la Révolution française) : Le Journal Officiel du temps, « Le Moniteur », toujours corrigé et falsifié par le pouvoir vainqueur, dans les jours de crise, n’a garde de mentionner les faits vraiment importants de certaines séances.
Statistiques. Observatoire national de la délinquance (août 2006) : Août 2005 à juillet 2006 - Faux en écriture publique ou authentique : 2.024 - Autres faux en écritures : 5.655.
- Règle morale. Comme tout faux, le faux en écritures est condamné par la loi morale et la loi naturelle.
Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) : Le faussaire en écriture, se rend coupable d'un péché de faux. Ce péché est de sa nature un péché mortel : il pourrait cependant devenir véniel, à raison de la légèreté de la matière.
- Science criminelle. Le faux est une infraction formelle qui tend à assurer la crédibilité de la preuve littérale ; il est constitué dès lors que la falsification commise est de nature à causer un préjudice social ou privé. Le faux est, tantôt matériel, tantôt intellectuel.
Digeste de Justinien, 48, 10, 1, 13. Marcien : La peine du faux est la déportation et la confiscation de tous les biens. Et si un esclave a commis un de ces crimes, il est puni du dernier supplice.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Un particulier qui avait fabriqué une fausse Lettre de Cachet et contrefait la signature du ministre, a été condamné le 21 juin 1736 à être pendu en place de Grève avec écriteau devant et derrière.
Cass.crim. 5 novembre 1903 (Gaz.Pal. 1903 II 448) : Le préjudice auquel peut donner lieu le crime de faux est matériel ou moral ; il peut affecter, soit un intérêt privé ; soit un intérêt social.
Cass.crim. 20 mars 2007 (Bull.crim. n° 86 p.726) : Le préjudice causé par la falsification d'un écrit peut résulter de la nature même de la pièce falsifiée. Tel est le cas de l'altération des procès-verbaux d'assemblée générale d'une société, qui est de nature à permettre de contester la régularité de ladite assemblée.
Faux matériel. On parle de faux matériel lorsque l’on est en présence d’un document qui a été physiquement confectionné ou altéré ; en sorte qu’un examen diligent du document lui-même permet d’établir la supercherie.
Goyet (Droit pénal spécial) : Le faux est dit matériel lorsqu’il se consomme par une altération physique d’un écrit et laisse des traces corporelles.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : Le faux matériel résulte d’une falsification ou altération, en tout ou en partie, commise sur la pièce arguée, et susceptible d’être reconnue, constatée et démontrée physiquement, par une opération ou par procédé quelconque. La fabrication d’une pièce ou d'une signature, une addition, une suppression, une altération, une radiation, un grattage, une surcharge, une lacération, la substitution d’un acte à un autre, un changement même dans la ponctuation d’un acte, si le sens en est changé, dénaturé, ou modifié, sont autant de circonstances à l'aide desquelles le faux matériel peut être consommé.
Cass.crim. 3 juin 2004 (Bull.crim. n° 149 p.557) : La fabrication d’un document, forgé pour servir de preuve, constitue un faux matériel susceptible de porter préjudice à un tiers, même si ce document est conforme à l’original.
Faux intellectuel. On parle de faux intellectuel lorsque l’on est en présence d’un document dont les mentions comportent une altération de la vérité ; en sorte qu’il faudra faire appel à des éléments extérieurs pour établir la supercherie.
Goyet (Droit pénal spécial) : Le faux est dit intellectuel lorsqu’il porte sur le contenu d’un acte et ne laisse aucune trace matérielle.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : Le faux intellectuel résulte seulement de l’altération dans la substance d’un acte non falsifié matériellement, c’est-à-dire dans les dispositions constitutives de cet acte ; il ne peut être reconnu à aucun signe palpable, physique et matériel.
Cass.crim. 24 mai 2000 (Bull.crim. n° 203 p.597) : Une attestation faisant état de faits matériellement inexacts contient un faux intellectuel manifeste.
- Droit positif français. L’incrimination de faux en écritures est assurée par les art. 441-1 et s. C.pén., (anciens art. 145 et s.). Cette disposition sanctionne le fait d’altérer la vérité dans un document pouvant servir de titre envers autrui.
Cass.crim. 26 septembre 1995 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. 4) : Mme Y... a été citée directement devant le tribunal correctionnel, à la requête du procureur de la République, du chef de faux dans un document administratif, "en l’espèce un acte de mariage", par une personne chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice de ses fonctions ; pour la déclarer coupable de cette infraction, les juges du second degré énoncent que la prévenue, en sa qualité d’officier de l’état civil, a signé un acte constatant un mariage fictif ; ces faits, à les supposer établis, constituent le crime de faux commis dans une écriture publique, par un officier de l’état civil, prévu et réprimé par l’art. 441-4, alinéa 3, C.pén.
Cass.crim. 20 juillet 2011, n°10-83763 (Bull.crim. n° 160 p.636) : Constitue un faux pénalement punissable l’altération frauduleuse de la vérité accomplie dans un écrit qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques.
Les poursuites pour faux. - On distingue depuis notre Ancien droit deux types de poursuites. D’une part le faux principal, où une action est intentée pour faire établir qu’un acte a été forgé ou altéré ; d’autre part le faux incident, où c’est une pièce produite dans un procès qui est arguée de faux. Voir les art. 642 et s. C.pr.pén.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Le faux principal est la poursuite qui s’intente directement contre quelqu’un pour faire déclarer fausse une pièce. Le faux incident est celui qui s’oppose, par forme d’exception, contre une pièce de la partie adverse qui la produit et prétend en tirer avantage. Le faux est un crime sanctionné par la peine de mort (Ordonnance de François 1er de 1531).
FAUX COSTUME
- Cf : Décoration*, Escroquerie*, Masque*, Usurpation de signes de l’autorité*, Vol*.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la propriété (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (en droit positif français)
Voir : Décret du 15 septembre 1792, sur le port de décoration
Le fait de revêtir un costume (ou un uniforme, un insigne) que l’on n’est pas en droit de porter relève du droit criminel dans quatre hypothèses. Les textes diffèrent dans le détail ; en voici les lignes générales.
Garçon (Code pénal annoté) : La puissance publique a établi des costumes ou uniformes particuliers qui ont pour objet de distinguer les fonctionnaires, soit les uns des autres, soit des simples citoyens. Ce costume est la marque visible de leur fonction ; il permet, par un signe ostensible, de reconnaître ceux qui ont le droit d’agir au nom de la loi ; il impose le respect de l’autorité dont ils sont investis. Mais il est évident que ce but ne serait pas atteint, si l’usage exclusif de ce costume officiel n’était pas réservé aux fonctions et aux agents de l’autorité. Il fallait donc incriminer le fait de le porter sans droit, et ce délit a été classé, à juste titre, dans la section des manquements à l’autorité publique.
- Port illégal d’un costume officiel. Le port injustifié, en public, d’un costume réglementé par l’autorité publique, est incriminé en soi. Il constitue en effet une immixtion irrégulière dans une activité présentant un caractère d’intérêt général (art. 433-14 C.pén., ancien art. 259). L’auteur d’un tel acte n’est punissable que s’il a eu conscience d’agir illicitement.
Garraud (Traité de droit pénal, 3e éd., T.IV n°1727) : On entend par costume, l’habillement qui sert à distinguer les fonctionnaires et officiers publics, soit les uns des autres, soit des simples citoyens. Appliqué à la profession militaire … le costume prend le nom d’uniforme.
Cass.crim. 5 novembre 1997 (Bull.crim. n° 377 p.1267) : La robe que les avocats revêtent est un costume réglementé par l’autorité publique au sens de l’art. 433-14 C.pén.
- Port d’un vêtement ressemblant au costume des policiers ou des militaires. Le port en public d’un vêtement présentant une ressemblance avec le costume des policiers ou des militaire, si elle est de nature à causer une méprise dans l’esprit du public, constitue également un délit (art. 433-15 C.pén., art. 260 ancien). Pour certains il s’agit d’une incrimination de même nature que la précédente ; pour d’autres il s’agit d’une incrimination de police préventive, faisant obstacle aux manœuvres frauduleuses ci-après, et caractérisée sans qu’il soit nécessaire d’établir une intention délictueuse.
Vitu (Juris-classeur pénal) : L’art. 433-15 a pour objet de protéger certains signes officiels, non pas contre une usurpation pure et simple, mais contre une imitation approchée, suffisante pour créer une méprise dans l’esprit du public.
- Port d’un costume ressemblant à un costume officiel. Le port en public d’un vêtement présentant une ressemblance avec un costume officiel autre que celui de policier ou de militaire, lorsque cette ressemblance est de nature à causer une méprise dans l’esprit du public, est également incriminé, mais en tant que contravention (art. R.643 C.pén., art. R.34 1° ancien). Cette disposition est de même nature juridique que la précédente.
Vitu (Juris-classeur pénal) : Le mot costume désigne ici tout vêtement qui sert à distinguer les fonctionnaires les uns des autres et ceux-ci des simples citoyens. Il en va ainsi de la robe des magistrats, des avocats, des huissiers de justice, des membres de l’Université, ainsi que des costumes des préfets.
- Le port fallacieux d’un costume, lorsqu’il constitue une manœuvre frauduleuse visant à tromper autrui, est sanctionné en tant que Ruse* lorsque celle-ci constitue l’élément matériel d’une infraction. Il en est ainsi en cas de vol commis dans un lieu habité, lorsque le prévenu s’y est introduit habillé d’un vêtement propre à inspirer confiance (art. 311-4 6° C.pén.) ; en cas de violation de domicile ou d’escroquerie.
Larguier (Droit pénal spécial) : Le mensonge résultant de l’usage d’une fausse qualité peut constituer une autre infraction… telle l’usurpation de costume, uniforme, décoration, insigne (art. 433-14 C.pén.).
Paris 17 mars 1986 (Gaz.Pal. 1986 II 429) : Commettent les manœuvres visées par l’art. 184 C.pén. les prévenus qui, pour s’introduire dans la chambre fermée à clef d’un malade, ont utilisé des blouses d’infirmiers.
FAUX-MONNAYAGE - Voir : Monnaie (fausse)*.
FAUX NOM
- Cf : Alias*, Casier judiciaire*, État civil*, Nom*, Usurpation d’identité (d’état civil)*.
- Notion. Prendre un faux nom, c’est se présenter à autrui sous un patronyme autre que celui consacré par l’état civil. Il n’importe aucunement que ce nom soit inventé ou emprunté à autrui, qu’il revête une consonance noble ou qu’il ne soit qu’un simple prénom.
Garraud (Traité de droit pénal) : User d’un faux nom, c’est employer un nom que l’on ne possède pas en réalité, qu’il soit purement imaginaire ou qu’il appartienne à autrui. On aura ainsi créé une confusion, une erreur sur son identité.
Joly (Le crime, étude sociale) : Condamné à la prison, Lacenaire se lia vite avec des malfaiteurs de profession. Il apprit à se servir d’eux, il prit de faux noms, il multiplia ses déguisements, multiplia aussi les vols.
L.Canler (Mémoires), à propos de Lacenaire : Ce caméléon humain, d’abord appelé Mahossier, puis Bâton, ensuite Gaillard, prenait un nouveau nom et s’appelait Lacenaire. Quelques jours après il était arrêté à Beaune sous le nom de Lévy Jacob, au moment où il cherchait à passer une fausse lettre de change.
- Régime. Le fait de prendre publiquement un faux nom peut être puni en soi-même, au titre de délit-obstacle. Mais il l'est plus généralement en tant qu'élément constitutif de tel ou tel crime ou délit.
Digeste (48, 10, 13, pr.). Papinien : L'affirmation d'un nom ou d’un surnom faux est punie de la peine de faux.
Code pénal du Luxembourg. Art. 231. Quiconque aura publiquement pris un nom qui ne lui appartient pas sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois, et d'une amende de..., ou d'une de ces peines seulement.
Code pénal du Cameroun. Art. 199 - Registre des logeurs. : Est puni d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende... le logeur ou l'hôtelier qui, au mépris des règlements n'inscrit pas ou inscrit sous un faux nom la personne qu'il loge.
- Escroquerie par prise d’un faux nom. La prise d’un faux nom est l’un des actes susceptibles de constituer le délit d’Escroquerie*, dès lors du moins qu’il a été déterminant de la remise de biens, de fonds ou de services.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (en droit positif français)
Voir : A. Vitu, les éléments constitutifs du délit d’escroquerie (n° 2321)
Cass.crim. 18 mai 1931 (Bull.crim. n° 143 p.269) : Le délit d’escroquerie est suffisamment établi par l’usage d’un faux nom ayant déterminé la remise de fonds, sans qu’il soit nécessaire que le faux nom ait été en outre accrédité par l’usage d’une fausse qualité ou l’emploi de manœuvres frauduleuses.
Toulouse (3e Ch.) 26 juin 2003 (D. 2003 IR 2728) : L'utilisation d'un faux nom, exigée par l'incrimination d'escroquerie, s'entend de l'emploi d'un faux nom patronymique ou d'un faux pseudonyme.
- Délivrance indue d’un document administratif. La prise d’un faux nom constitue également l’élément matériel du délit d’obtention indue d’un document administratif (art. 441-5 et 441-6 C.pén., art.154 ancien).
Cass.crim. 4 novembre 1992 (Gaz.Pal. 1993 I 117) : Est indue la délivrance d’un document administratif, lorsqu’elle a été obtenue soit en faisant de fausses déclarations, soit en prenant un faux nom ou une fausse qualité, soit en fournissant de faux renseignements, certificats ou attestations.
FAUX-SAUNIER
- Cf : Contrebande*, Fraude fiscale*.
Sous l’Ancien régime, un faux-saunier (ou faux-saulnier) était un individu qui se livrait au trafic illicite du sel. Cette fraude allait à l’encontre d’un impôt sur le sel particulièrement impopulaire : la gabelle.
Proal (Le crime et la peine) : En France, l’ordonnance sur la gabelle condamnait, en certain cas, les faux sauniers à la peine de mort.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : On appelle faux-sauniers, ceux qui vendent ou débitent du sel qui n’aura pas été pris dans les greniers du Roi. Les faux-sauniers attroupés avec armes au nombre de cinq au moins, doivent être punis de mort.
FAUX SERMENT CIVIL
- Cf : Parjure*, Serment*, Vérité*.
Dès lors que le serment est parfois admis comme mode ce preuve par le droit civil, il importe d’en assurer le crédibilité. C’est à cette fin que répond l’art. 434-17 C.pén. (ancien art. 366), qui incrimine le faux serment prêté devant une juridiction civile.
Livre des morts dans l’Égypte pharaonique : Je n'ai pas juré en vain.
Cass.crim. 20 janvier 1843 (S. 1843 I 659) : L’art. 366 C.pén. est général et absolu ; il n’établit aucune distinction entre le serment décisoire et le serment supplétoire.
François 1er, fait prisonnier à la suite de la défaite de Pavie, fut contraint de signer le Traité de Madrid et de jurer de s’y conformer. Le matin du 14 janvier 1926, il protesta secrètement par devant notaire, et lui fit établir par acte authentique, que, sous l’empire d’une contrainte irrésistible, il allait faire un faux-serment.
FAUX TÉMOIGNAGE
- Cf : Excuse absolutoire*, Excuse atténuante*, Instigation à porter un faux témoignage*, Parjure*, Serment*, Témoignage*, Témoin*, Vérité*.
- Notion. Par la force des choses, la déposition des témoins constitue souvent le principal mode de preuve des faits de l'espèce en matière pénale. Or il arrive trop souvent qu'un témoignage soit erroné, sinon mensonger.
Pour renforcer la crédibilité de la déposition, on demande ordinairement au témoin de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité.
Garçon (Code pénal annoté) : Le témoignage est un mode de preuve judiciaire nécessaire, mais qui repose sur une présomption de sincérité, fragile et dangereuse…Pour assurer la sincérité du témoignage, la loi impose au témoin l’obligation de prêter serment… Le serment prêté marque la distinction du simple mensonge, que la loi ne peut réprimer, avec le faux témoignage qui constitue un crime punissable.
- Règle morale. La loi morale condamne fermement le fait de manquer à ce serment (parjure).
Lois de Manou. Celui qui rend un faux témoignage tombe dans les liens de Varouna, sans pouvoir opposer de résistance, pendant cent transmigrations ; on doit, en conséquence, ne dire que la vérité.
St Marc (Évangile, 10-19) : Jésus dit : "Ne porte pas de faux témoignage".
Règle de St Benoît (Chap. 4 - Quels sont les instruments pour bien agir ?). N° 7 : Ne pas porter faux témoignage.
Catéchisme de l'Église catholique. § 2476 : Faux témoignage. Quand il est émis publiquement, un propos contraire à la vérité revêt une particulière gravité.
Burlamaqui (Principes de droit naturel) : On ne conteste guère ces principes généraux … qu’il faut honorer son père et sa mère, obéir a ses magistrats, contribuer à l’avantage de la société, ne point se parjurer, ne point voler, ne point tuer, ne point calomnier, ne point dire d’injures, ne point tromper, ne point rendre un faux témoignage …
Bautain (Manuel de philosophie morale) : L'homme peut volontairement mettre sa parole en désaccord ou en opposition avec ce qui est. Alors il parle faussement, il rend un faux témoignage; et cette fausseté du discours, reconnue et voulue, constitue le mensonge qui est toujours un mal, parce qu'il est opposé à la vérité.
- Science criminelle. Afin d’assurer la crédibilité du témoignage, tous les législateurs répriment avec sévérité les déclarations mensongères faites sous serment devant une juridiction répressive.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire (selon la science criminelle)
Jousse (Traité de la justice criminelle, 1771) : La règle générale qu’on peut établir à ce sujet, est qu’en matière criminelle le faux témoin doit être puni de la peine du talion ; c’est-à-dire de la même peine dont devait être puni l’accusé contre lequel le faux témoin a déposé, si cet accusé eût été déclaré coupable.
Code de Gia Long, art. 373 : Si des témoins ne disent pas la vérité et font volontairement un faux témoignage… ils seront punis de la peine des coupables du crime de l’espèce, diminuée de deux degrés.
- L'intérêt protégé. Le crime de faux témoignage ne s’analyse pas seulement en une infraction contre la personne qui en est victime, mais encore et surtout en une infraction contre la Justice, contre le Prince au nom de qui la Justice est rendue (crime de lèse-Majesté), et contre la Divinité invoquée (péché mortel).
Garcillasso de la Vega (Histoire des Incas) : Quand ils entendaient quelque témoin les juges se contentaient de lui dire : « Promettez-vous d’avouer la vérité de l’Inca ? ». A quoi le témoin répondait : « Oui, je le promets ». Il arrivait rarement que les témoins osassent mentir ; car si l’affaire était importante, on les faisait mourir bien souvent, non pas tant pour la faute qu’ils avaient commise dans leur déposition, que pour avoir menti à l’Inca, et violé sont ordonnance qui leur commandait expressément de dire la vérité.
Vittrant (Théologie morale) : Le faux témoignage est la déposition mensongère faite en justice sous la foi du serment. Cet acte –contraire à la justice privée et à la justice sociale- comporte en plus, si on a prêté un serment religieux, une faute grave contre la religion.
Von Liszt (Traité de droit pénal allemand) : Les infractions de parjure sont dirigées contre l'administration de l'État en général, et contre l'administration de la justice en particulier.
Code pénal d'Andorre. L'Administration de Justice. Art. 107- : Quiconque se sera rendu coupable, au cours d'une procédure judiciaire, d'un faux témoignage... sera puni d'un emprisonnement d'un maximum de trois ans.
Les agissements punissables. Le crime est généralement considéré comme accompli dès l'instant où le témoin a achevé sa déposition, sciemment mensongère. Mais, la plupart des législateurs laissent une dernière chance à la vérité de se manifester : à cette fin ils disposent que, s'il se rétracte avant la fin des débats, le parjure bénéficie d’une excuse absolutoire ou atténuante lui permettant d’échapper totalement ou partiellement aux rigueurs de la loi.
Code pénal suisse. Art. 307 : Celui qui, étant témoin, expert, traducteur ou interprète en justice, aura fait une déposition fausse sur les faits de la cause, fourni un constat ou un rapport faux, ou fait une traduction fausse sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l’emprisonnement.
Art. 308 : 1 - Si l’auteur d’un crime ou d’un délit prévu aux articles 303, 304, 306 et 307 a rectifié sa fausse dénonciation ou sa fausse déclaration de son propre mouvement et avant qu’il en soit résulté un préjudice pour les droits d’autrui, le juge pourra atténuer librement la peine (art. 66); il pourra aussi exempter le délinquant de toute peine.
2 - Si l’auteur d’un crime ou d’un délit prévu aux articles 306 et 307 a fait une déclaration fausse parce que, en disant la vérité, il se serait exposé ou aurait exposé l’un de ses proches à une poursuite pénale le juge pourra atténuer librement la peine (art. 66).
Code pénal de Colombie. Art. 442. Faux témoignage. Celui qui, lors d'une déposition judiciaire ou administrative, sous la foi du serment devant l'autorité compétente, manque à la vérité ou la trahit totalement ou partiellement, encourt de quatre à huit ans de prison.
Art. 443. Circonstance atténuante. Si le responsable des agissement décrits dans l'article précédent se rétracte dans la même affaire... la peine encourue sera diminuée de moitié.
Code pénal du Japon. Art. 169 - (parjure) : Quand un témoin, qui a prêté serment selon la loi, aura donné un faux témoignage, il se verra infliger une peine de d'emprisonnement de 3 mois à 10 ans.
- Droit positif français. L'infraction de faux témoignage est incriminée par les art. 434-13 C.pén. et s. (anciens art. 361 et s.). Le législateur a retenu une excuse absolutoire tirée du fait que, avant la clôture des débats, le témoin a rectifié une déposition erronée.
Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de la justice quant à la réunion des preuves (en droit positif français)
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Les différentes composantes de l'infraction peuvent être groupées en deux séries : il faut une déposition, faite en justice et sous serment ; il faut d'autre part une altération de la vérité, exprimée matériellement par certaines formes de mensonge, causant préjudice à autrui, et faite dans l'intention de tromper la justice.
Cass.crim. 3 juin 1846 (S. 1846 I 652) : Le faux témoignage résulte d’une déposition contraire à la vérité, faite sciemment sous la foi du serment, à l’audience d’une cour ou d’un tribunal, contre un prévenu ou en sa faveur ; néanmoins, le témoin qui a fait une telle déposition peur encore, jusqu’à la clôture des débats, la rectifier, le modifier et même la rétracter entièrement sans être inculpé de faux témoignage, par ce que, dans ce cas, il est rentré, en temps utile, dans la voie de la vérité.
Cass.crim. 27 janvier 1960 (Bull.crim. n° 49 p.103) : Le faux témoignage est punissable dès lors que l’altération de la vérité, affectant la déposition faite en justice, porte sur une circonstance présentant un intérêt dans l’affaire.
Cass.crim. 11 avril 1964 (Bull.crim. n°112 p.251) : Le faux témoignage ne peut être excusé sous le prétexte que le témoin n’aurait pu dire la vérité sans s’exposer à un dommage grave et inévitable à sa liberté ou à son honneur. La loi ne distingue pas la fausse affirmation en défense personnelle du faux témoignage.
FAVORITISME
- Cf : Corruption*, Népotisme*, Pouvoir (abus de)*, Prise illégale d'intérêt*, Probité*, Trafic d’influence*.
- Notion. On connaît actuellement, sous le nom de favoritisme, le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, d’accomplir un acte de nature à procurer à autrui un avantage lors de la passation d’un marché public.
Dictionnaire Petit Robert : Favoritisme - Attribution de situations, d'avantages, par faveur et non selon la justice et le mérite.
Code pénal du Cameroun. Art. 143 - Favoritisme : Est puni d'un emprisonnement de un à cinq ans tout fonctionnaire qui décide par faveur ou par inimité contre l'une des parties.
- Règle morale. Tout comme la corruption ou la prise d'intérêt dans une affaire que l'on a en charge de contrôler, le favoritisme est à l'évidence entaché d'immoralité.
Proal (La criminalité politique) : En développant le favoritisme, la politique organise la mendicité ; elle favorise l'intrigue ; elle décourage le travail. Les citoyens qui sont toujours à l'affût d'un emploi, en quête d'une place, acquièrent du flair et de la souplesse, mais ils perdent leur dignité. L'extension abusive du fonctionnarisme rend, en outre, impossible la sincérité des élections. Les fonctionnaires sont si nombreux, et la pression qu'ils exercent est si forte, qu'elle empêche la volonté du pays de se manifester librement.
Guérin (Juris-classeur pénal, art. 432-14) : L’incrimination du favoritisme a eu pour objectif de moraliser la vie économique et financière, à la suite de ce que l’on a appelé « les affaires » où, à la fin des années 1980, ont été dévoilées des ententes dans les marchés publics entre des sociétés commerciales soumissionnaires et des représentants de l’autorité publique, donnant lieu à des versements de fonds, notamment au profit des partis politiques.
Mazars (Gestion publique locale et devoir de probité - Gaz.Pal. 21 avril 2012 p. 8) : Les délits de prise illégale d'intérêts et de favoritismes entachent la gestion publique locale. Dès lors, leur sanction est particulièrement importante pour assurer la transparence et une meilleure effectivité de cette gestion.
- Science criminelle. Le délit de favoritisme fait parti de la famille des délits contre les finances publiques ; il s'analyse par suite en une incrimination de police des affaires. Il doit donc être incriminé en tant que délit formel, indépendamment du point de savoir si l'acte perpétré a ou non produit un résultat défavorable à la collectivité ; son élément moral est réduit au plus simple dol général.
Jeandidier (Droit pénal des affaires) : L'élu qui commet le délit de favoritisme attend souvent des retombées au niveau du financement de son mouvement politique.
Véron (Droit pénal spécial) : L'élément matériel du délit consiste dans le fait, pour une personne dépositaire de l'autorité publique... de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés passés par l'État et les collectivités publiques .
Code annamite de Gia Long de 1812. Art. 169 : Tout fonctionnaire, tout employé ou toute autre personne qui ... pour autrui aura fait des incitations tendant à fausser les règles au sujet d'une affaire publique sera puni de cinquante coups de rotin ; du moment où il y aura eu incitation, sans distinguer si les incitations ont ou n'ont pas été suivies d'effet.
- Droit positif. Sous le titre « Des atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public », l'article 432-14 C.pén. incrimine ce qu'il est convenu d'appeler le délit de favoritisme.
Cass.crim. 15 septembre 1999 (Droit pénal 2000 Comm. 28) : Caractérise le délit de l’art. 432-14 l’arrêt qui retient que l’entreprise D… a été favorisée, notamment par l’admission d’une procédure d’urgence, dans le marché de réhabilitation de la patinoire.
Cass.crim. 29 juin 2011 (n° 10-87498, Gaz.Pal. 25 août 2011 note Lasserre Capdeville) sommaire : Est coupable des délits de favoritisme et de prise illégale d'intérêts le maire qui demande à l'entreprise attributaire d'un marché public de réaliser des travaux non compris dans le marché initial sans respecter le formalisme prévu afin de favoriser l'un des membres du conseil municipal.
Cass.crim. 5 mai 2004 (Bull.crim. n° 110 p.423) : Le délit de favoritisme est une infraction instantanée qui se prescrit à compter du jour où les faits le consommant ont été commis.
Cass.crim. 14 décembre 2011 n° 11-82854 (Gaz.Pal. 21 avril 2012 p. 36) sommaire : L'élément intentionnel du délit de favoritisme est caractérisé par l'accomplissement, en connaissance de cause, d'un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public.
A découvrir aussi
- Une enquête est ouverte pour des suspicions de faits de maltraitance à l'IME de Monchy-le-Preux
- Colonna: un pourvoi en cassation de la défense
- L'avocat est soumis à des règles professionnelles et déontologiques