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Fiche thématique – Santé mentale Février 2011

 

Fiche thématique – Santé mentale Février 2011

Cette fiche ne lie pas la Cour et n’est pas exhaustive

Santé mentale

La « vie privée » (art.8) recouvre l’intégrité physique et morale de la personne

« La sauvegarde de la stabilité mentale est un préalable inéluctable à la jouissance effective du droit au respect de la vie privée » (Bensaid c. Royaume-Uni 06.02.2001)

L’ingérence dans la vie privée doit être prévue par la loi.

A.G. c. Suisse (09.04.1997, requête irrecevable). La Cour dit que « la décision de placer une personne sous tutelle constitue une ingérence dans la vie privée qui doit être prévue par la loi et inspirée par un but légitime ».

Storck c. Allemagne, 16.06.2005 : violation de l’article 8 et de l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) concernant les internements de la requérante qui n’avaient pas été ordonnés par une décision de justice.

Cette affaire concernait également la médication forcée. Concernant ce grief, le Cour conclut à une non-violation de l’article 8 (il n’a pas été prouvé que la requérante n’avait pas valablement donné son consentement au traitement médical). Dans l’affaire Schneiter c. Suisse (31.03.2005, requête irrecevable), la Cour dit que le grief sous l’article 8 est mal fondé car la médication forcée avait une base légale et visait un but légitime (la protection des droits et libertés d'autrui). Le requérant, soigné dans un hôpital psychiatrique pour divers troubles maniaco-délirants et une polytoxicomanie, avait frappé une infirmière au visage.

Shopov c. Bulgarie, 02.09.2010 (non définitif): imposition de soins psychiatriques pendant plus de cinq ans. Violation de l’article 8: l’ingérence continue dans le droit au respect de la vie privée du requérant avait une base légale, mais le contrôle judiciaire à intervalles réguliers prévu par la loi pertinente n’a pas eu lieu.


�� X et Y c. Pays Bas, 26.03.1985 : jeune fille de 16 ans, handicapée mentale, abusée sexuellement par le gendre de la directrice du foyer privé pour enfants atteints de déficience mentale où elle vivait.

Violation de l’article 8 : la loi néerlandaise ne permettait pas de faire engager des procédures en cas de violences sexuelles sur une mineure de plus de 16 ans et handicapée mentale.



�� Bensaid c. Royaume-Uni, 06.02.2001 : traité pour schizophrénie, le requérant se plaignait que son expulsion envisagée vers l’Algérie aurait pour conséquence de le priver des soins médicaux appropriés, ce qui menacerait son intégrité physique et morale.

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Non-violation de l’article 8 : pour la Cour, le risque pour la santé mentale du requérant se fondait sur des facteurs très hypothétiques, et il n’a pas été établi que cette situation aurait des répercussions importantes sur son intégrité morale.



�� K. et T. c. Finlande, 12.07.2001 : placement des enfants de la requérante, hospitalisée à plusieurs reprises pour schizophrénie. Violation de l’article 8 en raison du placement de l’un des enfants, et non-violation de cette disposition pour l’autre enfant. Ce dernier, confié par les requérants à un foyer, avait besoin de soins particuliers appelant une prise en charge d’urgence.


Question de la capacité juridique

Chtoukatourov c. Russie, 27.03.2008 (voir aussi infra) : requérant placé sous tutelle à la demande de sa mère. Violation de l’article 8: le tribunal s’est basé sur un rapport médical qui n’aurait pas analysé assez en profondeur le degré d’incapacité du requérant.

Berková c. Slovaquie, 24.03.2009 : requérante atteinte d’un trouble mental mise sous tutelle. Violation de l’article 8 car elle a été empêchée pendant trop longtemps de demander le rétablissement de sa capacité juridique.

Salontaji-Drobnjak c. Serbie, 13.10.2009 : mise sous tutelle du requérant, diagnostiqué de paranoïa processive. Violation de l’article 8 en raison de l’importance de la restriction à la capacité juridique du requérant (impossibilité de prendre part à des actes juridiques, de solliciter une pension d’invalidité, de décider de son propre traitement médical), et du caractère vicié de la procédure pour se prononcer sur la capacité juridique.

Affaire pendante (déclarée recevable en janvier 2011) : Aleksandr Petrovich Lashin c. Russie : incapacité juridique décidée par les tribunaux à l’encontre du requérant souffrant de schizophrénie et par la suite interné en hôpital psychiatrique.

Sous l’angle de l’article 5 §§ 1 et 4 (droit à la liberté et à la sûreté), il se plaint de l’illégalité et du caractère arbitraire de son internement, et de l’impossibilité de le contester. Sous l’angle de l’article 8 (droit au respect de la vie privée), il se plaint de la privation de sa capacité juridique et de l’impossibilité d’obtenir un examen effectif de sa situation. Invoquant l’article 12 (droit au mariage), combiné avec l’article 13 (droit à un recours effectif), il se plaint de n’avoir pu contracter mariage avec sa fiancée.

Internement

Article 5 § 1 : Droit à la liberté et à la sûreté

Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (…)

e) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné*, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond.

* « Ce terme ne se prête pas à une interprétation définitive: (…) son sens ne cesse d’évoluer avec les progrès de la recherche psychiatrique, la souplesse croissante du traitement et les changements d’attitude de la communauté envers les maladies mentales ».1

Pour être conforme à la Convention, la détention d'un aliéné doit respecter les critères énoncés dans l'arrêt Winterwerp c. Pays Bas (24.10.1979), à savoir :

1 Winterwerp c. Pays Bas, § 37 Fiche thématique – Santé mentale 3


il doit avoir été établi de manière probante, au moyen d'une expertise médicale objective, que le patient souffre d'un trouble mental réel ;


le trouble doit revêtir un caractère ou une ampleur légitimant l'internement ;


l'internement ne peut se prolonger valablement sans la persistance de pareil trouble



�� Ashingdane c. Royaume-Uni, 28.05.1985 : non-violation de l’article 5 § 1 : bien que le requérant, souffrant de schizophrénie paranoïde, ait été exposé au régime plus strict d’un nouvel établissement psychiatrique, pendant dix-neuf mois de plus que ne l’exigeait son état mental, le lieu et les modalités de son internement n’ont pas cessé de correspondre à "la détention régulière d’un aliéné".



�� Johnson c. Royaume-Uni, 24.10.1997: le requérant – auteur de diverses infractions – avait été placé en institution psychiatrique de haute sécurité sur ordre du juge en 1984 et dont la libération a été ordonnée en 1989, son internement ne se justifiant plus. Violation de l’article 5 § 1 e) en raison de la prolongation de l’internement après cette date (absence de garanties adéquates, notamment un contrôle juridictionnel assurant que la libération du requérant ne soit pas retardée de manière excessive).


�� Aerts c. Belgique, 30.07.1998 : maintien du requérant dans l’annexe psychiatrique d'un établissement pénitentiaire ordinaire, et non dans un établissement de défense sociale désigné par la commission de défense sociale compétente. Violation de l’article 5 § 1 : l'annexe psychiatrique ne pouvait être considérée comme un établissement approprié à la détention d'aliénés



�� Nielsen c. Danemark, 28.11.1998 : non-violation de l’article 5 § 1 : l’hospitalisation en psychiatrie infantile du requérant, qui souffrait de problèmes nerveux et dont les parents se disputaient la garde, « relevait de l’exercice, par une mère consciente de ses responsabilités, de ses droits parentaux dans l’intérêt de l’enfant ».


�� Varbanov c. Bulgarie, 05.10.2000 : requérant conduit de force dans un hôpital psychiatrique en vue de réaliser des examens, sur ordre du procureur dans le cadre d’une procédure judiciaire. Violation de l’article 5 § 1 : la privation de liberté du requérant était dépourvue de base légale et le droit interne ne fournissait pas la protection requise contre l’arbitraire.



�� Hutchinson Reid c. Royaume-Uni, 20.02.2003 : non-violation de l’article 5 § 1 : considérant le risque que le requérant, interné en établissement psychiatrique, commette d’autres infractions, probablement à connotation sexuelle, la décision de ne pas le libérer, qui avait une base légale en droit interne, était justifiée.



�� Herz c. Allemagne, 12.06.2003

Non-violation de l’article 5 § 1 e) : l’internement provisoire avait pour objectif d’établir si l’intéressé souffrait d’une maladie psychique et avait été ordonnée par le tribunal sur la base d’un avis médical.

Violation de l’article 5 § 4 : le fait qu’une mesure d’internement provisoire ait expiré ne saurait priver l’intéressé du droit à faire contrôler la légalité de cette mesure.

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�� Nowicka c. Pologne, 03.12.2003. Violation de l’article 5 § 1 en raison de la détention de la requérante pendant 83 jours pour la réalisation d’examens psychiatriques, ordonnés dans le cadre de poursuites engagées à la suite d’un conflit de voisinage.


�� M.R.L et M.-J.D. c. France, 19.05.2004 : violation de l’article 5 § 1 e) : le maintien dans les locaux de l’infirmerie psychiatrique n’avait aucune justification médicale, mais tenait à des raisons purement administratives (le requérant avait été conduit à l’hôpital, suite à un conflit de voisinage, où il fut présenté à un psychiatre qui, ne pouvant poser de diagnostic précis sur son état psychique, décida de le faire conduire à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police).



�� H.L. c. Royaume-Uni, 05.10.2004 : internement d’office d’un autiste qui avait montré un comportement agité. Violation de l’article 5 § 1 : du fait de l’absence de règles et de limites procédurales, les professionnels médicaux de l’hôpital, très certainement de bonne foi, ont assumé un contrôle total sur la liberté et le traitement d’une personne vulnérable et incapable.



�� Enhorn c. Suède, 25.01.2005 : violation de l’article 5 § 1 : d’autres mesures moins rigoureuses que l’isolement obligatoire, pour empêcher le requérant de propager le VIH, n’ont pas été envisagées. En prolongeant pendant près de sept ans la décision de placement en isolement obligatoire du requérant, les autorités n’ont pas ménagé un juste équilibre entre la nécessité d’éviter la non-propagation du VIH et le droit du requérant à la liberté.



�� Schneiter c. Suisse, 31.03.2005 : Requête irrecevable (grief sous l’article 5 § 1 mal fondé) : le placement du requérant en cellule d'isolement est intervenu « selon les voies légales ». Ce placement n’était pas arbitraire car le requérant, se trouvant déjà privé de liberté car soigné à l'hôpital psychiatrique pour divers troubles maniaco-délirants et une polytoxicomanie, constituait probablement un danger pour lui-même et autrui (conflit avec son père, coup porté au visage d’une infirmière).



�� Storck c. Allemagne, 16.06.2005 : violation de l’article 5 § 1 et de l’article 8 car le placement de la requérante dans une clinique privée n’a pas été autorisé par une décision de justice.


�� Gajcsi c. Hongrie, 03.10.2006 : violation de l’article 5 § 1 : les juridictions ont ordonné la prolongation du traitement psychiatrique obligatoire dispensé au requérant sans l’appréciation de la dangerosité du patient exigée par le droit interne.


�� Filip c. Roumanie, 14.12.2006 : internement psychiatrique ordonné par le parquet, après que le requérant s’est rendu coupable d’outrage à la cour (dans le cadre d’une procédure pénale engagée par lui contre son ex-épouse et son fils). Violation de l’article 5 § 1 en raison de l’absence de base légale à cet internement.



�� Gouloub Atanassov c. Bulgarie, 06.11.2008 : violation de l’article 5 § 1 : le transfert du requérant – qui faisait l’objet de poursuites pénales – depuis son domicile où il était assigné à un hôpital psychiatrique, où il fut interné pendant vingt-six jours pour y subir des examens, n’était pas fondé sur une décision valable prise par l’autorité compétente.



�� Shopov c. Bulgarie, 02.09.2010 (non définitif): imposition de soins psychiatriques pendant plus de cinq ans. Violation de l’article 5 § 1: le procureur et la police ont

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outrepassé les limites du jugement, qui ordonnait un traitement en hôpital de jour, et non en établissement psychiatrique.


Dans ces affaires, la Cour a également prononcé des violations des articles :

-5 § 3 (droit pour une personne privée de liberté à être aussitôt traduite devant un juge, d’être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure) :

Winterwerp c. Pays Bas, 24.10.1979

-5 § 4 (droit pour une personne privée de liberté de voir examinée la légalité de sa détention par un tribunal) :

Varbanov c. Bulgarie, 05.10.2000

Hutchinson Reid c. Royaume-Uni, 20.02.2003

Megyeri c. Allemagne, 12.05.1992 : défaut d’assistance d’un homme de loi demandée par le requérant – interné dans un hôpital psychiatrique – dans le cadre de l’examen annuel de son dossier par les tribunaux.

Chtoukatourov c. Russie, 27.03.2008

Gouloub Atanassov c. Bulgarie, 06.11.2008

H.L. c. Royaume-Uni, 05.10.2004

-5 § 5 (droit à réparation pour une personne privée de liberté dans des conditions contraires à l’article 5) :

Gouloub Atanassov c. Bulgarie, 06.11.2008

-6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) :

H.F. c. Slovaquie, 08.11.2005 (procédure de privation de la capacité juridique)

Chtoukatourov c. Russie, 27.03.2008

Salontaji-Drobnjak c. Serbie, 13.10.2009

Nenov c. Bulgarie, 16.07.2009 : violation de l’article 6 § 1 en raison de l’absence d’un avocat pour que le requérant – souffrant d’une maladie psychique, raison pour laquelle son ex-épouse demandait une modification du droit de visite à leurs enfants – puisse défendre efficacement sa cause.

Dans l’affaire C.B. c. Roumanie, 20.04.2010, la Cour a prononcé deux violations de l’article 5 (§§ 1(e) et 4).

Violation de l’article 5 § 1 e), car l’internement du requérant dans le cadre d’une procédure engagée à son encontre par un policier pour dénonciation calomnieuse était irrégulière (internement basé sur les doutes des enquêteurs quant à la santé mentale du requérant et sur l’attestation médicale d’un médecin généraliste ne l’ayant jamais vu ; pas de mesure alternative examinée ; utilisation de la force lors de l’arrestation).

Violation de l’article 5 § 4 : la mesure d’internement n’a été soumise à aucun contrôle juridictionnel.

Dans l’affaire Chtoukatourov c. Russie (27.03.2008), la Cour a conclu à la violation des articles 6 § 1, 8, 5 §§ 1 et 4.

Violation de l’article 5 § 1 : la décision d’hospitalisation a été prise uniquement à partir de la situation juridique du requérant telle qu’elle avait été définie dix mois auparavant. La Cour considère donc qu’il n’a pas été « établi de manière probante » que l’état mental du requérant rendait son internement nécessaire.

Violation de l’article 5 § 4 : le requérant n’avait aucune voie de recours pour contester son maintien à l’hôpital étant donné qu’il avait été déclaré incapable. Fiche thématique – Santé mentale 6

Violation de l’article 6 § 1 : la procédure visant à priver le requérant de sa capacité juridique à la demande de sa mère était entachée de vices de procédure (en particulier une audience de dix minutes).

Violation de l’article 8 (voir supra).

Violation de l’article 34 (droit de recours individuel): la Russie n’a pas respecté la mesure provisoire indiquée par la Cour (selon laquelle le requérant et son avocat devaient se voir fournir le temps et les facilités nécessaires pour préparer la requête devant la Cour).

Affaire pendante : Stanev c. Bulgarie. Le requérant, sur décision de justice, et à la demande de certains membres de sa famille, fut mis sous curatelle, puis placé dans un foyer social pour personnes atteintes de troubles psychiques. Il se plaint notamment d’avoir fait l’objet d’une privation irrégulière et arbitraire de liberté ainsi que du régime de curatelle.

La Chambre à laquelle cette affaire avait été attribuée s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre. Une audience de Chambre a eu lieu dans cette affaire le 10.11.2009 et une audience de Grande Chambre a eu lieu le 09.02.2011.

Santé mentale dans l’armée

Dans ces affaires, la Cour a constaté des violations de l’article 2 (droit à la vie), en particulier car le cadre réglementaire s’est révélé défaillant concernant l’encadrement des appelés.

Kılınç et autres c. Turquie, 07.06.2005 : appelé, atteint d’une dépression atypique, s’étant donné la mort alors qu’il effectuait son service militaire obligatoire.

Violation de l’article 2

Abdullah Yılmaz c. Turquie, 17.06.2008 : appelé qui s’est suicidé alors qu’il effectuait son service militaire obligatoire, et après avoir été réprimandé et brutalisé par le sergent. Violation de l’article 2 (notamment, inaptitude flagrante du sergent d’assumer les responsabilités d’un professionnel de l’armée censé protéger l’intégrité physique et psychique des appelés placés sous ses ordres).

Servet Gündüz et autres c. Turquie,11.01.2011 : suicide en 2002 d’un appelé alors qu’il effectuait son service militaire obligatoire à Hakkari, département frontalier du Sud-Est de la Turquie. Le jeune homme s’était donné la mort en marchant sur une zone minée, après une dispute avec son supérieur hiérarchique.

Violation de l’article 2

Contact presse : Céline Menu-Lange

celine.menu-lange@echr.coe.int



16/12/2011
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