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Introduction Historique du droit

 

Préambule :

 

 L’Histoire est une condition nécessaire au savoir critique et détient une finalité professionnelle. Elle va être considérée comme la science du changement du passé pour permettre de maîtriser les changements du présent. Les termes juridiques ont une très lointaine origine. Comment les mécanismes judiciaires ont-ils évolué ? L’Histoire juridique a ses rythmes et ses évolutions économiques et sociales spécifiques. On a des repères classiques dont on distingue quatre grandes périodes historiques : l’Antiquité (VIIIe, VIIe siècle av. JC - 476 ap. JC) avec, en 476, la Chute de Rome, siège de l’Empire romain, par l’invasion des Barbares ; le Moyen-Âge (476-1453) avec, en 1453, la Chute de l’ Empire byzantin ; les Temps Modernes, caractérisés par la Renaissance, marquée elle par des règles et principes juridiques, des découvertes, des changements majeurs nouveaux qui nous influencent encore aujourd’hui ; puis enfin la période contemporaine (1789 - à nos jours) avec en 1789 la chute de la monarchie absolue et un changement majeur dans l’organisation du pouvoir politique. En 1789, un grand principe important qui est celui de la liberté, produit une rupture considérable avec la période d’avant la révolution. En effet, la liberté était autrefois rare dans toute activité car tout était soumis à un principe d’ordre autre que le nôtre aujourd’hui. C’est en 1789 que l’on va affirmer solennellement la liberté, donnant ainsi lieu à des divisions très importantes dans nos institutions.

 

 

PREMIERE PARTIE : L’ANCIEN REGIME

 

La notion d’Ancien Régime est apparue à la fin du XVIIIème siècle. Ce sont les révolutionnaires qui ont utilisé abondamment ce terme, dans un sens critique, pour désigner tout ce que l’on voulait supprimer, pour un nouveau régime. Cette expression n’existait pas, car c’est difficile de désigner ce que l’on veut, au contraire de ce que l’on veut supprimer : tout d’abord, une forme d’organisation politique, la monarchie absolue : le roi gouvernait seul, ce qui est anti démocratique. En 1789, la monarchie n’était pas vraiment rejetée, mais plutôt son caractère absolu. On veut également et surtout rejeter une organisation économique et sociale, le régime féodal. Ce régime, pour les hommes de 1789, était l’ennemi absolu, car il avait permis l’absence de liberté, la monarchie absolue et l’Ancien Régime. L’importance de ce régime peut se comprendre par l’origine du terme « féodal » qui vient de « fief », institution juridique et politique née au Moyen-Âge, mais aussi ensemble de terres et de droits qui étaient propriétés de seigneurs, qui étaient à l’origine des guerriers récompensés par et sur ordre du roi. Ces seigneurs avaient donc certains droits de puissance publique et politique qu’ils exerçaient au nom du roi : rendre la justice, prélever l’impôt, organiser l’armée, faire la guerre, diriger des terres agricoles. Mais, par suite d’un affaiblissement du pouvoir royal, ces seigneurs se sont appropriés ces droits. Ce système avait largement fonctionné au Moyen-Âge (jusqu’au 16ème siècle), car le roi était faible. Mais peu à peu, le roi récupère du pouvoir, et progressivement se forme la monarchie absolue, et il récupère le pouvoir politique. Les seigneurs vont néanmoins conserver certains droits et privilèges (justice, prélèvements fiscaux…) Tout un système qui était contraignant pour tous ceux qui voulaient liberté d’action et liberté économique par exemple. Donc on veut condamner ce système qui avait aboutit à cette domination. On s’attaque donc à quelque chose de très complexe. Cette féodalité est un élément important de cet Ancien Régime.

 

Tout d’abord, nous examinerons comment ce régime féodal s’était formé, était apparu.

Ensuite nous verrons de quelle manière il a été transformé et contesté depuis la fin du Moyen-Âge (et le droit.)

Et, pour finir, comment cet Ancien Régime est tombé pour l’ère Libérale en 1789 ?

 

               

CHAPITRE 1 : LA FORMATION DU REGIME FEODAL

 

Introduction générale : L’importance des terres, du domaine, provient du fait que toute la vie économique et sociale s’était formée autour d’un cadre relativement restreint (par rapport aux empires de l’Antiquité) de grands domaines (1 ou 2 départements actuels) où il y avait toujours cette notion de contrôle étroit sur une propriété foncière. Tout ce morcellement était le résultat de la chute de l’Empire Romain. Le pouvoir de l’Empire Romain, qui était une grande structure sophistiquée, est remplacé par le pouvoir d’un Roi (d’origine germanique) qui était à la tête de tribus qui avaient envahi l’Empire Romain pour des terres et des ressources. Ces tribus ont établi différents royaumes (Burgondes …) assez rapidement unifiés au 6ème siècle. Une des tribus a établi une dynastie : c’est un des monarques germaniques, Clovis Ier, roi de la tribu des Francs saliens, à la base de cette unification de l’unité royale : les Mérovingiens. Mais l’Etat n’était pas encore fort malgré ça, car les rois germaniques étaient avant tout des chasseurs, des guerriers, donc pas de création de structures économiques et politiques permanentes. On considérait que le royaume était le domaine personnel du Roi. Donc, à sa mort, le royaume était souvent divisé, et globalement, les unifications politiques n’ont jamais réussi à maintenir une force politique dans le temps.

A partir du 8-9ème siècle, il y a de nouvelles invasions, avides des richesses (nord, sud : Hongrois, Normands, Sarrasins : pillages, razzias : grande insécurité.) Par conséquent, de nombreux chefs de guerre vont avoir un pouvoir important, car ils sont en mesure d’assurer la défense face à ces menaces, organisant ainsi de petites entités politiques autour de leurs châteaux et domaines, d’autant plus facilement que les échanges sont quasi inexistants. Repli sur activité locale, travail de la terre, dur sur place, pas de main-d’œuvre suffisante, et donc, pour la garder, on établit des règles juridiques au profit du seigneur, qui enlève la liberté au peuple car il n’a pas le choix puisque c’est sa défense et sa vie qui sont en jeu.

C’est un contexte économique particulier qui met en place un système juridique nouveau, pour un droit très simple, qui n’a plus beaucoup de relations avec le droit romain complexe et sophistiqué: on se replie sur des coutumes, et le système est faible. C’est une société divisée, hiérarchisée en trois catégories : la noblesse, le clergé, et le Tiers-Etat (les travailleurs) dont les deux premiers ordres bénéficient de privilèges (lois privées.) Dans ces circonstances, nous allons voir que le droit connaît une décadence, celle du droit écrit, à travers laquelle la société est traversée par de nombreux changements.

 

 

La décadence du droit : ce système féodal contraste avec l’éclat de l’Empire Romain, qui a quasiment inventé le droit. Le juriste est un technicien du droit. Face à ce système romain, les tribus germaniques et barbares n’avaient qu’un système très limité : ils ne connaissaient pas l’écrit, il y avait certaines coutumes. L’arrivée des barbares n’entraîne pas la fin du droit écrit romain, car les gallo-romains étaient très nombreux face aux barbares, impressionnés devant les institutions romaines qu’ils tentent d’imiter. Il s’opère une décadence longue. Du 5ème jusqu’au 9ème siècle, ce droit décline, car il a de moins en moins d’importance dans une société pas assez sophistiquée. La coutume prend le pas à partir du 10ème siècle : source essentielle du droit en Occident, même si quelques sources écrites restent marginales : le droit de l’Église se maintient encore et participe même au système juridique, les règles du droit canon (le droit des contrats, du mariage) en sont originaires. La décadence du droit est marquée par trois phénomènes : fin écrit, coutumes, et écrit marginal.

 

 

Section 1 : le déclin du droit écrit

 

Sous l’Ancien Régime, le droit écrit était synonyme de droit romain, dont la perfection impressionnait face aux coutumes barbares. Mais, au début du Moyen-Âge, le droit écrit posait un problème concret car il y a avait de moins en moins de spécialistes pouvant s’en servir, il était donc de moins en moins utilisé. Les rois germaniques étaient conscients de cette décadence, et voulaient développer une législation « germanique », pour offrir un semblant de système juridique, qui ne pouvait remplacer la splendeur du droit romain, et cela poussa finalement le droit écrit vers son déclin (car survivance.)

 

 

I / L’oubli du droit romain

 

Oublié car trop complexe. Le droit romain s’était formé sur presque un millénaire depuis la fondation de Rome, et les sources multipliées étaient trop complexes, tentatives de remise en ordre trop faibles de la part des derniers empereurs ainsi que des premiers rois germaniques, pour le rendre beaucoup plus utilisable : les premiers codes datent de cette époque, mais c’est un échec, car cette remise en ordre est insuffisante. Le droit romain oublié car trop complexe.

 

               

A / La complexité des sources du droit

 

A la fin de l’Empire Romain (le Bas-Empire), la situation du droit est chaotique, car il y a de très nombreuses sources utilisées : les lois légendaires des premiers rois de Rome (6-7ème siècle avant JC), et une autre, la loi des Douze Tables, apparue en 451 av JC à Rome, encore petite cité agraire. Mais ces tables avaient disparues…théoriquement, elles étaient encore en vigueur, bien que très archaïques pour une société urbaine et développée (exemple : le créancier n’arrive pas à se faire payer, il peut donc saisir le débiteur, l’enchaîner, et des parents pouvaient le payer, mais sinon, ils pouvaient le tuer, et on pouvait se partager le cadavre d’après cette loi des Douze Tables.) En réalité, les sources qui fondaient le droit romain apparurent entre le 2ème siècle av JC et 2-3ème siècle ap. JC. Rome classique. Ce droit romain se composait de deux catégories de règles : le jus et les leges : le droit et les lois, en fait on opposait une catégorie du droit formée dans la pratique, le jus, et une catégorie de règles édictées par l’autorité, les leges. Les Romains avaient édifié un droit compliqué, reposant sur la résolution de problèmes pratiques et concrets. Magistrat : le préteur.

                              

 

1 / Le jus :

 

Provient de l’activité de la pratique, activité des magistrats, des juristes, il s’agit de la jurisprudence de la doctrine, mais il faut être prudent. Par magistrat, on n’entend pas juge, mais les administrateurs de la cité de Rome, et actuellement, on dit encore du maire que c’est le premier magistrat de la ville. Un parmi eux, le préteur, est chargé d’organiser la justice dans la ville. Il va s’employer à le développer, tous les jours, en édictant des lois. Ce n’était pas un spécialiste, mais un homme politique, élu pour des mandats courts (1 an), il avait certaines connaissances, mais il ne parvenait pas tout seul à appréhender la complexité des situations. Les juristes, les spécialistes, vont avoir une autorité indispensable pour conseiller le préteur et les plaignants, ils ont donc un rôle très important. On les appelle jurisconsultes (les prudentes), car ils vont essayer de développer un raisonnement adapté et mesuré à chaque affaire. Le droit romain a cette particularité, il utilise le droit prétorien.

               

 

a / L’activité des préteurs

 

Le préteur est donc le magistrat romain, le responsable politique de la cité de Rome, chargé de la justice, même s’il ne jugeait pas lui-même, mais intervenait pour désigner le juge et lui donner l’autorité nécessaire. Sous la République (5 av JC - 1 ap. JC), un procès se déroulait en deux temps distincts selon une méthode : la procédure formulaire, où la formule donnée par le préteur est importante. Les plaignants s’adressent au préteur (sur le forum souvent), et exposent leur problème. Celui-ci essaie de caractériser juridiquement les faits exposés, et va voir si une loi existante donne une action au plaideur. Le droit romain donne une grande importante à la procédure. Ensuite, s’il avait trouvé qu’une action existait, il va nommer un juge, un simple particulier qui allait être chargé d’examiner les faits. Le préteur investissait le juge par cette formule, avant que ce soit écrit : «  Juge, si tu constates que…, condamnes un tel à… » Mais le préteur va être confronté à un certain nombre de faits sans action possible. Le droit romain était extraordinairement formaliste, bâtit autour de rites à accomplir très rigoureusement, avec des termes sacrés. Règles formées à une époque ancienne, avec des aspects sacrés, mais ce cadre ne correspondait plus à grand-chose.

Par exemple, un citoyen romain était envoyé à la guerre. Pendant ce temps, celui-ci ne pouvait pas défendre sa maison par conséquent, et donc ne pouvait prononcer les formules. Au nom de l’équité, le préteur doit innover. Donc celui-ci va utiliser son pouvoir politique pour donner des actions dans des cas non prévus, au début au cas par cas. Ensuite, on constate que les préteurs vont établir un système juridique à leur entrée en fonction, où ils donneront de nouvelles actions dans de nouvelles situations : c’est l’édit du préteur. Ainsi, évolution importante du droit à Rome qui va suivre facilement les besoins économiques et sociaux d’une ville d’abord rurales, puis cité très importante, avec échanges, et c’est géré facilement grâce à la souplesse dans la justice permise par l’édit du préteur.

Mais à partir du 1er siècle après JC, le pouvoir politique est concentré entre les mains de l’empereur. Le préteur subsiste quelque peu, puis l’empereur ne le tolère plus et développe une nouvelle procédure extraordinaire, avec juges et magistrats de carrière, engagés par l’empereur lui-même, qui vont progressivement prendre le dessus sur la procédure ordinaire gérée par le préteur. En l’an 125 a lieu une décision importante, par Hadrien : il s’agit de la codification de la décision des préteurs. Tous les édits des préteurs des années précédentes vont être écrits, et ensuite il n’y en aura plus : c’est l’édit perpétuel du préteur : plus de dynamique juridique, et donc presque fin du droit prétorien, dans la pratique, il est de moins en moins utilisé. L’Empire marque la fin de cette activité du préteur. La fin de la république marque le début d’une grande présence des jurisconsultes.

 

 

b / Les jurisconsultes

 

Les prudentes avaient une activité avant tout de consultation juridique, et ils avaient été formés en général dans la pratique, car il existait peu d’écoles de droit au début, et les novices apprenaient auprès d’un autre. Parfois, ils rédigeaient des actes, différents documents, et assistaient les parties devant le préteur puis les juges impériaux. Ils avaient un rôle important face au préteur, inexpérimenté. Ils vont agir au cas par cas, selon les problèmes qui leurs sont présentés, sur le forum où ils rejoignent leurs clients. Puis ils écrivirent des ouvrages juridiques dès la fin de la république en témoignages d’exemples ; ils furent peu diffusés car la connaissance juridique se diffusait surtout par la parole. Activité importante des jurisconsultes, mais constituent-ils alors une source du droit ? Ces prudentes pouvaient avoir une influence considérable, par leur autorité, leur savoir, leurs arguments…c’est pourquoi les empereurs vont donner un statut officiel à ces jurisconsultes, et vont autoriser le droit de donner des avis à certaines prudentes reconnues, c’est le jus respondendi : droit de consulter. Ceci se fait dès le 1er siècle, où certains jurisconsultes reconnus sont distingués par l’empereur qui a seul le droit de les consulter. Sorte d’homo-logation de certains jurisconsultes pour leurs compétences, ou leur amitié pour le régime parfois. Ensuite, l’empereur Hadrien (début 2ème siècle) va établir un mécanisme extraordinaire au profit de certaines prudentes.

 

Il va ainsi dire : Si plusieurs prudentes reconnues (du jus respondendi donc) s’accordent, le juge doit suivre leur autorité. Ils ont donc autorité de création du droit. L’empereur donne un tel pouvoir, ce qui est étonnant, mais à cette époque-là, la plupart des jurisconsultes étaient de hauts fonctionnaires, et plus de simples particuliers, ils assuraient de hautes fonctions et c’est pourquoi l’empereur avait motif d’avoir confiance. Cela constitue un indice d’une sorte de décadence de la justice, car le juge n’a plus de choix libre, même si l’on considérait que de toute manière il n’était pas assez formé.

 

Enfin, dernière évolution, en 426, l’empereur Théodose II promulgue la « loi des citations. » Il s’agit d’un texte impérial qui distingue les citations de cinq grands jurisconsultes du 2ème siècle (Gaius, Papinien, Paul, Ulpien, Modestin.) L’empereur dit que l’on ne peut plus citer d’autres œuvres, que l’on doit uniquement suivre les avis de ces 5 prudentes. S’il y a divergences entre ces opinions, on prend la majorité, s’il y a égalité, alors il faut suivre ce que dit Papinien. Cette loi témoigne d’une grande décadence du droit romain, parce que comme le dit Théodose, si on suit les écrits des anciens, on ne raisonne plus. L’importance donnée à ces jurisconsultes a eu de grands effets sur le droit romain et ce même après sa chute. Ces prudentes avaient intégré énormément de réflexions éthiques qui se sont maintenues dans la tradition.

 

 

2 / Les leges

 

Il s’agit de ce que l’on pourrait appeler droit : provient d’une décision prise par une autorité, selon certaines formes de présentation de la décision. Les lois à l’époque romaine ont évolué dans leur forme : sous la république, les lois provenaient des décisions du peuple, forme démocratique donc. Mais, à côté de cela, l’organisation concrète de cette république romaine était éloignée de la démocratie : il y avait en effet plusieurs catégories selon les richesses qui avaient plus ou moins de droits… Exemple : la classe des chevaliers, qui étaient peu nombreux, avait une voix, comme la classe des fantassins qui, eux, étaient très nombreux, et par conséquent mal représentés.

Mais ce système là va évoluer avec l’Empire au 1er siècle : concentration des pouvoirs aux mains de l’empereur, et c’est le sénat, alors surtout composé de l’élite de la société, qui vote les lois. Le sénat s’exprime par le biais des sénatus-consultes, textes qu’il a adoptés et qui ont un rôle prépondérant dans l’organisation des structures romaines, dans l’administration, par leur biais, il donne son avis sur les lois et ses textes ont force quasi-obligatoire.

Notons toutefois qu’à cette époque les lois étaient mal connues du fait des difficultés de communication.

 

Après deux siècles d’empire, le pouvoir du sénat disparaît, et l’empereur crée le droit à travers des décisions, les « constitutions impériales », ensemble des décisions - à valeur impérative - de l’empereur. Cette activité de l’empereur va prendre plusieurs formes, mais toujours très limitées, d’où une décadence, car les décisions sont prises dans des cas d’espèces. Ce sont des mandats (circulaires), ordres donnés, donc ce sont des réponses à des situations particulières soumises par les subordonnés. Et aussi, les rescrits, catégorie à part : c’est la réponse que donnait l’empereur, via un acte papier, à un de ses fonctionnaires qui lui demandait son avis.

C’est un système très efficace grâce à une centralisation du pouvoir, mécanique des constitutions impériales qui paraît simple. Mais par rapport à une constitution du droit, le problème est que les « constitutions » oublient toute vue d’ensemble, car elles visent seulement solutions d’espèce. Or le droit vise un ensemble de règles pour la société. Et puis les rescrits ne peuvent pas faire preuve de loi, cela ne prouve rien, et à partir du 3-4ème siècle, les cas ne sont plus développés par des jurisconsultes trop rares. Vers le 5ème siècle, à la fin, toute cette décadence des leges voit apparaître un droit « vulgaire. » C’était un droit connu dans la population, dans la pratique, diffusé de manière orale. Il n’y avait plus aucune certitude d’un droit romain unique. Sorte de coutume, de conscience, de connaissance implicite du droit. Cela dénote l’émiettement de l’empire romain. Rien n’arrivait à le stopper, les rescrits étaient malvenus, la puissance était déclinante. Le pouvoir veut donc remettre en ordre le droit romain. Sursaut au 5ème siècle, qui aboutit cependant par un échec.

 

 

B / L’échec des remises en ordre du droit 

 

Échec des tentatives du pouvoir politique. Le pouvoir politique voyait là un éclatement de l’Empire Romain. L’Empire est proche de sa disparition.

L’idée technique : codifier, réunir le droit existant dans un texte unique, afin qu’il soit mieux connu. Idée de code déjà vers 3-4ème  siècle, mais plus pressante au 5ème siècle : grâce à des progrès techniques : idée de coudre des papiers ensemble, contrairement à la fabrication de rouleaux. Avec cette idée de faire des volumes sur le côté, on pouvait envisager de mettre plus de texte ensemble, en feuilletant. Cette idée de faire un code est mise en œuvre par Théodose II, avec le premier code de l’Histoire (exception faite du code d‘Hammourabi), le code théodosien. Idée poursuivie par certains des rois barbares qui essaieront eux aussi de rédiger des lois, tout en conservant les lois romaines.

 

 

1 / Le code théodosien

 

Célèbre car premier exemple de codification. Un seul volume, qui fera autorité. Cette réalisation menée à partir de l’an 429 veut réunir tous les jus et leges dans un livre. Toute l’œuvre des prudentes reconnues et toutes les anciennes lois réunies. Après plusieurs années, il reprend de nouveau le projet (en 435), il le limite à une compilation des décisions impériales. En 438, le premier code théodosien est achevé par une commission de juristes, mais il montre ses limites tout de suite. Deux problèmes : on s’aperçoit d’abord que le code est incomplet, car pour raisons idéologiques, on ne prenait que les textes des résolutions impériales depuis Constantin (4ème siècle), considérant les anciennes archaïques, alors qu’elles avaient encore valeur de loi. Et puis un problème technique : il est très mal diffusé. Le système de copie officiel était lourd (recopie nombreuses non exemptes d’erreurs.) Aussi, l’empire connu une dégradation et les copies furent mal diffusées, ne peuvent faire face aux lois vulgaires. Les rois barbares vont à leur tour tenter de reprendre le droit romain, de le codifier à leur manière.

 

 

Ci-dessus, la page de garde du Codex Theodosianus, premier livre de codification.

 

                              

2 / Les lois romaines des barbares

 

Au début du 6ème siècle, certains rois se sont confrontés au problème des lois romaines. Deux rois vont s’occuper de cela : Alaric II, roi des Wisigoths, dans le S-O de la France, et Gondebaud, roi des Burgondes (N-E.) Ils demandent de mettre en ordre le droit commun, de prendre le code théodosien, et de rajouter ce fameux jus des jurisconsultes. Réalisations très limitées, et surnoms : Bréviaire (~abrégé) d’Alaric et celle de Gondebaud est encore pire : la loi est appelée le Papien (mauvaise transcription de Papinien.) Extraits, résumés pas toujours fidèles, et donc pas de véritable survie du droit romain…

Mais, à la même époque, en Orient, à Constantinople, Justinien va avoir une action bien plus énergique : commission, compilation très importante, décisions impériales, jurisconsultes. Ce travail ne parviendra toutefois pas en Occident au 6ème siècle, les communications sont rompues. Le droit romain compilé par Justinien ne sera connu qu’à partir du 12-13ème siècle, et les juristes vont pouvoir s’appuyer sur ces textes, retrouvés miraculeusement. Donc en Occident, le droit est plus appliqué.

Ces réalisations limitées ne sont pas totalement remplacées par les actions des rois d’alors. Ils essaient de le faire, d’édicter leurs lois, et donc des sources apparaissent.

 

 

II / Les insuffisances de la législation des monarchies germaniques

 

Les rois des tribus germaniques vont essayer d’édicter un droit écrit, mais contraire à leurs coutumes, il restera inefficace face à l’évolution de la société sédentarisée. Production législative peu importante, à cause de la coexistence des systèmes romain et germanique.

                              

 

A / Une production législative limitée

 

Il y a eu deux étapes dans l’évolution de cette production des structures germaniques. Les différentes tribus ont édicté des lois dites nationales, par le roi. Puis certaine unification, avec production législative : des capitulaires (petits chapitres), sur de petites questions limitées.

 

 

1 / Les lois nationales des barbares

 

La loi Gombette par exemple. Mais la plus célèbre est celle des Francs saliens : la « loi salique. » Disposition qui écartait les femmes du pouvoir politique par exemple : la reine était seulement la femme du roi. Mais également, la loi salique était complexe, mais simple et limitée dans sa technique juridique. C’était des lois pénales, des tarifs des compositions pécuniaires. Presque des amendes, mais là, la répression des crimes et délits fonctionnait sur la vengeance. Cela provoquait des guerres incessantes entre familles des tribus, gênant dès qu’on constatait qu’ils étaient en minorité démographique face aux gallo-romains. Autre mécanisme mis en place par les rois : la compensation en argent : la composition pécuniaire avec l’adversaire. Dispositions particulières selon les cas.

                    

 

2 / Les capitulaires

 

Les capitulaires est un mot venu d’une expression qui vient de « capitula » (« petit chapitre » en latin.)

Ce sont des textes redigés sous une forme logique, rationnelle. Il s’agit de dispositions  prises par les rois mérovingiens puis les rois carolingiens. Ces dispositions sont des règles nouvelles, différentes des lois nationales car elles sont prises par l’autorité royale. Les rois mérovingiens etaient des rois relativement faibles, peu dynamiques, les « rois fainéants » ; parfois ils prenaient des dispositions législatives mais c’était très rare…

Chez les carovingiens, on a affaire à des monarques beaucoup plus énergiques, on a de très nombreux capitulaires, et plus specialement du temps de Charlemagne vers les 7ème et 8ème siècles. Dans un certain nombre de cas, il s’agissait juste de compléter les anciennes lois nationales qui avaient été rédigées et qui etaient désormais quelque peu osbolètes, comme par exemple la loi salique, qui a été remaniée.

 

Ce sont des dispositions nouvelles sur la circonscription du royaume, l’organisation de l’église, il y a également des questions importantes de nature économique sur la gestion des grands domaines des royaumes, les capitulaires des villes qui concernent les villas, les grands domaines du roi et de l’empereur Charlemagne.

Il s’agit de textes plutôt de l’ordre du droit public. L’importance de ces textes est conjoncturelle.

 

Le premier problème qui se posa alors est que les monarchies germaniques avaient une conception personnelle du pouvoir politique : le royaume était considéré comme la propriété du roi et à sa mort il était partagé à son successeur qui n’était pas tenu par ces textes.

Il y avait toujours ce très gros problème que l’on avait déjà rencontré avec le droit romain, c’était la transmission et la connaissance que la population pouvait avoir de ces textes : il n’y avait encore pas de moyens modernes de diffusion.

Ces textes sont recopiés par des moines dans des monastères (textes religieux, littéraires, politiques), ces collections ont joué un rôle important dans la pratique du droit public. Certains de ces recueils capitulaires étaient des faux car certains monastères avaient produit des règles en les faisant passer pour des textes d’autorité royale (il s’agissait de manifester certaines libertés par rapport aux seigneurs.) C’est un problème technique qui frappe fortement le droit écrit, mais il reste encore une autre difficulté : c’est le problème de la personnalité des droits.

 

 

B / Une application délicate

 

 

Le principe de personnalité des droits va etre en vigueur pendant toute la durée des monarchies germaniques (jusqu’à la fin du 10ème siècle) mais on est passé à une confusion de toutes ces lois.

 

 

1 / Le régime de la personnalité des lois

 

 

Ce qu’on appelle la personnalité des lois est un système qui veut que sur un même territoire les individus sont soumis à des lois différentes selon leur appartenance à un groupe nation ou technique, ce qui existait déjà dans le système du droit romain, le droit civil de Rome : c’etait le droit des citoyens romains, qui ne bénéficiaient pas en France de ce droit civil mais du droit naturel.

Les invasions barbares vont entraîner un mélange de conceptions juridiques, ils avaient leurs propres coutumes très différentes des règles romaines. Ces barbares sont assez peu nombreux et tiennent à leurs règles traditionnelles. On garde ce principe de personnalité que le droit romain va continuer à  appliquer, et les barbares vont appliquer en prime leur droit national : il a une cohabitation. C’est une situation qui se maintiendra dans le système colonial par exemple.

 

La méthode de la personnalité des lois voulait que le juge demande aux partis sous quelles lois ils vivaient (loi romaine, loi des Wisigoths.) Toutes ces lois pouvaient être invoquées par les justiciables pour définir de manière rationnelle quelle était la loi applicable.

 

À l’epoque, en principe dans un conflit juridique, on prenait la loi du défendeur. Ce principe aurait répondu à des injustices dans une affaire pénale. Pour avoir plus de justice, Charlemagne a décidé qu’on prendrait la loi du demandeur ou la loi du franc et non la loi romaine. Cette complexité va conduite à l’abandon du système et va engendrer une fusion des lois.

 

     

2 / La fusion des lois

 

Cette fusion entre les différentes sources des règles juridiques a des rythmes différents selon les royaumes germaniques : chez les Wisigoths, 2 siècles auront été nécessaires alors que chez les Francs il en aura pratiquement fallu 4 !

Cette fusion est surtout le résultat des déplacements de population, de la fusion même des différentes ethnies au fur et à mesure : il n’y a plus de clivages aussi nets entre les tribus, la notion de loi nationale devient un peu confuse.

 

Le principe était que l’on suivait la loi de son père, mais parfois la loi de la mère etait prise en compte. Des rapprochements se font entre les traditions… On a une très grande difficulté qui se produit pour le juge qui, au début du système, se voyait obligé de suivre la loi romaine. Ces règles étaient un peu difficiles à connaître pour le juge. La population n’a plus besoin d’avoir cette séparation des règles car après le 8ème siècle la personnalité des lois disparaît, au profit de la territorialité des lois (personnes soumises aux même lois sur un même territoire.)

 

Par ce passage à la territorialité des lois, il y a un changement dans la nature même des lois car auparavant il y avait une difficulté à utiliser les règles de droit écrit. C’est durant la fusion des lois que l’on aura donc une nouvelle source de loi, comme à la fin de l’empire romain avec l’apparition du droit vulgaire. La population va suivre les mêmes règles sans connaître les textes écrits parce que c’est la coutume : il s’agit d’un nouveau règne politique qui est le règne de la coutume.

 

 

Section 2 : Le règne de la coutume

 

La coutume n’est pas à la fin du 8ème siècle une chose nouvelle, on l’a rencontré dans la periode précédente, et on a vu que les tribus germaniques fonctionnaient sur des coutumes nationales. Ce qui est nouveau c’est que la coutume va être la source principale du droit sur un territoire donné et également sur l’ensemble de l’Europe Occidentale pendant plusieurs siècles.

Cette coutume a un règne sans histoire, elle se présente et se transmet sans laisser beaucoup de traces. Pourtant, l’étude de la coutume permet de mieux comprendre comment se forme le droit : pourquoi la politique suit-elle des règles de droit ?

Définissons d’abord la coutume : d’où vient-elle ?

 

 

I / La définition de la coutume

 

Coutume : ensemble de règles de droit formé par des usages suivis pendant de longues durées au sein d’un groupe social. D’habitude on dit que la coutume est une source orale du droit, et qu’elle s’oppose au droit ecrit : autrefois la coutume était quelque chose qui se transmettait essentiellement à l’oral, on s’adressait aux anciens de la tribu qui savaient coment faire les choses.

 

L’oralité est tout à fait secondaire dans les critères de la coutume. Le critère de l’oralité n’est pas suffisant pour distinguer la coutume de la loi, dont la source est une décision d’autorité, du pouvoir législatif qui est séparé sous forme écrite. La coutume trouve sa valeur dans une production spontanée, par le groupe social qui va créer ce droit, par la pratique et son adhésion à cette pratique.

Premier élément : la prise en compte d’usages ;

Deuxième  élément : l’adhésion à un groupe social.

 

 

A / les usages

 

A la base de la coutume, on a des faits, des actes, des comportements d’individus à propos de tel ou tel rapport juridique. Par exemple on doit payer un loyer à telle date…

Ces pratiques sont suivies par la population parce que parfois il s’agit simplement de bon sens, dans les méthodes d’exploitation rurale qui vont devenir obligatoires et donc de coutumes. Certaines pratiques reposent sur le souvenir d’anciennes règles de droit, par exemple de l’Empire romain. On a plus les textes mais on s’en souvient et continue à les pratiquer. Ces pratiques, à force d’être suivies, deviennent une coutume, il y a des usages qui deviennent coutumes, mais ce n’est pas le cas de tous les usages (tous les usages ne deviennent pas forcément une coutume, ce n’est pas obligatoire car il n’y a pas de sanction.) Cette transformation des usages en règles du droit va entraîner le fait que l’adhésion du groupe social à ces règles de droit rendra ces usages obligatoires.

 

 

B / L’adhésion du groupe social

 

Comment manifeste-t-il son adhésion ? Surtout pas par un vote sinon on serait dans une méthode parlementaire,mais cette adhésion se manifeste par une répétition paisible pendant une longue durée.

 

Il y a 3 éléments qui ont pu nous faire comprendre ce mécanisme :

- les faits doivent etre répétés « une fois n’est pas coutume » (quand un fait existe dans une matiere tout à fait individualiste, on a pas cette répétition.) Pour les actes de la vie courante, on peut s’attendre à ce qu’il y ait beaucoup de répétitions pour que cela devienne obligatoire. Pour les actes peu fréquents, il suffit peut-être de 2 ou 3 fois pour qu’ils deviennent de coutume.

- il faut une répétition paisible, il ne doit pas y avoir de contradiction contre cette pratique, qu’elle soit acceptée. Il n’y a pas de vote, c’est quelque chose qui se forme dans les faits, progressivement.

- il faut que cela se fasse sur une longue durée. C’est un point un peu voisin du nombre de répétitions nécessaires. Cela dépend des faits concernés.

 

Pour qu’il y ait véritablement une longue durée, il faut que la coutume soit immémoriale : on ne peut se souvenir d’une coutume contraire tant qu’il reste encore quelques vestiges d’autres règles car on est plutôt dans une phase de création des coutumes. Lorsque la coutume est installée, on va alors parler de l’opinion juris : c’est la conscience qu’on va avoir d’une telle règle obligatoire. C’est un élément qui montre la formation spontanée de la règle du droit.

C’est très différent de nos sources du droit aujourd’hui, qui ont un rôle complémentaire par rapport à la règle autorisée.

Exemple : en droit du travail, on va dire qu’il y a un délai de pré-avis en cas de licenciement fixé par les usages et par la loi. Seule la durée du pré-avis est fixée par l’usage. On est donc pas dans la situation d’une règle coutumière.

En matière des lois rurales, les plantations doivent être à une certaine limite du terrain, il y a une distance de plantation qui peut être fixée par les usages locaux.

L’obligation ne résulte pas des usages et des coutumes mais de la loi.

L’usage ne joue alors qu’un rôle complémentaire de la loi, ce qui n’etait pas le cas avant.

 

 

II / Les caractères de la coutume

 

C’est une source du droit qui est très bien adaptée à son époque (9e-12e siècle) car elle présente des caractères de souplesse et d’inertie. Ces caractères ont joué un rôle dans des situations différentes pour des personnes différentes, mais finalement tout le monde a pu trouver son compte et être satisfait.

 

Quels étaient les avantages de cette souplesse ?

La coutume est formée spontanément par la pratique au sein d’un groupe social. On peut alors facilement suivre les variations des besoins de ces groupes sociaux. A cette époque, l’activité économique, la vie sociale, qui se sont repliées sur des petites structures (villages et quelques groupes de villages soumis à l’autorité d’un seigneur), permettent de tenir compte des conditions de cette vie locale, tenir compte des rapports de force entre les différentes composantes de ces groupes sociaux.

Le territoire d’application d’une coutume est un « détroit », qui correspond au ressort d’une juridiction, un juge, qui va être chargé d’appliquer cette coutume.

 

A la fin du Moyen-Âge on évalue à 600 environ le nombre de coutumes. On peut penser que quelques siècles plus tôt il pouvait sans doute y avoir davantage de coutumes. Cette souplesse se caracterise par la diversité des coutumes. Elle permet aussi d’adapter des règles en fonction des groupes sociaux sur chaque territoire (les règles pour les paysans sont différentes des règles pour la noblesse…) Cette diversité des coutumes peut paraître un inconvenient, mais à cette période ces règles étaient bien appliquées localement et cette diversité était très théorique car on distinguait juste la coutume de sa catégorie sociale : on se déplaçait peu, il y avait une certaine inertie dans les caractères de la coutume.

 

 

A / L’inertie

 

L’inertie de la coutume provient de la formation même de la coutume : il faut une répétition sur une longue durée. Il y a un aspect conservateur dans la coutume, dans un systeme où la règle provient d’une autorité. On peut avoir des changements brusques et modifier des règles anciennes, mais avec la coutume ce n’est pas le cas.

Au Moyen-Age on avait horreur des nouveautés, on vivait dans des conditions très précaires, ce qui fait que la nouveauté était perçue comme pertubatrice des habitudes.

L’autorité, à savoir concrètement le roi, ne pouvait pas avec cette source de droit édicter des règles comme des impôts nouveaux ou fixer de nouvelles méthodes d’exploitation d’agriculture. Il y avait donc une inertie protectrice contre les exactions des prélèvements fiscaux que les seigneurs pouvaient faire sur les paysans.

 

La coutume pouvait correspondre à quelque chose de rationnel, bien adapté à l’équilibre de la société.

Dans un certain nombre de cas, il pouvait y avoir une perception de l’existence de mauvaises coutumes ou de règles qui apportaient des inconvénients dans les groupes sociaux. On va alors parler de mauvaises coutumes (ne correspondant pas à l’intérêt général des populations, ayant tendance à privilégier des comportements qui ne sont pas conformes à l’ordre moral des bonnes coutumes.)

Malgré le principe d’un règne de la coutume à cette période du Moyen-Âge, il restera tout de même quelques sources législatives, édictées par l’autorité et qui joueront un rôle marginal et qui seront appelées à se développer en fonction des besoins sociaux.

 

 

Section 3 : La survivance de sources législatives

 

En marge du système coutumier qui est enraciné dans les besoins de la population, le pouvoir politique, mais surtout le pouvoir religieux, est important.

 

 

I / Les actes du roi et des seigneurs

 

Le pouvoir politique avait une mission fondamentale dans le système juridique de l’époque : être le gardien de la coutume constitutionnelle, qui a fixé ce rôle pour le roi qui devait avant tout respecter la coutume et veiller à ce qu’elle soit respectée.

Par ailleurs, on considère aussi que l’autorité politique est le garant du bien commun. On considère que le roi a été institué par dieu pour faire régner la paix et garantir le bien de l’ensemble du royaume. Il faut alors dans un certain nombre de cas pour que le roi prenne des decisions pour s’écarter de la coutume

Mais il ne peut le faire : ces conditions de fond font que la cause de l’acte royal doit être raisonnable car c’est la notion de bien commun. Il y a des conditions de formes : la decision législative doit être prise par les Grands conseils. Le roi doit s’entourer d’avis, il doit consulter des personnes qui ont des choses à défendre ou à lui soumettre : ces fidèles, ces compagnons, des intellectuels, des évêques, qui peuvent guider le roi. Le roi le fait librement mais doit le faire.

 

Ces actes n’auront qu’un rôle relativement limité : par principe c’est la coutume qui doit jouer et le roi est secondaire. En général on va prendre des actes pour corriger quelques détails, on parlera alors de privilèges (vient de « privatalex » : loi privée ou particulière.)

Exemple : les privilèges fiscaux vont être donnés au profit de certaines institutions comme des hôpitaux. Dans de nombreux cas par rapport à la règle, le roi va accorder un privilège à cette institution. Cette notion de privilège n’est pas du tout péjorative : sous l’Ancien Régime, la notion de privilège prendra une dimension péjorative car à l’époque de la révolution ces privilèges n’etaient plus justifiés. Ces privileges étaient accordés par des actes juridiques, qu’on appelle les « diplômes » quand ils proviennent d’un roi. Il s’agit juste de présenter la forme de cet acte. Le roi accordait donc des diplômes à, par exemple, un monastère. On parle aussi de « chartes de privilèges », de « franchises », « d’exonérations » accordées à des villes par exemple par des seigneurs pour développer des échanges ou une activité économique.

 

Parmi l’activité législative royale on a aussi quelquess actes qui concernent l’organisation de la vie publique, par exemple la catégorie des établissements du roi (le roi établit une nouvelle institution, par exemple un marché qu’il va créer dans une ville avec les règles juridiques et fiscales appropriées.) Il s’agit d’une activité de complément ; cette activité royale, les actes en question, doivent être confirmés après chaque changement du titutaire du pouvoir : on n’a donc pas affaire à une source du droit qui a un caractère de longue durée et impersonnel. Cela montre une certaine fragilité législative politique.

L’Église est une source qui est une institution de longue durée, enracinée dans une perspective éternelle. Elle est mieux accepteé que le pouvoir politique.

 

 

II / Le droit canon

 

Terme grec qui désigne la règle. Expression pléonastique qui a été utilisée pour désigner les règles de l’Église catholique puisqu’une catégorie de ses règles qui était le droit canon édicté par des évêques. Cette source du droit comprend donc en elle-même plusieurs sources. Ce rôle ecclésiastique va avoir une grande importance.

 

 

A / Les sources du droit canon

 

Ces sources sont très diverses et se sont rassemblées dans des collections de textes de droits canoniques.

 

 

1 / La diversité des sources

 

L’Église a une histoire ancienne et remonte à l’Antiquité. C’était la seule institution solide dans le système social et politique. Au fur et è mesure les sources de droit se sont multipliées et diversifiées.

Trois catégories de sources sont apparues, dans l’ordre chronologique :

- le droit divin : préceptes formulés par dieu lui-même.

Exemple : dans la bible « tu ne tueras point. »

Ces préceptes ont été commentés par les pères de l’Église, un certain nombre d’évêques comme par exemple Saint Augustin, et qui ont laissé des écrits où ils commentaient et expliquaient les droits divins pour tenter de trouver des explications concrètes à la vie sur terre. Ceci est une époque ancienne, complétée par une deuxième époque qui va apporter une deuxième série de textes : ce sont des sources d’origines laïques, imperiales.

 

- sources d’origines imperiales : effectivement, depuis l’Empire Romain et surtout depuis 312, l’Église est integrée das l’esprit du politique romain. L’Église va être maintenue par les monarchiques germaniques. Les empereurs vont prendre des décisions pour établir des dispositions sur la hiercharchie de l’Église. Les prêtres benificiaient de la loi romaine.

 

C’est une situation qui était parfois pesante car soumise ou pouvoir royal ou impérial. L’Église avait du pouvoir civil, laïque, pour être protegée matériellement. Mais quand l’Église a pu bénéficier d’une situation plus calme, elle a pris une plus grande distance avec le pouvoir politique en prenant une politique canonique, un droit canonique produit par l’Église elle-même (décisions prises par les évêques et les papes.) Nous avons des décisions qui concernent plutôt des questions de dogmes religieux et non pas des règles juridiques sur les règles de la vie courante.

 

 

2 / Les collections canoniques

 

Pour les différentes décisions de droit canonique, appelées « décrétats », on a le problème de la diffusion de ces textes. L’Église dispose de nombreux lettrés, intellectuels qui ont la capacité de diffuser ces textes. Ce sont souvent des œuvres privées, mais elles sont très appreciées et peuvent recevoir la validation d’un pape ou d’un empereur en tant que textes officiels. Mais ces collections sont relativement coûteuses. On aura donc connaissance de fausses collections canoniques, par exemple la pseudo-Isidore.

Pourtant, cette fausse collection a été utilisée jusqu’au 16ème siècle car cette elle arrangeait beaucoup les papes successifs : elle renforçait le pouvoir du pape sur les évêques.

 

On a la notion d’ancienneté des décisions, avec des logiques coutumieres. Au 9ème siècle, on a établi davantage de décisions par le pape. Cette source de droit canonique pourrait paraître aussi faible que les autres sources de droit de l’époque : il y a beaucoup de lettres et des problèmes d’interprétation, contribuant à un débat juridique important. Ces problèmes de textes plus ou moins arrangés ne vont pas jouer un rôle très important car ils concernaient l’organisation interne de l’Église.

Le droit canonique va apporter des principes qui vont permettre à la société d’évoluer.

 

 

B / le rôle du droit canon

 

Le droit canon a comme objet principal l’organisation de l’Église, et le dogme religieux. Le droit canon a eu une influence sur le droit privé, le rôle du droit canon à l’extérieur avec le rôle interieur de l’Église a été favorisé par la place très importante de la religion dans la société médiévale car il y avait incitation à la pratique religieuse, maintenue par la politique qui se servait des expressions par exemple à l’égard du paganisme. Cette situation va permettre au droit canon d’intervenir dans des questions concernant le droit civil, sur des règles concernant le mariage, le droit de la famille ou encore sur les contrats.

 

                

1 / Les règles du mariage

 

A l’époque des mérovingiens et encore plus à celle des carolingiens, l’Église va s’opposer aux coutumes germaniques en matière de droit général.

L’Église va avoir plusieurs conflits avec le roi, aboutissant à divers principes, dont 3 principaux :

- le mariage est monogame (un seul partenaire, importance dans la stabilité de la société)

- le mariage est indissoluble, il ne peut être rompu que par la mort d’un des conjoints. Il n’y a pas de divorce possible. Ce point était assez délicat à faire respecter par les rois mérovingiens qui ont d’ailleurs voulu changer ces règles sur le mariage. Le remariage sera toujours possible sous l’Ancien Régime mais avec une certaine défaveur

- la liberté du consentement des époux. L’Église va faire valoir un point fondamental du mariage : il est formé par un consentement des deux époux. Les époux doivent être parfaitement libres par rapport aux familles, ce qui n’etait absolument pas le cas dans les coutumes germaniques (mariages arrangés.)

 

L’Église va progressivement lutter contre cela en faisant valoir deux éléments surtout :

- la mise en place des empêchements de parenté très etendue : mariage interdit entre parents trop proches. On avait alors des règles tres strictes : l’Église va interdire le mariage selon le degré de parenté des conjoints. Pour savoir le degré de parenté entre A et B, il faut remonter aux ancêtres communs. Actuellement dans notre droit civil, le mariage est accepté a partir du 4ème degré, et on a pas le droit de se marier jusqu’au 3ème degré alors qu’avant cele allait jusqu’au 12ème degré !

Les empêchements des parents vont rendre impossible la liberté des époux dans leur choix de mariage.

- la condamnation de l’enlèvement, du rapt, qui avant était assez pratiqué dans les premiers siècles du Moyen-Age ; il s’agissait parfois de pratiques effectives mais la plupart du temps de pratiques symboliques. L’Église va donc s’opposer fermement à cela, elle va refuser de ratifier ces rapts et va exiger de l’autorité royale de condamner ces actes afin de protéger la liberté de consentement. Le consentement doit être parfaitement libre. L’Église va pousser à ce que les rapts soient remplacés par des cadeaux, des arrangements plus acceptables…

Par conséquent, on voit des transformations considérables en matiere de droit à l’epoque.

Cette conception est très progressiste et individualiste ; elle sera sensible dans une autre catégorie de règles, à savoir les donnations et les testaments.

 

 

2 / les donnations et les testaments

 

Dans les conceptions anciennes, on considérait essentiellement la famille au sens très large comme étant l’ensemble des descendants d’êtres communs ; on va donner un ordre juridique de coutume germanique au liage, à cet ensemble de descendants. On considère que le patrimoine de la famille doit rester dans la famille, il est a priori impossible de donner des biens, de les léguer par testament à quelqu’un en dehors de la famille. Il est également très difficile de vendre des biens.

L’Église va  permettre un certain nombre de libertés en encourageant les donnations, les lègues par testament, en encourageant les lègues « pro anima » (pour le salut de l’âme.) L’Église est directement interessée par cette liberté de donnation. Or, cette reconnaissance des donnations va permettre de s’opposer à la coutume germanique. On va voir aussi un rôle important de l’Église en matière économique, et notamment son influence sur les contrats.

 

 

3 / les contrats

 

L’Église va y intervenir essentiellement par des questions de formes de contrat. Les contrats étaient très souvent accompagnés pour l’Église de serments. Or, le serment était un acte religieux très grave qui etait entouré de peines très sévères s’il n’était pas respecté, par exemple le parjure.

Selon les conceptions médiévales, il y avait les peines réflexes, par exemple couper la main de quelqu’un.

L’Église va s’interesser au contrat en lui-même.

Exemple : Le contrat méritait-il d’être défendu par les peines du parjure ?

 

Le droit canon va permettre une réflexion sur le fond, et notamment sur la cause du contrat : qu’est-ce qui fait le fond de l’existence du contrat ? On va juger certains contrats contraires à la morale, par exemple le contrat de prêts à intérets. Un prêt d’argent ne peut pas rapporter d’argent, on va de fait interdire le prêt à intéret. Ce raisonnement est apparu à l’époque carolingienne. Dans ces textes, ce que l’on visait surtout c’était des traits à la consommation. Ces prêts étaient donc moralement inadmissibles. Au lieu de faire un prêt à intéret, on le fera dans le cadre d’une société, on parle de contrat de société avec garentie de bénéfices. Mais ceux qui faisaient cela avaient une mauvaise conscience, ce qui les incitaient à plutot faire des donnations.pro-anima..

 

L’Église apportait une certaine animation juridique et sociale contre les sources du droit strictes et formelles, dans une société médiévale qui était fortement hierarchisée et divisée.

 

 

CHAPITRE 2 : UNE SOCIETE DIVISEE ET HIERARCHISEE

 

Le système juridique de l’époque féodale va établir des catégories de systèmes juridiques liés à un systeme d’ordre. Il y a une structuration juridique très forte car il existe des règles très précises établissant les règles et les droits des citoyens dans une société.

 

Des textes littéraires de l’époque décrivent cette période, dont le texte de Adalbéron de Laon, évêque qui jouait un rôle assez important dans la société carolingienne finissante : il exerçait des fonctions politiques comme les seigneurs, et composa en 1030 un poème qu’il dedia au roi Robert II Le Pieux qui était le deuxième roi de la dynastie instaurée par Hugues Capet.

Il représente une nouvelle ère, donne différentes indications sur l’état de la société. Il parle d’une certaine décomposition des structures étatiques, d’une décadence politique importante.

En revanche, l’organisation sociale, elle, paraît beaucoup plus cohérente grâce à une organisation particulière de la société, une divison fonctionnelle de la société qui aboutit à une solidarité des uns avec les autres pour assurer la stabilité de cette société.

En effet, il dit que « la maison de dieu est triple. Ici-bas les uns trient, d’autres combattent, d’autres travaillent » : ces trois sont ensembles et ne se parentent pas.

 

Cette division fonctionnelle entre 3 catégories (prêtres, guerriers et puis paysans ou agriculteurs) est une division très ancienne.

Cette division a été organisée à l’époque médiévale dans une structuration juridique très développée en se basant sur des coutumes différentes selon les groupes sociaux. Cette division est donc a priori juste et intéressante.

A cette période, la situation concrète de chacun de ces groupes était que pour les guerriers et les prêtres la situation était confortable alors que pour les paysans la vie était malheureuse.

 

 

Section 1 : Ceux qui prient

 

Le clergé occupe le premier rang dans la société car il s’agit des « servants de Dieu. »  La religion occupe une grande place a l’époque. Le clergé revêt, par son importance, des privilèges et des règles juridiques particulières.

 

 

I / L’organisation du Clergé

 

Le clergé est, en gros, organisé en deux catégories : le clergé séculier et le clergé régulier.

Le clergé séculier car il est dans le siècle, donc dans la vie civile : les curés s’occupant des paroisses et des croyants. Ce clergé séculier a un rôle de proximité très important dans la vie sociale. Il est organisé selon une hiérarchie particulière : un évêque est le chef du clergé séculier.

 

Le clergé régulier : ce sont les personnes vivant à l’écart du siècle : les moines dans les monastères, par exemple.

 

Il y a des nombreux conflits entre ces deux clergés. Les membres du clergé bénéficient des privilèges clergé et ce, quel que soit le type de clergé auxquels ils appartiennent. Quand on parle de privilège on parle de « privata lex », la notion de privilège a cette époque n’a rien à voir avec celle de maintenant. Pour le clergé il y a donc des règles particulières comme par exemple l’obligation du célibat, c’est un des inconvénients. Il y a aussi l’interdiction de porter des armes (sauf pour certains ordres : les templiers.) Cependant, ils ont aussi de vrais avantages : le privilège du For : ils ne peuvent être jugés que par des juridictions ecclésiastiques. Mais si l’on compare les juridictions ecclésiastiques et les juridictions seigneuriales alors on s’aperçoit que les ecclésiastiques sont plus cléments.

 

Les ordalies : méthodes rudimentaires de justice (tremper la main dans de l’eau bouillante, marcher sur des braises…) : justice de Dieu pour les seigneurs. Les membres du clergé étaient exemptés de ces méthodes. Les membres du clergé étaient exemptés d’impôts et ils percevaient la dîme (impôts prélevés sur les récoltes à raison de 1/10ème du total.) Enfin, le dernier privilège : interdiction de travailler ! Les clercs ne doivent pas se livrer à des tâches pour rester libre afin de se consacrer à leur fonction première : prier.

 

Les monastères ont joué un très grand rôle dans l’exploitation rurale et dans l’enrichissement de nombreuses régions d’Europe. Quand on regarde l’organisation interne des monastères, on constate qu’il y avait plusieurs catégories de moines. L’abbé, les moines, et les apprentis (les frères convers.)

 

Il y avait des privilèges assez important mais ils étaient acceptés par la population du au rôle important du clergé dans la société.

 

 

II / Le rôle du clergé

 

Rôle fondamental : organisation de la vie religieuse. Mais le clergé aura aussi une mission très large au service de la société (rôle social.) Cela entraîne des évolutions de la société. Ainsi, le clergé développera les écoles, notamment.

Il créera des institutions qui dureront très longtemps : l’assistance aux pauvres, l’éducation et la transmission du savoir et la pacification de la société.

 

 

A - L’assistance

 

Le clergé s’occupera plus particulièrement des pauvres, des malades. Ces institutions sont parfois fondées par des riches donateurs (Hôtel-Dieu, Maison Dieu.) Les statuts de ces hôpitaux sont très variables. Mais dans l’ensemble il y a toujours des mesures qui favorisent ces institutions. Les monastères aussi participent à ces structures car beaucoup de monastères accueillent des pauvres pour les nourrir, voire les héberger. C’est donc une structure très importante qui donnera une très grande popularité a l’Église.

 

 

B - L’enseignement

 

Le clergé possédait de nombreux lettrés chargés de transmettre le savoir. Certains évêques créeront des écoles épiscopales dès le milieu du Moyen-Age. Cette organisation est devenue très importante à Paris et au début du 13ème siècle beaucoup de ces écoles deviendront des Universités échappant ainsi au contrôle de l’évêque et qui auront une large autonomie ; néanmoins, ce sont toujours des institutions ecclésiastiques. Les étudiants de cette époque sont donc des « clercs » du clergé. L’Église détient le monopole du savoir à cette époque et cela donne une image d’élite intellectuelle. L’Église utilisera ce prestige pour pacifier la société en introduisant des règles.

 

 

C - La pacification de la société

 

Grâce à son influence, l’Église introduit des institutions pour diminuer la violence : Paix de Dieu et Trêve de Dieu.

La Paix de Dieu : concerne les membres du clergé et les établissements ecclésiastiques mais également les voyageurs et les pauvres. Signifie l’interdiction de s’attaquer aux personnes ciblées par celle-ci. Si on viole la paix, on est soumis à des sanctions ecclésiastiques (condamnations morales.)

 

La Trêve de Dieu : certains jours sont déclarés « jours de repos » comme par exemple le dimanche, Noël, etc… On y ajoutera les jours saints (jeudi, vendredi, samedi.)

 

 

Section 2 : Ceux qui combattent

 

Les nobles ont le privilège de subir la contrainte de n’avoir aucun pouvoir. Ce sont des guerriers, protecteurs du peuple et des églises (Guerriers de la lumière.) La noblesse est donc placée dans une position éminente politique.

 

 

I / L’acquisition de la noblesse

 

La mission même de la noblesse est de combattre pour la défense du peuple. Il faut être un chevalier dans un premier temps. Mais ensuite cette entrée va se faire surtout par l’hérédité, noble car fils de nobles.

 

 

A - La chevalerie

 

Le noble dit pouvoir manier les armes et surtout payer un cheval, son armure et ses armes ! Être chevalier, c’est avoir une conception de sa mission élevée au service de l’Église et du peuple. Le critère moral mis par l’église (mission pour le bien des gens) permet de promouvoir d’un guerrier bienfaisant. L’église organise toute une cérémonie pour l’intronisation des chevaliers. Il sera adoubé solennellement et devra prêter un serment de fidélité à la défense de l’église, à la veuve, à l’orphelin et le chevalier doit jurer de respecter les règles chrétiennes de la guerre (paix de dieu/trêve de dieu.)

Ce devoir moral entraîne une certaine fermeté de la chevalerie et donc on devient chevalier de père en fils vers le 12ème siècle.

 

 

B - Autre moyen d’acquisition de la noblesse : l’hérédité

 

Les cérémonies sont maintenues mais l’hérédité est essentielle. C’est toujours le fils aîné qui deviendra chevalier. Ceci dit, les autres membres de la famille resteront dans les hautes sphères de la société et bénéficieront des privilèges de la noblesse et ce toujours de façon héréditaire. Ce statut social est intégré dans la coutume désormais.

 

Normalement, pour accéder à la noblesse, il faut que les deux parents soient nobles. Cependant, dans certains cas, si le père est noble cela suffit, les enfants seront nobles (coutumes d’Orléans par exemple.) En campagne, la transmission du titre de noble vient de la mère.

A la fin du Moyen-Age, le roturier ne pouvait plus du tout passer par la noblesse mais c’est alors que le roi va accorder des titres de noblesses pour remercier les services rendus. On peut donc être noble par décision royale.

 

Il y aura donc des conflits entre la noblesse d’épée (ou de sang) et la noblesse dites de « robes » (magistrats, fonctionnaires royaux.)

 

 

II / Les privilèges de la noblesse

 

Il faut vivre noblement et ne pas manquer à son devoir. Il ne faut pas se livrer à des activités indignes de la noblesse. Il ne faut pas travailler quand on est noble. Il ne faut pas chercher à gagner de l’argent, au contraire, il faut dépenser sans compter pour la recherche du bien commun. Le noble bénéficie d’avantages en contrepartie de sa mission sociale. Il y a des aspects honorifiques, judiciaires, juridiques, fiscaux dans ses avantages.

 

Aspect honorifique : le port des armes ainsi que les armoiries.

Aspect judiciaire : compétences judiciaires spécifiques pour les nobles. Ils ont le privilège d’être jugés par leur pairs. On ne peut pas mettre un noble devant une juridiction royale. Les nobles ne peuvent pas subir de châtiments corporels. Cependant le noble peut être condamné à la peine de mort mais le noble est décapité et non pendu !

Aspect juridique : les nobles connaissent des règles de droit privé spécifiques à la noblesse et ce concernant la succession des biens et des titres : droit d’ainesse (droit de l’aîné des descendants.)

Aspect fiscal : le noble ne paye pas d’impôts directs et également indirects, car avant on comptais sur les nobles pour la sécurité du royaume donc on considère qu’on ne doit pas faire payer nos protecteurs. Car les paysans payaient pour leur protections. Les nobles pourront donc récupérer l’impôts dans le troisième ordre.

 

 

Section 3 : Ceux qui travaillent

 

Ce sont des « serfs. »  C’est le Tiers-état.

Ce sont les serfs qui dominent, au Moyen-Age, le travail. Le serf est un travailleur rural appartenant à un maître (en général un seigneur.) Les serfs sont dans une position juridique très particulière.

 

 

I / Les origines du servage

 

Le servage s’est formé pendant une très longue période au début du Moyen-Age. En latin l’esclave : « Servus » puis « Sclavus. »

 

 

A - Les origines romaines

 

 

1 - L’évolution de l’esclavage

 

Au début du 2ème siècle la situation des esclaves évoluera suite à la philosophie du stoïcisme. On prendra donc les esclaves comme des humains en tant que tels et non pas comme des purs objets de droit. Ce sont surtout des raisons économiques qui pousseront à faire évoluer le statut des esclaves. Les sources des esclaves, c’était les guerres, or, au 2ème siècle, Rome a tout conquis et donc il va falloir acheter les prisonniers de guerre des barbares environnants afin de continuer à approvisionner les marchés aux esclaves. Le prix de l’esclave va progressivement s’accroître puisqu’ils sont plus rares et donc moins disponibles en quantité.

 

Au 4ème siècle, on va interdire aux maîtres de tuer les esclaves pour des causes banales. On va tenter d’augmenter le rendement des esclaves en organisant le travail différemment. Il y aura des constitutions impériales qui sanctionneront le comportement brutal des maîtres ; ainsi, si le maître est trop dur on lui reprend son esclave et on le remet sur le marché afin qu’un maître plus respectueux l’achète. L’esclave apparaitera de plus en plus comme un être de droit et non comme un simple objet de droit. Le maître laisse à l’esclave le droit de gérer un peu d’argent : le pécule.

 

Une institution sera crée : le colonat.

L’esclave est mieux qu’un petit paysan romain car il est exonéré d’impôts, de charges, etc.…

 

 

2 - Le colonat : attacher les paysans à leur exploitation

 

C’est un nouveau statut juridique qui apparaît au Bas-Empire pour des raisons économiques essentiellement, plus particulièrement des raisons fiscales. A la fin de l’Empire Romain, la fiscalité est totalement écrasante et donc cela entraîne une certaine fuite du contribuable et même, au sens matériel, l’empereur décide d’attacher le paysan libre à son exploitation et ce pour faciliter la collecte d’impôts. L’impôt sous Rome était un impôt forfaitaire qui était évalué sur une quinzaine d’années ; la somme que chaque paysan devait payer. Cependant, les paysans ne payaient l’impôt que si leurs récoltes étaient bonnes. Pour payer lorsque les récoltes n’étaient pas bonnes, le paysan empruntait chez des riches propriétaires et pour qu’il rembourse, le grand propriétaire les rattache à lui. On assiste à l’apparition de paysans qui deviennent des serfs puisque pour payer, ils doivent travailler pour le grand propriétaire et donc de père en fils c’est la même chose.

 

 

B - L’insécurité

 

A la période des grandes invasions (9ème au 11ème siècle), les paysans libres se placent sous la protection d’un grand seigneur. Pour obtenir cette sécurité, il revend sa terre au seigneur et abandonne sa liberté. Certains paysans iront dans les monastères également pour faire la même chose et profiter de  la « paix de Dieu. » Les situations locales d’insécurité sont très variables donc l’intensité du servage sera aussi très variable.

 

 

II / Le statut du serf

 

 

A - L’acquisition du statut

 

Le servage à ses racines historiques. L’entrée en servitude se fait par hérédité, il reste cependant quelque cas d’entrée volontaire en servitude.

 

 

1 - L’hérédité

 

« Le pire emporte le bon » : l’enfant sera serf si l’un des parents est serf. Si la mère est serf alors l’enfant sera serf. Transmission maternelle dans certaines régions. Si un des époux est serf, le deuxième le devient et donc l’enfant sera serf.

 

 

2 - L’entrée volontaire en servitude

 

Entrée volontaire pour entrer dans les monastères et se placer ainsi sous sa protection. Il y a de nombreuses coutumes de manifestations tacites d’entrer en servitude.

 

1er cas : celui des mariages mixtes entre un serf et un non serf : le mariage entraîne donc l’entrée dans la servitude. Cependant, cela ne marche que si c’est une femme libre qui épouse un serf. Si c’est l’inverse, l’homme reste libre et sa femme deviendra libre également.

 

2ème cas : le cas de Prescription : le fait d’habiter pendant 1 an et 1 jour sur une terre qui accueillait des serfs. Cette acquisition par prescription jouait plutôt pour les étrangers (aubains) qui étaient récupérés par le seigneur du lieu comme serfs.

 

 

B - La condition juridique du serf

 

Elle est marquée par toute une série de charges et d’incapacités  juridiques.

 

 

1 - Les charges juridiques du serf

 

Le serf était taillable et corvéable à volonté. On peut donc tout exiger de lui. La taille, c’est l’impôt direct exigé de la population du Moyen-Age. Cette expression est assez dure car on a l’impression que le serf est soumis totalement à son maître mais cette expression est excessive par rapport à la coutume.

Le serf doit payer un impôt spécifique : le chevage. C’est un impôt par tête, qui au début était assez modique et par le paiement de cette somme le serf reconnaît sa servitude.

 

 

2 - Les incapacités juridiques du serf

 

Le serf a des incapacités juridiques dans certains cas de la vie juridique comme par exemple le droit de la famille et du mariage ou encore les successions et également des incapacités judiciaires. Et l’incapacité testimoniale (impossibilité de se porter témoin dans une affaire.)

 

 

a) Les règles du For mariage

 

Le serf peut-il se marier à l’extérieur du domaine de son maître? Non,ce mariage est interdit, sauf consentement du seigneur. Les seigneurs se partageront les enfants futurs en cas de mariage. On devra payer une taxe au seigneur également pour se marier hors seigneurie.

 

Le For mariage : taxe pécunaire pour autoriser le mariage.

 

 

b) La main morte

 

Il ne peut pas utiliser les règles coutumières pour donner ses biens. Il a la mainmorte. Certaines coutumes vont progressivement aborder des aménagements à ce droit du seigneur.

 

L’astuce juridique des serfs : dans certaines régions, on constate que les serfs constituent des communautés taisibles (non formelles.) Les serfs vivent ensembles dans des communautés matérielles et se partagent les biens communs donc quand un des serfs décède, le seigneur ne sait pas quoi prélever car ce sont des biens communs. Ce qui constitue une bonne astuce juridique !

 

Il y a donc eu des améliorations sur la situation concrètes des serfs. Mais, pour l’incapacité juridique, il n’y aura aucun aménagement.

 

 

c) L’incapacité testimoniale

 

Cette incapacité interdit au serf de témoigner lors de procédures judiciaires. Le serf étant dépendant du seigneur, c’est le seigneur qui défend et représente son serf au tribunal. La volonté de la servitude est assez puissante chez beaucoup de serfs. Dès que possible les serfs tenteront de sortir du servage.

 

 

C / La sortie du servage

 

Il y a deux façons formelles de sortir mais cela dépend toujours de la volonté du seigneur : modalités tacites et modalités expresses.

 

 

1 - La prescription (tacite)

 

Si l’on séjourne 1 an et 1 jour dans un lieu libre alors on devient libre. Même si au Moyen-Age les lieux dits « libres » sont assez rares. l y a aussi l’aspect symbolique important concernant le chevage, si le serf ne paye pas le chevage et si le seigneur le laisse faire alors on peut considérer cela comme une liberté du serf.

 

 

2 - L’affranchissement

 

Le seigneur manifeste sa volonté de libérer le serf sous un acte formel ET écrit. Le seigneur des fois l’accordait pour que le serf puisse entrer dans les ordres (clergé.) On constate que les seigneurs accordent des affranchissements, vers la fin du Moyen-Age, moyennant finances et donc ce n’est plus par charité mais uniquement par intérêt.

 

 

CHAPITRE 3 : UNE ECONOMIE SUBORDONNEE

 

Économie entendue comme une création de richesses. Elle reposait essentiellement sur des procédés empiriques (fondés sur l'observation et l'expérience personnelle des choses et des faits, et non sur une théorie établie), surtout dans le domaine agricole (on était dépendant de la météo, etc.), on ne comprenait pas la logique de la production.

Un grain semé = trois grains. Sachant qu’on doit en mettre un de coté pour le semer l’année d’après, la productivité est donc faible. Économie entièrement subordonnée au seigneur. Présence d’aspects idéologiques qui empêchaient le développement d’une économie saine et productive.

 

Section 1 : la subordination au seigneur

 

Le seigneur féodal avait un double rôle : il était un grand propriétaire foncier et disposait du pouvoir politique, symbolisé par le droit de ban : commander et punir.

 

 

I / L’exploitation du domaine

 

Le seigneur fait exploiter son domaine de deux manières :

 

- directe : sous sa surveillance directe. C’est ce que l’on appelle la réserve seigneuriale, il la fait cultiver par des serfs, les habitants de la seigneurie lui doivent un certain nombre de corvées. Une partie de cette réserve est néanmoins laissée à disposition de l’ensemble des habitants, ce sont des terres plus difficiles à exploiter en général. On appelle ça les communaux, les terres communes.

 

*Précisions : on appelle ces petites exploitations les manses (du latin manere : demeurer.) On va voir apparaître les termes de tenures et de censives pour désigner juridiquement ces exploitations : le paysan tient ce manse de son seigneur. Ces tenures sont de deux sortes : les tenures serviles (plus de taxes pour les utiliser),exploitées par le serf, et les tenures libres : les censives, tout simplement car le cens était la redevance qui devait être payée par les tenanciers de ces réserves, de ces tenures libres.

 

Cela a donné  différentes coutumes qui donnent des précisions sur ces terres (le montant du cens est par exemple fixé par la coutume.) Cette coutume tient compte des rapports de force existants, des évolutions économiques et sociales. Les droits d’usage sont les objets de conflits entre seigneurs et paysans, et notamment à cause du pouvoir politique du seigneur.

 

II / Utilisation politique du droit de ban

 

Le seigneur va utiliser son pouvoir pour imposer différentes charges aux tenanciers, mais aussi à l’ensemble des habitants de la seigneurie, les vilains. Vilains fait référence à vila/vilae (grande exploitation agricole), les habitants de la seigneurie. Ce qui va réellement marquer le système féodal est le fait que le seigneur va installer des monopoles d’exploitation, de production : des banalités.

 

 

A - Les impôts et taxes

 

Le seigneur va essayer d’obtenir un certain nombre de ressources qui se trouvent parfois dans la fonction de justice : il a un pouvoir de commandement, ce qui inclut la justice notamment pénale (exemple: condamnation à mort : confiscation des biens du défunt.) è Entraîne des tensions entre le roi et les seigneurs car l’intérêt des ressources n’est pas négligeable.

 

Les habitants vont donc plutôt chercher à régler leurs problèmes seuls afin d’éviter ces taxations arbitraires. Le seigneur protégeait la population et attendait en échange tout une série d’impôts : taille + impôts indirects sur les marchandises qu’on appelait les tonlieux (impôt sur la bière, l’alcool en général.) Le seigneur exigeait ces impôts en fonction de ses besoins pour financer la défense. Mais la coutume va peu à peu fixer ces prélèvements, en fixant leur montant, leur périodicité, etc. Cela va évoluer par la suite vers la fin du Moyen-Age car ce sera à nouveau le roi qui protègera la population. Les impôts ne seront plus légitimés par cela, mais seront alors payés au roi. Certains éléments vont se maintenir jusqu’à la fin du XVIIIème siècle : les banalités.

 

 

B - Les banalités

 

Il s’agit de monopoles de production établis par le seigneur, et des monopoles de vente.

 

 

1 - Les monopoles de production

 

Ils concernaient certains équipements agricoles établis par le seigneur (moulin, pressoir, four pour le pain, etc.) qui étaient difficiles à réaliser technologiquement. Le seigneur réalise donc cet investissement pour les habitants. Par la suite, le seigneur va interdire des dispositions technologiques concurrentes : il ne sera pas possible pour un habitant qui se serait enrichi de créer un tel équipement. Bien souvent les populations vont se plaindre de cela : il faut se déplacer jusque-là pour en profiter etc. Assez souvent, on constate que ces monopoles publics ne sont pas très efficaces : monopole donc pas besoin de les réparer, de les améliorer etc. Des coutumes vont donc chercher à aménager la situation et permettre d’échapper à ces monopoles. Malgré tout, ils ont été longtemps supportés et ont été suivis longtemps en coutume : il y avait un certain avantage : utiliser des équipements malgré les difficultés d’utilisation (bois pour les fours, eau pour les moulins, etc.)

 

En revanche, les monopoles commerciaux ont toujours été assez mal accepté car seulement dans l’intérêt du seigneur.

 

 

2 - Les monopoles commerciaux

 

Exclusivité dans l’achat et la vente de certains produits.  Exemple : le ban vin (monopole sur le vin.)

Le seigneur avait la priorité de vendre son vin du début du printemps à la fin de l’été pour éviter qu’il se gâte. Le prix du vin va baisser et le seigneur va utiliser son pouvoir pour imposer la vente de son vin. Les monopoles d’achat existent, surtout au début de l’époque médiévale, quand les marchands étaient rares et quand il s’agissait de marchandises rares. Le seigneur se réservait la priorité sur ces biens rares. La puissance économique du seigneur s’appuie surtout sur sa position politique.

Dès lors qu’il y a plus de marchés, plus de marchands, ces monopoles ne se justifient plus. Mais les marchands restent rares car il y a une subordination idéologique, qui entrave la situation économique.

À l’époque féodale, il y a un certain déclin culturel. Mais quelques traces de la période antique demeurent, malheureusement essentiellement des traces négatives… Elles vont condamner toute activité de profit. Se traduit par des dispositions juridiques.

 

 

I / La condamnation du profit

 

Conception philosophique des gains (=profits, à l’époque.) Le profit est entendu comme un supplément monétaire que l’on obtient au-delà d’une juste rémunération du travail. Il y a des justifications idéologiques, et la conjoncture économique qui faisait qu’on craignait ces profits.

 

 

A - Les justifications philosophiques de la condamnation du profit

 

Aristote avait analysé le prêt à intérêt et en avait déduit que la monnaie qui rapporte de la monnaie n’est pas naturelle. De fait, il a fondé toute sa philosophie sur l’étude de la nature.

 

Dans la nature, deux animaux = d’avantage. Si on sème une pièce = une pièce.

À sa suite les philosophes du Moyen-Age diront : « pecuniam non pecuniam parit » : l’argent ne fait pas de petits. Le gain n’est pas naturel. De plus, dans la Bible, il y a de nombreuses paraboles condamnant les profits.

Parabole des talents : exiger des intérêts sur un prêt c’est exiger ce que l’on n’a pas semé. Apparaît comme un détournement de richesses. On constate que certains intermédiaires vont avoir tendance à stocker dans la perspective de la hausse des prix (car quand il y a rareté, il y a spéculation.) Or, ce stock va favoriser la rareté et donc la hausse des prix. Pouvait justifier hostilité envers profit.

Dans les situations de mauvaises récoltes, les paysans vont devoir s’endetter pour payer leurs impôts (ne dépendaient pas du revenu, ils étaient forfaitaires), pour acheter de nouvelles semences. Les taux d’intérêt étaient énormes : parfois jusqu’à 100%  sur six mois ! Les paysans sont obligés d’emprunter, surtout car ils pensent que la récolte suivante sera formidable. Dans l’Antiquité, ces situations d’endettement ont souvent conduit à la servitude. On pouvait éviter ces dettes, enrichissements scandaleux et servitudes, mais on ne connaissait pas encore les notions économiques.

=> on décida donc d’interdire la spéculation des grands propriétaires ou intermédiaires (commerçants.)

 

 

1 - Les conséquences institutionnelles

 

La vision péjorative du prix va se voir sur le plan juridique (sur le plan canonique.) Le droit laïque va établir des sanctions pécuniaires très importantes contre des activités financières.

 

 

A - L’interdiction du prêt à intérêt

 

Texte célèbre: capitulaire de Nimègue (Pays-Bas) en 806, édicté par Charlemagne. Le prêt n’est juste que quand on ne réclame que ce que l’on a fourni. Concernait surtout le prêt financier. Peut être gênant pour le prêt à la production (investir etc.) il est difficile de trouver des investisseurs dans ces conditions. Pour permettre ces activités de prêt il y aura une action des juristes pour permettre ce genre de prêts. Les établissements ecclésiastiques seront d’ailleurs des prêteurs importants (sans intérêts.)

 

Deux séries de solutions:

- recourir à des prêteurs non chrétiens, car seulement condamné par l’Église.

Exemple: les Lombards (nord de l’Italie), les juifs. Mauvaise réputation dans ce cas.

- montages juridiques astucieux : on va camoufler le prêt en contrat de société. On va considérer que le prêteur et l’emprunteur vont former une société : le prêteur va toucher les bénéfices de la société. Pas envie de courir les risques que la constitution de la société implique. On crée donc une société, puis une assurance, entre les parties garantissant au prêteur un certain revenu fixe : ce sont des intérêts déguisés. Cela marche dans les affaires commerciales. Le paysan ne peut créer une société. S’il a besoin d’argent, il va voir un prêteur et il va y avoir établissement d’une « constitution de rente » : il a une terre qui rapporte X. Le financier va lui acheter les gains permis par le prêt : par exemple s’il fait 5 livres de gains, alors il doit 5L par an au financier. On ne parle donc pas d’intérêts mais de rente. Ce mécanisme avait pour inconvénient que la durée de ce prêt n’était pas limitée (la constitution de rente est perpétuelle.)

 

Vers la fin du Moyen-Age, on admettra la possibilité d’un intérêt dans certaines circonstances : s’il y a un risque pour l’investisseur notamment (commerce lointain, etc.) Progrès limités dans la mesure où il faudra respecter un idéal de justice, la notion de juste prix.

 

B) la fixation du juste prix :

 

Saint-Thomas d’Aquin, philosophe et théologien italien (ci-contre) : les prix doivent corres-pondre à un équilibre moral entre les intérêts de l’acheteur et du vendeur. L’acheteur ne doit pas payer trop peu car il faut penser au vendeur et au propriétaire. Ce prix correspond au prix des matières premières et à une rémunération équitable du fournisseur qui doit lui permettre de vivre normalement. Cela s’oppose à la libre administration du marché. Il faut un équilibre rationnel qui est pensé par les autorités (ville, Église, Etat etc.)  Ce système a duré pendant des siècles et a bien fonctionné durant le régime féodal.

 

Mais évolution par la suite et régime féodal contesté…

 

 

DEUXIEME PARTIE : LA CONTESTATION DU REGIME FEODAL

 

Elle commence vers la fin du 12ème siècle, début 13ème et s’achèvera au 18ème siècle.

Longue période qui se caractérise sur le plan politique par un renforcement du pouvoir royal. Au cœur de l’époque féodale la fonction du roi était surtout symbolique, et le pouvoir était surtout délégué,voire usurpé, aux seigneurs.

Plusieurs rois ont réussi à constituer des dynasties et ont pu maintenir leur puissance : transmission du pouvoir par hérédité. Il y a aussi eu de nouveaux phénomènes : grandes guerres avec d’autres nations. Apparaît surtout au 14ème.

Exemple : guerre de cent ans entre France et Angleterre. Seul le roi pouvait conduire ce type de guerre pour des frontières car il était le seul à incarner véritablement la nation, et il avait pu mettre en place une armée nationale avec de nombreux guerriers. La fonction guerrière des seigneurs féodaux va se réduire et se maintenir seulement dans le cadre d’une armée royale. Les aspects politiques de la seigneurie ont ainsi diminué assez vite. Mais les aspects économiques et sociaux vont se maintenir assez longtemps (banalités, servitude, etc.) car on considérait que cela était de la propriété, du domaine, du seigneur. Le pouvoir du seigneur va malgré tout être remis en cause à a fin du Moyen-Age où il va y avoir une évolution majeure qui se traduit par une évolution juridique : l’ancien droit ne sera plus adapté, on va essayer de trouver de nouvelles sources de droit.

 

 

CHAPITRE 1 : L’EVOLUTION ECONOMIQUE

 

Régime féodal : autarcie : on vit replié sur un domaine, échanges au niveau local, rares échanges commerciaux à part cela. À partir de la fin du 12ème siècle on va voir réapparaître le grand commerce. Cela va menacer cet équilibre ancien qui était réalisé dans le cadre de la seigneurie. Ce renouveau commercial va apporter des changements matériels dans l’organisation même de la vie : cela va se traduire par un renouveau des villes. La renaissance des villes est très importante. Les villes n’avaient pas disparu mais ne faisaient que végéter dans le régime féodal, ce n’étaient que le siège d’un évêque et rein d’autre. Avec le renouveau du commerce les villes vont renaître, et d’autres se créer…

 

 

Section 1 : la renaissance des villes.

 

Cette renaissance est essentiellement due à l’action des commerçants. Ces marchands qui participent à une nouvelle activité ont des besoins de sécurité, de liberté, non satisfaits dans le régime médiéval. Face à ces besoins, l’attitude des seigneurs va changer.

 

§1-le renouveau commercial.

 

Se développe d’abord dans le grand commerce, puis au  niveau local.

 

A) le grand commerce :

 

C’est le commerce international, vers l’Orient essentiellement (soieries, épices etc.) Il tire profit de la réouverture des voies maritimes vers la Méditerranée, qui, depuis la chute de l’empire romain, n’étaient plus sûres. C’était la seule façon de commercer sur de longues distances et avec des marchandises importantes.

Cette réouverture a deux causes principales : notamment militaires, en Méditerranée.

- les chevaliers normands vont conquérir des villes ce qui permettra d’établir des zones d’échanges : en Italie du sud par exemple. Ce phénomène est renforcé au 12ème siècle par les croisades. Ce sont des expéditions pour « délivrer » les lieux saints commandés par des papes et autres autorités religieuses. Cela va permettre d’établir des ports qui vont permettre des échanges jusqu’en Extrême-Orient. Résultat matériel de ces actes politiques et religieux : on s’est mis à construire de nombreux bateaux pour transporter les croisés, qui serviront ensuite à transporter des marchandises. Ces échanges avec l’Orient vont faire que certaines familles vont se spécialiser dans certaines productions, ils produiront pour le marché et non pour une simple consommation. Cela se fonde notamment sur le textile où la demandeest très forte, surtout en Europe du nord. Les Flandres vont par exemple se spécialiser dans la laine car on trouve nombreux troupeaux en Angleterre. L’Italie du Nord va elle se spécialiser dans la finition des draps parce qu’elle bénéficie des colorants naturels, venant surtout d’Orient. Les échanges se font par le biais de marchands. Ils se rencontrent entre deux grandes zones d’échange, il y a ainsi des foires organisées dans le bassin parisien où il est question de signer des contrats d’échanges. C’est à cette époque qu’on va créer des institutions commerciales qui restent encore aujourd’hui (exemple: lettre de change.) On établit aussi des méthodes pour créer des sociétés, notamment des sociétés en commandite (un associé apporte des capitaux à un commerçant.)

 

Transformation de l’offre de matières premières donc, mais pour qu’il y ait un réel développement du commerce il faut aussi une demande pour cette activité nouvelle. Cela va être permis par une évolution du marché local.

 

 

B) le marché local :

 

Commerce à l’échelle de la seigneurie. L’ordre et la sécurité établis favorisent l’économie locale par rapport à la période des invasions. Les rendements de l’agriculture s’améliorent : 4 à 5 grains pour 1 au lieu de 3/1. Conséquences : celui qui travaille la terre dispose d’un surplus qui peut être vendu sur le marché local. Il n’est plus nécessaire pour tous de travailler la terre. Les paysans vont alors bénéficier de ressources monétaires qui leur permettront parfois de racheter certains droits seigneuriaux. Conséquences notables aussi sur la démographie : mieux nourrie, moins fragile, la population est en hausse.

Les rapports sociaux établis à une période où la population était faible vont alors pouvoir évoluer. Les paysans vont pouvoir bénéficier de cette conjoncture pour aller se livrer à d’autres activités. Dans d’autres cas certains seigneurs vont utiliser cette population excédentaire, pour le défrichement de forêts par exemple. Avantages accordés à ces personnes. Parfois il y a des campagnes de recrutement pour attirer les populations dans une seigneurie. Il y a donc des activités nouvelles, essentiellement commerciales, qui apparaissent. Elles mettent en place une nouvelle catégorie de la population : marchands, commerçants, qui ont des besoins différents de la société agricole.

 

§2 : les besoins des marchands.

 

 

A) la sécurité :

 

Besoin de sécurité, notamment pour le grand commerce car la valeur des biens échangés augmente. Ce besoin peut être éventuellement satisfait par le seigneur féodal (il a pour mission essentielle de défendre les habitants de sa seigneurie.) Mais dans le cadre du nouveau commerce le marchand sort de sa seigneurie, il y a des zones dangereuses. Les marchands vont alors soutenir le pouvoir royal, vont chercher le développement d’un pouvoir royal qui dépasserait le cadre réduit de la seigneurie.

De plus, les marchands ont besoin de sécurité juridique pour leurs affaires. La coutume (droit féodal) avait été conçue dans le cadre d’une économie locale, autarcique. Cela ne correspond pas aux nouveaux besoins de sécurité juridique des marchands.

Exemple 1: dans la seigneurie, quand  l’étranger (l’aubain) mourrait, tous ses biens revenaient au seigneur : droit d’aubaine. Cela est risqué pour les marchands dans ce cas. Ils ont alors besoin de droits différents garantis par le seigneur afin que leurs biens reviennent à leur famille.

Exemple 2 : il existe des centaines de coutumes locales rien qu’en France. Grandes différences sur les problèmes commerciaux (validité d’une vente, etc.) selon les régions. Les marchands vont essayer de favoriser un droit unifié (moderne.)

Exemple 3 : la procédure médiévale a longtemps été caractérisée par des jugements bizarres : jugement de dieu : combat, vainqueur est celui qui a raison. Ne correspond donc pas au commerce…

 

Des juridictions vont ainsi se créer.

 

 

B) la liberté :

 

Ces besoins de liberté concernent avant tout la liberté personnelle, celle économique, etc. ces libertés concernent surtout le marché local. Quatre sont à noter :

- la liberté de son temps : choisir l’activité la plus rentable à un moment donné sans être obligé de travailler pour un seigneur (du genre travailler deux jours chez le seigneur quand on pourrait commercer…)

- la liberté de patrimoine : pour progresser, il faut pouvoir utiliser ses biens, pouvoir vendre, donner, léguer selon son intérêt.

- la liberté de déplacement : elle n’est pas trop réalisée dans le domaine féodal. Les serfs sont attachés à la terre, ceux qui ne sont pas serfs sont limités dans leurs déplacements par des taxes.

- la liberté de choix des méthodes de production. On doit pouvoir choisir la méthode la plus rentable. Liberté de ne pas utiliser les banalités (four, moulin etc. du seigneur.)

 

La liberté politique n’est pas nécessairement revendiquée, sauf quand les seigneurs s’opposent beaucoup aux libertés demandées.

 

§3-Les réactions des seigneurs.

 

Elles sont variables : selon les tempéraments, selon les coutumes, etc. Certains sont réellement hostiles à cela, d’autres encouragent au contraire cette expansion des villes et du commerce. L’hostilité systématique est fréquente dans le Nord et le Nord-Est de la France là où la féodalité était très forte (grosses invasions par ces régions à l’établissement du régime féodal.) Ces régions étaient très touchées par ces transformations économiques : la Flandre, la Champagne, etc. Il y a une forte opposition des seigneurs, ce qui entraînera des révoltes de la population.

Exemple : Laon: assassinat du seigneur.

 

Réactions plus mitigées dans d’autres endroits où la féodalité était moins forte. Le seigneur apportait quelques concessions. Création de villes nouvelles autour du château.

 

Enfin, de rares situations d’encouragement systématique ont lieu au début. Puis, quand le mouvement sera lancé, il y aura une concurrence entre les seigneuries car les villes attirent des populations nouvelles. Quelquefois le seigneur pouvait aller dans la ville voisine récupérer ses serfs. Mais il attendait généralement que le serf s’enrichisse un peu pour le récupérer et en tirer des bénéfices. Mais cela n’est pas praticable à grande échelle, et freiner le développement des villes empêche de tirer les avantages d’un tel développement. Le roi était aussi propriétaire d’un grand domaine qu’il exploitait de manière féodale. Mais dans les premiers temps il a accepté cela, a accepté la création de villes nouvelles à la limite des frontières des seigneuries permettant ainsi de renforcer son pouvoir économique et de réduire celui de certains seigneurs.

Le statut des villes sera différent selon les endroits et selon d’autres facteurs.

 

Section deux : le statut des villes.

 

C’est la situation juridique qui est essentiel pour savoir s’il s’agit d’une ville ou d’un village. Cela ne dépend pas de la population ou de l’importance physique de la ville. Certaines petites bourgades sont des villes car elles bénéficient d’une charte de franchise accordée par le seigneur. De même, un bourgeois : ce n’est pas un concept qu’on utilise alors pour désigner un statut socio-économique, c’était en réalité l’habitant de la ville qui bénéficiait d’un droit différent de celui des campagnes : privilèges. Ces privilèges dépendent des facteurs de création et du statut de la ville. Si le statut des villes est différent on va presque toujours trouver une structure commune : la corporation ou « communauté d’arts et métiers. »

 

§1-les différents types de villes.

 

À l’époque médiévale, cela n’avait pas de réelle importance. Mais à partir de certains points communs entre les villes on a désigné différents types de villes.

 

 

A) Les villes de communes :

 

Cela fait référence à une alliance passée entre les habitants pour conquérir leur liberté au seigneur qui la leur refusait. Cette alliance des marchands était généralement fidélisée par un serment d’entraide. Ce groupement a donc joué un rôle très important dans les cas de résistance très forte face au seigneur, on les trouvera ainsi surtout dans le nord, le nord-est. Quand les conjurés ont réussi à gagner leur indépendance, ils vont généralement rompre les liens avec le seigneur. Cependant, la ville elle-même va se comporter comme une seigneurie d’un autre type : elle va s’entourer de remparts pour se protéger, la ville construit son beffroi (comme le donjon des châteaux) pour montrer sa force et va créer des milices : les bourgeois (habitants de la ville, rappelons-le) qui doivent s’occuper de la commune.

 

Ci-dessus, le beffroi d’Alost en Belgique.

 

À l’intérieur de la ville il y a trois changements extrêmement importants qui vont marquer l’époque :

- liberté. Les habitants ne sont plus asservis, « l’air de la ville rend libre. » Au début, certaines communes vont attirer la population nouvelle en disant qu’il faut une nuit et un jour pour être libre. Par la suite il faudra un an et un jour (c’est le pendant de l’adage qui disait qu’il suffisait de demeurer un an et un jour dans une seigneurie pour être asservi…)

- démocratie : l’administration de la vile va être confiée par mandat, dans un cadre plus ou moins démocratique, aux maires, bourgmestres et échevins choisis par les bourgeois. Processus à deux degrés : choix de grands électeurs qui choisissent à leur tour les élus. Mais en réalité la direction des villes va être monopolisée par des petits groupes, et une oligarchie va s’instaurer.

- rationalité. Elle est sensible dans l’organisation de la justice. C’est la première fonction des échevins, ceux qui sont élus pour les fonctions municipales vont être nommés, principalement pour rendre la justice avec des nouvelles méthodes : preuves rationnelles, etc. Leur rôle va être important dans la coutume. Échevin = scabin, mot d’origine germanique, chargé de faire le droit = tradition, rattachement à l’ancien.

Ce point montre qu’en fin de compte malgré des changements importants dans les villes de communes on veut maintenir certaines anciennes traditions (ce qu’on voit souvent depuis le début : s’ancrer dans le passé par le biais des traditions.)

 

 

B) Les consulats :

 

Ce terme fait référence aux consuls, qui étaient les magistrats de la république romaine chargés de l’exécutif. Ce terme romain est significatif : ce type de ville se développe dans les régions à forte influence romaine. Elles se situent dans l’empire germanique, qui se prétendait l’héritier de ce modèle romain. Ce modèle se retrouve aussi dans de nombreuses villes du midi de la France. Les contacts entre l’Empire Germanique et le Royaume de France, notamment cette région, sont forts.

Dans les villes de communes il y avait eu une rupture très nette avec la féodalité. Dans les villes de consulat il y a plus d’harmonie, tout le monde, nobles et clergés, peuvent participer à l’organisation du consulat.

Deux organes importants : le Conseil de ville (c’est-à-dire l’assemblée générale des habitants), et le collège des consuls (le consulat), une dizaine d’élus s’occupant de l’administration et de l’organisation interne de la ville. Ces villes se sont constituées de façon pacifique. Le seigneur n’était pas considéré comme un adversaire à éliminer. Parfois le seigneur restera en relation avec le consulat. C’est une structure assez politique, une autonomie de la ville est revendiquée, sans rupture complète avec la féodalité.

 

C) Les villes franches :

 

On ne s’intéresse pas en premier lieu à la structure de gestion même de la ville. On met ici en avant les franchises, les libertés que les commerçants ont pu acquérir. Il n’y a pas de véritable autonomie politique. La ville est administrée par un prévôt, on parle ici de ville prévôtée (le prévôt est un agent du seigneur.) Le prévôt voit ses pouvoirs limités par la charte de franchise que la ville a obtenu dans son mouvement d’autonomisation. Il fait le serment (très important à l’époque) de respecter la charte. Pour les villes de communes ou les consulats il y avait aussi des chartes, mais ensuite elles se mettaient à produire leur propre droit et la charte cessait.

 

Privilèges, libertés, accordés à ces villes (aux bourgeois: commerçants, etc.) :

- La liberté  au sens de liberté d’activité : liberté pour utiliser son temps. Cela libère les habitants des corvées qu’ils devaient au seigneur. Cela laisse les bourgeois maîtres de leur activité.

- Privilèges de nature fiscale: diminution, voire suppression de certaines taxes.

- La justice est toujours rendue par le prévôt, mais il devra respecter certaines procédures modernes qui permettent au plai-gnant de faire valoir ses droits plus facilement.

 

Ces privilèges naquirent de la concurrence entre les différentes seigneuries. Si un seigneur veut maintenir une certaine activité économique dans sa seigneurie il devra accorder un certain nombre de privilèges. Il y a comme exemple de villes servant de modèles : Lorris en Gâtinais et Beaumont en Argonne. Il y a eu tout un mouvement de développement de ces villes de franchises. Ces villes vont garder un rôle historique. On va les appeler villes chef de sens, on va les consulter en cas de difficulté d’interprétation des chartes. Nouvelle culture fondée sur la discussion et la consultation de certaines autorités.

 

Avec ces villes, une certaine liberté va se développer dans certaines villes d’Europe occidentale (Cologne, not.). Mais cela ne se voit que par rapport à la féodalité, cela va en revanche conduire à certains blocages dans l’économie. Se pose alors la question des corporations inhérentes à ces villes franches.

 

 

§2-Les corporations:

 

Elles trouvent leur origine dans les associations d’artisans, de commerçants, créées auparavant au début de la formation des nouvelles villes. Elles vont se développer pour structurer les relations économiques à l’intérieur des villes. Elles sont souvent animées par des idées morales, religieuses (idée de juste prix...) Elles vont donc veiller à ce que les prix soient conformes à cette idée de justice. Ils n’admettront pas que le marché fixe les prix. Mais on constatera dans beaucoup de cas que ces groupes de marchands vont aussi avoir comme préoccupation de restreindre la concurrence. Le prétexte avancé par ces marchands est de défendre la qualité du produit. Il faut offrir des produits de très bonne qualité. Le résultat de cette préoccupation est d’avoir une réglementation très stricte qui va restreindre très fortement la liberté de l’industrie, du commerce. Cela commence par une restriction de l’entrée dans la vie professionnelle. Il faut passer par un apprentissage extrêmement long (où l’on n’est pas payé et où il faut payer le maître !!) Ensuite, on devient compagnon, ce qui permet de devenir maître si l’on parvient à réaliser un objet remarquable.

 

Le coût d’entrée dans un métier est donc très important. Le coût d’apprentissage et de réalisation du chef d’œuvre sont très importants. On ne peut produire librement. Il y a des inspecteurs (jurés de métiers), chargés de contrôler la production. Pour faciliter l’organisation de cette structure, il y aura de nouvelles organisations : rue des orfèvres, rue des bouchers, etc. Ces métiers étaient regroupés par quartiers. Les boutiques devaient être ouvertes (pour que le client ou l’inspecteur puisse voir), et les boutiques devaient être réduites (un ou deux compagnons et un ou deux apprentis, pour un meilleur enseignement.) Cela entraîna une restriction de la production favorable à ceux qui sont déjà intégrés à la corporation, mais pénalisant les outsiders.

 

A partir du 14ème siècle, l’économie est moins bonne (début de la guerre de cent ans, mauvaises récoltes) : tensions corporatives è développement d’association d’ouvriers : les compagnonnages. Les compagnons vont essayer d’obtenir un certain nombre de droits. Se développent des « cabales » : des grèves. Cela entraîne parfois des révoltes, voir même des guerres civiles. Notamment dans la France du nord (Flandre…) Les crises économiques vont entraîner aussi des crises politiques. Cela va favoriser le développement du pouvoir royal : pour arbitrer, on ne peut plus faire appel au seigneur, que l’on a écarté du pouvoir réel, on fait donc appel au roi, et beaucoup de ces villes vont perdre leur autonomie, vont perdre leurs privilèges. Mais ceux-ci ne sont plus nécessaires pour le développement économique car le droit a évolué et a été remplacé par un droit plus rationnel pour le développement des activités économiques et commerciales.

 

 

CHAPITRE 2 : L’EVOLUTION JURIDIQUE

 

Depuis le 12ème siècle, on a enregistré un nombre important de progrès dans les sources du droit. Avant, on avait un droit archaïque, marqué par la décadence du droit romain. Le 12ème siècle ouvre le développement d’une véritable science juridique. Un rôle de plus en plus important est accordé aux spécialistes du droit. L’aspect scientifique, du raisonnement juridique, concerne d’abord le droit rédigé en latin. Seul ce droit était digne d’être étudié dans les universités. Ce droit latin est d’ailleurs appelé à l’époque le droit savant. Son étude est favorisée par l’étude de textes retrouvés. Il va y avoir aussi un développement important du droit canon.

La nouvelle science juridique va aussi intégrer la coutume dans son étude. Elle était jusque là considérée comme un droit vulgaire et n’était pas étudiée en université. Elle va connaître une transformation matérielle : elle va être rédigée dans un certain nombre de cas, et l’on pourra l’étudier ; on étudiera le droit coutumier.

 

Une nouvelle catégorie juridique va apparaître à la fin du Moyen-Age : la législation royale. Le roi a retrouvé une certaine importance et va produire du droit, non plus par privilège isolé, mais car il va intenter une action en faveur d’une uniformisation du droit. À partir de la fin du Moyen-Âge il va alors y avoir un mouvement d’unification du droit au travers du droit royal. On parlera alors bientôt de droit français.

 

 

Section une : le développement du droit savant :

 

Les choses changent au 12ème siècle, car on retrouve une masse considérable de textes à étudier, tournant essentiellement autour du droit romain. Cela est dû au hasard, une découverte fortuite ! On cherchait ces textes, notamment l’Église, qui les cherchait pour défendre ses intérêts contre le pouvoir féodal. On se souvenait des textes romains concernant les pouvoirs de l’Église suivant le droit romain. On va trouver un recueil très large de textes dus à l’Empereur Justinien.

 

 

§1- La redécouverte du droit romain.

 

Il faut parler de redécouverte car ce droit n’existait plus que par bribes. Mais cela ne concernait pas la part la plus importante du droit romain : le jus (droit des jurisconsultes.) C’est grâce à la possibilité d’accès à la science juridique romaine que l’on va pouvoir développer de véritables écoles de ce droit et envisager leur application.

 

 

A) Le Corpus Juris Civilis de Justinien :

 

Le « corps de droit civil. » Corps, car on regroupe tous les éléments du droit civil au sens ancien du terme (c.-à-d. le droit de la cité de Rome.) C’est une œuvre réalisée par Justinien, qui aura un grand rôle de juriste. Justinien a été empereur  dans l’Empire Romain d’Orient à Byzance entre 527 et 565. Justinien va essayer de renforcer les structures juridiques romaines. Il a comme préoccupation majeure de reconstruire l’Empire Romain qui avait été divisé. Pour ce faire, il se livre à des opérations militaires contre les barbares. Il a donc une action de force. Mais il a des préoccupations plus ambitieuses. Il sait que la véritable force de Rome n’est pas la force de bataille mais celle des institutions romaines. Dès 527, il va reprendre le programme de Théodose de codification (le code théodosien.) L’Œuvre de Théodose était très toutefois incomplète, Justinien souhaitait donc reprendre ce travail et nomma en 528 une commission composée de juristes et présidée par un haut fonctionnaire le Préfet du prétoire : Tribonien (ci-dessous sur un bas-relief se trouvant dans la Chambre des Représentants des USA, à Washington.)

 

Cette commission aboutit à la publication d’un code rassemblant toutes les constitutions impériales. Ce code complète le travail de Théodose. Mais ce n’est que le leges qui est codifié, or la valeur du droit romain classique réside dans le jus. En 529, il nomme donc une commission, toujours présidée par Tribonien et composée de professeurs et d’avocats. Elle est chargée d’étudier les œuvres des jurisconsultes de l’époque classiques (et pas uniquement des cinq jurisconsultes de la loi des citations.) Ils étudient les écrits de 39 jurisconsultes, et réalisent une vaste compilation de textes choisis parmi plus de 1500 livres. La commission avait le droit de remanier les textes afin de les rendre plus facilement consultables par les citoyens : la langue avait changé, on était passé d’une république à un empire, etc. Au bout de quatre ans de travail, en 533, on aboutit à un nouveau recueil qu’on appellera le Digeste ou, selon le nom grec, le Pandectes. Le Digeste est divisé en cinquante livres, divisés eux-mêmes en titres puis en paragraphes. On va très vite utiliser un système de numérotation pour s’y repérer (D1-2-4: Digeste, livre un, titre deux, chapitre quatre.) Les paragraphes ont le nom de leur auteur d’origine (Paul, Ulpien, Papinien, etc.) Cette œuvre (code plus Digeste) est énorme. Ainsi, Justinien demande à sa commission de rédiger un texte à l’attention des étudiants : les institutes. Ce manuel est en fait divisé en quatre livres, correspondants aux quatre années d’études de droit.

 

On s’est ensuite aperçu qu’il manquait quelques constitutions impériales oubliées, et quelques textes pris par Justinien y sont ajoutés. On doit donc réviser cela. On y ajoute les novelles, comprenant les nouvelles dispositions prises depuis l’élaboration de ces textes. Tout ceci va représenter pendant des siècles (6ème siècle) la base du droit en Orient. D’autant plus que Justinien a décidé tout d’abord que toutes les œuvres antérieures soient détruites. Il y a donc une  part du droit des jurisconsultes qu’on ne retrouve que par fragments dans le digeste. Par ailleurs, Justinien a décidé que les enseignants devaient enseigner le texte tel qu’il était sans se livrer à des interprétations critiques sur le texte…

 

En Occident, ces textes ne parviennent pas. Tout de même, Justinien a essayé de reconquérir une partie de l’Italie du nord (Pise…) C’est là la chance pour notre histoire du droit : on a emmené des copies de ce Corpus Juris Civilis. L’Empire Romain se retire par la suite et certains manuscrits demeurent dans des monastères. Au 11ème siècle, certains membres du clergé décident de les rechercher. On retrouve à Pise dans un premier temps un manuscrit qui sera recopié et étudié à Florence et Bologne. Les universitaires vont s’appuyer sur ce nouvel outil.

  

 

B) Les écoles de droit romain :

 

On regroupe les auteurs qui se sont intéressés à ce droit en trois grandes catégories, en trois grandes écoles : glossateurs, commentateurs, et enfin l’école des humanistes.

 

 

1) L’école des glossateurs :

 

Référence à la glose : la langue (glossa en grec), elle désigne des notes, des annotations faites en marge du texte pour expliquer des passages obscurs, notamment pour des raisons linguistiques. On commence à étudier cela à Montpellier, sous la houlette d’un professeur (juriste et glossateur italien) émérite : Placentin.

Les institutions complexes dans ces textes sont incompréhensibles car le régime des barbares est mal organisé. Des gloses apparaissent donc tout le long des pages des manuscrits pour en éclairer le contenu. C’est une phase relativement primitive, il s’agit d’expliquer les textes. Elle dure relativement longtemps (plus d’un siècle.) On considère que cette phase s’achève en 1250, avec l’œuvre d’un glossateur important : Accurse, qui écrivit la Grande Glose et réunit toutes les gloses antérieures.

 

 

2) Les commentateurs :

 

Parfois appelés l’école des « post-glossateurs », ils profitent du travail préalable des glossateurs. On l’appelle aussi école des « bartolistes », Bartole ayant été un grand professeur de Bologne. Ils tentent de comprendre le texte en l’appliquant aux situations actuelles. Isa de faire un commentaire dialectique, raisonné, de chaque passage de ce corpus, notamment dans le digeste. Ils essayent ainsi de retrouver le cas étudié par les jurisconsultes dans leurs différentes consultations et ayant créé le jus. Ils vont ainsi essayer de dégager les principes généraux énoncés par les jurisconsultes, et vont essayer les comparer avec les situations au 14ème siècle. Les commentateurs considèrent la loi comme la raison écrite. Bartole va ainsi résoudre quantité de cas en tirant des principes du droit romain.

À partir du 12ème siècle, les individus se déplacent, il y a le problème d’articulation des droits différents pour résoudre les cas. Bartole évoque le cas où un habitant de Bologne veut faire un testament, concernant des biens qu’il a, mais se trouvent à Florence. Ce genre de situations se produit de plus en plus souvent avec le déplacement des marchands. Quel droit appliquer ici ? On va distinguer les situations en regardant des cas pratiques, et ceci non pas en appliquant le droit romain, mais en en appliquant les principes. Cette méthode a d’abord rencontré un très grand succès, mais malheureusement de nombreux auteurs vont écrire des ouvrages complexes où les références claires au droit romain d’origine ne se trouvent plus. Cela va susciter une réaction intellectuelle importante.

 

 

3) Les humanistes :

 

Ils travaillent surtout à la fin du 15ème siècle et au début du 16ème : au début de la renaissance. Ce terme correspond surtout à la renaissance de l’Antiquité sur de nombreux points. Ces auteurs vont essayer de trouver la réalité du droit romain qui avait disparu dans la masse énorme des commentaires des bartolistes ou des gloses imprécises. Des savants vont faire des recherches approfondies, ils vont observer le Corpus Juris Civilis et des œuvres latines afin de mieux comprendre les logiques et les institutions romaines. On essaye de reconstituer un droit romain pur. Cette école sera d’ailleurs appelée « école historique de droit romain. » Cette méthode est surtout pratiquée en France, nommons ainsi Jacques Cujas (1520-1590.) Il s’est notamment efforcé de reconstituer les œuvres des jurisconsultes classiques. Il a tenté de retravailler tous les fragments contenus dans le Digeste afin de retrouver la substance des œuvres ensuite brûlées par Tribonien. Mais ce travail, bien que scientifiquement important, n’est pas réellement important sur un plan pratique. En réalité, quand Cujas travaillait, on se fichait d’une application directe du droit romain. Cette question d’application du droit romain est importante.

 

 

C) La réception du droit romain :

 

Un peu partout en Europe se diffuse cette étude du droit romain. Se pose la question de son application. Cela diffère selon les pays. L’Empire germanique et la France sont ainsi opposés. Pour l’empire germanique, le droit romain est reçu avec faveur car l’empereur germanique se considère comme le successeur de l’empereur romain. Dans un premier temps on va le considérer comme un droit supplétoire à la coutume : si la coutume se tait, le droit romain parle.

Ensuite, dès que cela est mieux connu, on passe à l’étape de la « Vollrezeption » (« réception complète » en allemand) : on va considérer à partir du 16ème siècle que le droit romain est le droit commun de l’empire car l’empereur allemand est un empereur romain (« Saint-Empire Romain Germanique. ») Cela durera jusqu’en 1900. C’est quelque chose d’extraordinaire pour l’histoire allemande. L’empereur allemand a un pouvoir limité, mais l’émiettement (plus de trente états !) est compensé par l’unicité du pays au niveau juridique autour du droit romain.

 

Le roi de France constate très tôt un progrès extraordinaire du droit romain parmi les juristes et s’en inquiète. Le droit romain présentait un problème pour le roi de France : reconnaître ce droit ne pouvait-il pas être interprété comme une reconnaissance de l’empereur germanique?  Cette situation était compliquée du fait que de nombreux auteurs, tels les glossateurs, écrivaient dans des pays du Saint-Empire Romain Germanique et avaient parfois fait la confusion entre les droits germanique et romain. Philippe Auguste avait réussi à vaincre à Bouvines en 1214 l’empereur germanique. Il ne voulait donc pas perdre sur le plan juridique et va essayer d’écarter ce droit romain. Il obtient du Pape une interdiction de l’enseignement du droit romain dans l’université de Paris (universités : établissements ecclésiastiques.) Cela se fait par décrétale en 1219. A Paris, car c’était la capitale du royaume.

 

Les successeurs de Philippe Auguste vont constater que certains juristes vont étudier le droit romain ailleurs. D’autres rois vont devoir prendre des décisions supplémentaires sur ce terrain. Philippe III (dit Le Hardi, son fils), en 1275 prend un édit (légifère) pour interdire aux avocats d’alléguer des arguments de droit romain dans les procès, et ce surtout pour protéger la coutume. Ces coutumes, notamment dans le midi de la France, sont inspirées de l’ancien droit romain. Finalement, dans le midi, les juristes vont malgré tout continuer à développer le droit romain, surtout quand les coutumes romaines les y poussent. Le roi va alors progressivement accepter que l’on fasse référence au droit romain (vers le 13ème siècle), car il s’agit d’une coutume romaine. Ce n’est pas un droit allemand, mais un droit déjà ancré dans la tradition juridique française.

 

En France il y a donc une différence entre le nord coutumier et le sud de droit écrit (écrit dans la mesure où fait référence au droit romain.) Le roi, qui a étendu son pouvoir, a besoin de juristes formés à la raison écrite et aux méthodes du droit romain. Les rois vont donc encourager son étude à partir du 14ème siècle avec Philippe Le Bel qui, en 1312, va créer des chaires de droit romain à Orléans (toujours pas à Paris, il faudra attendre 1679.) Il dit que c’est la raison écrite qu’il encourage et non la loi écrite.

 

 

§2-la codification du droit canon.

 

Le droit canon ne connaissait pas la rareté des sources caractérisant le droit romain : Papes, évêques, conciles etc. Cela posait un problème important dans la pratique car certains textes n’étaient pas fiables, déformés par les recopiages, et entraient parfois en contradiction les uns avec les autres. Vers 1140, Gratien, moine de Bologne, s’attaque à des milliers de textes de droit canonique pour rédiger une concordia discordantium canonum : un essai de concorde des canons discordants.

C’est une compilation où Gratien analyse les textes et essaie d’éliminer ceux qui ont été transformés. Il ajoute des commentaires, des interprétations. Succès extraordinaire. Son essai de concorde sera par la suite connu sous le nom de décret de maître Gratien. Cela serait un décret alors qu’il ne s’agit que d’un ouvrage doctrinal. Ce décret va être utilisé dans l’enseignement. On verra ainsi apparaître dans ces universités des écoles assez semblables à celles du droit romain. Les décrétistes vont ainsi étudier les textes à la manière des glossateurs. Mais Gratien a oublié certains textes, et la production législative des papes est importante. Grégoire IX confie la mission à un moine de rédiger une compilation du droit canon. Il achève son travail en 1234. Les décrétales de Grégoire IX sont publiées, cela correspond à 1500 décrétales du passé, réunies en cinq livres répartis de façon rationnelle. L’influence du Corpus Juris Civilis est donc importante. Dès le 13ème siècle on commence à parler de Corpus Juris Canonici par analogie au corps civil romain. L’attitude de Grégoire IX reprend celle de Justinien: il interdit de nouvelles compilations sans son accord.

Ces compilations vont se faire avec d’autres papes. Le mouvement s’achève en 1582. L’influence se fera sentir jusqu’en 1917 avec la publication du Codex Juris Canonici. Cette compilation a un grand succès dans les universités. Les décrétales donneront lieu à des écoles de décrétalistes. De nombreux étudiants vont suivre des études de droit romain et droit canon.

 

Mais l’essentiel du droit dans la pratique en France c’est la coutume. Quelle place avait-elle dans les universités? Pas grand chose : droit vulgaire. Le développement du droit savant allait de plus en plus menacer la coutume. Certains juristes allaient faire prévaloir le droit savant sur la coutume. Les rois ont donc tenté de créer un droit coutumier.

 

 

Section 2 : La formation d’un droit coutumier

 

La coutume (source essentielle du droit dans une large partie de l’Europe médiévale) évolue en prenant une forme écrite. On va connaître à la fin du Moyen-Âge des mouvements d’écriture du droit coutumier.

 

 

§1- La rédaction des coutumes :

 

La coutume s’est développée en raison du déclin du droit écrit. La coutume n’avait en effet pas besoin d’écrit pour exister. Mais ce n’est pas l’élément important, ce qui est caractéristique, c’est qu’elle se forme spontanément au sein d’un groupe social. Ce groupe social a vu cette coutume, et surtout sa forme, lui poser des difficultés.

 

 

A) Les causes de la rédaction :

 

Il y a essentiellement deux séries de causes témoignant d’un déclin de la coutume à la fin du Moyen-Age.

- Elle est mal connue, se pose un problème de preuves. La rédaction est une forme aisée de preuves.

- La coutume subit la concurrence des droits savants. Elle est quelque chose de souple, elle est voulue, mais parfois certains introduisent des règles qui annoncent le passage à l’utilisation du droit romain ou du droit canon. Surtout dans le midi, où il y a une forte base romaine de la coutume. L’écrit va permettre de protéger la coutume de cette infiltration du droit savant.

 

 

1) les problèmes de preuve :

 

Ils sont de plus en plus sensibles au 13ème siècle. Deux phénomènes.

La situation de fait: il y a un brassage de la population. Les groupes sociaux deviennent plus composites. On a des modifications de la procédure judiciaire. On va abandonner les fonctionnements anciens (jugements de Dieu etc.) au profit de nouveaux mécanismes rationnels encouragés par le roi (au nom de son devoir de justice.) Cette procédure rationnelle fonctionne grâce à des magistrats de carrière nommés par le seigneur ou le roi (le seigneur ne va plus gérer ses affaires.) Les magistrats de carrière ne sont pas nécessairement originaires de là où ils doivent appliquer leur savoir. Ils ne connaissent pas la coutume en place. De plus, ils sont formés au droit savant.

 

On distingue la coutume notoire (bien connue, même du juge) et la coutume privée (règle invoquée par les parties au procès, inconnue du juge.) Quand il s’agit d’une coutume privée, il demande la preuve de l’existence de cette coutume. Au Moyen-Age, on fait appel au témoignage, on va recourir à une méthode d’enquête : enquête par turbe (vieux terme pouvant se traduire par foule.) On va mener une enquête auprès de nombreuses personnes (la coutume naît au sein du groupe social, cela semble donc logique) pour savoir quelle règle existe. On va enquêter auprès d’un groupe d’une dizaine d’anciens qui doit se prononcer à l’unanimité. Car s’il existe un doute, le consensus n’existe pas, et la coutume non plus.

 

Au 15ème siècle, on aura même un élément de complication supplémentaire : on va dire qu’une turbe forme un témoignage collectif, ce n’est qu’un témoignage. Un témoignage seul est nul  (Testis unus, testis nullius : un témoignage isolé est nul.) On va donc demander le témoignage de deux turbes. Ce système n’est pas satisfaisant, à la fin du Moyen-Age on va essayer de prévenir ces problèmes d’application de la coutume. On va organiser des proclamations solennelles de la coutume devant les villageois. On établira parfois un procès verbal de cette proclamation : un rapport de droit.

 

La coutume existe toujours principalement oralement (proclamation orale.) Mais l’écrit s’introduit dans le système. Cela est important pour des juges formés au droit savant et séduits par l’écrit. Il faut donc un écrit.

 

 

2) la résistance au droit savant:

 

Le droit savant, surtout le droit romain, rencontre un grand succès ; mais pas auprès de tout le monde. Il n’intéresse que certaines catégories: juristes (permet de montrer une certaine supériorité, c’est un droit écrit en latin, complexe etc.), bourgeois des villes (surtout marchands du grand commerce car c’est le droit que connaissent les juristes dans toute l’Europe.) Mais dans les campagnes ce succès est moindre. La population est assez attachée à ces coutumes (qui proviennent de la base, du groupe social.) Le droit savant semble plus proche de l’autorité (roi, Pape etc.), c’est elle qui le créée et s’en sert. On va assister dans certains cas à une véritable révolte envers cette émergence du droit savant. En Allemagne, où s’effectue la Vollrezeption il y aura ainsi de nombreux soulèvements visant à défendre la coutume.

En France, certaines doléances sont transmises au roi par les populations, beaucoup s’inquiètent de cette évolution et rappellent au roi qu’il est le garant de la coutume (cf. décision de Philipe III envers les avocats.) Mais cette action est insuffisante.

 

 

B) Les formes de la rédaction :

 

Dans cette évolution de la rédaction on a un phénomène analogue à ce qu’on a pu voir pour les compilations de droit romain ou canon. Il y a des initiatives privées (comme Gratien pour le droit canon.)

 

 

1) Les coutumiers privés

 

On voit apparaître au 13ème siècle des coutumiers rédigés en Normandie : la grande coutume de Normandie, suivie après par la Summa de legibus normanniae. Cela est toujours utilisé dans certaines îles normandes (anglo-normandes.)

Nous avons aussi un certain nombre de coutumes qui apparaissent en Île-de-France : le « conseil à un ami », le « jostice et le plet », recueil appelé « les établissements de Saint-Louis », très intéressants. Les établissements sont les règlements royaux. Important, car en réalité il s’agit d’un recueil de coutumes.

Enfin, vers 1280, apparaissent les coutumes de Clermont-en-Beauvaisis, rédigées par Philippe de Beaumanoir (juge royal.)

 

À la fois droit privé et droit public. Il existe d’autres coutumiers privés, citons surtout le grand coutumier de France rédigé entre 1337 et 1339 par Jacques D’Ableiges (France fait ici référence à l’île-de-France et non pas au royaume dans son entier.)

 

Ce qui est intéressant de voir est que dans les deux cas sus-cités, il s’agissait de baillis royaux. En tant que baillis l’une de leurs fonctions essentielles était de juger. C’est pour les aider en cela qu’ils ont choisi d’écrire ces coutumiers. La fonction de ces auteurs officiers de justice explique le succès qu’ils vont rencontrer. Ce sont des œuvres privées, qui n’ont donc aucun caractère officiel réel, néanmoins les plaideurs qui vont passer devant les juges ont intérêt à prendre connaissance de la coutume notoire, celle connue du juge. Ces auteurs ont également un peu déformé la coutume, dans la mesure où ils ont été recrutés parmi les juristes formés au droit savant. Ces baillis se targuent d’une certaine connaissance du droit savant et ne peuvent s’empêcher d’intégrer dans leur droit coutumier des règles de droit romain ou canonique en les camouflant sous la forme de règles coutumières. Ils vont aussi s’appuyer notamment sur leur jurisprudence plutôt que sur la coutume elle-même.

La réalisation des coutumiers privés est donc importante mais possède un caractère incertain.

 

 

2) La rédaction officielle

 

Elle a été entreprise par le roi Charles VII au 15ème siècle. Le roi est saisi de nombreuses doléances de ses sujets qui veulent défendre la coutume. Dans l’ordonnance de Montils-Lès-Tours, en 1454, il ordonne la rédaction des coutumes, justifiant cela par son devoir de faire régner la justice. Il faut pouvoir prouver la coutume, il faut donc en assurer la connaissance et en assurer la véracité par un travail officiel de rédaction de la coutume. Il ordonne que dans chaque bailliage soit établi un projet de rédaction de la coutume par le bailli. Or, de nombreux baillis étaient prêts à cela, voire l’avait déjà fait (voir ci-dessus.) Ce projet doit ensuite être envoyé à la cour royale afin d’être validé par le roi. Ce système est très centralisé, le bailli est à la base le représentant du roi. Ce système centralisé fonctionnera assez mal, d’abord en raison des difficultés de communication (difficile de solliciter des renseignements complémentaires de façon rapide), mais aussi car il y a des résistances locales. Dans les bailliages la population voit d’un mauvais œil ce système qui pourrait venir uniformiser la coutume. On réussit seulement à rédiger péniblement quelques coutumes.

 

Le successeur de Charles VII, Charles VIII, reprend la question dans un édit de 1497 où il établit de nouvelles règles plus complexes. Il y a alors quatre phases dans la procédure:

- rédaction du projet sur place comme auparavant.

- étude de ce projet par des commissaires royaux (commis dans cette fonction è commissaires) venant examiner le texte sur place. Ces commissaires sont en général choisis parmi les magistrats du parlement de Paris (rappelons que jusqu’en 1789 un parlement est une cour de justice supérieure, avec de surcroît des fonctions politiques.)

- discussion du projet au sein des états généraux du bailliage: il s’agit de la réunion des représentants des trois ordres au niveau restreint du bailliage. Ces représentants sont consultés par les commissaires royaux qui leur présentent le projet articles par articles. Si les représentants des trois ordres sont satisfaits de l’article ils disent que l’article est accordé. Sinon l’article est discordé.

- *en cas de discorde d’un article. Dans ce cas le parlement de Paris est amené à trancher afin de décider de la rédaction finale.

 

Cette procédure très souple va avoir un très grand succès. Dans les années suivant l’édit de 1497 il va y avoir de très nombreuses rédactions, elles sont ensuite publiées, le roi en ordonne ensuite le respect « comme loi perpétuelle » de tel ou tel bailliage. Cette formule peut paraître inquiétante : la coutume devient loi, et devient imprescriptible. Cela nuit au caractère souple de la coutume qui doit évoluer avec les évolutions sociales.

 

 

§2- L’évolution du droit coutumier.

 

La coutume a donc subi des modifications de fond et de forme.

è fond : Les commissaires royaux ont bien souvent tenté d’introduire du droit savant ou la jurisprudence du parlement de Paris pour modifier des articles qui leur sembleraient peu intéressants.

è forme : La coutume devient figée, elle ne peut être modifiée que par l’action royale.

 

Ces deux éléments vont continuer à jouer leur rôle dans les siècles suivants. Évolution importante, d’une part de par le rôle de la doctrine, et d’autre part de l’émergence d’un contrôle royal de la coutume.

 

 

A) L’action de la doctrine :

 

Les juristes, notamment dans les universités, travaillaient jusque là surtout sur le droit savant car ils avaient des textes à étudier. Maintenant, on a des textes (coutumiers privés ou coutumes officielles.) Ils vont donc venir s’intéresser à ce champ nouveau d’activité.

 

Au début, on utilise la même technique que pour le droit savant : technique de glossateurs afin d’expliquer les coutumes, rédigées souvent dans le dialecte local. Cette phase est très rapidement franchie. On passe alors à la technique des commentateurs, des auteurs coutumiers vont essayer de trouver une logique du droit coutumier, qui vont essayer de rapprocher les différentes règles coutumières. Cela va être réalisé par de nombreux auteurs durant le 16ème siècle.

è Charles Dumoulin est un jurisconsulte parisien qui publiera notamment un commentaire sur la coutume de Paris. Il y soutient le pouvoir du roi contre la féodalité d’une part, mais aussi et surtout contre le pouvoir de l’Église, contre le droit canonique et ses dérivés. Il n’est pas satisfait de la rédaction des autres coutumes, il juge qu’elles ne sont pas dotées d’un grand intérêt, et que leur rédaction pourrait nuire au pouvoir du roi.

 

Cette théorie n’est pas partagée par tous les auteurs. Évoquons ici les théories de Bertrand d’Argentré (1519-1590), un magistrat breton qui a rédigé le commentaire de la coutume de Bretagne, il y est très attaché et les idées de Dumoulin ne lui conviennent pas. Il estime qu’il faut respecter les coutumes locales. Si des problèmes existent, il suffit de se rapporter aux coutumes selon les endroits. Cette polémique était importante dans une première phase. Mais, au début du 17ème siècle, d’autres auteurs vont tenter une approche plus subtile. Ils vont chercher à rapprocher les coutumes : « La conférence des coutumes », il s’agit de réunir les coutumes afin de tenter d’en dégager les grandes caractéristiques afin d’établir un droit commun. Notons ainsi les travaux de Guy Coquille et d’Antoine Loisel : c’est un avocat parisien qui a publié « Les institutes coutumières ». Il présente sa thèse de manière très efficace. Il a recueilli dans le royaume une série d’adages, de dictons qui permettent de se remémorer certaines règles de droit de façon simple et intéressante.

Exemple : « En mariage, trompe qui peut » è pour se marier, on a le droit de se rendre plus aguichant qu’on est en réalité. Il dira que son projet avait pour but de « réduire à la conformité d’une seule loi les provinces françaises rangées sous l’autorité d’un seul roi. »

Au 17ème siècle, l’idée d’un droit commun à tout le royaume est défendue par la doctrine, par l’ensemble des auteurs. On voit même apparaître l’idée d’un droit français. Cette idée va être fortement soutenue par le roi, et c’est Louis XIV qui, en 1679, prend un édit pour créer des chaires de professeur de droit français dans les universités (ensemble des règles tirées des coutumes ainsi que la législation royale.) Il y aura donc dès lors une nouvelle phase doctrinale importante, certains professeurs vont jouer un rôle de publication. Notons ici Pothier, ancien magistrat devenu professeur en 1750 et jusqu’en 1772, qui a publié des traités sur de nombreuses questions de droit civil où il essaye de faire une synthèse de toutes les sources du droit. Ces professeurs de droit français marquent donc l’ultime étape de cette évolution doctrinale sous l’Ancien Régime. Ils sont, contrairement aux autres professeurs d’universités, payés par le roi. Ceci montre une évolution considérable : le roi contrôle de plus en plus attentivement l’évolution du droit dans le royaume.

 

 

B) Le contrôle royal :

 

La rédaction de la coutume ne change pas la nature de cette source du droit, la règle reste toujours la manifestation du groupe social. Le roi vient seulement en constater l’existence, il ne la crée pas. De nouvelles règles peuvent apparaître spontanément dans le groupe social. Cependant, il faut toujours constater ces évolutions par écrit. Quand un texte semble s’être éloigné de la réalité le roi peut décider de lancer une réformation de la coutume. Il s’agit de réécrire le texte. Naturellement, on va utiliser pour ce faire les mêmes méthodes que pour la première écriture. Beaucoup de réformations s’opèrent dans la moitié du 16ème siècle. Ces coutumes évoluent rapidement? En réalité ces réformations sont venues à la suite des commentaires, du fait de la doctrine, notamment les thèses de Dumoulin. Dans ces réformations il va y avoir un rôle très important d’un des commissaires royaux : Christophe de Thou. C’est son action qui va influencer beaucoup de réformations, naturellement dans le sens d’un alignement sur la coutume de Paris.

À la fin du 16ème siècle, ce mouvement important va être pratiquement arrêté, et à partir du 17ème siècle la rédaction de coutumes ne touchera presque que les nouvelles provinces rattachées au royaume (exemple de la Lorraine.)

La coutume paraît alors figée. L’ordonnance de procédure civile de 1667 va d’ailleurs abroger l’enquête par turbe. Dorénavant, la preuve de la coutume ne se fera qu’au travers de la rédaction ou d’une attestation de notoriété de la coutume par le juge. Au 17ème siècle la seule source vivante du droit restera donc la législation royale.

 

 

Section 3 : Les progrès de la législation royale

 

La législation royale s’est considérablement étendue depuis le 12ème siècle, et ce sur plusieurs plans :

è Actes royaux plus nombreux et variés. Il y a plusieurs catégories d’actes royaux.

è Lois royales qui vont s’occuper de questions de droit privé, qui jusque là n’entraient pas dans les compétences du roi.

è Tentatives d’unification du droit français apparaissent.

 

 

§1- Les différents actes royaux.

 

Fin du Moyen-Age : nombreuses catégories d’actes qui reflètent la multiplication des compétences royales. L’étude de ces actes prend le nom de la diplomatique. Une grande importance est laissée aux symboles, on scelle les actes royaux : « à tous, présents et à venir » : importance, longue durée etc. On parle des lettres patentes.

 

 

A) Les lettres patentes :

 

Ce sont des actes importants, leur présentation est très soignée, elles sont rédigées sur du parchemin (patent : visible.) Cette façon de rédiger les actes est utilisée pour trois séries de textes législatifs :

- les ordonnances : ce sont les textes les plus importants, ils règlent de très nombreuses questions, sans ordre logique réel. On parlait parfois d’ordonnances de réformation : volonté de correction des défaillances des institutions du royaume. Dans les situations de crise les états généraux présentaient au roi des doléances contre certains abus, le roi y répondait en prenant une grande ordonnance. Notons ainsi l’ordonnance de Blois de 1579 sur la police générale du royaume : elle comprend de nombreux articles sur de nombreux sujets.

- les édits : ce sont des textes restreints à un problème particulier, ils ont un champ d’action plus particulier. Notons ici l’édit de Nantes sur la circulation des protestants dans le royaume ou l’édit de Fontainebleau qui vient annuler les dispositions de l’édit de Nantes.

- les déclarations : textes interprétatifs pris par le roi pour expliquer un point d’une ordonnance ou d’un édit précédent, dans le cas où il aurait mal été suivi. Parfois, au 18ème siècle, certaines déclarations se contentent de rappeler l’existence d’un édit précédent.

 

(Pour en finir sur les lettres patentes : elles sont datées, mais pas du jour de leur prise, plutôt du mois ou de l’année.)

 

 

B) Les autres actes :

 

- arrêts du conseil : extraits du registre des conseils du roi. Le roi prend des décisions après conseil, ses décisions sont transmises dans le système administratif par ces arrêts de conseil.

- lettres de cachet : ce sont des lettres fermées, rédigées sur un parchemin et fermées avec un cachet de cire. Elle sont donc différentes des lettres patentes car elle sont secrètes. Elles sont très souvent utilisées pour donner des ordres aux officiers royaux, mais aussi parfois pour donner des ordres d’enferment, notamment à la Bastille. Ces lettres deviendront ainsi au 18ème siècle le symbole de l’arbitraire royal.

 

La forme est à peu près précise pour les différents actes. Néanmoins, aucune règle précise n’impose cela au roi. Il peut légiférer en choisissant telle ou telle forme d’acte selon la conjoncture du moment. Les lettres patentes nécessitent ainsi un certain protocole avant d’être promulguées. Il faut que le chancelier vienne sceller l’acte. Dans le cas d’une opposition du chancelier (qui possédait les sceaux) le roi pouvait lui retirer les sceaux et les confier à un homme qui devenait le « garde des sceaux » ; de plus, il fallait ensuite que l’acte soit présenté au parlement. Celui-ci avait un droit de remontrance, que le roi pouvait là aussi contourner, mais cela freinait son action législative. Ainsi, le roi va donc parfois prendre des arrêts du conseil pour des questions importantes de droit public, le caractère solennel n’est plus présent et cela va plus vite. Pour les questions de droit privé il doit nécessairement passer par une procédure solennelle, mais cela va évoluer.

 

 

§2- L’intervention en droit privé.

 

Le droit privé c’est de la coutume pure. Le roi n’en est que le gardien, il ne peut mener d’action frontale face à la coutume. Néanmoins il peut procéder à cela en vertu de deux de ses autres fonctions :

- il est source de toute justice : il va utiliser son pouvoir pour fixer des règles de procédure de droit privé.

- il est le gardien du bien commun du royaume : il doit défendre l’intérêt général en fait. À cette occasion il va s’opposer à l’Église, surtout en matière de mariage. 

 

 

A) Les règles de procédure :

 

Le roi a comme préoccupation de rendre la justice plus sure, plus rapide, moins onéreuse. Le roi va s’y intéresser pour d’autres questions que la coutume. A propos de la preuve : au Moyen-Age on utilise surtout le témoignage, système peu sur, peu rationnel. Il vaut mieux avoir des preuves plus matérielles. Pour faciliter ces preuves le roi décide, dans son ordonnance de Moulin en 1560, d’exiger un écrit pour toute convention dont la valeur est supérieure à cent livres (base de l’article 1341 du code civil.) Le rôle de l’écrit devient de plus en plus important dans le système judiciaire. Ainsi l’ordonnance de Villers-Cotterêts établie en 1539 sous François 1er, fait jouer un rôle plus important encore à la procédure écrite. Par exemple, il y a ce qu’on appelle l’insinuation des donations : exigence d’une transcription dans un registre public de toutes les donations qui sont faites afin de favoriser la preuve de la propriété des biens. C’est la base de nos articles 931 à 939 actuels qui exigent un acte solennel pour toutes les donations. Un autre point important de cette ordonnance est l’obligation pour les curés de paroisse de tenir des registres pour les baptêmes et les sépultures. Ceci est très important pour pouvoir par exemple prouver par la suite l’âge de la majorité. Ces registres étaient tenus par les curés. Enfin, cette ordonnance est aussi intéressante en ce sens qu’elle oblige tous les officiers royaux à rédiger des actes en français : obligation de l’usage du français dans la vie juridique. Ce point-ci a été critiqué par de nombreux mouvements régionalistes, mais, en 1539, l’objectif n’était pas de lutter contre les langues régionales, mais de lutter contre le latin : langue du droit romain, du droit canonique, de l’empereur germanique, etc.  L’ordonnance de Villers-Cotterêts a limité le rôle des ecclésiastiques dans la justice ordinaire. À partir de 1539 les juridictions ecclésiastiques n’ont plus qu’une compétence sacramentaire. Cependant, la question du mariage reste considérée comme un sacrement, sur ce point le roi a également besoin d’intervenir car les règles de l’Église ne correspondent pas aux attentes de la population.

 

 

B) Les règles du mariage :

 

Les règles de droit canon avait fixé des règles concernant le mariage. Mais ces règles ne correspondent plus aux attentes de certaines catégories sociales. On va donc tenter de s’appuyer sur la législation royale pour réformer certains points. Ces règles vont porter sur la liberté du mariage.

Pour l’Église, le consentement des époux fonde le mariage, et ce consentement doit être libre. Certains auteurs de droit canonique voyaient différemment les choses, c’est le cas de Gratien qui pensait que la consommation du mariage le fonde, tandis qu’en droit canon la consommation rend le mariage indissoluble, étant fondé au préalable par le consentement.

Le seul échange de consentements suffit pour fonder le mariage, il n’y a pas besoin de le faire publiquement. L’Église souhaite que le consentement des parents soit également pris en compte, que l’échange de consentements se fasse publiquement. Si on ne fait pas cela, on s’expose à une pénitence. Cela suscite un scandale dans la société, notamment dans la noblesse où l’on fait des projets d’alliances patrimoniales dans le but d’agrandir la puissance de la famille. Ces alliances sont mises à mal parfois par la volonté de liberté de choix des jeunes gens quant au choix de leur époux. Ils y parviennent parfois car ils trouvent un prêtre acceptant de procéder au mariage. La consommation venant après vient le rendre indissoluble. Le roi trouve cela inacceptable. Dans le Concile de Trente (Italie du nord, 1545-1563), arrivent de nouvelles idées quant à l’organisation de l’Église. Effectivement, l’Église doit être réformée car elle est affaiblie (guerres de religions, schismes etc.) Le canon « Tametsi » publié en 166 en est extrait. Tametsi peut être associé à « quand bien même. » L’Église explique que le consentement fonde le mariage, mais qu’il faut que le mariage soit public, il ne doit pas être clandestin.

 

è Trois règles de formes :

- proclamation des bans : publication solennelle de l’intention de mariage. Il faut qu’elle soit publiée par trois fois (trois dimanches de suite.) Le public peut donc venir s’opposer au mariage s’il sait qu’il ne répond pas à certains critères (consanguinité, etc.)

- le mariage doit être célébré dans la paroisse devant tous les fidèles de la paroisse, par le propre curé des mariés. Et des témoins choisis par les mariés viennent attester de la régularité du mariage.

- il faut établir un registre des mariages dans la paroisse. Cela fonde le troisième registre : baptêmes, sépultures, mariages.

 

Cette réforme ne donne pas entière satisfaction au roi.

 

L’Église ne se préoccupe pas du consentement des parents ! Face à cette insuffisance, le roi décide de ne pas « recevoir les canons du Concile de Trente » en France. On avait alors l’idée du gallicanisme : indépendance de l’Église de France par rapport au pouvoir du Pape. Comme le canon de Tametsi n’est pas jugé satisfaisant, le roi va prendre une décision autonome en 1579 : ordonnance de Blois, prise par Henri III. Il décide alors d’une part de reprendre les règles de forme du Concile de Trente (mais prévoit quatre témoins là où l’Église se contente de deux ou trois.) Mais une limite d‘âge est également établie pour déterminer si un consentement des parents est nécessaire ou non : 25 ans pour les jeunes filles, 30 pour les jeunes hommes ; en dessous de cette limite il faut le consentement des parents, au-delà ce n’est plus obligatoire mais il faut solliciter solennellement par acte notarié le consentement des parents (on peut passer outre après trois demandes solennelles.)

 

Il y a une astuce pour faire cela : L’Église reconnaît que le roi est reconnu par Dieu pour faire régner la justice. Or, le mariage sans consentement des parents peut être considéré comme un rapt de la jeune fille : c’est donc un crime, pouvant être puni de mort. Il y a alors dans l’ordonnance de Blois l’établissement de la peine de mort pour les mariages sans consentement des parents. L’ordonnance ne sera pas réellement appliquée sur ce point là.

La jurisprudence des parlements va aboutir à un résultat plus subtil, il s’agit nécessairement de pouvoir faire annuler le mariage. Le parlement de Paris développe une jurisprudence autour du rapt de séduction. L’Église avait considéré depuis le Moyen-Age que l’enlèvement d’une jeune fille pour la pousser au mariage le sanctionnait de nullité (principe de la liberté du consentement.) Le mariage sans consentement des parents est assimilable à un rapt, un rapt de séduction (car il n’y a pas de violence là dedans), et donc le mariage qui en résulte sera donc taxé de nullité. De plus, il y a des sanctions civiles : les jeunes gens peuvent être dessaisis de leur droit à l’héritage.

 

A travers cet exemple on pourrait considérer que la jurisprudence devient une source de droit supplémentaire. Mais cela est dans un premier temps un facteur de complication du droit : elle est prise par les parlements. Le parlement de Paris est important, mais d’autres parlements se sont maintenus en province et il peut y avoir des divergences de jurisprudence, notamment du fait des coutumes des différentes régions. Cette émergence de la jurisprudence vient donc aussi appuyer le besoin d’une unification du droit.

 

 

§3- L’Œuvre de codification.

 

La codification vient souvent compléter l’action d’unification du droit. Le nouveau code vient remplacer toutes les œuvres antérieures. Cette codification va s’imposer au 17ème siècle face à cette diversité des sources du droit. Cela va être surtout entrepris sous Louis XIV, notamment grâce à son ministre, Colbert. Mais son œuvre est imparfaite et devra être reprise sous Louis XV avec D’Aguesseau.

 

Louis XIV est inspiré par son principal ministre, Colbert (contrôleur général des finances, rôle prééminent.) Louis XIV nomme un conseil de réforme composé de membres du conseil du roi, de praticiens du droit (jurisconsultes, avocats, etc.), la présidence de ce conseil est confiée à Pussort, l’oncle de Colbert. Le parlement de Paris s’oppose à ce conseil de réforme car il est tenu à l’écart de cette réforme. Pourtant, certains parlementaires avaient auparavant joué un rôle important dans la réformation de la coutume comme De Thou ou Brisson, qui avaient rédigé sous Henri III  une première codification du droit français (code Henri III, jamais réellement utilisé.) Pour marquer son mécontentement, le premier président Lamoignon décide de créer une commission composée de membres du parlement de Paris et de quelques avocats afin de former un projet de code civil. Face à cette situation, Louis XIV fusionne les deux groupes et forme un nouveau Conseil de Réformation de la Justice (on s’appui toujours sur le devoir de justice du roi.) Les premières questions qui se posaient étaient d’ailleurs celles de la procédure juridique.

 

À cette époque, le parlement a ses propres règles de commandement (en dehors d’un cadre général assez souple.) Chaque tribunal avait son style particulier : règles de procédure obligatoires et variables selon les tribunaux. Ces questions de procédure vont être d’abord prises en compte par le Conseil de Réformation de la justice.

è Ordonnance civile pour la réformation de la justice en 1667 : code de procédure civile, connu sous le nom de code Louis par la suite. Il apporte beaucoup de simplification dans le but d’accélérer le fonctionnement de la justice.

è Ordonnance criminelle de 1670 : code de procédure pénale extrêmement sévère. Les inculpés n’ont que très peu de garanties dans les procès. Ils peuvent être soumis au dilemme : torture pour avouer.

 

Après cela d’autres textes vont venir réformer le fond du droit.

 

è En 1673 : ordonnance sur le commerce ou code marchand ou code Savary (marchand parisien qui avait publié un ouvrage intitulé Le parfait négociant.)

è En 1681 : ordonnance sur le commerce des mers : code maritime, considéré comme important par Colbert qui souhaitait développé le mercantilisme, politique économique favorisant les échanges et le commerce international.

è En 1685 : ordonnance touchant la police des îles de l’Amérique : cette ordonnance sera appelée le code noir car il a comme contenu essentiel une réglementation de l’esclavage. Cette ordonnance s’appuie essentiellement sur le droit romain, en introduisant quelques régimes plus souples, notamment en ce qui concerne les droits de la famille.

 

Toutes ces ordonnances avaient été préparées par des enquêtes auprès des patriciens concernés. On avait recueilli le droit correspondant à la pratique. Cela inspire encore certains codes au 19ème siècle. Mais cela ne touche que des branches du droit très particulières. Le droit commercial s’était développé du fait des réclamations des marchands d’un droit royal. Mais les autres branches du droit commun sont peu retranscrites dans ces ordonnances.

 

 

B) Les grandes ordonnances de Louis XV :

 

Œuvre de François D’Aguessaud, très grand juriste et chancelier de Louis XV. Il fut chargé de reprendre le travail de codification entamé sous Louis XIV. Il adoptera une tactique très différente de ses prédécesseurs. Il faut prendre des thèmes judicieusement choisis afin de codifier par thèmes puis d’assembler le tout. C’est une tactique pleine de sagesse. Il va s’appuyer sur la jurisprudence pour essayer de dégager les règles communes. Pour y parvenir, il va s’appuyer sur l’assistance des magistrats qui lui donneront des appuis. Notamment pour cela il va prendre la collaboration d’un de ses successeurs au parlement de Paris, Joly de Fleury, qui est procureur général au parlement de Paris. Ce procureur va lancer une enquête aux divers parlements. Il envoie des questionnaires avec une liste précise de problèmes repérés dans la pratique. Chaque parlement devait en discuter et émettre un avis détaillé sur les questions posées.

Avec cette méthode, on va arriver à produire diverses ordonnances de codifications du droit civil ; en 1731 nous avons une ordonnance sur les donations, ce sera la première a être achevée car le droit romain avait déjà fortement influencé les coutumes. Après, cette première ordonnance est promulguée, en 1735, l’ordonnance sur les testaments, sur ce point les différences étaient beaucoup plus importantes entre le nord du royaume (coutumes) et le sud (droit romain.) Dans le nord on était peu favorable à la liberté des testaments, tandis que cela était défendu par le droit romain. Les différences sont si importantes que Daguessaud fut très prudent sur cette question, il n’a pas établi un droit commun au royaume.

 

Après ces deux grandes ordonnances vient celle sur les substitutions « fidéicommissaires. » Au 18ème siècle, c’était une pratique politique largement suivie. La substitution consiste à donner un bien à une personne mais avec une condition, cette personne doit conserver ce bien et ne peut en disposer qu’au profit d’une troisième personne. Cela permet de conserver certains biens dans les familles. Cela évite que certains châteaux soient partagés, vendus ou sortent de la famille. On évite tous les partages de succession. Cette technique fut très utilisée chez les nobles. Le fils était fidéicommissaire, il était chargé de garder le bien, il ne pouvait en faire ce qu’il voulait.

 

Ces substitutions avaient été très critiquées à l’époque, notamment par les premiers économistes de l’époque qui considéraient qu’elles étaient gênantes pour l’évolution économique du Pays. Les biens n’étaient pas nécessairement bien exploités, ni mis en valeur. Si ces biens avaient été mis sur le marché, ils auraient pu avoir trouvé d’autres personnes pouvant les valoriser. D’Aguessaud lui-même aurait aimé supprimer ces substitutions, mais les oppositions étaient trop importantes, et dans son ordonnance de 1747 il ne peut que les limiter (elles ne sont plus perpétuelles.)

 

La codification était souhaitée par beaucoup de sujets du royaume (marchands, juristes etc.) Mais au même moment les sujets du royaume s’attachèrent à leur particularisme, à leurs privilèges. Ils vont alors bloquer l’unification du droit. 

 

Mais déjà crise de l’Ancien Régime.

 

 

TROISIEME PARTIE : LA CRISE DE L’ANCIEN REGIME

 

Préparée par des tensions accumulées depuis la fin du Moyen-Age. Face à cette crise, la monarchie absolue a essayé de réagir par une politique de réforme (codification vue ci-dessus, plus d’autres réformes.) Ces réformes arrivent un peu tard et se heurtent à des oppositions très fortes.

 

 

CHAPITRE 1 : LA CRISE ECONOMIQUE ET SOCIALE

 

Dès la fin du 17ème siècle, la France apparaît comme l’un des royaumes les plus puissants. Forte croissance démographique, grandes richesses. Mais cette richesse aggrave les tensions sociales. L’ordre ancien empêche une véritable répartition des richesses. Ces tensions économiques sont amplifiées par la croissance démographique. Pour diverses raisons la population s’accroît.

 

Pendant des siècles la France avait autour de 20 millions d’habitants, mais au 18ème siècle elle passe à 28 millions d’habitants. Cette croissance démographique aboutie à une véritable pression démographique. Ces effets peuvent se mesurer sur deux plans : mouvements de population et tensions entre générations.

 

Les mouvements de population se mesurent dans les campagnes. L’essentiel de la population est une population rurale. On va alors essayer d’aller dans les villes. Il y aura donc une extension importante de la population des villes (plus de deux tiers dans certaines villes.) Mais la population arrivant en ville n’y trouve pas toujours les moyens de subsistances escomptés. Il y a aussi des tensions entre générations. Il y a une baisse de la mortalité : mieux nourris, meilleure hygiène. Il y a de plus en plus de jeunes dans la société, il faut en effet rappeler que la mortalité était surtout infantile. Mais ces jeunes ne peuvent plus s’insérer aisément dans les emplois, car les anciennes générations vivent plus vieux. Il y a alors des clivages générationnels : les anciens se crispent sur leurs privilèges, tandis que les jeunes cherchent à prendre leur place.

 

Les ordres traditionnels de l’Ancien Régime sont tous victimes de tels problèmes, surtout au sein du Tiers-État.

 

 

Section 1 : les clivages au sein des ordres privilégiés

 

Les clivages sont marqués depuis longtemps d’après l’ordre juridique. Mais ils sont amplifiés alors par les phéno-mènes sociologiques.

 

 

§1- Le clergé.

 

Environ 130 000 personnes. Il est divisé entre clergé régulier (monastères) et clergé séculier (prêtres dans les paroisses.) Le clergé régulier est à la tête d’un patrimoine important. On le critique pour figer le patrimoine national, qui se trouve mal exploité.

 

Mais le problème se situe surtout au sein du clergé séculier, parmi les prêtres des paroisses. Il y a des différences sensibles entre un haut clergé et un bas clergé. Le haut clergé dispose de revenus importants, notamment grâce à la dîme, qui est accaparée par de nombreux membres du haut clergé. En revanche, de nombreux curés de campagne ne disposent que de la portion congrue de la dîme : ce qui convient à leur entretien.

Beaucoup de ces membres du petit clergé se trouvent en difficulté financièrement et deviennent contestataires face à la hiérarchie. Ce clergé est juridiquement privilégié, mais beaucoup de ses membres ne le sont pas sur le plan matériel et se retrouvent très critiqués par rapport, notamment, à la noblesse, qu’ils trouvent particulièrement avantagée. Il n’y a donc pas de soutien à attendre entre ces groupes.

 

 

§2- La noblesse.

 

La noblesse, 300 000 personnes environ, en intégrant les membres de la famille, puisque le titre de noblesse ne revenait qu’au chef de la famille à proprement parler. Elle subit une véritable crise identitaire. Il y a deux divisions majeures à l’intérieur de la noblesse, il y a plusieurs noblesses. Une division qui est due à l’ancienneté, une autre vient du lieu de résidence : celle de Versailles et celle de la campagne.

 

Ancienneté : on distingue la noblesse de « race » et la nouvelle noblesse.

Noblesse de « race » : ancienneté remontant à de nombreuses générations. Elle nécessite au moins quatre degrés de noblesse : il fallait pouvoir prouver cela. Et à l’intérieur de cette noblesse de race on donnait un statut particulier à ceux qui remontaient au Moyen-Age : la noblesse d’extraction. 

 

La noblesse récente est fondée par des familles ayant rendu des services au roi, et que le roi avait anobli. Cela a beaucoup profité à des bourgeois qui sont rentré dans l’administration. Pour véritablement obtenir le titre il fallait payer des droits fiscaux au profit du trésor royal. Par la suite, ils étaient bien sûr exonérés d’impôts.

Au 18ème siècle, cette nouvelle noblesse correspond à la majorité de la classe noble. On pouvait aussi établir une distinction entre noblesse d’épée (ancienne) et noblesse de robe (les officiers royaux nouvellement anoblis.) Mais ce clivage n’est pas nécessairement aussi tranché qu’entre noblesse de race et noblesse nouvelle.

 

Clivage dû à la résidence : noblesse de cour et noblesse provinciale. La noblesse de cour vit largement des dons du roi, on parle de haute noblesse en raison de son statut social. Cela représente environ 4000 personnes, concentrant les plus hautes fonctions, c’était souvent des nobles de race.

La noblesse provinciale apparaissait quant à elle à une noblesse assez modeste. Elle était souvent composée d’anciennes familles de la noblesse de race, mais beaucoup d’entre eux n’avaient plus guère les moyens d’entretenir leurs avantages de vie aisée ; ils vivaient grâce aux taxes seigneuriales fixées par la coutume au Moyen-Âge et n’ont pas pu être revalorisés. Du fait de l’inflation, ces taxes ne permettent plus de vivre selon leur ancien train de vie. Elle n’hésitera pas à vendre ses terrains, ses propriétés, généralement à une bourgeoisie récemment anoblie. Cette noblesse est très contestatrice face à un système qui la marginalise è crispations sur un certain nombre de postes. Elle voudra écarter les bourgeois anoblis.

 

La noblesse est très divisée, mais arrive à avoir une attitude commune : défiance profonde à l’égard d’une partie de la société qui leur apparaît comme concurrente : la bourgeoisie.

 

Le Tiers-État = environ 98% de la population du royaume. Il connaît une division majeure entre habitants des villes et ceux des campagnes (paysannerie, immense majorité.) Critères juridiques : coutumes des campagnes et droit des villes. De plus en plus apparaissent des phénomènes de classe, à l’intérieur de la paysannerie comme des classes urbaines.

 

 

§1- La paysannerie.

 

De très grandes différences entre propriétaires des terres : depuis la fin du Moyen-Age certains ont pu en acheter ; d’autres sont dépendants des bourgeois qui ont acquis ces terres. Différence entre laboureurs, qui ont un matériel et sont relativement aisés, et brassiers, qui n’ont que leur force brute de travail.

 

Au 17ème siècle, on constate qu’il faut développer certaines méthodes de production aidant à produire plus. Ces brassiers sont dans un premier temps avantagés, par la demande de main-d’œuvre que cela entraîne. Mais la croissance démographique fait que le travail ne permet de nourrir totalement. On cherche à mettre en valeur certaines terres. Certains partent pour trouver une situation meilleure dans les villes. Malgré ces divisions entre laboureurs et brassiers, ces paysans se retrouvent opposés de façon commune à la bourgeoisie et la noblesse. Dans certains cas ces bourgeois ont en effet racheté des terres et les droits seigneuriaux, les bans, qui leur permettait de dominer les paysans. Les bourgeois qui ont acheté ces terres souhaitent avoir de bons rendements, ils vont chercher à bien gérer les propriétés foncières. Ils vont parfois engager des juristes, qui ont étudié le droit coutumier et qui connaissent bien l’histoire du droit. On les appelle les feuillistes (vient de fief), ils sont spécialistes de l’étude des droits seigneuriaux et vont tenter de récupérer, d’après des textes, des droits seigneuriaux au profit de leurs clients. Cette situation est qualifiée comme la période de réaction seigneuriale de la fin du 18ème siècle. Cette réaction n’est souvent pas le fait des seigneurs mais de certains bourgeois. Ces paysans vont évidemment essayer de se battre, il va y avoir beaucoup de recel. Ils ont des réactions plutôt défavorables à l’égard du nouveau système qui s’installe. Face à la situation des campagnes, les villes peuvent paraître avantagées : franchises, privilèges accordés par les chartes, etc.

Mais les avantages ne sont pas très bien répartis.

 

 

§2- Les classes urbaines.

 

Classe : on parle ici de classe. Les ordres : division sur critère juridique. Le critère de classe est essentiellement socio-économique. C’est un point sensible au 18ème siècle dans les villes.

Le terme de « bourgeois » change de sens. Auparavant, il s’agissait de celui qui habitait la ville et bénéficiait de la charte de cette ville. Dès lors, cela évolue et le bourgeois est celui qui peut vivre bourgeoisement, qui a une certaine aisance matérielle, une certaine culture. Dans les villes, il y a une catégorie limitée de la population qui bénéficie de ce titre. Leur aisance est souvent apportée par des rentes, il a des terres dans les campagnes, etc. Il y a en parallèle des manouvriers, qui vivent misérablement. Le système corporatif est très fermé et il protège moins les gens, la situation d’artisan établie garantit des droits, mais ceux qui n’en bénéficient pas sont délaissés.

À l’intérieur du Tiers-Etat intervient un développement grâce à une partie des bourgeois qui se lancent dans une politique de revendications, de réformes, qui permettrait d’aboutir à une meilleure répartition des richesses. À l’intérieur de la bourgeoisie, il y a bien sûr une aisance, mais elle n’est pas partagée de façon tout à fait équitable. Les moins favorisés de la bourgeoisie peuvent essayer de servir le roi, ou monopoliser certaines fonctions dans l’administration royale. Il faut des réformes pour garantir une évolution conséquente. Ces réformes seront entreprises grâce à certains personnages, notamment sous Louis XV et encore plus sous Louis XVI.

 

 

CHAPITRE 2 : LA DIFFICULTE DES REFORMES

 

Elles sont réclamées par certains penseurs dès le milieu du 18ème siècle. Courant des physiocrates : ils développent leur théorie à partir de l’observation de la nature. Ils constatent que seule la terre, avec l’agriculture, apporte un revenu, un progrès dans le développement. Ils veulent donc des réformes libérales pour permettre une meilleure utilisation de la terre. Ces physiocrates ont une place à la cour de Louis XV, mais ne parviennent guère à placer leurs idées. Vers la fin de son règne, il est en effet marqué par certaines contestations et ne voulait pas de réforme. À la mort de Louis XV en 1774, Louis XVI veut marquer le changement en faisant des réformes à un rythme accéléré. Il s’entoure par conséquent de nouveaux admi-nistrateurs, et notamment Turgot. Il s’agit du chef de l’administration royale, il possède d’importants pouvoirs. Il mena des réformes dans le Limousin. Il devint ensuite contrôleur général des finances et se heurta à des oppositions fortes dans sa volonté de réforme qui le conduisirent à un échec. Mais cela ne marque pas la fin de la politique de réforme. Louis XVI va lancer d’autres réformes. Cette politique de réforme va surtout buter sur les problèmes financiers du royaume.

 

 

Section 1 : Les échecs de Turgot

 

Turgot va s’attaquer au problème de l’agriculture. Il était inspiré par les idées physiocrates. Il passe ensuite à la question de l’industrie et du commerce et va s’attaquer aux corporations qui bloquent l’activité économique.

 

 

§1- La liberté de l’agriculture.

 

Il est nommé en 1774. Dès le début il fait prendre un arrêt des conseils pour proclamer la liberté du commerce des grains. Le commerce des céréales avait occupé les physiocrates. On avait, depuis le Moyen-Age, établis des mesures très strictes par crainte du manque de pain. Les rendements étaient très faibles… Les producteurs veulent maintenant vendre leurs céréales là où ils peuvent trouver plus d’acheteurs. Turgot s’attaque à cette législation ancienne et justifie son arrêt de conseil en disant qu’il faut établir une liberté de marché qui permettra une meilleure concurrence puis une baisse des prix. Il lance cette réforme en 1774, à un moment où les récoltes sont assez mauvaises en raison des conditions climatiques. Comme il y a peu de récoltes le résultat est en fait inverse : une hausse des prix !  Cela entraîne des révoltes populaires, il y aurait eu un « pacte de famine », cette liberté du marché aurait été opérée dans le but d’engranger de l’argent en masse.

 

Turgot avait établi une liberté de marché, mais dans les provinces il y avait un certain

nombre d’administrateurs qui avaient gardé des stocks en vertu des anciennes cou tumes. La période libérale démarre donc extrêmement mal. Turgot va surtout profiter de la chance de l’année 75 pour montrer les effets réellement désirés de cette théorie. La réforme est alors maintenue. Et elle s’étend même au milieu du vin. Après cette réforme, il cherchera à aller plus loin dans le domaine du travail agricole.

Les méthodes sont soumises à des règles coutumières précises sur la façon de cultiver les terres. Il va s’attaquer à la notion de corvée. En février 1776 est publié l’édit sur la corvée des routes. Les routes devaient être entretenues par des paysans des villages voisins. Pour que les paysans ne fassent plus la corvée des routes, on la remplace par un impôt qui servira à entretenir la nouvelle « route royale. » Mais cet impôt devra être payé par tous les propriétaires fonciers. C’est une innovation fiscale se situant tout à fait dans la théorie des physiocrates : la terre fournit un revenu, c’est donc aux propriétaires de payer l’impôt. Mais cet impôt était modique ; bien qu’il ait rapidement suscité des réactions hostiles.

 

Cela a été présenté à l’enregistrement mais a suscité de nombreuses remontrances. L’édit sera enregistré mais à cette occasion s’est aussi développée une autre réforme de Turgot…

 

 

§2- La réforme des corporations.

 

Les physiocrates ne se soucient point du commerce, qu’ils considèrent comme une activité stérile, n’apportant rien au pays. Turgot constate que le commerce est stérile du fait d’un nombre trop important d’entraves. En février 1776, il va se pencher sérieusement sur ce problème. Il présente alors un autre édit sur les « jurandes et communautés de métier » : les corporations. Turgot s’attaque au système corporatif, et pour ce faire, il se justifie dans un préambule très long. Il exprime ici une critique très virulente du système corporatif, et présente une théorie nouvelle, libérale, fondée sur la notion d’un ordre naturel, d’un droit naturel. Il explique que les corporations ont un monopole qui entraîne une hausse des prix, un blocage des techniques empêchant l’utilisation des machines. Il critique aussi cela sur l’aspect social : accès au métier très difficile, très cher. Cela entraîne la misère des gens et surtout des femmes, qui en sont complètement exclues.

Il proclame dans le préambule du droit au travail, qu’il considère comme un droit naturel, que le roi a le devoir de défendre. Cet écrit philosophique s’appuie sur certaines constatations que certains jurisconsultes romains avaient déjà faites. Il reprend cette idée d’un droit naturel. Il estime que l’homme a le droit et le besoin de travailler pour survivre, pour nourrir sa famille. La mission de l’État est de garantir cette liberté. Cette liberté parait dangereuse pour beaucoup. Va se développer dans ce préambule une véritable théorie libérale du marché...

 

Le marché est la confrontation de l’offre et de la demande dans l’intention d’obtenir le prix d’équilibre.

Il proclame la liberté à chacun d’exercer tel métier, telle profession, qui lui semblera bon d’exercer. Ce principe est valable pour tout le monde. Il abandonne les raisonnements classiques de l’Ancien Régime fondé sur les ordres, sur les privilèges. Pas favorable aux privilégiés. Le parlement de Paris recevra cet édit pour l’enregistrer et aura une vision très critique de ce dernier : on ne peut toucher aux corporations qui sont une partie d’un ensemble traditionnel. Ces arguments sont transmis au roi (remontrances), elles impressionnent Louis XVI, qui devient hésitant...

C’est alors que Turgot est alors renvoyé. Les corporations sont maintenues et étendues. Le roi espère quelques revenus en l’échange de cela. D’autres mesures symboliques seront prises par la suite.

 

 

Section 2 : les mesures symboliques

 

Cela paraît doublement justifié dans le cas de deux réformes.

Symboliques car elles ne changent pas forcément les choses. Elles touchent au servage, au statut des serfs, et aussi à la primauté de la religion catholique.

 

 

§1- L’abolition du servage.

 

Le servage était caractéristique du Moyen-Age mais avait depuis pratiquement disparu (serfs affranchis, d’autres ont acheté leur liberté, d’autres ont fuis dans les villes.) Il reste environ 250 000 serfs à la fin du 18ème siècle.

Édit en 1779 : certaines idées libérales de Turgot restent en vigueur. On les retrouve dans le préambule de cet édit où il explique que l’absence de liberté, et surtout la mainmorte (absence de liberté dans les successions), sont une gêne pour le développement économique. Pour le roi, il faut une liberté dans le travail, dans l’utilisation des biens, qui fournit une énergie nouvelle, un rendement considérable pour tous les sujets du royaume. Cela se retrouve dans la théorie d’Adam Smith (La richesse des nations.) Nouvelles idées libérales, on considère que l’individu agit pour avoir des biens, et les transmettre. Le roi considère tout de même qu’il faut respecter les principes anciens, ceux selon lequels le serf est dans le patrimoine du seigneur. Il ne peut abolir le servage, du fait du respect du droit de propriété.

Il n’a pas de moyens pour indemniser le seigneur et ne peut donc abolir le servage comme cela. Il décide alors symboliquement d’abolir le servage dans le domaine royal, où il restait quelques rares serfs. Il espère que tous les seigneurs suivront cet exemple. Il limite le pouvoir des anciens seigneurs. Dans un certain nombre de cas il pouvait aller poursuivre le serf qui s’échappait. Cela est aboli au nom des principes de « justice sociale. » Cette notion de justice sociale sera mise en œuvre dans l’autre réforme symbolique concernant l’amélioration du statut des protestants.

 

 

§2- Le statut des protestants.

 

 

Depuis l’origine, la situation des protestants était mauvaise dans le royaume de France. Il y a pratiquement toujours eu des persécutions, si ce n’est sous Henri IV avec l’édit de Nantes. Au 17ème siècle, on a appliqué très rigoureusement des principes issus des traités de Wesphalie : « cujus regio, ejus religio » : chacun a la religion de son roi. Il n’y avait plus qu’une seule religion. En outre, l’édit de Nantes fut aboli sous Louis XIV. Les protestants doivent en théorie abandonner le protes-tantisme. Certains quittent le royaume.

 

Cela commence à évoluer à la fin des années 1750 sous l’influence des idées philosophiques. On a besoin d’ouvriers étrangers (comme sous l’édit de Turgot.) Or ce sont bien souvent des protestants !

Dans un premier temps il y a des résistances, on continue à appliquer des sanctions à l’égard des protestants. Mais on note une évolution des mentalités (symbolisée par l’affaire Calas, avec Voltaire - histoire complète sur le web.) Les protestants, même s’il y a eu une tendance générale à l’amélioration, ne jouissent pas de droits identiques, notamment en matière de succession. Les enfants de protestants sont considérés bâtards, car les protestants sont dans l‘illégalité matrimoniale. Or, le droit à la famille est censé être un droit naturel. Ces arguments permettent au roi de publier un édit en novembre 1787, édit  « concernant ceux qui ne font pas profession de la religion catholique. »

Cet édit est souvent appelé « édit de tolérance. » Seule la religion catholique est reconnue dans le royaume. Toutes les places dans l’administration royale et surtout la justice, sont réservées aux catholiques. En outre, on prévoit dans cet édit que les non-catholiques doivent payer la dîme, donc l’impôt de l’église catholique. Les non-catholiques sont reconnus individuellement et ne peuvent pas se regrouper. Ce n’est donc pas vraiment un édit de tolérance. Pour les mariages : comment se marier alors que l’on n’accepte pas de pasteurs ?

 

Pour se marier ou pour faire constater les naissances et décès, les protestants devront s’adresser au curé de la paroisse, qui agira non pas au nom de la religion, mais au nom de la loi. Il agira pour présider un mariage purement civil, sans connotation religieuse. À défaut de curé ils peuvent s’adresser à un juge royal. Il y a donc un état civil purement laïque.

 

Rappelons que dans les principes catholiques il n’y a pas de divorce. On va doucement vers une laïcisation de la société, une mise à l’écart de la domination de l’église catholique. Ce ne sont donc pas spécialement les idées philosophiques qui ont fait avancer les choses, mais plutôt les avancées économiques.

 

 

§3- L’existence des problèmes fiscaux

 

Le système des impôts est nécessaire pour alimenter le budget de l’État. Tout l’Ancien Régime vivait sur une vieille idée ne correspondant plus au 18ème siècle, selon laquelle le roi devait financer tous les services avec les revenus de son domaine. Cela trouve ses origines à l’époque féodale où le roi était comme tous les autres seigneurs à la tête d’un fief important duquel il tirait des taxes, les bans, etc. Il y avait des contributions supplémentaires dans des circonstances exceptionnelles : guerre, défense du royaume. En principe ces impôts devaient être acceptés par les représentants des sujets du royaume, les états généraux. Les représentants des trois ordres présentent les problèmes, des négociations s’ouvrent ensuite et une ordonnance est généralement prise dans le but de réformer tel ou tel point dans le royaume. Donc en échange de leur accord pour l’impôt, les états généraux attendent des négociations de réforme. Ils ont été convoqués pour la guerre de cent ans, puis pour des guerres de religions au 16ème siècle. Mais le roi va évoquer le droit romain pour prélever de nouveaux impôts sans états généraux dès lors qu’il y a une situation d’urgence. À partir du 17ème siècle il n’y a donc plus, avec cette théorie, de réunion des états généraux. Mais demeure cette idée selon laquelle les impôts sont exceptionnels et correspondent à un problème, à une mauvaise gestion du royaume.

Cette question va prendre de l’ampleur au 18ème siècle : tension fiscale dans la société. C’est étonnant puisque les études de l’époque montrent que les impôts sont assez faibles en moyenne par rapport aux autres pays européens… En moyenne, car mal répartis : des ordres privilégiés (la noblesse paye « l’impôt du sang, elle n’a donc pas besoin de payer d’impôts fiscaux, le clergé n’en paye pas non plus.) L’impôt repose donc sur le Tiers-Etat, et là encore il y a des inégalités entre certaines villes, certaines communautés, etc. Il était donc très difficile au roi d’augmenter les impôts car ceux qui en payaient avaient déjà le sentiment d’en payer trop. Le clergé accepte de payer un impôt, il y a même au 16ème siècle une innovation provenant d’un accord entre l’Église et le roi (« contrat de Poissy », 1563) : l’Église accepte de concéder chaque année au roi un don gratuit : elle a besoin de protection, et ne veut pas renoncer à ses privilèges.

 

Il faut réformer, les caisses sont dramatiquement vides, ce ne sont pas ces petites avancées qui vont permettre au royaume de rembourser. Dans les années 1780, de nombreux ministres des finances se succèdent pour tenter de réformer, mais leurs projets sont rejetés (soit devant les conseils royaux, soit dans la procédure d’enregistrement devant les parlements.) Certains vont alors ressortir la théorie selon laquelle l’impôt est possible si les ordres acceptent de financer les besoins exceptionnels du roi. Les états généraux doivent donc être convoqués à nouveau, ce qui n’avait pas été fait depuis de nombreuses décennies (depuis 1614.) Au mois de mars 1789, le 5, Louis XVI décide la convocation des états généraux à Versailles. Il signe là l’arrêt de mort de l’Ancien Régime.

 

 

CHAPITRE 3 : L’ERE LIBERALE

 

Elle est inaugurée en 1789 par la victoire du Tiers-État sur les ordres privilégiés, sur la monarchie absolue. Les ordres privilégiés défendaient jusque là les éléments du régime féodal.

L’abbé Sieyès, sur une brochure, demande : « Qu’est-ce que le Tiers-État? » Il y démontrait que le Tiers-État formait une nation complète, les ordres privilégiés étant sans intérêt, bloquant l’activité. En conclusion de son étude, l’abbé Sieyès admettait que les états généraux qui allaient se réunir ne pouvaient fonctionner seulement avec le Tiers-État (états généraux = trois ordres.) Mais qu’importe, s’il ne peut former les états généraux il formera une assemblée nationale. C’est  ce qui va se passer dès le mois de juin 1789. L’abbé Sieyès se fait élire comme député du tiers, mais la plupart des députés de celui-ci sont membres de la bourgeoisie (habitants des villes, et par extension des gens aisés), surtout des juristes.

 

L’assemblée nationale va d’abord s’attacher à l’abolition de l’Ancien Régime. Cela se fera très rapidement, lors de la nuit du 4 août 1789 est décidée l’abandon des privilèges, et le 26 août 1789 elle vote la DDHC. C’est une déclaration, ce n’est pas une création. C’est une reconnaissance solennelle de droits naturels, l’idée de droit naturel est alors ici intégrée de façon formelle à l’ordre juridique. Ces droits sont énumérés à l’article 2 de la déclaration. Ce sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. Les deux derniers apparaissent surtout comme des droits de circonstance, il s’agit de légitimer ce qui s’est passé pendant les semaines précédentes.

Ce sont les deux premiers droits qui sont importants pour nous. Ils contrastent avec l’organisation de l’Ancien Régime. Ces deux droits naturels vont être très importants pour les nouvelles institutions qui seront mises en place, institutions dont les détails les concernant ne sont pas légion dans la déclaration. Par ailleurs, elle n’insiste pas trop sur la question d’égalité. Ce principe est posé à l’article 1er de la déclaration (les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.) Approche juridique abstraite de la question de la légalité. Mais c’était par volonté de faire une déclaration universelle, elle devait donc être brève et générale, assez limitée. Le reste (aspects concrets) doit être mis dans des textes séparés : Constitution (septembre 1791), qui se présente dans cette démarche d’application concrète de ces nouveaux principes. Cette constitution place d’abord la déclaration des droits, vient ensuite un titre 1er intitulé « dispositions fondamentales garanties par la Constitution. » 

 

Cette prudence initiale de la DDHC, ce caractère progressif, apparaîtra critiquable aux yeux des révolutionnaires eux-mêmes. Les premiers révolutionnaires (1789) seront écartés par la suite dès 1792. En 1793, on changera ainsi de déclaration des droits et de Constitution (nouvelle DDHC : 24 juin 1793, puis nouvelle Constitution), et ces nouveaux textes seront plus longs, plus détaillés ; sur le plan politique déjà (passage à la république), et sur les plans juridiques et politiques : on intègre les droits économiques et sociaux dans la déclaration des droits. L’égalité est placée au premier plan, avant la liberté. Mais cela restera au rang des principes dans un premier temps, ils ne seront jamais appliqués. Dès 1794 seront repris les principes de 1789. Quels sont les grands principes qui vont dominer pendant deux siècles ?

 

Pour les institutions politiques, on peut compter 15 régimes politiques différents entre 1789 et 1958. En ce qui concerne les institutions économiques, les évolutions ont été un peu moins brutales, on va essentiellement distinguer trois périodes :

- 1789-1794 (96 au plus tard) : affirmation du libéralisme : démolir le système ancien, mettre de nouvelles institutions en place.

- aménagement du libéralisme afin d’organiser une nouvelle discipline sociale. Cette période a été très nette au sortir de la révolution, cette préoccupation est très affirmée sous le premier empire, et se maintiendra par la suite pratiquement jusqu’au second Empire (1852-1870.)

- enfin, certaines évolutions des choses progressent. La stabilité est acquise, la liberté n’est plus dangereuse, les institutions juridiques et sociales fonctionnent, on peut donc les aménager. Avant : tout sur l’individu, maintenant : on reconnaît d’avantage les forces collectives dans les structures sociales (syndicats etc.), mais aussi l’État qui jouera un rôle plus important (évolution du libéralisme.)

 

 

QUATRIEME PARTIE : LA REVOLUTION FRANCAISE, L’AFFIRMATION DU LIBERALISME

 

La doctrine libérale développée au 18ème siècle, est un programme de destruction de toutes les entraves à la liberté. Démolition de l’ordre féodal. Mais cette doctrine ne s’occupait pas trop de reconstruction, ne donnait pas de détails concernant les nouvelles structures, qui devaient découler de la nouvelle liberté, des nouveaux besoins, ce qui permettrait des institutions parfaites.

 

 

CHAPITRE 1 : L’ABOLITION DU REGIME FEODAL

 

Système de privilèges, contrôle public de la société. La première mission des révolutionnaires et de  détruire ce système afin de permettre à la liberté de s’exprimer. On trouve une illustration de cela dans le préambule de la Constitution du 3 septembre 1791 : les révolutionnaires ont établi un nouveau système, et avant d’en présenter les nouveaux principes ils énoncent ce qu’ils ont aboli. Cette démolition a été facilitée par les nouveaux principes juridiques ; la DDHC et la Constitution donnent une force fondamentale à la loi : elle droit être posée par une autorité légitimement instituée pour ce faire. La destruction a été favorisée par ce besoin général d’égalité, de liberté. Cela a fait que l’on s’est attaqué à des aspects symboliques : dès le 4 août 1789 sont abandonnés les privilèges, donc les distinctions anciennes. Des textes de 1790 viennent affirmer cela. Un décret du 21 janvier 1790 concerne le principe de l’égalité des peines quelquesoit le rang des coupables. Tout le monde sera décapité : idée de Joseph-Ignace Guillotin (l’inventeur de la guillotine, évidemment.)

 

Cahiers de doléances : rédigés par des députés aux états généraux. Les électeurs rédigeaient des doléances concernant, surtout pour le Tiers-État, la volonté d’abolition des privilèges. Mais les privilèges dénoncés étaient surtout ceux des autres. Il y aura des applications relativement complexes. À l’intérieur même du Tiers-État : facile de supprimer les privilèges des autres, mais établir l’égalité en son sein est plus difficile. Question difficile pour les protestants, les juifs, etc. Les protestants, dès le 24 décembre 1789, sont acceptés, la loi reconnaît l’égalité civile des protestants. Ils ont donc accès aux mêmes droits, aux mêmes métiers. Pour les juifs, l’évolution plus lente. Ils sont considérés comme des étrangers dans le royaume et n’étaient tolérés que dans certaines parties du royaume. Le 27 décembre 1791 : les juifs obtiennent l’égalité de leur droits civils.

Abolition de l’esclavage, qui désormais n’existé plus que dans les colonies. Il avait été réglementé par le code noir de Colbert. Dès 1789 est aboli le servage, mais avant, depuis l’édit de 1779, il n’était déjà plus que résiduel. Pour l’esclavage, en revanche, cela prendra beaucoup plus de temps puisque les colonies sont marquées par de nombreuses protestations de la part des exploitants, des chefs d’industries, etc. Il ne sera formellement aboli que le 4 février 1794 par un décret de la Convention (mais rétabli en 1802 !)

 

Réalisation de la liberté économique puis Laïcisation de la société.

La libéralisation de l’économie est voulue depuis le 18ème siècle (Turgot.)

 

 

§1- La libération de l’agriculture

 

Elle passe par des modifications juridiques importantes. Abandon de coutumes et pratiques traditionnelles qui imposaient des méthodes collectives particulières d’exploitation du sol. Instauration de la primauté de la loi : abandon de la coutume donc fin de cela. Suppression de certains droits, certaines taxes, corvées qui dirigeaient la production dans les campagnes, abolition des droits seigneuriaux. Les révolutionnaires voyaient qu’il fallait libérer la production agricole. Lors de l’abolition des privilèges de la nuit du 4 août 1789, il y a donc eu abolition de ces privilèges seigneuriaux. Mais il faut songer à respecter le droit de propriété du seigneur. Dès le lendemain on établit une grande distinction juridique. On va fixer des droits qui sont abolis définitivement et d’autres qui doivent être rachetés (il faut indemniser le seigneur.) Ce rachat va être une opération complexe, et créera de nombreuses difficultés pour les seigneurs et surtout les paysans. Il faudra donc reprendre la question plus tard qui amènera une abolition générale des droits seigneuriaux.

 

 

A) Le principe du rachat des droits seigneuriaux :

 

La distinction des droits est établie dans les décrets des 4 et 11 août 1789. Ce texte s’attaque à certains droits considérés comme abominables devant être abolis. On y trouve les droits de mainmorte et de servitude personnelle. Les autres droits sont déclarés rachetables. Il faut clarifier les choses afin de pouvoir faire un dicernement. L’assemblée nationale crée un comité spécifique (comité des droits féodaux) : Merlin, Tronchet, etc. : groupe de juristes. Décret le 15 mars 1790 sur les droits féodaux, il va distinguer deux types de féodalité, donc deux types de droits. Une féodalité dominante et une féodalité contractante. La féodalité dominante est un ensemble de droits provenant du pouvoir du seigneur lui-même (dont il a profité pour instaurer des taxes), ils doivent donc être supprimés car leur base n’est pas bonne. Ils sont abolis sans indemnités. Ce sont les droits de servage, de corvée, etc. La féodalité contractante consiste en un certain nombre de droits dans une sorte de contrat passé entre seigneur et paysans. Prix d’une concession primitive de fonds ruraux évoqué dans le décret : ce sont les biens que le seigneur fournissait au paysan (terres, moulin, four etc.)  Cela exige donc que le seigneur touche une compensa-tion. La chose qui gênait était que ces concessions, d’après la coutume, étaient perpétuelles. Les libéraux trouvaient cela gênant, dans la mesure où ils souhaitaient une évolution des choses, il fallait donc supprimer le caractère continu des droits féodaux. Ils devaient donc être payés une fois pour toute. Ces droits sont fixés par le décret, et sont essentiellement liés à la terre. Mais ce qui est intéressant sera de savoir comment ont été fixées les modalités de ce rachat. Le prix est calculé de façon complexe (25 fois le montant annuel + le rappel des droits impayés pendant trente ans.)  On ne va pas tout de suite remettre en cause ce paiement, on va accepter des délais. Mais concrètement les droits seigneuriaux sont maintenus. On va avoir abolition définitive.

 

 

B) L’abolition définitive :

 

Elle sera réalisée grâce à deux étapes, durant les étés 1792 et 1793.

Été 1792 : périodes de tensions, révolution plus radicale. Les intérêts des masses populaires contre les élites sont pris en compte. Décret d’août 1792 : période particulière. Le régime est en train de changer. Le 10 août le roi est emprisonné et on prépare un changement de régime. Ce décret est astucieux : on garde le principe du rachat, mais, pour que le rachat soit obtenu, le seigneur doit prouver que le droit en question appartient bien à la catégorie de féodalité contractante. Dans la première méthode les droits étaient conformes à des listes préétablies, mais plus maintenant. La preuve est difficile, il y a rarement de trace écrite, il y a la coutume mais c’est tout.

Les troubles paysans des années 90/91/92 : les actes du château ont disparu (destruction des actes.) Mais certains seigneurs avaient gardé de tels papiers, et la question du rachat des droits est difficile…

Nouvelle étape accomplie le 17 juillet 1793 : la Convention décide de supprimer tous les droits seigneuriaux sans indemnités. Tous les actes seigneuriaux doivent être brûlés !!!

La liberté de l’agriculture est alors établie. Ainsi que la liberté de l’industrie et du commerce

 

C’est une préoccupation importante des révolutionnaires, ils vont d’ailleurs agir de façon prudente pour l’avenir. Les entraves sont supprimées, mais de nouvelles règles strictes vont être mises en place afin d’empêcher toute action collective.

 

 

A) La suppression des entraves :

 

Elle est aménagée dès 1789. Le 29 août est proclamée la liberté de commerce des grains (déjà préparée par Turgot.) Le 18 septembre 1789 est proclamée la liberté des prix, avec le juste prix (conception médiévale.) Le 3 octobre 1789 est proclamée la liberté du prêt à intérêts.

Libération du marché intérieur. La liberté du commerce des céréales, par exemple, ne va pas sur le marché international. Sur le marché extérieur c’est différent : il y a un protectionnisme.

Corporations (structures importantes AR) : on s’en était préoccupé lors de la nuit du 4 août 1789. Elles faisaient partie des structures que l’on voulait voir disparaître. Sitôt le décret rédigé, il n’y eut plus aucune trace gardée. On avait le principe général de suppression des privilèges, mais les corporations existaient toujours dans les faits, bien que privées de prérogatives importantes et de poids important. Ceci sera réalisé en 1791 : Décret d’Allarde, qui supprime les corporations.

 

Idées sur les lois : assemblée nationale : décrets dans un premier temps, deviennent lois après approbation par le roi.

Le texte d’Allarde : il avait établit comme priorité principale un impôt sur l’industrie et le commerce, appelé la patente (actuelle taxe professionnelle.) C’est dans son texte fiscal qu’il proclame la suppression des corporations. Il y a là une sorte de marché entre les autorités et les industriels et commerçants. Cette idée est acceptée par l’assemblée, qui reprend des formules correspondant presque mot pour mot à l’édit de suppression des corporations de Turgot. Le principe de liberté ne fait pas l’affaire de tout le monde ; certains professionnels, agents économiques, vont manifester leur mécontentement de manière violente, il y aura alors le vote d’un autre texte : la loi « Le Chapelier » du 17 juin 1791.

 

 

B) La loi Le Chapelier et les garanties pour l’avenir : 

 

Cette loi est votée rapidement. Un rapport est présenté au nom du comité de Constitution, dans l’urgence. Le Chapelier est un député qui a joué un rôle assez important, il présidait la séance du 4 août 1789. Il siège au comité de Constitution. Il dit que les nouveaux principes constitutionnels sont en jeu, il expose le caractère dramatique de la situation constatée dans plusieurs villes du royaume, situation provoquée par une certaine agitation ouvrière, notamment dans les métiers du bâtiment. Ces métiers sont fortement touchés par la crise économique (troubles politiques : la clientèle ne s’occupe pas vraiment de faire des bâtiments.) Il y a de plus une hausse de prix sur les biens alimentaires durant l’hiver. Ils regrettent la disparition des corporations. Les ouvriers étaient organisés en compagnonnage, secrets sous l’Ancien Régime, au grand jour depuis la révolution. Ils se regroupent pour exprimer leur opinion, et demandent que les municipalités des grandes villes fixent un salaire minimum variable selon les variations des prix. Ils refusent le principe de liberté générale du marché. Le Chapelier trouve cela inquiétant. Il reconnaît que la situation économique est mauvaise (prix élevés, salaires faibles.) Cette constatation n’implique pas pour lui que les pouvoirs publics puissent intervenir. Il estime que les salaires doivent être fixés par « les conventions libres d’individu à individu. » L’État ne doit pas intervenir dans cela, les autorités municipales non plus. La liberté concerne les citoyens, mais celle-ci ne doit pas être reconnue pour les individus agissant au nom de « prétendus intérêts communs. » Le problème constitutionnel est donc le suivant : dans le nouvel ordre qu’il est en train de mettre en place il y a l’intérêt général (nation, représentée par l’assemblée nationale) et l’intérêt individuel, il ne peut y avoir d’intérêts intermédiaires (intérêts communs), cela serait dangereux pour l’intérêt général. De plus, se pose le problème du libéralisme : si l’individu peut s’organiser en groupes, le jeu de l’offre et de la demande sur le marché ne fonctionnera pas, et le prix naturel ne pourra se fixer. Il propose d’agir contre ces menaces en établissant de nouvelles règles.

 

L’article premier est une déclaration de principes. Cela est érigé en principe constitutionnel car, dans le nouvel ordre constitu-tionnel il ne doit pas y voir d’interférence entre la nation et les individus. Les autres articles vont entrer dans les détails et interdire toutes les modalités d’action collective. La grève est interdite. On ne peut pas tenir des attroupements contre les décisions de justice. Ces interdictions touchent les maîtres et les compagnons : les employeurs et les employés.

En cas de chômage, la solitude peut être pénible pour l’ouvrier ; l’ancien système assurait une entraide, distribuait des indemnités, ils veulent des caisses de secours. Il écarte cet argument et dit que ces caisses de secours sont mauvaises car :

è Elles risquent d’être mal gérées.

è Il craint qu’elles ne servent qu’à faire survivre les corporations, leur esprit.

 

Il dit que c’est à la nation de distribuer des secours. C’est à elle de fournir du travail en cas de difficulté économique. Tout en établissant un libéralisme très vigoureux, il préconise des actions de l’État. Une intervention de l’État dans le domaine des secours. Cette volonté est discutée depuis deux ans déjà, depuis l’éloignement de l’Église. Des mesures de laïcisations avaient été prises et le rôle de secours de l’Église était moins évident. Il faut envisager des secours publics.

 

 

Section 2 : La laïcisation de la société

 

C’est une question de politique religieuse. Les révolutionnaires sont obligés de s’en occuper en raison du poids important de la religion dans la vie de l’Ancien Régime. Cette politique sera chaotique, elle va s’appuyer sur des préoccupations philosophiques mais aussi parfois économiques.

 

Exemple : le clergé répudié, qui jouait un grand rôle sous l’Ancien Régime avec ses nombreux moines et sœurs, va très vite être la cible des révolutionnaires. Le 13 février 1790 ce clergé régulier est aboli. Grand principe de liberté : les membres du clergé répudié et la population des monastères avaient prêté des vœux perpétuels de soumission au monastère, or le principe de liberté dit qu’on ne peut s’engager de façon perpétuelle, c’est donc aboli.

De plus, il existerait des principes de droits naturels : engagement perpétuel, on ne peut faire cela à vie.

 

Le clergé séculier va être au cœur de quantité de réformes prises dans les premières années de la révolution française. Les révolutionnaires vont leur conférer un nouveau statut de droit public qui les intègre dans les structures collectives et administratives. On va aussi supprimer deux institutions marquées par la religion : le calendrier va changer, on va instaurer un calendrier républicain, et on va s’attaquer au principe d’état civil, on va les faire entrer dans le droit civil.

 

 

§1- Le nouveau clergé

 

Le 4 août 1789 a été supprimée la dîme. Il faut remplacer cela par autre chose si l’on veut voir continuer la religion. Par ailleurs, la nationalisation des biens du clergé est décidée le 2 novembre 1789 : « retour à la nation des biens de l’Église. Il y avait toujours le problème des caisses vides, les états généraux n’ayant finalement pas répondu à ces questions. L’Église détient énormément de biens, il faut donc récupérer cet argent pour le mettre dans le budget de l’État. Mais il y a ce stupide principe de droit de propriété, d’où « retour » des biens de l’Église, ces biens étaient des dons de la nation. Si l’Église se trouve privée de sa propriété il faut des nouvelles structures pour les œuvres.

Nouvelle organisation de l’Église. Ceci est réalisé par une loi du 12 juillet 1790, connue sous le nom de Constitution civile du clergé. Il est organisé sur une base civile, c’est une disposition du droit laïque. Cette constitution établit simplement un parallèle entre l’organisation de l’Église et l’organisation de l’administration (une commune = une paroisse.) Ils sont considérés comme des fonctionnaires, choisis comme des fonctionnaires et payés comme eux avec des crédits publics. En 1790, on avait établi le principe général de l’élection des fonctionnaires. L’élection des prêtres ne pouvait se faire qu’après la messe et seuls ceux qui y avaient assisté pouvaient voter. On exige de plus des garanties de morale de la part des curés éligibles.

 

Les constituants devront agir de façon virulente contre une opposition à cela, et le 27 novembre 1790 une nouvelle loi passe qui exige que tous les prêtres prêtent le serment civique (soumission à la nouvelle Constitution, établie en 1791.) Divisions dramatiques à l’intérieur du pays : seule la moitié du clergé prêtera serment : il y aura les « prêtres jureurs » et les prêtres « réfractaires. » Très peu d’évêques acceptent ce nouveau système (7 sur plus d’une centaine !) Dans ce système, ce sont les évêques qui doivent attester des compétences religieuses des prêtres nommés. Or, comme ils sont réfractaires à cela il y a des problèmes… Parmi ces évêques, Talleyrand accepte de jouer le rôle. Réactions publiques du Pape, condamnation de la Constitution civile du clergé. Il refuse catégoriquement. À partir de là, on entre dans un cycle dramatique de radicalisation qui poussera la révolution vers toujours plus de laïcisation.

 

 

§2- Le calendrier républicain

 

Le 5 octobre 1793 est décidée la mise en place d’un nouveau calendrier. On établit alors trois nouveaux principes de fonctionnement. Ils obéissent à des préoccupations différentes :

- politiques : il faut marquer que l’on se trouve dans une nouvelle époque. On va compter les dates à partir du 22 septembre 1792, date d’établissement de la république et jour de l’équinoxe d’automne (durée du jour égale à la celle de la nuit.)

- principe de rationalité. On va utiliser des périodes de dix jours, mais comme l’année c’est bizarre, alors on fait des transitions. Il y a douze mois parfaitement égaux. Chaque mois vaut trente jours, divisés en trois décades, le dixième jour c’est bizarre… Il manque alors quelques jours, on les considère comme des jours différents. Ce seront des jours de fêtes : les sans-culottides ou jours complémentaires. 

Préoccupation antireligieuse : le nouveau calendrier brouille toutes les références religieuses dans la façon de désigner les mois. Le nom des mois est changé, il provient maintenant des noms des saisons, des travaux de l’agriculture (ce qui prouve la mise en avant de l’importance du travail agricole.) On a donc le mois de Brumaire, Nivôse, Floréal ou Messidor. De même, les jours de l’année possède un nom unique ! Ainsi, le 25 septembre s’appelle Colchique, le 27 juin Absynthe, etc…

 

Lutte complète contre la religion : volonté de détruire l’ancien système de la religion, mais volonté de bâtir un nouveau système de religion sur ce calendrier, un système civil, on voudra organiser des cultes civils chaque décadi (dixième jour.)

 

 

§3- L’état civil

 

La question était fortement dominée par les principes de l’église catholique, règles de droit canon, surtout en matière de mariage. Quelques modifications mais toujours la même base. On a entre-temps proclamé la liberté de conscience : droit d’avoir une religion ou non. Il faut réformer l’état civil car l’Église ne peut plus dominer cela. Certains pensent qu’il faut laisser cela aux curés, d’autres non. On a envisagé d’élargir la situation de l’édit de Tolérance selon laquelle le curé est l’officier légal d’état civil. Mais on se rend compte que cette l’église constitutionnelle ne marche pas. À partir de 1792, nouvelles situations.

 

 

A) Le mariage :

 

Ce mariage est un sacrement, cela change avec les nouveaux principes : il ne s’agit plus du même aspect religieux. Les révolutionnaires vont mettre en place une nouvelle théorie du mariage, citons Durand de Maillane, professeur de droit canonique à l’époque. Il va utiliser un des principes importants du droit canonique : le consentement des époux, et la liberté de consentement. Le mariage est donc un simple contrat civil. Il doit, comme tous contrats, pouvoir être rompu. On doit alors reconnaître le divorce.

 

 

1- Le mariage est un contrat civil

 

Il est tellement important qu’on a inscrit ce terme dans la constitution (T2/A7 de la constitution de 1791.) L’organisation de l’état civil prendra un certain temps, sera assez difficile à définir, ce n’est qu’après qu’on verra les effets ; cette nouvelle organisation est établie par une loi du 20 septembre 1792 : jour même où se réunit la Convention.

Cette loi confie l’état civil aux municipalités. Concernant les règles de fond, il faut noter un assouplissement par rapport au vieux droit canonique, qui avait établit des restrictions quant aux possibilités de mariage au niveau des degrés de parenté. Ouverture vers une liberté du mariage. Le consentement des parents sera tout de même nécessaire pour le mariage des mineurs (21 ans.) Il faut publier les bans à la mairie, au moins huit jours avant le mariage. Il faut aussi quatre témoins.

 

 

2- Le divorce

 

Caractère indissoluble du divorce auparavant mais plus maintenant. Une loi de 1792 énonce la possibilité de divorce. Le divorce existait, mais depuis la parution de la Constitution de 1791 (affirmation du mariage en tant que contrat civil),  beaucoup de gens avaient pris connaissance de cela et avaient rompu leurs contrats de mariage comme n’importe quel contrat. Cette situation avait été plus ou moins acceptée par certains hommes politiques. Mais une certaine pudeur exigeait qu’on garde une certaine prudence pour garantir la stabilité de la famille. Formalités nouvelles établies pour éviter le recours au divorce.

La loi prévoit trois séries de cas de divorce :

 

- Le consentement mutuel (article 1088 du NCPC.)

- Le cas d’une demande formée par l’un des époux quant à l’incompatibilité d’humeur avec son époux.

- La liste des justes motifs :

è Crimes commis.

è Sévices ou injures graves commises à l’encontre de l’un des époux.

è Dérèglements des mœurs : comportements sexuels excessifs (interdiction de plus de deux amantes.)

è Abandon pendant deux ans.

è Absence : jugement d’absence.

è Folie.

è Emigration : problème dans les relations politiques avec le pays.

 

C’est le maire qui est responsable pour ce genre de choses. Il constate si les conditions sont bien réalisées et déclare le divorce. C’est facile pour les cas de crimes et les absences. Dans le cas du consentement mutuel ou de l’incompatibilité d’humeur on met en place une procédure de conciliation car les époux doivent réunir une assemblée composée de parents ou d’amis, elle doit recevoir les époux qui doivent présenter leur intention de divorcer et pour quelles raisons, cette assemblée doit tenter de concilier les époux et faire en sorte que le mariage continue. Si les époux persistent dans la demande de divorce, ils peuvent s’adresser à l’officier d’état civil après un délai d’un mois pour réfléchir. Certains vont trouver cette méthode trop restrictive. Le décret du 4 Floréal an II permet à l’officier d’état civil de prononcer le divorce sans délai et sans formalités dès lors que les époux ont été séparés depuis plus de 6 mois.

 

Tout cela va avoir des conséquences sur le statut des enfants. Les enfants illégitimes avaient une condition juridique défavorable : c’était des bâtards. Cette situation des enfants illégitimes va s’améliorer en raison de deux principes nouveaux de la révolution française : désacralisation du mariage, et principe d’égalité. Ce principe d’égalité avait été proclamé tout de suite en faveur des enfants légitimes (règles privilégiées avant : droit d’aînesse.) Mais pour les bâtards on en reste à des discrimi-nations assez fortes. Les premiers projets sous la constituante apportaient quelques droits aux enfants naturels mais limités en comparaison des enfants légitimes. C’est sous la Convention que les choses vont évoluer. Le principe d’égalitarisme est alors très fort. Cambacérès, député, dès 1793-94, est à l’œuvre sur ces questions de droit civil. Il proclame à la Convention que tous les enfants sont naturels.

La loi du 12 Brumaire an II (2 novembre 1793) : tous les enfants obtiennent le même droit de succession. Et la Convention ajoute la décision d’une application rétroactive jusqu’en juillet 1789 ! Mais… dans la pratique cela n’est pas facile. Il faut donc refaire les partages, attribuer des biens aux différents enfants naturels… Situation complexe en pratique, désordre extraordinaire, contentieux sans fin…

L’extrémisme doctrinal ne va donc pas toujours très bien avec les réalisations concrètes.

 

 

CHAPITRE 2 : LES DIFFICULTES DU LIBERALISME

 

Emergence d’un certain dirigisme, volonté de fixer des règles, les prix etc. Cela est une réponse aux difficultés de mise en œuvre du libéralisme. Ces problèmes sont traditionnellement interprétés à la vue de la situation politique : guerre civile en France à partir de 1792, guerre étrangère : puissances coalisées : Angleterre, Prusse, etc. Erreurs fiscales qui provoquent de graves difficultés économiques, et la hausse des prix continue : impasse financière à la base même de cette nécessité de dirigisme, intervention de l’État.

 

 

Section 1 : L’impasse financière

 

La révolution française doit aussi tenter de régler la situation financière. Les états généraux en 1789 avaient été convoqués pour résoudre le problème de réforme fiscale. Celle-ci sera faite mais mal, et les institutions économiques sont de piètres qualités. On va alors recourir à des méthodes pas correctes par rapport au principe d’orthodoxie financière de l’État…

 

 

§1- Les défauts de la réforme fiscale

 

Les députés des états généraux étaient conscients de l’importance de la réforme financière et vont s’en occuper assez vite. Le 17 juin, ils appliquent la théorie de Sieyès de la représentation nationale, une réforme fiscale est alors votée à l’unanimité.

 

« L’assemblée consent provisoirement pour la nation que les impôts et contributions, quoique illégalement établies et perçues, continuent d’être levées et prélevées de la même manière qu’ils l’ont été précédemment. »

 

è Aucune amélioration ! Cela pour manifester formellement son nouveau poids politique. Il y avait le principe du consentement à l’impôt. Par le maintient des anciens ils empêchent que le roi puisse les renvoyer. Dans le décret du 17 juin 1791 : « impôts quoique illégalement établis et perçus » : c’est bien là une reconnaissance solennelle de l’injustice de l’Ancien Régime fiscal. Cette proclamation de l’illégalité des impôts est aberrante dans le fond : ils rentraient difficilement, maintenant de nombreuses personnes vont avoir motif pour se plaindre...

Pendant le mois de juillet suivant il y aura dans le sud de la France des révoltes contre les impôts indirects : gabelle, etc. Ils étaient perçus par une administration très développée et efficace. Cette révolte est violente. Dans la nuit du 4 août on donne raison à ces révoltés car on supprime la dîme, les droits seigneuriaux. On est contre l’impôt indirect, il doit être direct, apporter la somme nécessaire au budget de l’État. L’article 13 de la DDHC reprendra cette idée. Un principe d’égalité fiscale est posé.

L’impôt fonctionnait selon un principe de répartition dans chaque paroisse. On fixait la somme nécessaire pour le budget du royaume, cette somme était ensuite divisée par province, puis par bailliage, puis par paroisse où la somme était à répartir parmi les habitants. Les anciens contribuables devraient payer moins puisque la somme était d’avantage répartie.

Mais comment établir cela ?

 

Ce partage avec les ex-privilégiés est difficile. Les dépenses sous la révolution sont importantes,  de nouvelles dépenses de politiques sociales apparaissent (aides aux pauvres.) Il va y avoir nécessité d’emprunts, mais en situation de révolution il n’y a pas beaucoup de personnes souhaitant prêter… Le roi fait alors fondre sa vaisselle pour récupérer de l’argent, mais cela ne suffit pas. On va alors créer un impôt volontaire : la contribution patriotique : chaque citoyen qui gagne plus de 400 livres par an doit faire don d’un quart de son revenu à l’État, et ceux qui ont moins participent comme ils le souhaitent (sachant que les classes populaires gagnent en moyenne 52 livres par an.) Une institutrice offre de donner des cours d’anglais à des parisiens à titre de don…et un homme aurait même offert sa femme !

 

Talleyrand (politique) propose de « reprendre » les biens du clergé. Le 2 novembre l’assemblée vote la nationalisation des biens du Clergé. Les adversaires de cette nationalisation avaient été battus car pas de propositions alternatives, et que le calcul de Talleyrand était très simple : 2 milliards de livre, or la dette publique exigible tournait autour de cette somme.

De nouveaux principes seront crées par la suite.

 

Plusieurs dates constituant des tournants :

1er décembre 1790 : contribution foncière.

13 janvier 1791 : contribution personnelle et mobilière.

17 février 1791 : on décide la suppression de tous les impôts indirects (sur vins, alcools etc.) selon le principe que le citoyen doit savoir ce pour quoi il paye.

 

Ces réformes sont difficilement applicables car les révolutionnaires suppriment toute l’administration. C’est donc aux municipalités de régler cela. Dans les grandes villes c’est possible, mais dans les petites la tâche est plus difficile. C’est même purement utopique. Ces nouveaux impôts semblent incongrus.

On va alors inventer un moyen que l’on pense alors être un miracle : l’assignat, établi par une loi de décembre 1789.

 

 

§2- Les assignats

 

Ces assignats sont fortement attachés dans la mémoire à certaines dérives de la révolution française. L’idée était pourtant au départ assez logique. Il s’agissait de mobiliser les biens nationaux (biens de l’église nouvellement nationalisée.) Mais de nombreux excès seront constatés…

Principes de départ:

Le 2 novembre 1789, la nation récupère les biens de l’église, soit deux milliards de livre. Cela correspond à la dette publique, pour rembourser, il faut convertir ces biens en monnaie. Il faut faire cela lentement, mais on craint que la valeur baisse entre-temps. Certains révolutionnaires disent qu’il faut vendre cela petit morceau par petit morceau histoire de favoriser la propriété. On met en place une nouvelle idée : l’émission d’une monnaie papier : les assignats. Ces billets seront gagés sur les biens nationaux. Ci-contre une copie d’assignat de 200 livres.

 

Le 19 décembre 1789 on décide d’émettre 400 millions d’assignats en coupures de 1000 livres. Cette somme était rassurante, cela représentait les trois quarts du budget annuel de l’État ! Mais comme cela provenait des biens nationaux, cela paraissait acceptable. De fait, de nombreux créanciers de l’État refusent de recevoir cela car on ne savait pas encore quelles allaient être les méthodes de vente des biens de l’Église (les assignats sont donc le gage d’une garantie pour recevoir l’argent une fois les biens nationaux vendus.) En mai 1790 est décidé cela : il y aura des facilités de paiement pour les acquéreurs : petite part sur le coup, et échelonnement sur une douzaine d’année. Aucune obligation de rembourser rapidement donc.

Dès 1790 cette monnaie papier est assez mal acceptée, de nombreux paysans refusent de se faire payer de cette manière. Mais ces assignats paraissent indispensables…

On va alors obliger les paysans à les accepter, et le 12 septembre 1790 l’assignat doit être accepté en paiement, c’est un nouveau moyen de paiement légal, on va alors en émettre 800 000 de plus pour des coupures plus petites. On commence à entrer dans une dérive : de plus en plus d’impressions, et faillite monétaire par la suite.

La valeur du gage se trouve rapidement dépassée. On a déjà plus d’assignats que la valeur des gages. Il suffit donc d’affecter de nouveaux biens nationaux, c’est  ce qui se passe sous la Convention et la République. Il y aura des biens nationaux de deuxième génération : biens de la noblesse, des condamnés à mort, etc. Les biens confisqués seront mis en vente, et comme cela prend du temps on fait de nouveaux assignats…

Très rapidement ces assignats perdent de leur valeur, il y a un phénomène d’inflation qui provient de la méfiance à l’égard de la monnaie papier : phénomène de double prix : prix officiel en assignat et prix officieux en monnaie métallique, souvent moindre.

Les autorités tentent de réagir, mais politiquement dans un premier temps : ceux qui doutent de la valeur de l’assignat sont des ennemis de la révolution. En 1793, par exemple, on décrète la peine de mort pour ceux qui émettent des doutes sur la valeur de l’assignat ! Et en juillet 1795 l’assignat ne vaut plus que 3% de sa valeur nominale !!

 

L’État s’est trompé. Il va être obligé d’accepter les assignats à leur valeur nominale pour les impôts. On faisait sa correspondance sur du papier timbré de l’État… donc les assignats permettent d’en acheter pour rien, puisqu’ils ne valent plus rien tandis que l’État les prend à leur valeur nominale. On a donc décidé de laisser filer le système. En 1796 on estime qu’un assignat ne vaut plus que 1/3000ème de sa valeur nominale ! On finit par abandonner cette monnaie papier.

Cela aura provoqué des évolutions dans les institutions, dans l’économie etc. Et aura favorisé un retour à un certain dirigisme. On attend une politique de contrôle de l’économie.

 

 

Section 2 : Le contrôle de l’économie

 

Surtout sous la Convention.

 

 

§1- Les revendications populaires

 

Le peuple a connu une situation peu plaisante. Ici, on va établir très fortement les principes libéraux. La pression populaire est toujours en faveur d’interventions, le peuple se méfie des marchands, etc. En 1792, il y a de nombreuses manifestations pour réclamer le contrôle du commerce, pour sanctionner les spéculateurs et contrôler les prix. 

Le courant girondin de la Convention était très attaché au libéralisme. Il s’oppose à ces esprits élevés qu’étaient les montagnards. Il y a avait des conflits au sein de la Convention, renforcés par des litiges autour de l’assemblée : les babouvistes (disciples de Babeuf, qui prônait un partage égalitaire des terres) par exemple.

C’était une évolution presque inévitable, en 1789 déjà, on avait énoncé des grands principes en pensant que leur application allait être naturelle, mais en 1792 on s’intéresse à la réalité des choses et l’on ne se satisfait pas de thèses libertaires purement théoriques, on veut les constater dans la vie quotidienne. C’est dans ce contexte que les conflits politiques se dramatisent. Robespierre va mettre son grain de sel dans ce conflit et va s’appuyer sur le mécontentement populaire pour prendre le pouvoir et supprimer les girondins. Robespierre et les montagnards vont prendre des mesures spectaculaires pour limiter toutes les manœuvres louches sur le marché. Tous les stocks devront être déclarés, ceux qui ne déclarent pas pour spéculer sont des accapareurs. En 1793, l’accapareur est passible de la peine de mort.

C’est ainsi qu’on établira le loi du maximum général.

 

 

§2- Le maximum général

 

 Il vise à contrôler le prix maximum de tous les biens et services. Il est établi de manière progressive. Le 4 mai 1793, on établit un maximum départemental des grains et des farines. Le système est absurde car on fixe parfois des maximas très élevés pour gagner de l’argent. On va alors fixer un maximum national pour les prix. Il n’y aura plus de différence entre les départements. Mais ce maximum ne concerne que les céréales, il est quelque peu injuste et difficile de fixer un maximum pour un seul bien : si le paysan qui vend ses céréales doit les vendre bas et doit acheter à coté tous les autres produits à un prix très variable, il se dira donc que c’est inutile de produire et va alors se suicider. Il y a ainsi eu plus de cent millions de suicides en France en 6 mois suite à cette étape !

Le 29 septembre 1793 on décide alors de fixer un maximum général de tous les biens et services. Mais comment fixer un tel procédé ? Cela va se faire de façon arbitraire. On prend les prix de 1790 et on y ajoute 33%, le maximum de hausse autorisé est donc de 33% par rapport à 1790. Pour les salaires on autorise une hausse de 50% par rapport à ceux de 1790 : plus grande hausse que les prix, c’est favorable.

Dans l’application, cela ne sera pas si simple : les prix de 1790 étaient difficilement retrouvables, il fallait calculer, rechercher, etc. On va avoir tendance à fixer des prix trop hauts. On va vouloir centraliser le système en février 1794 : les calculs se feront au niveau central pour éviter les manigances, mais les difficultés et troubles de l’époque font que cela sera difficilement applicable. Ce système a encouragé le marché noir : ceux qui avaient des marchandises les cachaient pour les revendre ; il existait des sanctions pénales, notamment peine de mort pour les accapareurs. Mais le nombre de fourbes est tel qu’il est impossible de surveiller efficacement. Les ouvriers sont mécontents. La main-d’œuvre qualifiée était rare, la guerre avait mobilisé de nombreux ouvriers. Les autres étaient donc avantagés, on avait besoin d’eux dans les manufactures, etc. Beaucoup de salaires avaient beaucoup plus augmenté que prévu. Si l’on applique le maximum des salaires il fallait donc en baisser certains qui avaient subi une hausse supérieure au maximum…

Le peuple sera de plus en plus mécontent de toutes ces incohérentes.

Il faudra, pour surveiller ce système, créer une surveillance quasi-directoriale, on crée des comités révolutionnaires extrémistes qui vont tout surveiller. C’est un système de terreur… cela ne peut fonctionner sur la durée.

À partir de 1794, Robespierre se débarrasse des extrémistes (Hébert et ses partisans) alors qu’on avait déjà supprimé les modérés girondins. En même temps, on tolère un écartement des maximums, sauf pour les salaires.

Le 5 Thermidor (23 juillet) an II (1794), on lance un principe de réquisition des ouvriers : s’ils ne veulent pas travailler pour un salaire inférieur à la hausse ils doivent être forcés au boulot. Mais le 9 Thermidor, les robespierristes sont arrêtés et le lendemain, le 10, Robespierre fut capturé puis éxécuté… Le peuple se libère de la terreur, se libère d’un régime reposant sur la force, la répression et l’illégalité, que faisait régner le « dictateur sanguinaire. » En conséquence, un aménagement du libéralisme sous le directoire puis sous le consulat et l’Empire avec Napoléon.

 

 

CINQUIEME PARTIE : L’AMENAGEMENT DU LIBERALISME

 

Cet aménagement est caractéristique de l’époque dite du Directoire, élaborée en 1795. Nous avons déjà plusieurs années de troubles et de graves violences. Le peuple manifeste une volonté de retour à la stabilité. La Constitution du 5 Fructidor an III, 22 août 1795. L’élément révélateur est l’existence d’une déclaration des droits et des devoirs des citoyens. La notion de devoirs n’est pas annodine, mais il s’agissait de devoirs plutôt de politique générale. La déclaration de 89 reprises en 91 évoque ainsi les devoirs de respect du nouveau souverain, doit servir le nouvel ordre constitutionnel.

En 1795 on parle de devoirs : poursuivre de manière permanente la révolution, maintenir un esprit de liberté, etc.

La déclaration est établie en deux parties : les droits et les devoirs.

En fin de compte, on a ce souci pédagogique car on ne fait plus confiance à la discipline spontanée de l’Homme, il faut lui dire ce qu’il doit faire. On va élaborer des principes moraux très clairs, exemple de l’article 4 des devoirs : « nul n’est bon citoyen s’il n’est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux. »

 

 

CHAPITRE 1 : LA REMISE EN ORDRE

 

L’artisan de cette remise en ordre avait une grande inquiétude après la révolution française. Il avait été constaté que la Révolution avait instauré un certain désordre. Il fallait stabiliser les institutions juridiques. Sa première masse de granit sera la codification du droit. Il va s’intéresser à de grandes institutions juridiques pour restaurer la stabilité : famille, contrôle des cultes, rôle des églises, etc…

 

 

Section 1 : la codification du droit

 

Première codification réellement intéressante : Justinien. Justinien et Napoléon sont comparables car ils se sont appuyés sur la force du droit, une force reposant sur la codification, rassemblement du droit dans une œuvre rationnelle et complexe. Elle avait déjà été souhaitée sous l’Ancien Régime. La Révolution travaillait sur un principe plus convenable de codification, cette codification, sous l’Ancien Régime, s’était heurtée aux différentes justices en application dans le royaume. La Révolution avait donc balayé tous les privilèges qui provoquaient plusieurs justices. Dès la nuit du 4 août 1789, on a pensé à cela dans les décrets, avec dans l’article 10 : il n’y aura plus d’exceptions au droit commun du royaume. Dans la pratique les révolutionnaires n’ont pas réussi à réaliser cette unification du droit.

Portalis dira qu’il est difficile de s’occuper du droit privé dans une période de révolution car tout est du droit public. Les lois sont fondamentalement éversives. Pour s’occuper du droit privé il faut du calme, de l’ordre.

À partir de 1800, sous le Consulat, le calme et la stabilité reviennent. Après ce code seront écrits de nouveaux codes.

 

 

§1- Le code civil.

 

Apparaît comme l’œuvre la plus importante de cette époque, on parla même de Code Napoléon. C’est une œuvre importante qui a mobilisé beaucoup de juristes.

 

 

A) Les premiers projets de code :

 

Cela commence dans notre première constitution du 3 septembre 1791. Dans le titre premier du code civil (dispositions fondamentales garanties par la constitution.) « Il sera fait un code de lois civiles communes à tout le royaume. »   En écrivant cela, les constituants avouent aussi leur incapacité à codifier les lois. En 1793, nous sommes à une autre époque de la Révolution. La république est une, il faut donc un droit unique.

Un premier projet est présenté à la Convention au mois d’août, par une commission présidée par Cambacérès. Il avait préparé un projet contenant 719 articles. Mais ce projet est refusé car pas assez révolutionnaires et trop long ! Il fallait obtenir le code le plus simple possible pour que chaque citoyen puisse accéder directement à toutes les règles.

On confie à nouveau à Cambacérès la tâche de présenter un nouveau code civil. Il n’y aura plus qu’environ 300 articles. Ce projet sera encore rejeté car on le considère comme trop révolutionnaire et trop court !

On est en 1794, on est proche du 9 Thermidor an II, on a donc éliminé Robespierre et les gens trop révolutionnaires… 

En 1795, c’est le Directoire, qui s’intéresse aussi à la question de la codification, d’autant plus qu’il a pour objectif un retour à la stabilité. En 1796, il présente un nouveau projet, qui représente 1104 articles ; il est donc moins philosophique. De plus, Cambacérès s’est appuyé sur certaines règles de l’ancien droit. Mais ce projet ne sera pas examiné…

 

Après la mise en place du Consulat il y aura donc à nouveau cette volonté. Le Consulat naît d’un coup d’État en novembre 1799. Un juriste lorrain, Jacqueminot, présente un nouveau projet, dont la portée est assez limitée, et où il reprenait pour beaucoup les travaux de Pothier.

 

 

B) La rédaction du code :

 

Cette rédaction a été confiée à une commission de quatre membres, nommés par un décret du 24 Thermidor an VIII, le 12 août 1800. Elle présente un certain nombre de particularités.

 

 

§1- La commission de rédaction.

 

Cette commission correspond bien à l’esprit de ce nouveau régime issu du coup d’État. On n’a pas de véritables foudres de guerre en matière de politique, mais on a d’éminents juristes.

Ces quatre membres sont Tronchet, Bigot de Préameneu, Maleville et Portalis.

Tronchet a alors 74 ans, il est président du tribunal de cassation. C’était un juriste respectable, il avait été un des défenseurs de Louis XVI lors de sa mise en accusation. Portalis a seulement  54 ans, c’est un avocat de Provence.  Bigot de Préameneu a 53 ans, il est d’origine bretonne, mais a fait sa carrière à Paris où il était avocat. Depuis la Révolution il est commissaire du gouvernement auprès du tribunal de cassation. Maleville a été avocat au parlement de Bordeaux et est juge au tribunal de cassation.

 

Ce sont des juristes d’expérience. Pendant la Révolution, la plupart d’entre eux ont eu une attitude plutôt modérée. Mais Tronchet s’était engagé dans la défense du roi. Ils ont été choisis pour leur expérience juridique et leur représentativité par rapport à l’histoire du droit français. Deux d’entre eux, Tronchet et Bigot de Préameneu, était de pays de droit coutumier. Les deux autres sont issus du midi et viennent donc des pays de droit écrit. Portalis sera surtout connu ensuite pour son discours de présentation du projet où il expliquera les méthodes suivies par sa commission pour établir une « transaction » entre droit coutumier et droit écrit. Dans ce discours, Portalis montrera que cette commission s’inspira de l’ancien droit, et n’utilisera jamais le droit de la période révolutionnaire : le droit intermédiaire (1789/1799 : entre l’ancien droit et le code civil), mais ils ont utilisé les nouveaux principes de liberté et d’égalité.

 

En réalité c’est plutôt une compilation des anciennes règles, certains articles sont inspirés des coutumes, d’autres non.

Cette codification s’est faite de façon efficace en seulement quatre mois. À la fin de l’année 1800 elle a terminé son projet. Mais il n’entre pas tout de suite dans la procédure législative, il est d’abord transmis aux juridictions : tribunaux d’appel et de cassation. Cette technique avait déjà été utilisée par D’Aguesseau.

 

 

§2- La procédure législative.

 

Elle commence au milieu de l’année 1801. Mi 1801 le projet est soumis au Conseil d’État, organe essentiellement législatif à l’époque (chargé de préparer les projets de lois, soumis ensuite au Tribunat, qui pouvait discuter les projets de lois, enfin le projet était soumis au corps législatif, troisième organe législatif qui vote les lois sans les discuter).

Le Conseil d’État va consacrer de nombreuses séances à l’examen de ce projet. Il était normalement présidé par le Premier Consul, donc Napoléon Bonaparte. Mais la plupart du temps il était présidé par le deuxième Consul: Cambacérès. Pour lui, il n’y a pas de théorie dans les lois. Le projet est divisé en 36 lois (du fait du nombre de titres du code civil: 36). On pensait qu’en prenant chaque fois un thème précis cela serait plus simple.

Le tribunat est composé d’anciens révolutionnaires très hostiles à Bonaparte. Fin 1801, le Tribunat tourne mal et la 1ère loi reçoit un avis défavorable. Le processus est alors bloqué par Napoléon pendant toute l’année 1802. En 1802 on va d’abord se débarrasser des tribuns, on l’épure, on remplace l’opposition par des tribuns plus dociles. Une fois cela effectué on va introduire une communication officieuse du projet, afin de voir les réactions.

Les 36 lois sont ensuite adoptées entre mars 1803 et mars 1804, ensuite on va prendre la loi du 30 Ventôse an XII (22 mars 1804), qui va réunir les 36 lois précédentes en un code civil de 2281 articles. Elle décide aussi que toutes les lois romaines, ordonnances, et coutumes sont abrogées dans les matières qui font l’objet du code civil.

 

 

§3- L’esprit du code.

 

Portalis exprime, dans son discours préliminaire, qu’ils ont souhaité mettre en exergue les notions de liberté et de stabilité : «  c’est par la petite patrie qui est la famille que l’on s’attache à la grande. Ce sont les bons pères, les bons maris, les bons fils qui font les bons citoyens. »

 

Le code civil s’occupe de la famille, mais s’y intéresse surtout sous l’angle de la propriété, du patrimoine. Le code civil est essentiellement consacré à la propriété, il possède trois parties : une concernant les personnes, une concernant les biens et une dernière sur les différentes modifications de la propriété (les différentes manières dont on acquiert la propriété.)

Ce troisième livre contient les 2/3 des articles du code. Il y est question de contrats, des successions, des donations, etc.

Le code civil s’appuie sur cette idée libérale provenant du 18ème siècle : le parfait citoyen est celui qui est propriétaire.

L’article 544 dispose que la propriété est la manière de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue. Cette affirmation extrême avait été énoncée pour lutter contre la féodalité. On était parfois propriétaires mais les droits seigneuriaux venaient comprimer cette liberté de disposer des biens. Le code doit établir de grands principes, il doit aussi établir une morale des relations juridiques, des relations pécuniaires, etc., ceux qui critiquent cela citent d’ailleurs l’article 544 (en sa première partie, la suite disposant : pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements.) Il y a des principes dans le code, mais tout n’est pas dans le code civil. Il existe d’autres sources…

 

 

§2- Les autres codes.

 

La méthode du Consulat pour réaliser le code civil a été assez efficace. Cette méthode a été suivie pratiquement point par point pour réaliser quatre autres codes pour l’ensemble des rapports de droit privé. Une commission est réunie, puis le projet est soumis aux tribunaux, puis il est discuté au Conseil d’État, puis enfin il est soumis aux organes législatifs parlemen-taires. On s’est ici occupé d’autres questions.

Le Code de procédure civile est ainsi publié en 1807. Ce code a été réalisé sans trop de difficultés. On s’était appuyé là aussi sur certaines dispositions antérieures, nées avec l’ordonnance civile de 1667 (Code Louis), ces principes ayant été adaptés à la nouvelle situation judiciaire. Pour les autres codes cela va être un peu plus important.

Tout d’abord en ce qui concerne le code pénal et son code de procédure. La question pénale avait déjà préoccupé les révolutionnaires. L’assemblée constituante avait été un peu plus efficace qu’en matière civile. En 1791 il y avait eu un code pénal, qui s’occupait des infractions majeures. Cette œuvre de l’assemblée constituante a été ensuite reprise et complétée sous la Convention qui a élaboré un code des « délits et peines » adopté le dernier jour de la Convention le 25 octobre 1795. Mais ces textes révolutionnaires n’étaient pas réellement intéressants. La question pénale était très sensible pour Bonaparte. À la fin du Directoire (98/99), l’opinion publique était effrayée, il y avait un développement du grand banditisme. Il faut réécrire tout cela, rétablir un code pénal efficace, ainsi qu’un code de procédure intéressant.

 

En 1801, on nomme une commission chargée de rédiger le code d’instruction criminelle ainsi que le code pénal. L’Œuvre ne sera achevée qu’en 1810. Il y avait un désaccord, notamment au sein du Conseil d’État, à propos du rôle du jury, institution typiquement révolutionnaire. Certains voulaient le supprimer. En 1808 est terminé le code de procédure, d’instruction criminelle, en limitant le rôle du jury, tout en faisant qu’il soit contrôlé par les magistrats de carrière.

 

Le code de commerce a connu lui aussi un certain nombre de problèmes dans sa création. On se demande déjà s’il est nécessaire de faire un droit spécial. On a considéré qu’il y avait un droit particulier et qu’il fallait faire intervenir le commerçant lui-même dans le déroulement de ces affaires. Les magistrats des tribunaux de commerce étaient des commerçants élus. En 1801, il faut toujours régler cela, l’idée est alors de reprendre l’œuvre de codification du code marchand de Colbert en l’adaptant aux nouveaux principes juridiques. En 1801 est nommée une commission qui se contente…de recopier le travail de Colbert !

 

C’est Napoléon qui va relancer la procédure. En 1806, il constate de nombreuses faillites, l’opinion publique est profondément touchée par cela. Il va donc décider d’orienter fortement les discussions dans une optique très répressives. Il estime que la législation commerciale était trop laxiste envers les commerçants, ce qui permet la spéculation, etc. On va imposer aux commerçants des règles extrêmement strictes. Le code sera rediscuté et on aboutira à son adoption en 1807, applicable au 1er janvier 1808. On va créer de nouveaux impôts efficaces, notamment indirects. Le principe révolutionnaire était le refus de l’impôt indirect. On va créer des taxes sur les alcools, les tabacs, les spectacles. On crée la contribution des portes et fenêtres. Chaque locataire devait payer une somme proportionnelle au nombre de portes ou de fenêtres. Pour les portes cochères le tarif était double ! Cela paraît farfelu.

 

 

Section 2 : Le contrôle de la société

 

Pour fixer les jolis grains de sables qui bloquent les rouages de notre belle mécanique institutionnelle, Napoléon va fixer les institutions, ces beaux blocs de granite.

 

 

§1- La famille.

 

Portalis avait souligné le rôle important de la famille dans l’ordre social. On n’allait pas jusqu’à vouloir rétablir le sacrement du mariage, c’est uniquement un acte civil, qu’il faut célébrer avant tout mariage religieux, sous peine de sanction pénale sévère. C’est tout de même une institution sacrée. Le Consulat va procéder pour la famille de la même manière que pour les institutions politiques. En politique, on a instauré une sorte de pouvoir monarchique pour assurer la stabilité, de même en matière de famille on va rétablir la domination du chef de famille. On va aussi tenter de limiter fortement les possibilités de divorce. Il faut tout de même respecter les principes de la révolution française. Les principes d’égalité seront par exemple importants en matière d’enfant.

 

 

A) Le rétablissement de l’autorité paternelle et maritale :

 

C’est le père, le mari, qui a une autorité très forte sur les enfants et sa femme.

 

 

1- L’autorité sur les enfants :

 

Le code civil manifeste son opposition face au droit intermédiaire concernant la place du chef de famille. Il rétablit la puissance paternelle, dans le titre 9 du code civil, où l’on trouve de nombreux articles portant sur l’autorité :

Article 371 : « L’enfant à tout âge doit respect à ses père et mère. »

Article 372 : « Il reste sous leur autorité jusqu’à la majorité ou son émancipation. »

Article 373 : « le père seul exerce cette autorité pendant le mariage. »

L’autorité du père est très importante : le père peut commander l’emprisonnement de ses enfants s’il a des sujets de mécontement très graves à son encontre. Le père peut demander cela au président du tribunal sur simple demande judiciaire. Le père doit néanmoins payer une alimentation convenable à ses enfants emprisonnés.

 

L’autorité ne s’arrête pas nécessairement à la majorité (cf. article 371), notamment en ce qui concerne le mariage. L’autorisation des parents est indispensable pour l’enfant mineur ; mais elle est nécessaire même après la majorité. Les parents n’ont pas le même poids pour les décisions.

Pour l’autorisation : 25 ans pour les fils et 21 ans pour les filles afin de prendre la décision du mariage. Àprès cet âge l’autorisation n’est plus nécessaire et se mue en conseil, mais celui-ci doit être fait par un acte notarié. Deux cas : si les parents sont opposés au mariage à ce moment, elle a des effets différens selon l’âge des enfants :

è Jusqu’à l’âge de 30 ans pour les fils et 25 pour les filles, il faut renouveler la demande de mariage de mois en mois et le faire trois fois: s’il y a trois refus alors on peut passer outre et célébrer le mariage.

è Après, on demande une seule fois et s’il y a refus on attend un mois et c’est bon.

 

En réalité ces règles ont favorisé le concubinage et l’union libre.

 

Article 213 : « Le mari doit protection à la femme. La femme obéissance à son mari. »

Article 214 : « La femme est obligée d’habiter avec le mari et de le suivre partout où il juge à propos de résider. »

 

La femme n’a aucune existence juridique en dehors du mari, elle est l’égale du cheval.

Au 20ème siècle la femme acquiert plus de droits. C’est à partir de 1938 qu’elle acquiert une véritable autonomie. Cette situation d’infériorité de la femme est consacrée par le code civil. Dans le code pénal nous trouvons des règles dramatiques concernant des situations particulières pour le mariage : les situations d’adultère. Le code pénal prévoit que le meutre de la femme soit jugé acceptable en cas d’adultère si elle est prise en flagrant délit !

C’est une vieille règle du droit romain. Sous l’Ancien Régime, la femme était envoyée au couvent. On disait maintenant que la femme était authentiquée : emprisonnée jusqu’à ce que son mari décide de la recevoir de nouveau. La femme n’avait pas ces droits à l’égard de son mari. Elle pouvait tout de même demander le divorce en cas d’adultère, dans l’hypothèse où le mari aurait tenu sa concubine dans la maison commune.

 

 

B) La limitation du divorce :

 

Le divorce est maintenu malgré l’hostilité des quatre rédacteurs du code civil. Certains disaient que Bonaparte les avait influencés. L’article 229 du code donne un certain nombre de cas d’ouverture du divorce (consentement mutuel, divorce pour faute.) Le divorce pour faute : adultère, sévices et insultes graves : condamnations à une peine apparente pour le mari ou la femme (travaux forcés fréquents.) C’est assez large si on ajoute le consentement mutuel, mais la procédure est plus complexe. Ce n’est plus l’officier de l’état civil (qui sous la révolution prononce le mariage et prononce le divorce), mais le juge du tribunal civil qui prononce le divorce. Il n’y a pas beaucoup de tribunaux : un seul par département. Les frais sont importants, donc cela est matériellement complexe de divorcer.

 

Les règles sont de plus extrêmement complexes en matière de consentement mutuel. Il n’est possible qu’à certaines époques de la vie commune :

è Age des époux : le mari doit avoir plus de 25 ans, la femme entre 21 et 45 ans.

è Ancienneté du mariage : entre 2 et 20 ans de mariage.

Il faut de plus le consentement des parents. Il peut y avoir jusqu’à 6 consentements ! Il y a ensuite une période de mise à l’épreuve : le temps des épreuves. Pendant cette durée les époux doivent comparaître cinq fois de suite avec deux notaires, et la cinquième fois chacun doit encore apporter deux parents et amis. Il y a des conséquences importantes pour le divorce : impossibilité de se remarier avant trois ans ; on partage les biens directement entre les époux et les enfants, mort de la famille.

 

Le 8 mai 1816 le divorce est aboli sous la Restauration. Il ne réapparaîtra qu’en 1884 : loi du 27 juillet 1884. C’était facile de supprimer le divorce pour la Restauration vu qu’elle n’était pas attachée aux principes de la Révolution française. Mais elle va respecter d’autres principes de la Révolution, consolidés par la suite dans le code civil.

 

 

C) Le maintien d’une certaine égalité :

 

La Révolution française souhaitait maintenir une égalité entre les enfants légitimes (plus de droit d’ainesse.) L‘égalité successorale va fonctionner qu’en faveur des enfants légitimes. Pour les malheureux enfants adultérins, il n’était pas question de leur laisser quoi que ce soit.

Ceci étant, parmi les enfants légitimes, il y a une égalité seulement si le père ou la mère de famille n’a pas fait de testament. Sinon, il peut y avoir des attributions différentes. Cette question fut discutée lors de la rédaction du code civil. Il fallait admettre l’existence du testament. Il permettait de récompenser quelqu’un qui aurait aidé le défunt pendant sa vieillesse. S’il n’y avait pas cette possibilité là, chacun, selon Portalis, risquait de mourir seul, car personne ne souhaite aider sans contrepartie…

 

S’il y a un enfant, la moitié lui revient, le reste est à la disposition du conjoint. S’il y a deux enfants, la réserve est de 2/3, etc. L’enfant est un héritier nécessaire, il a d’office une partie de la succession, en absence de testament il a toute la succesion, s’il y en a, il a la réserve. Cette quantité permettra d’avantager un enfant, l’aîné par exemple. La quantité disponible est transmissible au bon vouloir du conjoint. Le droit d’aînesse ne sera jamais rétabli.

 

 

§2-Les notables : la nouvelle noblesse.

 

Les historiens considèrent souvent le 19ème siècle comme étant le siècle des notables. Un notable est une personne qui occupe une situation sociale importante. Elle à une certaine autorité dans les affaires publiques, la politique. Cette autorité est conçue à tous les plans. Cette autorité est avant tout apportée par la fortune. Selon les conceptions du 19ème, c’est une fortune foncière (sol, terre.)  Ces notables sont recrutés parmi les membres de l’ancienne noblesse ou parmi la bourgeoisie. C’est une sorte de continuité avec les siècles passés. La fortune ne fait pas tout, il faut aussi une certaine intelligence et des compétences pour avoir de la puissance d’où l’importance attribuée à l’énseignement supérieure.

 

Pour faciliter les choses, on rétablira des titres de noblesse pour distinguer cette catégorie des notables.

 

 

A) Le rôle de l’enseignement :

 

Napoléon 1er, réorganise toute les structures et met en place des institutions financières, judiciaires. Il faut des fonctionnaires et des agents publics pour tenir dans ces institutions. Dans le recrutement de ces fonctionnaires, on aura toujours de la place pour tenir compte de la fortune. Ainsi, celle-ci détermine la nomination à certains postes. On parlait de la fortune présente, et de l’espérance de la fortune future. Ce n’était qu’un élément de départ car il fallait montrer son intelligence pour être fonctionnaire.

Sous l’ancien régime beaucoup de postes étaient occupés par la noblesse alors que désormais on vérifie les compétences. Une formation les atteste par un diplôme (grade universitaire.) On met donc une hiérarchie graduelle des compétences.

 

Napoléon accorde une grande place à l’instruction et à l’enseignement supérieur.

Napoléon s’intéresse donc au lycée et à l’université.

 

L’enseignement des lycées commence dès le plus jeune age (6 ans.) Les facultés devant former les cadres du nouveau régime.

 

Dès 1802, les lycées sont institués, un par département. Ces lycées étaient très disciplinaires dans le sens où les élèves étaient internes (totalement assujettis à l’éducation donc.)

Dès 1804 des facultés sont recréées, la révolution les ayant détruit. En 1806 (le 10 mai), Napoléon établit l’Université impériale (ou Université de France.) C’était une structure nationale qui intégrait toutes les facultés et tous les lycées. Cette Université impériale avait le monopole de la collation des grades (délivrance des diplômes.) De fait, seules les écoles publiques peuvent délivrer les diplômes. Les nouveaux principes sont très visibles dans les études juridiques notamment. On a parlé d’école de droit dès 1804, et dès 1806, on reparle de faculté de droit. Le terme « école de droit » avait une signification importante : qui lui conférait une place de choix.

Les évolues de droit sont créées le 22 ventose An XII.

Le 30 Ventose An XII c’est la création du code civil.

 

Quelques jours avant le 22 ventose An XII (recréation des facultés de droit), ce sont les facultés de médecine qui sont remises en route. On se rend compte de l’obligation d’avoir des facultés afin que le citoyen puisse s’adresser à des professionnels compétents dans l’utilisation du nouveau droit. Il faut donc un enseignement supérieur.

 

Dans le système de Napoléon cet enseignement est organisé très militairement. Pour enseigner le droit, les professeurs doivent suivre le code civil avec son plan d’origine. On a donc là le même esprit que celui de Justinien (dans son œuvre au 6ème siècle.) Napoléon ne laisse de place qu’à son code civil. Cela donnera naissance au premier courant doctrinal : l’école de l’exégèse. Cette école consiste en l’étude article par article. C’est donc une discipline rigoureuse pour les professeurs.

 

Pour faire ses études, il fallait d’une part avoir le baccalauréat et ensuite posséder un diplôme provenant d’un commissaire de police attestant que l’on était civilement en règle. Les étudiants devaient considérer leurs professeurs comme leurs pères à l’époque. C’est donc un esprit très rigoureux. Les textes précisent une chose : la conduite des étudiants est aussi importante que leurs études car ils se destinent à être les conseils, les juges et les modèles de leurs concitoyens. Ces étudiants sont en majorité des fils de notables car il existait des montants d’inscriptions (300 francs par matière.) Si l’on convertit au revenu moyen cela est important car un ouvrier gagnait 1 franc par jour. Donc cela faisait un tri à l’entrée de la fac.

 

Tout de même, dès 1802 on établit un système de bourse pour les lycées. Pour les études supérieures, il n’y avait pas de bourse. Les bourses étaient attribuées par un concours des bourses : les meilleurs les récupéraient. Le système se fonde avant tout sur le mérite et le talent des individus. Ce système reste tout de même dans l’esprit de la déclaration de 1789 (DDHC.)

 

Une noblesse impériale apparaîtra suite à ces études.

 

 

B) La nouvelle noblesse :

 

Napoléon Bonaparte a pensé qu’il fallait distinguer les citoyens méritants. Il a commencé à appliquer cette idée aux militaires : on distribuait des « fusils d’honneur » aux soldats les plus méritants. On va changer cela, on va généraliser ce système en créant la légion d’honneur : Loi du 29 Floréal an X (19 mai 1802.)

 

La légion d’honneur est une médaille que l’on porte. À l’origine, ce n’était pas une simple décoration. Le mot « légion » signifiait autre chose. Il était tiré des institutions romaines. On crée une légion d’honneur : armée morale composée de certains notables qui s’étaient distingués et auxquels ont donnait un rôle d’encadrement de structurer la société.

La légion d’honneur possède plusieurs grades : Chevalier, Officier (illustration ci-contre), Commandeur, Grand officier et Grand-croix. Elle fut créée en 1802 et fut plutôt mal accueillie. Personne ne voulait entrer dans la « légion d’honneur. » C’était trop proche d’une idée d’Ancien Régime pour beaucoup.

 

Avec le rétablissement de l’empire, en 1804, beaucoup de gens commencent à s’intéresser à cette légion d’honneur. Napoléon crée la noblesse d’empire  (loi du 14 août 1806) : on rétablit des titres de noblesses (prince, duc, comte, baron, chevalier.) Ces titres récompensent des services importants rendus à l’état. Il ne s’agit donc pas du rétablissement de l’ancienne noblesse de l’Ancien Régime. Dans beaucoup de cas, le titre était attaché à certaines fonctions : un préfet était normalement « comte d’empire. »

 

La noblesse d’empire reste compatible avec les notions de 1789. On distingue des gens en raison de leurs services rendus auprès de l’administration. Le principe qui soulèvera quelques questions : l’hérédité. En rétablissant la noblesse, Napoléon rétablit l’hérédité.

 

Un noble peut transmettre son titre à son fils aîné mais il doit constituer un majorat (c’est-à-dire que le titulaire de la noblesse affecte un certain nombre de biens à ce titre et que ce patrimoine est transmis avec ce titre.) Le patrimoine attaché au titre est inaliénable. L’idée, c’est que le noble qui a un rang important dans la société doit avoir des possessions matérielles importantes. On établit des barèmes rigoureux  :

 

Pour le Titre de Duc : il fallait constituer un majorat rapportant 200 000 francs de rentes par an (le salaire journalier ouvrier était de 1 franc.) Il faut donc constituer un majorat de 6 millions de francs.

Pour un Comte : 30 000 Francs de revenus annuels : soit un majorat de 1 million de francs.

 

Cela parait important, néanmoins c’est encore plus compliqué car ce principe d’hérédité doit être compatible avec le principe d’égalité. Effectivement, si on donne 6 millions de francs à un de ses fils, on doit donner la même chose aux autres enfants. Par conséquent, cela limite considérablement la possibilité de transmission d’hérédité. En réalité, Napoléon a donné des coups de pouces à ses fidèles pour leur permettre de constituer les majorats. Il leur donnera des biens.

 

Cependant, la noblesse ne confère aucun privilège judiciaire, ni juridique, ni financier. La  noblesse est donc un titre honorifique et rien de plus.

 

 

§3-Le rôle des églises.

 

Elles avaient un rôle important. Des tensions apparaissent entre les diverses églises. On a essayé de changer les choses mais sans véritablement y parvenir. On essayera de faire participer les fonctionnaires au culte officiel.

Au début du consulat, Napoléon établit un nouveau courant dans la pratique politique. Napoléon prône l’église catholique. Il faut essayer d’établir la paix pour lutter contre les guerres civiles. Napoléon s’appuie sur cette idée d’Ancien Régime sur le rôle de l’Église. Celle-ci se trouve adaptée aux nouveaux principes d’égalité. Des institutions (documents juridiques) seront crées. Le concordat : accords passés avec le saint siège pour remplacer ceux de l’Ancien Régime. Le rôle de ce concordat est important et d’après les nouveaux principes d’égalité et de liberté on ne peut pas reconnaître uniquement la religion catholique.

 

 

A) Le concordat avec l’église catholique :

 

C’est un accord avec le pape. Cette idée est apparue dès les premiers mois du régime. Les premiers contacts formels sont établis dès le mois de juin 1800. Ce projet sera laborieux. Il faudra une année entière avant de le signer.

 

Le concordat est signé le 26 Messidor an IX  (14 juillet 1801.) Il a en fait été signé dans la nuit du 14 au 15 juillet. Le concordat était un compromis, ce fut complexe car il fut négocié sur beaucoup de bases. Dans le concordat, il y aura un certain nombre de principes. Et on va les inscrire dans des textes complémentaires qu’on appellera les articles organiques du concordat.

 

 

1) Le Contenu du Concordat :

 

Ce concordat est le résultat de négociations longues et difficiles et apportera des avantages pour les deux parties en présence : avantages pour l’église catholique et pour la république française. Le concordat commence par un préambule.

 

è Les avantages pour l’église catholique :

Dès le préambule, on reconnaît que la religion catholique est la religion des Français. La religion catholique est donc la religion principale et c’est la religion particulière du pouvoir exécutif. Cela n’a jamais changé et ce depuis deux siècles. Ce point est en deçà de ce qu’attendait l’église catholique (qui pensait en fait récupérer son rang de religion officielle.) Même si elle a perdu de son écrin, elle reste éminente dans le nouveau système. L’article 1 du concordat permet le libre exercice de la religion et permet le culte public de la religion. D’autres articles du concordat fixeront des modalités pratiques intéressantes pour l’église. Les éléments nécessaires au culte (église) seront rendus à l’église.

 

On prévoit que les citoyens peuvent faire des dons au profit des églises. On revient à des principes déjà vus en 1790. On prévoit un système de nomination pour les évêques : le consul les nomme, le pape les ordonne. C’est un partage des compétences. Le préfet s’occupe du curé avec l’évêque. Dans ces partages de tâches, il peut y avoir des conflits parce que certaines personnes peuvent abuser.

 

è Les avantages que la république en tire :

La république est donc acceptée par l’église catholique alors qu’initialement l’église avait condamné la révolution française. Tous les prêtres doivent faire une prière pour la république et pour le premier consul à la fin des offices. Le premier consul récupère des droits égaux à ceux des rois de droit divin.

 

Après 10 ans de conflits, l’importance de cette reconnaissance est énorme. Cet acquis symbolique se trouve complété par des éléments matériels. Le pape va accepter la nationalisation des biens du clergé. L’article 13 du concordat dispose que le pape ne remettra pas en question cette nationalisation. Il fallait régler un certain nombre de conflits grâce au concordat.

Notamment avec les prêtres jureurs et réfractaires en 1790, où le conflit fut sanglant. Il fallait tout mettre à plat. On y parviendra grâce à une astuce technique. Napoléon préconise de modifier les structures ecclésiastiques pour les aligner sur les structures administratives. On demande un nouveau découpage, on recoupe les diocèses, ce qui entraîne une démission des évêques afin qu’on les renomme. Ainsi, le pape demande à des évêques réfractaires de démissionner pour laisser la place. On nomme de nouveaux évêques. Dans ces 60 nommés, on retrouve quelques anciens évêques réfractaires (16), 12 évêques jureurs (ayant accepté la constitution civile du clergé) et 22 autres nouveaux qui doivent tout à Bonaparte. Le concordat implique un serment de fidélité au gouvernement de la république :  « […] Je jure que si j’apprends quelque chose qui se trame contre le gouvernement, je le ferais savoir […] » 

 

Ce serment suscitera beaucoup de problème devant le secret de la confession. On doit ratifier le concordat (8 avril 1802.) Ce fut tard, car les membres qui devaient le signer étaient assez hostiles à ce projet. On va donc les rassurer en ajoutant au concordat, les articles organiques du concordat.

 

 

2) Les articles organiques du concordat :

 

Pour faire passer le concordat, on a du mettre en place ces articles. On va faire une loi générale sur les cultes. Cette loi est préparée par Portalis. Elle est suivie d’articles organiques organisant les pouvoirs publics.

 

 

A) Les articles concernant le culte catholique :

 

77 articles rajoutés au concordat dans la loi générale sur les cultes. Tous ces articles complètent le concordat dans un sens où il y aura un contrôle très strict. Article 1 : le culte doit se conformer aux règlements de police que le gouvernement prendra pour garantir la paix publique. Les évêques, sous Napoléon, pouvaient se faire appeler « Monsieur » ou « Citoyen » mais en aucun cas « Monseigneur. » Cela pour oublier l’Ancien Régime. Ces articles sont mis en place unilatéralement par le gouvernement afin de tranquilliser les républicains. Le pape n’est pas d’accord du tout avec cela il aurait aimé qu’ils en discutent. Ces articles entreront progressivement dans une phase de désuétude. On aura plus le souci d’un contrôle aussi étroit. L’État n’aura plus cette préoccupation d’un contrôle étroit et strict.

 

 

B) le Statut des autres cultes :

 

Ces cultes étaient sous l’Ancien Régime très réduits et peu tolérés.

 

Le culte israélite : le 18 mars 1808, la situation du culte israélite sera réglée.

On transpose les principes du concordat. On nomme les Lévi, ils sont rémunérés par l’État mais moins que l’église catholique. On prévoit des prières pour la république. L’église protestante était fondée sur de larges principes d’autonomie. On organise les structures internes suite à des élections par les fidèles, ces élus seront chargés de gérer les affaires. On voit bien que l’on s’appuie sur les notables.

 

À partir de 1808 on a des structures religieuses, complètes et contrôlées.

Ce système sera très efficace et permettra une stabilité de la société et permettra aux grands principes du libéralisme de se développer et d’entraîner une forte croissance. Ce développement va engendrer des problèmes remettant en cause les principes du libéralisme posés au 16ème siècle. C’était un système basé autour des petits artisans. Avec le développement de l’industrie cela ne marche plus aussi bien et l’on dénonce les dysfonctionnements de ce système. Un des membres du clergé s’en chargera.

 

Henri Lacordaire, religieux et homme politique. En 1848 : « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » Il existait une loi de 1816 qui imposait le repos du dimanche (trêve des activités.) Cette loi interdisait tout travail public ; mais, en revanche, les usines derrières des murs pouvaient travailler.

 

 

CHAPITRE 2 : L’ADAPTATION DU LIBERALISME A LA REVOLUTION INDUSTRIELLE

 

La France, en 1815, est touchée par une révolution industrielle. Cela se caractérise par une augmentation de la production. On a inventé des machines (la machine a vapeur de Watt, par exemple.) Cette machine entraîne des modifications importantes du travail. Il est essentiellement manuel à la base et se transforme donc de plus en plus avec cette machine vapeur (qui représente plus de 100 chevaux en puissance !) La production est donc plus intense mais le travail change car il ne fait plus appel à la compétence de l’ouvrier, qui devient un simple surveillant de la machine.

 

L’autre fonction importante qui intervient dans la révolution, c’est la dimension des ateliers qui seront considérablement remodelés. La machine amène beaucoup de travailleurs : on prend une grande machine à vapeur et on place à coté d’elle plein de machines. Cela entraîne une disparition de la structure traditionnelle des entreprises. On fixe le travail des enfants car on a moins besoin de main-d’œuvre mais de plus de manutention (ils sont petits donc habiles.) De plus, les enfants ne sont pas payés bien cher. Par conséquent le salaire de 1 franc par jour pour un homme vaut 20-25 centimes pour un enfant.

 

Développement considérable d’une nouvelle population active. Il y a aussi des phénomènes nouveaux qui apparaissent : la crise de l’emploi par exemple. Face à ces évolutions importantes, les règles juridiques n’avaient rien prévu. Les règles du marché font alors ajuster les choses. Du moins dans la théorie.

 

Car dans la pratique, un décalage apparaît. On voit se développer une véritable misère ouvrière. Les gens sont très pauvres alors qu’ils travaillent beaucoup. Dans le code pénal de 1810 on a des règles strictes sur les mendiants, etc. : les pauvres n’ont qu’à travailler. Avec cette révolution industrielle, on a des prolétaires : ceux qui n’ont que leurs enfants. Ils travaillent au maximum et vivent dans une misère énorme. Jusque là, l’État ne s’était pas occupé de ces problèmes, puisque c’était prévu dans les codes pénal et civil.

L’État se dispose à intervenir. Comme le disais Lacordaire : la loi affranchit. On tente de modifier certaines choses par rapport aux principes de liberté. Dès 1820, on a des critiques contre le libéralisme. On tente de réfléchir à sortir du système capitaliste.

 

 

Section 1 : La réglementation du travail des enfants :

 

Cette réglementation  fut revendiquée relativement tôt. Mais il a fallu beaucoup d’années, de discussions et d’enquêtes pour se rendre compte de l’importance du problème.

 

 

§1) Les problèmes du travail des enfants.

 

Le travail des enfants s’est développé avec la révolution industrielle. Le travail des enfants s’est intensifié et se déroule dans des conditions beaucoup plus difficiles. Le danger permanent des machines et le bruit généré sont très nocifs pour les enfants. Cela va créer des soucis importants pour les autorités qui constatent qu’il y a des problèmes démographiques nouveaux qui apparaissent. Dans certaines régions de la France, le taux de mortalité des enfants est très important. On constate cela dans les conseils de révisions : visite médicale pour le service militaire.

Lors du conseil de révisions on constatera que 80% des conscrits sont reformés (pas aptes au service militaire) et l’on commencera à s’inquiéter pour le recrutement des militaires. D’autres s’inquièteront aussi pour la démographie.

On va confier au docteur Villermé (ancien médecin militaire) une enquête, de 1835 à 1837, dans certaines régions. Il fera un tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de laine de coton et de soie (1840.) On s’intéresse à l’état physique en priorité. L’auteur relève que certains vivent dans des endroits insalubres.

 

Il soulèvera un véritable problème demandera aux notables comment ils peuvent supporter que dans leurs ateliers il y ait des enfants de 6 ans qui travaillent sous leurs machines. La plupart de ceux qu’il a interrogé le déplorait mais en était obligé sous peine de ne pas résister à la concurrence.

 

Dès les années 1830, des associations d’industriels discutent entre eux afin de se mettre d’accord sur la concurrence, les excès du travail des enfants seront dorénavant limités. Après la démonstration de Villermé, les débats parlementaires aboutiront à la première législation importante : le 22 mars 1841, sur le travail des enfants dans les manufactures

Sur ce point-ci, l’Angleterre nous avait (encore) devancé. Cependant, en France, ces idées évoluent très lentement. Ainsi, au parlement, 2 courants se mettaient en opposition à ce texte. « Rien ne doit entraver la liberté de marché », c’est idée d’un des deux courants d’opposition : les libéraux.

 

Le deuxième courant n’était pas libéral, il était hostile à la loi car ce courant défendait le principe du pouvoir du chef de famille. C’était donc à lui de décider si son fils travaillait ou pas. Cette loi fut donc votée en 1841, le 22 mars. Elle disposait que :

è Avant 8 ans : interdiction de travailler.

è De 8 à 11 ans : Travail < 8h.

è De 12 à 15 ans : Travail <12h.

è Moins de 13 ans : pas de travail de nuit (c’est-à-dire de 23h à 5h du matin.)

è Moins de 12 ans : instruction obligatoire avant tout emploi (doit savoir lire, écrire et faire des calculs.)

Cette loi sera appliquée difficilement, beaucoup vont lutter contre la loi (industriels, parents.)

 

Certains industriels, dès 1842, réclament la mise en place d’une inspection du travail pour faire respecter la loi et donc que la concurrence soit égale entre les entreprises. Ce n’est qu’en 1892 que cette inspection du travail sera effective.



18/11/2011
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