liens parents enfant sefca Europe

La maltraitance dans le signalement et le placement le juge, l'educateur et l'enfant en situation de placement

Dans toutes situations de maltraitances, les services sociaux par l'intermédiaire des juges pour enfants actent leurs décisions vis-à-vis de l'enfant. Jamais les parents mal traitants hormis dans les cas d'inceste ne sont poursuivis et/ou condamnés. C'est l'enfant maltraité qui sera placé ou à plus juste titre écarté de la famille, de son contexte familial, scolaire et autre. Dans une telle situation, la loi ne devient-elle pas elle aussi mal traitante?

Nombreuses sont les personnes qui ont travaillé, écrit, réfléchi sur une réforme de la loi. Comme Maurice BERGER30(*) dans le cadre de ces écrits. Philippe NOGRIX31(*), sénateur d'Ille et Vilaine. D'autres ont travaillé sur des solutions alternatives au suivi en milieu ouvert et aux placements. Les difficultés qu'ont rencontrées ces derniers pour la mise en place de ces expériences furent des difficultés d'ordre financier. En effet, la loi prévoit le financement des solutions proposées par les textes, mais ne peut budgéter toutes autres propositions!

Des parents mal traitants n'en reste pas moins des parents avant toute chose, et un lien filial et familial existe avec l'enfant. Stanislas TOMKIEWICZ explique dans, lien social n°290 de janvier 1995, le lien qui unit les parents maltraitants et les enfants maltraités en ces termes:

«Les parents mal traitants«fabriquent» souvent des enfants sadomasochistes. L'attachement que les enfants gardent envers leurs parents mal traitants fait partie de la pathologie provoquée par ces derniers et explique en partie la transmission intergénérationnelles des maltraitances. ..... Il leur faudra plusieurs années avant de guérir.»

La corrélation entre les paroles posées par Stanislas TOMKIEWICZ et le placement vont-ils de pair quand on sait que rarement un travail est fait auprès des familles durant le placement de l'enfant.

La maltraitance existe sous plusieurs formes. Il existe la maltraitance physique, qui se voit, qui est définie par le cadre de la loi. Sur laquelle on peut interagir au travers de rapports médicaux, de constat rédigé par des professionnels.

Les notions de violences et de maltraitances ne sont pas perçues de la même manière par tous. Ce qui peut paraître une violence inadmissible, reste pour d'autres un traitement ou une pédagogie sévère mais parfaitement licite et normale. Ainsi par exemple, les punitions physiques considérées en France comme une violence depuis une cinquantaine d'années au moins ont été interdites en Angleterre il y a une dizaine d'années. Reste le concept culturel: dans certains pays, le châtiment corporel existe. Fait par des parents qui croient aimer, je dirais même qui aiment leurs enfants et ne s'imaginent pas maltraitants. Bien souvent dans ces familles, ce qui pour nous se traduit par de la maltraitance, cela s'avère être signe d'attachement et de bonne pédagogie. Quand j'ai abordé ce type de situation avec le juge pour enfants, cette dernière m'a fait part de son positionnement lié exclusivement en référence à la loi. Ne doit-on pas envisager une référence éducative pour ces parents, qui bien souvent traduisent le mot «intégration» par respect des lois et travail. Il faut entendre par respect des lois, la loi pénale et non les lois liées aux droits des enfants.

La maltraitance est définie aux travers des rapports et enquêtes des intervenants sociaux en d'autres termes comme violences physiques, carences éducatives, et de manière beaucoup plus floue avec des expressions du type: maltraitance mais sans jamais la définir exactement. L'ensemble des professionnels met en avant les violences physiques, décrivent des situations de manque de repères éducatifs, des difficultés financières, matérielles mais jamais n'est abordée la maltraitance psychologique. Il faut dire que cette dernière est difficilement visible, et identifiable. Quels moyens ont les acteurs des services sociaux pour mettre en avant cette dernière et agir face à de telles situations?

Dans un tel contexte. Il s'avère difficile pour un juge de prendre une décision ou plutôt la décision qui serait le plus en adéquation avec l'intérêt de l'enfant, tant son choix de réponse est limité. Ce champ réduit de réponses à apporter aux enfants, définis en danger, n'amène t-il pas à placer l'enfant dans une nouvelle situation de maltraitance ou au minimum de souffrance?

Jusqu'en 1936, dans les institutions, on considère que les jeunes pensionnaires sont génétiquement tarés ou bien marqués d'une manière indélébile par leur passé familial et par leur absence d'intégration des lois du pays. Grâce au mouvement du Front populaire et 0 l'intervention d'une partie de l'opinion publique, animée par une journaliste humaniste, Alexis DANAN, commence un début d'humanisation des institutions pour jeunes. Ces améliorations ont continué, surtout après 1945 et après 1958 avec le Général De Gaulle. Le grand mouvement populaire de 1968 permit aux maisons à caractère social de s'humaniser encore. Durant toutes ces années, le concept de maltraitance ne fut jamais abordé. On parlait de violence.

La violence est une référence aux sévices physiques subis par des enfants.

Même si cette notion évolue aujourd'hui, rare sont les intervenants qui considèrent les enfants comme des êtres humains, comme des personnes à part entière douées de réflexion et de ressenti. L'enfant au sein de nos institutions est un sujet.

Ainsi les maltraitances que j'ai rencontrées au sein de l'institution dans laquelle j'exerce m'ont paru extrêmement violentes, alors qu'elles semblaient presque tout à fait normales pour le reste de l'équipe.

Les violences institutionnelles ne sont pas l'exception de la structure dans laquelle j'évolue depuis plusieurs années. Stanislas TOMKIEWICZ fait part dans son livre«Aimer mal, châtier bien»32(*)de témoignages de personnes travaillant au sein d'institution, de réflexions, et d'enquêtes. Ces témoignages permettent de dégager une notion, très variable, de la violence, notion variable dans le temps et dans l'espace. Et de révéler des constantes de fonctionnement de ces lieux.

Dans ce livre, on peut voir naître un questionnement doublement tabou:

La violence en institution, lieu non neutre pour ces enfants placés dans le cadre de l'article 375 de l'enfance en danger. Evoquer la violence dans un lieu où le «bien être» de l'enfant est le leitmotiv de l'institution... Stanislas TOMKIEWICZ propose des moyens d'actions pour que la maltraitance disparaisse dans nos institutions.

Mettre une personne dans une situation de danger n'est-il pas maltraitant dans le cadre d'une prise en charge d'un jeune mineur?

D'autres interrogations ont émergé de la monographie. Encadrer, faire prendre en charge des jeunes par des personnes sans diplôme, sans expérience: n'est ce pas prendre le risque de les mettre en danger?

L'article 375 met en avant les risques de maltraitances au sein de la cellule familiale.

Extraire un enfant de cette dernière, ne peut-il pas être un acte maltraitant?

Quand la maltraitance s'invite dans nos institutions !

La monographie a montré combien le comportement des professionnels pouvait mettre les jeunes accueillis en insécurité, combien une négligence pouvait être mal traitante.

La seconde enquête tentera de dire si d'autres négligences existent au sein de l'institution qui prend en charge les jeunes dans le cadre de l'article 375.

«J'ai la conviction, comme tout chercheur, que la sociologie peut contribuer à une action politique réellement démocratique, à un gouvernement de tous les citoyens propre à assurer le bonheur de tous les citoyens. Cette conviction, je voudrais essayer de la faire partager, - même si c'est un peu présumer de mes forces et surtout sous-estimer les obstacles et les résistances, inévitables, que la sociologie connaît bien, à la réception de la sociologie»33(*)

C'est avec ces mots de Pierre BOURDIEU, et cette même conviction que j'aborderai le chapitre lié à ma recherche.

Cette même conviction qui me permet d'oser poser un regard critique avec neutralité, même si cette dernière peut être contestable, et/ou contestée.

Pour cette recherche, je ferais référence à la sociologie Wébérienne34(*), en donnant une place importante à l'individu, en cherchant à comprendre ce que chaque individu donne à son action, compte tenu des contraintes de la situation.

6.Hypothèse

La recherche théorique en lien avec le sujet de recherche est tout aussi importante que la posture de chercheur.

Au travers de mes recherches théoriques sur la maltraitance institutionnelle, je me suis vite rendu compte que peu d'écrit parlaient de cette forme de maltraitance au sein de l'article 375.

Seuls des positionnements de professionnels auprès d'enfants s'exprimaient, comme Caroline MIGNOT.

Comme l'association ARIANE, qui se positionnait contre le placement en vertu que ce dernier était plus maltraitant que le vécu de l'enfant.

A ma connaissance, les seules enquêtes menées avec comme concept la «maltraitance institutionnelle» sont destinées aux personnes âgées.

Les entretiens auprès des professionnels ont eu lieu soit à leur domicile, soit sur le lieu de travail. Ils se sont déroulés dans les conditions de temps prévu. J'ai exposé le cadre dans lequel je les ai rencontrés afin d'atténuer la relation professionnelle.

Les questions construites de manière directive n'ont pas laissé de place à l'expression libre de l'enquêté.

Les deux jeunes enquêtés étaient des jeunes pris en charge au sein de l'institution.

Je ne pus les interroger qu'au sein de cette dernière.

Je les avais sélectionnés pour leur pertinence de réflexion et leur aisance dans l'expression orale.

Le premier quart d'heure de l'entretien fut consacré à re situer le cadre de ce dernier. J'ai insisté sur ma posture de chercheur et non de professionnels.

Le questionnaire rédigé était plus ouvert que pour les professionnels. Les premières questions étaient destinées à amener le jeune à oublier le professionnel que je représentais pour eux.

Les professionnels ont mis en place les règles de vie par obligation suite à la mise en place de la loi de janvier 2002.

Ces règles n'ont pas été pensées mais copiées sur les livrets d`accueil existants dans d'autres structures.

Il n'y a jamais eu appropriation de la part des professionnels mais application.

Les jeunes connaissaient mieux les règles de vie que les professionnels, et attachaient une grande importance aux conséquences de leur non-respect.

Leur réflexion m'a montré qu'ils étaient inquiets de la non-exigence du respect de ces dernières de la part des professionnels.

Le cheminement de ma réflexion me conduisit vers le terme : Négligence.

Dans l'absolu, voir dans le quotidien une négligence n'est rien de plus que, comme la définition du dictionnaire35(*), faute légère, étourderie.

Mais si l'on se réfère à la définition de la maltraitance, on se rend compte que selon les situations, dont celle de la prise en charge de personnes, qui d'autant plus, bien souvent définies comme vulnérables, nous ne sommes plus dans l'étourderie..

Négligence, synonyme de maltraitance.

Maltraitance, mot mis en avant par la l'article 375 du code civil pour justifier du placement des jeunes en institution.

Le contexte professionnel dans lequel j'évoluais aida à nourrir ma réflexion.

En effet, des faits de violences physiques sur des jeunes commis par des éducateurs de la structure, ainsi que la passivité de la direction m'amenèrent à m'interroger sur la notion de maltraitance.

A quel moment, pour des enfants placés en structure dans le cadre de l'article 375, la maltraitance émerge dans leur parcours?

Ma question principale«A quel moment, pour un enfant placé en structure dans le cadre de l'article 375 la maltraitance émerge dans leur parcours?» laisse suggérer que les institutions qui prennent en charge un jeune dans le cadre de l'article 375 peuvent être mal traitantes.

Cette question est la résultante de ma recherche monographique, qui m'a montré et permis de démontrer que certaines structures, de type M.E.C.S. peuvent, de par leur fonctionnement, mettre en insécurité les jeunes qui lui sont confiés. Ce sont des négligences passives. Cette enquête m'amène à m'interroger si d'autres formes de maltraitances peuvent être présentes dans les M.E.C.S.. Si des maltraitances existent à d'autre moment de la prise en charge d'un jeune dans le cadre de l'article 375.

Si mon hypothèse devait se confirmer, entendre que des maltraitances sont présentes lors de l'intervention des services A.S.E. au moment du signalement, dans le bureau du juge, et dans les M.E.C.S., je pense que les solutions à préconiser devront être différentes selon les intervenants précités.

DEUXIEME PARTIE

L'INSTITUTION MALTRAITANTE

Chapitre 6

Méthodologie d'enquête

L'enquête liée à ma question principale se nourrit d'observations. Observations réalisées au sein de mon lieu de travail, au sein du tribunal. Observations du comportement de chacun. Observations de divers écrits (compte rendu de réunions- cahier de situations journalières- dossiers au sein du tribunal-etc.)

Après l'observation, ma recherche se construit à partir d'entretiens auprès de divers professionnelles agissant à un moment précis de la prise en charge des jeunes dans le cadre de l'article 375.

Je choisis d'enquêter auprès de trois professionnelles:

- la directrice de ma structure, qui est fille de directeur de structure et a grandi dans l'enceinte d'un foyer. A contrario de la monographie je choisis l'entretien libre. J'optai pour la relance sur les mots qui me paraissaient pertinents pour mon thème de réflexion. L'entretien n'était pas limité dans le temps. Il se déroula sur une matinée.

- j'ai eu, par la suite l'opportunité d'effectuer un stage au sein du tribunal de Pontoise, auprès d'un juge pour enfants. Ce stage me permit d'observer des situations de signalement au sein du bureau d'un juge pour enfants. Des entretiens libres eurent lieu avec le juge durant les trois jours.

- la troisième enquêtée est une assistante sociale qui travaille au sein d'un service A.S.E. Nous avons eu l'occasion de travailler ensemble sur une situation. L'entretien a eu lieu dans un café sur Paris. Ce dernier fut construit dans le même cadre que les deux précédents à savoir l'entretien libre



15/08/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi