La médiation familiale, une posture spécifique

Ni juge, ni conseiller, ni thérapeute, le médiateur est un tiers

 Denis de Cherisey

Entre tien - photigule

Conflit, déchirement dans la famille ? Alors, pourquoi pas un médiateur ?

Les conseils d'un expert ? Des solutions clé en main ? Une décision faisant autorité et déterminant, enfin, qui a raison et qui a tort ? C'est parfaitement légitime, mais cherchez ailleurs.

La posture du médiateur familial, en effet, est spécifique (1). Sa mission est de faciliter les échanges, la parole, entre les personnes en conflit. Et par là, de les aider à trouver elles-mêmes les solutions qui leurs conviennent, dans lesquelles chacune se retrouve.

Confidentialité et consentement

L'espace privilégié de parole qu'est la médiation familiale appartient donc aux parties. C'est pourquoi la confidentialité est essentielle. Le médiateur ne fait aucun rapport, ni au juge, ni à personne. Même si, dans beaucoup de cas, la médiation est ordonnée par le juge des affaires familiales, et quelquefois recommandée par un professionnel du social, elle n'est ni un service social, ni une fonction judiciaire. C'est pourquoi aussi, elle suppose de la part de chacun un consentement éclairé et la liberté de se retirer à tout moment.

Cela étant posé, le médiateur familial n'est pas non plus parfaitement neutre et transparent.

Quelle neutralité pour le médiateur ?

D'abord, il maintient un cadre contenant, sécurisant pour que le dialogue puisse exister. Des règles, donc, et notamment celle de l'équité dans les rapports de forces. Il veille à ce qu'une partie ne soit pas sous emprise, ou dominée par l'autre. Il vérifie que les accords ou les discussions mettent bien au travail deux ou plusieurs personnes libres ou, a minima, en voie de l'être. Sa vigilance ne porte pas seulement sur les violences physiques, bien évidemment prohibées, mais aussi sur les agressions verbales et les pressions morales, qui peuvent être sournoises, subtiles. Le conflit, oui, et il est même bon qu'il s'exprime, mais la violence, non.

Ensuite, il veille à ce que les personnes concernées par les décisions prises en médiation ne soient pas mises en danger. Notamment les enfants. Notion de mise en danger – pas seulement physique, mais aussi morale. Avec une marge d'interprétation inévitable de la part du médiateur : des situations limites seront acceptées par certains médiateurs et considérées comme des mises en danger par d'autres. Pas d'objectivité absolue. Ainsi en est-il de toutes les choses humaines...

Négociation, thérapie et médiation

Le conflit fait souffrir. Certaines familles font appel à des thérapeutes familiaux pour revisiter leur histoire affective et adoucir leurs blessures. La médiation, quant à elle, peut avoir des effets thérapeutiques collatéraux, ce n'est pourtant pas le but recherché.

En effet, alors que le thérapeute se place exclusivement sur le plan des affects et des résonances subjectives, la médiation vise, quant à elle, des arrangements pratiques, des solutions concrètes. Lesquels peuvent d'ailleurs, si les parties le souhaitent, être couchés noir sur blanc dans un "protocole d'accord".

En même temps, la médiation n'est pas uniquement un outil pour la négociation. Elle n'en reste pas au plan objectif et pragmatique des accords. Au-delà, elle travaille à la restauration du lien. Il ne s'agit donc pas seulement d'être d'accord sur un hébergement chez le père du samedi 19 heures au dimanche 17 heures ; il s'agit de devenir davantage capable de s'accorder sur des solutions et de les faire évoluer. C'est là où le médiateur catalyse un processus de reconstruction du lien familial, sans faire l'impasse sur son histoire, vécue intersubjectivement.

Une médiation commence souvent par l'expression par chacun de l'histoire de la famille, ou du couple, et du ressenti de chacun ; ressenti qui ne sera jamais occulté pendant le déroulement de la médiation.

Pénale et civile

Enfin, il convient de ne pas confondre médiateur et médiateur.

Pour les conflits de voisinage, il y a les médiateurs sociaux, ou de quartier. Pour les conflits familiaux qui ont donné lieu à un délit (non-présentation d'enfant, violence sur enfant, etc.), il existe la médiation pénale à caractère familial.

Alors, à qui, précisément, la médiation familiale s'adresse t-elle ? Le champ reste large : toute situation de conflit familial, à caractère civil.

Autorité parentale, héritages, liens transgénérationnels

Ce peut être, et c'est encore le plus courant, des parents séparés ou en voie de l'être, en désaccord sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale (2) – hébergement, droit de visite, pension alimentaire. Mais le conflit d'un ancien couple porte aussi quelquefois sur le partage d'un patrimoine.

La médiation peut être aussi, et l'est de plus en plus, transgénérationnelle. Des parents en conflit avec leur enfant (ou le conjoint de ce dernier) pour garder un lien avec leurs petits-enfants. Des adolescents en rupture avec leur père ou mère.

Ce peut être encore des fratries qui cherchent à s'accorder sur la prise en charge de leurs parents âgés. Ou qui se disputent des parts d'héritage...

Pour tous ces cas, il est quelquefois préférable, et moins coûteux - financièrement et moralement -d'éviter le recours au juge; ou bien, après ou pendant une procédure judiciaire, de faire appel, en plus, à un médiateur.

"Le juge a dit que c'était un week-end sur deux". Certes, mais il n'a pas interdit un "meilleur accord", pour l'occasion exceptionnelle où le père qui doit accueillir l'enfant est obligé de s'absenter ou est malade... Le juge ne lui a pas non plus précisé qu'il pouvait laver le pull rouge et bleu à 30 °C, avant de le fourrer dans le sac le lundi matin...