LA MESURE D’ASSISTANCE EDUCATIVE, INCIDENCE SUR LE DROIT DES PERE ET MERE par Nathalie DEBUIRE Mémoire de DEA de droit privé 2000/2001
LA MESURE
D’ASSISTANCE EDUCATIVE, INCIDENCE SUR
LE DROIT DES PERE
ET MERE
par
Nathalie
DEBUIRE
Mémoire de DEA de droit privé
2000/2001
Université de
Toulouse
Sous la direction de Mme le
Professeur NEIRINCK
Je remercie tout particulièrement
Madame le Professeur NEIRINCK pour sa disponibilité et ses précieux conseils
fournis lors de l’élaboration de ce mémoire.
INTRODUCTION…………………………………………………………………………….. 3
1ère Partie : L’INCIDENCE SUR LE droit DES Père et mere
dans la Procedure…………………………………………………………………………………. 9
CHAPITRE I : UNE
PROCEDURE SPECIFIQUE A L’ASSISTANCE
EDUCATIVE…………………………………………………………………………….11
Section 1: L’étendue des pouvoirs du juge des
enfants…………………...11
Section 2 : Les objectifs
contradictoires poursuivis……………………...26
CHAPITRE II : LES
conséquenceS DE CETTE SPECIFICITE SUR LE droit DES PERE ET
MERE…………………………………………………………….……..39
Section 1 : La place
actuelle des pere et mere dans la
procédure…….39
Section 2 : Vers une
amelioration des garanties des pere et
mere………57
2ème PARTIE : L’INCIDENCE DE L’exécution de lA MESURE SUR
LE droit DES PERE ET MERE
………………………………………………………………………………..75
CHAPITRE I : UNE
INCIDENCE LIMITEE dans LES
TEXTES…………………...77
Section 1: En cas d’assistance éducative en milieu
ouvert……………...77
Section 2 : En cas
de placement provisoire du
mineur…………………….90
CHAPITRE II : UNE
INCIDENCE INEVITABLE EN PRATIQUE………………….105
Section 1 : La
repartition des prerogatives entre les parents et le tiers
gardien…………………………………………………………………………105
Section 2 : La
repartition de la responsabilité entre les parents et le tiers
gardien……………..……………………………………………………117
CONCLUSION…………………………………………………………………………………138
ANNEXES……………………………………………………………………………………...141
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………...152
TABLE DES
ABREVIATIONS……………………………………………………………….157
TABLE DES
MATIERES……………………………………………………………………...158
INTRODUCTION
« Toutes les familles heureuses
se ressemblent mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon »[1].
La loi confie aux
parents une « mission » juridique très lourde de conséquences pour assurer
l’éducation de leur enfant : il s’agit de l’autorité parentale. Cet ensemble de
droits et de devoirs doit en principe permettre de protéger l’enfant dans « sa
sécurité, sa santé et sa moralité » selon les termes de l’article 371-2 du Code
civil. Cependant, si les parents sont défaillants dans leur rôle de protecteur,
la législation autorise le juge des enfants à intervenir dans l’organisation
familiale et à remédier à ce manque par le biais notamment de l’assistance
éducative.
L’intervention des pouvoirs publics dans la protection de l’enfance
remonte à un siècle. Le législateur a justifié cette intrusion de l’Etat dans le
fonctionnement de la famille quand le titulaire des droits sur l’enfant avait
commis une faute. Ce contrôle de l’autorité parentale a, depuis, largement
évolué mais un principe subsiste : c’est l’idée selon laquelle la justice ne
contrôle pas l’exercice de l’autorité parentale si l’intervention n’est pas
réellement nécessaire. Cette règle est née sous Napoléon, à l’époque où l’on
considérait que tous les mineurs d’âge devaient être sous la tutelle d’une
personne physique ou morale, titulaire de l’autorité parentale.
C’est la loi du 24 juillet 1889 sur « la protection des enfants
maltraités ou moralement abandonnés » qui, pour la première fois, crée une
procédure civile de protection des enfants par le biais des signalements. Ce
texte prévoyait une sanction en cas de faute des parents mais le devenir des
enfants n’était pas étudié ; la seule mesure les concernant était le placement,
le plus souvent définitif. Il a fallu
attendre le décret-loi du 30 octobre 1935 pour que les notions de faute et de
protection de l’enfant soient distinguées : le texte consacre une mesure de
« surveillance éducative » lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un
enfant sont compromises ou insuffisamment sauvegardées par le fait des père et
mère. On reconnaît ainsi la possibilité de contrôler et d’aider les parents
défaillants.
Suite à la seconde guerre mondiale qui entraîne une augmentation de la
délinquance juvénile, le droit des mineurs va être profondément refondé par le
biais de l’ordonnance toujours en vigueur du 2 février 1945. Il s’agit
d’introduire au sein de la justice des préoccupations éducatives centrées sur
l’enfant et d’établir la primauté de la voie éducative sur la voie répressive.
Un large clavier de mesures pénales est alors mis à la disposition d’un nouveau
personnage, le juge des enfants.
Les termes d’ « assistance éducative » apparaîtront dans l’ordonnance du
23 décembre 1958 : cette réforme du système de protection de la jeunesse va
élargir la compétence du juge des enfants en matière civile à tous les cas de
mineurs nécessitant une protection. L’assistance éducative est alors une
synthèse de deux institutions antérieures : un diminutif de la déchéance où les
parents incapables étaient seulement mis sous la surveillance des services
sociaux, et la correction paternelle par voie judiciaire qui permettait, à
l’initiative du père, de prendre des mesures d’internement à l’égard d’un enfant
en danger moralement. Dans l’esprit du législatif de 1958, il s’agissait de
donner une défense avant même tout péril à l’enfance malheureuse ou
maltraitée.
Douze ans plus tard,
la loi du 4 juin 1970 semble reprendre les termes de l’ordonnance de 1958 ; en
réalité, elle marque une rupture profonde avec le système antérieur. Cette
rupture est d’abord idéologique : il n’est plus nécessaire désormais d’imputer
une faute quelconque à l’enfant ou à ses parents. La mesure d'assistance
éducative est appelée par une situation objective, fondée sur la mise en danger
du mineur. Le législateur souhaitait en effet que soit intégrée la problématique
familiale et qu’une aide soit apportée à toute la famille en difficulté, en
prenant en compte les capacités d’évolution, les qualités et les compétences de
chacun de ses membres. De plus, la loi de 1970 donne une large place à l’action
éducative en milieu ouvert, faisant du maintien du mineur dans son milieu actuel
une priorité.
Mais la rupture est
également procédurale : après avoir indiqué le cadre général des interventions
(notion de danger, maintien des mineurs dans leur famille aussi longtemps que
possible…), la nouvelle législation précise quelles sont les modalités
d’intervention des divers professionnels (juge des enfants notamment mais aussi
parquet, expert, travailleurs sociaux) à travers de nombreuses règles de
procédure. Pour avoir une vision d’ensemble, il convient donc de rapprocher les
textes du Code civil, c’est-à-dire les articles 375 à 375-8 et ceux du Nouveau
Code de procédure civile, c’est-à-dire les articles 1181 à 1200-1. Tous sont
aussi importants pour une compréhension globale de la mesure d'assistance
éducative.
Cette loi de 1970 est
aussi une étape fondamentale dans l’évolution de l’autorité parentale
puisqu’elle remplace l’ancienne puissance paternelle par l’autorité parentale
et, de fait, consacre l’égalité des parents. L’idée centrale est que cette
autorité est aménagée dans l’intérêt de l’enfant et que s’agissant d’une mission
d’ordre public, elle peut être contrôlée par la société. Néanmoins, la loi de
1970 est une loi de défense des prérogatives parentales, qui présume que
l’intérêt de l’enfant est d’avoir une vie stable auprès de ses parents. Par
conséquent, tout le dispositif d’intervention judiciaire est conçu afin que les
parents ne perdent qu’au minimum leurs prérogatives. Dans le dispositif légal
alors mis en place, l’assistance éducative apparaît ainsi comme la mesure la
moins grave en termes d’atteinte portée à l’autorité parentale et le législateur
de 1970 invite les juges des enfants à y
recourir le plus souvent possible, plutôt que de prononcer une délégation ou un
retrait d’autorité parentale.
Une autre étape est
marquée en 1986 : il est décidé de limiter la durée des mesures d’assistance
éducative à deux ans, sauf lorsque le mineur est confié à un particulier. En
effet, avant cette loi, il avait été constaté que bien des parents ne se
manifestaient plus et n’avaient aucun contact avec les éducateurs pendant
plusieurs années. Ainsi cette loi du 6 janvier 1986 renforce les droits des
familles et oblige les juges à convoquer les intéressés et à réviser les
situations au moins tous les deux ans.
En pratique, cette
obligation légale de révision a bouleversé le traitement des dossiers ainsi que
la relation des familles avec les intervenants. Parents et enfants rencontrent
ainsi plus souvent le juge, ce qui favorise l’instauration d’une relation de
confiance ; de plus, cette présence régulière du juge des enfants induit un
contrôle plus rigoureux du travail éducatif mené et cela impose aux éducateurs
de rendre des comptes, de s’expliquer et de proposer des mesures au magistrat.
Enfin, cette rencontre avec le juge des enfants peut et doit favoriser un débat
qui ne concerne pas seulement les faits mais qui concerne aussi les droits des
familles. Il importe que les parents soient informés de leurs droits dans une
matière où l’avocat est rarement sollicité et où seul le juge des enfants peut
encore remplir cette mission d’information et de conseil.
L’intervention doit
donc, dès le départ, s’orienter vers une observation stricte des règles
procédurales fixées par les textes, pour que de nouveaux rapports soient créés
entre les familles et les autres intervenants. La seule façon de les mettre en
confiance, de les convaincre de la nécessité d’une mesure, de les aider et de
les inciter à résoudre le danger passe par un respect scrupuleux des droits de
chacun.
Aujourd'hui, les juges
des enfants se réfèrent toujours à ces textes pour la plupart encore en vigueur.
La loi de 1970 a su trouver un équilibre remarquable entre la rigueur qu’impose
la protection de l’enfant et le respect nécessaire des droits des familles.
Autrement dit, la législation actuelle sur la protection de l’enfance comporte
autant de textes favorisant la cessation du danger qu’encourt l’enfant que de
textes veillant à ce que cette protection ne porte pas une trop large atteinte
aux droits fondamentaux de ses parents (droit d’accès au dossier, droit
d’expression devant le juge, échéances garanties de révision de situation,
autorité parentale lorsque l’enfant est placé…).
Cependant
l’application de ces textes pose en pratique des difficultés, d’une part parce
que le dispositif fait intervenir de nombreux professionnels venant de milieux
différents (juge des enfants, parquet, experts, services en milieu ouvert,
foyers privés ou publics) et qu’ils n’ont pas la même vision des familles, la
même façon d’analyser les difficultés, d’autre part parce que tous ne
connaissent pas précisément le contenu de la législation. Ils mettent souvent en
avant la spécificité de la matière, laquelle impose des résultats concrets et un
objectif d’efficacité. Cette particularité autorise-t-elle néanmoins les divers
intervenants à négliger les droits des familles ?
En principe, le
respect des droits fondamentaux des personnes s’impose particulièrement dans les
domaines où il y a atteinte à leurs libertés individuelles. Plus l’atteinte est
importante, plus la loi doit être précise et stricte par rapport aux garanties
des intéressés, ce qui est le cas en procédure pénale. Mais c’est également le
cas dans le domaine de l’assistance éducative. En effet, parce qu’il est à tout
moment possible de séparer les parents de leur enfant, on ne peut sans aucun
doute imaginer quelque chose de plus attentatoire aux droits fondamentaux des
personnes et de plus douloureux qu’une séparation imposée sans garanties. Certes
le placement est une mesure ultime et les textes consacrent le respect de
l’autorité parentale malgré le placement de l’enfant[2] ; néanmoins en
pratique, le respect des droits des parents s’impose de manière générale, pas
seulement pendant le placement et pas seulement parce que les textes ont posé un
principe général. Dès le début de la procédure, dès que le juge des enfants est
averti de la situation et qu’il ouvre un dossier de protection, il convient de
prendre en compte les droits des familles.
Ainsi si de nombreux
auteurs se sont, à ce jour, déjà penchés sur les droits de l’enfant[3], particulièrement
son droit d’être protégé contre ses parents[4], son droit de
vivre dans un milieu affectif stable, son droit à une éducation et à une
instruction…, il est ici question des droits « des père et mère » et de
l’incidence de la mesure d'assistance éducative sur ces droits. Pourquoi les
père et mère ? Parce qu’ils sont concernés plus que quiconque par la protection
de leur enfant et par l’objectif de cessation du danger. Les termes de « père et
mère » ont été volontairement employés dans l’intitulé du sujet ainsi que dans
la législation de manière générale, en raison de l’imprécision de l’expression
« parents », laquelle posait des difficultés face aux autres parents de l’enfant
(grands-parents, membres de la famille). Effectivement, les père et mère sont
seuls titulaires de l’autorité parentale, de plus ils interviennent forcément
dans la procédure d’assistance éducative et à ce titre, ils doivent pouvoir
bénéficier de toutes les garanties qu’est en droit d’attendre un justiciable. En
tant que père et mère, ils ont également des droits une fois que le juge a pris
la mesure, qu’il s’agisse d’une mesure en milieu ouvert ou d’un placement
provisoire de l’enfant. Certes leur autorité parentale est contrôlée mais
rappelons que ce contrôle doit être limité. Enfin ils ont des droits parce
qu’ils sont les parents d’un enfant en danger et que le travail éducatif qui va
être mené tout au long de l’intervention les concerne également.
Le rôle du juge des
enfants est, dans ce dispositif, bien évidemment primordial car il existe une
véritable relation de proximité entre le magistrat et la famille, ce qui fait la
spécificité de la procédure. Le juge va suivre la situation familiale parfois
pendant plusieurs années, il doit expliquer aux parents la décision qu’il prend
même si elle est douloureuse, il doit s’efforcer de recueillir leur accord, il
doit les entendre, les écouter, les aider parfois mais tout en restant dans son
rôle d’autorité. Cette fonction d’autorité est d’ailleurs ce qui distingue
l’intervention judiciaire de l’intervention administrative : en général, le juge
des enfants est saisi lorsque le système de protection administrative a échoué
ou parce que des mesures plus radicales s’imposent. Or ce transfert de la
prévention au judiciaire est problématique car l’intervention d’un juge peut
être perçue par les familles comme un traumatisme. Les parents, mis sur un pied
d’égalité avec les institutions telles que l’Aide sociale à l’enfance en matière de prévention, peuvent subitement
se sentir en position de faiblesse devant un magistrat qui dispose de si larges
pouvoirs. Cependant cette intervention du juge est positive car elle permet
justement de mieux respecter les droits des parents, le juge étant gardien des
libertés individuelles. Il est donc indispensable de favoriser, dès le départ,
une relation de confiance et de donner aux parents, face aux pouvoirs si
importants du magistrat, une véritable place dans la procédure. Cette place qui
leur sera accordée favorisera sans doute le travail
éducatif.
Toutes ces questions
méritent d’être éclaircies. Des règles ont été posées et il conviendra
d’étudier, au fil des développements, si elles sont réellement mises en œuvre.
Car dans ce domaine, la pratique ne peut être détachée de la théorie. Or il
semble y avoir un décalage fréquent entre les règles légales et leur application
pratique : il importe donc de mettre en avant ce décalage et d’en mesurer les
conséquences par rapport aux droits des familles en difficulté
Il est donc utile de
se placer à deux niveaux car finalement l’assistance éducative est un long
cheminement qui part de la constatation du danger pour arriver à sa cessation.
Quelle est la place des parents dans ce processus ? Conservent-ils des droits
sur l’enfant malgré l’intervention du juge ? Avant d’étudier plus précisément
l’incidence de l’exécution d’une mesure d'assistance éducative sur le droit des
père et mère, qu’il s’agisse d’une action éducative en milieu ouvert ou d’un
placement (Deuxième partie), il s’agira d’analyser l’incidence sur leur droit
pendant la longue étape que représente la procédure (Première partie).
1ère PARTIE :
L’INCIDENCE SUR LE
DROIT DES PERE ET MERE DANS LA PROCEDURE
Les règles applicables en matière d’assistance éducative
sont dérogatoires au droit commun et cette spécificité apparaît dès le début de
la procédure, lorsque le juge des enfants chargé de la protection de l’enfant en
danger est saisi. Cette originalité du droit des mineurs est éclatante au niveau
des modalités de l’intervention judiciaire. C’est dire l’importance de la
procédure.
Pour illustrer la spécificité de
la procédure d’assistance éducative, il convient peut-être au préalable de
rappeler l’opposition principale entre les deux systèmes caractéristiques de la
procédure en France[5] : le système de la
procédure dite accusatoire, dans lequel les parties jouent un rôle très
important. Ce sont elles en effet qui dirigent l’instance, qui rassemblent
librement les éléments de preuve ou qui provoquent les mesures d’instruction.
Dans ce système, le procès est souvent présenté comme un « duel » opposant les
plaideurs et auquel le juge assiste, en n’intervenant guère qu’à la fin de ce
duel judiciaire, pour dire qui l’a emporté.
A l’opposé, le système de la procédure dite inquisitoire est
caractérisé par l’importance du rôle joué par le juge dans le déroulement de
l’instance, dans la rechercher des preuves…
L’accent est ici mis sur le fait que la justice est un service public,
que la marche de l’instance ne doit donc pas dépendre du bon vouloir des parties
mais des initiatives du juge et que ce dernier doit œuvrer pour la manifestation
de la vérité, peu importe le degré de coopération des plaideurs. Si la procédure
pénale est inquisitoire, c’est le système accusatoire qui reflète dans
l’ensemble la conception classique de la direction du procès civil. Au départ,
le juge n’usait guère des pouvoirs, d’ailleurs limités, qui lui étaient reconnus
et même si peu à peu le juge civil s’est vu reconnaître un rôle accru à tous les
stades de la procédure, le principe demeure.
Il est très difficile
de situer la procédure d’assistance éducative dans ce schéma traditionnel : on
aurait tendance à retenir son caractère inquisitoire en raison notamment des
larges pouvoirs accordés au juge des enfants. Mais en assistance éducative, les
parties ont manifestement un rôle à jouer dans la procédure car elles sont
particulièrement concernées dans une matière qui touche leur sphère privée et
leur liberté individuelle. La coopération des familles est d’ailleurs exigée par
les textes et à ce titre, leur parole doit être prépondérante. Il s’agit donc de
trouver un équilibre entre la spécificité de la procédure et le respect des
droits des parties, ce qui n’est pas chose aisée. Après avoir présenté les
particularités de la procédure d’assistance éducative (Chapitre I), nous
examinerons plus précisément les conséquences de cette spécificité sur le droit
des père et mère (Chapitre II).
CHAPITRE I : Une procédure
spécifique à l’assistance éducative
L’assistance éducative
présente des caractéristiques propres. Tout d’abord le juge chargé d’intervenir
n’est pas ici le magistrat qui prend à un moment précis une décision et constate
ce qui est conforme au droit et ce qui lui est contraire. Non seulement le juge
de l’assistance éducative dispose de larges pouvoirs, ce qui lui donne un rôle
central, mais il est également présent à tous les stades de la procédure. C’est
en effet le même juge qui prépare son intervention en s’informant sur les
données du conflit et sur les protagonistes, c’est lui qui prend la décision et
c’est encore lui qui contrôle l’exécution de son injonction, toujours révisable
de surplus. Cette place accordée au juge des enfants et les pouvoirs qui lui
sont octroyés dérogent largement au droit commun et c’est ce qui constituera la
premier point de notre développement (Section 1).
Ensuite, il faut bien mesurer les deux objectifs contradictoires qui
doivent être respectés en assistance éducative : en effet, la loi du 4 juin 1970
a su trouver un équilibre entre l’objectif de cessation du danger encouru par
l’enfant et le respect des droits des familles, qui passe notamment par la
recherche de leur adhésion. Cette harmonie textuelle n’est cependant pas
toujours facile à mettre en place car chaque cas posé au juge des enfants est
différent et doit être individualisé. Dès lors, la recherche constante d’un
équilibre entre ces deux objectifs contradictoires contribue à la spécificité de
la procédure d’assistance éducative (Section 2).
Section 1 : L’étendue des
pouvoirs du juge des enfants
Nous avons vu que la procédure
civile d’assistance éducative n’est ni accusatoire, ni inquisitoire, en raison
de sa spécificité, liée à une volonté de protection véritable et généralisée de
la personne de l’enfant. En réalité, la procédure ne pourrait être totalement
inquisitoire car ce serait une immixtion injustifiée de la justice dans la vie
des familles ; il s’agirait donc d’appliquer la procédure accusatoire tout en
donnant au juge un rôle plus important[6]. Dans ce contexte,
la tâche du magistrat a été grandement favorisée et le législateur lui a donné
de très larges pouvoirs pour mener à bien sa mission de protection. Il sera ici
question de son important pouvoir d’appréciation et
d’investigation.
SOUS-SECTION 1 : UN LARGE
POUVOIR D’APPRECIATION
En 1958, l’assistance éducative a été confiée au juge des enfants qui
était alors magistrat spécialisé de l’enfance délinquante. C’est donc le même
magistrat qui est désormais, suivant les circonstances, juge pénal pour le
domaine de l’enfance délinquante, juge administratif pour celui de la tutelle
aux prestations familiales et enfin juge civil pour celui de l’assistance
éducative. Le juge des enfants doit donc ici mettre en avant ce caractère
civiliste et apprécier l’opportunité d’une intervention judiciaire en fonction
d’un critère essentiel qui est la mise en danger de l’enfant auprès de ses
parents. En outre, il peut, même s’il n’est pas saisi, déclencher lui-même
l’ouverture d’une procédure ou au contraire refuser d’intervenir s’il ne
l’estime pas nécessaire. Son pouvoir d’appréciation est donc très étendu.
§ 1 : L’appréciation de l’opportunité d’une
intervention
Elle se manifeste à
deux égards, d’une part lorsque le juge des enfants use de son office pour
ouvrir lui-même une procédure d’assistance éducative, d’autre part lorsque le
juge des enfants, une fois saisi, décide de ne pas ordonner de mesure
d'assistance éducative. On constate d’ores et déjà les particularités de la
procédure d’assistance éducative par rapport au droit commun car le principe
général en procédure civile est le principe dispositif qui impose que l’instance
soit mise à la disposition des plaideurs, ceux-ci ayant la maîtrise de son
déclenchement, de son étendue, de son déroulement et de sa terminaison. De plus, en droit commun, un magistrat qui
refuse de statuer après avoir été régulièrement saisi se rend en principe
coupable de déni de justice. Nous envisagerons successivement ces deux
spécificités.
A. La possibilité du juge des enfants de s’auto-saisir
La solution
traditionnelle en procédure civile dispose que « seules les parties introduisent
l’instance, hors les cas où la loi en dispose autrement … »[7]. L’article 375
alinéa 1er in fine du Code civil qui autorise le juge des enfants à
se saisir d’office est l’une de ces exceptions légales. Cette saisine d’office a longtemps suscité de
nombreuses critiques et encore aujourd'hui certains auteurs ont des difficultés
à intégrer le mécanisme[8]. Déjà en 1958,
lors de l’élaboration de la loi, la consécration de l’auto-saisine est l’un des
points les plus controversés[9], en raison
notamment du principe dispositif et de la séparation des fonctions. Pourtant, jusqu’à la loi du 4 juin 1970, la
saisine d’office va être très utilisée en pratique car, à l’époque, le juge des
enfants entretenait des rapports privilégiés avec les spécialistes (médecin,
assistante sociale …), lesquels lui signalaient les cas de danger, sans pouvoir
le saisir[10]. En effet, il
faut savoir que les personnes pouvant directement saisir le juge des enfants
sont limitativement énumérées[11]. Or, le parquet
qui n’était pas spécialisé dans les affaires de mineurs ne jouait pas son rôle
actuel de régulateur.
Lors de la discussion à l’assemblée nationale de
la loi de 1970, la saisine d’office fait de nouveau l’objet d’un débat et deux
thèses s’opposent : d’un côté, la thèse selon laquelle la protection de
l’enfance est de la compétence du parquet, le juge ne pouvant alors se saisir
d’office ; de l’autre, la thèse selon laquelle le juge des enfants est le
protecteur de tous les enfants en danger et à ce titre, il doit pouvoir se
saisir d’office dans tous les cas. A titre de compromis et à l’initiative du
Garde des Sceaux, il est décidé que la saisine d’office serait conservée mais
qu’elle ne pourrait être utilisée qu’à titre exceptionnel[12]. A ce moment là, il fut jugé indispensable de
conserver la saisine d’office, la justice souffrant d’une pénurie et d’un défaut
de spécialisation des membres du parquet.
Aujourd'hui, la saisine d’office
peut, dans certains cas précis, se révéler utile : cela permet au juge des
enfants, en cas d’urgence, d’intervenir tout de suite, sans attendre qu’un des
proches ou que le ministère public ne prenne l’initiative. C’est également un
moyen pour les personnes autres que celles énumérées à l’article 375 du Code
civil de prévenir l’autorité judiciaire, en sachant que si elles ne peuvent
saisir directement le juge, ce dernier pourra toujours se saisir d’office s’il
l’estime utile. C’est par exemple le cas des services sociaux ou d’un membre de
la famille qui s’inquiète, d’un voisin, de l’instituteur, de l’assistance
sociale ou du médecin. Cependant ces personnes ne peuvent pas obliger le juge
des enfants à ouvrir une procédure ni à prendre une décision, quel que soit le
contenu du courrier.
En réalité, le magistrat dispose
d’un pouvoir exceptionnel et inhabituel pour apprécier l’opportunité d’une
intervention, d’un « choix discrétionnaire » même diront certains[13], dans la mesure
où il n’est pas tenu de justifier les raisons de sa saisine d’office ni de
motiver son caractère exceptionnel. A titre d’exemple, il est possible de citer
un arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 1987 : en l’espèce, le juge
s’était saisi d’office (à la demande des grands-parents) et leur avait confié
l’enfant qu’ils élevaient depuis quatorze ans. La mère et son mari ont prétendu
qu’une telle saisine était illégale, parce que les grands-parents n’étaient pas
mentionnés dans l’article 375 du Code civil et que la situation ne présentait
pas de caractère exceptionnel. La Cour de cassation a affirmé le contraire :
selon elle, élever un enfant pendant quatorze ans, sans que la mère ne manifeste
quelque désir de le reprendre est en effet une situation assez exceptionnelle.
De plus, si le juge ne s’était pas saisi d’office, les grands-parents en tant
que « gardiens de fait » auraient pu valablement agir[14]. Tout dépend donc
du danger et des circonstances.
Toutefois en pratique, les
magistrats, prudents, se refusent en principe à se saisir d’office ou ne le font
qu’une à deux fois par an[15], préférant que le
dossier transite par le parquet, aujourd’hui spécialisé pour qu’il fasse le tri
des affaires. Pour M. Deiss, l’utilisation limitée de la saisine d’office fait
gagner à la procédure de l’efficacité, le juge devant être perçu par le
justiciable comme un arbitre crédible et non comme une partie poursuivante
supplémentaire[16]. Parfois le juge
des enfants est régulièrement saisi par une personne autorisée et pourtant il
refusera d’intervenir : cette prérogative met en lumière l’important pouvoir
d’appréciation du magistrat.
B. La possibilité du juge de prononcer un non-lieu à assistance éducative
Chaque jour arrivent dans les
tribunaux pour enfants de nombreux documents et des lettres concernant des
familles qui ne font l’objet d’aucune mesure judiciaire. Le juge des enfants
doit avant tout vérifier qu’il est effectivement sollicité pour ouvrir une
procédure de protection d’un enfant. En réalité, la valeur de ces courriers est
plus importante s’ils émanent des personnes énumérées[17], elles seules
pouvant directement saisir le magistrat. Ces personnes obligent en réalité le
juge à statuer sur leur demande, qu’elle soit ou non fondée[18].
Dans les faits, la majorité des
requêtes est transmise au juge des enfants par le procureur de la République,
souvent le substitut du procureur chargé spécialement des affaires civiles et
pénales concernant les mineurs. En effet, le ministère public a un rôle
essentiel quant à l’efficacité et la rapidité des réponses qu’il peut
concrètement apporter à l’enfant en danger : à partir des faits qui lui sont
soumis, il rejette tous les documents dans lesquels aucun élément ne permet de
caractériser un quelconque danger et il oriente l’affaire vers le juge des
enfants, au pénal ou au civil. Lorsque le ministère public saisit lui-même le
juge des enfants, il agit comme partie principale, c’est à dire par voie
d’action (c’est exceptionnel en matière civile)[19], et dans ce cas,
il est considéré comme une véritable partie, ce qui renforce sa mission et son
monopole. Dans les autres hypothèses, le
juge des enfants doit lui donner avis de l’ouverture de la procédure : le
ministère public est alors partie jointe et il agit par voie de réquisition. Le
procureur pourra requérir le prononcé de mesures d’information ou un non-lieu
s’il estime que les critères d’intervention du juge des enfants ne sont pas
réunis[20]. Ce rôle semble
primordial et pourtant, en pratique, cela se limite à la requête initiale et à
un avis du type « vu et ne s’oppose » en cours de procédure. Le Rapport
Deschamps, remis au Garde des Sceaux en janvier 2001, préconise à cet égard de
spécialiser véritablement les parquets[21].
Bien que sa saisine soit
régulière, le juge des enfants n’est jamais obligé d’ordonner une mesure
d'assistance éducative. En effet, l’article 375 du Code civil dispose que des
mesures «peuvent être ordonnées », le juge des enfants est donc libre
d’intervenir ou pas. Or il est possible qu’à l’issue de ses investigations, le
juge ordonne un non-lieu à assistance éducative dans un souci d’efficacité. Or
en principe, lorsqu’un juge est saisi d’une demande, il est obligé de statuer,
sans quoi il se rend coupable de déni de justice[22]. Cette règle est
justifiée car il faut éviter qu’un magistrat ne se retranche derrière
l’obscurité et le silence de la loi et cela l’oblige à rendre une décision dès
lors que sa saisine est fondée et régulière.
Or cette faculté du
juge des enfants d’ordonner un non-lieu à assistance éducative a souvent été
présentée comme une exception à l’obligation faite à tout juge de statuer sous
peine de déni de justice[23]. Peut-être
faut-il atténuer cette affirmation ? Le juge ne s’abstient pas de juger
lorsqu’il prononce un non-lieu, au contraire il prend une décision qui est celle
de ne pas intervenir judiciairement. Cette décision est, comme toute décision,
notifiée aux intéressés et motivée afin que les parents, le mineur ou le parquet
puissent éventuellement la contester. Il n’est pas rare, en pratique, de
rencontrer des jugements de non-lieu à assistance éducative quand les intéressés
ont réussi à réduire eux-mêmes les sources du danger. Dans ce cas,
l’intervention du juge des enfants est devenue inutile.
On constate donc que
dès le déclenchement de la procédure, le juge des enfants dispose d’importants
pouvoirs pour apprécier l’opportunité d’une intervention judiciaire. Dans chaque
dossier, il faut prouver qu’une intervention autoritaire s’impose. Si
cette appréciation n’est pas toujours évidente, le critère essentiel qui
justifie l’ouverture d’une procédure d’assistance éducative est la mise en
danger de l’enfant. Là encore, le juge des enfants a un important pouvoir
d’appréciation, notamment en raison de l’imprécision de la
notion.
§ 2 : L’appréciation du danger, critère
d’intervention
Le danger est le fondement de l’intervention du juge des enfants. Si ce dernier est libre de décider s’il doit ou non se saisir d’office ou encore s’il doit ou non ordonner une mesure d'assistance éducative, il faut avant tout apprécier si sur le fond, la situation est révélatrice d’un danger pour l’enfant. L’imprécision de la notion lui donne une grande liberté d’appréciation mais cette liberté n’est pas sans limites.
A. L’imprécision de la notion de danger
Défini comme « ce qui menace ou
compromet la sûreté, l’existence d’une personne ou d’une chose »[24], le danger,
choisi comme critère d’intervention du juge de l’assistance éducative, est une
notion floue et non définie par le législateur. Cette imprécision est
caractéristique du système français de protection de l’enfant au civil et la
méthode doit, selon M. Renucci, être approuvée car elle permet une relative
souplesse et une adaptation de la mesure aux circonstances[25]. Cela donne au
juge des enfants une certaine liberté.
De nombreux auteurs ont tenté de
préciser ce danger : nous retiendrons la notion de « carence éducative », qui
paraît devenir l’élément déterminant de la décision du juge des enfants car
c’est un critère très pragmatique[26]. Ainsi
Mme Neirinck affirme que le danger est une « notion relationnelle »[27], laquelle est
nécessairement liée à l’exercice de l’autorité parentale puisque l’assistance
éducative consiste en un contrôle de cette autorité. En tous les cas, il faut la distinguer de la
notion de faute des parents qui n’est pas nécessairement exigée. Pour M.
Huyette, retenir la faute des parents comme critère préalable est même un
« contresens total »[28] car cela nuit à
tout le travail éducatif qui va suivre. Le juge des enfants n’est pas le juge
d’un comportement des parents mais il est uniquement là pour constater un
comportement objectivement dangereux pour le mineur.
Selon l’article 375 du Code civil,
« si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont
en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des
mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées… ». Toute situation
de danger ne nécessite donc pas une intervention judiciaire. Cependant, il ne
s’agit nullement de laisser les mineurs qui en auraient besoin sans protection :
lorsque le juge des enfants décide de ne pas intervenir bien qu’il y ait danger,
c’est qu’il estime que d’autres magistrats sont prioritairement compétents ou
que l’intervention des services administratifs de prévention est suffisante[29].
En pratique, certaines situations
sont à l’évidence très facilement repérables : c’est le cas, par exemple, de
troubles de comportement chez les parents (alcoolisme), d’une violence morale ou
physique, de carences de soins, d’un échec scolaire précoce chez le mineur ou
encore de souffrances psychologiques. En revanche, il existe un grand nombre de
situations où il y a des dysfonctionnements familiaux mais rien de dramatique.
Dans ce cas, le juge des enfants a un pouvoir souverain d’appréciation en
fonction de la gravité des faits, des conséquences du comportement parental sur
le mineur ou de la situation matérielle des parents … Certes, ce pouvoir
souverain des juges du fond est un moyen de mieux protéger l’enfant ; cependant
c’est aussi une « menace pour l’autorité parentale », en raison de la grande
part de subjectivité qu’elle implique[30]. Pour cette
raison, la Cour de cassation exige que le juge motive précisément sa décision
pour permettre une analyse in concreto du danger. La liberté du juge des enfants
est donc limitée.
B. Les limites à l’appréciation du danger
L’article 375 ne se contente pas
d’exiger une mise en danger du mineur, il précise quel doit être l’objet de ce
danger ; en outre, de plus le juge des enfants a l’obligation légale de motiver
sa décision.
1) Le contenu de la notion de
danger
L’article 375 du Code civil
indique les éléments qui doivent retenir l’attention du magistrat au regard du
péril retenu. Le danger doit affecter la santé, la sécurité ou la moralité du
mineur ou bien les conditions de son éducation doivent être gravement
compromises.
Ainsi le juge des enfants peut
exercer un contrôle sur la santé du mineur, qu’elle soit physique ou
morale. C’est le cas lorsque par exemple l’enfant souffre d’une maladie grave et
ne reçoit pas les soins appropriés, lorsqu’il n’est pas suffisamment nourri ou
lorsque son équilibre psychique est atteint en raison du comportement de ses
parents. S’agissant de la sécurité du
mineur, il peut s’agir de la sécurité physique lorsque par exemple l’enfant fait
l’objet de maltraitances par ses parents. Cependant, il faut souligner que
l’assistance éducative peut ne pas être suffisante et dans les cas les plus
graves, les parents seront pénalement sanctionnés et pourront se voir retirer
leur autorité parentale. Il peut aussi y
avoir atteinte à la sécurité mentale du mineur (négligence, humiliations,
menaces, dévalorisation, punitions excessives etc …)[31]. Par contre, peu de décisions
jurisprudentielles font référence à la moralité car c’est une notion qui dépend
des mœurs de l’époque et d’un ensemble de valeurs variant selon les choix
familiaux, l’environnement ou l’appréciation subjective du
juge.
Lorsque le contrôle s’exerce sur
l’éducation, le texte exige que les conditions soient gravement compromises. Le
législateur de 1970 a voulu apporter à l’éducation une attention
particulière, ce qui justifie le degré supplémentaire de gravité exigé : en
effet, à l’époque, on considérait que la justice ne devait pas intervenir dans
l’éducation politique, religieuse ou morale donnée par les parents. Cependant, pour M. Robert, l’appréciation de
la gravité est encore source de difficultés et relèvera de toute façon du
pouvoir souverain du juge[32].
Un exemple permet de cerner les
difficultés liées à l’intervention du juge dans l’éducation des parents : un
mineur sollicitait lui-même son placement pour poursuivre ses études[33] tandis que le
père, veuf, assurait seul l’éducation de ses sept enfants. Le placement a été
autorisé en raison de l’opposition entre père et fils, de l’échec des tentatives
amiables entreprises en vue du retour de l’adolescent dans son milieu et surtout
en raison de la « rigueur des principes éducatifs » du père. La référence, dans
un arrêt de la Cour de cassation, à cette expression surprend car il avait été
jusque là nettement affirmé qu’il n’était pas souhaitable que la justice
intervienne pour décider, contre la volonté des parents, si l’enfant devait ou
non poursuivre ses études. Et pourtant ici les juges du fond sont autorisés à
intervenir dans l’éducation parce que l’avenir de l’enfant risquait d’être
compromis. La limite est donc difficile à dégager et cette liberté
d’appréciation du juge des enfants pose de réelles difficultés.
2) L’exigence de motivation
Dans son appréciation du danger,
la souveraineté du juge des enfants est évidemment limitée par l’exigence de
motivation qui s’applique à tous les
jugements civils[34]. Il s’agit d’une
obligation juridique et la Cour de cassation rappelle régulièrement que les
juges qui statuent doivent répondre à tous les arguments essentiels qui sont
présentés par les parties et ne peuvent se contenter d’une affirmation
générale[35]. Lorsqu’un
jugement est insuffisamment motivé, la
sanction est son annulation[36], ce qui renforce
l’importance de la motivation.
Ainsi cette obligation est pour le
juge des enfants un obstacle à l’arbitraire et cela garantit son impartialité[37]. C’est aussi une
garantie essentielle pour le justiciable concerné car ce qui importe avant tout pour les parents,
c’est de savoir quelle décision est prise et plus encore pourquoi elle a été
prise. Une décision précise et complète peut les convaincre de l’utilité de la
mesure d'assistance éducative et des efforts qu’ils ont à fournir pour résoudre
le danger. De plus, cela leur permet de contester la décision en sachant dans
quel sens présenter les arguments. La motivation est enfin un outil de travail
éducatif en assistance éducative : en précisant la nature du danger, le juge des
enfants permet aux travailleurs sociaux
d’orienter leur action à partir d’une base de travail prédéfinie. Au
contraire, l’absence de motivation est un obstacle à une action de qualité : les
éducateurs devront d’abord rechercher quelles sont les difficultés rencontrées
et quelles sont les priorités, ce qui pour eux est une perte de
temps.
En pratique, M. Huyette dénonce
une immense distance entre l’exigence « théorique » de motivation et la réalité,
estimant que de trop innombrables jugements se limitent à quelques phrases types
servant de motivation. Pour illustrer cette affirmation, l’auteur donne quelques
exemples[38] :
- « La mesure d’investigation a permis de pacifier les
relations parentales et a mis en évidence les difficultés de l’enfant qui créent
un danger pour son évolution. Il y a lieu d’instituer une mesure d'assistance
éducative en milieu ouvert pendant six mois… » ;
- « Il résulte du signalement
qu’aucun des parents d’E. ne paraît apte à élever leur fille… Il convient de
confier provisoirement E. à sa grand-mère en attendant les résultats de
l’enquête sociale tout en ordonnant une mesure d'assistance éducative en milieu
ouvert …» ;
- « Il apparaît nécessaire
d’apporter aide et conseil à la famille et de suivre son évolution. En
conséquence, il convient de désigner un service éducatif qui assurera cette
mission …» ;
- « Les parents du mineur
paraissent dans l’immédiat dans l’incapacité totale d’élever l’enfant, il
convient donc de confier ce dernier au service de l’aide sociale à
l’enfance».
Ces exemples démontrent que la motivation du danger par le juge des
enfants n’est pas toujours suffisamment explicite : chaque famille est
différente et il convient de faire clairement apparaître en quoi il y a danger
et ce qui justifie la mesure. Si le juge
des enfants dispose d’un important pouvoir d’appréciation, il est néanmoins tenu, comme tous les
magistrats, d’expliquer les raisons de son intervention. Cette absence de
motivation peut avoir de graves conséquences pour les père et mère, ce que nous
étudierons ultérieurement. En plus de son pouvoir d’appréciation, le juge a
aussi un large pouvoir d’investigation.
SOUS-SECTION
2 : UN LARGE POUVOIR D’INVESTIGATION
Une fois saisi[39], le juge des
enfants doit procéder à l’instruction de l’affaire et dispose à ce titre de
nombreux moyens d’investigation. Cette identité de juridiction d’instruction et
de jugement est propre au droit des mineurs
(enfance en danger et enfance délinquante).
§ 1 : Le juge des enfants, juridiction d’instruction
Le droit commun a pour principe
fondamental de cloisonner les fonctions de justice et en général, les phases du
procès, (instruction ou mise en état, jugement et exécution) doivent être
séparées. Or en assistance éducative, le juge des enfants est à la fois la
juridiction d’instruction, de jugement et d’exécution[40]. Une fois de plus
est démontrée la spécificité de la procédure d’assistance
éducative.
A. Le principe général de non cumul des fonctions
Il convient au préalable de rappeler le principe qui domine aussi bien la procédure pénale que la procédure civile : il s’agit du principe d’indépendance des juridictions d’instruction et de jugement. Ce principe est très net en matière pénale : le magistrat qui a participé à l’instruction d’une affaire ne peut en aucun cas participer pour la même affaire à la phase de jugement[41]. Cette règle se justifie aisément par la crainte qu’un magistrat ait un avis qui pèse plus que les autres dans l’élaboration de la décision. Il faut éviter les atteintes à l’impartialité du juge, cette impartialité étant imposée par l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En procédure civile, l’application du principe d’indépendance est plus nuancée : l’instruction des affaires est en général confiée au juge de la mise en état, chargé de « mettre l’affaire en l’état d’être jugée ». Cependant, il ne s’agit pas d’une véritable juridiction d’instruction autonome et aucun texte ne consacre l’impossibilité pour le juge de la mise en état de participer à l’élaboration du jugement après avoir instruit l’affaire[42]. Cette solution a pu poser récemment des difficultés, en raison de l’importance accrue du principe d’impartialité dans notre droit. La Cour européenne des droits de l’homme est, sur ce point, venue préciser que la connaissance approfondie du dossier n’impliquait pas forcément un préjugé empêchant de considérer le magistrat comme impartial au moment de juger au fond[43]. Mais qu’en est-il du juge des enfants ?
B. Le cumul des fonctions en assistance éducative
Selon M. Massip, le juge des
enfants est « une sorte de juge d’instruction civil qui procède à une véritable
enquête (sur le mode inquisitoire) pour savoir ce qui est souhaitable de faire
dans l’intérêt du mineur en danger ; et il est aussi une juridiction de jugement
qui, une fois l’instruction finie, prend la décision [44]». Les pouvoirs
qui sont accordés au juge des enfants sont tout à fait exorbitants du droit
commun pour un juge civil et à ce titre, la procédure d’assistance éducative
serait plus une procédure inquisitoire qu’une procédure de mise en l’état
aggravée[45], à l’image du
juge d’instruction au pénal[46]. Seulement,
contrairement au juge d’instruction, le juge des enfants ne recherche pas la
vérité et des preuves : il doit avant tout protéger l’enfant et adapter la
mesure d'assistance éducative à ce danger. En réalité, on peut affirmer que le
juge des enfants est plus qu’un juge de la mise en état, et il n’est pas tout à
fait un juge d’instruction. Cette originalité permettra de tolérer, à son
profit, le cumul des fonctions d’instruction et de jugement.
Ce cumul a été reconnu par la Cour
de cassation elle-même dans un arrêt du 7 avril 1993[47] relatif à un juge
des enfants qui intervenait non pas au civil mais au pénal. Cette solution peut néanmoins être
généralisée au domaine des mineurs. Dans cette affaire, la Cour suprême rappelle
qu’un procès juste et équitable ne fait pas obstacle à ce qu’un même juge
spécialisé puisse intervenir à différents stades de la procédure et elle
considère notamment que l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits
de l’homme[48] ne s’oppose pas
au cumul des fonctions. Ainsi l’identification entre impartialité et
incompatibilité fonctionnelle serait, selon la chambre criminelle, réducteur et
non fondé .
Pourtant ce cumul des fonctions
par le juge des enfants est encore critiqué par certains auteurs, notamment
depuis la jurisprudence récente de l’Assemblée plénière relative à
l’impartialité[49], qui retient
comme critère la prise de position du magistrat sur le fond de l’affaire. Selon
l’Assemblée plénière, lorsqu’un magistrat se prononce une première fois sur le
fond de l’affaire, il a préjugé de la qualité de celle-ci et ne peut plus
intervenir. Finalement, cette conception implique une réorganisation potentielle
du système juridictionnel français et Mme Frison-Roche considère que
cette application du principe d’impartialité remettra en cause l’exception
jusqu’ici admise du juge des enfants[50].
§ 2 : Les moyens d’investigation à la disposition du
juge des enfants
Pour apprécier la gravité du
danger soulevé dans le signalement et mieux connaître la situation familiale, le
juge a recours à une série de moyens d’investigation qui sont mis à sa
disposition par les textes. De plus, la jurisprudence est venue préciser qu’il
était loisible au juge des enfants de procéder à tous les modes d’investigation
qu’il estimait expédients pour mieux appréhender la personnalité et le milieu du
mineur et prendre une mesure adaptée[51]. Nous
distinguerons les diverses auditions auxquelles le magistrat peut procéder et
les enquêtes.
A. Les auditions des parties
Il importe que le juge établisse au préalable un
contact personnel et direct avec les parties concernées. A ce titre, l’article
1183 alinéa 1 du NCPC indique que le juge doit entendre « les père et mère, le tuteur ou la personne ou le représentant
du service à qui l’enfant a été confié ainsi que toute autre personne dont
l’audition lui paraît utile. Il entend le mineur à moins que l’âge ou l’état de
celui-ci ne le permette pas ». Non seulement cette pratique des
auditions permet au juge de se faire sa propre opinion de la situation mais il
s’agit également d’un outil de travail éducatif. En effet, dès la première
rencontre du juge avec la famille, il est utile de dédramatiser la situation et
d’instaurer une relation de confiance[52].
Les auditions sont pour la plupart obligatoires et seule
l’urgence permet au juge de prendre une décision sans entendre les intéressés[53]. Le principe de
l’audition a été clairement posé par la loi mais son organisation est laissée à
l’appréciation du juge : celui-ci peut simplement expliquer le danger et le
caractère du signalement ou il peut procéder à une lecture complète du dossier.
Le rapport Deschamps remis récemment au Garde des Sceaux révèle que, lors de
l’audition des père et mère, 61% des juges des enfants interrogés leur donnent
une information « complète et exhaustive »[54]. Les conditions
dans lesquelles se déroule l’audition des père et mère seront ultérieurement
étudiées[55].
Seule l’audition du mineur est facultative, ce
qui a suscité un vif débat doctrinal en raison du pouvoir souverain
d’appréciation du juge des enfants qui lui permet d’évaluer les risques
éventuels d’une audition pour l’enfant. En outre, ce caractère facultatif peut
paraître paradoxal puisque le mineur est le principal intéressé et que cette
audition a pour but de mieux le connaître[56]. Malgré ces critiques, cette règle a été jugée
d’ordre public par la jurisprudence[57] et la solution
est approuvée par certains auteurs, qui ne souhaitent pas que l’audition
obligatoire du mineur soit la cause d’un traumatisme et que cela fige la
situation au lieu de contribuer à son évolution[58]. Ce qui importe
dans tous les cas, c’est la constitution d’un dossier relatif à la personnalité
du mineur ; or cela n’est pas imposé par les textes ce qui est regrettable[59]. Quels sont les
autres moyens d’information mis à la disposition du magistrat ?
B. Les enquêtes des partenaires sociaux et
médicaux
Le juge des enfants va pouvoir apprécier la situation grâce aux enquêtes
sociales, aux expertises et aux diverses mesures
d’observation.
1) L’enquête sociale
C’est un moyen d’information très
fréquemment utilisé, qui permet d’appréhender le cadre de vie de l’enfant
(conditions matérielles, morales et affectives et comportement de l’enfant dans
ce cadre). Cette mission est réalisée prioritairement par des assistants sociaux
car leur qualification professionnelle offre des garanties au contenu de
l’enquête. Ce mode d’investigation revêt une importance capitale car, à travers
ces informations, le juge pourra cerner la personnalité du mineur et prendre une
décision éclairée. Néanmoins, ces enquêtes portent d’une certaine manière
atteinte à la liberté individuelle des intéressés : il convient donc de
respecter le principe du contradictoire. Or nous verrons qu’en raison de
certains éléments confidentiels, les père et mère n’ont pas accès aux rapports
sociaux et ne sont pas suffisamment informés du déroulement de la procédure[60].
2) Les examens médicaux ou
psychologiques
Ils peuvent porter sur
l’état de santé actuel du mineur, sur les pronostics possibles compte tenu de sa
condition physique et psychique ainsi que sur ses facultés intellectuelles.
L’expert judiciaire chargé de ces examens n’a pas à dire le droit : il doit
seulement éclairer le juge des enfants, qui a seul un pouvoir décisoire et qui
contrôle la bonne application des règles procédurales par l’expert[61]. S’il est certain
que tous ces examens peuvent être imposés au mineur, certaines décisions
jurisprudentielles ont semblé admettre, contre l’avis de la doctrine
majoritaire[62], que ces mesures
pouvaient également être prescrites à l’égard des père et mère et que le juge
des enfants était libre d’apprécier leur opportunité[63]. Cependant, il
est certain que le magistrat ne dispose d’aucun moyen d’imposer cet examen aux
parents s’ils le refusent car il s’agit là d’une atteinte portée à l’intégrité
physique de la personne[64].
3) Les autres mesures d’observation de la
famille
Le juge des enfants peut enfin
appuyer son appréciation sur d’autres mesures d’observation de la
famille, grâce aux multiples partenaires qui l’entourent et qui sont
chargés de comprendre, d’analyser et d’évaluer la situation familiale, le
contexte économique et sociologique de l’enfant. A cet effet, le magistrat est
libre d’ordonner :
- une consultation d’orientation
éducative (COE) qui est une mesure pluridisciplinaire permettant au juge d’avoir
des points de vue éducatif, psychologique, psychiatrique. Dans un souci de
clarté et de transparence et pour respecter le principe du contradictoire, ces
documents doivent être précis et clairs. Cette mission permet d’avoir une vision
plus complète de la famille.
- une observation en milieu
ouvert (OMO) qui est avant tout une mesure d’investigation s’inscrivant dans la
durée (contrairement à l’enquête sociale) et qui s’avère utile lorsque le juge a
un doute sur la problématique familiale. Une telle mesure suppose que le danger
soit suffisamment caractérisé. De plus, il importe que cette mesure soit limitée
dans le temps même si aucune durée n’est précisée par les textes. En effet, il
ne s’agit pas d’une action éducative réelle et en matière d’instruction, les
parents n’ont aucune garantie de procédure : ainsi la décision qui ordonne une
mesure d’instruction ne peut être frappée d’appel indépendamment de la décision
au fond[65] et l’audition
préalable n’est pas obligatoire pendant l’instruction[66]. En pratique, le
juge accorde une durée de l’ordre de six à huit mois pour que l’investigation
soit complète et approfondie. Si au terme de cette observation de six mois, le
mineur n’est pas estimé en danger, le juge mettra fin au dossier par un jugement
de non-lieu à assistance éducative[67]. Dans les autres
cas, le juge devra prendre une mesure définitive adaptée à la situation du
mineur et à son environnement, qui s’inscrira dans la durée et dans laquelle les
éducateurs seront sans doute plus interventionnistes.
Afin de garantir les droits des familles et pour
répondre aux nécessités actuelles, la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ)
a pu obtenir en 1991 que l’on modifie les appellations des services dits
d’investigation et d’orientation éducative et que l’on envoie aux juges des
enfants des modèles d’ordonnances[68]. Ces modèles ont
été critiqués car le dispositif établi par la PJJ ne proposait que des études
sur la personnalité du mineur alors que bien souvent, le juge a besoin
d’informations concernant les parents également. Or l’énumération légale posée
par l’article 1183 du NCPC n’est pas exhaustive, et le juge peut ordonner
« toute » autre mesure d’information qu’il juge utile. Les pouvoirs du juge des
enfants sont donc très larges, beaucoup plus qu’au pénal par exemple où le juge
doit rendre une ordonnance motivée expliquant la mise à l’écart des mesures
proposées par la loi. Le juge de l’assistance éducative peut même décider de
n’ordonner aucune mesure d’instruction s’il dispose d’éléments suffisants[69].
Ainsi la procédure d’assistance
éducative se démarque par les importants pouvoirs d’appréciation et
d’investigation qui sont accordés au juge des enfants, ce qui lui donne une
place centrale et prépondérante. La recherche constante d’un équilibre entre les
objectifs contradictoires, que sont la protection de l’enfant et la recherche de
l’adhésion des parents, est également un élément de spécificité de la
procédure.
SECTION 2 : LES OBJECTIFS CONTRADICTOIRES POURSUIVIS EN
ASSISTANCE EDUCATIVE
Dans la loi de 1958, la protection des mineurs en danger était l’objectif
prioritaire et, pour ce faire, le législateur avait étendu les méthodes
d’intervention testées en 1945 sur l’enfance
délinquante. Lors de la réforme de 1970, il est décidé de mettre l’accent
sur l’autorité parentale, ce qui constitue un déplacement de l’intérêt de
l’enfant vers celui des parents[70]. Dans ce
contexte, l’adhésion des familles
devient une directive essentielle pour le juge des enfants. Mais si la
concertation est un enjeu pour le magistrat, il faut toujours protéger de façon
efficace le mineur et faire cesser le danger. Ces deux objectifs contradictoires
devront être conciliés tout au long de la procédure.
Certaines dispositions ont été
prévues dans ce souci de conciliation : ainsi les audiences du juge des enfants
ont lieu dans son cabinet, ce qui favorise le dialogue et encourage la
concertation. De plus la publicité des débats est restreinte et les personnes
autorisées à assister à l’audience sont limitativement énumérées par la loi. Ces
dispositions marquent également le souci du législateur de protéger le mineur,
le cadre de l’audience étant primordial autant pour les parents que pour
l’enfant.
SOUS-SECTION 1 :
L’OBJECTIF DE CONCERTATION AVEC LA FAMILLE
L’article 375-1 du Code civil dispose que le juge des enfants « doit
toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure
envisagée ». Cette règle est fréquemment mentionnée dans les écrits sur le droit
de la protection de l’enfance en danger et la singularité de son statut tient à
ce que personne ne conteste son bien-fondé. Cependant cette adhésion de la
famille à la mesure n’est pas une obligation : il s’agit seulement d’une
priorité.
§ 1 : L’adhésion des familles est une priorité
Le juge des enfants doit, de
manière générale, tenter de faire adhérer la famille à la mesure envisagée ;
dans cette optique il a été notamment précisé qu’il devait respecter les
convictions religieuses et philosophiques de la famille.
A. La mission générale assignée au juge des
enfants
L’idée d’une décision concertée est un objectif fondamental car c’est
sans doute l’une des conditions
essentielles de la réussite de l’intervention judiciaire. Ceci explique
d’ailleurs que l’on retrouve cette idée dans le droit de l’enfance délinquante,
avec moins de force sans doute car dans ce domaine, des mesures plus énergiques
sont exigées[71]. Ainsi, le juge
de l’assistance éducative doit, tout au
long de la procédure, faire des efforts constants et soutenus pour obtenir
l’adhésion des familles par le biais notamment des entretiens et d’un dialogue
permanent. Pour M. Carbonnier, c’est l’un des seuls cas où l’autocritique est
institutionnalisée[72]. Cette règle est
mentionnée si fréquemment que l’on en vient à penser que c’est la « pierre
angulaire de cette législation »[73]. Son affirmation
théorique est toutefois difficile à mettre en œuvre et les réactions des
familles vont dépendre de leur capacité d’adhésion et de la mesure
proposée.
1) Une tâche difficile
pour le juge des enfants
En 1958, l’idée d’adhésion était
inscrite dans la législation mais à une place plutôt discrète ce qui laissait
entrevoir aux magistrats que l’entreprise demandée n’était pas simple et que son
succès n’était pas exigé[74]. Lors de la
réforme de 1970, devant les vives réactions des juges des enfants à l’idée
d’abandonner le principe de l’adhésion, l’idée est finalement reprise mais en
des termes plus forts[75]. A cette époque,
le législateur ne se doutait pas qu’il venait, en donnant un relief à une règle
de bon sens, de créer une source de difficultés.
Il est en effet peu courant qu’un
magistrat, lorsqu’il tranche un conflit, demande l’avis des parties avant de
prendre lui-même une décision. C’est justement ce qui permet de distinguer les
modes judiciaires de règlement des conflits et les modes dits alternatifs de
règlement des conflits (MARC), comprenant notamment la médiation très utilisée
en droit de la famille[76]. Le but de la
médiation est d’inciter les parties à dialoguer et à résoudre elles-mêmes leur
conflit. Le médiateur est là pour proposer, aider et conseiller les intéressés.
On peut donc comparer sa mission à celle du juge des enfants, même si la
particularité de l’assistance éducative est avant tout de répondre à un souci
d’efficacité[77]. Or le métier de
magistrat ne repose pas sur la compétence à gagner la confiance d’autrui et il
n’existe aucune formation spécifique pour affronter une telle situation. Le juge
l’abordera forcément avec les moyens de la rhétorique, ce qui ne correspond pas
forcément aux attentes des familles[78]. Pour M. Baudoin,
il faudrait faire appel aux principes et méthodes de la psychologie sociale pour
former les magistrats dans les affaires familiales, ce qui pourrait leur
permettre d’apprendre à contrôler leurs attitudes et de découvrir l’importance
de leur rôle dans un entretien[79].
En tous les cas, ce qui est
certain, c’est que le dialogue au cours des auditions constitue déjà l’amorce
d’une intervention : en effet, l’adhésion, fruit d’un arbitrage accepté, est
l’une des clefs de la réussite de l’action judiciaire et éducative. Tous les
professionnels savent qu’une mesure est plus facile à mettre en œuvre et
d’autant plus efficace si elle reçoit l’approbation de la famille. Des parents
qui n’admettent pas (contre l’évidence) que leur comportement est nuisible pour
l’enfant ne seront pas disposés à en changer.
2) Des réactions diverses selon la nature de la
mesure
Le juge des enfants doit donc toujours s’efforcer de persuader les
familles que la mesure qu’il prend est la mieux adaptée à la situation, qu’il
s’agisse d’un placement ou d’une aide éducative. Ce n’est pas l’acceptation à
une mesure particulière qui est recherchée ; ce qui importe c’est que les
intéressés souscrivent à l’opinion du juge, acceptent l’idée d’une mesure[80]. Or à l’ouverture de la procédure, les parents ne
sont pas en général enclins à collaborer et parfois ils sont même méfiants
devant l’intervention du magistrat. L’adhésion doit plutôt être un résultat
qu’une directive initiale. La réaction de la famille va en général dépendre de
la solidité du dossier du juge, de la qualité de son argumentation mais
également de la mesure d'assistance éducative prise.
Lorsque l’enfant est maintenu dans
son milieu familial et que le juge ordonne une mesure d’assistance éducative en
milieu ouvert[81], la personne ou
le service désigné sont chargés
d’assurer un certain suivi de la famille. Ici le juge apparaît plus
qu’ailleurs comme un juge « de la famille » et pas seulement comme un juge
« des enfants ». Cette forme d’aide suppose une coopération de tous les membres
car il s’agit d’une intrusion dans la sphère familiale et à défaut d’adhésion,
le juge ne pourra poursuivre plus longtemps l’action éducative en milieu ouvert.
Ainsi, lorsqu’une telle mesure est ordonnée, c’est que la famille a reconnu ses
difficultés et sait quels sont les efforts à apporter.
Lorsque le juge subordonne le
maintien de l’enfant dans la famille à des obligations particulières[82], immédiatement
l’idée de coercition vient à l’esprit. En effet, le juge des enfants a la
faculté de « contraindre » la famille au respect de certaines obligations et
l’on suppose que l’adhésion sera plus difficile à obtenir. Néanmoins ces
obligations répondent à un souci d’efficacité et en général elles augmentent les
chances de réussite de l’action.
Enfin il est une mesure qui sans
nul doute ne fait pas l’unanimité et peut être mal vécue par les parents : il
s’agit du placement temporaire du mineur, lequel doit demeurer
exceptionnel[83]. Lorsque le juge
des enfants décide de confier l’enfant à un tiers c’est que la relation entre le
mineur et ses parents est trop gravement perturbée ou que ces derniers ne sont
pas suffisamment coopératifs. C’est une
solution ultime et l’on suppose dans cette hypothèse que l’adhésion des parents
n’est pas le critère déterminant pour le magistrat. Et pourtant, si l’adhésion
de la famille peut sembler paradoxale dans la mesure où l’enfant a été retiré de
son milieu, c’est une nécessité pour enrayer le processus d’inadaptation du
mineur[84].
En toute hypothèse, le juge des
enfants ne doit pas prendre le risque de voir son autorité se réduire en donnant
l’impression qu’il attend une approbation des intéressés : il n’est pas toujours
possible de recueillir le consentement des familles et cette recherche
d’adhésion doit être considérée par le magistrat comme une directive et non comme une condition
préalable au prononcé d’une décision. En tout cas, si le juge respecte les
convictions religieuses ou philosophiques de la famille, celle-ci sera sans
doute plus coopérative.
B. Le respect des convictions
religieuses ou philosophiques
Dans le cadre de l’objectif de
concertation, il est possible de faire référence à une règle touchant aux
libertés essentielles de croire et de penser selon laquelle « il doit être tenu
compte des convictions religieuses ou philosophiques du mineur et de sa
famille »[85]. Curieusement,
cette règle est incluse dans le Nouveau Code de procédure civile alors qu’il
s’agit d’une règle de fond. Il faut savoir que le texte n’a qu’une valeur
indicative et il concerne l’application de la mesure d’assistance éducative,
c’est-à-dire les conséquences que le juge va tirer du danger dont il aura au
préalable constaté l’existence. Nous avons vu que le juge des enfants peut être
amené à imposer une mesure aux familles : ainsi, cette contrainte sera sans
doute atténuée si au moment de prendre une décision, il tient compte des
convictions personnelles des intéressés.
Cette tâche s’avère
particulièrement délicate quand les parents n’ont pas les mêmes convictions que
l’enfant : à ce titre, la célèbre affaire de Versailles[86] en est une
illustration. Une jeune fille de seize ans et demi sollicite une mesure
d'assistance éducative pour ne plus avoir à subir les sévices de son père. Elle
souhaite être placée dans un établissement catholique alors que ses parents
(protestants) veulent qu’elle soit placée dans un établissement d’éducation
protestant ou neutre. Les juges du fond vont finalement maintenir la mineure
dans l’établissement catholique. Un pourvoi est formé par les parents, lesquels
considèrent qu’une mesure d'assistance éducative ne peut pas en principe faire
obstacle au libre exercice de la religion familiale. La Cour de cassation
rejette le pourvoi, rappelant le pouvoir souverain des juges du fond dans
l’appréciation des faits et dans le choix de le mesure. En l’espèce, elle se
fonde sur le fait que la jeune fille pouvait toujours pratiquer librement la
religion protestante et qu’en outre, seul l’établissement catholique pouvait
l’accueillir. Cet arrêt démontre les difficultés liées à l’intervention de la
justice dans l’éducation religieuse et tout dépendra de la nature du danger (si
la santé de l’enfant est en jeu, le juge sera moins porté à attacher de
l’importance aux croyances religieuses). Cette affaire explique en tout cas
qu’aient été par la suite insérés dans la législation des textes concernant
spécialement les convictions personnelles et religieuses de la famille. Et si le
juge respecte ces convictions, il obtiendra peut être plus facilement l’adhésion
des parents que dans le cas contraire : ainsi une mère a accepté une mesure en
milieu ouvert parce qu’il était précisé dans le jugement que cela
n’interfèrerait pas avec la pratique religieuse de l’enfant[87].
§ 2 : L’adhésion n’est pas une
obligation
Le juge des enfants ne doit pas
tomber dans les pièges de la persuasion et dans tous les cas, le passage d’une
justice négociée à une justice imposée est toujours envisageable. C’est
d’ailleurs ce qui différencie l’intervention judiciaire de l’intervention
administrative : alors que les mesures de prévention administrative montrent
leurs limites quand il y a refus des familles, le juge pourra dans ce cas
imposer son autorité.
A. Les difficultés de la
persuasion
Lorsque le juge des enfants
s’efforce de dénouer le conflit familial, sa démarche n’est finalement pas
différente que celle d’un autre magistrat : en effet, il entre dans la mission de tout juge de
concilier les parties, lorsqu’il estime que le lieu et le moment sont
favorables[88]. La recherche
d’adhésion n’est donc pas propre à l’assistance éducative même si le juge des
enfants déploie sans doute plus d’efforts que d’autres parce qu’il est confronté
aux résultats réels de son intervention et parce qu’il sait que l’adhésion est
une condition de réussite de l’action. Dans tous les cas, il faut que le juge
des enfants reste clairement dans sa fonction d’autorité en sachant qu’il est
ici pour dire le droit et protéger l’enfant avant tout. Finalement l’importance
accordée par le législateur de 1970 à l’obligation de rechercher l’adhésion des
familles crée des malentendus et cela engendre certains risques pesant désormais
sur l’intervention judiciaire[89].
Le premier risque est
« l’inaction » : il ne faut surtout pas croire que l’intervention du juge est
subordonnée à cette adhésion de la famille. Ceci reviendrait à en faire une
condition de la décision. On peut par exemple imaginer que dans certains
situations, le juge diffère une décision pourtant indispensable afin d’obtenir
le consentement exprès des parents, qu’il prenne une décision acceptable pour
les parents mais ne protégeant pas l’enfant ou encore qu’il ordonne une mesure
en milieu ouvert alors que le placement de l’enfant est
nécessaire.
A l’opposé, on peut craindre un «
interventionnisme excessif » si le juge ne se rend pas compte qu’il commet une
intrusion anormale dans la vie familiale. Ce n’est pas parce que les parents
demandent, par exemple, l’ouverture d’une procédure d'assistance éducative qu’il
faut intervenir. Le juge doit vérifier que les critères légaux sont remplis et
il ne doit pas y déroger sous prétexte qu’il a obtenu le consentement des parents.
C’est pourquoi il importe que
le juge reste dans son rôle traditionnel de magistrat et qu’il évite une hâtive
négociation de sa décision.
B. La possibilité pour l’autorité judiciaire d’imposer la décision
Contrairement aux services
administratifs de prévention qui ne peuvent pas, par exemple, retenir
durablement un enfant contre la volonté de ses père et mère sans commettre un
abus de pouvoir[90], les mesures
prises par l’autorité judiciaire peuvent être imposées, éventuellement par la
force publique. Cette autorité du juge
est d’ailleurs l’un des critères de l’intervention de ce dernier et ce n’est pas
sans raison que l’on emploie l’expression « d’autorité » judiciaire. On a
recours au juge lorsque la conciliation ou la négociation n’ont plus de place.
Cette nécessité d’imposer une
mesure aux familles n’est pas forcément liée à la gravité de la situation ni au
refus des père et mère de coopérer à la mesure de prévention. Parfois le juge
pourra user de son autorité pour imposer sa propre description du danger et
empêcher les parents de tricher avec la réalité ou encore pour réglementer un
aspect précis de la mesure. Le juge des enfants, qui a de larges pouvoirs
d’appréciation et d’investigation ainsi qu’une grande liberté d’action, peut en
outre adapter la mesure à la situation familiale. Dans tous les cas, si cet
objectif d’adhésion fixé par les textes en matière d’assistance éducative n’est
pas toujours atteint, il ne faut jamais oublier l’autre objectif qui est de
faire cesser le danger .
SOUS-SECTION 2 :
L’OBJECTIF DE CESSATION DU DANGER
L’efficacité de l’intervention des magistrats est un impératif de justice
en général mais, dans le domaine de la minorité, cet objectif prend une
coloration spécifique en raison de l’importance de la personnalité du
justiciable. Ce « principe d’efficience »[91] justifie les
importantes dérogations apportées au droit commun et personne ne le conteste car
c’est lui qui autorise l’immixtion du juge dans la sphère familiale[92].
On retrouve cet objectif d’efficacité à tous les stades de la
procédure : ainsi par le biais du ministère public ou par le jeu de la saisine
d’office, un dossier peut être ouvert, quel que soit l’auteur du signalement. De
plus, la décision qui sera prise par le juge ne sera pas fonction de la demande
mais bien de la nature du danger et du degré de gravité. C’est également pour
protéger efficacement l’enfant que sont donnés au juge de larges pouvoirs
d’investigation, « quasi inquisitoriaux »[93]. Nous étudierons
ici plus spécialement la faculté du juge des enfants de prendre des mesures
provisoires en amont du jugement avant d’envisager la possibilité qu’il a de
suivre l’exécution de la mesure.
§ 1 : La faculté d’ordonner des mesures
provisoires
Le juge des enfants est autorisé
à prendre des ordonnances dites provisoires, notamment quand il y a urgence,
dans les cas où il est indispensable que la protection de l’enfant intervienne
dès le début de la procédure. Ainsi l’urgence va se caractériser par la liberté
donnée au juge de se dispenser de certaines formalités.
A. Les mesures qui peuvent être
prises au provisoire
En principe, la procédure ordinaire assure un équilibre
entre la nécessité de protéger le mineur et l’obligation de constituer un
dossier et d’entendre tous les intéressés. Cependant la législation autorise à
titre exceptionnel le recours à des procédures qui réduisent provisoirement les
droits des familles pour privilégier la protection des mineurs[94]. Ces mesures sont
dites « provisoires » car elles peuvent être prises rapidement, en général pour
une durée réduite et en attente du jugement[95]. Pour les
distinguer, les décisions prises dans le cadre d’une procédure exceptionnelle
sont dites « ordonnances », par opposition aux « jugements » pris dans le cadre
de la procédure normale.
Le dispositif permettant de
recourir aux mesures provisoires est prévu par l’article 375-5 du Code civil qui
doit être combiné avec l’article 1184 du Nouveau Code de procédure civile. Le
juge peut donc ordonner la remise « provisoire » du mineur à un centre
d’accueil ou d’observation[96], ou bien il peut
prendre l’une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4 c’est-à-dire
confier l’enfant à un tiers et éventuellement assortir ce retrait d’une mesure
en milieu ouvert. Néanmoins il n’est pas prévu la possibilité pour le juge
d’ordonner une mesure provisoire en milieu ouvert sans retirer l’enfant de son
milieu. Serait-ce un oubli ? A priori non puisque par définition, les notions
d’urgence et d’assistance éducative en milieu ouvert sont incompatibles[97]. On ne voit pas
l’intérêt d’ordonner une telle mesure au provisoire alors que le juge peut,
quelques jours plus tard, la prononcer au fond. Cependant, pour certains
auteurs, la liste prévue par l’article 375-5 du Code civil ne serait pas
limitative en raison notamment de l’emploi du verbe « pouvoir » et le juge
serait autorisé à maintenir l’enfant dans son milieu, voire à soumettre ce
maintien à certaines obligations[98], comme il peut le
faire dans le cadre de la procédure normale[99].
B. Le régime des mesures provisoires
Le régime des mesures provisoires varie selon
qu’il y a ou non urgence puisque seule l’urgence justifie qu’une décision soit
prise sans avoir au préalable entendu les intéressés[100]. L’urgence
s’entend juridiquement de l’impossibilité d’attendre huit jours pour prendre la
nécessaire mesure de protection du mineur :
dans ces circonstances, le juge est obligé de statuer sans avoir procédé
au préalable à l’audition des intéressés. Comme l’absence d’audition est grave,
il importe que le juge motive spécialement l’urgence qui justifie la mesure
provisoire[101]. Lorsqu’il est
possible d’attendre huit jours, la décision devra être prise après une audience
organisée même rapidement. Le régime n’est plus alors
dérogatoire.
Une remarque s’impose à ce stade
du raisonnement : la loi autorise le procureur de la République du lieu où le
mineur a été trouvé à prendre, en cas d’urgence, les décisions provisoires que
peut prendre le juge des enfants[102]. Dans l’esprit
du législateur, cela permettait sans doute de pallier les cas où le juge des
enfants ne pouvait être immédiatement saisi (en raison du jour ou de l’heure à
laquelle le mineur était trouvé). Mais depuis plusieurs années se développe une
pratique qui dépasse ces prévisions : il est fréquent que des membres du
ministère public prennent, avec l’accord du juge des enfants, des décisions en
urgence alors que ce dernier est présent ou susceptible de l’être dans un délai
raisonnable. Ce pouvoir conféré au procureur de la République est une atteinte
portée à la compétence exclusive du juge des enfants[103], et cela a été
dénoncé dans les rapports Deschamps relatif au respect du contradictoire,
Naves/Cathala relatif aux accueils provisoires et placements d’enfants[104], ainsi que par
de nombreux auteurs[105].
Malgré une relative souplesse permettant au
juge d’agir vite dans un souci d’efficacité, le régime des mesures provisoires
se veut tout de même respectueux des principes de procédure civile : ainsi les
mesures peuvent toujours faire l’objet de modifications à la demande des
parties[106] ; de
plus, l’appel immédiat a été consacré par l’article 375-5 du Code civil lorsque
l’enfant est retiré de son milieu (dans les autres cas, il faudra faire appel au
fond[107]) ; enfin la
durée des mesures provisoires est limitée à six mois[108]. En cas de non
respect de cette limite temporelle, l’enfant est remis à ses parents à leur
demande[109]. Il importe donc
que le magistrat respecte ce délai car cette sanction peut être lourde de
conséquences si le milieu familial auquel doit être rendu l’enfant est encore
dangereux. Mais la sanction est atténuée dans la mesure où les parents doivent
demander la remise de l’enfant, ce qui suppose qu’ils soient informés du
texte.
Quoi qu’il en soit, il importe que
les mesures provisoires prises ne se prolongent pas indéfiniment et que le
magistrat prenne une mesure au fond le plus rapidement possible. Selon un
auteur, la pérennisation de mesures provisoires constamment renouvelées par
ordonnances n’est pas acceptable : le magistrat doit s’efforcer de rendre ses
décisions par jugement dont la durée est limitée.[110] La Cour de
cassation a sur ce point approuvé les juges du fond qui avaient constaté la
nullité, pour excès de pouvoir, d’un jugement rendu par le juge des enfants
plus de six mois après la décision ordonnant les mesures provisoires, le juge
ayant selon la Cour excédé ses pouvoirs[111]. Si l’objectif
est de faire cesser le danger le plus rapidement possible, cette procédure dite
exceptionnelle doit le rester car il y a une incidence particulièrement grave
sur le droit des père et mère. Sur ce point, il convient sans doute d’améliorer
l’application du principe du contradictoire en cas d’urgence, ce que préconise
le Rapport Deschamps remis récemment au Garde des Sceaux et portant réforme
d’une partie de la procédure d’assistance éducative[112].
§ 2 : Le
suivi de la mesure par le juge des enfants
Après avoir pris une décision, le juge ne se
dessaisit pas et continue de contrôler la mise en œuvre de la mesure : en effet,
selon l’article 375-6 du Code civil, « les décisions prises en matière
d’assistance éducative peuvent être, à tout moment, modifiées ou rapportées par
le juge qui les a rendues ». Cette instance modificatrice permet ainsi au
magistrat d’assurer le suivi de sa décision. En outre, l’article 375-4 du Code
civil dispose que le juge des enfants peut décider qu’il lui sera rendu compte
périodiquement de la situation de l’enfant. Il faut donc étudier les
caractéristiques du suivi de la décision avant d’en étudier les modalités
techniques.
A. Les caractéristiques du suivi de la décision
Si le contrôle de l’exécution de
la mesure par le juge des enfants répond avant tout au souci d’efficacité, cela
pose de réelles difficultés au regard du droit
commun.
1) L’impératif d’efficacité
La règle prévue par l’article
375-6 se justifie aisément : en effet, la situation du mineur sur le plan
familial et individuel est susceptible d’évoluer et il faut pouvoir adapter de
façon permanente et continue la mesure aux besoins de l’enfant. Or le juge des
enfants ne se contente pas de rendre une décision, il doit veiller à ce que
cette décision atteigne son but à savoir la cessation du danger[113]. En général, si par exemple le placement est
envisagé, il sera très difficile dès le départ d’évaluer la durée nécessaire de
séparation. Tout dépendra de la capacité d’évolution des parents et des facultés
d’adaptation du mineur. Le magistrat doit donc régulièrement s’informer afin de
prolonger éventuellement la mesure ou de remettre l’enfant à ses parents si le
danger a cessé.
Cette intervention continue du
juge des enfants, à tous les stades de la procédure est encore une
particularité : en droit commun, un magistrat intervient en général de manière
ponctuelle alors qu’ici le juge de l’assistance éducative va être présent, de
manière constante et tant que dure le danger. M. Renucci parle de « principe de
la concentration verticale » pour expliquer cette présence continue d’un seul
magistrat, depuis le moment où il a été saisi jusqu’au moment où il s’assure que
le danger a bien cessé[114]. Alors que pour
le juge classique, tout se termine par la décision, pour le juge des enfants,
« tout commence souvent par la décision »[115]. Cette règle
spécifique ne pose-t-elle pas des difficultés au regard du droit
commun ?
2) Les difficultés au regard du droit
commun
Tout d’abord le suivi de la
décision par le même juge des enfants peut être une atteinte au principe de l’autorité de la chose jugée[116]. Ce principe
traduit, dans un souci de stabilité, l’effet extinctif et la force obligatoire
du jugement rendu à l’égard des parties et seul l’exercice d’une voie de recours
permet de revenir sur ce jugement. Certes, en matière d’assistance éducative, le
suivi de la décision peut a priori porter atteinte à l’autorité de la chose
jugée mais il faut nuancer ce propos. Cherchant à expliquer la règle, la
doctrine a d’abord mis l’accent sur le caractère d’instance nouvelle de
l’intervention modificative, puis elle a insisté sur le caractère continu de
l’intervention du juge des enfants qui expliquerait le recours au juge de
l’instance initiale[117]. Si la mesure
d'assistance éducative prise par le juge était définitive, l’objectif de
cessation du danger serait difficilement atteint et cela serait contraire à sa
raison d’être. On ne peut donc prétendre qu’il y a atteinte véritable au
principe de l’autorité de la chose jugée.
Il a ensuite été avancé que la
possibilité pour le juge de revenir lui-même sur la mesure prise était
une atteinte au principe du dessaisissement[118] : en effet, dès
son prononcé, un jugement revêt une certaine autorité qui se traduit, à l’égard
du magistrat, par son dessaisissement. Il ne faut pas que ce dernier puisse
revenir sur sa décision pour la modifier. En matière d’assistance
éducative, l’article 375-6 du Code civil consacre au contraire la possibilité
pour le juge des enfants de modifier ou rapporter la décision à tout moment.
Cependant en procédure civile, la modification du jugement par la juridiction
qui l’a rendu n’est pas totalement inconnue puisque la juridiction est
autorisée, en cas d’erreur ou d’omission matérielle, à se saisir de nouveau pour
réparer le jugement[119]. La règle
consacrée en matière d’assistance éducative ne serait donc qu’une exception de
plus, à ceci près que le juge des enfants peut modifier le jugement à tout
moment, même s’il n’y a pas erreur ou omission matérielle. Encore une fois cette
dérogation est justifiée par la spécificité de la procédure[120]
.
B. Les modalités techniques du suivi de la
décision
Pour surveiller l’exécution de la
mesure, le magistrat a besoin d’être informé du déroulement de la mesure, de
l’évolution de la situation familiale et des résultats de l’action. Lorsque le juge des enfants prend sa
décision, il doit fixer la durée de la mesure sans quoi il s’expose à des
sanctions[121]. Cette
limitation temporelle implique un examen régulier de la situation pour pouvoir
décider de l’éventuel renouvellement de la mesure au terme de cette durée. Quels
sont les moyens d’information du juge des enfants ?
D’abord, le juge peut « visiter ou
faire visiter tout mineur faisant l’objet d’une mesure de placement »[122]. Le texte
n’impose pas de délai ou de lieu et le juge est donc libre d’organiser comme il
le souhaite ces éventuelles rencontres avec l’enfant. Ensuite, le juge peut
exiger des rapports périodiques de la personne ou du service chargé de
l’exécution de sa décision[123]. Lorsque le cas
du mineur est particulièrement délicat, les rapports sont très rapprochés. Ce
contrôle exercé au quotidien pendant l’exécution de la mesure permet au juge des
enfants d’apprécier la qualité du travail des services et également l’évolution
du danger au sein de ce service. Ainsi en cas de mesure en milieu ouvert, s’il
apparaît qu’un changement d’éducateur s’impose pour une évolution familiale plus
favorable ou si un blocage existe entre la famille et l’éducateur actuel, le
juge pourra désigner un autre service dans un nouveau jugement motivé[124].
Il faut savoir que les services et
institutions désignés sont tenus de rendre des comptes régulièrement au juge et
de signaler sans délai toute difficulté[125]. En principe, la
périodicité est fixée par la décision mais le texte ajoute qu’à défaut de
précision dans le jugement, le rapport est annuel. Sur ce point, le rapport
Deschamps relatif au contradictoire en assistance éducative propose une
modification du texte : à défaut de précision, le rapport devra être
semestriel[126]. Ceci
favorise une information plus fréquente du magistrat lui permettant
éventuellement de modifier la décision.
L’instance modificative ne présente pas de particularités par rapport à l’instance initiale, il convient simplement de signaler que l’initiative de la révision de la mesure appartient aux personnes qui peuvent initialement saisir le juge[127]. De plus le juge compétent est celui qui a pris la décision initiale et il ne peut être récusé sous prétexte qu’il a connu de l’affaire au préalable[128].
Quelles peuvent être les raisons qui animent une modification de la mesure d'assistance éducative ? Les textes n’exigent pas de fait nouveau mais implicitement, c’est une condition toujours présente. Le magistrat est tenu de rejeter toutes les demandes douteuses inspirées par des ressentiments à l’égard de l’autre parent ou des préoccupations mercantiles[129]. Il peut s’agir de l’évolution de la personnalité du mineur, de circonstances extérieures matérielles ou psychologiques affectant l’enfant et son entourage. Parmi les motifs souvent invoqués, on peut citer l’amélioration ou la détérioration de la situation des parents, un droit de visite positif, le refus par les parents de toute aide éducative, les fugues du mineur, le refus de toute vie collective, le décès du tiers gardien…
Toutes ces prérogatives qui sont accordées au juge des enfants, cette omniprésence qui apparaît aux divers stades de la procédure, que ce soit pour obtenir l’adhésion de la famille ou pour protéger efficacement le mineur, présentent pour les parents des risques incontestables. Quelles sont précisément les conséquences de la spécificité de la procédure sur les droits des parents ? Ont-ils véritablement les mêmes garanties que n’importe quel autre justiciable ( c’est-à-dire le droit de se défendre, d’avoir accès aux informations…) ou bien la spécificité de la matière impose-t-elle là encore des dérogations ?
CHAPITRE
II : LES CONSEQUENCES DE CETTE SPECIFICITE SUR LE DROIT DES PERE ET
MERE
La spécificité de la
procédure d’assistance éducative qui réserve au juge des enfants un rôle majeur
est bien loin de l’image du rôle classique du juge qui constate ce qui est
conforme au droit et ce qui lui est contraire. En droit des mineurs, il s’agit
avant tout de faire disparaître un conflit générateur de conséquences fâcheuses
et forcément, ces particularités auront des répercussions sur la place des père
et mère dans la procédure. Tout l’enjeu de la question est de rechercher quelle
est l’incidence de la spécificité de la procédure sur le droit des père et mère
(Section 1) et par là même de rechercher le meilleur équilibre possible pour que
ces derniers soient en mesure de bénéficier des garanties qu’est en droit
d’attendre tout justiciable(Section 2).
SECTION 1 :
LA PLACE ACTUELLE DES PERE ET MERE
DANS LA
PROCEDURE
Dans la procédure, les parents ne
sont ni demandeurs ni défendeurs et pourtant la place qui leur sera accordée est
fondamentale. En effet, il s’agit de la protection de leur enfant et dès
l’ouverture du dossier, il importe qu’ils soient informés puis qu’ils soient en
mesure de se défendre si la décision prise ne leur convient pas. Ce sont les
deux points que nous étudierons.
SOUS-SECTION 1 :
L’INFORMATION DES PERE ET MERE
Le respect du principe
contradictoire affirmé par les articles 16 et 1187 du Nouveau Code de procédure
civile (NCPC) passe avant tout par une information complète et rapide des père
et mère pendant le déroulement de la procédure. Cette information est
essentielle dans un domaine si délicat et douloureux qu’est l’assistance
éducative. Il s’agit en effet d’une culture de justice négociée[130] et les familles
ne pourront se mobiliser pour faire cesser le danger que si elles en ont les
moyens dès l’origine. Cette information est d’abord assurée par l’audition,
confrontation indispensable entre le juge et les parents, qui permettra au
premier de se faire sa propre opinion de la situation et aux seconds de
s’expliquer sur tous les points litigieux. Ensuite cette information passe par
divers moyens communs à toutes les juridictions tels que les avis et les
notifications.
§ 1 : L’audition obligatoire, garantie d’une bonne
information
Les auditions jouent un rôle fondamental dans le système de protection de l’enfant. Elles illustrent le rôle d’écoute du juge des enfants, qui ne doit pas se contenter des rapports et pièces complétant le dossier mais qui doit rechercher un contact direct, humain avec les intéressés, pour pouvoir favoriser une concertation. En principe les père et mère sont obligatoirement entendus mais il existe des exceptions en cas d’urgence.
A. Le principe posé par la loi
1)
L’obligation légale
Selon les articles 1183 et 1189 du NCPC, les père et mère du mineur en danger doivent être entendus par le juge dans le cadre de la procédure[131]. Cette audition n’est subordonnée à aucune condition particulière et c’est une obligation (emploi de la formule impérative). Il faut en effet chercher à favoriser le dialogue entre le juge et les parents et expliquer à ceux-ci les raisons de l’intervention judiciaire. La rédaction des textes impose donc au juge de convoquer systématiquement les père et mère et ce, même s’ils sont séparés de fait ou divorcés[132].
A l’évidence, la non-audition est une cause essentielle de nullité de la décision[133] sauf si les parents ont refusé de comparaître ou s’ils n’ont pas répondu à la convocation[134]. C’est le juge qui appréciera, en cas de refus de comparaître, l’opportunité de reconvoquer ou non le parent absent et qui décidera de statuer sans audition. Tout dépend en réalité de l'excuse fournie, des éléments apportés à l’audience par les travailleurs sociaux et de la nécessité de statuer à bref délai. Cette audition est donc obligatoire lors de la procédure initiale.
2)
Les extensions possibles
Un arrêt de la première chambre civile a étendu le champ d’application du texte en précisant que les père et mère devaient également être entendus à l’occasion de toute modification ultérieure de la mesure[135]. Cela donne plus de force à la pratique de l’audition puisque celle-ci est jugée utile tout au long du processus de réinsertion de l’enfant. Cette extension est approuvée par M. Renucci qui invoque la règle du parallélisme des formes, laquelle implique le respect des mêmes règles de procédure, que ce soit pour le prononcé, la modification ou la mainlevée d’une mesure. De plus, cet auteur considère que l’esprit des textes sur l’assistance éducative favorise pour les parents la reconnaissance d’un « droit et d’un devoir d’être directement concernés et intéressés tout au long de la procédure » [136].
Il faut savoir que le NCPC impose l’audition des père et mère à l’audience[137] mais la question s’est posée de savoir si le juge devait les entendre deux fois, une première fois durant la phase d’instruction puis une seconde à l’audience. La question juridique n’a été que rarement étudiée par la jurisprudence et seul un ancien arrêt consacre la nécessité d’une audition des parties pendant la phase d’investigation[138]. A priori, le texte lui-même laisse peu de place à la liberté d’appréciation du juge des enfants et une double audition semble s’imposer[139]. De plus l’avis du procureur de la République est obligatoire avant l’audience et ses réquisitions n’ont de sens que si le juge des enfants a pu au préalable entendre les parents et faire part de leurs propos au procureur.
Néanmoins, le rapport social va parfois suffire et le juge peut estimer inutile d’ordonner d’autre mesure d’investigation. Dans ce cas, l’audition préalable des père et mère puis leur convocation une nouvelle fois à l’audience sont sans intérêt s’il n’y a eu aucun fait nouveau entre les deux auditions. Les parents eux-mêmes peuvent être mécontents de faire plusieurs déplacements au tribunal à des dates rapprochées. Il faut donc trouver un compromis : la double audition ne sera nécessaire que si le dossier exige diverses mesures techniques car il faudra d’abord informer les parents de l’investigation puis les convoquer à l’audience pour entendre leurs explications [140].
3)
Les modalités de la convocation
En application de l’article 1195 du NCPC, il est possible de convoquer les père et mère par lettre recommandée avec accusé de réception, par acte d’huissier ou par voie administrative. Le choix des modalités est donc large mais comme il est nécessaire de savoir si le destinataire a reçu ou non la convocation, le moyen le plus sûr demeure la lettre recommandée avec avis de réception. Si la lettre est retournée au tribunal, tout dépendra du motif (« non réclamé », « n’habite pas à l’adresse indiquée » ou « pas de rue à ce nom »). S’il s’agit d’un refus de recevoir la convocation, les père et mère fautifs ne pourront pas ensuite se servir de la non-audition pour contester la décision prise[141].
B.
Les exceptions en cas d’urgence
Le principe de l’audition obligatoire des père et mère fait l’objet de tempéraments, afin que sa mise en œuvre ne conduise pas, dans certains cas précis, à produire l’effet inverse de celui escompté. Ainsi, si le juge prend des mesures provisoires et qu’il y a urgence, l’audition n’est plus obligatoire[142]. Parfois, l’absence d’audition peut également être justifiée par l’impossibilité ou le danger de différer la prise de mesures provisoires. Cette règle a été rappelée dans un arrêt du 22 mai 1985 précité[143], l’adresse du père étant inconnue et les plis précédemment envoyés ayant été renvoyés ; il a alors été jugé qu’une nouvelle convocation ne s’imposait pas. M. Renucci approuve cette souplesse procédurale qui, selon lui, prend en considération l’intérêt de l’enfant et permet de mettre en harmonie « la finalité de l’action judiciaire et les moyens pour y parvenir »[144]. Par définition il y a urgence quand il est impossible d’attendre huit jours pour prendre la mesure de protection et d’éloignement de l’enfant[145]. Ce délai de huit jours correspond au délai légal minimal octroyé au juge pour convoquer les parents avant l’audience[146].
Dans tous les cas, si l’urgence justifie les mesures provisoires et donc l’absence d’audition préalable, il importe qu’ensuite, le juge des enfants convoque le plus rapidement les père et mère. De même, lorsque la mesure est prise par le procureur de la République, celui-ci doit vite transmettre l’affaire au juge pour que ce dernier procède à l’audition. En effet, cela peut être insupportable, pour les parents, d’attendre d’être entendus et de ne pas connaître les motifs qui justifient les mesures provisoires. De plus, cela peut engendrer des incompréhensions entre le juge et les parents lors du débat ultérieur[147].
Or aucun délai légal n’impose actuellement au juge des enfants une audition rapide des père et mère. Sur ce point, le rapport Deschamps propose de modifier l’article 1184 du NCPC de la manière suivante[148] : d’une part, l’absence d’audition des père et mère ne pourra se justifier qu’en cas d’ « urgence spécialement motivée », ce qui donne des garanties supplémentaires aux parents, d’autre part, en cas de placement provisoire prononcé par le juge des enfants ou par le procureur de la République, le rapport propose d’instaurer un délai maximal de 15 jours pour procéder à l’audition, faute de quoi le mineur sera remis à ses père, mère, tuteur, personne ou service à qui il a été confié, sur leur demande[149]. On voit ici nettement s’affirmer la volonté de renforcer le principe du contradictoire dès le début de la procédure, y compris pour les mesures d’urgence. L’audition des père et mère n’est cependant pas leur unique moyen d’information.
§ 2 : Les autres moyens
d’information
Ils ne sont pas spécifiques à
l’assistance éducative mais sont exigés devant toutes les juridictions : il
s’agit des avis, convocations et notifications de
jugements.
A. Les avis
1) L’avis d’ouverture du dossier
Dès le début de l’instance, l’article 1182 du NCPC prévoit que le juge « donne avis de la procédure au Procureur de la République et en informe les père et mère … » : il s’agit de l’avis d’ouverture du dossier. En pratique, ce n’est qu’un banal acte de secrétariat envoyé par le greffier dès qu’une demande de saisine du juge des enfants parvient au tribunal. Cependant, ce courrier est l’unique moyen pour les parents de savoir qu’un dossier judiciaire de protection de l’enfant a été ouvert. Il est donc primordial que le greffier envoie cet avis avant de transmettre les pièces reçues au juge des enfants car cela permet aux père et mère d’avoir le maximum de temps entre la réception de l’avis et le jour de l’audience[150]. Ils pourront alors éventuellement prendre contact avec un avocat et se présenter de la façon la plus favorable possible le jour de la convocation. La Cour d’appel a donné de la force à cette exigence en décidant que l’absence d’avis aux parents était un motif de nullité de la décision prise[151] ; or l’annulation de la décision entraîne l’impossibilité de l’exécuter et par là même son anéantissement total. La Cour rappelle également et à juste titre que « l’ensemble des dispositions destinées à protéger les droits fondamentaux des familles et les libertés individuelles sont d’ordre public et leur non-respect entache les décisions intervenues d’un vice de forme tel qu’elles doivent être purement et simplement annulées… ». Cet attendu marque la volonté des magistrats de renforcer les exigences procédurales liées aux droits des parents dans la procédure d’assistance éducative.
2) L’avis du droit à l’aide d’un
avocat
Selon l’article 1186 alinéa 2 du NCPC, les père et mère sont avisés du droit de se faire assister d’un avocat dès la première audience c’est-à-dire que l’information leur est donnée oralement. Il s’agit d’une règle générale exigée devant toutes les juridictions, que l’avocat soit ou non obligatoire[152].
Il est permis de se demander si cet avis ne devrait pas être donné aux père et mère par écrit, en même temps que l’avis d’ouverture de la procédure. M. Huyette considère sur ce point qu’un avis écrit présente toujours plus de garanties et que cela évitera les discussions ultérieures ; de plus, l’assistance d’un avocat est actuellement le seul moyen pour les père et mère de connaître l’intégralité du contenu du dossier[153]. Or si le débat se veut équilibré dès la première audience, il importe que les familles soient au préalable informées de leur droit d’être assistées d’un avocat et des facilités que cette assistance leur apporte, notamment pour accéder au dossier. Enfin, si l’unique audition des parents a lieu à l’audience[154], il sera trop tard pour les informer de leur droit de prendre un avocat. En effet, dans le texte, il est prévu que le juge doit aviser les parents de ce droit dès la première audition ; cette précision n’a plus aucun intérêt en cas d’audition unique. Ces arguments démontrent l’intérêt d’informer les parents de ce droit par écrit dès le début de la procédure. C’est ce que propose le rapport Deschamps : ainsi, la convocation envoyée par le juge dans un délai d’un mois à compter de l’avis de la procédure pourrait mentionner le droit des parties de se faire assister par un conseil ou de demander qu’il en soit désigné un d’office[155].
B. Les convocations
Aucun délai n’est à ce jour imposé au juge des enfants pour convoquer les parties à compter de sa saisine ; il est seulement prévu que ces convocations se font dans les huit jours au moins avant la date d’audience prévue. Le rapport Deschamps, soucieux d’une information plus complète et plus rapide des parents, propose un nouvel article 1182 du NCPC lequel imposerait une convocation des père et mère dans un délai d’un mois. De plus, la convocation doit actuellement indiquer la date et le lieu de l’audience ; sur ce point, le rapport Deschamps préconise d’inclure dans la convocation « les droits des parties à faire le choix d’un conseil ou de demander qu’il leur en soit désigné un d’office » ainsi que la possibilité pour les parties de consulter leur dossier[156]. Quant à sa forme, le juge a le choix pour les convocations et notifications entre la lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’acte d’huissier de justice ou la voie administrative [157]. Dans un souci de simplification, la nouvelle rédaction de l’article 1195 du NCPC proposée par le rapport Deschamps rajoute la possibilité de notifier et de convoquer par lettre simple.
C. Les
notifications
La notification est, selon l’article 651 du NCPC, le fait de porter un acte à la connaissance d’une personne qui y est intéressée. C’est évidemment un moyen d’information essentiel pour les parents et il importe de savoir quelles sont les décisions qui doivent être notifiées et quelle sera la forme de la notification.
1)
Les décisions devant être notifiées
En matière d’assistance éducative, l’article 1190 du même code dispose que « toute décision du juge est notifiée … ». Or le juge des enfants prend trois types de décisions : celles qui ordonnent une mesure d’instruction, celles qui prescrivent une mesure provisoire et enfin celles qui organisent la protection « définitive » du mineur[158]. Si les deux dernières catégories de décisions (les ordonnances et les jugements) doivent impérativement être notifiées aux père et mère, un doute subsiste pour celles qui ordonnent une mesure d’instruction. M. Deiss exclut la notification : selon lui, les règles du NCPC sont présentées de façon chronologique et l’article 1190 qui impose la notification se situe après le texte qui réglemente l’audience, ce qui suppose sans nul doute que « l’instruction est terminée » [159]. De plus, en l’absence de règle spéciale, il convient d’appliquer la règle générale de procédure civile selon laquelle la décision qui, en cours d’instance, se borne à ordonner ou modifier une décision d’instruction n’est pas notifiée[160]. Les parents ne sont donc pas censés recevoir la notification des décisions prises par le juge des enfants pendant l’instruction.
Une difficulté est également apparue relativement à l’ordonnance provisoire prise par le procureur de la République : la notification s’impose-t-elle ? Pour M. Huyette, deux orientations sont possibles : soit on affirme, comme beaucoup de professionnels, que c’est une décision tout à fait originale car prise par un membre du parquet et non un juge du siège (ce qui la rend extra-juridictionnelle) ; dans ce cas, il n’y a alors aucune obligation de notifier cette ordonnance. Soit on s’en tient au texte qui sert de base légale à l’intervention du procureur[161], lequel dispose que le procureur a le « même pouvoir » que le juge des enfants et donc que les décisions prises sont les mêmes que celles du juge des enfants ; la notification s’impose alors. Pour M. Huyette, cette unité de régime est beaucoup plus favorable aux parties et il semble souhaitable de privilégier la cohérence de l’ensemble du système plutôt que de distinguer selon que l’ordonnance de retrait provisoire est prise par le juge des enfants ou par le procureur de la République[162].
2) Les
formalités de notification
La décision prise doit être notifiée aux parents dans les huit jours. La forme des notifications est identique à celle des convocations mais il est rajouté que la remise d’une expédition du jugement contre récépissé daté et signé équivaut à la notification[163]. Néanmoins, la jurisprudence est venue préciser que la notification devait, à peine de nullité, indiquer les délais et modalités de recours[164] ce qui remet en cause l’équivalence précitée[165]. La date de la notification est primordiale car c’est le point de départ du délai d’appel ; passé le délai d’appel, si aucun recours n’a été entamé, le jugement pourra être mis à exécution, y compris par la contrainte puisqu’il est passé en force de chose jugée.
L’information des père et mère n’est donc pas toujours garantie mais de plus en plus, la jurisprudence renforce les exigences procédurales et grâce au rapport Deschamps qui tente d’améliorer la qualité et la rapidité de l’information, celle-ci sera sans doute à terme renforcée. Quoi qu’il en soit, si l’information des parents quant au déroulement de la procédure est une priorité, encore faut-il leur donner les moyens de pouvoir s’expliquer et se défendre.
SOUS-SECTION 2 : LES MOYENS DE
DEFENSE DES PERE ET MERE
Dans la procédure d’assistance éducative, il
faut tout d’abord préciser que les parents ne sont pas en position de
défendeurs : il ne s’agit pas d’une action contre les père et mère mais d’une
action destinée à protéger le mineur contre le danger qui le menace. Cependant,
si l’on ne retrouve pas le schéma classique « demandeur contre défendeur », il
est essentiel que dans une procédure où le juge a un rôle si actif, les
principaux intéressés soient en mesure de se défendre. Les père et mère ont donc le droit au respect
du contradictoire et ils ont également la possibilité d’intenter des recours
contre les décisions prises.
§ 1 : Le droit au respect du
contradictoire
Si le droit au respect du contradictoire est une garantie essentielle en procédure civile, sa place mérite d’être précisée en matière d’assistance éducative.
A. Une garantie essentielle en procédure
civile
Le Nouveau Code de procédure
civile (NCPC) énonce des principes fondamentaux indiscutables qui ne souffrent
d’aucune exception quelle que soit la juridiction compétente. Le principe du
contradictoire en fait partie[166]. Ainsi selon
l’article 16 du NCPC, « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et
observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa
décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par
les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement… ».
Ce principe est réaffirmé dans d’autres textes[167] et il est sans
cesse rappelé par la jurisprudence devant toutes les juridictions.
D’abord, le principe concerne
les parties elles-mêmes, qui ont une obligation mutuelle de loyauté
et doivent se communiquer les moyens de fait, de droit et les éléments de preuve
invoqués. Ce principe du contradictoire s’impose également au juge parce qu’il
ne doit pas condamner une partie qui n’a pas été mise en mesure de se défendre.
Par exemple, si le défendeur ne comparait pas, le juge doit vérifier que la
convocation a été valablement délivrée. De plus, les plaideurs doivent avoir pris connaissance
de tout le dossier, de la première à la dernière ligne, de toutes les pièces
écrites qui figurent au dossier et ils doivent avoir pu contradictoirement en
débattre, faute de quoi le juge ne pourra invoquer ces éléments dans sa
décision.
Dans les procédures écrites, il
est facile de vérifier que la communication s’est déroulée normalement puisque
tous les arguments juridiques sont consignés dans des documents déposés au
greffe et transmis à l’adversaire. Un bordereau permet au juge d’en vérifier
l’existence et la communication. Par contre, dans les procédures orales, les
vérifications sont délicates : en effet, il est toujours possible de modifier
l’argumentation jusqu’à l’audience et de communiquer les pièces au dernier
moment, ce qui peut compromettre la réalité du débat. Le juge doit donc
intervenir en cas d’incident et il doit, soit enjoindre à l’une des parties la
communication des pièces, soit déclarer irrecevables les arguments invoqués au
dernier moment. Néanmoins il existe une présomption de régularité jusqu’à
contestation : les documents sur lesquels le juge s’appuie et dont la production
n’a pas été contestée sont réputés avoir été régulièrement produits et soumis à
la libre discussion des parties. On constate donc que le droit commun exige une
application stricte du principe du contradictoire. La spécificité de la
procédure d’assistance éducative exige-t-elle des
adaptations ?
B. La place du principe en assistance
éducative
En matière d’assistance éducative,
le principe du contradictoire a également une place essentielle et il s’impose
aussi bien au juge des enfants qu’aux parties à la procédure. Il est d’ailleurs
ce qui distingue l’intervention du juge des enfants de l’intervention purement
administrative[168]. La mise en
œuvre du principe du contradictoire implique deux questions essentielles : d’une
part la consultation du dossier et d’autre part la présence de
l’avocat.
1) La consultation du dossier
L’alinéa deux de l’article 1187 du
NCPC dispose que le dossier peut être consulté au secrétariat-greffe par
le conseil du mineur et celui de ses père, mère, tuteur ou personne
ou service à qui l’enfant a été confié, jusqu’à la veille de l’audience. A la
lecture du texte, on perçoit rapidement la difficulté : comme l’avocat n’est pas
obligatoire en matière d’assistance éducative, soit les parents ont un avocat et
celui-ci pourra leur lire tout le dossier, soit elles n’en ont pas et dans ce
cas précis, il est impossible d’accéder au dossier.
Il faut certes se rappeler de la spécificité
de la procédure d’assistance éducative, laquelle donne au juge des enfants de
larges pouvoirs dans un souci d’efficacité essentiellement. La procédure n’étant
pas strictement accusatoire, il est logique que les parties ne soient pas
autorisées à diriger l’instance,
rassembler librement les éléments de preuve voire à provoquer les mesures
d’instruction[169]. Il n’y a ici ni demandeur ni défendeur mais
une situation de danger et autour de ce danger, un juge, des éducateurs, le
mineur, ses parents voire d’autres personnes qui se sont jointes à l’instance.
Au pénal, où la procédure est
inquisitoire, le respect du principe du contradictoire est assuré par la mise à
la disposition des conseils des parties du dossier de la procédure[170] ; c’est la même
chose en assistance éducative. Même s’il n’y a pas une partie contre une autre,
les père et mère disposent tout de même du droit de connaître tout ce qui est
versé dans le dossier et ils ont le droit d’en débattre de façon critique. Le
juge quant à lui est tenu, tout au moins oralement, d’indiquer aux père et mère
ce qui leur est reproché et ce que contiennent les écrits versés au dossier
(rapport de signalement, d’enquête sociale, expertise psychologique …). En
pratique, cette tâche demeure très difficile pour le magistrat et on peut
imaginer que le juge des enfants, par manque de temps et de disponibilité, ait
tendance à résumer le contenu du dossier. Inéluctablement les père et mère en
ignoreront certaines parties auxquelles le juge ne fait pas référence et sur
lesquelles les parents auraient pu s’expliquer voire influencer le juge dans sa
décision. Lorsque les père et mère ne
prennent pas d’avocat, ce qui est de loin la situation la plus fréquente, ils
arrivent à l’audience sans savoir exactement ce qui leur est reproché et se
retrouvent face à des professionnels qui savent tout ce qui est écrit.
La situation est vraisemblablement déséquilibrée. Le principe du contradictoire
est-il réellement respecté ? Les père et mère ont certes droit à la parole mais
ont-ils le temps de réfléchir et de préparer sérieusement leur défense quand ils
découvrent à l’audience le contenu du dossier et qu’ils doivent répondre sur le
champ aux questions posées ?
2) La présence de l’avocat pendant
l’audition
Si le juge des enfants, conçu
comme « l’ange tutélaire du mineur en danger[171] », doit pouvoir
disposer de pouvoirs dérogatoires afin d’assurer sa mission de protection, cela
ne doit pas pour autant justifier une atteinte au respect des droits de la
défense. Depuis longtemps, l’importance de l’avocat, qui traditionnellement
incarne le contre-pouvoir judiciaire, est reconnue tant au civil qu’au pénal. Or
dans le domaine de l’assistance éducative, ce principal contrepoids à
l’arbitraire judiciaire est le « grand absent » alors même que la procédure
donne au juge des enfants de larges pouvoirs. C’est contradictoire car par son
intervention, l’avocat peut garantir les droits de la défense[172].
Ainsi parce que les avocats n’ont
jamais investi le domaine de l’assistance éducative, on constate des atteintes
aux droits de la défense non seulement pendant l’instruction mais aussi à
l’audience de jugement :
- D’abord, à l’instruction,
nous avons vu que l’audition des père et mère n’est pas obligatoire[173]. A ce stade, les
parents ne seront pas assistés d’un avocat puisqu’il sont avisés de leur droit
lors de la première et unique audition ; l’avocat ne pourra donc pas suivre
l’instruction menée par le juge. Et même si une première audition est organisée
lors de la phase d’instruction, les parents seront seuls alors que la présence
de l’avocat peut être utile dès le départ (comme en matière pénale). Cette
absence de l’avocat pendant la phase d’investigation est regrettable car c’est
aussi au cours de cette phase que des mesures provisoires sont prises[174].
- Ensuite à l’audience, l’audition
obligatoire des parents n’est pas suffisante pour garantir le droit au respect
du contradictoire. Comment exprimer clairement un point de vue lorsque l’on
n’est pas conseillé par un professionnel et que par ailleurs, il est impossible
d’accéder à l’intégralité du dossier ? Les parents ne sauront alors que ce que
le juge voudra bien leur dire.
Selon de nombreux auteurs[175], la présence de
l’avocat en assistance éducative est indispensable car cela permettra
d’équilibrer le rapport entre le juge et le justiciable. Ceci a notamment été
mis en avant dans le rapport Naves / Cathala relatif aux placements provisoires
d’enfants, lequel préconise une défense obligatoire en assistance éducative. Les
rapporteurs perçoivent les risques d’une « judiciarisation à outrance de la
procédure », ce qui la priverait de son originalité à savoir la recherche de
l’adhésion familiale et l’adaptation de la réponse judiciaire à l’évolution[176]. En outre
l’avocat, par son activité, facilitera l’office du juge et il pourra expliquer
de façon beaucoup plus approfondie aux parents ce qui caractérise le danger et
ce qui doit être fait.
En plus du droit au respect du
contradictoire, les parents doivent pouvoir intenter des recours contre les
décisions prises par les juges. Pourtant cette possibilité est
limitée.
§ 2 : Des possibilités de recours
limitées
Si les père et mère peuvent à
tout moment demander au juge des enfants une modification de la mesure[177], ils ont
également la possibilité de contester la décision prise par le juge lorsqu’ils
l’estiment mal fondée, non respectueuse des règles légales ou encore
insuffisamment motivée. Cependant, dans les faits, l’appel et la cassation ne
sont pas réellement favorisés.
A. L’ouverture des voies de recours
L’appel et la cassation sont possibles en assistance éducative.
L’opposition n’est pas admise, en raison notamment de l’existence d’une
possibilité de révision permanente des décisions et du silence des textes[178]. La tierce
opposition permet quant à elle aux tiers de contester les décisions du juge des
enfants mais comme les père et mère sont forcément parties à la procédure, cette
voie de recours ne leur est pas ouverte[179]. Concernant
l’appel et la cassation, il faut souligner que les parents sont avisés de leur
droit de recours dans l’acte de notification de la décision. Cet acte doit
obligatoirement préciser le délai pour agir ainsi que les modalités selon
lesquelles le recours est exercé[180]. Ceci est
d’autant plus utile ici que les père et mère ne bénéficient pas de manière
générale de l’assistance d’un avocat pour les conseiller.
1) Le droit de faire appel
L’appel est régi par les articles 1191 et 1192 du NCPC. Seules les décisions « au fond » peuvent faire l’objet d’un appel, c’est-à-dire celles qui ordonnent des mesures d'assistance éducative qu’elles soient provisoires ou définitives. Par conséquent, les décisions qui ordonnent des mesures d’instruction ne sont pas soumises au double degré de juridiction[181] mais les parties pourront toujours en discuter l’opportunité en même temps que le jugement sur le fond. Cependant à ce stade, le juge aura déjà ordonné la mesure d’investigation.
Les père et mère doivent faire une
déclaration d’appel dans les quinze jours. Le délai court à compter de la
notification du jugement ou de la remise de l’expédient qui en est
l’équivalent[182]. Quant à la
forme de l’appel, il doit être présenté, selon l’article 1192 alinéa 1 du NCPC[183], par une
déclaration faite personnellement ou par mandataire au secrétariat de la
juridiction qui a statué en première instance, ou par lettre recommandée au même
secrétariat. La Cour de cassation fait une interprétation souple de ces règles
puisqu’elle déclare recevable l’appel formé par lettre simple, à condition qu’il
y ait eu enregistrement par le greffe avant l’expiration du délai[184]. Un avis de
l’appel est ensuite adressé par le greffier aux parents pour qu’ils soient
informés de la date de convocation avant que le dossier ne soit transmis au
greffe de la Cour[185].
La procédure est alors celle
applicable devant le juge des enfants[186], à la différence
près que les actes d’instruction déjà accomplis par le juge initial n’ont pas
être ordonnés de nouveau par la Cour d’appel. Le juge initial n’étant pas
dessaisi, il peut toujours prendre une nouvelle décision à condition
qu’apparaissent des éléments nouveaux justifiant une instance modificative[187]. A défaut, en
raison de l’effet dévolutif de l’appel, le juge ne peut plus modifier son
jugement (notamment sur les points qui ont motivé le recours).
2) Le droit de se pourvoir
en cassation
Contre les arrêts des cours
d’appel, les père et mère peuvent former un pourvoi en cassation. Ce pourvoi est
ouvert contre les décisions qui prescrivent des mesures d'assistance éducative,
fut-ce à titre provisoire[188]. Il a donc été
implicitement admis, par dérogation aux articles 606 et 608 du NCPC, que les
décisions prescrivant des mesures provisoires pouvaient être frappées d’un
pourvoi indépendamment de la décision au fond. Mais comme il s’agit d’une
exception, la possibilité d’intenter un pourvoi en cassation ne peut être
étendue aux jugements qui prescrivent des mesures d’administration judiciaire ou
des mesures d’instruction[189].
Les père et mère peuvent
logiquement se dispenser d’un avocat devant la Cour de cassation, de la même
façon que devant le juge des enfants et la Cour d’appel[190]. Or il faut rappeler que la seule présentation
d’arguments de fait devant la Cour suprême est inutile puisque celle-ci n’est
pas un troisième degré de juridiction. Les parents peuvent seulement invoquer
des arguments de droit, comme par exemple l’insuffisance de motivation du juge
des enfants sur l’état de danger. En pratique, l’assistance d’un avocat paraît
donc indispensable pour pouvoir présenter ces arguments de droit car en général,
les parents ne pourront pas se pourvoir seuls en cassation[191]. Pour le reste,
il faut appliquer les règles générales : le délai pour former un pourvoi est de
deux mois à compter de la notification de l’arrêt de la cour d’appel[192] et les parents
requérants ont alors trois mois, à compter de cette déclaration de pourvoi, pour
déposer un mémoire présentant leurs arguments[193].
En général, lorsque la Cour de
cassation statue, c’est-à-dire de très nombreux mois voire quelques années
après, il est fréquent qu’entre temps, une autre décision ait été rendue ou que
le mineur soit devenu majeur... Les pourvois sont alors rejetés faute d’objet.
Selon certains auteurs, il est à craindre que dans le domaine de l’assistance
éducative, la Cour ne se soit engagée depuis quelques années dans une voie
susceptible d’aboutir à un « abandon de fait du contrôle de légalité »[194]. Un rejet trop
fréquent des pourvois sans objet par la première chambre civile peut en effet
entraîner certaines difficultés. Ainsi dans un arrêt récent en date du 3 mai
2000[195], la Cour a
rejeté le pourvoi parce que la mesure d'assistance éducative prise avait épuisé
ses effets et que le juge des enfants avait pris de nouvelles mesures assorties
de l’exécution provisoire. Envisageant de plus près le fondement du pourvoi, M.
Massip note que le père des enfants s’était appuyé sur la violation de l’article
6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés
fondamentales et qu’il invoquait le non respect de ce texte au prétexte qu’il
n’avait pu consulter son dossier[196]. En l’espèce, la
Cour de cassation n’aurait pas dû rejeter le pourvoi sans même l’examiner car
l’argument invoqué par le père était fondé. La procédure était donc viciée dès
l’origine, peu importe que de nouvelles décisions soient ensuite intervenues.
Pour M. Massip, si l’affaire est soumise à la Cour de Strasbourg, il est
probable que la France soit de nouveau condamnée. Ainsi, malgré l’affirmation
théorique du droit pour les parents d’exercer des recours, de nombreux obstacles
subsistent.
B. Les obstacles à l’exercice des voies de
recours
Ils sont dus une fois encore à la spécificité de la procédure mais aussi à l’exécution provisoire de droit.
1) Les difficultés liées à la spécificité de la
procédure
De manière générale, il est
possible que des décisions judiciaires soient entachées d’erreur et d’injustice
et il est nécessaire de permettre à tout justiciable de provoquer un nouvel
examen de l’affaire[197]. Cependant dans
le domaine particulier de l’assistance éducative, où l’objectif est avant tout
de protéger le mineur, la contestation ne peut être admise trop largement[198]. D’abord parce
que l’exercice des voies de recours est une rupture de l’unité judiciaire ;
ensuite parce que cela présente moins d’intérêt en raison de la possibilité de
demander à tout moment une modification de la mesure ; enfin parce que les
règles applicables en matière d’appel et de cassation sont généralement celles
de droit commun, ce qui ne facilite pas une adaptation au droit des mineurs.
Ainsi, si dans les textes
l’appel est a priori largement ouvert, en pratique il demeure limité. Des
questionnaires envoyés aux juges des enfants au cours de l’année 2000 ont permis de constater une fréquence d’appel
estimée à 5,2%[199]. La rareté des
appels peut être due à une information peu précise voire à une absence
d’information des père et mère[200]. En effet, le
plus souvent, les parents ignorent le rôle et les pouvoirs de la chambre des
mineurs de la Cour d’appel ; de plus, habitués à une « sorte de toute puissance
des professionnels », ils ne croient pas forcément à l’utilité d’un recours et
ce qui importe pour eux, c’est leur situation concrète dans l’immédiat[201]. Enfin, en
raison du principe de continuité, le juge des enfants est toujours compétent
même si entre temps le cas a été soumis à l’appréciation de la Cour d’appel : il
peut donc, pendant l’instance d’appel, modifier sa première décision, ce qui
permet d’intervenir plus rapidement compte tenu des lenteurs procédurales.
Malgré tout, l’appel doit se
développer car il permet de rétablir les familles dans leurs droits, des droits
trop souvent bafoués notamment en cas d’urgence, de motivation des décisions,
d’exécution provisoire … Dans certains ressorts de Cour d’appel, notamment à
Grenoble, les arrêts influencent de plus en plus les pratiques des
professionnels. Leur recours étant pris en compte, les parents commencent à
réaliser que la relation qu’ils ont avec les professionnels n’est pas si inégale
et qu’ils ont la possibilité de revendiquer efficacement la mise en œuvre de
leurs droits[202]. Il importe pour
cela que les dossiers soient le plus rapidement possible audiencés. Cependant,
les délais varient selon les cours d’appel[203] et les textes ne
fixent aucune durée maximale dans une matière où le temps est primordial. Afin
d’accélérer la procédure en appel, le rapport Deschamps préconise certes de
limiter le délai d’examen de l’appel des décisions de placement provisoire à 3
mois mais rien n’a été proposé concernant l’appel des autres décisions[204].
De même, bon nombre de pourvois en
cassation sont rejetés en raison du renouvellement fréquent des mesures
d'assistance éducative et des longs délais de jugement des pourvoi par la Cour
de cassation (18 mois voire plus). En outre, la Cour de cassation semble
fréquemment rappeler la souveraineté des juges du fond[205]. Cette absence
de contrôle ne doit pas se systématiser et les parents doivent au contraire
pouvoir bénéficier des garanties fondamentales dans un domaine où le juge a un
pouvoir d’appréciation si important et où il prend sa décision seul. Malgré
tout, il ne faut pas généraliser ce constat négatif car pour certains auteurs,
beaucoup de cassations ont un réel effet éducatif[206] et les nombreux
arrêts de la Cour de cassation qui ont été ou seront cités dans cette étude
démontrent l’influence non négligeable de cette juridiction.
2) L’exécution provisoire de
droit
L’exécution de la décision prise
par le juge des enfants conditionne pour une large part l’efficience de l’action
judiciaire. Il faut rappeler qu’un jugement est exécutoire à partir du moment où
il passe en force de chose jugée, c’est-à-dire lorsqu’il n’est plus susceptible
de recours suspensif[207]. Si à
l’expiration du délai de quinze jours à compter de la notification, les parents
du mineur n’ont pas interjeté appel, le jugement est exécutoire. Ceci explique
le délai d’attente de quinze jours imposé aux services avant de pouvoir
commencer à exécuter la mesure, à moins que la famille ait souhaité une
intervention rapide et ait fait immédiatement savoir qu’elle n’entendait pas
faire appel[208]. Si au
contraire, les parents décident de faire appel, le jugement est provisoirement
mis entre parenthèses : c’est l’effet suspensif de l’appel[209].
Cet effet suspensif peut retarder,
pendant de nombreux mois, la mise en œuvre de la mesure d'assistance éducative,
ce qui est parfois dommageable pour le mineur en danger. Cette difficulté n’est
pas propre à l’assistance éducative, elle est également ressentie dans d’autres
domaines. C’est pourquoi en droit commun, le juge a la possibilité d’assortir sa
décision de l’exécution provisoire[210], c’est-à-dire
que sa décision sera exécutée même si l’une des parties interjette appel : dans
ce cas, on parle d’exécution provisoire facultative. Parfois, une décision est
exécutoire de plein droit, sans choix du juge : c’est le cas des
décisions qui prescrivent des mesures provisoires ou encore des décisions
ordonnant ou modifiant une mesure d’instruction[211]. Par contre,
pour celles prescrivant à titre « définitif » une mesure de protection, une
décision du juge est nécessaire.
L’exécution provisoire, qu’elle
soit de droit ou facultative, peut rendre inefficace le recours exercé par les
père et mère. En effet, si l’exécution de la mesure d'assistance éducative n’est
pas suspendue, la Cour d’appel interviendra souvent trop tardivement, peut-être
même après que le juge des enfants ait usé de son pouvoir de modification pour
prendre une nouvelle décision. M. Huyette estime que ce choix d’ordonner ou non
l’exécution provisoire du jugement doit être minutieusement réfléchi et
l’exécution provisoire réservée aux hypothèses pour lesquelles il est nécessaire
de mettre en œuvre la mesure rapidement, lorsqu’il s’agit par exemple d’éloigner
les enfants de leurs parents. En outre, si le juge décide d’ordonner l’exécution
provisoire, il doit motiver sa décision. Or en pratique, il semble que les juges
des enfants ordonnent fréquemment l’exécution provisoire de leurs décisions et
que ce choix soit rarement motivé sur ce point. M. Huyette n’est pas favorable à
une exécution provisoire quasi systématique[212] : certes il y a
danger et nécessité de protéger le mineur mais selon lui, il faut encourager les
parents à se mobiliser, en les incitant à faire appel et à redresser leur
situation jusqu’à l’audience de la Cour.
La décision de faire appel est une réaction positive de la part des
parents car ils montrent ce qu’ils ne tolèrent pas et cela leur permettra
peut-être de mieux exprimer leur point de vue et de se montrer plus actifs.
Ainsi, si pour certains auteurs, le souci de célérité et d’efficacité justifie
la restriction des voies de recours dans le domaine de l’assistance éducative[213], pour d’autres,
l’exercice des voies de recours est l’une des garanties nécessaires de tout
justiciable et la pratique actuelle de l’exécution provisoire systématique ne
paraît pas conforme à la législation en vigueur.
En somme, on constate que la
spécificité a une incidence certaine sur les droits des parents dans la
procédure. Il faudrait peut-être, comme M. Renucci, appréhender différemment ces
particularités et considérer le droit des mineurs non plus comme un droit
dérogatoire au droit commun mais comme un droit spécial constituant un droit
commun applicable à une matière donnée, en l’occurrence la minorité[214]. Cette approche
permettrait sans doute de mieux appréhender la place des parents dans la
procédure et d’envisager différemment la protection de leurs droits.
SECTION 2: VERS UNE AMELIORATION
DES GARANTIES
DES PERE ET MERE
Il est délicat dans le domaine de l’assistance éducative de concilier la protection de l’enfant et le respect de toutes les exigences procédurales. Le respect du contradictoire est au cœur du débat, particulièrement les questions de l’accès direct des familles au dossier, de la présence ou non de l’avocat et de l’information des père et mère de manière générale. Les avis divergent quant à l’opportunité de telle ou telle pratique et le rapport Deschamps a dû faire la synthèse entre toutes les propositions qui ont fait suite aux arrêts récents de la Cour européenne des droits de l’homme.
SOUS-SECTION 1 :
L’EVOLUTION RECENTE DU CONTRADICTOIRE
EN ASSISTANCE
EDUCATIVE
Depuis la création de l’assistance
éducative, il est admis que le
contradictoire ne devait pas être
méconnu par le juge des enfants mais que dans sa forme classique, il serait
difficile à réaliser. Dans cet esprit, la Cour de cassation a toujours refusé
d’admettre l’accès direct du dossier aux père et mère, se fondant sur l’article
1187 alinéa 2 du NCPC. Néanmoins, la Cour européenne des droits de l’homme est
venue récemment « révolutionner » notre droit et remettre en cause la
jurisprudence traditionnelle française ainsi que certains textes actuellement en
vigueur.
§ 1 : L’apport de la Cour européenne des droits de
l’homme
Pendant longtemps les juges français ont considéré que le principe du contradictoire était respecté et qu’il ne fallait pas revenir sur les textes relatifs à l’accès au dossier par les parents. Cependant, la Cour de Strasbourg ne semble pas de cet avis.
A. La position initiale des juges
français
Si les arrêts qui arrivent en
cassation dans le domaine de l’assistance éducative sont moins fréquents que
dans d’autres domaines, la Cour de cassation a dû, à plusieurs reprises, se
prononcer sur le respect du principe du contradictoire. Ainsi en 1994, un père
saisit le juge des enfants, considérant que ses deux enfants sont en danger
auprès de leur mère qui en a la garde après divorce. Les juges du fond estiment
qu’il n’y a pas lieu à assistance éducative en se fondant sur le rapport
d’enquête sociale ; le père intente alors un pourvoi en cassation au motif qu’il
y a eu violation du principe du contradictoire, le rapport ne lui ayant pas été
communiqué. La première chambre civile va rejeter ce grief, considérant qu’il
appartenait aux conseils du père (qui avait un avocat et un avoué) de consulter
au secrétariat-greffe le rapport d’enquête sociale figurant au dossier. Selon la
Cour, l’accès au dossier par les avocats des parties suffit à assurer la mise en
œuvre du principe du contradictoire[215].
La Cour de cassation s’est ensuite
prononcée dans une affaire similaire, à ceci près que le père, « en délicatesse
avec le barreau », avait refusé de prendre un avocat et n’avait pas demandé
qu’il lui en soit désigné un d’office. Le juge des enfants puis la Cour d’appel
décident de confier deux des enfants au service de l’ASE, d’en placer un autre
chez un tiers et de prescrire des mesures en milieu ouvert pour ceux laissés à
la garde des parents. Le père intente alors un pourvoi, reprochant à la Cour
d’appel d’avoir méconnu le principe du contradictoire et des droits de la
défense et violé l’article 6 § 1 de la Convention des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, lequel garantit le droit pour chacun à un procès
équitable. La première chambre civile rejette le pourvoi[216] et énonce que si
le dossier ne peut pas être consulté directement par les parents, ceux-ci
peuvent faire le choix d’un avocat ou demander qu’il leur en soit désigné un
d’office. L’accès au dossier n’est donc pas totalement fermé aux parties
puisque, par l’intermédiaire du conseil, elles peuvent y accéder[217]. Pour la Cour
suprême, les dispositions du NCPC ne sont donc pas incompatibles avec les
dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Pourtant, dans
le même temps, la Cour européenne est venue consacrer une interprétation
différente de celle de la Cour de cassation.
B. L’interprétation donnée par la Cour européenne des
droits de l’homme
Dans un arrêt remarqué en date du 24 février 1995[218], la Cour européenne des droits de l’homme va bouleverser la position initiale des juges français. Madame McMichael, citoyenne britannique, se voit retirer par les services sociaux la garde de son fils, en raison de troubles psychiatriques qui lui sont reprochés et qui sont supposés la rendre incapable d’élever son enfant convenablement. La mère saisit successivement la « Commission de l’enfance » et la « Sheriff Court » (juridictions du premier degré et d’appel au Royaume Uni) qui lui refusent la garde et considèrent même qu’il est préférable que l’enfant soit adopté. Madame McMichael saisit la Cour européenne des droits de l’homme au motif principal qu’elle n’a pas eu le droit de consulter elle-même le dossier mais qu’elle a seulement été informée du contenu des pièces.
La Cour doit donc se prononcer sur le droit, pour les individus qui comparaissent devant des organes juridictionnels dans une procédure civile de protection de l’enfance, de consulter eux-mêmes les pièces du dossier. L’interdiction d’une consultation directe a t-elle une incidence sur le caractère équitable de la procédure au regard de l’article 6 de la Convention européenne ? Clairement et sans ambiguïté, la Cour européenne va affirmer que « le droit à un procès équitable implique pour une partie la faculté de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre ». Spécialement, ajoute-t-elle, « la circonstance que des documents, aussi essentiels que les rapports sociaux, n’aient pas été communiqués est propre à affecter la capacité des parents d’influer sur l’issue de l’audience de la commission de l’enfance et aussi celle d’apprécier leurs perspectives d’appel à la Sheriff Court ». Cela signifie donc que l’impossibilité de consulter directement le dossier engendre une inégalité pour les parents.
M. Huyette, dans son commentaire de l’arrêt, apporte des précisions pour ceux qui invoqueraient la distinction entre le droit anglais et le droit français. Tout d’abord, les parties pouvaient en l’espèce se faire assister par un avocat : cette possibilité ne justifie donc en rien l’interdiction pour les parents d’accéder directement au dossier. En outre, la Cour européenne a relevé que les juges avaient oralement informé la mère de « la substance » des pièces ; cette information n’est donc pas suffisante pour lui permettre d’assurer équitablement sa défense. Par conséquent, le droit français qui prévoit sur ce point les mêmes règles (accès au dossier par les avocats et information orale des parents du dossier pendant l’audience) encourt donc la même condamnation.
La Cour européenne est de nouveau intervenue en 1997 en précisant, face à la France cette fois, que tout citoyen a le droit de se défendre seul et que dans ce cas il doit pouvoir accéder lui-même au dossier[219]. Il s’agissait certes de règles de procédure pénale mais la Cour a pris soin de préciser que les exigences découlant du droit à une procédure contradictoire étaient les mêmes au civil et au pénal. La Cour de Strasbourg considère que le requérant n’avait pu en l’espèce accéder à son dossier pénal ni obtenir une copie des pièces y figurant ; il y a donc eu, selon elle, violation des articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales[220]. Il convient de préciser que l’accès direct au dossier concerne toutes les pièces : ainsi, dans un arrêt du 18 février 1997[221], la Cour européenne devait statuer sur la plainte d’un citoyen suisse affirmant qu’au cours d’une procédure civile engagée contre son employeur qui l’avait licencié, une page d’observation ne lui avait pas été communiquée. Même si les professionnels considèrent que la pièce est peu importante, il appartient au plaideur de l’apprécier lui-même. La Cour ajoute, en conclusion de cet arrêt, une phrase remarquée et « remarquable »[222], selon laquelle « il y va notamment de la confiance des justiciables dans le fonctionnement de la justice… ».
Plus récemment encore, la Cour européenne a confirmé sa jurisprudence[223]. Elle considère donc de manière générale que si le requérant décide de se présenter sans avocat, il n’a pas pour autant renoncé au bénéfice des garanties d’une procédure contradictoire. Même s’il se défend seul, il doit lui être offert des moyens de procédure lui assurant le droit à un procès équitable[224]. A l’évidence, cette jurisprudence européenne condamne les règles actuelles du NCPC relatives à l’accès au dossier d’assistance éducative ainsi que l’interprétation de la Cour de cassation. Celle-ci va-t-elle évoluer dans le même sens que la Cour européenne ?
§ 2 : La position ultérieure des juridictions
françaises
L’interprétation donnée par la Cour européenne des droits de l’homme a-t-elle dans notre droit des conséquences réelles et quelle sera la position française suite à ces condamnations ?
A. La portée des arrêts de la Cour de
Strasbourg
Les arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme ne font pas, dès qu’ils sont prononcés, partie du droit
interne des pays qui ont ratifié la Convention européenne. Selon la Cour de
cassation, les décisions rendues par la Cour européenne n’ont même aucune
incidence directe sur le droit français et sur les décisions des juridictions
nationales[225]. Autrement dit,
non seulement les arrêts de la Cour ne font pas disparaître le texte censuré,
mais en plus, ils ne prévalent pas sur la législation interne. Simplement le
pays condamné doit mettre sa législation en conformité avec l’interprétation
donnée par la Cour de Strasbourg s’il ne veut pas, à chaque fois, être condamné
(on dit que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ont
« autorité de la chose interprétée »). Suite à ces arrêts récents, la France
doit donc adapter son système procédural si elle ne veut pas de nouveau être
condamnée, d’autant que les justiciables peuvent facilement saisir la Cour
européenne. Il importe que le parlement organise rapidement un accès direct au
dossier et qu’en attendant cette réforme, les magistrats français l’anticipent[226].
Suite à cette jurisprudence
européenne, le service des affaires européennes et internationales (SAEI), saisi
par la direction des affaires civiles et du sceau, a estimé que l’analyse des
arrêts rendus par la Cour de Strasbourg devrait conduire à une réforme de
l’article 1187 NCPC sans attendre un éventuel recours. Le SAEI a proposé, après
examen des diverses possibilités, que les parties puissent, à l’exception du
mineur, directement accéder au dossier[227].
B. La position des juridictions
françaises
1) Le maintien de la position
initiale
Malgré la contradiction flagrante
des deux jurisprudences, la Cour de cassation a dans un premier temps maintenu
sa position. Ainsi, peu après la première condamnation européenne, le 24 février
1995, la Cour de cassation estime que l’article 1187 NCPC n’est pas du tout
incompatible avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme
puisque le parent peut prendre un avocat et avoir accès au dossier grâce à lui[228].
De la même façon, la Cour d’appel
de Montpellier a jugé que l’articulation des articles 1186 et 1187 NCPC ne
portait pas atteinte aux articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits
de l’homme[229]. Cet arrêt est
particulièrement intéressant car les juges répondent ici à une demande expresse
de consultation des pièces du dossier. La Cour d’appel justifie la spécificité
de ces règles de procédure par la finalité même de l’assistance éducative :
selon elle, l’évaluation du danger encouru par le mineur et la protection de ce
dernier impliquent la confidentialité de certaines informations. Or le principe
du contradictoire est respecté dès lors que le juge fait connaître les raisons
le conduisant à prendre telle mesure et dès lors que l’avocat (qui aura eu accès
à tout le dossier et se sera entretenu avec les parents) pourra soulever les
contestations utiles à leur défense. La Cour ajoute que pour respecter la
directive selon laquelle le mineur doit, autant que possible, être maintenu dans
son milieu familial[230], il faut en
appeler à la responsabilité des parents et obtenir leur adhésion. Permettre aux
parents d’accéder directement au dossier ne peut, selon la Cour, que contrarier
cet objectif. Le mode de consultation prévu actuellement permet donc, selon les
juges de Montpellier, de maintenir un équilibre entre le respect du
contradictoire et la nécessité de protéger l’enfance en danger (objectif dont la
légitimité est reconnue par la Convention européenne des droits de l’homme
elle-même mais aussi par la Convention internationale des droits de l’enfant).
La demande de consultation personnelle formée par les parents est, pour ces
raisons, rejetée par les juges du fond. Cette motivation n’est pas, pour M.
Huyette, très convaincante et elle procède selon lui d’une approche critiquable
des familles en difficulté.
La Cour de cassation a quant à
elle de nouveau maintenu sa position dans un arrêt du 8 juin 1999[231] : en présence
d’une mère assistée d’un avocat, la Cour a estimé que celle-ci avait pu
consulter le dossier par l’intermédiaire de son conseil. Les juges français ont
donc pour une large part résisté donc à la position de la Cour européenne.
2) Le
revirement opéré par la Cour d’appel de Lyon
Pourtant, le 26 juin 2000, des magistrats vont, pour la première fois en
appel, consacrer la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, en se plaçant ainsi
en rupture totale avec la position antérieure des juges français[232]. En l’espèce, la
mère soulevait devant la Cour d’appel de Lyon la nullité du jugement pris par le
juge des enfants de Saint-Etienne qui ne comportait pas de motivation mais le
simple visa d’un rapport dont elle n’avait pas eu connaissance[233]. S’appuyant sur
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, la mère demandait
la communication intégrale du dossier et la réformation de la mesure de
placement qu’elle estimait injustifiée. Sur la communication du dossier, la Cour
d’appel – contrairement à la jurisprudence française traditionnelle - va juger
que l’article 1187 du NCPC est contraire au principe du « droit à un procès
équitable » (« fair » dans la version anglaise, qui signifie loyal) posé par
l’article 6 de la Convention. Ce principe, rappelle la Cour d’appel de Lyon,
s’entend du droit à un procès équilibré, procès dans lequel doit être assurée
l’égalité des armes. Chaque partie doit pouvoir présenter sa cause dans des
conditions qui ne la désavantagent pas par rapport à l’adversaire et elle doit
notamment pouvoir prendre connaissance de toute pièce ou information présentée
au juge.
Prenant clairement position par
rapport au droit positif français, les juges de Lyon estiment que chaque
document écrit doit être analysé, compris voire contesté par l’intéressé, ce qui
ne peut se faire qu’après lecture voire relecture. Or l’accès au dossier par
l’avocat, même si son assistance peut être obtenue gratuitement, ne suffit pas à
respecter le principe du procès équitable, dès lors qu’il est reconnu aux
familles le droit de se défendre sans avocat. Les parents doivent donc se voir
offrir certaines garanties essentielles de procédure, au nom du droit à un
procès équitable, qui a été consacré et précisé au niveau européen. La Cour
d’appel de Lyon rajoute que cet accès direct ne portera pas atteinte aux larges
pouvoirs du juge des enfants, lequel restera le premier destinataire des
rapports. Cela permettra seulement d’éviter qu’entre une famille qui peut être
assistée par un avocat et celle qui ne le peut ou ne le souhaite pas, ne
s’instaure une inégalité de traitement. Enfin, cela favorise l’instauration d’un
équilibre entre les différents acteurs de la procédure (juge, travailleurs
sociaux, mineur, parents).
Suite à ce revirement, un arrêt
très récent de la première chambre civile pourrait marquer les premiers pas de
la Cour de cassation vers une modification de sa jurisprudence : en effet, la
Cour d’appel de Toulouse avait invité M. X (qui interjetait appel d’une
ordonnance du juge des enfants ayant rejeté sa demande de communication du
dossier d’assistance éducative) à saisir la juridiction administrative de la
légalité de l’article 1187 du NCPC. La Cour suprême va casser l’arrêt de la Cour
d’appel, en considérant que les juges du fond devaient se prononcer sur la
compatibilité du texte avec l’article 6 de la Convention. La Cour de cassation
ne prend donc plus le risque de se prononcer et elle préfère désormais renvoyer
à l’appréciation des juges du fond[234], ce qui n’est
pas la position la plus favorable pour les parents. Or il existe à l’évidence
des divergences au sein même de la magistrature : alors que la Cour d’appel de
Montpellier estime que la lecture sans ménagement de tout le dossier par les
parents peut entraîner des perturbations non propices au travail éducatif
entrepris, la Cour d’appel de Lyon, au contraire, juge que ce droit d’accéder au
dossier « favorise le dialogue et donc le travail éducatif, nécessairement basé
sur la confiance et la transparence »[235].
Tout dépend donc de la vision que les praticiens et les juges se font des familles en difficulté et de la place que l’on reconnaît aux père et mère dans la procédure. Ces contradictions de jurisprudence ne sont pas favorables aux parents car, selon les cas, ils auront droit ou non d’accéder à leur dossier. A ce titre, M. Huyette incite les juridictions des mineurs à réfléchir aux modalités concrètes d’accès des familles à leur dossier, sans attendre la modification légale à venir ou un revirement de la Cour de cassation, dont on imagine difficilement qu’elle refuse plus longtemps d’appliquer la jurisprudence de la Cour européenne [236].
SOUS-SECTION 2 : LES
PROPOSITIONS D’AMELIORATION DES DROITS DES PERE ET
MERE
Depuis que la Cour européenne a
mis en cause les modalités d’accès au dossier par les parents dans la procédure
d’assistance éducative, les propositions d’amélioration du dispositif affluent.
Celles-ci ont ainsi permis au groupe de travail dirigé par le magistrat
Jean-Pierre Deschamps de faire une synthèse et de remettre un projet de réforme
au Gouvernement.
§ 1 : Le débat actuel
L’interprétation donnée par la
Cour de Strasbourg ne fait pas l’unanimité : ainsi, pour certains, la culture
judiciaire de l’assistance éducative est avant tout une culture de justice
négociée et elle s’accommoderait mal de la notion « d’égalité des armes »
employée par la Cour européenne.
D’autres sont d’accord sur le principe mais les avis divergent quant à
l’organisation de l’accès au dossier. Le débat est donc ouvert entre ceux qui
estiment qu’en assistance éducative, il ne faut pas trop vouloir réduire le
contradictoire au respect d’exigences strictement formelles et ceux qui
souhaitent un strict respect des droits de la défense des père et mère. Nous
examinerons successivement les divergences relatives à l’étendue du respect du
contradictoire puis celles relatives à l’organisation de l’accès au
dossier.
A. Les divergences quant à l’étendue du respect du
contradictoire
1) Les partisans d’une procédure avant tout
originale
Si certains praticiens demeurent
inquiets de l’évolution et de la pression exercée par les juges européens, c’est
en raison d’une certaine culture de l’assistance éducative qui n’est pas si
ancienne que cela. Il faut rappeler qu’à l’origine, un courant de pensée et de
pratiques estimait que les parents en grande difficulté n’étaient pas aptes à
contrôler leurs réactions et qu’ils pouvaient adopter des attitudes regrettables
s’ils lisaient leur dossier judiciaire. Il n’y a pas si longtemps, le parcours
personnel et familial des parents ainsi que l’origine de leurs perturbations
n’étaient pas analysés et l’objectif était avant tout de mettre l’enfant à
l’abri du danger. Peu à peu, les praticiens ont compris que les parents qui
commettent des actes répréhensibles ont souvent une histoire chaotique, un passé
douloureux et le travail éducatif s’est ainsi orienté vers ces adultes sans
repères.
Bien que les mentalités évoluent, beaucoup estiment encore que certains mots peuvent perturber ou blesser les familles et empêcher une évolution favorable de la situation jugée dangereuse. Les objections des professionnels de l’enfance sont liées essentiellement à la brutalité traumatisante d’informations subitement portées à la connaissance des familles mais aussi au nécessaire respect de la vie privée de chacun des membres. Enfin, ils craignent que la communication aux familles des pièces du dossier, notamment des rapports émanant des services éducatifs, ne provoque une autocensure de l’écrit chez les équipes éducatives qui réserveraient les éléments dits « confidentiels » pour le débat oral avec le juge des enfants.
Sur ce point, M. Rissmann, juge
des enfants, met en avant la nature de la procédure d’assistance éducative qu’il
considère comme étant « originale et authentique »[237] : selon lui,
l’appréciation du juge des enfants renvoie à des questions très subjectives et
délicates sur la façon dont sont construits les liens parents/enfants, au fil
d’une histoire personnelle à chacun. Il faut donc les aborder avec beaucoup de
prudence et de respect. Le juge des enfants doit d’abord écouter et analyser
puis viendra le temps du diagnostic, de la décision à prendre qui permettra
d’élaborer des réponses éducatives dans le respect du rôle de chacun. Dans cette
façon de juger, la part du relationnel est évidemment prépondérante et tout
dépendra de la confiance qu’accordent les parents au juge des enfants. Pour M.
Rissmann, cette confiance ne peut se donner que dans des échanges authentiques
et pas seulement formels, d’autant que l’intervention du juge a vocation à durer
tout au long de l’exécution de la mesure. C’est donc bien plus qu’un simple
échange formel d’arguments et de pièces du dossier.
Les logiques d’affrontement que
l’on retrouve habituellement dans la procédure civile seraient, selon lui, assez
étrangères au processus de l’assistance éducative, humainement contradictoire,
dans lequel le juge n’est pas qu’un simple arbitre mais un acteur dont les
décisions sont destinées à faire évoluer une situation. M. Rissmann ne refuse
pas l’accès direct des parents au dossier voulu par la Cour européenne mais il
souhaite que « notre justice des mineurs soit préservée ». Ainsi, au nom de
l’association des magistrats de la jeunesse dont il est le délégué régional, ce
juge des enfants propose de développer et pourquoi pas de systématiser
l’assistance d’un avocat, de permettre aux conseils d’avoir une copie du
dossier et d’autoriser les parents et l’enfant à consulter le dossier s’ils sont
assistés par un avocat, un représentant d’association ou des services d’accès au
droit.
D’autres auteurs demeurent
hostiles à cet accès direct et considèrent que la Cour de Strasbourg n’a pas
particulièrement voulu trancher la question de l’accès direct au dossier par les
parents ou celle de l’intervention obligatoire d’un avocat : elle aurait
simplement constaté une violation de l’article 6 § 1 CEDH. Ainsi, Mme
Gouttenoire-Cornut fait valoir que le contenu des documents est trop délicat
pour qu’ils soient consultés sans contrôle : il faut en effet permettre au juge
et aux travailleurs sociaux d’entretenir avec les parents des rapports
favorables à une évolution et, pour ce faire, entourer d’un maximum de
précaution la consultation du dossier. Selon elle, dans la mesure où les parties
peuvent saisir un avocat, il est toujours possible d’accéder aux pièces et
observations du juge par son intermédiaire. La présence de l’avocat ne doit pas
être un obstacle à l’accès au dossier mais plutôt une précaution destinée à
favoriser le bon déroulement de la procédure[238].
2) Les partisans d’un strict respect des exigences
formelles
a- L’intérêt d’un accès direct au dossier ou de la présence
obligatoire de l’avocat
D’autres, bien au contraire, sont
favorables au respect strict et formel du contradictoire, c’est-à-dire à un
accès direct des familles au dossier ou à une présence obligatoire de l’avocat[239]. Constatant un
sentiment d’impuissance et d’humiliation chez certaines familles et un
non-respect des droits fondamentaux des parents, le rapport Naves/Cathala sur
les accueils provisoires et placements d’enfants propose de développer l’accès
au droit, en rendant notamment la présence de l’avocat obligatoire[240]. M.
Rosenczveig estime que les critiques
émises par les rapporteurs sont fondées et qu’il existe effectivement des
garanties essentielles et formelles que l’on ne peut retirer aux parents comme
l’accès au dossier, l’organisation d’un vrai débat judiciaire, l’obligation de
motiver toutes les décisions ou encore la nécessité de recevoir les famille dès
la saisine du juge[241].
Au delà de la portée qu’il faut ou non
accorder aux arrêts successifs de la Cour européenne des droits de l’homme, M.
Huyette considère que permettre à un citoyen d’accéder à son dossier, c’est
l’inviter à participer pleinement à la procédure qui le concerne. C’est aussi
favoriser l’émergence d’un débat plus riche, plus serein car plus équilibré
(c’est aussi l’avis de la Cour d’appel de Lyon dans l’arrêt précité)[242]. En assistance
éducative, il faut mobiliser les parents pour qu’ils assurent leur défense et
par ricochet, qu’ils redressent leur situation personnelle et familiale.
L’argument selon lequel il est préférable que ce soit l’avocat qui lise le
dossier puis le transmette à la famille n’est pas convaincant : en effet, si
l’on estime que certaines informations sont confidentielles, il faudrait alors
les interdire à l’avocat ou empêcher ce dernier de les transmettre aux parents,
ce qui semble peu compatible avec sa profession qui est de rechercher les moyens
de défense les plus efficaces. De plus, si l’on interdit certaines informations
aux familles, c’est qu’elles sont très critiques. Or ce sont spécialement ces
informations qui vont leur être reprochées à l’audience puis être mentionnées
dans la décision. On imagine mal que ces éléments essentiels soient tenus hors
du débat. Enfin le dernier argument développé par M. Huyette est que certaines
informations, interdites dans une procédure d’assistance éducative, seront
accessibles devant le juge aux affaires familiales ou le juge d’instruction si
le famille concernée fait également l’objet d’une procédure de divorce ou d’une
procédure pénale[243]. Comment
expliquer aux parents cette incohérence de l’institution judiciaire ? Néanmoins,
si le principe de l’accès au dossier est effectivement admis, cela implique un
bouleversement des pratiques liées à la rédaction du dossier.
b- Le problème du contenu du dossier
Mme Gouttenoire-Cornut
observe qu’il s’agit de la principale difficulté parce qu’actuellement, certains
éléments ne sont même pas versés au dossier et sont transmis directement par le
juge aux travailleurs sociaux[244]. Cette pratique
n’est nullement conforme au principe du contradictoire et au respect des droits
de la défense. De plus, si les professionnels refusent l’accès des parents à
leur dossier, c’est aussi parce que certains d’entre eux émettent des
commentaires sur leur façon de vivre, parfois de façon approximative, hâtive,
peu argumentée et avec un vocabulaire inapproprié et blessant[245]. Cette critique
peut paraître abrupte mais M. Huyette en donne des illustration très concrètes[246] : l’on constate
à la lecture de ces exemples que certaines phrases peuvent prêter à confusion et
cela aura, pour les parents, une incidence certaine. En effet, le juge peut-il
prendre une mesure d'assistance éducative appropriée si les rapports sur lesquels il se base sont
ambigus ? Les mots ont parfois des effets dévastateurs, d’autant que les
personnes concernées sont déjà accablées par une succession de difficultés
personnelles, familiales ou sociales.
C’est pourquoi il faut faire
apparaître précisément tous les éléments importants qui caractérisent le
danger et éviter les détails et anecdotes inutiles. De plus, les travailleurs
sociaux doivent mettre en avant ce qui fonctionne bien (en quelques mots) et
détailler ce qui ne fonctionne pas correctement, selon des thèmes différenciés[247]. A l’appui des
affirmations, M. Huyette préconise de justifier les remarques par des exemples,
pour que le juge soit en mesure de les vérifier ou de demander des explications
aux parents. En la matière, il est vrai que la subjectivité est grande et pour
que le juge des enfants puisse motiver sa décision, les rapports qu’il ordonne
doivent être le plus descriptifs possibles.
Face à cette critique, les
professionnels répondent qu’ils n’ont jamais eu de formation à l’écriture et
qu’en outre, si certains juges leur demandent des rapports courts, d’autres leur
demandent aussi d’éviter les exemples concrets ou une rédaction particulière. Il
faut donc admettre que si une formation à la rédaction s’impose, il faudra au
préalable fixer les objectifs à atteindre et éviter les cas par cas[248]. Pour M.
Rissmann, la mission des professionnels du travail social est complexe et ne
mérite pas ces « jugements de valeur à l’emporte pièce » : selon lui, hormis
quelques écrits rédigés dans la précipitation et sans recul suffisant (c’est
avant tout un déficit dans l’évaluation), les écrits des professionnels ont
acquis une « grande maturité de rigueur » et une objectivité dans l’analyse[249]. Il est vrai que
l’intervention du travailleur social est délicate car il doit prendre en compte
le temps qui lui est laissé pour évaluer la situation, la distance qu’il doit
installer avec la personne contrôlée et les limites qu’il ne doit pas franchir.
L’écrit est à la fois le « produit d’une commande et l’expression d’un discours
professionnel et personnel », ce qui implique une sélection des informations ou
une classification spécifique des données[250].
Cette question du contenu des
écrits devra être traitée rapidement et en priorité si l’on admet l’accès des
parents à leur dossier. En effet, si les rapports contiennent des critiques
imprécises, des phrases générales et infondées ou un vocabulaire vague, la
réaction des familles sera forcément vive et … malheureusement justifiée. Des
critiques dures mais précises et nuancées sont souvent mieux acceptées que des
critiques expéditives en quelques mots,
qui sont pour les parents une marque de déconsidération. La qualité des
relations entre les principaux acteurs de la procédure (juge des enfants,
éducateurs et familles) et l’efficacité de la mesure d'assistance éducative en
dépendent : les père et mère auront ainsi l’impression d’avoir une véritable
place dans la procédure. Reste alors à
se déterminer sur l’organisation de l’accès au dossier : là encore, il existe
des divergences.
B. Les divergences quant à l’organisation de l’accès au
dossier
1) Les partisans d’une consultation sur
place
Dans cette hypothèse, les parents
seraient autorisés à se déplacer au greffe du tribunal pour enfants avant
l’audience, pour consulter leur dossier. Il y a alors un choix à faire entre la
communication « minimale », qui consiste à autoriser le justiciable à venir lire
le dossier au greffe sans qu’aucun exemplaire des documents écrits ne lui soit
remis, et la facilité maximale permettant au justiciable de lire le dossier et
de repartir chez lui avec une copie des pièces pour les relire[251]. Le principal
obstacle lié à une consultation sur place est matériel car la plupart des
greffes ne disposent d’aucun lieu pour recevoir plusieurs familles en même temps
et les greffiers n’ont pas le temps nécessaire pour s’occuper des parents qui
viennent lire le dossier. Ensuite, entre une simple lecture et la possibilité
qu’on leur donne de photocopier les documents, il y a une différence
fondamentale. Ainsi dans le premier cas, il est quasi impossible de préparer une
véritable défense et de mémoriser ce qui a été écrit dans les rapports et on
imagine mal les familles recopier sur des feuilles de papier le contenu de ces
rapports. Plusieurs lectures sont nécessaires, en un lieu choisi et propice,
afin d’aller plus loin dans le débat : la possibilité de repartir avec une copie
des pièces souhaitées serait donc une meilleure solution. Pourtant certains
auteurs y sont hostiles : M. Pradel par exemple considère (certes en procédure
pénale) que la possession par l’individu du document sur lequel figurent
certaines informations présente plus de risques que le fait d’avoir lui-même
recopié le texte sur un autre papier pour l’emporter chez lui[252] ; cette critique
pourrait être étendue au domaine de l’assistance éducative. Néanmoins, il s’agit
de la même information, qu’elle soit réécrite par le justiciable ou qu’elle
figure sur une copie. Il peu donc sembler opportun d’autoriser les père et mère
à demander une copie du rapport, bien que les tribunaux ne soient pas
actuellement prédisposés à accueillir l’arrivée « massive » de familles. Il
faudrait alors envoyer une copie des pièces aux
intéressés…
2) Les partisans d’un envoi systématique des copies aux
père et mère
Une deuxième possibilité consiste
à envoyer systématiquement un double des rapports aux parents : à l’occasion de
chaque envoi d’un rapport au tribunal pour enfants, le service éducatif
enverrait ou remettrait un exemplaire aux parents. Cela évite, selon M. Huyette,
tous les obstacles matériels et les familles n’auront pas à se déplacer
plusieurs fois au tribunal ; elles auront alors tout le temps nécessaire pour
lire et relire le rapport avant l’audience. La consultation sur place serait
uniquement nécessaire pour les autres pièces du dossier, telles que les lettres
envoyées par un membre de la famille, un voisin, un médecin ou enseignant, ces
documents étant en général peu nombreux. Notons que les rapports d’expertise et
les rapports d’enquête sociale du juge aux affaires familiales sont déjà
transmis aux intéressés[253] : il n’y a donc
pas plus de risques à transmettre le dossier en assistance éducative.
Cette proposition a été critiquée
au motif que certaines personnes, comparaissant devant le juge des enfants,
n’étaient pas en mesure ou en état de recevoir des pièces du dossier et qu’elles
pouvaient même attiser les conflits en rendant publics ces rapports. Ce à quoi
M. Huyette répond que « l’on exagère beaucoup les incapacités des familles. Ce
sont des gens raisonnables et capables de délicatesse, à condition qu’on les
mette en situation d’exprimer le meilleur d’eux-mêmes »[254]. Et l’obstacle
principal est là.
Quoi qu’il en soit, cette solution
consistant à envoyer les copies des rapports aux familles implique un
bouleversement rapide des pratiques. Les travailleurs sociaux n’écriront pas de
la même façon s’ils savent à l’avance que les parents liront attentivement
chaque paragraphe, chaque mot. Les affirmations hâtives et hasardeuses seront
peut-être évitées mais on peut également craindre que cela provoque une
autocensure de l’écrit chez les équipes éducatives, qui réserveraient certains
éléments du dossier au juge dans le cadre d’une information orale et non
contradictoire[255]. Dans ce cas, les droits des père et mère
seraient encore moins respectés.
3) L’avocat : un intermédiaire indispensable ?
Si l’on estime que les parents ne
pourront pas eux-mêmes assurer leur défense par le biais d’un envoi systématique
des copies ou par une consultation sur place du dossier, c’est que l’on
considère que la présence de l’avocat est obligatoire en assistance éducative.
Certains auteurs sont d’avis que sans avocat, il n’y a pas de droits de la
défense[256] et que ce
dernier est l’intermédiaire indispensable pour que les parents soient à même de
se défendre. Dans ce cas, le problème est le même car on ne pourra pas interdire
la divulgation de certaines informations à l’avocat ou l’empêcher de les
transmettre aux parties. De plus, actuellement, le rôle des avocats est
doublement limité : à la fois dans le temps puisqu’ils ne peuvent accéder au
dossier qu’entre la fin de l’instruction et l’audience mais aussi matériellement
puisqu’ils ne peuvent pas faire de copies des pièces[257]. Manifestement
la présence obligatoire de l’avocat permettrait une meilleure reconnaissance des
droits des parents dans la procédure d’assistance éducative mais il n’en demeure
pas moins qu’il faut former ces avocats, leur permettre de comprendre les
problèmes familiaux et personnels des parents. Il ne faudrait pas que la
présence de l’avocat ait l’effet inverse, c’est-à-dire que cela disqualifie les
travailleurs sociaux et que cela transforme la procédure, plaçant ainsi l’enfant
au centre du terrain, entre parents, éducateurs et juge[258]. Il faut éviter
que l’intervenant social ne devienne l’adversaire et que l’on retrouve une
procédure « demandeur contre défendeur » alors qu’il faut protéger
l’enfant.
Si l’on parvient à éviter ces
dérives, l’avocat a un rôle fondamental à jouer car il peut faire tiers entre le
juge et les parents, rendre accessible un discours juridique souvent très
éloigné des cultures des familles et rendre audible la parole des parents devant
le juge des enfants. L’avocat peut à la fois mettre en valeur les potentialités
et capacités des parents, les aspects positifs, mais aussi rassurer ces derniers
par sa présence bienveillante. Ainsi cette présence obligatoire de l’avocat
permettrait de mieux garantir le principe du contradictoire, instaurant ainsi
une certaine distance entre les équipes éducatives et le juge des enfants lequel
ne doit pas seulement avoir l’avis des éducateurs. Les avocats seront peut-être
plus objectifs, plus prudents et cela obligera le magistrat à affiner sa
réflexion[259]. Face à ces
divergences, quelles sont les propositions concrètes qui ont abouti ?
§ 2 : Les
solutions retenues par le rapport Deschamps
Les arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme et celui de la Cour d’appel de Lyon ne sont pas passés
inaperçus au ministère, déjà interpellé par l’association ATD Quart-Monde
représentant les familles[260]. Ainsi en avril
2000, Elisabeth Guigou, alors Garde des sceaux demande à un groupe de travail
(animé par Jean-Pierre Deschamps, président du tribunal pour enfants de
Marseille) d’examiner l’opportunité de modifier le nouveau Code de procédure
civile, afin de permettre un accès des parents au dossier, qu’ils soient ou non
assistés d’avocats. Un rapport intitulé « Le contradictoire et la communication
des dossiers en assistance éducative » (plus communément appelé rapport
Deschamps) et comportant une série de propositions est remis le 20 janvier 2001
au Gouvernement[261]. Les rapporteurs
ont dû prendre en compte toutes les objections des praticiens, en observant que
les divergences dans le débat étaient avant tout « révélatrices d’une volonté
générale d’assurer un meilleur service public respectueux des droits et de
l’intérêt du mineur et de ses parents ». Au final, le rapport préconise
une modification de la culture de l’assistance éducative, non pas dans une
optique de confrontation mais plutôt dans un souci de collaboration, pour inciter les parents à se mobiliser et
mettre fin à la mesure d'assistance éducative le plus rapidement possible.
A. Une amélioration générale de l’information des père et
mère
Il s’agit clairement de donner toute sa place
à l’autorité parentale afin de renforcer les droits des parents. Plusieurs
objectifs sont mis en avant par les rapporteurs[262] :
- tout d’abord garantir les droits
des familles tout au long de la procédure, en imposant une information rapide
des parents : il doit ainsi être mentionné sur la convocation la possibilité
d’être assisté d’un avocat et de consulter le dossier au greffe ;
- ensuite permettre aux parents
d’accéder au dossier sans subordonner cette consultation à la présence d’un
avocat. Cependant certaines pièces pourront, en cas de danger, être écartées par
le juge par décision motivée et susceptible d’appel ;
- renforcer les garanties en cas
de placement provisoire, en encadrant davantage cette mesure qui est la plus
douloureusement ressentie par les familles (parce que prise sans aucune
garantie). Il est donc proposé une audition rapide des parents quand la mesure a
été ordonnée en urgence, sans audition préalable par le procureur de la
République ou par le juge des enfants. De plus il est prévu un examen rapide par
les cours d’appel des décisions de placement provisoire ;
- enfin rendre véritablement
contradictoire la procédure d’assistance éducative ce qui aura, notent les
rapporteurs, des conséquences importantes sur les pratiques actuelles des
magistrats et services éducatifs, notamment quant au contenu des écrits. L’enjeu
d’une telle réforme exige que des mesures d’accompagnement soient mises en
place.
Les propositions relatives à
l’audition et l’information des parents pendant la procédure ainsi que celles
concernant l’amélioration des garanties en cas d’urgence ont été antérieurement
étudiées[263]. Il s’agit donc
ici de préciser les modalités d’accès au dossier qui ont été retenues.
Constatant que l’interdiction d’accéder directement au dossier ne permet pas un
véritable débat contradictoire, que cela
affaiblit l’impartialité du juge et que les familles ne peuvent pas élaborer une
parole, les rapporteurs posent pour principe la possibilité pour les parents
d’accéder directement à leur dossier au secrétariat-greffe. Pour ce faire, les père et mère doivent en
faire la demande et le juge des enfants peut leur proposer un avocat ou un
accompagnement par un mandataire agréé pour consulter le dossier avec eux.
Cependant, compte tenu de la spécificité de la procédure, une exception de
prudence autorise le magistrat, lorsque les parents ne sont pas assistés, à
écarter la consultation des pièces qui peuvent mettre le mineur en danger
physique ou moral grave (par exemple la révélation brutale d’un secret de
famille ou lorsque la famille souffre de pathologies). Seul un contexte
favorable peut, à terme, les autoriser à consulter ces pièces (après une
thérapie ou un travail éducatif). Les solutions relatives à la présence
obligatoire de l’avocat et à l’envoi des copies des rapports aux parents
eux-mêmes ont donc été rejetées et les rapporteurs ont trouvé un équilibre entre
tous les avis, ménageant les craintes des uns, prenant en compte les
recommandations des autres.
Cette consultation personnelle du
dossier par les parents pose, nous l’avons vu, une difficulté essentielle liée à
la rédaction des rapports. C’est pourquoi les rapporteurs préconisent également
une formation spécifique des travailleurs sociaux relative à la qualité des
écrits. Il importe que les éducateurs soient compréhensibles et qu’ils
s’adaptent à cette nouvelle donne, sans pour autant se censurer ou amoindrir la
pertinence de leurs informations. Le rapport émet également le vœu que soit
prévue une formation particulière des avocats, adaptée à la défense des mineurs
et des familles en assistance éducative, matière peu valorisée actuellement. De
plus, pour aider les familles à comprendre le contenu des rapports éducatifs
ainsi que les procédures judiciaires, il faut qu’elles soient accompagnées :
dans le cadre des dispositifs déjà existants tels que les points d’accès au
droit, les maisons de justice et du droit (MJD) ou les antennes de justice, il est nécessaire d’encourager la création de
services d’accueil pluridisciplinaires axés sur l’accès au droit des familles
dans le domaine de l’assistance éducative. Le ministère pourrait notamment
favoriser la signature de conventions Justice, Barreau, Conseil Général, PJJ ce
qui assurerait un caractère pluridisciplinaire à ces structures. Enfin la
consultation sur place par les familles ne pourra s’effectuer que si les greffes
sont en mesure de mettre en œuvre cette réforme (moyens matériels, en personnel
…). Les propositions étant faites, reste à élaborer un texte : ceci devrait être
fait au début de l’année 2002.
B. Un rapport suffisant ?
Le rapport Deschamps n’a pas
encore suscité suffisamment de commentaires pour qu’il soit possible d’en faire
la synthèse. Certains magistrats ont rapidement réagi, considérant que ce
rapport ouvrait la porte à une réforme essentielle et urgente, dans la mesure où
la première condamnation de la Cour européenne datant de 1995…[264]. M. Huyette,
quant à lui, estime que ce rapport est « utile », parce qu’il met en lumière les
insuffisances des règles et pratiques actuelles. Dès l’introduction du rapport,
la Commission Deschamps admet que la mesure d'assistance éducative porte
atteinte aux droits fondamentaux des parents et que cela est générateur de
traumatismes. Les propositions faites sont des avancées et ce rapport est le
point de départ d’un processus devant aboutir à une modification de la loi de
1970 et de son esprit. Néanmoins, le rapport Deschamps est, selon M. Huyette,
« insuffisant » : ainsi, il ne faut pas exclure certaines pièces du
dossier, qui plus est en fondant cette exclusion sur le danger car ce critère
est inadapté. En effet, il suffira au parent à qui le juge a interdit l’accès
d’une pièce de prendre un avocat qui ira lire la pièce en question et lui en
rapportera le contenu. De plus, le déplacement des familles au tribunal pour
enfants occasionne certaines difficultés : d’abord, les parents n’auront pas, au
cours de l’audience, en mémoire les éléments du dossier qu’ils ont consultés ;
ils hésiteront peut-être à demander une consultation car le tribunal est un lieu
où ils sont souvent mal à l’aise et où ils se sentent surveillés. De plus,
comment seront-ils prévenus de l’arrivée de nouvelles pièces ? Leur temps de
consultation sera-t-il limité ? Pour M. Huyette, l’envoi systématique des copies
des pièces aux intéressés est la meilleure solution. Enfin, la question
essentielle selon lui n’est pas abordée à savoir celle de la qualité des écrits,
du travail éducatif mené et des relations entre professionnels et parents.
Certaines propositions sont donc techniquement irréalisables et sont même
parfois source de difficultés supplémentaires[265].
Il reste donc des efforts à faire
pour que les parents trouvent une véritable place dans la procédure d’assistance
éducative face aux éducateurs et au juge des enfants. Mais les parents ne sont
pas que des justiciables ; ce sont aussi et avant tout les « père et mère » d’un
enfant en danger et il convient, dans une seconde partie, d’étudier quelle sera
l’incidence de l’exécution de la mesure d'assistance éducative sur leur droit le
plus « précieux » c’est-à-dire leur autorité
parentale.
2ème PARTIE :
L’INCIDENCE DE L’EXECUTION
DE LA MESURE SUR LE DROIT DES PERE ET MERE
« Le mineur a besoin d’appui et de
soutien, ce qui explique que les premières années de sa vie soient confiées aux
soins de ceux qui la lui ont donnée, c’est-à-dire les père et mère ». Tels sont
les mots prononcés par Cambacérès lors de la rédaction du Code civil de 1804 et
qui seront repris par M. Chazelle lors des débats relatifs à la réforme de
1970[266]. Mais cette
autorité confiée aux parents n’est pas seulement un droit, c’est aussi un devoir
éducatif, ce qui justifie l’intervention des pouvoirs publics en cas de
défaillance. Par définition, l’assistance éducative sera la mesure la moins
grave en termes d’atteinte portée à l’autorité parentale et il convient dès lors
d’en mesurer la portée.
Lorsque la loi du 4 juin 1970
remplace la puissance paternelle par l’autorité parentale, on constate en matière d’assistance éducative
un déplacement de l’intérêt de l’enfant vers celui de ses parents. Dans cet
esprit, le législateur prend soin de préciser que, lors de l’exécution de la
mesure d'assistance éducative, les père et mère conservent en principe sur
l’enfant leur l’autorité parentale. Tel
est encore le principe posé par l’article 375-7 du Code civil relatif à
l’incidence de la mesure sur l’autorité parentale. Le juge des enfants ne peut
donc pas porter atteinte à l’autorité parentale (Chapitre I).
Cependant, en poursuivant la
lecture du texte, la distorsion entre le principe et son application apparaît
immédiatement [267] : les parents
« exercent tous les attributs qui ne sont pas inconciliables avec l’application
de la mesure ». Ainsi si le juge décide de confier l’enfant à un tiers, ce
dernier devra exercer tous les pouvoirs
qui paraissent utiles ou nécessaires. Ceci équivaut donc en pratique à une
restriction de l’autorité parentale (Chapitre II). Une fois encore, il importe
de mettre en avant le décalage qui existe entre la théorie et la réalité.
CHAPITRE I : UNE
INCIDENCE LIMITEE DANS LES TEXTES
Les parents conservent donc,
malgré la mesure d'assistance éducative, leurs prérogatives parentales, dans la
mesure toutefois où l’exercice de celles-ci n’est pas incompatible avec la
mesure judiciaire (article 375-7 alinéa 1er du Code civil).
L’affirmation est claire mais elle appelle des précisions. En effet, il n’existe
pas une seule mesure d'assistance éducative et le juge des enfants en a toute
une « gamme » à sa disposition. Ainsi il peut maintenir l’enfant dans son milieu
actuel et désigner un service spécialisé chargé d’aider et conseiller la
famille ; il peut également retirer l’enfant à ses parents si cela est
nécessaire. Selon les cas, l’atteinte à l’exercice de l’autorité parentale sera
plus ou moins grave. Il conviendra, dans un premier temps, d’étudier quelle est
l’incidence d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert sur le droit
des parents (Section 1), avant de voir quelle sera l’incidence d’un placement
provisoire de l’enfant sur l’autorité parentale (Section 2).
SECTION 1 :
EN CAS D'ASSISTANCE EDUCATIVE EN MILIEU OUVERT
L’atteinte à l’autorité parentale est effectivement moindre lorsque le juge ordonne une action éducative en milieu ouvert (AMEO) car la mesure prend la forme d’un simple contrôle : le mineur est maintenu dans son milieu familial d’origine et il demeure sous la garde et la surveillance de ses père et mère. Un service est seulement chargé d’apporter aide et conseil à la famille et de suivre le développement de l’enfant. A priori, il n’y a donc aucune incidence véritable sur les attributs parentaux et pourtant on constate que cette immixtion des services éducatifs dans la sphère familiale porte malgré tout atteinte à l’autorité parentale.
SOUS-SECTION 1 : LE MINEUR TOUJOURS SOUS DEPENDANCE DE
L’AUTORITE PARENTALE
Il convient tout d’abord de rappeler l’importance accordée à l’autorité parentale en droit français[268] et les conséquences que cela implique au regard des limitations légales prévues. Ceci justifie d’ailleurs la priorité qui est accordée au maintien de l’enfant dans son milieu et la volonté de préserver au maximum les attributs parentaux.
§1 : La place de l’autorité
parentale en droit français
L’expression d’autorité parentale
vient du latin « auctoritas », qui symboliquement indique tout ce que représente
le fait de se reconnaître auteur de l’enfant. Cette notion a évolué : en
1970, on est passé de la puissance paternelle, laquelle trouvait naissance dans
la « patria potestas » romaine, à l’autorité parentale et ce changement
d’appellation a eu des effets considérables sur la vision de l’assistance
éducative. En effet, en repensant cette conception classique de la puissance
paternelle, le législateur a été incité à mieux définir la fonction d’autorité,
axée sur un but de protection de l’enfant et à prévoir précisément quelles
seraient les limitations que la fonction d’autorité devrait subir en cas
d’abus[269].
A.
L’évolution : de la puissance
paternelle à l’autorité parentale
A l’origine, il s’agissait
d’une puissance et non d’une autorité, ce qui évoquait la
« potestas » romaine, c’est-à-dire un pouvoir de domination sur la personne des
enfants donné au père en tant que chef de famille. En choisissant le terme d’autorité, le
législateur a entendu mettre fin à cette idée de pouvoir, laquelle suppose un
rapport de forces. Juridiquement, l’autorité parentale évoque désormais un
espace symbolique d’échange entre parents et enfants, avec une nuance
d’influence morale qui n’existe pas dans la notion de pouvoir[270]. L’autorité
parentale peut être définie comme l’influence ou la considération accordées par
la loi aux parents sur leurs enfants. Plus précisément, il s’agit d’un ensemble
de droits et de devoirs, ce que l’on nomme une fonction pour qualifier tout ce
qui n’est pas droit pur ou obligation pure[271]. Ces droits et
devoirs doivent être exercés dans l’intérêt de l’enfant. D’autre part, la loi du 4 juin 1970 a
remplacé le mot « paternel » par celui de « parental » ; en effet, il
apparaissait choquant à l’époque que la France, qui citait l’égalité parmi ses
plus grands principes, fasse encore une différence entre citoyens de sexes
différents.
L’allusion à l’auteur (« auctor »)
est indispensable car non seulement la loi attribue l’autorité parentale aux
seuls père et mère mais elle leur en impose l’exercice en raison du lien de
filiation qui les unit à l’enfant. L’autorité parentale n’est que la conséquence
de la reconnaissance de la filiation. Ceci explique notamment le principe
d’indisponibilité de l’autorité parentale : il s’agit d’une fonction, d’un
devoir et donc seule une loi d’ordre public peut en attribuer l’exercice. Si la
volonté privée doit intervenir pour modifier l’autorité parentale, cela ne peut
se faire que dans le cadre d’une jugement[272].
Cette relation entre l’autorité
sur l’enfant et le lien de filiation est historiquement apparue sous l’influence
chrétienne[273], et le droit
français contemporain est toujours marqué par cette vision. Ainsi il est
juridiquement impossible de transférer, même provisoirement, à un membre de la
famille ou à un tiers cette autorité des père et mère. Certains auteurs ont mis
en avant les difficultés liées au rôle du tiers qui prend en charge un enfant et
qui va forcément intervenir en pratique dans son éducation alors que
juridiquement, il n’est titulaire d’aucune autorité[274]. La relation
existant entre l’autorité parentale et le lien de filiation est donc
actuellement contestée et nous reviendrons sur ces difficultés dans les
développements ultérieurs[275].
B.
Les limitations légalement
prévues
Au départ, la puissance paternelle
était considérée comme un pouvoir discrétionnaire et intangible mais dès le
19ème siècle, les tribunaux se sont octroyés le pouvoir d’en
contrôler l’exercice et d’en modifier l’attribution. Il s’agissait alors d’un
contrôle de pur droit civil[276], consistant en
cas d’abus à confier la garde et l’éducation de l’enfant à la mère, à un parent,
voire à un établissement scolaire. Peu à peu, des limitations légales à
l’exercice de la puissance paternelle comme l’assistance éducative ou la
déchéance vont être admises et la loi du 4 juin 1970 est venue préciser ces
mesures, leur domaine, les critères d’intervention ainsi que leur incidence sur
l’autorité parentale[277].
Dans sa présentation, le Code
civil met actuellement en avant une gradation[278], allant de la
moins à la plus grave mesure, en termes de conséquences dans les atteintes que
le juge peut porter à l’autorité parentale. Ainsi, la structure du chapitre
consacré à « l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant »[279] fait apparaître
quatre sections :
-
la première précise les droits des parents sur leurs enfants
mineurs ;
- la deuxième concerne
« l’assistance éducative », qui consiste en un contrôle de l’exercice des droits
des père et mère en cas d’action éducative en milieu ouvert et en une limitation
partielle et temporaire de l’exercice de certains droits en cas de placement ;
- la troisième section présente la
« délégation d’autorité parentale », où les parents perdent
provisoirement tout ou partie de leur droits[280] ;
-
enfin la quatrième est relative au mécanisme de la « déchéance de l’autorité
parentale » (l’expression a été remplacée en 1996 par celle de « retrait
d’autorité parentale »), qui prive les parents de tout ou partie de leurs
droits en cas de délit ou crime sur l’enfant, de comportement très dangereux ou
en cas de désintérêt lorsque l’enfant est placé[281].
Dans ce tableau, l’assistance éducative apparaît nettement comme la
mesure aux conséquences juridiques les plus faibles, en raison notamment du
principe posé par l’article 375-7 alinéa 1 du Code civil qui prévoit que les
père et mère conservent les attributs qui ne sont pas inconciliables avec
l’application de la mesure au cas de placement du mineur[282]. A fortiori, en
cas de mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, les atteintes portées à
l’autorité parentale ne sont donc qu’exceptionnelles. Cela explique l’intérêt
d’une mesure en milieu ouvert.
§ 2 : L’importance accordée à l’aide éducative en milieu
ouvert
Le juge des enfants doit, chaque fois qu’il est possible, maintenir l’enfant dans son milieu et ordonner une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert. Il convient d’étudier la priorité accordée au maintien du mineur chez ses parents avant d’envisager quel est le sens de l’action éducative.
A. Le maintien de l’enfant dans son milieu
naturel
C’est une priorité pour le
magistrat mais il a tout de même fallu préciser la notion de milieu
actuel.
1)
Une priorité pour le juge des
enfants
En 1970, la volonté du législateur
est de faire du maintien de l’enfant dans sa famille le principe, celui-ci ne
pouvant être contredit que s’il est absolument nécessaire de procéder autrement.
Ainsi à la formule « toutes les fois que le mineur peut être maintenu… », est
substituée celle selon laquelle « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit
être maintenu… »[283], ce qui prouve
un souci de fermeté[284]. Insistant sur
les conséquences psychologiques que peut entraîner un placement pour l’enfant,
le législateur considérait alors que la meilleure solution consistait à
contrôler, tout en maintenant le mineur auprès de ses proches.
Cette règle qui donne priorité au
maintien de l’enfant dans son milieu est également prévue au niveau
international, puisque la Convention internationale sur les droits de l’enfant,
adoptée par l’Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989, consacre le
droit pour l’enfant d’être élevé par ses parents ainsi que le droit à une vie
familiale normale [285]. Ce droit de
l’enfant d’être maintenu dans sa famille d’origine est également proclamé par la
Convention européenne des droits de l’homme dans ses articles 8 et 12. S’il est
prévu que l’Etat conservera une marge d’intervention pour protéger l’enfant,
cette ingérence dans la sphère familiale est strictement encadrée, l’enfant
ayant, en cas de placement, le droit de garder contact avec ses parents et à
terme de retourner chez eux[286].
2)
La notion de milieu
actuel
Dans l’esprit du législateur, le
milieu actuel, tel que cité par l’article 375-2 du Code civil, est à la fois le
milieu familial de l’enfant et le milieu dans lequel il vit, ce qui est le cas
le plus fréquent[287]. En effet, par
principe et selon l’article 371-3, « l’enfant ne peut, sans permission de ses
père et mère, quitter la maison familiale et il ne peut en être retiré que dans
les cas de nécessité que détermine la loi ».
Néanmoins des difficultés ont
surgi à propos d’enfants vivant, au moment où le juge des enfants est saisi, non
pas chez leurs parents mais chez un tiers : le milieu actuel est-il dans ce cas
le milieu familial ou le milieu de vie ? Concrètement, il s’agit des cas où le
tiers gardien n’est pas judiciairement autorisé à s’occuper de l’enfant et qu’au
moment où les parents demandent que l’enfant leur soit restitué, le tiers refuse
cette restitution en invoquant l’absence de nécessité de retirer l’enfant de
« son milieu actuel ». La Cour de cassation a, dans cette hypothèse, refusé de
dissocier le milieu de vie de l’enfant et son milieu familial : ainsi dans un
arrêt du 4 juillet 1978, elle considère que le milieu actuel au sens de
l’article 375-2 du Code civil est en principe le milieu familial naturel de
l’enfant[288]. Certains auteurs ont considéré, en raison de
l’emploi des termes « en principe », que la Cour de cassation avait voulu
laisser ouverte la possibilité de dissocier milieu actuel et milieu familial et
avait voulu donner une marge de manœuvre aux juges du fond[289]. Mais aucune
dissociation n’a à ce jour été admise par les tribunaux.
Pourtant la haute juridiction
autorise les juges du fond à ordonner une mesure en milieu ouvert ou un
placement même si l’enfant n’a pas été effectivement présent dans son milieu
familial au moment de la prise de décision[290]. Pour ce faire,
elle se fonde indistinctement sur les articles 375-2 (AEMO) et 375-3 du Code
civil (placement), l’application de ce dernier texte n’étant pas subordonnée à
la présence effective du mineur dans son milieu familial naturel. En effet, il
est des circonstances où les besoins actuels de l’enfant exigent qu’il soit
maintenu dans sa famille d’accueil parce
qu’il apparaît dangereux de le rendre immédiatement à ses parents[291]. Dans tous les
cas, cette action éducative en milieu ouvert présente de nombreux
avantages.
B. L’aide éducative en milieu
ouvert
Il s’agit d’une action sur
l’enfant et sur le milieu dont il dépend : selon l’article 375-2 du Code civil,
lorsque l’enfant est maintenu dans son milieu actuel, il faut « apporter aide et
conseil à la famille » afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales
qu’elle rencontre et « suivre le développement de l’enfant ». On parle de mesure
d’assistance éducative en milieu ouvert (ou AEMO). Il conviendra de mettre en
avant l’intérêt de cette mesure ainsi que la nature de la mission confiée aux
services éducatifs.
1) L’intérêt de la
mesure d’AEMO
Actuellement, il apparaît évident
de dire que l’action éducative concerne aussi bien les parents que l’enfant mais
il n’en a pas toujours été ainsi. En effet, pendant des décennies, les parents
qui rencontraient des problèmes familiaux et/ou personnels et dont les enfants
présentaient des troubles de personnalité ou des signes de marginalité étaient
considérés comment définitivement carencés et viciés[292]. L’intervention
mise en œuvre consistait essentiellement en une sanction et non en une aide car
on pensait que ces situations étaient insurmontables. Il a donc fallu une
véritable révolution idéologique pour réaliser que les adultes défaillants ont
eux-mêmes eu, dans leur passé, des incidents personnels et affectifs, qu’ils ne
sont peut-être pas suffisamment responsables et adultes et qu’ils n’ont pas su
(ou pu) mettre en œuvre leurs capacités éducatives. En tout cas, l’essentiel de cette aide
éducative est de permettre à cette famille de retrouver une nouvelle harmonie et
de favoriser un mieux-être des enfants grâce à une plus grande stabilité des
adultes qui l’élèvent.
2) La mission des services d’AEMO
Pour M. Deiss[293], lorsque le juge
ordonne une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, il donne mandat à
une personne ou un service pour aider une famille. Et parce que cette mesure
portera atteinte à l’autorité parentale[294], l’auteur
considère qu’il faut limiter la mission du mandataire à la seule surveillance
nécessaire pour protéger l’enfant par rapport à tel ou tel danger (la santé par
exemple). Il s’agirait donc d’un mandat spécial, ce qui limite finalement la
marge de manœuvre du magistrat.
Cependant, dans les faits, les
décisions du juge des enfants qui ordonnent une mesure d’AEMO ne sont que
rarement motivées et reprennent les diverses formules du texte[295] sous des formes
variables. Ainsi par exemple, il est possible de lire : « attendu qu’il
importe de prendre une mesure éducative pour suivre le développement de l’enfant
et apporter aide et conseil à la famille afin de surmonter les difficultés
matérielles et morales qu’elle rencontre… » ou encore « il résulte du
rapport établi par le service chargé de suivre la famille que le maintien d’une
aide éducative s’avère toujours nécessaire pendant une nouvelle période d’un
an... ». Parfois apparaissent quelques courtes phrases de motivation telles
que « attendu qu’il y a lieu de poursuivre l’AMEO pendant deux mois afin
d’évaluer les capacités de la mère à prendre en charge ses enfants et à les
protéger dans leur sécurité, leur moralité et leur santé … » ou bien
« attendu qu’il convient d’aider la mineure à renouer des relations avec son
père ; que ces relations doivent se faire en présence d’un tiers… » [296]. Les difficultés familiales, la nature du
danger ainsi que l’orientation précise de l’action éducative ne sont donc pas
toujours suffisamment explicitées, ce qui peut prêter à confusion.
3) Les personnes chargées de la mission
éducative
Le juge des enfants peut décider
de confier l’exécution de la mesure à un seul éducateur ou à une équipe du
service d’AEMO ; cependant la première option est rarement retenue, voire
méconnue par les juges car les candidatures individuelles sont inexistantes [297]. En outre, selon
M. Deiss, la situation, en général complexe, ne peut être réellement résolue que
grâce à l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire. La mission est confiée à
des organismes privés, juridiquement structurés en associations et habilités par
les départements ou par le ministère de la Justice, ou à des services du
ministère de la Justice, c’est-à-dire les services de la Protection
judiciaire de la jeunesse (PJJ) regroupés en « centres d’action éducative ». Le
juge des enfants a également la possibilité de confier les mesures d’AEMO au
service éducatif près du Tribunal de grande instance, composé d’un ou
plusieurs éducateurs spécialisés et dont la vocation s’exerce surtout au pénal
(investigations, mesures de liberté surveillée, contrôle judiciaire…). Par
conséquent, ils ont peu de temps à consacrer aux mesures en milieu
ouvert.
En réalité, le choix du juge des
enfants dépend de la surcharge ou non des services mis à sa disposition. Ainsi
il était fréquent, lorsque le juge décidait de confier une mesure d’AEMO à
l’aide sociale à l’enfance (ASE)[298], que celle-ci
sous-traite la mission à un autre service par manque d’effectifs. Récemment, la
première chambre civile de la Cour de cassation a décidé que le juge pouvait
« exiger » que la mesure soit spécialement exécutée par le service de l’ASE[299].
Malheureusement, il est regrettable, selon le commentateur de cet arrêt, que la
décision intervienne dans un contexte où manifestement il n’y a pas assez de
services pour exercer les mesures ordonnées par les juges des enfants. On peut
douter de l’opportunité de confier à un département l’exercice d’une mesure
d’AEMO, s’il n’a pas de service spécifique pour mener à bien cette mission.
En définitive, on constate tout l’intérêt
d’une action éducative en milieu ouvert : l’enfant est maintenu dans son milieu
naturel et un service va être chargé, en fonction des objectifs en principe
fixés par le magistrat et du danger
retenu, d’intervenir non seulement sur le mineur mais également sur ses parents.
Néanmoins, cette action ne porte-t-elle pas atteinte à leur autorité parentale ?
SOUS-SECTION 2 : UNE
ATTEINTE A L’AUTORITE PARENTALE
NON
NEGLIGEABLE
Quand le juge des enfants désigne
une personne qualifiée ou un service pour aider la famille, l’atteinte à
l’autorité parentale est apparemment limitée. Cependant, il faut que le juge
soit régulièrement tenu au courant de l’évolution de la situation par des
rapports, ce qui impose un contrôle poussé de la situation familiale par les
services éducatifs. Cette immixtion dans la sphère privée de la famille
n’est-elle pas quelque part une atteinte à l’autorité parentale ? De plus, le
juge peut, dans le cadre d’une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert,
imposer certaines obligations à la famille, afin de moduler les solutions et de
contribuer à leur efficacité ; ici encore, il s’agit d’une atteinte aux
prérogatives parentales.
§ 1 : Un contrôle fréquent par les services éducatifs et
par le juge des enfants
Les services éducatifs chargés de suivre la famille tiennent le juge des enfants régulièrement informé de l’évolution de la situation. Rappelons en effet que le magistrat continue de suivre l’exécution de la mesure et qu’il peut à tout moment la modifier ou l’interrompre. Ce suivi régulier a pour conséquence un double contrôle de la situation familiale, à la fois par les éducateurs mais également par le juge des enfants. N’y a-t-il pas de ce cas atteinte à l’autorité parentale ?
A.
La remise des rapports périodiques au juge
Pour aider la famille à surmonter
ses difficultés matérielles et morales et suivre le développement de l’enfant[300], le service
éducatif est tenu de rendre périodiquement un rapport au juge[301], ce rapport
étant rédigé conformément aux objectifs préfixés par le juge. La protection de
l’enfant est donc analysée prioritairement.
Ainsi, trois à six semaines après
l’attribution de la mesure, après plusieurs rencontres avec les membres de la
famille, le travailleur social doit définir les stratégies éducatives au sein
d’une réunion de l’équipe d’AEMO. Grâce à ce premier bilan permettant de
comprendre les dysfonctionnements et d’évaluer les risques et dangers encourus
par l’enfant, un projet d’action éducative est défini par l’équipe. Et à partir
de là, une réunion est prévue chaque semaine pour étudier l’évolution de la
situation : lors de cette évaluation, psychiatre, psychologue, chef de service,
travailleur social préparent un rapport d’échéance qui sera remis au juge des
enfants. A l’issue de la mesure, le juge reçoit le rapport final qui est pour le
travailleur social une possibilité de réflexion et d’évaluation de son action ;
le magistrat va alors commenter le rapport avec la famille et évaluer son
parcours, en renforçant éventuellement les moyens d’intervention ou en
définissant un autre contrat éducatif[302].
Cette intervention est délicate
pour les services d’AEMO car il faut s’efforcer de contribuer au maintien du
mineur dans son milieu, priorité pour tous et préserver l’unité du groupe
familial. Or la décision judiciaire est en même temps la reconnaissance d’un
état de danger avéré pour le mineur donc il faut aussi le protéger. Ainsi
l’intervention éducative comporte nécessairement des aspects de contrôle et de
surveillance de l’éducation de l’enfant, ce qui implique une certaine
« tutelle » des père et mère.
B.
L’incidence de ce contrôle : une « tutelle » des père et mère ?
Pour mieux comprendre la situation
de l’enfant, le travailleur social va s’immiscer dans la vie familiale, d’une
part en observant quels sont les relations qui se nouent entre les parents et
l’enfant, d’autre part en interrogeant l’entourage du mineur, c’est-à-dire les
enseignants, les médecins et tous les intervenants sociaux. Par exemple, les
familles ont souvent besoin d’être orientées vers des structures de soins, aptes
à les prendre en charge de manière thérapeutique. Le travailleur social devra
révéler ce besoin et convaincre la famille de se faire soigner psychologiquement
ou médicalement. Il devra parfois tenter de rapprocher les parents de
l’environnement social de l’enfant (école, services de santé, lieux de recherche
de travail)[303]. Ainsi, si au
premier abord les relations quotidiennes entre l’enfant et ses parents ne
semblent pas perturbées, il faut constater que sous couvert d’aide et de
conseil, il s’agit bien là d’un véritable contrôle de la fonction parentale qui
se met en place. Certes, l’atteinte portée aux prérogatives parentales est moins
importante qu’en cas de placement mais elle est réelle[304]. En donnant des
conseils, l’équipe éducative va intervenir indirectement dans l’éducation donnée
à l’enfant.
Ceci explique les réactions
diverses des familles face à la mesure en milieu ouvert : si certaines acceptent
la mesure d’accompagnement, se sentant valorisées ou reconnaissant un besoin
d’être aidées, d’autres y voient une « ingérence psychologique dans leur
fonctionnement familial »[305]. Il est
nécessaire d’instaurer une relation de confiance entre les membres de la famille
et le travailleur social, afin de donner pleine efficacité à l’action éducative.
Parfois les parents coopèrent facilement parce qu’ils savent qu’en cas d’échec,
le placement de l’enfant est toujours possible et cette sanction qui pèse
pendant toute la durée de la mesure d’AEMO contribue à son efficacité. Parfois,
le juge est amené à imposer certains obligations directement à la famille : dans
ce cas, l’incidence portée aux droits des parents est encore plus grave.
§ 2 : Les éventuelles obligations imposées par le juge
des enfants
Il est prévu la possibilité pour
le juge de subordonner le maintien de l’enfant dans son milieu à des obligations
particulières. Nous verrons quels sont les moyens mis à la disposition du juge
et comment ce dernier peut contrôler l’exécution de ces
obligations.
A. Les moyens mis à la disposition du
juge
Selon l’article 375-2 alinéa 2 du
Code civil, il est possible d’individualiser la mesure d’AEMO en subordonnant
le maintien du mineur dans son milieu à des obligations particulières telles
que, cite le texte, l’obligation de fréquenter un établissement sanitaire ou
d’éducation, ordinaire ou spécialisé, ou d’exercer une activité
professionnelle. Il ne s’agit là que
d’exemples et le magistrat peut imposer des obligations positives (par exemple,
faire soigner l’enfant et passer outre le refus des parents[306], l’obliger à
consulter régulièrement un médecin spécialisé s’il a des problèmes psychiques,
l’obliger à travailler …) ou encore négatives (par exemple, lui interdire
de fréquenter tel établissement, tel débit de boisson reconnu dangereux pour sa
santé ou lui interdire de quitter le territoire français …). Ces obligations
imposées par le magistrat ont une incidence sur l’autorité parentale puisqu’en
principe, dans le cadre de leurs attributs parentaux, les père et mère ont un
droit de garde, de surveillance et d’éducation[307]. Lorsque le juge
impose la fréquentation de tel établissement scolaire ou interdit au mineur de
quitter le territoire, il porte atteinte à ces attributs parentaux. Il s’agit
ici d’un contrôle renforcé car les père et mère se voient dicter une ligne de
conduite précise par le juge.
Il a même été admis que le juge
pouvait imposer des obligations directement aux parents, par exemple pour qu’ils
apportent des soins à l’enfant ou pour que ce dernier rencontre un médecin
spécialisé ou fasse une cure de désintoxication. M. Huyette justifie ces mesures
par le fait que ce sont les parents qui en principe doivent veiller à ce que
leur enfant aille à l’école ou se soigne[308]. En outre,
l’influence parentale peut inciter le mineur à respecter l’obligation imposée
par le magistrat.
Le problème s’est également posé
de savoir si le juge pouvait exiger des père et mère un acte particulier de leur
part pour rendre plus efficace la mesure d'assistance éducative. Ici il s’agit
d’une obligation qui les concerne eux et non leur enfant. Tout dépend de
l’interprétation que l’on donne à l’article 375-2 alinéa 2 du Code civil[309] : soit on estime
qu’il n’autorise le juge à ordonner des obligations qu’à l’égard du mineur ;
soit on considère que l’expression « telles que » autorise le juge à imposer
toute obligation jugée utile, tant aux parents qu’à l’enfant sans limitation.
Sur ce point, la jurisprudence est peu nombreuse mais elle semble accepter
l’idée d’obligations particulières imposées aux seuls parents[310].
Pour certains auteurs tels que M.
Renucci ou M. Huyette[311], il est parfois
nécessaire d’imposer directement à certains parents des actes positifs ou
négatifs : si par exemple, le juge leur impose de trouver du travail ou de
suivre une cure désintoxication, n’est-ce pas la meilleure façon de protéger
l’enfant si le chômage et l’alcoolisme sont à l’origine du danger[312] ? Cependant,
l’incidence sur le droit des père et mère est, dans ce cas, beaucoup plus
importante parce qu’il ne s’agit plus de leurs prérogatives parentales mais de
leur liberté individuelle. C’est pourquoi M. Renucci considère que le lien de
causalité entre le fait générateur du danger et le danger lui-même doit être
particulièrement net pour justifier de telles atteintes à la liberté[313]. Pour M.
Huyette, le juge ne doit pas fixer d’obligations trop rigides car dans certaines
circonstances, le problème pourra être résolu d’une autre façon et puis, il faut
laisser une certaine marge de manœuvre aux travailleurs sociaux pour apprécier
eux-mêmes les meilleurs moyens de soutenir la
famille[314]. Dans tous les
cas, imposer une obligation particulière directement à un parent est délicat car
l’adulte est une réalité plus complexe et en général, le débat judiciaire ne
fera apparaître que certains aspects de la personnalité. De plus, il importe que
le juge contrôle l’exécution de ces obligations et sanctionne éventuellement
leur non-respect.
B. Le contrôle du respect de ces
obligations
Lorsque le juge des enfants
subordonne le maintien de l’enfant à l’exécution de certaines obligations, les
parents s’efforceront de les respecter et feront éventuellement pression sur le
mineur pour qu’il fasse lui-même des démarches personnellement[315]. En effet, les
parents savent que derrière ces obligations, l’ombre du placement plane. Ce
n’est donc pas seulement une mesure incitative : on peut y voir une certaine
contrainte sur les parents qui risquent à tout moment de se voir retirer leur
enfant.
Cependant, le placement n’est pas
l’unique sanction et nous avons vu que le juge des enfants dispose d’un large
pouvoir d’appréciation pour modifier éventuellement la mesure. Le magistrat va
régulièrement contrôler l’exécution de ces obligations (il peut ici encore
exiger un rapport périodique relatif à l’exécution des obligations particulières
qu’il a ordonnées[316]) et il
appréciera librement quels sont les effets d’une inexécution totale ou
partielle. Pour démontrer qu’ils ont
bien exécuté les obligations qui leur ont été imposées, les père et mère devront faire la preuve qu’ils ont effectué les démarches, par
exemple que le médecin a examiné l’enfant, qu’ils se sont présentés à l’ANPE
pour trouver un emploi…Notons que la preuve est beaucoup plus délicate lorsqu’il
s’agit d’obligations négatives.
En somme, l’atteinte aux droits
des père et mère en cas d’AEMO est plus importante qu’il n’y paraît. De manière
générale, si l’attribution des droits afférents à l’autorité parentale n’est pas
remise en cause par la mesure en milieu ouvert, il s’agit tout de même d’un réel
contrôle judiciaire des modalités de l’exercice de cette autorité : les parents
ne sont plus maîtres de la situation et doivent, selon les cas, accepter
l’intervention de tiers ou respecter les obligations. Qu’en est-il lorsque le mineur fait l’objet
d’un placement provisoire ?
SECTION 2 : EN CAS DE PLACEMENT
PROVISOIRE DU MINEUR
Malgré la priorité qui doit être
accordée au maintien du mineur dans son milieu actuel, un éloignement du milieu
est parfois nécessaire pour faire cesser le danger et permettre à terme un
retour de l’enfant. Ce placement doit être exceptionnel car il entraîne une
atteinte évidente et inévitable à l’exercice des prérogatives parentales, du
seul fait de l’absence physique du mineur du foyer familial. Dans la plupart des
cas, c’est en effet la communauté de vie qui permet d’exercer pleinement
l’autorité parentale. Quel est le degré de l’atteinte portée à l’autorité
parentale lorsque l’enfant est placé ?
SOUS-SECTION 1 : LE
PRINCIPE DE CONSERVATION DE L’AUTORITE PARENTALE
Le principe posé par l’article
375-7 du Code civil est que les parents « conservent » l’autorité parentale sur
l’enfant malgré la mesure d'assistance éducative et en « exercent tous les
attributs qui ne sont pas inconciliables avec l’application de la mesure ». Tout le dispositif a donc été
conçu, non pas pour détruire l’autorité parentale mais au contraire pour
contribuer à l’affermir[317]. Cette
conservation de l’autorité parentale est propre au système français et c’est ce
qui le distingue notamment du système anglais de protection de l’enfance[318]. Quelles sont
les prérogatives concernées par le texte ? Peuvent-elles être toutes suspendues
dans la mesure où elles ne sont pas compatibles avec l’exécution de la
mesure ?
§ 1 : Les prérogatives principalement
concernées
Conformément au plan du Code
civil, il s’agira d’étudier les rapports personnels entre parents et enfants[319] avant
d’envisager les aspects patrimoniaux de l’autorité parentale concernés[320].
A. Les droits extra-patrimoniaux constituant l’autorité parentale
L’autorité parentale
est l’instrument juridique qui permet le gouvernement de l’enfant. L’article
371-2 fixe la finalité et le contenu de cette autorité : elle
« appartient aux père et mère pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa
santé et sa moralité. Ils ont à son
égard droit et devoir de garde, de surveillance et d’éducation »[321]. Cette autorité
n’est pas un pouvoir arbitraire : c’est une fonction, ce qui permet à des tiers
d’en contrôler l’exercice. Les termes de sécurité, santé, moralité sont
d’ailleurs ceux repris dans l’article 375 du même Code relatif à l’assistance
éducative. Il conviendra de distinguer
les prérogatives générales que sont les droits de garde, de surveillance et
d’éducation, et certaines prérogatives particulières qui ne sont pas soumises au
même sort en cas de placement.
1) Les prérogatives usuelles
Lorsque l’enfant vit avec ses
parents (ce qui correspond au schéma normal), garde et autorité parentale sont
concentrées dans les mains des père et mère qui l’exercent conjointement. La
garde se confond alors avec l’exercice des autres prérogatives que sont
l’éducation et la surveillance[322]. En réalité, le
droit de garde serait « le noyau autour duquel gravitent et s’ordonnent toutes
les autres prérogatives de l’autorité parentale, l’assise sur laquelle celle-ci
repose et qui leur confère efficacité »[323]. Parce qu’ils
ont la garde de l’enfant, les parents peuvent le surveiller et assurer son
éducation. Ces prérogatives sont confiées aux père et mère dans l’intérêt de
l’enfant, pour le protéger : ces derniers n’ont donc pas seulement des droits,
ils ont aussi des devoirs. Il convient de revenir sur chacune de ces
prérogatives générales qui constituent l’autorité parentale[324].
Tout d’abord, le droit de garde
est généralement défini comme comportant « la direction de la personne de
l’enfant, le droit de surveiller sa correspondance, ses relations, de lui
interdire tous rapports que les parents jugeraient dangereux ou inopportuns,
réserve faite du droit de visite à reconnaître aux grands-parents, le droit de
permettre ou d’interdire la reproduction publique de photographies de l’enfant,
le droit de veiller sur la mémoire de l’enfant et de régler sa sépulture »[325]. Dans cette
définition, garde et surveillance sont regroupées : en réalité, le droit de
surveillance apparaît au travers du contrôle de la correspondance, des
relations et activités de l’enfant, de son image et de la divulgation de sa vie
privée. Les parents peuvent également autoriser tous traitements médicaux ou
interventions chirurgicales. Notons que les père et mère ont aussi un devoir de garde et de
surveillance, dont la sanction est la responsabilité civile et solidaire pour
les dommages causés par l’enfant[326]. Le droit
d’éducation quant à lui permet aux parents de diriger l’éducation de l’enfant,
son instruction, sa formation professionnelle, civique et religieuse.
L’éducation est aussi un devoir qui est imposé aux parents, sous la forme de
l’obligation scolaire notamment.
Ainsi selon la nature du danger,
les parents ne pourront librement exercer que les prérogatives qui sont
conciliables avec le placement.
2) Les prérogatives
exceptionnelles
A côté de ces prérogatives
fondamentales, il en existe d’autres dites « exceptionnelles » parce qu’en
principe, les parents conservent en la matière une marge totale de liberté.
Ainsi ces prérogatives ne pourront être atteintes par la mesure d'assistance
éducative.
Tout d’abord il y a le droit de
consentir au mariage de la mineure (pour les garçons, la majorité est requise
sauf dispense pour motif grave accordée par le procureur de la République). Les
jeunes filles sont autorisées à se marier dès l’âge de quinze ans mais elles ne
peuvent contracter mariage avant leur majorité sans le consentement des père et
mère[327]. Ces derniers
disposent d’un droit totalement discrétionnaire et s’ils s’opposent au mariage,
aucun contrôle des raisons de ce refus n’est possible. La mesure d'assistance
éducative n’a donc aucune incidence sur ce droit, d’autant qu’il semble
difficile d’écrire qu’il y a danger pour la mineure à ne pas pouvoir attendre
l’âge de dix-huit ans avant de pouvoir se marier. Un autre droit entre dans la
catégorie de ces droits dits « discrétionnaires », traditionnellement opposés
aux droits contrôlés[328] : il s’agit du droit de consentir à l’adoption
du mineur[329], qui ne fait
l’objet d’aucun contrôle judiciaire, pas même lorsque l’enfant fait l’objet
d’une mesure d'assistance éducative.
Dans cette catégorie des
prérogatives exceptionnelles, on range habituellement le droit d’émanciper le
mineur mais en matière d’assistance éducative, il est susceptible de
contrôle contrairement aux droits de consentir au mariage ou à l’adoption du
mineur. En effet, l’article 375-7 du Code civil exige que les parents
demandent l’autorisation du juge des enfants avant d’émanciper l’enfant. La
solution est logique et se veut protectrice du mineur : mettant fin à l’autorité
parentale, l’émancipation entraîne inévitablement la fin de la mesure
d'assistance éducative[330] et elle pourrait
être demandée par des parents « plus soucieux d’échapper à la mesure
d'assistance éducative que de respecter l’intérêt de leur enfant »[331]. Certes depuis
la loi du 5 juillet 1974, le juge des tutelles contrôle lui aussi, de manière
générale cette fois, l’exercice du droit d’émancipation des parents, pour éviter
que la demande formée ne soit contraire à l’intérêt de l’enfant. On peut ici
douter de l’efficacité d’un double contrôle judiciaire alors qu’il s’agit d’une
hypothèse rare en pratique[332]. Rappelons que
de toute façon, les parents peuvent toujours consentir au mariage d’une jeune
fille en danger, le mariage emportant de façon automatique émancipation et donc
fin de la mesure d'assistance éducative. Contre cela, rien n’est possible et
aucun mécanisme de contrôle judiciaire ne permet de s’y opposer[333].
Enfin, les auteurs ont longtemps
été partagés sur le point de savoir si le droit pour les parents de consentir à
l’interruption volontaire de grossesse (IVG) de leur fille mineure était ou non
une prérogative exceptionnelle. En effet, les parents étaient toujours
sollicités pour consentir à l’IVG[334] et aucun tiers
ne pouvait s’opposer à un éventuel refus de leur part, quel que soit le motif du
refus et « même si cela avait pour but de nuire à leur fille en sachant qu’elle
souffre de la décision »[335]. La seule
intervention était envisageable en cas de grossesse pathologique, la nécessité
de l’accord des parents étant alors supprimée[336]. Or depuis la
loi du 4 juillet 2001[337], l’autorisation
parentale, lorsque la jeune fille est mineure non émancipée, n’est plus que
facultative[338]. Les députés ont
pourtant déposé un recours devant le Conseil constitutionnel, considérant que
cette dérogation à l’autorité parentale portait atteinte à la protection
constitutionnelle de la famille mais le Conseil constitutionnel a rejeté la
requête dans une décision du 27 juin 2001, au motif qu’il s’était déjà prononcé
sur la constitutionnalité de la loi[339]. De plus, sur ce
point, le Gouvernement a répondu que la loi palliait les situations de détresse
éventuelles de la mineure (obligation de poursuivre la grossesse du fait des
convictions des parents, inceste). En outre, le médecin doit toujours tenter de
convaincre la mineure afin qu’elle demande l’autorisation à ses parents, même si
dès le départ elle manifeste le désir de garder le secret [340].
On constate donc un recul des
droits dits discrétionnaires appartenant aux père et mère et par là même un
accroissement du contrôle judiciaire sur l’exercice des prérogatives parentales
extrapatrimoniales. Qu’en est-il du devenir des droits patrimoniaux en cas de
placement du mineur ?
B. Les droits patrimoniaux
1) Le droit d’administration et de jouissance des biens de
l’enfant
En principe, les père et mère ont
l’administration et la jouissance des biens de leur enfant, c’est-à-dire qu’ils
peuvent gérer son patrimoine et utiliser les revenus de ses biens[341]. Il s’agit
d’attributs de l’autorité parentale liés, cette fois, aux biens de l’enfant que
les parents conservent malgré son placement, en application de l’article 375-7
du Code civil, et tant que le juge des enfants n’en a pas décidé autrement.
Notons que le droit de jouissance cesse dès que l’enfant a atteint l’âge de
seize ans, et ce droit ne s’étend pas aux biens acquis par l’enfant par son
travail ou aux biens donnés ou légués s’il est précisé que les père et mère n’en
jouiront pas[342]. Les difficultés
sur ce point sont rares car en général, un enfant qui relève d’une procédure
d’assistance éducative ne dispose que de très peu de biens mobiliers ou
immobiliers[343].
La seule précision à apporter
concerne le droit de représenter le mineur dans une action en responsabilité
intentée contre lui : si les père et mère sont exonérés de leur responsabilité
civile du fait du mineur lorsque celui-ci est confié judiciairement à un tiers[344], ils continuent,
malgré la mesure, de représenter l’enfant dans une instance civile directement
menée contre ce dernier en vertu de l’article 375-7 du Code civil. C’est ce
qu’il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 1986[345] : dans cette
affaire, le mineur, alors confié à la Direction départementale de l’action
sanitaire et sociale (DDASS), blesse gravement un de ses camarades de jeu. La
mère de la victime assigne devant le Tribunal de grande instance l’enfant (pour
faire jouer l’assurance scolaire) ainsi que les père et mère de l’auteur, en
responsabilité du fait de leur enfant mineur. Le TGI et la Cour d’appel mettent
les parents hors de cause et s’estiment incompétents pour statuer sur la
responsabilité de la DDASS, les juridictions administratives étant seules
compétentes. La Cour suprême va casser
l’arrêt de la Cour d’appel, en considérant que les parents de l’auteur demeurent
administrateurs légaux des biens de l’enfant et ont seuls, en application de
l’article 389-3 du Code civil, qualité pour le représenter dans une action en
responsabilité intentée personnellement contre lui. Les juridictions judiciaires
étaient donc bien compétentes. Cet arrêt confirme une nouvelle fois l’importance
qui est donnée au rôle des parents malgré le placement de leur
enfant.
2) La contribution financière des père et
mère
En principe, les frais d’entretien et
d’éducation d’un enfant soumis à une mesure d’assistance éducative continuent
d’incomber à ses père et mère[346]. Ainsi, si les
parents dont l’enfant est placé n’engagent plus certains frais au quotidien, ils
doivent continuer à participer à sa prise en charge matérielle. Cette
participation des parents se justifie car il ne faudrait pas les inciter à
prolonger la séparation pour des raisons matérielles ou encore les démobiliser[347]. Le juge va
déterminer le montant de la participation financière et sauf exception motivée,
cette contribution ne peut être inférieure au montant des allocations familiales
auquel le mineur ouvre droit[348].
En ce qui concerne les allocations
familiales, elles sont en principe dues « à la personne physique qui assume la
charge effective et permanente de l’enfant »[349], ce qui signifie
qu’en cas de placement, les parents ne devraient pas continuer à les percevoir.
Seulement il faut savoir que la décision du juge des enfants ne s’impose qu’aux
parties appelées à la procédure, ce qui exclut les caisses d’allocations
familiales (CAF). Celles-ci n’ont donc pas forcément connaissance de la décision
et surtout elles ne disposent d’aucun recours. Elles ne peuvent donc pas en
principe contester le jugement et vérifier que la personne désignée assume bien
la prise en charge effective et permanente. En pratique, les CAF ont pour
habitude majoritaire d’attribuer les prestations familiales à la personne
mentionnée, sans procéder à des vérifications.
La contribution financière des
parents peut entraîner des difficultés pratiques : dans certains cas, la famille
en difficulté peut ne pas avoir suffisamment de ressources et le séjour de
l’enfant peut devenir une lourde charge, surtout si le versement des prestations
familiales leur est supprimé. Pour éviter de compromettre l’efficacité de la
mesure, le juge a la « faculté » de décharger les parents de tout ou partie de
leurs obligations (alinéa 2 de l’article 375-8 du Code civil). De plus,
concernant la suspension des allocations familiales, le juge des enfants peut là
encore autoriser les parents à continuer à les percevoir, notamment si l’enfant
revient régulièrement dans sa famille ou si la famille participe, par l’achat de
vêtements par exemple, à son entretien[350].
§ 2 : La
conservation d’un droit de visite et de correspondance
Bien qu’ils soient privés de la
garde de leur enfant, les parents conservent certaines prérogatives à cet
attribut que le juge des enfants ne peut en principe leur retirer : il s’agit
des droits de visite et de correspondance.
A. La réglementation des droits de visite et de correspondance
Si le devenir des droits de garde,
de surveillance et d’éducation dépend de la décision du juge et de la nature du
danger encouru par l’enfant, la législation a pris soin de préciser que les
parents conservaient au moins un droit de visite et de correspondance. L’article
375-7 alinéa 2 précise en outre que « le juge en fixe les modalités et peut
même, si l’intérêt de l’enfant l’exige, décider que l’exercice de ces droits, ou
de l’un d’eux, sera provisoirement suspendu. » Notons que le texte ne mentionne
que la visite et pas l’hébergement, ce qui est pour M. Huyette une simple erreur
de rédaction[351]. La Cour de
cassation a eu d’ailleurs l’occasion de préciser dans un arrêt du 19 juillet
1989[352] que « le droit
d’hébergement n’est qu’une modalité du droit de visite ».
Ce n’est pas le juge des enfants
qui décide d’accorder ces droits de visite et de correspondance : les parents
les conservent et le magistrat pourra simplement limiter voire en suspendre
l’exercice (la dissociation des deux droits est possible), pour une période
aussi courte que possible et en insistant sur l’intérêt de l’enfant[353]. Il a été
jugé qu’en l’absence de précision explicite, aucune atteinte ne peut être portée
aux relations personnelles entre l’enfant et ses parents. Ainsi, à partir du
moment où les visites ne sont pas nocives, elles seront ordonnées même si le
mineur y est indifférent[354].
B. L’importance du droit de visite et
d’hébergement
Elle se manifeste tout d’abord au
travers de la nouvelle rédaction de l’article 375-7 alinéa 2 du Code civil,
lequel précise que le juge des enfants doit rechercher un lieu de placement
facilitant « autant que possible l’exercice du droit de visite par le ou les
parents »[355]. A priori, ce
texte restreint la marge de manœuvre du juge des enfants mais il s’agit d’une
possibilité. Pour M. Murat, cette précision représente une « suspicion tout à
fait illégitime à l’encontre des juges des enfants » car ceux-ci, bien avant
l’insertion de ce texte, recherchaient déjà un lieu de placement le plus proche
possible du domicile familial[356].
Ensuite, il faut savoir que seul
le juge des enfants peut réglementer les relations parents/enfants. Auparavant,
le juge des enfants pouvait ne pas indiquer dans le détail les conditions du
déroulement des visites, spécialement lorsque l’enfant était remis à l’ASE. Il
était parfois écrit que « la fréquence et les modalités des droits de visite
et d’hébergement de Mme X sur son enfant seront déterminés par le
service éducatif en fonction des besoins de l’enfant ou des nécessités du projet
éducatif » ou encore que « le droit de visite s’exercera selon les
modalités du calendrier de l’ASE »[357]. Dorénavant, il
appartient uniquement au juge des
enfants de fixer les modalités des droits de visite, sortie et hébergement
accordés aux parents[358]. Cette
compétence exclusive du juge est justifiée car le choix d’accorder ou de refuser
des rencontres avec l’enfant et celui de la fréquence de ces rencontres sont
pour la famille essentiels. Seule l’autorité judiciaire peut statuer sur ce
point, à l’issue de règles procédurales judiciaires donnant des garanties aux
parents car cela porte atteinte à leurs droits fondamentaux.
Néanmoins, l’aménagement du droit
de visite en assistance éducative est moins simple qu’en cas de divorce : en
effet, l’évolution des situations est imprévisible et cela va dépendre de
l’intervention des éducateurs et des réactions de l’enfant et de ses parents.
Concrètement, le juge des enfants ne pourra pas, dès le départ, fixer un rythme
de rencontres immuable et applicable pendant toute la durée de la mesure. Et si
le juge veut ensuite modifier le rythme des visites, il devra renouveler toute
la procédure pour prendre une nouvelle décision[359]. Ainsi, dans
certains cas, il faudrait une autorisation de principe, judiciairement énoncée,
qui permettrait aux tiers accueillants, en accord avec la famille, d’organiser
le déroulement du droit de visite et éventuellement de saisir le juge en cas de
difficulté pratique. Il s’agirait d’une négociation et non d’une décision
unilatérale du tiers gardien imposée aux parents.
Lorsque le juge décide de
suspendre le droit de visite, c’est que l’exercice des droits parentaux s’est
révélé désastreux[360] ou que le mineur
affiche un sentiment d’opposition totale dès la prise de décision[361]. La Cour de
cassation veille minutieusement à ce que la décision de suspension soit motivée,
d’autant que la Cour européenne des droits de l’homme a précisé, d’une part
qu’elle exercerait un contrôle rigoureux sur les raisons conduisant à réduire
les droits de visite et d’hébergement pour que le droit au respect de la vie
familiale soit préservé[362], d’autre part
qu’une restriction de ces droits, et notamment une suppression totale ne
pourraient intervenir que dans des « circonstances exceptionnelles », si « elles
s’inspirent d’une exigence primordiale touchant à l’intérêt supérieur de
l’enfant »[363]. Cette
jurisprudence de la Cour de Strasbourg a été confirmée dans un arrêt de la Cour
d’appel de Grenoble du 17 novembre 2000 qui précise que la restriction du droit
de visite et d’hébergement doit être « spécialement et précisément » motivée[364]. Dans tous les
cas, le juge ne doit jamais suspendre ces droits de façon définitive car cela
aboutirait à dénaturer la mesure de placement et à en faire l’équivalent d’une
mesure plus sévère telle que le retrait total ou partiel de l’autorité
parentale[365].
En somme, le principe affirmé par
l’article 375-7 du Code civil selon lequel les parents conservent leur autorité
parentale pendant le placement est clair : certaines prérogatives particulières,
telles que les droits dits discrétionnaires ainsi que le droit de visite et de
correspondance, ne peuvent être retirées aux père et mère . En revanche, le juge
des enfants peut suspendre l’exercice des prérogatives usuelles dans la mesure
où elles sont inconciliables avec le placement.
Pourtant la mise en œuvre de ce texte pose de nombreuses
difficultés.
SOUS-SECTION 2 : LES
DIFFICULTES LIEES A LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE
Tous les attributs ne sont pas par
nature compatibles avec l’exécution de la mesure : il faut donc partir de la
liste des droits des parents et, selon la nature du danger, leur retirer ceux
qui sont inconciliables avec le placement. La mise en œuvre du principe posé par
l’article 375-7 du Code civil n’est pas si facile : en effet, même si certains
attributs ne sont pas expressément suspendus, la perte de l’exercice du droit de
garde va avoir une incidence inévitable sur l’exercice d’autres attributs. De
plus des difficultés apparaissent lorsqu’un seul des parents exerce l’autorité
parentale car il faudra déterminer quels sont les droits de l’autre parent.
§ 1 : Les difficultés liées au transfert de la garde à
un tiers
En cas de placement, le choix du
législateur est de laisser aux parents autant de droits que possible et de ne
transférer au tiers gardien qu’un minimum de prérogatives juridiques. Ceci est
conforme au système de l’assistance éducative : ce n’est pas parce que le mineur
est placé par le juge des enfants que les parents sont forcément défaillants.
Ils peuvent être en grande difficulté personnelle, conjugale ou familiale mais
toujours lucides et capables de prendre des décisions réfléchies et raisonnables
pour leur enfant. De plus, l’objectif est de faire cesser le danger et
d’organiser un retour dans le milieu familial, ce qui suppose que l’on laisse
aux père et mère les moyens de participer activement à la vie quotidienne de
leur enfant, bien qu’il ne vive pas avec eux. Il n’y a aucun critère de
répartition des droits entre la famille et les services ou personnes à qui
l’enfant a été confié ; il faut donc au cas par cas déterminer dans quelle
mesure et dans quel domaine les parents peuvent continuer à prendre des
décisions[366].
En réalité, la loi n’envisage que
la suspension du droit de garde, le sort des autres droits étant laissé à
l’appréciation du juge. Une décision expresse du juge des enfants est donc
indispensable pour suspendre les droits autres que le droit de garde. Dans le
meilleur des cas, il ne sera enlevé aux père et mère que le droit de choisir le
lieu de vie du mineur (puisque c’est le juge des enfants qui décide du lieu de
placement, les parents ne pouvant donner qu’un avis) ainsi que le droit de
choisir la fréquence des rencontres avec l’enfant puisqu’ici encore, il s’agit
d’une compétence exclusivement judiciaire[367].
Cependant dans les faits,
l’éloignement du mineur va porter atteinte à l’exercice des prérogatives
quotidiennes et usuelles précédemment décrites[368]. Comment
dissocier en effet l’éducation de la présence de l’enfant auprès de celui qui
doit s’en occuper ? Comment des parents
qui n’ont plus la garde de l’enfant peuvent-ils encore organiser de façon
effective sa vie quotidienne ? Au delà des droits expressément reconnus par
l’article 375-7 alinéa 2 du Code civil, c’est-à-dire les droits de visite et de
correspondance, la réalité permet-elle d’exercer tous les droits liés à
l’autorité parentale qui ne seraient pas expressément suspendus par le juge des
enfants ? Pour certains auteurs, le retrait de la garde a des effets inévitables
sur les droits de surveillance et d’éducation que l’on dit liés à la qualité de
gardien avant d’être liés à celle de titulaire de l’autorité parentale[369].
Certains auteurs ont même remis en
cause l’attribution du droit de garde. En effet, seul l’exercice du droit est en
principe transféré au tiers gardien et un juge des enfants n’est jamais
compétent pour attribuer à un tiers l’autorité parentale ou un de ses
démembrements[370]. Longtemps, la
jurisprudence a distingué entre l’attribution de la garde, qui n’est pas
modifiée par la mesure d'assistance éducative, et l’exercice du droit de garde
qui serait transféré au tiers[371]. Cette
jurisprudence semble aujourd'hui abandonnée en raison des vives critiques de la
doctrine qui estimait qu’un attribut aussi essentiel que la garde ne pouvait
appartenir à une personne et être exercé par une autre[372]. Dès lors, il
faudrait admettre, comme le soutient une partie des auteurs, que le droit de
garde soit transféré au tiers à qui l’enfant est confié pendant la durée de la
mesure, ce que d’autres réfutent sur le fondement d’une interprétation textuelle
de l’article 375-7 du Code civil[373].
Les auteurs sont en revanche
d’accord sur le fait que l’exercice au quotidien de l’autorité parentale, tel
qu’il est envisagé par le texte, est a priori incompatible avec la mesure de
placement : la personne à qui l’enfant est confié jouera plus facilement le rôle
de surveillance et d’éducation de l’enfant que les parents. Cela ne signifie pas
pour autant que ces derniers n’auront aucune place à jouer vis à vis du mineur.
Au contraire, une partie de la doctrine a été conduite à reconnaître aux père et
mère d’autres droits, notamment un droit de surveillance[374], défini en
matière de divorce par l’article 288 du Code civil comme le droit d’être informé
des choix importants relatifs à la vie de l’enfant. D’autres auteurs vont plus
loin, imaginant que le tiers aurait le droit de retenir l’enfant auprès de lui,
de fixer sa résidence, l’obligation de prendre soin de sa santé, de sa moralité
et de sa sécurité mais sous le contrôle des père et mère qui seraient
étroitement associés à la vie quotidienne de l’enfant[375]. Cela inclut
« une consultation régulière des carnets scolaires, l’achat de vêtements, la
discussion autour de futures vacances, les visites chez le médecin … »[376]. Pour résoudre
ces difficultés concrètes, il serait également possible d’autoriser le tiers à
qui l’enfant est confié à accomplir tous les actes usuels relatifs à la
surveillance et à l’éducation (ce qui est consacré en cas de divorce par
l’article 373-4 du Code civil). Cependant le droit français reste encore méfiant
à l’égard du placement de l’enfant en dehors de sa famille d’origine. S’il est
reconnu des pouvoirs au tiers en certaines circonstances, ceux-ci sont mal
définis et l’exercice simultané de l’autorité parentale par les père et mère est
difficilement conciliable dans les faits.
Or à trop vouloir garantir l’autorité des père et mère et ignorer le rôle
du tiers, les solutions sont inadaptées, parfois incohérentes notamment
concernant la responsabilité du fait du mineur[377]. Un auteur
affirme que l’autorité sur l’enfant n’est plus seulement celle de ses père et
mère et qu’il ne faudrait plus parler d’autorité parentale mais bien
d’« autorité familiale », indépendamment du lien de filiation[378]. D’autres
difficultés apparaissent lorsque les père et mère sont divorcés et qu’un seul
parent exerce le droit de garde.
§ 2 : Les difficultés liées à l’existence d’une
procédure de divorce
La mission du juge des enfants et
celle du juge aux affaires familiales(JAF), spécialiste du divorce, sont a
priori très différentes : le premier observe comment se comportent les deux
parents avec l’enfant et protège ce dernier contre le danger constaté ; le
second, compétent pour statuer sur le divorce et ses conséquences sur les
enfants, choisit le parent qui exercera l’autorité parentale et fixe les droits
de celui qui n’élèvera pas l’enfant. Cette répartition ne pose aucune difficulté
si le juge des enfants ordonne une mesure d’assistance éducative en milieu
ouvert car celle-ci ne modifie pas l’attribution de l’exercice de l’autorité
parentale décidée par le JAF[379]. Par contre,
tout se complique lorsque le juge des enfants ordonne un placement. Il convient
de distinguer selon que le divorce a lieu avant ou après le
placement.
A. En cas de divorce préalable au
placement
Qu’en est-il de l’hypothèse où le
juge des enfants décide de placer le mineur hors de son domicile alors que ses
parents sont divorcés ? Le magistrat est en effet censé organiser les droits de
visite et d’hébergement pour que l’enfant conserve des liens avec ses deux
parents. Or le JAF a déjà statué sur la répartition des droits des parents au
moment de la séparation. Il s’agit donc d’éviter les contradictions de
décisions.
Au préalable, il importe de
préciser que si, en apparence, la situation de fait est la même, les décisions
prises par le JAF et celles prises par le juge des enfants sont sensiblement
différentes : le JAF va transférer l’exercice de l’autorité parentale pour une
longue période et il doit toujours privilégier l’intérêt de l’enfant et sa
stabilité ; le juge des enfants, quant à lui, rend une décision par nature
provisoire, qui s’applique jusqu’à la cessation du danger constaté. S’il décide
par exemple de retirer le mineur au parent qui en a la garde et de le confier à
l’autre parent, il faut savoir qu’à l’issue de la mesure, si la situation est
redressée, l’enfant retournera chez le parent qui a l’exercice de l’autorité
parentale. Contrairement au JAF, le juge des enfants ne peut jamais transférer
les prérogatives d’autorité parentale, même à l’autre parent. Or il arrive que
certains parents, déçus de la décision du JAF, se rendent chez le juge des
enfants pour plaider la même cause, avec les mêmes éléments et fassent du juge
de l’assistance éducative une sorte de « voie de recours »[380].
L’article 375-3 du Code civil
donne donc une indication au juge des enfants concernant sa compétence : il ne
pourra statuer que s’il existe un « fait nouveau » de nature à entraîner un
danger et qui s’est révélé après que le JAF ait pris sa décision concernant les
conséquences du divorce. Les pouvoirs du juge de l’assistance éducative sont
donc limités puisqu’il ne pourra, en cas de danger, que retirer provisoirement
la garde au parent qui élève l’enfant et déterminer la fréquence des visites et
de l’hébergement de ce parent. Concernant la réglementation du droit de visite
et d’hébergement du parent qui n’élève pas l’enfant, seul le JAF est en principe
compétent[381]. Or la Cour de
cassation a récemment admis, dans le cadre d’une mesure d'assistance éducative
en milieu ouvert assortie d’obligations particulières, que le juge des enfants
pouvait intervenir sur la question du droit de visite et d’hébergement après
divorce[382]. Dans les faits,
le juge des enfants, saisi par le père qui n’avait pas la garde, a estimé
l’enfant en danger et ordonné une mesure en milieu ouvert tout en modifiant les
modalités d’exercice du droit de visite et d’hébergement du père. Ici le père
aurait très bien pu soumettre sa demande le conduisant à dire que l’enfant était
en danger au JAF, compétent pour modifier un droit de visite dans l’intérêt des
enfants. Pour M. Huyette, cet arrêt laisse perplexe et ne trouve son fondement
dans aucun texte juridique, d’autant qu’il n’est même pas question de placement.
La jurisprudence antérieure était d’ailleurs claire à ce sujet : ainsi par
exemple, un juge des enfants avait rendu une ordonnance qui suspendait le droit
d’hébergement et aménageait le droit de visite du père, droit préalablement
prévu par le juge du divorce. La Cour d’appel de Dijon a, dans cette affaire,
renvoyé l’affaire aux juge aux affaires matrimoniales (ancien JAF), se déclarant
incompétente[383]. Et pourtant
depuis cet étonnant arrêt de 1994, la Cour de cassation continue de statuer dans
le même sens[384]. Cette extension
de la compétence du juge des enfants ne doit pas être approuvée car elle
favorise les manœuvres frauduleuses lorsqu’une procédure d’assistance éducative
et une procédure de divorce sont ouvertes en même temps[385].
Dans tous les cas, il
importe que le juge des enfants, sur les questions relatives au transfert
d’autorité parentale et à la fixation du domicile de l’enfant, s’estime
incompétent et renvoie le parent devant le juge aux affaires familiales, pour
éviter de rendre une décision contradictoire au sein d’une famille déjà
désorientée et perturbée par un divorce. A l’opposé, lorsqu’à l’évidenc, il y a
un danger pour l’enfant, le JAF doit renvoyer le dossier au juge de l’assistance
éducative, en principe seul habilité à prendre des mesures d’investigation et
d’orientation pluridisciplinaire. Mme Dekeuwer-Défossez préconise une
action conjuguée des deux juridictions, sans attendre que le conflit soit trop
enkysté entre les parents[386].
B. En cas de divorce postérieur au placement de l’enfant
Il est possible,
lorsque le juge des enfants ordonne un retrait provisoire de l’enfant, que ses
parents soient encore ensemble mais qu’ils décident ensuite, pendant la période
de placement, de se séparer. Lequel des parents a le droit de reprendre
l’enfant à l’issue du placement ? La réponse semble évidente : seul le parent à
qui le JAF aura attribué l’exercice exclusif de l’autorité parentale ou chez qui
l’enfant aura sa résidence habituelle est en droit de demander la restitution du
mineur. Ceci signifie que le juge des enfants ne peut pas prévoir de retour chez
l’un des parents, tant que le JAF n’a pas statué sur l’exercice de l’autorité
parentale et sur la résidence de l’enfant, et il importe de le signaler aux
intéressés[387]. Il s’agit en
effet de sauvegarder la compétence du juge du divorce en matière d’autorité
parentale[388] et d’avoir à
l’esprit que si le juge des enfants peut toujours confier l’enfant « à celui des
père et mère qui n’a pas l’exercice de l’autorité parentale ou chez lequel
l’enfant n’a pas sa résidence habituelle »[389], cette décision
n’est que provisoire. Au contraire, le JAF est là pour désigner celui qui va
élever l’enfant dans la durée, et la stabilité de l’enfant est
primordiale.
Néanmoins, dans
certaines circonstances, il peut être difficile pour le juge du divorce de
définir celui des deux parents à qui l’exercice de l’autorité parentale sera
attribué : c’est le cas lorsque les deux parents ont contribué à l’apparition du
danger et sont encore tous deux défaillants au moment du divorce. A titre
exceptionnel, le JAF peut toujours confier l’enfant à une tierce personne ou à
une institution habilitée, s’il estime qu’aucun des parents n’est apte à élever
l’enfant pour le moment[390]. La Commission
chargée, sous la direction de Mme Dekeuwer-Défossez, de l’élaboration
du rapport relatif à la réforme du droit de la famille, souligne que la
possibilité de confier l’enfant à un tiers devrait être élargie à toutes les
hypothèses de séparation. De plus, afin de donner au tiers les moyens
d’accomplir sa mission, il serait opportun que le juge puisse, d’avance ou en
cas de difficulté, investir ce tiers du pouvoir d’accomplir telle ou telle
catégorie d’actes concernant la personne de l’enfant[391]. La décision que
le JAF prendra, aussi importante soit-elle, pourra de toute façon être modifiée
ultérieurement, si le juge des enfants constate la défaillance persistante du
parent à qui le JAF a attribué l’autorité parentale. Ce refus de restitution par
le juge des enfants pourra ainsi fonder une demande de transfert des droits par
l’autre parent si ce dernier estime lui pouvoir s’occuper de l’enfant.
Une fois résolues ces difficultés juridiques,
il s’agit désormais d’envisager l’application concrète de l’article 375-7 du
Code civil. Dans le quotidien, une fois que l’enfant est confié à un tiers, il
faut effectivement répartir les prérogatives entre ce tiers gardien et les
parents. Or des problèmes plus pratiques de répartition, liés à l’exécution de
la mesure, vont rapidement apparaître. Il semble que les textes soient trop
souvent méconnus et insuffisamment respectés[392]. Or l’enjeu de
la question est une fois encore de mieux respecter les droits des parents tout
en prenant en compte les difficultés liées au placement ainsi que la protection
de l’enfant. Dès lors, si l’atteinte portée à l’autorité parentale est
inévitable, il convient de s’interroger sur les moyens qui peuvent engager les
parents dans un processus de responsabilisation et permettre un retour positif
de l’enfant dans son milieu familial.
CHAP. 2 : UNE INCIDENCE
INEVITABLE EN PRATIQUE
Certes il a été clairement énoncé
que les parents conservaient tous les attributs de l’autorité parentale qui
était compatibles avec la mesure, ce qui permet de distinguer l’assistance
éducative des autres mesures que sont la délégation et le retrait pur et simple
de l’autorité parentale. L’application de ce principe, si clairement énoncé dans
le texte, pose des difficultés réelles de mise en œuvre liées à la répartition
des prérogatives d’autorité parentale entre les parents et le tiers à qui
l’enfant est confié mais également relativement à la répartition de leur
responsabilités respectives. Ce sont les deux points que nous étudierons
successivement.
SECTION 1 : LA
REPARTITION DES PREROGATIVES ENTRE LES PARENTS ET LE TIERS
GARDIEN
En ce qu’elle implique un contrôle
extérieur sur la manière dont les parents exercent l’autorité parentale,
l’assistance éducative apporte forcément des bouleversements dans l’exercice
quotidien des prérogatives parentales. Un auteur a justement écrit que « les
parents perdant le droit de vivre au jour le jour avec leur enfant, perdent ipso
facto les mille petits pouvoirs qui se rattachent au quotidien, au sujet
desquels on ne saurait les contacter à tout propos »[393]. En effet, les
attributs parentaux spécialement visés à l’article 371-2 du Code civil,
c’est-à-dire les droits de garde, de surveillance et d’éducation voient, avec le
placement, leur mise en œuvre sérieusement contrariée. Nous avons précédemment
signalé l’importance du droit de garde et les conséquences qu’entraîne la perte
de l’exercice de ce droit sur les autres prérogatives[394]. Comme se gère
le quotidien ? Les parents participent-ils à l’éducation de l’enfant ? Sont-ils
informés des décisions à prendre concernant
l’enfant ?
SOUS-SECTION 1 : LE
PRINCIPE GENERAL DE REPARTITION
Pour de nombreux auteurs, le
retrait du mineur de son milieu familial entraîne le transfert du droit de garde
au tiers à qui l’enfant est confié[395]. Or l’expression
« droit de garde » couvre toute une série d’attributions comprenant le droit
général de direction de l’enfant, la surveillance ou encore l’éducation,
autrement dit tous les aspects de l’autorité parentale qui concernent la
personne de l’enfant. Dépouillés de la garde juridique, les père et mère
conservent le « reste » de l’autorité parentale, c’est-à-dire les attributs les
plus essentiels, liés aux actes graves concernant l’enfant[396]. Ainsi si
l’intervention des parents est minime dans la vie courante de l’enfant, le tiers
gardien doit en principe les solliciter pour toute décision
importante.
§ 1 : Le rôle minimal des père et mère dans le quotidien
de l’enfant
A.
L’accomplissement des actes
usuels par le tiers gardien
On pourrait raisonner par analogie
avec l’article 373-4 du Code civil relatif à l’autorité parentale en général,
qui dispose, lorsque l’enfant est confié à un tiers, que l’autorité parentale
continue d’être exercée par les père et mère mais ce tiers « accomplit tous les
actes usuels relatifs à sa surveillance et son éducation ». Que faut-il entendre
par acte usuel ? M. Raymond le définit comme la décision qui « se limite aux
actes de la vie quotidienne nécessités par l’exercice immédiat de l’autorité
sans que soient concernés les actes qui impliquent une orientation de l’enfant
ou qui engagent son avenir »[397]. Ainsi il est
évident qu’en pratique, le tiers à qui l’enfant est confié n’a pas journellement
à solliciter l’avis des parents pour décider quelle est l’heure de réveil de
l’enfant, ce qu’il va manger, s’il peut participer à une activité sportive ou
culturelle qui l’intéresse, s’il doit se rendre à l’école à pied ou en vélo,
s’il peut aller au cinéma ou chez un camarade etc … Ce sont les actes usuels de
la vie courante et en général, lorsque l’enfant est remis à un service
d’accueil, les règles sont précisées dans le règlement intérieur du service et
s’appliquent de la même façon pour tous les mineurs. Les parents doivent
seulement être informés de ces règles dès l’admission du mineur dans le
service[398].
Pourtant, certains auteurs
considèrent que, malgré l' éloignement de leur enfant, les père et mère ont le
droit d’être étroitement associés à la vie quotidienne de ce dernier[399]. Ces auteurs ne
remettent pas en cause le transfert de la garde au tiers mais ils insistent sur
la nécessité d’un contrôle par les titulaires de l’autorité parentale, d’autant
que la mise à l’écart des père et mère dans le quotidien de l’enfant peut
parfois être à l’origine de tensions et d’un refus de la part des parents de
collaborer. Si dans certains cas, leur comportement justifie un véritable
éloignement du mineur, parce qu’ils ont une influence dommageable sur lui, dans
la majorité des cas, rien ne justifie une telle distance et il faut leur donner
les moyens de retrouver toutes leurs capacités et de rétablir une relation étroite avec l’enfant, dans la
perspective d’un retour[400].
Malgré cette définition, il n’est
pas toujours facile en pratique de savoir si un acte est ou non usuel ; parfois
la décision s’insère dans le quotidien de l’enfant et pourtant les parents sont
censés intervenir parce que cela concerne l’environnement familial du mineur.
B. Les problèmes posés par certains actes
usuels
Parmi les actes usuels de la vie
courante, la question des rencontres du mineur avec des personnes extérieures
peut poser problème. Nous avons vu que seul le juge des enfants est compétent
pour organiser le rythme des rencontres entre l’enfant et ses parents[401]. Par contre,
le tiers gardien est libre d’autoriser
ou non le mineur à rencontrer ses camarades de classe ou de loisir. Ces actes
font partie du quotidien de l’enfant et l’immixtion des parents et du juge n’est
nullement nécessaire[402].
S’agissant des relations de
l’enfant avec les autres membres de la familles, il peut y avoir des conflits
entre le tiers gardien et les parents si ceux-ci s’opposent à certaines visites.
Dans ce cas, il importe de saisir le juge des enfants pour résoudre cette
délicate question et celui-ci devra vérifier que le refus parental repose sur
des motifs valables justifiant l’interdiction (par exemple, parce que le membre
de la famille attise le conflit parents/enfant ou parce qu’il a participé à la
dégradation de la situation familiale). Si l’opposition parentale a des
conséquences dommageables pour l’enfant, le juge peut transférer cette
prérogative parentale au tiers (il s’agit d’une application concrète de
l’article 375-7 puisque l’attribut est dit inconciliable avec l’application de
la mesure). Quoi qu’il en soit, il ne
s’agit pas d’un acte de la vie courante que le tiers gardien pourrait prendre
seul car toute la famille est concernée.
Concernant les rencontres de
l’enfant avec ses grands-parents, l’article 371-4 du Code civil précise que les
parents ne peuvent en principe faire obstacle à ces relations. A défaut
d’accord, les modalités de ces rencontres doivent être réglées par le juge aux
affaires familiales[403]. Ainsi si en cas
de placement, les parents s’opposent aux visites demandées par les
grands-parents et que le motif avancé est indiscutable, le tiers gardien doit
respecter ces réserves. Les grands-parents pourront alors intenter une action en
revendication d’un droit de visite devant le juge aux affaires familiales contre
les parents et non contre le tiers gardien. A l’inverse, si les parents
acceptent sans réserve les visites des grands-parents mais que le tiers estime
ces rencontres inopportunes, il appartient au juge des enfants de régler le
conflit et éventuellement de transférer au tiers gardien le droit de décider des
rencontres enfant / grands-parents, en vertu de l’article 375-7. Seul le JAF
peut régler de manière définitive, dans l’intérêt de l’enfant, les rencontres de
ce dernier avec ses grands-parents et il importe de respecter cette répartition
de compétences[404].
§
2 : Le recueil de l’accord des père et mère par le tiers
Lorsque l’acte n’est pas usuel, le tiers à qui l’enfant a été confié doit
en principe solliciter les père et mère. Il s’agit donc de savoir quels sont les
actes « non usuels » et quelle est la démarche que le tiers est censé
accomplir.
A. Les actes « non usuels »
L’acte n’est plus usuel dès qu’il
engage l’avenir de l’enfant, qu’il comporte des risques (intervention
chirurgicale, achat d’une mobylette avec son argent de poche…) ou qu’il a une
incidence sérieuse, qu’elle soit financière ou scolaire. Tout ce qui en réalité
mérite discussion au sein du couple ne peut être décidé par le tiers gardien
seul : celui-ci doit impérativement solliciter l’avis et l’accord des père et
mère. Le tiers est censé n’être qu’un « exécutant qui reçoit les directives des
parents et qui est seulement chargé de les mettre en application »[405]. Certains
auteurs ont été amenés à consacrer au profit des parents un droit de
surveillance, c’est-à-dire un droit d’être informés des choix importants
relatifs à la vie de l’enfant[406]. Pour
Mme Neirinck, il est impossible de supprimer ce droit de surveillance
des parents car cela semble « contraire à l’économie générale de l’assistance
éducative »[407], dont le but est
d’assister les parents et non de les sanctionner. De plus, cet auteur rappelle
qu’en cas de conflit ou de désaccord, les parents peuvent toujours susciter une
instance modificative ce qui leur donne les moyens de surveiller les décisions
prises par le tiers gardien et de s’y opposer, notamment lorsque cela touche au
plus près leurs convictions personnelles.
B. La démarche à accomplir par le
tiers
En pratique, la démarche à
accomplir est la suivante : dès qu’une décision importante doit être prise,
qu’elle touche à l’éducation ou à la santé de l’enfant, le tiers gardien doit
systématiquement solliciter l’accord des parents et pas seulement leur avis.
Tout dépend alors du choix parental et
de sa compatibilité avec la mesure d'assistance éducative puisqu’ils ne peuvent
exercer, selon l’article 375-7 du Code civil, que les attributs qui ne sont pas
inconciliables avec l’application de la mesure.
1) Si la position des père et mère est compatible avec la
mesure
Une position compatible avec la
mesure est une position que les parents auraient pu légitimement prendre, sans
mettre l’enfant en danger, si ce dernier était encore chez eux : dans ce cas,
même si le tiers n’est pas de cet avis, le choix des parents s’impose en vertu
de l’article 375-7 du Code civil car il n’y a rien d’incompatible entre la
décision et le placement de leur enfant[408]. Par exemple, si
les parents décident avec l’enfant de son orientation scolaire et que leur choix
est mauvais ou qu’il existe une
opposition violente entre les parents et l’enfant, le juge des enfants peut
décider de transférer la prérogative au tiers. Par contre, si le choix reste
dans la limite du raisonnable, on ne peut pas considérer qu’il est incompatible
avec la mesure au sens de l’article 375-7, même si ce n’est pas la décision
qu’auraient prise d’autres parents ou le tiers gardien. Il faut privilégier la
continuité de l’éducation parentale car l’enfant a vocation à retourner chez ses
parents[409] et il serait
inutile que le tiers choisisse une orientation et que les parents imposent leur
choix initial dès que l’enfant leur est restitué.
2) Si la position des père et mère est incompatible avec la
mesure
La position est jugée incompatible
avec la mesure lorsqu’elle est néfaste pour le mineur : le tiers gardien doit
alors saisir le juge des enfants qui appréciera la compatibilité de la décision
des parents avec l’exécution de la mesure, après avoir respecté toute la
procédure (audition des intéressés, formalisation de l’avis dans un jugement,
droit de recours éventuel des parties). Telle devrait être la démarche à
accomplir. Cependant, dans les faits, selon le magistrat M. Huyette, les parents
sont rarement convoqués par le juge pour discuter d’un tel conflit. Ont-ils été
convaincus par le tiers ? Réussissent-ils toujours entre eux à trouver une
solution négociée ? Les parents sont-ils réellement interrogés lorsqu’il s’agit
d’une décision importante concernant l’enfant ? Savent-ils qu’ils ont un accord
à donner bien que leur enfant soit placé et qu’ils ont toujours la possibilité
de saisir le juge en cas de désaccord avec le tiers ? S’il est impossible, selon
M. Huyette, de généraliser, il apparaît en revanche que les parents ainsi que
les professionnels chargés d’aider la famille ne sont pas tout à fait informés
du mécanisme de l’article 375-7 du Code civil. Les avocats eux-mêmes, quand ils
interviennent, ne sont pas spécialistes du droit de la protection judiciaire de
la jeunesse ; de plus, les documents internes des services éducatifs ne
mentionnent pas en général ce texte et la jurisprudence est quasi-inexistante
sur ce point. Pourtant, il s’agit d’un texte fondamental en raison des
conséquences pratiques qu’il présente pour les familles et pour les travailleurs
sociaux[410].
Aussi essentiel soit-il, ce texte
est malgré tout difficile à mettre en œuvre : si en théorie, l’atteinte à
l’autorité parentale est censée être minime, il faut reconnaître que la
limitation portée aux prérogatives parentales est importante[411]. Non seulement
il y a réduction des droits parentaux en cas de placement mais il peut même y
avoir reconnaissance de droits au profit du tiers gardien. Ainsi, le juge des
enfants a accordé un droit de visite à des parents nourriciers afin d’éviter à
l’enfant une rupture trop brutale avec son passé lors de son retour au foyer
familial[412]. La situation n’est donc pas toujours très
claire.
Il est évident qu’on ne peut nier
le rôle joué par le tiers gardien pendant le placement que ce soit dans
l’éducation et de manière générale le quotidien de l’enfant. Néanmoins il existe
une véritable controverse sur l’étendue des pouvoirs du tiers car le droit
positif interdit de lui attribuer l’autorité parentale, celle-ci appartenant
exclusivement aux père et mère, et le juge des enfants peut seulement lui
transférer l’exercice de certaines prérogatives[413]. Pourquoi
sont-ils alors responsables du fait de l’enfant ? En principe, ce qui fonde la
responsabilité civile des parents, c’est leur autorité parentale ; si cette
autorité n’est pas transférée au tiers auquel l’enfant a été confié, comme
expliquer qu’il ait seul, pendant le placement, la « responsabilité d’organiser,
de diriger et de contrôler le mode de vie du mineur »[414] ?
L’étendue des pouvoirs du tiers
pose donc de véritables difficultés. Qu’en est-il de cette répartition dans
certains domaines délicats « réservés » en principe aux
parents ?
SOUS-SECTION 2 : LES DIFFICULTES
PRATIQUES DE REPARTITION
Elles concernent particulièrement la santé et l’éducation de l’enfant parce que ce sont des domaines où en plus des règles sur l’assistance éducative, il existe des règles spéciales qu’il importe de respecter.
§ 1 : Concernant la santé de
l’enfant
Le critère de la santé du mineur a posé aux juges de multiples difficultés et certaines affaires célèbres ont eut un fort retentissement en doctrine. L’intérêt ici est que ces questions mettent en cause les droits les plus fondamentaux des parents, notamment le droit de consentir à une intervention médicale ou chirurgicale sur l’enfant et le droit de consentir à une interruption volontaire de grossesse. Il convient donc de préciser l’incidence du placement sur ces droits.
A. Le droit de consentir à une intervention médicale ou
chirurgicale
Lorsque la santé de l’enfant est
en péril, le juge des enfants est chargé de tout mettre en œuvre pour le
protéger mais tout dépend du degré d’urgence et de gravité du danger. Il faut
préciser que le consentement à un acte médical bénin et courant, dispensé par un
généraliste, est un acte usuel relatif à l’autorité parentale : lorsque l’enfant
est placé, cette décision appartient donc au tiers gardien. Il n’en est pas de
même pour les actes plus importants : en effet, lorsque l’enfant est placé, la
suspension du droit de garde n’entraîne pas ipso facto la suspension du droit de
consentir à un acte médical ou chirurgical[415]. Dans le cadre
de leurs attributs parentaux, les père et mère sont toujours libres de soigner
ou non l’enfant et de choisir son traitement médical. Deux questions doivent
être successivement étudiées :
- l’admission, c’est-à-dire la
conduite et l’accueil du mineur dans l’établissement de soins, peut être
décidée par le tiers gardien de l’enfant, puisque l’autorisation préalable des
père et mère n’est pas juridiquement requise[416].
- Cette démarche d’admission se
distingue de la démarche de soins pour laquelle l’autorisation des père et mère
est requise juridiquement. Parfois les parents refusent de traiter l’enfant ou
encore refusent le traitement choisi par le médecin. En principe, selon le
décret du 14 janvier 1974[417], le médecin peut
saisir le ministère public pour qu’il provoque une mesure d'assistance
éducative, lorsque la santé ou l’intégrité corporelle du mineur sont compromises
par le refus des père et mère ou lorsqu’il est impossible de recueillir leur
consentement. Ainsi le juge des enfants pourra autoriser le médecin à intervenir
sur un acte précis, défini préalablement et limité à la protection de l’enfant.
Si l’enfant est déjà placé chez un tiers, le juge pourra, dans les mêmes
circonstances, transférer au tiers gardien la prérogative d’autoriser
l’opération[418]. Mais il faut
que le magistrat fasse preuve de prudence et qu’il démontre la nécessité absolue
de procéder à l’intervention médicale parce qu’il s’agit d’un acte grave et
risqué pour l’enfant.
Il convient de rappeler que le
magistrat n’intervient pas pour donner lui-même l’autorisation car il n’exerce
jamais personnellement une prérogative d’autorité parentale. De plus, la Cour
d’appel de Nancy a rappelé les limites de l’intervention de l’autorité
judiciaire dans une affaire opposant une mère et sa fille (malade d’un cancer)
et un professeur de médecine. Ce dernier voulait imposer un traitement médical à
la patiente et à sa mère, lesquelles préféraient un traitement moins
conventionnel, proposé par un autre médecin. Le médecin, considérant la jeune
fille en danger, s’adresse au juge des enfants qui prescrit une mesure
d'assistance éducative et ordonne la poursuite du premier traitement. Estimant
que la mineure avait toujours été soumise à des soins médicaux, la Cour d’appel
va décider qu’il n’appartenait pas au juge des enfants de choisir lui-même le
traitement, ce choix devant être laissé à la famille d’autant plus que la
mineure n’était pas en danger immédiat[419]. Cette solution
est transposable au cas de placement et démontre les limites de l’intervention
du magistrat et l’importance de cette prérogative
parentale.
Par ailleurs, le magistrat ne peut
pas donner d’autorisation générale, valable pour toutes les interventions
médicales nécessaires, au médecin ou au tiers à qui l’enfant est confié. Ce
serait une violation du principe selon lequel seuls les attributs d’autorité
parentale incompatibles avec la mesure sont suspendus[420] et il faut que
le transfert concerne une intervention particulière. Or il arrive fréquemment
que les services éducatifs demandent aux parents, lors de l’admission du mineur,
une autorisation écrite, exprimée en termes généraux et valable pour toute
opération. Cette pratique doit être condamnée car l’avis des parents dépend de
la nature de l’intervention médicale et la santé de l’enfant est un domaine pour
lequel les parents se sentent en général très concernés[421].
B. Le droit de consentir à une interruption volontaire de
grossesse
Jusqu’à très récemment, l’article
L. 162-7 du Code de la santé publique exigeait le consentement de l’une des
personnes exerçant l'autorité parentale ainsi que le consentement de la mineure
pour pouvoir procéder à une IVG[422]. L’exigence de
ce double consentement engendrait des difficultés dès lors que l’un voulait et
l’autre pas. Le juge des enfants pouvait intervenir lorsqu’il était démontré que
la poursuite de la grossesse faisait courir à la mineure un danger avéré,
c’est-à-dire en cas d’interruption de grossesse thérapeutique. Mais d’autres
éléments pouvaient apparaître : danger moral, précarité d’une situation… Le
problème s’est donc posé de savoir si le juge des enfants pouvait prendre le
relais des parents pour autoriser l’IVG et sur ce point, les avis étaient
partagés. Certains magistrats s’estimaient incompétents, considérant que l’IVG
ne figurait pas parmi les mesures éducatives ; d’autres n’intervenaient que si
le danger était très grave. Ainsi le tribunal pour enfants d’Evry admit en 1982
que la situation de détresse de la mineure enceinte justifiait à elle seule
qu’il soit passé outre au refus de la mère de consentir à l’IVG souhaitée[423]. En 1975, le
tribunal pour enfants d’Orléans a quant à lui autorisé un établissement de
placement à donner son consentement au lieu et place des parents, en se fondant
sur le grave danger psychique que constituerait le maintien d’une grossesse non
voulue et qui compromettrait la réussite de l’action éducative[424]. Enfin certains
juges ont eu recours à la notion d’abus de droit, notamment lorsque le refus des
parents était motivé par le désir de punir l’enfant : la Cour d’appel de
Bordeaux a par exemple considéré que le refus des parents de consentir à l’IVG
devait être dicté par l’intérêt de l’enfant [425].
Quoi qu’il en soit, cette question
mettait les magistrats dans une position très délicate et le problème a été
résolu par la loi du 4 juillet 2001[426], qui dispose que
l’autorisation parentale pour pouvoir procéder à une IVG sur une mineure n’est
plus que facultative. Si la mineure désire interrompre sa grossesse, elle peut
garder le secret ou le faire sans avoir à recueillir l’avis de ses parents. Pour
certains auteurs, l’autorisation parentale obligatoire n’était plus justifiée,
car lorsqu’une femme, même mineure, décide d’interrompre sa grossesse, il s’agit
là de l’expression d’une volonté intime, qui participe à un acte de liberté[427]. Ainsi avec la
loi du 4 juillet 2001, cet argument a quelque part été consacré.
§ 2 : L’éducation de l’enfant
A. Une intervention judiciaire
délicate
L’éducation a longtemps été considérée comme relevant plus des mœurs et
des habitudes que du droit : elle dépend en effet de la puissance d’amour des
parents, de leur intelligence, de leurs conditions sociales, de leur exemple, de
leur présence, de leur disponibilité et aussi de leur force[428]. L’intervention
des juges dans ce domaine a donc été plus difficile à admettre mais peu à peu
l’idée a fait son chemin. On pense avant tout à l’éducation scolaire de l’enfant
bien que sur ce point, les difficultés soient mineures. En principe, les parents
continuent, même si leur enfant est placé, de choisir l’orientation scolaire de
leur enfant, à moins que ce choix soit jugé aberrant et nuisible pour le mineur.
Il faut donc qu’ils donnent leur accord aux établissements scolaires avant une
admission. En général, les contestations sont rares car souvent l’orientation
proposée par l’établissement est logique et voulue par l’enfant. Dans le
quotidien, certains parents regrettent de ne pas être associés plus fréquemment
à la vie scolaire de l’enfant : il s’agit en effet d’un aspect essentiel de la
vie quotidienne et nombreux sont ceux qui souhaiteraient recevoir les bulletins
scolaires, assister aux réunions avec les enseignants…[429].
En réalité, ce qui pose
véritablement problème concerne l’éducation religieuse : en principe, il
appartient aux parents de choisir la religion de l’enfant, même si celui-ci est
confié à un tiers. Le tiers gardien ne peut donc refuser que l’enfant suive
l’enseignement ou les pratiques religieuses souhaités par les parents. En la
matière, l’intervention judiciaire est particulièrement délicate, en raison de
l’insertion de l’article 1200 du NCPC qui dispose que le juge des enfants devra particulièrement
tenir compte des convictions religieuses du mineur et de sa famille[430]. Certains
auteurs ont considéré qu’en insérant ce texte, le législateur de 1970 avait
voulu mettre fin aux hésitations jurisprudentielles antérieures et que
l’éducation religieuse de l’enfant ne devait plus pouvoir être contrôlée, sauf
si l’exercice de la religion par l’enfant lui causait des troubles de santé
physique ou psychique[431]. D’autres
auteurs ont jugé que le problème de savoir si le magistrat devait forcément
prendre en compte la demande des parents en cas de placement du mineur restait
entier[432]. Finalement
l’insertion de l’article 1200 du NCPC n’a pas résolu les difficultés et le juge
des enfants est toujours tenu d’apprécier, avec tous les aléas que cela
comporte, si l’éducation religieuse donnée par les parents est ou non
« conciliable » avec l’application de la mesure. Les restrictions légales qui
entourent l’intervention dans ce domaine doivent tout de même être prises en
compte et la prudence est de rigueur.
La position du magistrat est
encore plus délicate lorsqu’un conflit oppose l’enfant et ses parents, le
premier refusant la religion que lui imposent les seconds. Il faut savoir qu’un
mineur ne peut pas, en principe, choisir une religion contre le gré de ses
parents et ces derniers triomphent toujours juridiquement[433]. Cette
soumission de l’enfant à la religion de ses parents a été critiquée par de
nombreux auteurs qui évoquent les législations allemande ou suisse, lesquelles
reconnaissent à l’enfant une majorité religieuse avant la majorité civile[434]. Le droit
français ainsi que la Convention internationale sur les droits de l’enfant sont
hostiles à une liberté religieuse totale de l’enfant, notamment en raison des
dangers que des organismes autres que la famille pourraient représenter pour les
enfants. En effet, ces organismes pourraient utiliser cette liberté religieuse
des enfants pour les dresser contre leurs parents et leur faire adopter des
causes contestables (totalitarismes politiques, sectes …) [435]. Pour
Mme Dekeuwer-Défossez, il serait peut-être plus opportun de
distinguer la contrainte positive (religion choisie par les parents) et la
contrainte négative (religion interdite par ces derniers) et admettre la seconde
plus tardivement que la première. Il faudrait aussi protéger les enfants si les
parents se convertissent et que l’enfant, déjà adolescent, refuse cette
conversion[436].
B. Des difficultés particulières en matière de
sectes
Le phénomène des sectes pose des
problèmes spécifiques tels que certains auteurs ont même considéré qu’il
existait un régime procédural particulier en la matière[437]. Il est vrai
qu’il faut ici concilier deux impératifs : faire en sorte que les principes de
liberté de pensée, de culte et de religion soient respectés mais aussi s’assurer
que la secte respecte le droit[438]. Lorsqu’il
s’agit d’un mineur, la sauvegarde de ce dernier va prévaloir sur la liberté de
culte, l’enfant ayant, en raison de « son manque de maturité physique et
intellectuelle, besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux »[439]. Ainsi, quand
les parents ou l’un d’entre eux appartiennent à une secte, l’intervention du
juge des enfants s’impose si les conditions de vie de l’enfant sont de nature à
compromettre gravement son évolution et son équilibre psychologique. Est par
exemple en danger un enfant que les parents envoient dans une école de la secte
en Inde[440] ou un enfant
insuffisamment nourri, soigné ou victime de brimades excessives ou de violences
physiques ou sexuelles. Ici le danger est réel et aucun doute n’est admis quant
à l’opportunité d’une intervention judiciaire au civil comme au pénal.
Par contre, lorsque l’exigence
d’un danger concrètement avéré n’est pas démontrée, la liberté de culte des
parents va prévaloir[441] : en ce sens, la
Cour d’appel de Dijon a affirmé qu’il fallait se référer, non pas à la simple
appartenance des parents à une religion mais aux conséquences pratiques de cette
appartenance pour ordonner une mesure d'assistance éducative[442]. L’intervention
n’est pas évidente dans certains cas, notamment lorsque les enfants sont
totalement enfermés au sein d’une secte qui vit en monde clos, ne sont plus
scolarisés ni sérieusement instruits : aucun particulier ne saisira alors le
juge des enfants et il appartiendra alors au procureur de la République de
prendre l’initiative ou au juge des enfants de s’auto-saisir dès lors qu’il y
aura doute sur le mode de vie de la famille[443]. La mesure qui
s’impose est alors le placement de l’enfant chez un tiers, « seule façon de
briser le carcan dans lequel l’enfant est enchaîné »[444]. Cette mesure
radicale peut poser des difficultés au regard du droit pour l’enfant d’être
élevé par ses parents dans la mesure du possible (article 7 de la Convention
internationale sur les droits de l’enfant) [445].Dans tous les
cas, ces conflits intra-familiaux sont difficilement résolubles et il importe
que le juge des enfants se montre prudent dans le domaine religieux, qui semble
peu propice à un contrôle judiciaire sauf en cas de danger avéré.
Après avoir étudié comment étaient
réparties les prérogatives entre le tiers gardien et les parents de l’enfant
lorsque celui-ci est judiciairement placé, il s’agit maintenant d’envisager la
répartition d’un autre aspect, plus passif certes mais tout aussi important, qui
est la responsabilité civile du fait du mineur. Ici encore, il a fallu adapter
les solutions à la réalité tout en respectant le principe posé par l’article
375-7 du Code civil, c’est-à-dire la conservation de l’autorité parentale par
les parents malgré le placement.
SECTION 2 : LA REPARTITION DE LA
RESPONSABILITE ENTRE LE TIERS GARDIEN ET LES PARENTS
Le transfert de la garde au tiers à qui l’enfant est confié a eu des conséquences sur la responsabilité civile du fait de l’enfant lorsque celui-ci cause un dommage à autrui. Ainsi les magistrats ont dû trouver des solutions plus logiques et ont tenté de trouver un équilibre entre l’application des textes et la réalité. C’est ainsi que la jurisprudence s’est orientée vers un principe de responsabilité civile du tiers parce que finalement, l’enfant est avant tout sous la surveillance de la personne qui le prend en charge. Cependant, il ne faut pas oublier que le mineur placé a vocation, à terme, à retourner chez ses parents et il est alors nécessaire de favoriser une responsabilisation des père et mère, dans l’optique d’un retour favorable de l’enfant dans son milieu familial d’origine.
SOUS-SECTION 1 :
VERS UNE RESPONSABILITE CIVILE DU TIERS GARDIEN
Lorsque le mineur cause un dommage à une victime, celle-ci doit être
indemnisée. Qui est responsable[446] ? En général,
les mineurs sont peu solvables, si bien que la loi a dû prévoir un mécanisme de
substitution permettant à la victime d’agir contre d’autres personnes qui
seraient responsables du fait du mineur. Il faut cependant que la responsabilité
civile du mineur lui-même soit au préalable engagée et si ce dernier est en
mesure de réparer le dommage (parce qu’il travaille ou parce qu’il a hérité),
l’adulte ne sera pas responsable. Il faut également préciser que depuis un arrêt
important de 1984, la responsabilité est engagée sans tenir compte de l’âge du
mineur, que ce dernier soit ou non capable de discerner les conséquences de son
acte[447].
En outre, un seul adulte peut
engager sa responsabilité civile du fait du mineur, les différentes
responsabilités d’adultes n’étant pas cumulatives[448]. Il convient
donc de déterminer en cas de placement provisoire du mineur qui, des parents ou
du tiers gardien de l’enfant, est responsable pour les dommages causés par ce
dernier. La responsabilité civile étant le volet « passif » de l’autorité
parentale, doit-on la répartir de la même façon que les prérogatives parentales,
c’est-à-dire que la version dite « active »[449] ?
§1 : Les conséquences du placement du mineur sur la
responsabilité
Il faut d’abord rappeler quel est le mécanisme de mise en œuvre de la responsabilité civile des père et mère, d’une part parce qu’il s’agit du principe de responsabilité du fait du mineur, d’autre part parce que le régime de la responsabilité des tiers à qui les mineurs sont confiés par décision judiciaire, a été en partie calqué sur celui de la responsabilité civile des parents.
A.
Le principe : la responsabilité des père et
mère
L’article 1384 alinéa 4 du Code civil dispose que les père et mère, « en tant qu’ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». Les parents peuvent être exonérés de cette responsabilité s’ils « prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité » (alinéa 7 du même texte).
1) La présomption de
responsabilité
Le texte n’est applicable qu’aux
« père et mère », c’est-à-dire ceux dont la filiation est établie par l’acte de
naissance. Ainsi une personne autre que les père et mère et qui aurait l’enfant
à sa charge ne pourrait voir sa responsabilité civile engagée sur la fondement
de l’article 1384 alinéa 4. Si la responsabilité d’un tiers est mise en cause,
ce sera sur la base d’un autre texte ou selon d’autres modalités juridiques. De
plus, il faut que le père et la mère responsables exercent le droit de garde,
c’est-à-dire qu’ils exercent l’autorité parentale. En effet, au moment de
l’élaboration de la loi du 4 juin 1970, le droit de garde apparaissait comme la
prérogative essentielle de l’autorité parentale, celle qui permettait d’exercer
les droits de surveillance et d’éducation et qui permettait d’identifier la
personne exerçant l’autorité parentale en cas de divorce ou vis-à-vis de
l’enfant naturel[450]. Le problème
aujourd'hui est que la garde n’est plus prépondérante, notamment depuis la loi
du 22 juillet 1987 portant réforme du divorce qui a banni de son vocabulaire
l’expression de « parent gardien » en la remplaçant par l’expression « parent
qui a l’exercice de l’autorité parentale ». A quoi faut-il lier dorénavant la
responsabilité parentale du fait du mineur ?
La dernière condition de mise en
œuvre de la responsabilité civile des père et mère est liée à la
cohabitation : en effet, le texte exige que le mineur habite avec le
parent responsable lorsqu’il commet le fait dommageable, parce que l’existence
d’une communauté de vie engendre une possibilité de surveillance et d’éducation
des parents à l’égard de leur enfant. Il faut donc que le mineur soit
effectivement présent chez ses parents. Il faut savoir qu’en cas de fugue de
l’enfant, lorsque les parents sont absents momentanément ou si l’enfant est dans
un établissement scolaire lorsqu’il commet l’acte répréhensible, la présomption
subsiste[451]. Par contre, la
présomption de responsabilité tombe lorsque le mineur est en vacances chez un
tiers, est pensionnaire d’une école, effectue son service militaire ou encore
séjourne, en cas de divorce, chez le parent qui n’a pas l’exercice de l’autorité
parentale[452]. Il faut ici
relever que la jurisprudence n’est pas toujours cohérente eu égard à cette
exigence de cohabitation. En réalité, cette condition se justifie par la volonté
de donner plus de vraisemblance à la faute des parents, la communauté de vie
supposant qu’ils ont été à même d’exercer leur autorité. Mais depuis 1997, le
régime de responsabilité n’est plus fondé sur la faute, ce qui remet ainsi en
cause l’exigence de cohabitation.
2) L’exonération de
responsabilité
L’alinéa 7 de l’article 1384 du
Code civil pose le principe selon lequel les parents sont exonérés de toute
responsabilité, dès lors qu’il prouvent qu’ils n’ont pas pu empêcher le fait
dommageable du mineur. Cette disposition a été longtemps interprétée comme
édictant une présomption simple de faute dans la surveillance ou
l’éducation de l’enfant. Ainsi si les parents prouvaient qu’ils s’étaient
comportés, du point de vue de l’éducation et de la surveillance, comme des
personnes prudentes et qu’ils n’avaient pas pu, dans ces circonstances, empêcher
l’acte dommageable, ils étaient exonérés de leur responsabilité[453]. Les juges
devaient donc rechercher si les parents de l’enfant avaient ou non été des
parents « méritants » ayant fait le maximum ou au contraire, s’ils auraient pu
empêcher l’enfant de commettre le dommage[454]. L’autre motif d’exonération était lié à
l’absence de cohabitation avec l’enfant, l’appréciation des tribunaux étant
variable et se faisant au cas par cas[455].
Ce système de présomption de faute
a été maintenu jusqu’à l’arrêt Bertrand du 19 février 1997[456], par lequel la
Cour de cassation consacre une responsabilité de plein droit pesant sur les père
et mère. Dans cet arrêt, la Cour ne fait
aucune référence à une quelconque faute et elle précise que seule la force
majeure ou la faute de la victime peuvent exonérer les parents de cette
responsabilité. Ce revirement était attendu : en effet, la Cour de cassation
avait déjà employé l’expression de « présomption de responsabilité » dans un
arrêt de 1984[457] , ce qui
évoquait l’idée de responsabilité objective. De plus, elle admettait de moins en
moins souvent le renversement de la présomption de faute et en cas de doute, les
parents étaient toujours considérés comme responsables[458].
Cette « révolution
jurisprudentielle » a été approuvée par la doctrine, d’une part parce que le
système antérieur était peu cohérent et imprécis, en raison de l’embarras des
tribunaux lorsqu’ils devaient apprécier l’absence de faute d’éducation et de
surveillance, d’autre part parce que l’arrêt Bertrand permet une meilleure
indemnisation des victimes et qu’il est sociologiquement fondé. En effet, il a
été démontré que la plupart des dommages causés par des enfants, surtout
lorsqu’ils sont jeunes et immatures, ne sont pas la conséquence d’une faute
quelconque des parents. Notre société est marquée par une libéralisation des
relations familiales, une plus grande permissivité et l’enfant ne se développe
pas forcément sous la surveillance de ses deux parents. Il n’est donc plus
logique de rattacher la responsabilité à la faute des parents.
Ceci étant dit, cette solution
présente également des inconvénients : déjà elle aggrave sensiblement la
responsabilité des parents, d’autant plus que depuis 1984, la preuve de la faute
de l’enfant n’est plus liée à son âge. En outre, le débat relatif à l’absence de
faute des parents va être déplacé vers la force majeure, notion qui n’a pas
encore été précisée par les juges[459]. Enfin les
conditions exigées par l’article 1384 alinéa 4 n’ont pas été pour autant
écartées (exercice du droit de garde et cohabitation) et il convient de
s’interroger sur l’utilité d’un tel maintien dans la mesure où désormais, la
responsabilité des parents devient quasi-systématique[460].
Quoi qu’il en soit, si les parents
engagent le plus souvent leur responsabilité, l’intervention des assureurs vient
limiter cette charge financière qui leur incombe. En effet, l’assurance
responsabilité civile familiale est de plus en plus répandue et paraît encore
peu coûteuse. Assurés, les père et mère seront garantis à l’égard des tiers des
conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile du fait de leurs enfants
mineurs. Pour certains auteurs, il importe que cette assurance de responsabilité
familiale soit rendue obligatoire[461].
Si cette responsabilité de plein droit se justifie
pleinement lorsque l’enfant mineur cohabite avec ses parents et que ces derniers
exercent l’autorité parentale, en revanche il convient de se demander quelle
sera la solution la plus adaptée lorsque l’enfant est confié à un tiers dans le
cadre de l’assistance éducative. En voulant maintenir l’autorité des père et
mère et en ignorant le rôle véritable du tiers gardien, ceci engendre des
incohérences et il convient d’en préciser la portée et d’en étudier les
conséquences.
B.
La responsabilité du tiers gardien
1) L’évolution de la
jurisprudence
L’article 1384 du Code civil
prévoit plusieurs cas de responsabilité du fait d’autrui parmi lesquels ne
figure pas la responsabilité du tiers gardien d’un mineur en danger. Seuls les
père et mère sont légalement responsables du fait de leur enfant et le texte ne
prévoit ni la responsabilité des membres de la famille autres que les père et
mère (grands-parents), ni celle des gardiens désignés par décision de justice,
ni celle des établissements de santé, centres sportifs ou centres de loisirs qui
ont à leur charge des enfants pendant un certains temps… Ainsi la victime d’un
dommage causé par un mineur est privée du bénéfice de l’article 1384 alinéa 4
lorsque ce dernier n’est plus sous la garde de ses parents et qu’il a été confié
à l’une des personnes non citées par le texte. Le seul support juridique
susceptible de justifier une éventuelle action en indemnisation était constitué
avant 1996 par les articles 1382 et 1383 du Code civil : la victime devait alors
prouver la faute du tiers à qui le mineur était confié, ce qui était source de
difficultés. Les décisions retenant la responsabilité du tiers étaient donc
rares, parfois contradictoires[462].
Et puis, le 10 octobre 1996[463], la chambre
criminelle de la Cour de cassation va, pour la première fois, admettre la
responsabilité du tiers gardien pour les dommages causés par le mineur sur le
fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil[464]. Cet alinéa
avait été, pendant longtemps, considéré par de nombreux auteurs comme servant
d’introduction générale aux divers cas de responsabilité du fait d’autrui
énumérés aux alinéas suivants. Puis en 1991, la Cour de cassation décide qu’une
association recevant des personnes handicapées doit assumer civilement les
conséquences de leurs actes sur la base de ce texte[465]. La solution a
donc été étendue aux mineurs faisant l’objet d’une mesure d'assistance
éducative. Depuis cette date, cette jurisprudence a été maintes fois confirmée[466].Quelles sont les
conditions de cette responsabilité ?
2) Les conditions de mise en œuvre
La justification de l’arrêt de
1996 est claire : la Cour de cassation considère que « la décision du juge des
enfants confiant à une personne physique ou morale la garde d’un mineur en
danger … transfère au gardien la responsabilité d’organiser, diriger et
contrôler le mode de vie du mineur et donc la responsabilité de ses actes,
celle-ci n’étant pas fondée sur l’autorité parentale mais sur la garde ».
Il s’agira dans un premier temps d’étudier le critère choisi par la Cour avant
d’identifier plus précisément le tiers gardien
responsable.
a- Le critère de la garde et son appréciation
critique
Ainsi le fondement retenu,
c’est-à-dire la garde, permet d’engager la responsabilité « de plein droit » du
tiers gardien[467], de la même
façon que pour les père et mère, cette responsabilité découlant du même rapport
d’autorité. En réalité, la Cour de cassation ne pouvait pas fonder la
responsabilité du tiers sur l’autorité parentale puisque, malgré le placement du
mineur, les parents conservent tous les attributs de l’autorité parentale qui
sont conciliables avec la mesure. Soucieuse de respecter ce principe, posé par
l’article 375-7 du Code civil, la Cour de cassation était donc obligée d’opérer
un détour et de trouver un autre fondement. Pour un auteur, cette solution, bien
qu’opportune, est mal fondée[468].
La garde est définir par la Cour
suprême comme « la responsabilité d’organiser, de diriger et de contrôler le
mode de vie du mineur ». Il ne s’agit pas du droit de garde au sens de l’article
371-2 du Code civil relatif aux attributs de l’autorité parentale puisque ce
droit ne peut jamais être attribué à un tiers. Pourtant cette garde dont le
tiers est investi selon la Cour de cassation dépasse de beaucoup les pouvoirs
qui sont censés lui être accordés en vertu de l’article 375-7 du Code civil. Si
l’on s’en tient à ce texte, le tiers n’exercerait que les attributs non
conciliables avec la mesure. Or en admettant que le tiers gardien a seul la
responsabilité d’organiser, diriger et contrôler le mode de vie du mineur, cela
signifie a contrario que les parents n’ont plus cette responsabilité,
c’est-à-dire qu’ils sont dessaisis de leur autorité. En effet, l’organisation,
la direction et le contrôle du mode de vie du mineur sont la mise en œuvre d’un
pouvoir de surveillance et d’éducation… attributs de l’autorité parentale.
On voit donc bien là l’incohérence
du fondement mis en avant par la Cour de cassation et surtout l’ambiguïté des
termes choisis. En outre, ce lien entre autorité parentale et responsabilité
apparaît clairement lorsqu’il s’agit d’engager la responsabilité des parents sur
le fondement de l’article 1384 alinéa 4 du Code civil. En effet, depuis 1997,
cette responsabilité est objective, si bien que les conditions de cohabitation
et de garde ressortent considérablement assouplies, l’unique exigence étant
l’exercice par les parents de leur autorité parentale. Dans cet esprit, si c’est
l’autorité parentale qui fonde la responsabilité civile des parents et que par
ailleurs, selon l’article 375-7 du Code civil, cette autorité n’est pas
transférée au tiers à qui l’enfant est confié, il est difficile sinon impossible
juridiquement d’admettre la responsabilité civile du tiers du fait de l’enfant.
Or en pratique, cette solution s’impose incontestablement. Dès lors, il
faudrait, selon Mme Leroyer, reconsidérer les principes traditionnels
qui fondent l’autorité parentale et admettre l’existence d’une « autorité
familiale », laquelle appartiendrait au tiers qui s’occupe temporairement de
l’enfant. A cette autorité familiale pourrait correspondre une « responsabilité
civile familiale »[469].
En vertu de cette jurisprudence,
il appartient donc désormais aux tribunaux d’apprécier si la responsabilité du
tiers gardien peut être engagée, c’est-à-dire si celui-ci s’est vu transférer le
pouvoir d’organiser, de diriger et de contrôler le mode de vie du mineur.
b- L’identification du tiers
gardien
En 1996, l’enfant avait été confié
par le juge des enfants à une association d’action éducative mais la chambre
criminelle a pris soin de préciser que la responsabilité serait engagée, que le
mineur soit confié à une personne physique ou morale, dès lors que l’accueil du
mineur se fait dans un cadre judiciaire. La question reste débattue à propos des
personnes qui prennent en charge le mineur hors cadre judiciaire : n’a pas été
retenue la responsabilité des grands-parents pour le fait de leur petit enfant
qu’ils hébergent pendant les vacances scolaires[470] ou encore celle
du tuteur chargé de la gestion des biens du majeur protégé[471]. Cependant, tout
récemment, la Cour a considéré que le tuteur, ici beau-père de l’enfant auteur
du dommage, était responsable sur le fondement de l’article 1384 alinéa
1er[472]. Le
critère d’identification du tiers gardien n’est donc pas très limpide.
Lorsque l’enfant est confié par le
juge à une collectivité publique (Protection judiciaire de la jeunesse ou Aide
sociale à l’enfance), la mise en œuvre d’une éventuelle responsabilité du
service public en raison du dommage causé par le mineur relève de la compétence
du juge administratif. Or en droit administratif et en l’absence de texte
spécifique, seule une faute du service permet d’engager sa responsabilité. Cette
solution demeure valable lorsque l’enfant est confié à la PJJ mais les
juridictions administratives retiennent désormais une présomption de faute
lorsque l’enfant est confié à l’ASE, ce qui est plus favorable pour la victime[473]. Notons que si
l’enfant est au départ confié par le juge à l’ASE mais que celle-ci prévoit
l’accueil du mineur en foyer, ce n’est pas la responsabilité administrative du
département qui sera mise en cause mais la responsabilité civile de ce service
d’accueil privé[474]. Dans tous les
cas, cette responsabilité de plein droit du tiers gardien n’est pas sans
limites.
§ 2 : Les limites en cas de visite du mineur chez ses
père et mère
La question très importante du maintien ou non de la responsabilité du tiers lorsque le mineur est en visite chez ses parents a été posée à la Cour de cassation et celle-ci n’y a répondue que tardivement. La réponse diverge selon que la visite est ou non réglementée par le juge.
A.
En cas de visite « irrégulière »
La plupart des mineurs confiés à un service éducatif continuent de rencontrer leur parents, à l’occasion de fins de semaines ou au cours des vacances scolaires. En effet, nous avons vu antérieurement l’importance accordée au droit de visite et d’hébergement des père et mère[475] et rares sont les cas de dysfonctionnements familiaux qui justifient de supprimer totalement ces rencontres. D’ailleurs, dans beaucoup de familles, la séparation n’est acceptée que parce qu’un lien physique est maintenu entre les parents et l’enfant placé[476]. Qui est alors responsable du fait du mineur si ce dernier cause un dommage alors qu’il est en visite chez ses parents ?
En 1997, la chambre criminelle de la Cour de cassation a, dans un premier temps, considéré que le service éducatif était responsable dès lors qu’aucune décision judiciaire n’avait suspendu ou interrompu cette mission[477]. En l’espèce, le mineur était chez sa mère au moment des faits mais ce retour ne résultait d’aucune décision judiciaire ni d’aucun accord passé entre l’établissement gardien et la mère. La Cour suprême approuve donc la Cour d’appel qui avait engagé la responsabilité du tiers mais dans sa décision, elle ne prévoit pas l’hypothèse où un accord a été trouvé entre le tiers et les parents, sans intervention judiciaire. Or si en principe, seul le juge des enfants est compétent pour organiser les modalités du droit de visite[478], il faut savoir qu’il lui est impossible matériellement de statuer chaque fois que le rythme des rencontres parents/enfants doit être modifié. Parfois, il peut être utile d’écrire dans le dispositif de la décision que les modalités des rencontres seront, non pas décidées unilatéralement par le tiers gardien, mais négociées entre les parents et le service éducatif. Le séjour de l’enfant peut alors être considéré comme régulier…
Par contre, si le séjour n’est ni spécialement autorisé par le juge, ni négocié entre le service et les parents, il s’agit d’un séjour irrégulier. Dans ce cas, le service demeure responsable pour les dommages causés par le mineur, même si ce dernier n’était pas effectivement sous sa surveillance. En effet, la sortie du mineur n’a alors aucun fondement juridique et elle ne peut plus permettre au tiers de s’exonérer de sa responsabilité. Pour M. Huyette, cette solution est pleinement justifiée car il faut éviter que le responsable du service éducatif anticipe une décision de mainlevée du juge et impose aux parents le retour de l’enfant, parce que ce dernier est trop difficile par exemple[479]. Si le mineur commet un dommage pendant cette période, seul le service sera responsable. Le tiers gardien doit ainsi assumer sa responsabilité jusqu’à ce que le juge n’en décide autrement. On retrouve ici les mêmes solutions que pour la responsabilité des parents sur le fondement de l’article 1384 alinéa 4 du Code civil : en effet, les parents ne sont pas exonérés de leur responsabilité lorsque la cessation de cohabitation avec l’enfant est dépourvue d’une cause légitime (exemples : fugue, séjour de l’enfant chez le parent non gardien alors qu’il n’y a eu aucune nouvelle décision du JAF…)[480].
Cependant, après cet arrêt de 1997, il restait des incertitudes, notamment par rapport aux notions de « suspension et d’interruption » de la mission du tiers, qui ne font pas partie du vocabulaire relatif à la protection judiciaire de l’enfant. Deux options étaient en effet envisageables : soit il fallait que la mesure soit « suspendue ou interrompue » au sens juridique des termes, c’est-à-dire que le juge ait mis fin à la mesure, même provisoirement[481] ; soit il fallait seulement que la visite du mineur dans sa famille résulte d’une décision du juge. C’est cette seconde hypothèse qui a été retenue : ainsi en 1998, la chambre criminelle va quelque peu modifier sa jurisprudence, en considérant que tout séjour en famille, qui n’a pas été officiellement autorisé par le juge des enfants et même si ce dernier a invité les intéressés à négocier entre eux les modalités des visites, n’emporte pas transfert de la responsabilité civile du service aux parents[482]. Il faut donc que le juge octroie l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement, sans quoi le tiers gardien reste responsable, peu importe que les parents aient été d’accord pour recevoir l’enfant pendant quelques temps.
Par contre, lorsque la visite est organisée sous le contrôle du juge, la Cour considère que les parents redeviennent civilement responsables puisque, selon l’article 375-7 du Code civil, les père et mère dont l’enfant a fait l’objet d’une mesure d'assistance éducative conservent sur lui l’autorité parentale et en exercent tous les attributs qui ne pas inconciliables avec l’application de la mesure… .
B. En cas de visite réglementée par le juge des
enfants
En 1997, il existait un malentendu car l’arrêt laissait entendre qu’il fallait que le juge suspende ou interrompe la mission du service éducatif pour que les parents redeviennent responsables. En 1998, le principe posé est clair : en l’espèce, le mineur était en visite chez sa mère et à l’occasion de cette visite, des faits de viols aggravés sont commis par ce mineur sur sa demi-sœur. La mère est déclarée civilement responsable de son fils en vertu de l’article 1384 alinéa 4 du Code civil puisqu’ici, la visite était judiciairement prévue. En considérant que la responsabilité civile des parents découle de l’exercice théorique des prérogatives d’autorité parentale, la solution de 1998 est justifiée. En effet, même si une mesure d'assistance éducative a été ordonnée par le juge, les parents exercent par principe les attributs parentaux conciliables avec la mesure. Mais nous avons vu précédemment qu’en pratique, l’application de ce principe posé par l’article 375-7 du Code civil est difficile parce que les parents ne rencontrent que de temps en temps leur enfant et parce que celui-ci est principalement encadré par le tiers gardien[483]. Dans ce contexte, le fait de déclarer le parent civilement responsable de son enfant pendant une simple visite semble contestable. Par exemple, dans les faits de 1998, la mère recevait ponctuellement son fils, proche de la majorité, hébergé le reste du temps par un service éducatif et qui présentait manifestement d’importants troubles de la personnalité. La mère exerçait-t-elle réellement une autorité sur ce grand adolescent ? Aurait-elle pu user de ses prérogatives parentales pour empêcher son fils de commettre le crime ? Souvent, les éducateurs sont la principale référence de ces grands enfants placés en foyers. Et la plupart du temps, ces jeunes sont placés, justement parce que les parents n’arrivent plus à exercer une quelconque autorité et parce qu’ils sont impuissants à les contrôler. Ce n’est donc pas au cours des visites et hébergements que ces parents, jugés défaillants, vont subitement « redevenir performants »[484].
Certes ces visites sont indispensables, parce qu’elles permettent un maintien des liens et qu’elles sont nécessaires dans l’optique d’un retour de l’enfant dans sa famille ; de plus, même si les parents doutent de l’opportunité de telles rencontres, les éducateurs les incitent en général à recevoir l’enfant, parce que ce dernier le souhaite vivement ou parce que cette rencontre s’insère dans le processus éducatif. Comment devraient alors réagir des parents si, en raison d’un dommage causé par leur enfant pendant l’une de ces visites, ce sont eux qui sont déclarés responsables ? Pour M. Huyette, cette solution est donc discutable et inadaptée à la pratique.
Concrètement, cet arrêt aura certainement des conséquences sur les relations familiales : ainsi, la question des rencontres parents/enfants va se reposer et si d’autres incidents se sont déjà produits pendant les visites du mineur, le rapprochement familial sera vraisemblablement compromis. Cela peut également inciter les parents à refuser les propositions ultérieures. Pour M. Huyette, il conviendrait donc de considérer que l’exercice « ponctuel » d’un droit de visite et d’hébergement par les parents ne décharge pas pour autant le tiers gardien de sa responsabilité. Ce dernier resterait en permanence civilement responsable, sauf si la mesure est suspendue ou interrompue (arrêt de 1997 précité) et les parents ne pourraient pas être déclarés responsables pour les dommages causés par leur enfant lors de courts séjours ayant lieu en milieu d’exercice d’une mesure d'assistance éducative. Par contre, leur responsabilité civile pour faute pourrait toujours être engagée en vertu de l’article 1382 du Code civil. Enfin, il est, selon l’auteur, plus cohérent que les services éducatifs restent responsables, même lorsque l’enfant est ponctuellement hors des murs du service, parce qu’ils bénéficient d’assurances spécifiques, basées sur les risques liés à la présence permanente de mineurs en difficultés.
Le débat demeure donc ouvert sur les limites de la responsabilité du tiers gardien et sur les circonstances qui justifient de décharger le tiers de cette responsabilité[485]. Sur ce point, Mme Leroyer considère également que la responsabilité des parents, lors des visites judiciairement prévues, n’est pas justifiée, d’autant plus que ceux-ci n’ont pas forcément le choix des modalités d’exercice du droit de visite et d’hébergement ( le juge peut imposer un lieu précis ou la présence d’une tierce personnes pendant ces visites). Selon elle, il faudrait partager les prérogatives liées à l’enfant entre les parents et le tiers gardien et consacrer une responsabilité solidaire pour les dommages causés par l’enfant ; la reconnaissance de cette « responsabilité civile dite familiale » résoudrait ainsi de nombreuses difficultés[486].
Quoi qu’il en soit, si la responsabilité civile des père et mère ne s’impose pas toujours et si la jurisprudence actuelle insiste sur le rôle du tiers lorsque la responsabilité de ce dernier doit être engagée, la responsabilisation des parents, quant à elle, est primordiale et elle doit être mise en avant pendant toute la durée du dispositif, dès le stade du déclenchement de la procédure. Il faut donc donner aux parents un rôle actif et les faire participer au quotidien de l’enfant même si celui-ci est placé, parce que cela favorisera le retour de l’enfant dans sa famille.
SOUS-SECTION 2 :
VERS UNE RESPONSABILISATION DES PERE ET MERE
Dès que l’on aborde les concepts d’autorité, de pouvoir ou de
responsabilité, les relations entre parents et enfants se compliquent.
L’autorité parentale, nous l’avons vu, est une série de droits et de devoirs,
peu commune parce que non contractuelle. Si le juge des enfants intervient, ce
n’est pas pour contrôler l’autorité parentale mais avant tout pour assister la
famille[487]. On ne peut donc
parler d’un côté d’irresponsabilité croissante des parents et de l’autre, les
priver des moyens d’une responsabilisation[488]. Or pour
responsabiliser les parents, il ne suffit pas de mettre l’accent sur leur
responsabilité ; il convient d’insister sur les pouvoirs qui leur appartiennent
pour mener à bien leur mission éducative qu’est l’autorité parentale[489]. Depuis quelques
années, l’action sociale et éducative est principalement axée sur le rôle joué
par la famille par rapport à l’équilibre et aux capacités de socialisation de
chacun de ses membres. Cependant, si
l’objectif de la mesure d'assistance éducative est de rapprocher la famille en
difficulté, dans certains cas, le retour
de l’enfant sera impossible et il conviendra de trouver des solutions
alternatives.
§ 1 : L’objectif de l’assistance éducative : le retour
de l’enfant dans son milieu
Nous avons vu dans les développements antérieurs toute l’importance qui est accordée au traitement « palliatif » de la situation de danger, c’est-à-dire la réalisation de l’objectif de protection du mineur. Mais la fonction dite « curative », qui consiste à remédier aux difficultés familiales est-elle réellement remplie ? Il semble, lorsque l’enfant est placé, que la répartition des prérogatives d’autorité parentale ainsi que l’aménagement des effets de parenté (droit de visite, responsabilité civile, participation à l’éducation, obligation alimentaire) ne favorisent pas vraiment cet objectif de rapprochement. Or la responsabilisation des père et mère est indispensable dans l’optique d’un retour de l’enfant de son milieu[490]. Certes le traitement des difficultés familiales est actuellement mis en avant par les textes et par les professionnels de l’enfance, pourtant il est encore difficile d’en apprécier l’efficacité.
A. L’importance du traitement des difficultés
familiales
1) Pour une meilleure connaissance des difficultés
Cette association des parents à
l’action éducative s’inscrit dans un mouvement idéologique et législatif de
maintien ou de retour de l’enfant au sein de sa famille, de façon quasiment
systématique. Il s’agit d’inciter les parents à collaborer en essayant de
comprendre l’organisation de la cellule familiale et en repérant les vices de
fonctionnement qui sont la source du danger pour l’enfant. Pour mieux connaître
les difficultés familiales, une « expertise familiale systémique » est souvent
proposée par les psychologues chargés d’évaluer les capacités éducatives de la
famille et elle se révèle très efficace en pratique[491]. Elle permet
d’envisager le retour de l’enfant dans
les meilleures conditions possibles.
Ainsi l’expert psychologique
mandaté va donner au juge des enfants tous les éléments de connaissance
concernant la famille, grâce à une collaboration étroite avec les services
sociaux et judiciaires intervenant auprès de la famille. Ce qui importe ici,
c’est plus le diagnostic des dysfonctionnements familiaux que les remèdes
proposés. Le rapport doit être remis aux parents et à l’enfant en toute
transparence. Dans ce rapport apparaîtra une description de toute l’organisation
familiale, mettant en avant les relations affectives et agressives
intra-familiales, les points positifs, les potentialités de chaque membre à
provoquer le changement du groupe... L’expert proposera ensuite un programme de
soins ou d’accompagnement psychologique de la famille et si celle-ci exprime une
volonté d’évoluer positivement ou d’être aidée, le juge pourra alors envisager
un rapprochement progressif des parents et de l’enfant. Au contraire, l’enquête
pourra révéler une renonciation des parents ou leur incapacité à élever de
nouveau l’enfant. Cette expérience est donc une base de travail sérieuse et
efficace et elle permet de suivre la famille sur une longue durée. Cependant
elle a un coût et actuellement, la législation française semble peu encline à
une application généralisée de cet outil de travail, craignant notamment une
atteinte à la liberté et au secret des familles. Si le rapprochement familial
passe par une meilleure connaissance des difficultés, il importe également
d’adapter spécialement la mesure d'assistance éducative aux besoins
familiaux.
2) Une mesure adaptée aux besoins familiaux
Pour redonner confiance aux
parents et les inciter à collaborer, le rôle des professionnels est de leur
rappeler régulièrement que les difficultés ne sont pas forcément dues à une
faute ou une démission de leur part. A ce titre, le rapport Naves/Cathala sur
les placements provisoires d’enfants réaffirme la place irremplaçable des
parents dans l’éducation de l’enfant et la nécessité d’adapter la mesure aux
véritables besoins de la famille[492]. Mais les
rapporteurs dénoncent aussi la lente évolution des méthodes d’action éducative
qui, en général, répondent aux situations par une simple alternative milieu
ouvert ou placement. Or il convient de mieux adapter les mesures, ce qui aura
une incidence certaine sur la vision qu’auront les parents de l’assistance
éducative.
Actuellement, les parents
perçoivent généralement la mesure en milieu ouvert comme un prélude au prochain
placement de leur enfant. Parfois, cette mesure d’AEMO est elle-même uniquement
prévue pour faire évoluer la situation du mineur alors qu’il serait nécessaire
de la compléter par une autre mesure, plus directement destinée à aider les
parents à faire face aux difficultés sociales et éducatives qu’ils rencontrent.
En outre, cette action éducative impose des réunions régulières avec toute la
famille ou encore un accompagnement social des parents pour accomplir leurs
démarches extérieures et résoudre les problèmes administratifs qu’ils rencontre
(avec la CAF, les organismes de santé …).
De même, en cas de placement, les
parents doivent être responsabilisés dans la perspective d’un retour de l’enfant
dans sa cellule familiale. Il faut favoriser les visites, maintenir un lien
constant entre les parents et l’enfant, associer les parents au quotidien du
mineur (scolarité, santé, éducation…). Or en pratique, le placement est
« souvent le résultat d’échecs successifs d’autres mesures, dont les dossiers
perdent la mémoire au fil du temps »[493]. Il s’agit
d’éviter la peur du placement car s’il est parfois nécessaire, il doit
s’accomplir dans le respect des droits des parents. Chaque situation est
différente et il n’y a pas un établissement ou un service qui peut apporter
« la » solution. Ainsi à une logique de solution par établissement ou service,
il faudrait substituer une logique de dispositif, construite autour d’un projet
individualisé[494]. Ce projet
serait fonction des capacités de l’institution d’accueil mais également des
ressources extérieures et des potentialités des parents. Le rapport
Naves/Cathala propose de créer une mesure éducative et sociale de soutien à la
famille, qui comprendrait différentes interventions (financières, médicales,
sociales, familiales) et qui perdurerait, même en cas de placement. Dans ce
contexte, le placement ne serait qu’une étape de stratégie sociale et éducative,
décidée avec les parents et s’inscrivant dans la continuité, afin de préserver
au maximum l’intégrité de la famille.
Pour favoriser un retour
progressif de l’enfant dans son milieu naturel, certains départements, celui du
Gard notamment, ont mis en place des services d’adaptation progressive en milieu
naturel (dits SAPMN)[495]. Le service
gardien du mineur exerce en réalité une responsabilité éducative directe sur
l’enfant, en substitution partielle des parents et il peut lui-même autoriser un
hébergement quotidien de l’enfant dans sa famille, pour permettre à la famille
de s’adapter à ce retour. Juridiquement, rappelons que l’établissement gardien
n’a aucune prérogative d’autorité parentale[496] mais il s’agit
là d’une pratique tolérée et qui a fait ses preuves.
De manière générale, il n’est pas
toujours facile de mesurer les effets d’une mesure d'assistance éducative, ce
qui explique peut-être les difficultés à privilégier tel ou tel soutien
éducatif. En effet, si le nombre de mesures est régulièrement mis à jour, les
résultats et le succès de chacune des mesures sont en revanche rarement mis en
évidence.
B. Les effets réels de la mesure d'assistance
éducative
De nombreux professionnels s’inquiètent du manque de possibilité d’évaluer l’impact de la mesure sur la famille. A ce propos, M. Challine, docteur en informatique, a mené une recherche sur l’évaluation des mesures d'assistance éducative dans la région Centre [497]. Selon lui, il ne suffit pas d’appliquer les lois mais il faut pouvoir trouver une solution équilibrée, en fonction des conséquences de la même décision, prise dans le passé et dans un contexte déterminé. Comparant le traitement judiciaire au traitement médical, il se demande quelles seraient les conséquences d’une prescription médicale effectuée intuitivement, sans référence aux effets qu’entraînent habituellement une thérapeutique donnée…Les résultats de ses recherches démontrent que les probabilités d’amélioration ou de stabilisation de l’enfant s’accroissent en fonction de la durée de la mesure : ainsi, lorsque la procédure n’excède pas deux ans, la proportion de résultats favorables est d’environ 30% alors qu’elle est de 70% pour les autres mesures (qui durent environ quatre ans). M. Challine observe ensuite qu’un enfant placé pendant une durée suffisamment longue et dans un milieu où il fait l’objet d’une attention suivie se trouve plus favorisé que s’il était resté dans un milieu familial instable, voire indifférent. L’auteur note aussi que le placement dure plus longtemps que la mesure en milieu ouvert, particulièrement pour les enfants jeunes et victimes de violences.
Il est donc possible d’en déduire que si la mesure en milieu ouvert est nécessaire, elle n’est pas toujours suffisante pour protéger un enfant et un placement peut être utile pour de jeunes enfants vivant chez des parents très défaillants[498]. Cependant, il ne faudrait pas généraliser ces résultats car les recherches ont été menées à une période et dans une région déterminées. Il est donc très difficile de mesurer l’efficacité des diverses mesures d'assistance éducative. Quoi qu’il en soit, s’il est nécessaire de favoriser le retour de l’enfant dans son milieu, cet objectif n’est pas toujours réalisable et d’autres alternatives sont alors envisageables.
§ 2 : Les solutions lorsque le retour de l’enfant est
impossible
Le travail avec la famille et l’objectif de rapprochement avec l’enfant n’aboutissent pas toujours. Il est des cas par exemple où le mineur devient majeur sans avoir pu réintégrer son milieu d’origine. Parfois, les parents se désintéressent volontairement de leur enfant et il faut alors constater rapidement l’impossibilité d’agir avec la famille et prendre éventuellement des mesures plus radicales.
A. La fin de la mesure d'assistance éducative
1) Un choix difficile pour le juge des enfants
En principe, dès le moment où la cause de l’intervention disparaît, c’est-à-dire la situation de danger, le juge doit mettre fin à la mesure. Il ne faut pas prolonger inutilement une protection si elle n’est plus nécessaire. En pratique, c’est une question très délicate car un enfant placé pendant plusieurs années peut s’être attaché à sa famille d’accueil ou s’être habitué aux éducateurs et il est alors difficile de le remettre à sa famille. Cette décision du juge des enfants exige donc une attention toute aussi particulière que lorsqu’il prend sa décision initiale[499]. A ce titre, le juge est tenu de convoquer de nouveau les intéressés avant de statuer, avec toutes les garanties que cette audience impose[500]. En outre, à chaque échéance, le juge des enfants doit se poser la question de la nécessité d’une poursuite du contrôle judiciaire. En effet, les travailleurs sociaux et les magistrats ont parfois tendance à prolonger l’accueil judiciaire alors que celui-ci pourrait prendre la forme d’un accueil administratif.
Dans certains cas, ce sont les parents eux-mêmes, dont la situation a pu s’améliorer, qui sollicitent la remise de l’enfant. Certes il y a demande des parents, qui estiment avoir redressé leur situation personnelle mais le juge ne peut pas pour autant faire abstraction de l’intérêt de l’enfant et de ses besoins. Entre temps, ce dernier a évolué dans un autre milieu et le magistrat doit prendre en compte ses sentiments, son équilibre affectif, la manière dont ses parents se sont occupés ou non de lui pendant le placement. Néanmoins, cet intérêt de l’enfant n’est pas une priorité et l’intervention du juge des enfants est toujours dictée par le danger : ainsi, au regard de la loi, il n’est nullement question de privilégier le tiers gardien, les parents conservant leur autorité parentale et ayant le droit de récupérer leur enfant si le danger a cessé. Ce n’est donc pas parce que l’enfant est plus épanoui chez la personne qui le garde qu’il faut refuser la demande des parents. Dans ces circonstances délicates, le juge doit ainsi prendre en compte à la fois le droit des parents de vivre de nouveau avec leur enfant et celui de l’enfant, qui a besoin de temps pour renouer avec famille et être de nouveau capable de vivre avec elle. Un aménagement progressif des visites est alors indispensable.
2)
Vers une mesure de protection des jeunes
majeurs
Il est possible que la mesure prenne fin parce que l’intéressé est devenu majeur[501]. Lorsque la loi du 5 juillet 1974 a abaissé l’âge de la majorité de vingt et un à dix-huit ans, le problème s’est posé de savoir ce que deviendraient les jeunes gens de plus de dix-huit ans ne bénéficiant plus des mesures éducatives. Voulant étendre le bénéfice de certaines mesures judiciaires de protection aux jeunes majeurs, le législateur va alors décider que toute personne majeure ou mineure émancipée éprouvant de graves difficultés d’insertion sociale pourrait, jusqu’à l’âge de vingt et un ans, demander au juge des enfants la prolongation ou l’organisation d’une action de protection judiciaire[502]. Il s’agissait alors de permettre à l’assistance éducative de fonctionner dans cette zone d’âge où finalement, le mineur n’est pas encore tout à fait adulte. Mais ces mesures impliquent une demande du jeune majeur et une acceptation du juge des enfants. Les parents ont-ils un avis à donner ? Puisqu’il s’agit d’un majeur, par définition, il n’est question nulle part des parents et l’intéressé dispose de la pleine capacité civile. Cependant, il est fréquent que le juge prenne une mesure de protection de manière anticipée, pour éviter que l’intéressé devenu majeur ne se retrouve provisoirement sans protection[503]. Ici les père et mère pourraient théoriquement contester la décision mais en général, ils ne le font pas, ne souhaitant pas eux non plus une interruption brutale de la mesure.
Quoi qu’il en soit, M. Huyette considère que cette intervention judiciaire, lorsque l’intéressé est majeur, ne se justifie pas réellement. En effet, le juge des enfants n’intervient en principe que s’il y a danger et lorsqu’il y a un conflit à trancher. Dans le cas des jeunes majeurs, il n’y a pas de conflit : ce sont eux qui sollicitent une protection et la plupart du temps, les services éducatifs soutiennent cette demande. Cette protection pourrait donc aussi bien être administrative[504]. De manière générale d’ailleurs, il importe que suite à une mesure judiciaire, une mesure administrative soit mise en place pour prolonger, pendant quelques temps, la protection et continuer à suivre la famille. Ce principe de continuité[505], si nettement affirmé, serait ainsi respecté même au delà de la mesure d'assistance éducative. Dans d’autres cas, la mesure devra prendre fin, non pas en raison du retour ou de la majorité du mineur mais parce que les parents se sont désintéressés de l’enfant.
B. Les sanctions en cas de désintéressement volontaire des
parents
Lorsque preuve est faite de
l’incompétence destructrice, de l’indifférence ou de la cruauté des parents, il
importe de couper les liens juridiques qu’ils ont avec l’enfant et ce même
provisoirement. Pour certains auteurs, des mesures plus radicales sont alors
indispensables car un placement trop long ou mal organisé peut « briser » un
enfant lentement et le sacrifier à la recherche d’amélioration de la situation
familiale. Quelles sont les possibilités procédurales qui permettent de limiter
les pouvoirs des parents ?
1) La délégation de l’autorité
parentale
A la demande des parents ou contre leur gré, l’exercice de l’autorité parentale peut être délégué à une tierce personne. Seul un jugement permet de déléguer l’autorité parentale. Lorsqu’elle est demandée par les parents, il appartient au juge aux affaires familiales de vérifier le fondement de la demande et d’en assurer l’efficacité. La requête des parents suppose l’accord du délégataire et l’enfant doit avoir au préalable été remis à un particulier digne de confiance, un établissement agréé pour la protection de l’enfance ou un service départemental de l’ASE[506].
Parfois la délégation est décidée à la seule requête du délégataire, lorsque les parents se sont désintéressés de l’enfant depuis plus d’un an : dans ce cas, le délégataire doit prouver le désintérêt et si les parents le contestent, ils doivent prouver que ce désintérêt résulte de circonstances indépendantes de leur volonté. Enfin dans certains cas, la délégation aura lieu parce que l’enfant a été recueilli et que ses parents n’ont pas donné signe de vie pendant trois mois : ils sont alors présumés renoncer à exercer sur l’enfant leur autorité parentale[507]. S’ils réclament l’enfant dans le délai mais que la restitution semble mettre en danger la santé ou la moralité de l’enfant, le service de l’ASE ou le recueillant doivent solliciter la mise en œuvre d’une mesure d'assistance éducative.
Quels sont les effets de la délégation d’autorité parentale ? En réalité, elle ne porte que sur l’exercice de l’autorité de parentale, l’enfant gardant le nom de ses parents. Si la délégation est partielle, les parents conservent un droit de visite et d’hébergement ainsi que certains droits particuliers tels que le droit de consentir au mariage et à l’émancipation[508] ; si elle est totale, le délégataire reçoit la charge d’élever l’enfant en respectant sa santé, sa sécurité, sa moralité. Pendant la durée de la délégation, les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent demander que les droits délégués leur soient restitués et il appartient au tribunal d’apprécier, dans l’intérêt de l’enfant, si des circonstances nouvelles les autorisent à exercer de nouveau leur rôle d’éducateur et de protecteur de l’enfant[509]. Par contre, si les tentatives des professionnels pour maintenir un lien familial ont échoué et si l’enfant continue d’être gravement en danger dans sa famille, il importe alors de prononcer une mesure encore plus grave.
2) Le retrait de l’autorité
parentale
Le retrait total des droits
d’autorité parentale s’applique à tous les attributs patrimoniaux et personnels
se rattachant à cette autorité (article 379 du Code civil). Le texte se veut
catégorique mais malgré tout, le législateur est beaucoup moins sévère que lors
de sa création, en 1889. Depuis 1996[510], le terme ancien
de « déchéance » a été remplacé par celui de « retrait », ceci afin de ne pas
faire porter à l’enfant la culpabilité incluse dans le terme de déchéance qui
fait allusion à une sanction des parents[511]. Celui qui a la
charge matérielle de l’enfant peut donc, grâce au retrait de l’autorité
parentale, obtenir les attributs parentaux s’il est constaté une grave carence
des père et mère. Quelque part, cela permet au tiers de pallier les
inconvénients dus aux autres mesures car en cas d’assistance éducative ou de
délégation, il ne peut jamais adopter l’enfant et exercer pleinement l’autorité
parentale.
Le retrait de l’autorité parentale
est prévu lorsque les parents sont pénalement condamnés, si l’infraction
représente un véritable danger physique ou moral pour l’enfant. De plus, les
parents qui ont gravement manqué à leurs obligations peuvent également se voir
retirer leur autorité parentale[512] : il s’agit des
père et mère qui, par de mauvais traitements, par une consommation habituelle et
excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants, par un inconduite
notoire ou des comportements délictueux, par un défaut de soins ou un manque de
direction, mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité
de l’enfant. Le texte vise en réalité une grande variété de fautes civiles et il
appartient au tribunaux d’apprécier au cas par cas si la sanction doit ou non
être prononcée.
Enfin la dernière hypothèse de
retrait d’autorité parentale suppose que l’enfant ait fait, au préalable,
l’objet d’une mesure d'assistance éducative[513]. Nous avons vu
que malgré le placement, les parents conservent tous les attributs de l’autorité
parentale qui ne sont pas inconciliables avec l’application de la mesure et
notamment un droit de visite et d’hébergement[514]. Or après avoir
rappelé ces droits, le législateur sanctionne le comportement négatif des
parents : si pendant plus de deux ans, ces derniers s’abstiennent d’exercer les
droits et de remplir les devoirs prévus à l’article 375-7 du Code civil, ils
peuvent se voir retirer leur autorité parentale[515]. Dans l’esprit
du législateur, cette sanction est sans doute destinée à inciter les parents à
remplir leurs obligations. S’ils ne réagissent pas, le retrait doit être
prononcé.
Juridiquement, le retrait de
l’autorité parentale va rendre l’enfant adoptable et les parents ne pourront
plus s’opposer à l’adoption. Mais si l’enfant n’est pas adopté, ils peuvent
toujours, par requête, obtenir du tribunal de grande instance que leur soient
restitués leurs droits s’ils justifient de circonstances nouvelles (article 381
du Code civil). Notons que le retrait des droits d’autorité parentale peut
n’être que partiel, c’est-à-dire limité aux attributs qu’il spécifie, par
exemple le droit de garde.
En pratique, le retrait est
rarement prononcé par les magistrats, peut-être en raison de cette politique
contemporaine qui privilégie les liens du sang et qui limite au maximum les
atteintes portées à l’autorité parentale. Pourtant, tant qu’ils demeurent
titulaires de l’autorité parentale, les père et mère doivent agir « pour » la
protection de leur enfant, ce dernier devant bénéficier de conditions de vie
affectives, matérielles et éducatives favorables à son bien être. Lorsqu’une
suppléance des parents s’impose, la justice se doit d’intervenir et leur retirer
leur autorité parentale : en effet, la mesure d'assistance éducative, prévue
comme étant la mesure la moins grave en termes d’atteinte à l’autorité
parentale, sera alors insuffisante. Ainsi, s’il n’est pas forcément possible de
résoudre les difficultés de toute une famille, l’enfant doit toujours être
protégé et la législation offre à ce titre une série de mesures qui permettent
cette protection.
En somme, la responsabilisation
des père et mère est fondamentale dans le processus de l’assistance éducative et
elle favorisera sans aucun doute la réussite de la mesure. Cette
responsabilisation passe par une meilleure connaissance des difficultés
familiales et par une mesure adaptée aux besoins de chacun. A l’inverse, s’il
est évident que les parents se désintéressent totalement de leur enfant, il ne
faut pas maintenir trop longtemps une mesure d'assistance éducative car cela
n’est pas favorable au mineur. Il importe alors de prendre d’autres mesures,
plus graves certes, mais qui permettront peut-être au mineur de trouver un
équilibre et à un tiers de l’adopter puis d’exercer pleinement les prérogatives
parentales.
CONCLUSION
« Où manque la force, le droit
disparaît ; où apparaît la force, le droit commence de rayonner »[516].
Cette étude nous aura permis d’entamer une réflexion sur
la protection judiciaire de l’enfant et plus généralement sur le fonctionnement
de la justice en droit de la famille. Des contradictions sont apparues, des
incohérences également dans un domaine où pourtant, l’efficacité de
l’intervention est essentielle. Les facteurs sont multiples : une législation
pas toujours explicite, des pratiques et des références parfois confuses… La
principale conséquence est une atteinte portée aux droits des personnes, plus
précisément aux droits des père et mère. Or il s’agit d’une intervention
judiciaire, c’est-à-dire d’une procédure de justice censée respecter les
libertés individuelles de chacun.
Certes les textes présentent des lacunes, bien que le
législateur ait vite compris l’importance du rôle joué par les parents : ainsi
il impose de rechercher leur adhésion ou encore de respecter l’autorité
parentale malgré la mesure. Il est alors contradictoire de dire qu’il y a
atteinte aux droits des père et mère. Néanmoins, il semble y avoir un décalage
fréquent entre les textes et leur mise en œuvre ; en outre, il est actuellement
très difficile de mesurer la réelle efficacité des mesures d’assistance
éducative. Les difficultés viennent peut-être de la place qui est accordée aux
parents dans la procédure : sur ce point, il est évident que le juge des enfants
dispose de très larges pouvoirs et que ses principaux interlocuteurs demeurent
les professionnels de l’enfance (éducateurs, experts...). Face à cette
souveraineté, les parents disposent de peu de garanties, tout au moins ne
bénéficient-ils pas des droits fondamentaux qu’est en droit d’attendre tout
justiciable. Pour améliorer le dispositif, certains proposent de rendre l’avocat
obligatoire ou de donner au parquet des moyens plus importants, afin qu’il
filtre les demandes et qu’il recentre l’action des juges des enfants[517]. Sur ce point,
le rapport Deschamps est plus mesuré mais il constitue une avancée manifeste en
matière d’information et de respect du contradictoire : les rapporteurs ont su
montrer du doigt les dysfonctionnements, notamment l’absence de transparence dès
le signalement. Reste à mettre en place la réforme, annoncée par la ministre de
la Justice au début de l’année 2002 et à attendre les résultats concrets quant
au respect des droits des parents.
Actuellement, les statistiques démontrent une
« judiciarisation » des mesures par rapport aux mesures administratives[518]. Qu’est ce qui
justifie cette augmentation constante des mesures judiciaires de protection ?
Les enfants sont-ils plus en danger et les parents plus défaillants ? La
protection administrative est-elle moins efficace ? En réalité, cette
augmentation tient sans doute aux conditions économiques et sociales de plus en
plus précaires qui touchent certaines familles. Dans ce contexte, la tâche des
juges des enfants est parfois surhumaine, ce que souligne le rapport Deschamps :
« Est-il raisonnable de demander à 352 juges des enfants et 139 parquetiers de
traiter annuellement 121 172 dossiers d’assistance éducative ? » (sans compter
les dossiers de mineurs délinquants). La réponse est venue d’un jugement rendu
par le juge de Saint-Etienne, le 20 juillet 1999, qui a renouvelé une mesure
d'assistance éducative parce que les éléments transmis par le rapport mettaient
en évidence la nécessité d’une intervention judiciaire et qui ajoutait
franchement « qu’en raison de la surcharge d’activité du tribunal pour enfants,
la décision ne pouvait d’avantage être motivée »[519]... Les parents
sont alors les principales victimes de cette absence de moyens car on va
privilégier la protection de l’enfant, au détriment des garanties procédurales
parentales.
Sur le fond, les textes se veulent respectueux de
l’autorité parentale et pourtant la pratique démontre les difficultés liées à
leur mise en œuvre et la confusion qui règne. Il importe, dès le départ,
d’instaurer une relation de confiance entre les parents, le juge et les
éducateurs et puis de mieux informer les familles de leurs droits et les
éducateurs de leurs devoirs envers les familles. Il faut tendre à une répartition plus adaptée
des prérogatives qui concernent l’enfant lorsqu’il est placé et éviter que l’intervention judiciaire ne
soit vécue par tous comme un traumatisme, un éternel conflit ou un déchirement.
Certains parents d’enfants placés commencent à réagir et à revendiquer leurs
droits : ainsi l’association « le Fil d’Ariane » a été créée en 1998 et a
organisé, le 12 mai dernier, ses premières assises nationales. Elle vient même
d’éditer un fascicule intitulé « Mon enfant est placé, j’ai des droits », que
diffuseront les conseils généraux. Il n’est nullement question de remettre en
cause les placements provisoires, simplement il a été constaté que certains
placements pouvaient être évités et que les droits des parents devaient être
respectés[520].
Finalement, la phase de procédure et celle de
l’exécution de la mesure sont liées indiscutablement et le bon déroulement de
l’une favorisera sans conteste le déroulement de l’autre. Evidemment, il ne faut
pas que le respect des droits des père et mère se fasse au détriment des droits
de l’enfant : n’oublions pas que si le juge intervient, c’est bien parce que
l’enfant est en danger… auprès de ses parents. Il est nécessaire, dans l’intérêt
de tous, que le déroulement de la mesure d'assistance éducative se fasse dans
les meilleures conditions possibles, pour que la famille retrouve une sécurité
économique, affective et éducative. Assurément, la mesure d'assistance éducative
ne résout pas toujours les difficultés et elle intervient parfois trop
tardivement. Il est alors utile de développer, en amont, les actions de
prévention ainsi que la médiation familiale mais ceci pourrait faire l’objet
d’une autre étude…
ANNEXES
- ANNEXE I : Arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 26 juin
2000 (extraits)
- ANNEXE II : Arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du
12 février 1999 (extraits)
- ANNEXE III : Propositions d’amélioration des droits des
parents, Rapport Deschamps, Janvier 2001
- ANNEXE IV : Exploitation d’un questionnaire remis à des
juges des enfants, Rapport Deschamps, Janvier 2001
ANNEXE I : Arrêt de la Cour d’appel de Lyon, 26 Juin
2000
(extraits)
Arrêt rendu
par
Cour d'appel de Lyon[521]
ch. spéc. mineurs
26 juin 2000
Décision attaquée :
Tribunal pour enfants de Saint-Etienne, 20 juillet 1999
(Annulation)
LA COUR (extraits) :
3 - Sur la communication du dossier : - La demande de
communication intégrale du dossier d'assistance éducative doit être accueillie
par application de la Convention européenne des droits de l'homme, dont
l'autorité est supérieure aux normes internes et que les tribunaux français sont
tenus d'appliquer. En effet, l'article 1187 du nouveau code de procédure civile,
qui prévoit que le dossier d'assistance éducative peut être consulté au
secrétariat-greffe par le conseil du mineur et celui de ses père, mère, tuteur,
ou la personne ou le service à qui l'enfant a été confié, et qui, a contrario,
interdit la consultation du dossier par la famille elle-même, est contraire au
principe du « droit à un procès équitable », posé par l'article 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme. Ce principe de procès équitable («
fair » dans la version anglaise, c'est-à-dire loyal), tel que précisé par la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'hommes, doit s'entendre d'un
procès équilibré, où soit assurée l'égalité des armes, ce qui implique que «
chaque partie ait la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des
conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par
rapport à son adversaire », et notamment le droit de prendre connaissance de
toute pièce ou information présentée au juge en vue d'influencer sa décision, et
de la discuter.
Les décisions des juges des enfants, en matière
d'assistance éducative, se fondent sur l'ensemble des éléments qui leur sont
transmis, soit par écrit, soit oralement lors de l'audience, par différents
intervenants, et notamment les travailleurs sociaux. Si les débats oraux
respectent le principe du contradictoire, il n'en va pas de même quant aux
documents écrits, qui ne peuvent être correctement analysés, compris et
éventuellement contestés, qu'après lecture et parfois relecture. La Cour
européenne des droits de l'homme a d'ailleurs jugé, le 24 février 1995, à
l'unanimité, qu'en matière d'assistance éducative, la circonstance que des
documents aussi essentiels que des rapports sociaux n'ont pas été communiqués
est « propre à affecter la capacité des parents participants d'influer sur
l'issue de l'audience. et entraîne une inégalité essentielle et un sérieux
désavantage ».
Le fait que seul un avocat puisse avoir accès aux pièces
du dossier, même si son assistance peut être obtenue gratuitement, ne suffit pas
à respecter le principe du procès équitable, dès lors que le droit interne
reconnaît aux familles le droit de se défendre sans avocat ; elles doivent, dans
cette hypothèse, se voir offrir des moyens de procédure qui assurent l'équilibre
entre les différents intervenants, et donc le droit d'accéder au dossier. Ce
droit, loin d'affaiblir le dispositif de la protection de l'enfance, paraît au
contraire susceptible de l'améliorer. En effet, il ne porte pas atteinte aux
pouvoirs des juges des enfants ( et du parquet), qui seront toujours les
premiers destinataires des rapports (et qui auront toujours la possibilité, en
cas d'urgence, de retirer un enfant en danger de sa famille, sans procéder à
l'audition préalable des parents), mais il rétablit l'équilibre entre les
familles et les différents acteurs de la procédure ; cet équilibre devrait
favoriser le dialogue et donc le travail éducatif, nécessairement basé sur la
confiance et la transparence, et non sur le secret, qui porte en germe le risque
de la toute-puissance et de l'arbitraire.
Il y a lieu par conséquent d'ordonner la communication
intégrale du dossier d'assistance éducative à la demanderesse, et de renvoyer au
lundi 11 septembre 2000 pour débats au fond ; Il apparaît également nécessaire
d'inviter Fatima X... à produire un acte de naissance intégral de l'enfant et à
préciser le lien existant entre elles, les éléments du dossier étant très
imprécis à cet égard (adoption ? Kafala ?).
Par
ces motifs ..., reçoit l'appel, annule le jugement entrepris, ordonne la
communication intégrale à Fatima X... du dossier d'assistance éducative
...
ANNEXE II : Arrêt de la Cour d’appel de Montpellier, 12
Février 1999 (extraits)
Arrêt rendu par
Cour d'appel de Montpellier[522]
ch. spéc. mineurs
12 février 1999
Composition de la juridiction : MM. Baudouin, prés. -
Derdeyn et Crousier, conseillers. - Silvestre, subst. gén. - Me Blanquer (au
barreau de Narbonne), av.
Décisions attaquées :
Tribunal pour enfants de Carcassonne, 24 septembre 1998
(Appel)
Tribunal pour enfants de Carcassonne, 6 octobre 1998
(Appel)
LA
COUR (extraits) –
L'article 1187 du nouveau code de procédure civile, qui
prévoit que le dossier d'assistance éducative peut être consulté au
secrétariat-greffe par le conseil du mineur et celui de ses père, mère, tuteur
ou personne ou service à qui l'enfant a été confié et qui a contrario exclut la
consultation personnelle du dossier par ces personnes ou service, ne porte pas
atteinte au principe posé par l'article 6 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales exigeant que la
cause de toute personne soit entendue équitablement par un tribunal indépendant
et impartial, ni au principe du respect de la vie privée et familiale posé par
l'article 8 de cette même Convention, dès lors que l'article 1186 du nouveau
code de procédure civile prévoit expressément, à défaut de choix par la personne
elle-même, la désignation d'office d'un conseil (désignation qui s'impose dans
le cas où elle aura demandé à prendre connaissance du dossier) et dès lors que
le conseil dispose effectivement du temps nécessaire pour prendre connaissance
du dossier et pour préparer avec son client sa défense. Cette règle spéciale de
procédure édictée pour la mise en œuvre des articles 375 et suivants du code
civil, apporte ouvertement une inflexion aux règles de droit commun relatives à
la contradiction. Cette inflexion est propre à la matière et impliquée par la
finalité même de l'assistance éducative. En effet, l'évaluation du danger
qu'encourt un enfant au sein même de sa famille ne peut se réaliser qu'avec des
précautions comportant éventuellement la confidentialité de certaines
informations, au moins à certains moments. Le principe de la contradiction
lui-même est respecté dès lors que le juge (qui doit le faire observer et
l'observer lui-même) fait connaître complètement les raisons qui peuvent
conduire à prendre une mesure d'assistance éducative et dès lors que l'avocat,
qui aura eu accès à l'intégralité du dossier et se sera entretenu avec son
client, peut soulever toutes les contestations de fait et de droit utiles à sa
défense.
La loi du 4 juin 1970 réformant le droit de la
protection judiciaire de l'enfance a recommandé aux magistrats de laisser autant
que possible les mineurs dans leur milieu familial. Un accès direct des parents
au dossier ne pourrait que contrarier de manière importante cet objectif : le
maintien des enfants dans leur famille, en dépit quelquefois de graves carences
parentales avérées, n'est possible que parce que le juge, s'il a espoir en leurs
potentialités, en appelle à la responsabilité des parents, obtenant ainsi leur
adhésion aux mesures envisagées (comme le demande la loi). La possibilité de
leur remettre avec un suivi socio-éducatif l'enfant après un placement dépend
largement de ces mêmes conditions. La lecture sans ménagement de toutes les
interrogations émises à leur sujet ruinerait cette possibilité, fondée sur la
confiance, et entraînerait une multiplication de placements autoritaires et une
déshumanisation certaine du dispositif français de protection de l'enfance. Le
mode de consultation du dossier d'assistance éducative prévu par l'article 1187
du nouveau code de procédure civile permet ainsi de garantir l'équilibre du
principe de la contradiction avec la nécessité de protection de l'enfance en
danger, dont la légitimité est reconnue par l'article 8, alinéa 2, de la
Convention européenne invoquée et par d'autres conventions internationales
ratifiées par la France, notamment la Convention internationale des droits de
l'enfant. Incidemment, il est à noter qu'il assure aussi l'équilibre de ce
principe avec celui du respect de la vie privée et familiale de chacun dans le
cas des familles recomposées. Il convient, en conséquence, de rejeter la demande
des appelants, de rouvrir les débats pour l'examen de l'appel au
fond.
Par ces motifs [...], rejette la demande des époux D...
de consulter personnellement le dossier...
* * *
ANNEXE III : PROPOSITIONS DU RAPPORT DESCHAMPS[523]
1. Affirmer l’autorité parentale
comme critère principal de compétence
de l’assistance
éducative
Article
1181 (Décret n° 87-578 du 22
Juillet 1987) Les mesures d'assistance
éducative sont prises par le juge des enfants du lieu où demeure, selon le cas,
le père, la mère, le tuteur du mineur ou la personne ou le service à qui
l'enfant a été confié; à défaut par le juge du lieu où demeure le
mineur. Le juge peut si le père, la
mère, le tuteur ou la personne ou le service à qui l'enfant a été confié change
de domicile ou de résidence, se dessaisir au profit du nouveau domicile ou de la
nouvelle résidence. |
Nouvelle
rédaction Les mesures d'assistance éducative sont prises par le juge des enfants du lieu où demeure, selon le cas, le père, la mère, le tuteur du mineur ou la personne ou le service à qui l'enfant a été confié; à défaut par le juge du lieu où se trouve le mineur. Si le père, la mère, le tuteur
ou la personne ou le Service à qui l’enfant a été
confié change de lieu de résidence, le juge se dessaisit au profit du juge du
lieu de la nouvelle résidence, sauf ordonnance motivée.
En cas de changement de
département, le dessaisissement est notifié au Président du Conseil Général de
la nouvelle résidence. |
2. Information rapide des
parents
- de l’ouverture de la
procédure
- des motifs qui la
fondent
- de leurs droits (défense et
consultation)
Article
1182 Le juge donne avis de la procédure au Procureur de
la République et en informe les père, mère, tuteur, personne ou service à qui
l'enfant a été confié quand ils ne sont pas requérants. Article
1183 Le juge entend les père et
mère, le tuteur ou (Décret n°87-578 du 22.07.1987) "la personne ou le
représentant du service à qui l'enfant a été confié" ainsi que toute autre
personne dont l'audition lui paraît utile. Il entend le mineur à moins que l'âge
ou l'état de celui-ci ne le permette pas. Il peut, soit d'office, soit à
la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure
d'information et faire notamment procéder à une étude de la personnalité du
mineur, en particulier par le moyen d'une enquête sociale, d'examens médicaux,
psychiatriques et psychologiques, d'une observation du comportement ou d'un
examen d'orientation Professionnelle. |
Nouvelle rédaction en un seul
article 1182 : Le juge avise de la procédure
le procureur de la République, les
père, mère, tuteur, personne ou service à qui l'enfant a été confié
quand ils ne sont pas requérants. Il convoque dans un délai d’un
mois les père et mère, le tuteur, la personne ou représentant du service à qui
l'enfant a été confié, le mineur en âge de discernement, et porte à leur
connaissance les motifs de sa saisine. Il entend les père et mère, le tuteur, la
personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié, le mineur et
toute personne dont l'audition lui paraît utile. La convocation mentionne les
droits des parties à faire choix d'un conseil ou de demander qu'il leur en soit
désigné un d'office. La désignation doit intervenir dans les 8 jours de la
demande. La convocation informe les parties de la possibilité de consulter le
dossier, conformément aux dispositions de l’article 1187. Le juge ordonne
d'office ou à la requête des parties ou du ministère public toute mesure
d'information concernant la personnalité et l’environnement du mineur et de ses
parents. |
3.
Affirmation du principe du contradictoire dès le début de la
procédure,
y
compris pour les mesures d’urgence
Article
1184
Les mesures provisoires
prévues au premier alinéa de l’article 375-5 du Code Civil, ne peuvent être
prises , hors le cas d’urgence , que s’il a été procédé à l’audition des père,
mère , tuteur ou ( Décret n° 87-578 du 22 juillet 1987) « personne ou
représentant du service à qui l’enfant a été confié » prescrite par l’article
1183. Si
l’urgence le requiert, les mesures provisoires peuvent aussi être prises, sans
préjudice des dispositions du second alinéa de l’article 375-5 du Code Civil ,
par le juge des enfants du lieu ou le mineur a été trouvé, à charge pour lui de
se dessaisir dans le mois au profit du juge territorialement
compétent. |
Nouvelle
rédaction Les mesures provisoires
prévues au premier alinéa de l'article 375-5 du Code Civil, ainsi que les
mesures d’information, ne peuvent être prises que s'il a été procédé à
l'audition du ou des titulaires de l'autorité parentale et après avoir recueilli
l'avis du procureur de la République. En
cas d'urgence spécialement motivée, ces mesures peuvent être prises par le juge
sans audition préalable des titulaires de l'autorité parentale et du mineur.
Dans le cas d’un placement, l’audition doit intervenir dans les 15 jours, faute
de quoi le mineur est remis à ses père, mère, tuteur, personne ou service à qui
il a été confié, sur leur demande. Lorsque
le juge est saisi, conformément aux Dispositions de l’article 375-5 alinéa 2 du
code civil, Par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une
mesure de placement provisoire, il procède à cette audition dans les 15 jours de
sa saisine. Ces
mesures peuvent être prises sans préjudice des dispositions du second alinéa de
l'article 375-5 du Code Civil par le juge des enfants du lieu où le mineur a été
trouvé, à charge pour lui de se dessaisir dans le mois au profit du juge
territorialement compétent. |
4.
Affirmation du principe du contradictoire dès le début de la
procédure,
y
compris pour les mesures d’urgence
Article
1185 La décision au fond doit
intervenir dans un délai de six mois à compter de la décision ordonnant les
mesures provisoires, faute de quoi .l'enfant est remis à ses père, mère, tuteur,
personne ou service à qui il a été confié, sur leur
demande. Si
l'instruction n'est pas terminé dans le délai prévu à l'alinéa précédent, le
juge peut, après avis du procureur de la république, proroger ce délai pendant
un temps dont il détermine la durée. |
Nouvelle
rédaction: La
décision au fond doit intervenir dans un délai de six mois à compter de la
décision ordonnant les mesures provisoires, faute de quoi, l’enfant est remis à
ses père, mère, tuteur, personne ou service à qui il a été confié, sur leur
demande. Si l'instruction n'est pas terminé dans le délai prévu à l'alinéa
précédent, le juge peut, après avis du procureur de la République et audition
des parents, proroger ce délai pendant un temps dont il détermine la durée qui
ne pourra excéder 6 mois. |
5. Cet article
n'a plus de raison d 'être, il est intégré dans l'article
1182.
Article
1186 Le
mineur, le père, la mère, le tuteur ou la personne ou le service à qui il a été
confié peuvent faire choix d'un conseil ou demander au juge qu'il leur en soit
désigné un d'office. La désignation doit intervenir dans les huit jours de la
demande..... |
Article
abrogé. |
6.
Organisation de la communication des dossiers :
-
principe et réserve dans l’intérêt de l’enfant
-
mise en place des points d’accès au droit et au
dossier
Article
1187 L'instruction
terminée, le dossier est transmis au Procureur de la
république qui le renvoie dans les quinze jours au juge, accompagné de son avis
écrit sur la suite à donner ou de l'indication qu'il entend formuler cet avis à
l'audience. Le
dossier peut être consulté au secrétariat greffe par le conseil du mineur et
celui de ses père, mère, tuteur ou (Décret : 87-578 du 212 juillet 1987)
"personne ou service à qui l'enfant a été confié" jusqu'à la veille de
l'audience. |
Nouvelle
rédaction article
1187 L'instruction
terminée, le dossier est transmis au procureur de la République qui le renvoie
dans les quinze jours au juge, accompagné de son avis écrit sur la suite à
donner ou de l'indication qu'il entend formuler cet avis à
l'audience. Le
dossier peut être consulté au secrétariat greffe par le conseil du mineur et
celui de ses père, mère, tuteur ou (Décret : 87-578 du 212 juillet 1987)
"personne ou service à qui l'enfant a été confié", et sur leur demande, par les
titulaires de l'autorité parentale et par le mineur Avec
l'accord de ses parents ou en cas de refus des titulaires de l’autorité
parentale, en présence de son Conseil ou d'un administrateur ad hoc, jusqu’à la
veille de l’audience. Le
juge peut proposer l’accompagnement de la Consultation
par un professionnel, personne ou service habilité, extérieur à la
procédure. Par
décision spécialement motivée, le juge pourra, en l’absence de conseil, réserver
la consultation de tout ou partie des pièces à l'un ou l'autre des parents ou au
mineur lorsque cette consultation ferait courir un danger physique ou moral
grave au mineur. |
Article
1188 |
sans
changement |
Article
1189 |
sans
changement |
Article
1190 |
sans
changement |
Article
1191 |
sans
changement |
Article
1192 |
sans
changement |
7.
Rappel de la nécessité d’un examen rapide des procédures
d’appel
Article
1193 L'appel
est instruit et jugé par priorité en chambre du conseil par la chambre de la
cour d'appel chargée des affaires de mineurs suivant la procédure applicable
devant le juge des enfants. |
Nouvelle
rédaction L'appel
est instruit et jugé par priorité en chambre du conseil par la chambre de la
cour d'appel chargée des affaires de mineurs suivant la procédure applicable
devant le juge des enfants. L'appel
des décisions de placement provisoire doit être examiné dans un délai qui ne
saurait être supérieur à 3 mois. |
Article
1194 |
Sans
changement |
8.
Simplification de la notification
Article
1195 Les
convocations et notifications sont faites par le greffier par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception; le juge peut, toutefois , décider qu'elles
auront lieu par acte d'huissier de justice ou par la voie
administrative. La
remise d'une expédition du jugement contre récépissé daté et signé équivaut à la
notification. |
Nouvelle
rédaction Les
convocations et notifications sont faites par le greffier par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception et par lettre simple ; le juge peut, toutefois
, décider qu'elles auront lieu par acte d'huissier de justice ou par la voie
administrative. La
remise d'une expédition du jugement contre récépissé daté et signé équivaut à la
notification. |
Article
1196 |
Sans
changement |
Il
n’existe pas de dépens en assistance éducative, ceci étant assimilé à des frais
de justice à la charge de l’état conformément aux disposition de l’article R93
1° du code de procédure pénal pris en application de l’article 800 du même code.
Il convient donc de supprimer les dispositions qui s’y
rapportent.
Article
1197
Lorsque les père et mère ne peuvent supporter la charge totale des frais de justice qui leur incombent, le juge fixe le montant de leur participation. |
Article
à abroger |
Article
1198 |
Sans changement |
Article
1199 |
Sans changement |
ANNEXE IV : EXPLOITATION DE
QUESTIONNAIRE
Questionnaire envoyé par le groupe de travail
DESCHAMPS à 368 juges des enfants
196 ont
été retournés (soit 53.3% de
retour)
INSTRUCTION DU
DOSSIER
1 -
Première audition après la saisine
|
8
jours |
15
jours |
1
mois |
plus |
Délai |
1,10% |
20,10% |
60,90% |
17,90% |
En cas
d'OPP du Parquet |
30% |
40,90% |
22,60% |
6,40% |
2 -
Le juge avise les père et mère et le mineur de leur droit à être assisté d'un
avocat
|
Toujours |
Parfois |
jamais |
oralement |
10,20% |
64,70% |
25,00% |
par courrier |
81,30% |
7,60% |
11,10% |
3 -
Le juge entend les père et mère …
Quelles informations sur le
dossier donne-t-il ?
complète et
exhaustive |
61,00% |
partielle et
sélectionnée |
39,00% |
Aucune |
0% |
Entend-il le mineur à ce stade
?
Toujours |
67,70% |
Parfois |
14,60% |
Souvent |
17,20% |
Jamais |
0,50% |
4 -
Les mesures provisoires sont prises par les JE…
… le
plus souvent en visant l'urgence sans audition : 12,2 % des
JE
pour
78,04 % de leurs mesures, selon l'estimation la plus fréquemment
donnée
… le
plus souvent après audition :
87,8% des JE
pour
90,12% de leurs mesures, selon l'estimation la plus fréquemment
donnée
AUDIENCE AU FOND
1 -
Préparation de l'audience
Transmission au
Parquet
Jamais |
33,00% |
Parfois |
30,40% |
Toujours |
36,60% |
Si transmission au Parquet,
rend-il un avis écrit ?
Oui |
76,20% |
Non |
23,80% |
Consultation du
dossier
|
Oui |
Non |
Père |
0% |
100% |
Mère |
0% |
100% |
Avocat |
100% |
0% |
travailleurs
sociaux |
99,00% |
1,00% |
JAF |
93,80% |
6,20% |
Les rapports parvenus le jour de
l'audience sont-ils versés au débat ?
Oui |
98,40% |
Non |
1,60% |
2 -
L'audience
Audition des travailleurs
sociaux
avant
la famille hors de sa présence |
7,60% |
après
la famille |
5,20% |
en même
temps |
87,20% |
Audition de la
famille
Audition |
toujours |
jamais |
parfois |
Père |
97,40% |
0% |
2,60% |
Mère |
99,50% |
0% |
0,50% |
Mineur |
84,20% |
0% |
15,80% |
*
certains fixent toutefois un seuil d'âge minimum entre 3 et 10
ans
Durée de l'audience estimée par
les JE en moyenne à : 41
minutes
3 -
Notification du jugement au mineur de plus de 16 ans
Oui |
28,80% |
Non |
71,20% |
4 -
L'appel :
Fréquence estimée en moyenne par
les JE à : 5,2%
Délai d'examen
:
1
mois |
0,60% |
3
mois |
22,10% |
6
mois |
43,60% |
Plus |
33,70% |
Y a-t-il un délégué à la
protection de l'enfance ?
Oui |
96,70% |
Non |
3,20% |
Si oui, connaissez-vous son nom
?
Oui |
94,10% |
Non |
5,90% |
|
|
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX
- A. BENABENT, Droit civil, La famille, Litec,
1998.
- J. CARBONNIER, Droit civil, La famille (l’enfant,
le couple), PUF, 1999.
- G. COUCHEZ,
Procédure civile, Armand Colin, Paris, 2000.
- P. COURBE, Droit de la famille, Armand Colin,
Paris, 1997.
- P. LE TOURNEAU et L. CADIET (dir.), Droit de la
responsabilité, Dalloz Action, 1998.
- P. MALAURIE et L. AYNES, Cours de droit civil, La
famille, Cujas, 1998.
- H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD, F. CHABAS, Leçons de
droit civil, La famille, Montchrestien, 1995.
- R. PERROT, Institutions judiciaires,
Montchrestien, 1998.
- J. RUBELLIN-DEVICHI (dir.), Droit de la famille,
Dalloz Action, 1999.
- J. VINCENT et S. GUINCHARD, Procédure civile,
Précis Dalloz, 1999.
- G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les
conditions de la responsabilité, LGDJ, 1998.
OUVRAGES SPECIAUX
- J-M. BAUDOIN, Le juge des enfants, punir ou
protéger, ESF, Coll. La vie de l’enfant, Paris, 1990.
- F. BOULANGER, Droit civil de la famille, Aspects
comparatifs et internationaux, Tome II, Economica,
1994.
- P. CHAILLOU, Guide du droit de la famille et de
l’enfant, Dunod, Paris, 1996.
- P. CHAILLOU, Violence des jeunes, l’autorité
parentale en question ?, Gallimard, 1995.
- F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Les droits de l’enfant, Que
sais-je ?, n° 852, PUF, 1998.
- D. EPAILLY, Les sectes et le droit familial,
Coll. Logiques juridiques, L’Harmattan, 2000.
- M-J. GEBLER, Juris-Classeur, Civil Code, Notarial
Répertoire, 1988 (à jour au 30 sept. 2000) :
· Autorité parentale : fasc. 20 (art. 371 à 387).
· Assistance éducative : fasc. 21.
- M. HUYETTE, Guide de la protection judiciaire de la
jeunesse, Dunod, Paris, 1999.
- A. KIMMEL, Le juge de l’autorité parentale,
compétence et pouvoir, Thèse, Université de Toulouse I,
1996.
- C. LEBLANC, Le contentieux du placement de
l’enfant, Mémoire DEA de Droit privé, Université de Toulouse I,
1998-1999.
- B. LHERBIER-MALBRANQUE, La protection de l’enfant
maltraité, Coll. Logiques juridiques, L’Harmattan,
2000.
- C. NEIRINCK, La protection de la personne de l’enfant
contre ses parents, LGDJ, Paris, 1984 (préf. B.
Teyssié).
- Observatoire de l’enfance en France, Les « nouvelles
familles », l’état de l’enfance en France, Hachette,
1998.
- M. PIERRE, La garde du mineur, Mémoire DEA de
Droit privé, Université de Toulouse I, 1998-1999.
- J-F. RENUCCI, Enfance délinquante et enfance en
danger – La protection judiciaire de la jeunesse, Ed. du CNRS,
1990.
- P. ROBERT, Traité de droit des mineurs, Paris,
Cujas, 1969.
- J-P. ROSENCZVEIG, Le dispositif français de
protection de l’enfance, Jeunesse et droit, Paris,
1998.
- P. SALVAGE-GEREST, Juris-Classeur, Procédure civile,
Notarial Répertoire, 1994 (à jour au 15 juin 2000) :
· Assistance éducative : fasc. 935.
- P. VERDIER et J-P. ROSENCZEIG, Les responsabilités en
travail social, Jeunesse et droit, Dunod, Paris, 1998.
- P. VERDIER, L’autorité parentale – le droit en
plus, Bayard, 1993.
RAPPORTS, COLLOQUES :
- F. DEKEUWER-DEFOSSEZ (dir.), « Rénover le droit de la famille, propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps », Rapport au Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 1999, publié à La Documentation française.
- J-P. DESCHAMPS (dir.), « Le contradictoire et la communication des dossiers en assistance éducative » Rapport au Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, Janvier 2001, disponible sur www.social.gouv.fr.
- P. NAVES et B. CATHALA (dir.), « Accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents : des décisions qui mettent à l’épreuve le système français de protection de l’enfance et de la famille », Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale des services judiciaires, Rapport au ministre de l’emploi et de la solidarité et au garde des sceaux, Juin 2000, disponible sur www.social.gouv.fr.
- « Quel droit, pour quelles familles ? », Actes du colloque de Paris 2000, Ministère de la Justice, La Documentation française, Paris, 2001.
ARTICLES ET CHRONIQUES :
- F. ALT-MAES, « La garde, fondement de la
responsabilité du fait du mineur », JCP 1998, I, n°
154.
- P. BARBIER, « Les limites de l’autorité parentale en
matière religieuse », Gazette du Palais, 8 juin 1971, p.
273.
- J-P. CHALLINE, « Des effets de l’assistance éducative
(présentation d’un modèle d’évaluation des conséquences de la règle de
droit) », JCP 1994, I, n° 3784.
- J. CHAZAL, « Réflexions sur la pratique des fonctions
de juge des mineurs », Revue Sciences criminelles 1974, p.
679.
- J. CHAZAL, « La protection judiciaire des mineurs
délinquants et en danger en état de crise », Gazette du Palais, 3 déc. 1985,
2 , p. 662.
- C. COLOMBET, « Commentaire de la loi du 4 juin 1970
sur l’autorité parentale », Dalloz 1991, chron., p.1.
- H. DE TOUZALIN, « Le refus de consentement à un
traitement par les parents d’un enfant mineur en danger de mort », JCP 1974,
I, n° 2672.
- A. DEISS, « Le juge des enfants et la santé du
mineur », JCP 1983, I, n° 3125.
- J-F. ESCHYLLE, « Le juge de l’assistance éducative et
l’IVG des mineures célibataires », RDSS 1997, p. 639.
- M-A. FRISON-ROCHE, « L’impartialité du juge »,
Dalloz 1999, chron., p. 53.
- M. HUYETTE, « De l’ordonnance de 1945 à l’article 375
du code civil », Revue Sauvegarde de l’enfance, n° 4, 1998, p.
180.
- M. HUYETTE, « Le contradictoire en assistance
éducative : l’indispensable réforme de l’article 1187 du nouveau Code de
procédure civile », Dalloz 1998, chron, p.220.
- M. HUYETTE, « Le contradictoire en assistance
éducative, l’accès des familles à leur dossier », Journal des Jeunes n° 197,
septembre 2000, p.21.
- M. HUYETTE, « Le contradictoire en assistance
éducative, le contenu des écrits », Journal des Jeunes, n°203, mars 2001,
p.13.
- M. HUYETTE, « La contradiction et la procédure
d’assistance éducative – Quelle réforme du NCPC ? », Dalloz 2001, n°
3, Point de vue, p. 1803.
- M. HUYETTE, « Les sectes et la protection judiciaire
des mineurs », Dalloz 1996, chron., p. 271.
- M. HUYETTE, « Les sectes et le droit », Dalloz
1999, chron., p. 383.
- D. LEGRAND, « L’enfant placé par décision
judiciaire : droits respectifs des familles et des établissements », Revue
Sauvegarde de l’enfance 1994, n° 3, p. 192.
- A-M. LEROYER, « L’enfant confié à un tiers, de
l’autorité parentale à l’autorité familiale », R.T.D.Civ. 1998, p
587.
- J. MASSIP, « L’audition des père et mère et du mineur
dans la procédure d’assistance éducative », La Gazette du Palais 1985, 2, p.
668.
- P. MURAT, « Bataille autour du contradictoire dans la
procédure d’assistance éducative », Revue Droit de la Famille 1999, n°
135.
- C. NEIRINCK, « Quand l’avocat fait défaut : l’exemple
de l’assistance éducative », Les Petites Affiches, 8 février 1991,
p.24.
- M. REDON, « L’IVG de la mineure ou l’exercice
interposé du droit parental », Dalloz 2001, chron., p.
1194.
- J-F. RENUCCI, « L’efficacité de l’audition des
parents et du mineur dans la procédure d’assistance éducative », Dalloz
1987,chron., p. 19.
- M. RISSMANN, « Le contradictoire en assistance
éducative, réponse à M. Huyette », Journal des Jeunes n°201, janvier 2001,
p.3.
- P. ROBERT, « Une autre assistance éducative –
Commentaire de la loi du 4 juin 1970 », R.T.D.Civ. 1972, p.
26.
- M. ROBIN, « Milieu ouvert, milieu familial et action
éducative … ce que nous dit le droit », Revue Sauvegarde de l’enfance, n°1,
1996, p. 26.
- J-P. ROSENCZVEIG, « Commentaire du Rapport
Naves/Cathala », Journal des Jeunes n° 199, nov. 2000, p.
40.
- P. SIMLER, « La notion de garde de l’enfant (sa
signification et son rôle au regard de l’autorité parentale) », R.T.D.Civ.
1972, p. 685.
NOTES DE
JURISPRUDENCE (Principales références) :
- F. CHABAS, note sous Crim., 10 oct. 1996, JCP 1997, II,
n° 22833.
- A. DEISS, note sous Nancy, 1er prés., 9 déc.
1983, JCP 1986, II, n°20575.
- A. DORSNER-DOLIVET, note sous Civ.2ème, 19
février 1997, RDSS 1997, p. 660.
- T. DUBAELE, note sous CA Bordeaux, 4 déc. 1991, Dalloz
1993, J., p. 129.
- A-M. GALLIOU-SCANVION, note sous Civ.2ème, 9
déc. 1999, Dalloz 2000, J., p.713.
- M. HUYETTE, note sous Civ.1ère, 13 oct. 1998,
Dalloz 1999, J., p. 123.
- M. HUYETTE, note sous CA Lyon, 26 juin 2000, Dalloz
2000, J., p. 661.
- M. HUYETTE, note sous CEDH, 24 février 1995, Dalloz
1995, J., p. 449.
- M. HUYETTE, note sous CA Montpellier, 12 février 1999,
Dalloz 1999, J., p. 298.
- M. HUYETTE, note sous Crim., 25 mars 1998, JCP 1998, II,
n° 10162.
- M. HUYETTE, note sous Crim., 15 juin 2000, Dalloz 2001,
J., p. 653.
- M. HUYETTE, note sous Crim. , 26 mars 1997, JCP 1998,
II, n° 10015.
- J. MASSIP, note sous Civ. 1ère, 3 mai 2000,
Dalloz 2000, J., p. 678.
- J. MASSIP, note sous Civ.1ère, 24 octobre
1995, Dalloz 1996, J., p. 513.
- J. MASSIP, note sous Civ. 1ère, 3 février
1987 et 2 juin 1987, Défrénois 1987, p. 1079.
- G. RAYMOND, note sous CA Nancy, 3 déc. 1982, , JCP 1983,
II, n° 20081.
- J-F. RENUCCI, note sous CA Paris, 16 déc. 1986, Dalloz
1988, J. , p. 69.
- J-F. RENUCCI, note sous CA Rennes, 18 sept. 1987, Dalloz
1988, J., p. 440.
SITES INTERNETS CONSULTES :
- La Cour européenne des droits de l’homme : www.dhcour.coe.fr
- La Documentation française : www.ladocfrancaise.gouv.fr
- Ministère de l’Emploi et de la Solidarité : www.social.gouv.fr
- Ministère de la Justice : www.justice.gouv.fr
- Site du magistrat Michel Huyette : www.huyette.com
- Site du magistrat Jean-Pierre Rosenczveig
: www.rosenczveig.com
TABLE DES ABREVIATIONS
REVUES :
- Bull. civ. I, n°352 Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation de l’année de la décision, partie, numéro
- D.1975, J., p.30
Recueil Dalloz, année, partie jurisprudence, page
- D.1995, somm., p.50 Recueil Dalloz, année, partie sommaire, page
- D.1981, IR, p.90
Recueil Dalloz, année, partie informations rapides,
page
- D.E.F 1981/69
Revue Droit de l’enfance et de la famille, année,
page
- D. pers. Fam. 1999, p.27
Revue droit des personnes et de la famille, année,
page
- Defrénois 1979, art.326, p.137
Répertoire du notariat Defrénois, année, n° d’article, page
- D.Famille 1998, n° 23, p.
3
Revue Droit de la famille, année, numéro de l’article,
page
- Gaz. Pal. 1978, 2, p.714 Gazette du Palais, année, semestre, page
- J.-cl.,Civil Code, fasc.21,
n°24, p.3
Juris-Classeur civil, n° de fascicule, numéro, page
- JCP 1998, II, n°10167
Juris-Classeur périodique, année, éd. générale,
partie
jurisprudence, numéro
- JCP 1999, I, n°2230
Juris-Classeur périodique, année, éd. générale,
partie
chronique, numéro
- J.D.J 2000, n°150, p. 27
Journal des Jeunes, année, numéro de la revue, page
- JO 31 juill. 1998, p.11710 Journal officiel ( lois et décrets), date, page
- R.D.S.S 1999, p.221 Revue Droit sanitaire et social, année, page
- R.S.C 1994, p. 26
Revue science criminelle, année, page
- R.T.D.Civ. 1974, p.419 Revue trimestrielle de droit civil, année, page
AUTRES :
- Al.
Alinéa
- Art.
Article
- Ass. plén. Arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation
- C. civ. Code civil
- C. proc. pén.
Code de procédure pénale
- CAA Toulouse
Arrêt de la Cour administrative d’appel de Toulouse
- CA Lyon Arrêt de la Cour d’appel de Lyon
- Cass. civ. Arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation
- CE Arrêt du Conseil d’Etat
- CEDH
Arrêt de la Cour européenne des droits de
l’homme
- Civ.1ère Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation
- Civ.2ème
Arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de
cassation
- Cf
Confer (renvoi à …)
- Cls
Conclusions
- Cons.
Const., n°98-403 DC
Décision du Conseil constitutionnel, numéro
- Contra En sens contraire
- Crim.
Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de
cassation
- dir.
Direction
- Ibid. Ibidem (au même endroit d’un texte)
- Infra Plus bas dans le texte ; ci-dessous
- Ed. Edition
- JE
Juge des enfants
- n° Numéro
- NCPC Nouveau code de procédure civile
- Obs. Observations
- Op.cit. Déjà cité
- p. Page
- Préc. Précité
- R. Revue
- s.
Suivants
- Supra
Plus haut dans le texte ; ci-dessus
- T.
Tome
- TE Tribunal pour enfants
- Th.
Thèse
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS………………………………………………………………………………………………..1
SOMMAIRE………………………………………………………………………………………………………...2
INTRODUCTION.…………………………………………………………………………………………………..3
1ère Partie : L’INCIDENCE DE LA MESURE SUR LE droit DES
Père et mere dans la
procedure.…………………………………………………………………………………………………….…9
CHAPITRE
I : UNE PROCEDURE SPECIFIQUE A L’ASSISTANCE
EDUCATIVE……………………………11
Section
1: L’étendue des pouvoirs du juge des
enfantS……………………………….11
Sous-section 1 : Un large pouvoir
d’appréciation…………………………………………………12
§ 1 : L’appréciation de l’opportunité d’une
intervention..………………………………12
A. La possibilité du juge de
s’auto-saisir……………………………………….12
B. La possibilité de prononcer un
non-lieu à assistance éducative…………….14
§ 2 : L’appréciation du
danger, critère d’intervention……………………………………16
A.
L’imprécision de la notion de danger.……………………………………….16
B.
Les limites à l’appréciation du danger……………………………………….17
1) Le contenu de la notion de
danger………………………………………17
2) L’exigence de
motivation……………………………………………….18
Sous-section 2 : Un large pouvoir
d’investigation..……………………………………………….20
§ 1 : Le juge des enfants,
juridiction d’instruction……………………………………….20
A.
Le principe général de non cumul des fonctions…………………………….20
B.
Le cumul des fonctions en assistance
éducative.…………………………….21
§ 2 : Les moyens
d’investigation à la disposition du juge des
enfants.…………………..22
A.Les auditions des
parties……………………………………………………...22
B. Les enquêtes des partenaires
sociaux et médicaux…………………………..23
1) L’enquête
sociale………………………………………………………..23
2) Les examens médicaux ou
psychologiques……………………………..24
3) Les autres mesures d’observation
de la famille…………………………24
Section
2 : Les objectifs contradictoires
poursuivis…………………………………..26
Sous-section 1 : L’objectif de
concertation avec la famille………………………………………..26
§ 1 : L’adhésion des
familles est une priorité…………………………………………….26
A. La mission générale assignée au
juge des enfants.…………………………..27
1) Une tâche difficile pour le juge
des enfants.…………………………….27
2) Les réactions diverses selon la
nature de la mesure……………………..28
B. Le respect des convictions
religieuses ou philosophiques..………………….29
§ 2 : L’adhésion des
familles n’est pas une obligation…………………………………...30
A. Les difficultés de la
persuasion..…………………………………………….31
B. La possibilité pour l’autorité
judiciaire d’imposer sa décision..……………31
Sous-section 2 : L’objectif de
cessation du danger………………………………………………..32
§ 1 : La faculté pour le
juge d’ordonner des mesures provisoires.……………………….32
A. Les mesures qui peuvent être
prises au provisoire…………………………..32
B. Le régime des mesures
provisoires…………………………………………..33
§ 2 : Le suivi de la
mesure par le juge des enfants……………………………………….35
A. Les caractéristiques du suivi de
la décision………………………………….35
1) L’impératif
d’efficacité…………………………………….……………35
2) Les difficultés au regard du
droit commun...……………………………36
B. Les modalités du suivi de la
décision... ……………………………………..37
CHAPITRE
II : LES conséquenceS DE CETTE SPECIFICITE SUR LE droit DES PERE ET MERE.…..39
Section
1 : La place actuelle des pere et mere
dans la Procédure….…………..39
Sous-section 1 : L’information des
père et mère…………………………………………………..39
§ 1 : L’audition
obligatoire, garantie d’une bonne information……………………….…40
A. Le principe posé par la
loi……………………………………….…………..40
1) L’obligation
légale………………………………………………………40
2) Les extensions
possibles…………………………….…………………..40
3) Les modalités de la
convocation………………………………………..41
B. Les exceptions en cas
d’urgence.……………………………………………42
§ 2 : Les autres moyens
d’information.…………………………………………………..43
A. Les
avis…………………………………………………………………….43
1) L’avis d’ouverture du
dossier…………………………………………43
2) L’avis du droit à l’aide d’un
avocat.…………………………………..43
B. Les
convocations…………………………………………………………….44
C. Les
notifications……………………………………………………………..45
1) Les décisions devant être
notifiées.……………………………………..45
2) Les formalités de la
notification.………………………………………..46
Sous-section 2 : Les moyens de
défense des père et mère…………………………………….…..47
§ 1 : Le droit au respect
du contradictoire………………………………………………..47
A. Une garantie essentielle en
procédure civile……………………………….47
B. La place du principe du
contradictoire en assistance éducative……………48
1) La consultation du
dossier………………………………………………48
2) La présence de l’avocat pendant
l’audition……………………………..49
§ 2 : Des possibilités de
recours limitées…………………………………………………51
A. L’ouverture des voies de recours
aux père et mère………………………….51
1) Le droit de faire
appel…………………………………………………..51
2) Le droit de se pourvoir en
cassation…………………………………….52
B. Les obstacles à l’exercice des
voies de recours.……………………………..53
1) Les difficultés liées à la
spécificité de la procédure…………………….53
2) L’exécution provisoire de
droit…………………………………………..55
Section
2 : Vers une amelioration des garanties des pere ET Mere………………57
Sous-section 1 : L’évolution
récente du contradictoire en assistance
éducative………………….57
§ 1 : L’apport de la Cour
européenne des droits de l’homme……………………………57
A. La position initiale des juges
français……………………………………….57
B. L’interprétation donnée par la Cour
européenne.………………………….. 58
§ 2 : L’évolution de la
jurisprudence française…………………………………………..60
A. La portée des arrêts de la Cour
de Strasbourg……………………………….60
B. La position ultérieure des
juridictions françaises.…………………………..61
1) Le maintien de la position
initiale.………………………………………61
2) Le revirement de la Cour d’appel
de Lyon.……………………………..62
Sous-section 2 : Les propositions
d’amélioration des droits des père et mère…………………….64
§ 1 : Le débat
actuel………………………………………………………………………64
A. Les divergences quant à
l’étendue du respect du contradictoire…………….64
1) Les partisans d’une procédure
avant tout originale……………………..64
2) Les partisans d’un strict
respect des exigences formelles.………………66
a- L’intérêt d’un accès direct au
dossier ou de la présence obligatoire de l’avocat.……………………………………………………………….
66
b- Le problème du contenu du
dossier.………………………………..67
B. Les divergences quant à
l’organisation de l’accès au dossier……………….69
1) Les partisans d’une consultation
sur place.……………………………..69
2) Les partisans d’un envoi
systématique des copies aux père et mère……69
C. L’avocat : un intermédiaire
indispensable ?…………………………………70
§ 2 : Les solutions retenues par le
rapport Deschamps…………………………………..71
A. Une amélioration générale de
l’information des père et mère………………72
B. Un rapport
suffisant ?……………………………………………………….74
2ème PARTIE : L’INCIDENCE DE LA MESURE SUR LE droit DES
PERE ET MERE LORS DE L’EXECUTION DE LA
MESURE………………………………………………………………...75
CHAPITRE
I : UNE INCIDENCE LIMITEE dans LES TEXTES…………………………………….77
Section
1: En cas d’assistance éducative en
milieu ouvert………………………...77
Sous-section 1 : Le mineur toujours
sous dépendance de l’autorité parentale…………………….78
§ 1 : La place de
l’autorité parentale en droit français…………………………………...78
A. L’évolution : de la puissance
paternelle à l’autorité parentale………………78
B. Les limitations à l’autorité
parentales légalement prévues………………….79
§ 2 : L’importance
accordée à l’aide éducative en milieu ouvert.………………………..80
A. Le maintien de l’enfant dans son
milieu naturel…………………………….80
1) Une priorité pour le juge des
enfants……………………………………80
2) La notion de milieu
actuel………………………………………………81
B.
L’intérêt de l’aide éducative en milieu
ouvert.………………………………82
1) L’intérêt de la mesure
d’AEMO.………………………………………..82
2) La mission des services
d’AEMO………………………………………83
3) Les personnes chargées de la
mission éducative………………………..83
Sous-section 2 : Une atteinte à
l’autorité parentale non négligeable………………………………84
§ 1 : Un contrôle fréquent
par les services éducatifs et par le juge………………………85
A. La remise de rapports
périodiques au juge…………………………………..85
B. L’incidence de ce contrôle : une
tutelle des père et mère ?…………………86
§ 2 : Les éventuelles
obligations imposées par le juge des enfants………………………87
A. Les moyens mis à la disposition
du juge…………………………………….88
B. Le contrôle du respect de ces
obligations.…………………………………..89
Section
2 : En cas de placement provisoire du
mineur………………………………...90
Sous-section 1 : Le principe de
conservation de l’autorité parentale……………………………...90
§ 1 : Les prérogatives
principalement concernées………………………………………..90
A. Les droits extra-patrimoniaux
constituant l’autorité parentale………………90
1) Les prérogatives
usuelles………………………………………………..91
2) Les prérogatives
exceptionnelles………………………………………..92
B. Les droits
patrimoniaux.……………………………………………………..94
1) Le droit d’administration et de
jouissance des biens de l’enfant……….94
2) La contribution financière des
père et mère…………………………….95
§ 2 : La conservation d’un
droit de visite et de correspondance…………………………96
A. La réglementation des droits de
visite et de correspondance………………..96
B. L’importance du droit de visite et
d’hébergement………………………….96
Sous-section 2 : Les difficultés juridiques
liées à la mise en œuvre du principe…………………98
§ 1 : Les difficultés
liées au transfert de la garde à un
tiers……………………………..99
§ 2 : Les difficultés liées à
l’existence d’une procédure de divorce…………………….101
A. En cas de divorce postérieur au
placement……………………………….101
B. En cas de divorce préalable au
placement………………………………..103
CHAPITRE
II : UNE INCIDENCE INEVITABLE EN PRATIQUE…………………………………...105
Section
1 : La repartition des prerogatives entre les Parents et le tiers
gardien…………………………………………………………………………………………………105
Sous-section 1 : Le principe
général de répartition………………………………………………105
§ 1 : Le rôle minimal des
père et mère dans le quotidien de l’enfant…………………...106
A. L’accomplissement des actes
usuels par le tiers gardien...…………………106
B. Les problèmes posés par certains
actes usuels…………………………….107
§ 2 : Le recueil de
l’accord des père et mère par le tiers………………………………..108
A. Les actes « non
usuels »……………………………………………………108
B. La démarche à accomplir par le
tiers..……………………………………. 109
1) Si la position des père et mère
est compatible avec la mesure..……….109
2) Si le position des père et mère
est incompatible avec la mesure..……..109
Sous-section 2 : Les difficultés de
répartition des prérogatives………………………………….111
§ 1 : Concernant la santé
de l’enfant……………………………………………………111
A.
Le droit de consentir à une intervention médicale ou
chirurgicale...………111
B. Le droit de consentir à une
interruption volontaire de grossesse.………….113
§ 2 : Concernant
l’éducation de l’enfant………………………………………………..114
A. Une intervention judiciaire délicate..………………………………………114
B. Des difficultés particulières en
matière de sectes.…………………………115
Section
2 : La repartition de la responsabilité entre les parents et le tiers
GARDIEN…………………………………………………………………………………………………117
Sous-section 1 : Vers une
responsabilité civile du tiers gardien…………………………………117
§ 1 : Les conséquences du
placement du mineur sur la responsabilité…………………118
A. Le principe : la responsabilité
des père et mère……………………………118
1) La présomption de
responsabilité.……………………………………118
2) L’exonération de
responsabilité...……………………………………119
B. La responsabilité du tiers
gardien………………………………………….121
1) L’évolution de la
jurisprudence...……………………………………..121
2) Les conditions de mise en
œuvre..…………………………………….122
a- Le critère de la garde et son
appréciation critique..……………….122
b- L’identification du tiers
gardien..…………………………………123
§ 2 : Les limites en cas
de visite du mineur chez ses père et mère……………………...124
A. En cas de visite
« irrégulière »..……………………………………………124
B. En cas de visite réglementée par le
juge des enfants………………………126
Sous-section 2 : Vers une
responsabilisation des père et mère…………………………………..128
§ 1 : L’objectif de
l’assistance éducative : le retour de l’enfant dans son
milieu……….129
A. L’importance du traitement des
difficultés familiales.…..…………………129
1) Pour une meilleure connaissance
des difficultés………………………129
2) Pour une mesure adaptée aux
besoins familiaux………………………130
B. Les effets réels des mesures
d'assistance éducative………………………. 131
§ 2 : Les solutions
lorsque le retour de l’enfant est impossible…………………………132
A. La fin de la mesure d'assistance
éducative..…………………………….. 132
1) Un choix difficile pour le juge
des enfants…………………………….132
2) Vers une mesure de protection
des jeunes majeurs……………………133
B. Les sanctions en cas de
désintéressement volontaire des parents.………...134
1) La délégation de l’autorité
parentale…………………………………..135
2) Le retrait de l’autorité
parentale……………………………………….136
CONCLUSION………………………………………………..………………………………………..138
ANNEXES……………………………………………………………..………………………………..141
BIBLIOGRAPHIE.……………………………………………………………………………………..151
TABLE DES
ABREVIATIONS……………………………………………………………………….156
TABLE DES
MATIERES…………………………………………………………………………..….157
[1] Léon Nikoloïevitch, comte Tolstoï, « Anna Karénine ».
[2] Art. 375-7 C.civ.
[3] F. Dekeuwer-Défossez, « Les droits de l’enfant », Que sais-je ?, PUF, 1998 ; G. Raymond, « Droit de l’enfance et de l’adolescence », Litec, 1995.
[4] C. Neirinck, « La protection de la personne de l’enfant contre ses parents », LGDJ, Paris, 1984.
[5] G. Couchez, Procédure civile, 11ème éd., Armand Colin, n° 227 et s., p. 183.
[6] G. Fedou, « Conditions d’une protection judiciaire de l’enfant véritable et généralisée », R.S.C 1976, p. 49.
[7] Art. 1er NCPC.
[8] J.M. Baudoin, « Le juge des enfants, punir ou protéger », ESF, coll. La vie de l’enfant, Paris, 1990, p. 58.
[9] P. Robert, « Une autre assistance éducative », R.T.D.Civ. 1972, spécialement n° 27, p. 49.
[10] P. Robert, « Traité de droit des mineurs », Paris, Cujas, 1969, spécialemnt n° 354, p. 406.
[11] Art. 375 al.1 C.civ.
[12] Intervention du Garde des Sceaux, J.O débats Assemblée nationale., 10 avril 1970, p. 884.
[13] M. Huyette, « Guide de la protection judiciaire de la jeunesse », Dunod, Paris, 1999, spécialement p. 17.
[14] Civ. 1ère, 20 oct. 1987, R.D.S.S janvier-mars 1988, p. 122, note Moneger.
[15] B. Lherbier Malbranque, « La protection de l’enfant maltraité », L’Harmattan, 2000, spécialement p. 97.
[16]A. Deiss, « Le juge des enfants et la santé des mineurs », JCP 1983, I, n° 3125.
[17] Selon l’art.375 al.1 C.civ., il s’agit des père et/ou mère, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié, du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public.
[18] M. Huyette, Guide préc., p. 13 et s.
[19] Art. 375 C.Civ. et art. 422 NCPC selon lequel « le ministère public agit d’office dans les cas spécifiés par la loi ».
[20] Art. 1183 NCPC.
[21] Jean-Pierre Deschamps (dir.), « Le contradictoire et la communication des dossiers en assistance éducative », Rapport au Garde des Sceaux, Janvier 2001, disponible sur le site du ministère de la justice www.justice.gouv.fr.
[22] Art. 4 C. civ.
[23] En ce sens Ph. Robert, « Traité de droit des mineurs », op. cit., n° 110, p. 138.
[24] « Le petit Larrousse illustré », éd. 2000.
[25] J.-F. Renucci, « Enfance délinquante et enfance en danger », Ed. du CNRS, 1990, p. 94.
[26] A. Deiss, « Le juge des enfants et la santé du mineur », chron. préc. ; J.-F. Renucci, op.cit., p. 94.
[27] C. Neirinck, « La protection de la personne de l’enfant contre ses parents », thèse précitée, n° 391, p 322.
[28] M. Huyette, Guide préc., p 147.
[29] M. Huyette, op. cit. p 135.
[30] C. Neirinck, thèse préc., n° 394, p. 334.
[31] Sur les dangers de la maltraitance psychologique, « Le Monde », 19 nov. 2000 : en 1999, 11 % des enfants maltraités étaient victimes de cruauté mentale.
[32] P. Robert, « Une autre assistance éducative », op.cit., p. 26 et s.
[33] Civ. 1ère, 7 juillet 1987, R.D.S.S 1988, note Moneger.
[34] Selon l’art. 455 NCPC, « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Il doit être motivé ».
[35] Ass. Plén., 23 juin 1972, Bull., n° 2 ; Civ.1ère, 25 juin 1991, D. 1992, J., p. 51, note Massip ; Civ. 1ère 28 mars 1996, D. 1996, somm. p. 239, note Vitse.
[36] Art. 458 NCPC.
[37] M. Huyette, Guide préc., p. 179.
[38] M. Huyette, op. cit., p. 130 et 131 ; p. 177 et 178.
[39] Sur la saisine, voir supra p. 12.
[40] Sur la phase de jugement et d’exécution, voir respectivement infra p.
[41] Art. 49 al.2 C. proc. pén. ; plus généralement, R. Merle et A. Vitu, « Traité de droit criminel, Procédure pénale », Tome III, Paris, Cujas, 1997.
[42] L’art. 785 in fine du NCPC précise même que le juge de la mise en état présente son rapport à l’audience avant les plaidoiries mais sans faire connaître son avis.
[43] CEDH, « Affaire Morel contre France », 6 juin 2000, D. 2001, J., p. 339 ; C. Goyet, « Remarques sur l’impartialité du tribunal », D. 2001, chron., p. 328 et s. ; plus généralement R. Martin, « Le juge de la mise en l’état à l’épreuve de la Convention européenne des droits de l’homme», Revue générale des procédures, n°3, juillet/septembre 1999, p. 321 et s.
[44] Note Massip sous les arrêts Civ.1ère, 2 et 3 février 1987, D.1988, J., p. 513.
[45] Sur le caractère inquisitoire, J-F. Renucci, « Enfance en danger et enfance délinquante », op.cit., n° 166, p. 178.
[46] J-F. Renucci, ibid ; A. Decocq, « Droit pénal général », coll. U. Armand-Colin 1971, p. 279 ; Contra A. Deiss, note sous CA Nancy, 9 déc. 1983, JCP 1986, II, n° 20575.
[47] Crim, 7 avril 1993, D. 1993, J., p. 553, note Pradel ; J.C.P. 1993, II, n°22151, note Allaix.
[48] Selon ce texte, « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial… ».
[49] Ass. plén., 6 nov. 1998, 2 arrêts, D. 1999, J., p. 1 ; Rapport P. Sargos, JCP 1998, II, n° 10198.
[50] M.- A. Frison-Roche, « L’impartialité du juge », D. 1999, Chron., p. 53 et s.
[51] Civ.1ère, 1er juillet 1968, JCP 1969, II, n° 16090, note Robert.
[52] J. Chazal, « Réflexions sur la pratique des fonctions de juge des mineurs », R.S.C 1974, p. 679 et s.
[53] Sur l’urgence cf infra p. 42.
[54] Rapport Deschamps précité ; voir ANNEXE N° IV, p. 148.
[55] Sur l’audition des père et mère, voir infra p. 40.
[56] Sur l’audition de l’enfant, « Le Monde », 2 oct. 1999, spécialement l’interview de Thierry Baranger, juge des enfants.
[57] Civ.1ère, 30 juin 1981 Bull. civ 1, p. 193, n° 236 ; Defrénois 1982, art. 32905, p. 994, n° 35.
[58] En ce sens, J.F. Renucci, « Enfance en danger et enfance délinquante », p. 181; la même règle est posée par l’art. 290-3 C. civ. relatif au divorce.
[59] Art. 1183 NCPC.
[60] Sur l’information des père et mère, voir infra p. 39.
[61] Art. 153 NCPC ; sur le rôle de l’expert, B. Lherbier-Malbranque, « La protection de l’enfant maltraité », p. 106.
[62] P. Robert, « Une autre assistance éducative », chron. préc., n° 41, p. 55 ; C. Neirinck, th. préc., n° 415, p.346.
[63] Civ. 1ère, 29 oct. 1979, Bull. civ. I, n° 259 : la cour d’appel a pu prescrire un examen psychiatrique du père pour vérifier s’il pouvait assurer la garde de sa fille dans des conditions normales.
[64] A. Kimmel, « Le juge de l’autorité parentale, compétence et pouvoir », Thèse, Université de Toulouse I, 1996, spécialement p. 365 et s.
[65] Art. 150 NCPC.
[66] Voir infra p. 40.
[67] Voir supra p. 14.
[68] Circulaire du 19 avril 1991 ; plus généralement M. Huyette, Guide préc., p. 63 et s.
[69] J-F. Renucci, « Enfance délinquante et enfance en danger », op. cit., n° 175, p. 185.
[70] P. Robert, « Une autre assistance éducative », op. cit., n° 8 , p. 32.
[71] J-F. Renucci, op.cit., n° 230 et n° 189 sur l’enfance délinquante.
[72] J. Carbonnier, « Droit civil, La famille », P.U.F, 20ème éd. refondue, 1999, p. 110.
[73] J-M Baudoin, « Le juge des enfants, punir ou protéger », op.cit., p. 97.
[74] Ancien art. 378- 1 C.civ : Le juge « tente de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée ».
[75] Choix de la formule impérative : « Le juge doit s’efforcer … ».
[76] Sur la médiation familiale, Gaz. Pal., 6 déc. 1997, p. 1587 et s ; un rapport pour un statut de la médiation familiale a été remis au Gouvernement le 27 juin 2001 : il est disponible sur le site www.justice.gouv.fr.
[77] Voir infra p. 32.
[78] Les mêmes critiques valent pour l’intervention du juge en tant que médiateur.
[79] J-M. Baudoin, « Le juge des enfants, punir ou protéger », op. cit. p. 101.
[80] Le terme « adhésion » est défini comme l’action de souscrire à une opinion, « Le petit Larousse illustré », éd. 2000.
[81] Art. 375-2 C.civ. ; voir infra p. 77.
[82] Art. 375-2 al.2 C.civ. ; voir infra p. 87.
[83] Art. 375-3 C.civ.
[84] J-F. Renucci, « Enfance en danger, enfance délinquante », op.cit., n° 231, p. 252.
[85] Art. 1200 NCPC ; Juris-classeur Civil Code, Assistance éducative, fasc. 21, n° 7.
[86] Civ. 1ère, 7 avril 1965, D. 1965, J., p. 704, note Carbonnier ; sur les problèmes liés à la religion, voir infra p.114.
[87] CA Paris, 25 octobre 1979, D.E.F 1979, 2, p. 171.
[88] Art. 21 et 128 NCPC.
[89] J-M. Baudoin, « Le juge des enfants, punir ou protéger », op. cit., p. 101 et s.
[90] Tribunal pour enfants Guéret, 15 juin 1995 et CA Limoges, 16 nov. 1995, R.D.S.S 1996, p. 619 et s.
[91] J-M. Baudoin, « Le juge des enfants, punir ou protéger »,op.cit., p. 78 et s.
[92] Selon M. Baudoin, « A quoi servirait d’avoir autorisé une dérogation au respect dû à l’intimité de la famille si ce n’est pour défendre la valeur qui justifie cette atteinte c’est-à-dire la sauvegarde de la personne de l’enfant ? ».
[93] J-M. Baudoin, op.cit., p. 80 ; voir supra p. 22.
[94] M. Huyette, Guide préc., p. 193 et s.
[95] Il ne faut pas les confondre avec les mesures d'assistance éducative prises dans le cadre d’un jugement, qui sont dites définitives mais qui pourtant sont toujours limitées dans le temps selon l’art. 375 al.3 C.civ.
[96] Art. 375-5 C.civ.
[97] M. Huyette, Guide préc. p. 240.
[98] En ce sens, P. Robert, « Traité de droit des mineurs », op.cit., n ° 394, p. 446.
[99] Voir 2ème partie, infra p. 75 et s.
[100] Art. 1184 NCPC.
[101] Or selon le magistrat M. Huyette, souvent, il n’est pas précisé en quoi il y a urgence : Guide préc., p. 195 et s.
[102] Art. 375-5 al.2 C.civ.
[103] Art.375-1 C.civ.
[104] Rapport Deschamps précité ; P. Naves et B. Cathala, « Accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents : des décisions qui mettent à l’épreuve le système français de protection de l’enfance et de la famille », Rapport au Garde des Sceaux et au ministre de l’emploi et de la solidarité, Juin 2000, disponible sur www.social.gouv.fr, spécialement p.47.
[105] J-M. Baudoin, « Le juge des enfants, punir ou protéger »,op. cit., p. 84 ; M. Huyette, Guide préc., p. 206 et s.
[106] Art. 375-6 C.civ.
[107] Sur l’appel, infra p. ; sur les raisons de la restriction de l’appel, note Renucci sous CA Paris, 16 déc. 1986, D.1988, J, p. 69.
[108] Sauf renouvellement dans les mêmes formes et par décision motivée après avis du Procureur de la République.
[109] Art. 1185 NCPC.
[110] Art. 375 al.3 C.civ. ; sur ce point J-M. Baudoin, op.cit., p. 83.
[111] Civ. 1ère, 25 février 1997, D.Famille, avril 1997, n° 4 p.15.
[112] Voir infra p. 71.
[113] J-M. Baudoin, « Le juge des enfants, punir ou protéger », op. cit., p 80 et s.
[114] J-F. Renucci, « Enfance en danger et enfance délinquante », op. cit., p. 266.
[115] J-M. Baudoin, op. cit., p 80 à 83.
[116]Art. 480 NCPC : « Le jugement … a dès son prononcé l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche ».
[117] P. Robert, « Traité de droit des mineurs », op. cit. n° 512 et s. ; J-F. Renucci, op. cit., n° 243 et s. ; A. Kimmel, th. préc., p. 385 et s.
[118] Art. 481 al. 1er NCPC : « Le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ».
[119] Art. 462 NCPC.
[120] D’autres juges ont également ce pouvoir de modification d’office : c’est le cas du juge des tutelles en matière de protection des majeurs handicapés.
[121] Viole l’art. 375 al.3 C.civ. la décision qui maintient le placement d’un mineur à compter d’une certaine date, sans fixer la durée de la mesure : Civ. 1ère, 14 déc. 1999, D. 2000, IR, p. 9 ; D.Famille 2000, n° 21, note Murat.
[122] Art. 1198 NCPC.
[123] Art. 375-4 al. 2 C.civ.
[124] M. Huyette, Guide préc., p. 251
[125] Art. 1199-1 NCPC ; J.-Cl. Civil, fasc. 21, n° 23 et 24.
[126] Voir ANNEXE n° III, p. 144.
[127] Cf. supra p. 12.
[128] Sur la récusation, voir art. 341 5° du NCPC.
[129] J.-Cl. civil, fasc. 21, n° 30.
[130] Cf. supra p.26.
[131] Ce ne sont pas les seules personnes pour lesquelles l’audition est obligatoire ; sur ce point voir supra p. 22.
[132] La seule exigence est l’établissement du lien de filiation : M. Huyette, Guide précité, p. 80 et s.
[133] Sur la sanction du défaut d’audition, CA Rennes, 18 sept. 1987, D 1988, p. 440, note Renucci.
[134] Civ. 1ère, 22 mai 1985, Bull. civ. I, n° 161 ; Gaz. Pal. 1985, 2 ,756.
[135] Civ. 1ère, 22 mai 1985, op.cit.
[136] J-F. Renucci, « L’efficacité de l’audition des parents et du mineur dans la procédure d’assistance éducative », D. 1987, chron., p. 19 ; dans le même sens J. Massip, « L’audition des père et mère et du mineur », Gaz. Pal., 7 déc. 1985, p. 668.
[137] Art. 1189 NCPC.
[138] Civ. 1ère, 4 oct. 1965, D. 1966, J., p. 193.
[139] L’art. 1183 al.1 NCPC dispose que « le juge entend les père et mère … », le reste du texte étant consacré aux mesures d’information.
[140] M. Huyette, Guide précité, p. 35 à 38.
[141] Civ. 1ère, 4 janvier 1995, JCP 1995, IV, n° 496.
[142] Art. 1184, al. 1 NCPC a contrario.
[143] Voir supra p. 40.
[144] J-F. Renucci, « L’efficacité de l’audition des parents… », chron. préc., n°7, p. 21.
[145] M. Huyette définit juridiquement la notion d’urgence dans son guide, op. cit., p. 194 et 195 ; voir supra p.
[146] Art. 1188 al.2 NCPC.
[147] Sur l’importance de l’audition et l’utilité d’y procéder le plus vite possible, M. Huyette, Guide préc., p. 198.
[148] Rapport Deschamps précité.
[149] Cf ANNEXE n° III, p. 144.
[150] M. Huyette, Guide préc., p. 19 et s.
[151] CA Rennes, 18 septembre 1987, D. 1988, J., p. 440.
[152] Art. 752 du NCPC pour le tribunal de grande instance et 836 NCPC pour le tribunal d’instance.
[153] Voir infra p. 49, 66 et 70.
[154] Sur la double audition, voir supra p. 40.
[155] Voir nouvelle rédaction de l’art. 1182 NCPC : ANNEXE n° III, p. 144.
[156] Ibid ; sur la consultation du dossier, voir infra p. 57 et s.
[157] Art. 1195 al. 1 NCPC ; spécialement sur la convocation à l’audition, voir supra p. 41.
[158] Par opposition aux mesures provisoires ; notons qu’une mesure d'assistance éducative n’est jamais définitive, voir supra p.
[159] Sur la notification, A. Deiss, note sous CA Nancy, 9 décembre 1983, JCP 1986, II, n° 20575.
[160] Art. 152 NCPC.
[161] Art. 375-5 C.civ.
[162] En ce sens M. Huyette, Guide préc., p. 210 à 212.
[163] Art. 1195 al. 2 NCPC.
[164] Civ.1ère, 18 mars 1980 , Bull. civ. I, n° 88 : ici la Cour s’appuie sur l’art. 680 NCPC, texte général.
[165] Juris-classeur, Procédure civile, Notarial Répertoire, fasc. 935, n° 76.
[166] Sur le principe du contradictoire : G. Couchez, « Procédure civile », Armand Colin, Paris, 2000.
[167] Art. 7 du NCPC « Le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat … » ; art. 14 NCPC « Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée » ; art. 455 NCPC « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, … ».
[168] Pourtant la loi n° 84-442 du 6 juin 1984 a tenté d’étendre aux relations entre l’administration et les familles certains grands principes attachés au fonctionnement judiciaire, notamment le principe du contradictoire. Ce texte est encore trop peu appliqué et ne doit pas tomber dans l’oubli : Voir P. Chaillou, « Guide du droit de la famille et de l’enfant », Dunod, Paris, 1996, spécialement p. 216 et s.
[169] Sur ce point, voir supra p. 20 et s.
[170] J. Massip, note sous Civ.1ère, 24 octobre 1995, D 1996, J, p. 513 ; notons cependant qu’au pénal, l’avocat est obligatoire.
[171] C. Neirinck, « Quand l’avocat fait défaut : l’exemple de l’assistance éducative », Les Petites Affiches, 8 février 1991, n°17, p. 24.
[172] J-M. Baudoin, « Le juge des enfants, punir ou protéger », op. cit., p. 56 et s.
[173] Voir supra p. 40.
[174] B. Lherbier-Malbranque, « La protection de l’enfant maltraité », op. cit., p. 117 et s.
[175] M. Huyette, « Le contradictoire en assistance éducative : l’indispensable réforme de l’article 1187 du NCPC », D. 1998, chron., p. 218 ; C. Neirinck, « Quand l’avocat fait défaut … », chron. préc. ; J-P. Rosenczveig, « Commentaire du rapport Naves-Cathala », JDJ n° 199, nov. 2000, p. 40 ; J-M. Baudoin, op.cit., p.57.
[176] Rapport Naves/Cathala précité.
[177] Voir supra p. 35 et s.
[178] P. Robert, « Traité de droit des mineurs », op. cit., n° 469, p. 512.
[179] La tierce opposition est prévue par l’article 582 NCPC et elle n’est pas interdite expressément en matière d’assistance éducative : on considère donc qu’elle est autorisée ; sur ce point M. Huyette, Guide préc., p. 530.
[180] Art. 680 NCPC.
[181] Art. 150 NCPC.
[182] CA Angers, 22 janvier 1993, JCP 1993, IV, n° 2271.