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La protection de l'enfant dans le droit international humanitaire

La protection de l'enfant dans le droit international humanitaire

30-06-1984 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 747, de Denise Plattner

  Denise Plattner, Juriste au CICR  

     

  I. INTRODUCTION [1 ]

C'est après la deuxième guerre mondiale que la protection juridique de l'enfant a trouvé sa place dans le droit international humanitaire.  Les expériences de ce conflit avaient en effet démontré de façon impérieuse la nécessité d'élaborer un instrument de droit international public destiné à protéger, en temps de guerre, la population civile. Les efforts du CICR dans ce domaine aboutirent à l'adoption de la IVe Convention de Genève, de 1949, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.  Les enfants, en tant que membres de la population civile, étaient dès lors mis au bénéfice de cette Convention. Par ailleurs, la Conférence diplomatique de 1949 donna le jour à la première réglementation de droit international humanitaire des conflits armés non internationaux, contenue dans l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949. Là également, les enfants sont protégés, comme toutes « les personnes qui ne participent pas aux hostilités ».

Après la deuxième guerre mondiale, la communauté internationale voit l'apparition de nouvelles formes de conflits. Les méthodes et les moyens de combat se perfectionnent. On assiste de plus en plus à des conflits mettant aux prises des forces armées organisées et des combattants irréguliers. La guerre moderne cause des pertes beaucoup plus sévères parmi les civils et, bien sûr, chez les enfants. De 1974 à 1977, une Conférence diplomatique se réunit, en vue de compléter et de développer le droit international humanitaire pour tenir compte de cette évolution. A l'issue de cette Conférence, en 1977, les deux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève sont adoptés. Ces instruments améliorent considérablement la protection de la population civile et, par conséquent, celle des enfants. Que ce soit dans le Protocole I, applicable lors de conflits armés internationaux, ou dans le Protocole II, relatif aux situations de conflits armés non internationaux, les dispositions nouvelles réaffirment et développent celles de la IVe Convention de Genève [2 ] .

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui oeuvre en faveur des victimes des conflits armés, a toujours été particulièrement sensible au sort des enfants pendant la guerre. Depuis la première guerre mondiale en particulier, il s'est efforcé de limiter leurs souffrances en contribuant à la codification de leur protection juridique, d'une part, par son action dans les pays affectés par les conflits, d'autre part.

  Il. LA PROTECTION DE L'ENFANT DANS LES CONVENTIONS DE GENÈVE ET LES PROTOCOLES ADDITIONNELS  

Dans le droit international humanitaire, l'enfant est l'objet d'une protection générale, en tant que personne ne participant pas aux hostilités, et d'une protection spéciale, en raison de sa qualité d'être particulièrement vulnérable. L'enfant qui participe aux hostilités est, d'autre part, également protégé. Les différents aspects de la protection juridique de l'enfant seront examinés successivement dans les paragraphes qui suivent.

  A. Protection générale de l'enfant, membre de la population civile  

Lors d'un conflit armé international, l'enfant entre dans la catégorie des personnes protégées par la IVe Convention de Genève, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. A ce titre, il bénéficie notamment de toutes les dispositions relatives au traitement des personnes protégées, qui énoncent le principe fondamental d'un traitement humain, comportant le respect de la vie et de l'intégrité physique et morale, et interdisant notamment la contrainte, les sévices corporels, la torture, les peines collectives, les représailles.

En tant que membre de la population civile, l'enfant bénéficie des règles de droit international humanitaire relatives à la conduite des hostilités. Ces règles, qui développent le principe de la distinction entre civils et combattants et celui de l'interdiction d'attaques dirigées entre la population civile, ont trouvé, en ce qui concerne les conflits armés internationaux, leur expression écrite dans le Protocole additionnel I de 1977.

Dans un conflit armé non international, les enfants sont protégés par les garanties fondamentales relatives au traitement des personnes qui ne participent pas aux hostilités, énoncées dans l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève. Grâce à cette disposition, l'enfant a droit, pour le moins, dans le cadre de ces conflits souvent très cruels, à un traitement humain, excluant les atteintes à sa vie, à son intégrité corporelle, à sa dignité.

Le Protocole additionnel II de 1977 codifie également le principe selon lequel ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques.

  B. Protection spéciale de l'enfant, membre de la population civile  

  1.       Le principe  

La IVe Convention de Genève contient un très grand nombre de dispositions en faveur des enfants. Elles démontrent que, en 1949 déjà, on entendait protéger particulièrement l'enfant contre la guerre. Nulle part, cependant, cette Convention n'énonce le principe qui se trouve à la base de ses nombreuses règles en faveur des enfants.

Le Protocole additionnel I comble cette lacune. Son article 77 dispose: « Les enfants doivent faire l'objet d'un respect particulier et doivent être protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur. Les Parties au confli t leur apporteront les soins et l'aide dont ils ont besoin du fait de leur âge ou pour toute autre raison. » Le principe de la protection spéciale de l'enfant dans un conflit armé international est ainsi consacré de façon explicite.

Le même développement a été apporté, pour les conflits armés non   internationaux, par le Protocole additionnel Il. Son article 4, intitulé « Garanties fondamentales », contient un paragraphe exclusivement consacré aux enfants. Il y est stipulé que « les enfants recevront les soins et l'aide dont ils ont besoin ». Cet article énumère les mesures particulières dont les enfants doivent faire l'objet, donnant un contenu précis à la règle générale ci-dessus énoncée. La teneur de l'article 4 permet d'apprécier l'importance que les auteurs du Protocole additionnel Il ont accordée à la protection de l'enfant dans les conflits armés non internationaux et de soutenir que le principe de la protection spéciale de l'enfant dans ces conflits y est affirmé.

  2. Dispositions spéciales pour la protection contre les effets des hostilités  

Les nouveau-nés sont assimilés aux « blessés », tels que définis par le Protocole I (art. 8, litt. a).

Les enfants de moins de quinze ans et les mères d'enfants de moins de sept ans font partie des catégories de la population civile qui peuvent être accueillies dans les zones sanitaires et de sécurité établies par les Parties à un conflit armé international conformément à l'article 14 de la IVe Convention de Genève. De même, les enfants et les femmes en couches entrent dans la catégorie des personnes civiles qui, en vertu de la IVe Convention, devraient être évacuées d'un lieu assiégé ou encerclé (art. 17).

Le Protocole additionnel I prévoit, à des conditions toutefois très strictes, l'évacuation temporaire des enfants, si celle-ci est rendue nécessaire pour des raisons impérieuses tenant à leur sécurité (art. 78).

Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel Il encourage, à certaines conditions, l'évacuation temporaire des enfants d'un secteur où des hostilités ont lieu vers un secteur plus sûr du pays (art. 4, par. 3, litt. e).

  3. Droit aux soins et à l'aide  

Comme il a été mentionné auparavant, le Protocole additionnel I impose aux Parties à un conflit armé international l'obligation d'apporter des soins et de l'aide aux enfants.

Dans la IVe Convention de Genève, plusieurs dispositions prennent en considération les besoins particuliers des enfants.

Ainsi, toute Haute Partie contractante doit autoriser le libre passage de secours destinés aux enfants de moins de quinze ans et aux femmes en couches (art. 23). Une Puissance occupante doit faciliter le bon fonctionnement des établissements consacrés aux soins des enfants se trouvant en territoire occupé (art. 50). Une Partie en conflit a l'obligation de pourvoir à l'entretien des personnes dépendant des internés qui restent sans moyens suffisants de subsistance ou incapables de gagner elles-mêmes leur vie (art. 81). Les femmes en couches et les enfants âgés de moins de quinze ans, qu'une Partie en conflit a dû interner pour des raisons de sécurité, doivent recevoir des suppléments de nourriture, conformément à leurs besoins physiologiques (art. 89).

En vertu du Protocole additionnel I, priorité sera donnée, entre autres, aux enfants et aux femmes en couches lors de la distribution d'envois de secours (art. 70, par. 1).

Enfin, l'évacuation temporaire des enfants aux termes de l'article 78 de ce Protocole est prévue également dans le cas où des raisons tenant à la santé ou à un traitement médical des enfants l'exigent (art. 78, par. 1).

En ce qui concerne le conflit armé non international, le Protocole additionnel II, comme il a été mentionné auparavant, énonce le droit aux soins et à l'aide des enfants (art. 4, par. 3).

  4. L'enfant et sa famille  

Au regard des conclusions d'une étude de l'UNESCO sur l'enfant et la guerre, les dispositions de droit international humanitaire qui ont pour objet de préserver l'unité familiale dans les conflits armés revêtent une importance particulière. Selon cette étude en effet:

  «Lorsqu'on approfondit la nature de la       souffrance psychique chez   l'enfant victime de la guerre, on découvre que ce ne sont pas les faits de   guerre eux-mêmes - tels que bombardements, opérations militaires qui l'ont affecté émotionnellement. Son sens de l'aventure, son intérêt pour   la destruction et le mouvement peuvent s'accommoder des pires dangers, et il   ne prend pas conscience du péril s'il garde auprès de lui le protecteur qui,   dans son coeur d'enfant, incarne la sécurité, et s'il peut en même temps   serrer dans ses bras quelque objet familier.  

     

  C'est la répercussion des événements sur ses liens affectifs familiaux et   la séparation d'avec le cadre coutumier de sa vie qui affectent l'enfant et,   par-dessus tout, l'arrachement brutal à sa mère » [3 ] .

Le Protocole additionnel I énonce le devoir général des Hautes Parties contractantes et des Parties en conflit de favoriser le regroupement des familles qui se retrouvent dispersées après l'éclatement d'un conflit   armé international (art. 74).

L'unité de la famille est prise en considération dans les différentes prescriptions relatives au traitement des personnes privées de liberté. La IVe Convention de Genève dispose que, dans toute la mesure du possible, les membres d'une famille qui sont internés seront réunis dans les mêmes locaux, seront logés séparément des autres internés, et que les facilités nécessaires leur seront accordées pour mener une vie de famille (art. 82). Les internés pourront demander que leurs enfants laissés sans surveillance soient internés (art. 82). Selon le Protocole additionnel I, l'unité des familles arrêtées, détenues ou internées sera préservée autant que possible pour leur logement (art. 75, par. 5).

C'est aussi le souci de préserver une p résence maternelle à l'enfant qui se trouve à l'origine des règles du Protocole additionnel I sur les mères d'enfants en bas âge dépendant d'elles qui sont arrêtées, détenues ou internées. Leur cas doit être examiné en priorité (art. 76, par. 2). Les Parties en conflit doivent éviter de prononcer des condamnations à mort contre elles, si la condamnation à mort est prononcée, elle ne sera pas exécutée (art. 76, par. 3).

La protection du lien familial a été prise en considération pour l'évacuation temporaire des enfants aux termes de l'article 78 du Protocole additionnel I. Cette opération est soumise à des conditions très strictes.  Le consentement des parents, des tuteurs ou des personnes à qui la loi ou la coutume attribue principalement la garde des enfants est requis (art. 78, par. 1). En outre, toutes les mesures devront être prises pour conserver l'identité des enfants évacués (art. 78, par. 3).

En vertu du principe de l'intangibilité du statut personnel de l'enfant, énoncé dans la IVe Convention de Genève, il est interdit à une Puissance occupante de modifier la situation de famille ou l'état civil des enfants (art. 50).

En ce qui concerne la protection de la famille, citons également l'article 51 de la IVe Convention de Genève, qui interdit à une Puissance occupante d'astreindre au travail des personnes protégées âgées de moins de dix-huit ans.

Enfin, l'exposé de toutes les mesures prévues par le droit international humanitaire pour préserver les liens entre l'enfant et sa famille serait incomplet si l'on ne mentionnait pas, d'une part, les dispositions qui ont pour but de garder la trace des personnes protégées, d'autre part, celles qui permettent aux membres de leur famille de connaître le sort des personnes protégées.

Au vu de la IVe C onvention de Genève, les Parties en conflit doivent s'efforcer de prendre des mesures pour que tous les enfants de moins de douze ans soient identifiés, notamment par le port d'une plaque d'identité (art. 24). Une Puissance occupante doit faciliter l'identification des enfants et l'enregistrement de leur filiation, et créer, au sein de son bureau de renseignements sur les personnes protégées, une section spéciale chargée de rechercher l'identité des enfants qui serait restée incertaine (art. 50). Il faut insister sur l'extrême importance d'un système d'identification des enfants et notamment des enfants en bas âge. C'est le seul moyen d'éviter que des milliers d'enfants ne soient abandonnés par suite des événements de la guerre: exodes, bombardements, destructions de villes, déportations, etc.

La IVe Convention de Genève reconnaît en outre le droit à toute personne se trouvant sur le territoire d'une Partie en conflit ou dans un territoire occupé par elle de donner de ses nouvelles aux membres de sa famille, où qu'ils se trouvent (art. 25). Enfin, grâce au système mis en place par les Conventions de Genève et les compétences reconnues à l'Agence centrale de recherches par les Conventions de Genève [4 ] , les parents peuvent recevoir des informations sur les enfants qui se trouvent au pouvoir d'une Partie en conflit et réciproquement (art. 136 et ss).

Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel Il dispose que toutes les mesures appropriées doivent être prises pour faciliter le regroupement des familles momentanément séparées (art. 4, par. 3, litt. d). L'évacuation des enfants est subordonnée « au consentement des parents ou des personnes qui en ont la garde à titre principal en vertu de la loi ou de la coutume » (art. 4, par. 3, litt. e). La peine de mort ne sera pas exécutée contre les mères d'enfants en bas âge (art. 6, par. 4).

  5. L'environnement culturel de l'enfant  

Lorsque l'enfant reste au sein de sa famille, il bénéficie de l'environnement culturel auquel il est habitué. En protégeant le milieu familial de l'enfant, le droit international humanitaire protège également les valeurs morales, la religion, la culture et les traditions dans lesquelles l'enfant a été élevé. Si l'enfant est orphelin, ou séparé de ses parents, cet environnement culturel peut être affecté par le conflit. Il ressort des dispositions du droit international humanitaire relatives à cette catégorie d'enfants, que les auteurs de la IVe Convention de Genève et du Protocole additionnel I se sont tenus au principe selon lequel les enfants, en cas de conflit armé international, doivent bénéficier d'un environnement aussi proche que possible de celui auquel ils sont habitués.

Ainsi, dans la IVe Convention de Genève, les Parties en conflit doivent en toutes circonstances faciliter, pour les enfants séparés ou orphelins, « la pratique de leur religion et leur éducation. Celle-ci sera si possible confiée à des personnes de même tradition culturelle » (art. 24). L'accueil de ces enfants en pays neutre devra répondre aux mêmes principes (art. 24). La Puissance occupante devra prendre des dispositions pour assurer l'entretien et l'éducation des enfants orphelins ou séparés, « si possible par des personnes de leur nationalité, langue et religion, ... en l'absence d'un proche parent ou d'un ami qui pourrait y pourvoir » (art. 50).

Dans le Protocole additionnel I, l'article relatif à l'évacuation des enfants vers un pays étranger dispose que « l'éducation de chaque enfant évacué, y compris son éducation relig ieuse et morale telle que la désirent ses parents, devra être assurée d'une façon aussi continue que possible » (art. 78, par. 2).

  6. L'éducation des enfants  

Outre les dispositions qui viennent d'être mentionnées sur l'éducation des enfants orphelins ou séparés, la IVe Convention de Genève impose certains devoirs généraux en matière d'éducation des enfants à une Partie à un conflit armé international.  La Puissance occupante doit faciliter le bon fonctionnement des établissements consacrés à l'éducation des enfants (art. 50). La Puissance détentrice doit assurer l'instruction des enfants et des adolescents internés, qui peuvent fréquenter des écoles (art. 94).

Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel II prévoit que les enfants « devront recevoir une éducation, y compris une éducation religieuse et morale, telle que la désirent leurs parents ou, en l'absence de parents, les personnes qui en ont la garde » (art. 4, par. 3, litt. a).

  7. Les droits personnels de l'enfant  

La IVe Convention de Genève interdit à la Puissance occupante de modifier le statut personnel des enfants (art. 50). Leur nationalité et leur état civil ne devront donc pas subir de changements du fait de l'occupation qui complète, en faveur des enfants, les principes essentiels du respect de la personne et des droits familiaux proclamés à l'article 27 de cette Convention. D'autre part, la Puissance occupante ne doit pas enrôler les enfants dans des formations ou des organisations dépendant d'elle (art. 50). Cette interdiction est des tinée à empêcher le renouvellement des massives incorporations forcées qui se sont produites au cours de la seconde guerre mondiale, où de nombreux enfants avaient été enrôlés d'office dans des organisations et mouvements consacrés principalement à des fins politiques.

  8. Le respect du traitement préférentiel de l'enfant  

Si la IVe Convention de Genève n'énonce pas le principe de la protection spéciale qui doit être accordée à l'enfant, deux de ses dispositions stipulent en revanche expressément que le régime de faveur accordé aux enfants par les législations nationales doit être respecté en cas de conflit   armé international.  En effet, bien souvent, les pays en guerre promulguent des dispositions en faveur des personnes dont la vulnérabilité appelle des mesures spéciales : octroi de cartes d'alimentation supplémentaires, facilités pour les soins médicaux et hospitaliers, assistance sociale, mesures de protection contre les effets de la guerre, etc. Les enfants de moins de quinze ans et les mères d'enfants de moins de sept ans qui sont ressortissants de la Partie adverse doivent bénéficier de tout traitement préférentiel qui est accordé aux ressortissants nationaux des catégories correspondantes (art. 38). De même, la Puissance occupante ne devra pas entraver l'application des mesures préférentielles prises en faveur de ces personnes avant l'occupation (art. 50).

  9. L'enfant arrêté, détenu ou interné  

Le droit international autorise une Partie à un conflit armé international à prendre, à l'égard des personnes protégées, des mesures destinées à assurer sa propre sécurité. L'internement constitue une de ces mesures. En outre, la Puissance occupante peut inculper des personnes protégées, pour infraction à la législation nationale en vigueur dans le territoire occupé, ou pour infraction aux dispositions qu'elle aura édictées pour assurer sa propre sécurité. L'enfant, comme n'importe quelle personne protégée, peut être interné. Il peut également être inculpé, comme il pourrait l'être en temps de paix, pour avoir commis, sur un territoire occupé, une infraction au droit pénal, ou s'être livré à des actes portant atteinte à la sécurité de la Puissance occupante. Il peut, enfin, contrairement au droit international humanitaire (voir C ci-dessous), avoir été enrôlé dans les forces armées et être capturé en tant que combattant de ces forces. Le droit international humanitaire, en tenant compte de ces situations, prévoit des dispositions particulières en faveur de l'enfant privé de liberté.

En vertu du Protocole additionnel I, l'enfant arrêté, détenu ou interné doit être gardé dans des locaux séparés de ceux des adultes, sauf dans les cas où il loge avec sa famille (art. 77, ch. 4).

La IVe Convention prévoit le regroupement des enfants avec leurs parents internés (art. 82), tandis que le Protocole additionnel I l'étend à toutes les personnes qui sont au pouvoir d'une Partie en conflit (art. 75,

par. 5) (voir § 4 ci-dessus).

La IVe Convention de Genève prévoit l'instruction des enfants et des adolescents internés (voir § 6 ci-dessus), ainsi que des emplacements spéciaux pour le jeu et le sport (art. 94). Des suppléments de nourriture (art. 89) sont prévus (voir § 3 ci-dessus). Enfin, cette Convention encourage la libération, le rapatriement, le retour au lieu de domicile ou l'hospitalisation en pays neutre des enfants et des mères avec nourrissons et enfan ts en bas âge internés (art. 132).

Selon la IVe Convention de Genève, il sera tenu compte, pour les mineurs inculpés, du régime spécial prévu par la législation en vigueur avant l'occupation (art. 76).

Aux termes du Protocole additionnel I, les enfants participant directement aux hostilités alors qu'ils n'ont pas quinze ans révolus restent, s'ils tombent au pouvoir d'une partie adverse, au bénéfice de la protection spéciale accordée par l'article 77 (art. 77, par. 3) (voir C ci-dessous).

Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel Il contient une stipulation identique en faveur des enfants de moins de quinze ans participant aux hostilités (art. 4, par. 3, litt. d) (voir C ci-dessous).

  10. L'enfant et la peine de mort  

Les auteurs tarit de la IVe Convention de Genève que des Protocoles additionnels ont fixé à dix-huit ans l'âge limite au-dessous duquel aucune condamnation à mort ne doit être exécutées. Selon le Commentaire de la IVe Convention:

  « Il s'agit d'une limite absolue qui s'oppose à l'exécution de la peine   capitale, même si toutes les conditions qui rendent cette peine applicable se   trouvent réunies. Elle correspond à des dispositions que l'on retrouve dans   le code pénal de nombreux pays, et procède de l'idée qu'avant dix-huit ans l'individu n'est pas entièrement capable de discernement, qu'il ne mesure   pas toujours la portée de ses actes et agit souvent sous l'influence d'autrui,   si ce n'est sous la contrainte» [5 ] .

En ce qui concerne le conflit armé international, le Protocole additionnel I interdit l'exécution d'une condamnation à mort pour une infraction liée au conflit armé contre les personnes qui n'avaient pas dix-huit ans au moment de l'infraction (art. 77, par. 5). La IVe Convention de Genève interdit de prononcer la peine de mort contre une personne protégée d'un territoire occupé âgée de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction (art. 68).

Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel II interdit également de prononcer la peine de mort contre les personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction (art. 6, par. 4).

  11. L'enfant orphelin ou séparé  

Les dispositions que les Parties à un conflit armé international doivent prendre à l'égard des enfants orphelins ou séparés du fait de la guerre ont déjà été évoquées dans les paragraphes consacrés à l'enfant et sa famille (voir § 4) et à l'environnement culturel de l'enfant (voir § 5).  

La IVe Convention de Genève accorde une importance particulière à la situation des enfants orphelins ou séparés de leur famille. Les Parties en conflit ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour que l'entretien et l'éducation des enfants de moins de quinze ans devenus orphelins ou séparés du fait de la guerre soient assurés, et qu'ils ne soient pas laissés à eux-mêmes (a rt. 24). L'accueil en pays neutre est prévu (art. 24).  Les auteurs de la Convention ont choisi la limite d'âge de quinze ans, parce qu'ils ont estimé que le développement des facultés à partir de cet âge n'imposait plus avec la même nécessité des mesures spéciales [6 ] .   De même, la Puissance occupante doit veiller à ce que l'entretien et l'éducation des enfants orphelins ou séparés en territoire occupé soient assurés (art. 50).

  C. La participation des enfants aux hostilités  

Les Protocoles additionnels contiennent des dispositions relatives à un problème nouveau, celui de la participation des enfants aux hostilités.

Il s'agit de l'une des conséquences de l'évolution survenue dans la nature des conflits, caractérisés par le fait que civils et combattants sont souvent mélangés. C'est dans ce contexte qu'il faut placer la participation des enfants aux hostilités, participation qui peut s'étendre d'une aide indirecte aux combattants jusqu'à l'enrôlement dans les forces armées. Il n'aurait été ni réaliste, ni même possible, d'interdire de façon absolue la participation des enfants aux hostilités. Les Protocoles additionnels tendent à l'exclure dans la mesure du possible, en prohibant notamment le recrutement de jeunes gens au-dessous de quinze ans (art. 77, par. 2 du Protocole I et art. 4, par. 3, litt. c du Protocole II). Le Protocole I encourage en outre les Parties en conflit, si elles enrôlent des personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix-huit ans, à donner la priorité aux plus âgés (art. 77, par. 2).

Si, malgré les dispositions des Protocoles additionnels, les enfants de moins de quinze ans participent directement aux hostilités et sont capturés, ils restent au bénéfice de la protection des enfants prévue par ces instruments (art. 77, par. 3 du Protocole I et 4, par. 3, litt. d du Protocole II).

  III. L'ACTION DU CICR EN FAVEUR DES ENFANTS VICTIMES DE CONFLITS  

Le CICR a toujours travaillé activement à la promotion de la protection juridique de l'enfant. C'est ainsi que, en 1939 déjà, le CICR et l'Union internationale de protection de l'enfance présentèrent un projet de Convention pour la protection de l'enfant, qui ne vit pas le jour en raison du début de la seconde guerre mondiale. Lors des Conférences diplomatiques de 1949 tout d'abord, puis de 1974-1977, le CICR s'est employé à promouvoir, puis à développer et à compléter la protection juridique de l'enfant.

Conformément à sa tradition d'institution humanitaire et à son mandat, le CICR n'a cependant pas attendu la création de dispositions légales protégeant l'enfant dans les conflits armés pour entreprendre, sur le terrain, des actions destinées à la protection des enfants. Tout au long des conflits, les initiatives du CICR précèdent la protection juridique de l'enfant, et cherchent à la compléter ou à y suppléer, lorsque les mécanismes d'application du droit international humanitaire font défaut.

Pendant la seconde guerre mondiale, au milieu de tant d'horreurs et malgré les difficultés qu'il a rencontrées dans ses activités en faveur des civils, notamment en raison de l'absence de toute base juridique, le CICR a pu organiser certaines actions, telles que le placement des jeunes au-dessous de dix-huit ans dans des camps spéciaux, l'organisation d'émissions radiophoniques en vue de faciliter la réunion d'enfants séparés de leurs parents, la création de homes d'accueil dans les pays dévastés par la guerre.

Il y a un domaine dans lequel le CICR a apporté et continue d'apporter une contribution d'une importance primordiale pour les enfants: la recherche de personnes disparues, l'échange de messages familiaux et le regroupement des familles séparées des deux côtés du front. Depuis plus d'un siècle, l'Agence centrale de recherches du CICR recueille et transmet des renseignements sur les personnes disparues, capturées, réfugiées, libérées ou rapatriées et informe les familles; lorsque les canaux normaux de communication sont coupés, elle assure la transmission des messages familiaux. Dans le cadre de ces tâches, les délégués du CICR s'occupent en priorité de retrouver les enfants disparus, de les mettre en contact et de les réunir avec leur famille. Parmi les tâches de l'Agence centrale de recherches du CICR accomplies ces dernières années en faveur des enfants séparés de leurs parents du fait de la guerre, on peut mentionner, entre autres, l'identification des enfants khmers non accompagnés installés dans les camps de réfugiés en Thaïlande à la suite du conflit du Kampuchéa. C'est ainsi que, en 1980, 3500 cas de mineurs non accompagnés ont été enregistrés par le CICR, en collaboration avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et certaines Agences volontaires, dans la perspective de réunir des familles séparées par suite du conflit.

En matière d'assistance, les enfants bénéficient des actions de secours que le CICR entreprend en faveur des populations civiles affectées par un conflit. Dans certains cas, les bénéficiaires principaux des programmes d'assistance du CICR sont les enfants et les adolescents. Il en a été ainsi, par exemple, en Zambie, lors du conflit en Rhodésie/Zimbabwé, où, sur 29 000 réfugiés de Rhodésie/Zimbabwé, 18 000 étaient des jeunes gens et des jeunes filles de moins de seize ans, et 300 des jeunes femmes avec leurs bébés. Le CICR, jusqu'à la fin du conflit (1980), fournit en faveur de ces personnes une importante aide médicale et matérielle.

Il arrive également au CICR de décider d'entreprendre une action destinée spécialement aux enfants. On peut citer, à cet égard, le programme d'assistance aux orphelinats que le CICR a entrepris au Kampuchéa, en 1981.

Le CICR cherche à protéger toutes les victimes des conflits armés, et les enfants, à ce titre, sont inclus dans les interventions du CICR lors de ces conflits. C'est dire que les enfants seront visités par le CICR s'ils sont au pouvoir d'une Partie en conflit et seront, de manière générale, compris dans les démarches ou les interventions du CICR en faveur des victimes des conflits armés. Les enfants peuvent cependant faire l'objet d'une mesure particulière de protection du CICR. C'est ainsi que, par exemple, le lendemain de la première visite du CICR au camp d'Al-Ansar au Sud-Liban, où furent détenus principalement des prisonniers palestiniens, 212 enfants de moins de seize ans ont été libérés sous les auspices du CICR. Le groupe d'enfants a été pris en charge par les délégués du CICR, qui se sont assurés de leur retour dans leurs familles dans les différentes régions du Liban (septembre-octobre 1982).

  IV. CONCLUSION  

De nombreuses dispositions du droit international humanitaire consacrent et développent le principe de la protection spéciale de l'enfant en temps de conflit armé. L'action du CICR, aussi bien lorsqu'elle est destinée à toutes les victimes des conflits armés que lorsqu'elle s'adresse aux enfants en particulier, qu'elle tend au respect du droit international humanitaire ou qu'elle se manifeste par des mesures concrètes, inscrites dans le quotidien des tâches de ses délégués, contribue indubitablement à donner une certaine affectivité au principe de la protection de l'enfant victime de la guerre. A vrai dire, cette protection fait partie de la protection des civils contre les effets des hostilités. C'est dans cette perspective-là que la protection de l'enfant doit tout d'abord être située.

  Notes  

1. Travail présenté au Symposium international « Les enfants et la guerre», réuni à Siuntio Baths, Finlande, du 24 au 27 mars 1983.

2. Au 31 décembre 1983, 38 Etats étaient parties au Protocole I, et 31 au Protocole Il.

3. Extrait de L'enfance, victime de la guerre, une étude de la situation européenne, par le docteur Thérèse Brosse, UNESCO, 1949, Paris, pp. 11-12, cité dans le « Rapport sur les travaux de la Conférence d'experts gouvernementaux », vol.II, CICR, 1972, p. 98.

4. L'origine des dispositions sur l'Agence centrale de renseignements dans les Conventions de Genève remonte aux toutes premières actions du CICR en faveur des victimes des conflits. Mais c'est en 1914 que le CICR créa, pour la première fois, une Agence internationale des prisonniers de guerre, chargée de recueillir et de transmettre des renseignements sur les prisonniers (blessés, malades et morts) et également sur les civils. L'existence et le fonctionnement de cette Agence fut sanctionnée par la Convention de 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre. Pendant la deuxième guerre mondiale, le CICR ouvrit, à Genève, l'Agence centrale des prisonniers de guerre, dont l'activité, qui s'étendit aux civils également, fut considérable. La Conférence diplomatique de 1949 confirma les compétences de l'Agence centrale de renseignements d ans la Ille Convention de Genève, relative aux prisonniers de guerre, et les répéta dans la IVe Convention de Genève, relative aux civils. Les tâches principales de l'ACR au vu des Conventions de Genève sont le recueil et la transmission de renseignements sur les personnes protégées. Actuellement, l'Agence centrale de recherches du CICR continue le travail de l'Agence centrale des prisonniers de guerre.  Elle fonctionne sous cette dénomination depuis 1960, en tant que département du CICR et à titre permanent.

5. Commentaire de la IVe Convention de Genève, Comité international de la Croix-Rouge, Genève, 1956, ad article 68, p. 372.

6. Ibid., ad article 24, p. 201.






24/01/2012
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