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La responsabilité pénale individuelle pour violation du droit international humanitaire applicable en situation de conflit armé non international

La responsabilité pénale individuelle pour violation du droit international humanitaire applicable en situation de conflit armé non international

http://www.icrc.org/fre/resources/documents/misc/5fzgbw.htm

31-03-1998 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 829, de Thomas Graditzky

Thomas Graditzky , licencié en relations internationales et diplômé en droit international (Institut universitaire de hautes études internationales, Genève), travaille actuellement au sein de la Division juridique du CICR.

Au milieu de notre siècle, deux événements majeurs ont marqué le droit pénal international. En premier lieu, les procès des grands criminels de guerre qui se sont déroulés à Nuremberg et à Tokyo suite au second conflit mondial jouent un rôle phare dans le domaine. La responsabilité pénale individuelle pour certains actes graves contraires aux normes du droit international applicable lors de conflits armés est mise au grand jour ; les termes de « crimes contre la paix », « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » trouvent leur consécration. Peu après, avec l’adoption des quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes de la guerre, le deuxième événement fait son apparition. Ces instruments établissent un cadre répressif particulier pour les violations les plus importantes du droit qu’ils comprennent ; l’expression technique d’« infraction grave » est née.

Bien connus, ces développements ne concernaient toutefois que les conflits armés internationaux [1 ] . En 1949 il était entendu qu’une extension du système des infrac tions graves aux conflits internes constituerait une atteinte jugée inacceptable à la souveraineté des États. Lors de l’adoption des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève, le 8 juin 1977, la position des États restait inchangée. On voyait en outre se dessiner la crainte des pays nouvellement indépendants que leurs nouveaux partenaires profitent des éléments justificatifs potentiellement fournis par l’adoption du Protocole II (relatif aux conflits armés non internationaux) pour porter un intérêt exagéré à leurs affaires internes.

Or, la plupart des conflits armés sont aujourd’hui de type non international et rien ne permet de prétendre que les protagonistes d’un conflit armé se comportent différemment selon que le droit international qualifie ce conflit d’international ou de non international. L’histoire ne peut malheureusement que confirmer l’absence de retenue dans le comportement destructeur qui caractérise également les guerres civiles. Que l’on pense par exemple au Cambodge, à la Somalie ou au Rwanda. Face à de tels événements, l’aveuglement délibéré de la communauté internationale trouve ses limites. La volonté de voir tous les auteurs d’atrocités commises lors de conflits armés porter la responsabilité de leurs actes se manifeste avec toujours plus de vigueur, alors que l’évolution du corps des normes des droits de l’homme a déjà apporté sa contribution au recul de l’argument butoir de la souveraineté.

La conjonction de ces dernières constatations vient souligner le caractère fortement désirable de la reconnaissance d’une compétence universelle pour la répression des violations graves du droit international humanitaire applicable aux conflits non internationaux. Mais qu’en est-il vraiment ? La compétence des États pour poursuivre et juger les auteurs de telles violations est-elle aujourd’hui bien admise en droit international ? Quelle en est la forme, quels en sont les contours ?

Parmi l’éventail classiqu e des catégories d’infractions entraînant la responsabilité pénale individuelle lors de conflits armés internationaux, il en est deux qui ne méritent pas ici de développement particulier, du fait qu’il est aujourd’hui reconnu que lorsque les actes incriminés en font partie, il existe en tout temps une compétence universelle pour poursuivre les auteurs des actes incriminés. Il s’agit du crime de génocide et des crimes contre l’humanité .

En ce qui concerne le crime de génocide, il suffira de rappeler très brièvement que le caractère coutumier des principes qui se trouvent à la base de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (du 9 décembre 1948) était reconnu dès les années 1950 [2 ] ; que l’article premier de cet instrument affirme que le génocide est un crime du droit des gens, « qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre » ; et que la Cour internationale de Justice vient au surplus de confirmer que les obligations de prévention et de répression qui reposent sur les États conformément à la Convention ne sont pas différentes qu’il s’agisse d’un conflit international ou interne. [3 ]

Quant aux crimes contre l’humanité, on notera que le rapport du secrétaire général de l’ONU commentant le projet de statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) indique que ceux-ci peuvent se produire autant dans un conflit interne que dans un conflit international [4 ] . Cette affirmation s’est vu renforcée par l’adoption des statuts des deux Tribunaux pénaux internationaux (celui qui concerne l’ex-Yougoslavie indiquant expressément à l’article 3 que les deux types de conflits sont couverts par cette disposition et celui qui concerne le Rwanda faisant figurer les crimes contre l’humanité à son article 3) et a été consacrée par la Chambre d’appel dans l’affaire Tadic . Celle-ci a e n effet affirmé que « [l ] ’absence de lien entre les crimes contre l’humanité et un conflit armé international est maintenant une règle établie du droit international coutumier. » [5 ]

Les crimes contre la paix (aujourd’hui : crimes d’agression) relevant par ailleurs d’une problématique différente, il s’agit donc de se tourner vers l’ensemble des autres violations du droit international humanitaire applicable aux conflits armés non internationaux et d’examiner si certaines de celles-ci, en raison de l’importance que leur attribue la communauté des États, ont été érigées en crimes et impliquent la responsabilité pénale internationale de leurs auteurs. Des « crimes de guerre » peuvent-ils être commis lors de conflits internes ? Le terme d’« infractions graves » a-t-il un sens dans le contexte des conflits armés non internationaux ? é international est maintenant une règle établie du droit international coutumier.

Individualisation des obligations internationales

L’existence de normes conventionnelles et coutumières applicables aux conflits internes ne fait aujourd’hui plus l’objet d’aucun doute. De plus, la question de savoir si les normes du droit humanitaire s’adressent uniquement aux États — qui seraient alors les seuls à engager leur responsabilité en cas de non-respect — ou s’adressent aussi à l’individu, qui est alors susceptible de les violer directement par son comportement, semble aujourd’hui également résolue en faveur de la seconde possibilité, qu’il s’agisse d’un conflit interne ou international.

On soulignera rapidement le fait que la substance des règles de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 et du Protocole II additionnel à celles-ci (comme par exemple l’article 4 relatif aux garanties fondamentales) fait très souvent référence à des agissements individuels [6 ] , qu’il existe une obliga tion de diffusion (Protocole II, article 19) et que l’obligation de « faire respecter » les règles du droit humanitaire (dont une des composantes consiste pour l’État à forcer au respect de ces normes non seulement ses organes mais toutes les personnes relevant de sa juridiction) trouve également application lors de conflits internes [7 ] . Tous ces éléments concourent à l’affirmation qu’il s’agit aussi pour le droit applicable lors de tels conflits de réglementer la conduite des individus.

On ne saurait à ce propos négliger de faire référence à l’affirmation suivante du Tribunal militaire international de Nuremberg : « [c ] e sont des hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s’impose, comme sanction du Droit international. » [8 ]

Criminalisation internationale des violations du droit international humanitaire

Les termes du problème

Si les normes du droit international humanitaire applicables lors de conflits internes gouvernent effectivement la conduite des individus, il reste à déterminer si leur violation entraîne la responsabilité pénale individuelle de l’auteur et, plus précisément, si cette responsabilité éventuelle émane du droit international tel qu’il existe aujourd’hui.

On soulignera tout d’abord qu’il est généralement admis que les dispositions conventionnelles s’appliquant aux conflits armés non internationaux ne contiennent aucun élément incriminant spécifiquement les violations graves des règles qu’ils énoncent. L ’article 3 commun reste en effet silencieux sur ce point et le Protocole II ne prévoit aucun régime semblable à celui des infractions graves établi par les Conventions de 1949 et complété par le Protocole I.

Le rapport du secrétaire général commentant le projet de statut du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie ne fait référence qu’aux conflits armés internationaux lorsqu’il introduit l’article relatif aux infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 [9 ] . Le CICR s’est également exprimé ainsi : « [s ] elon la lettre des Conventions de Genève et du Protocole additionnel I, les obligations attachées à l’institution d’une responsabilité pénale internationale des auteurs de certaines violations du droit humanitaire n’existent que dans le cas d’un conflit armé international » [10 ] . Quant à la chambre d’appel du TPIY, elle a estimé dans l’affaire Tadic que « dans l’état actuel de l’évolution du droit, l’article 2 du Statut [traitant des infractions graves ] ne s’applique qu’aux crimes commis dans le contexte de conflits armés internationaux. » [11 ] Elle rejette donc également l’idée que la portée des dispositions des Conventions de Genève relatives aux infractions graves puisse actuellement être considérée comme s’étendant aussi à l’article 3 commun.

Toute responsabilité pénale internationale pour violations graves du droit humanitaire applicable dans les conflits internes (autres que celles assimilables au crime de génocide ou à des crimes contre l’humanité) est-elle pour autant exclue ? La réponse a pu, même récemment, pencher clairement vers l’affirmative. Ainsi, le rapport final de la commission des Nations Unies chargée d’examiner et d’analyser les informations relatives aux violations graves du droit international humanitaire en ex-Yougoslavie affirmait, à propos du droit applicable aux conflits armés non internationaux, que « [... ] en général [... ] les seules infractions commises dans un conflit de ce genre pour lesquelles il existe une juridiction internationale sont les « crimes contre l’humanité » et le génocide, qui s’appliquent quelle que soit la qualification du conflit. » [12 ] De même, récemment encore, la doctrine s’est parfois dirigée vers une telle réponse. [13 ]

Pourtant, le 2 octobre 1995, l’arrêt de la chambre d’appel du TPIY relatif à l’exception préjudicielle d’incompétence soulevée par la défense dans l’affaire Tadic ne se bornait ni à une simple constatation, ni à un constat définitif du fait que l’article 3 commun avait été soustrait au régime des infractions graves. Nous y reviendrons plus tard.

Il s’agit d’examiner maintenant les éléments qui permettraient de mettre en évidence une éventuelle évolution du droit dans le domaine qui nous intéresse ici, en explorant celui-ci dans l’idée de rechercher une hypothétique norme coutumière portant criminalisation internationale. Le Tribunal militaire international de Nuremberg a souligné la possibilité d’une incrimination de comportements individuels particulièrement graves, adoptés en violation du droit international, par le biais d’une norme coutumière venant se greffer sur celles qui règlent les comportements en question. Jurisprudence, déclarations étatiques et autres éléments étaient alors examinés par ce tribunal pour parvenir à la conclusion que les comportements incriminés par son statut impliquaient déjà une responsabilité pénale individuelle au moment des faits pour lesquels comparaissaient les accusés. [14 ]

La pratique et les opinions étatiques

1. Déclarations des États

Comme première indication, nous nous tournerons vers les déclarations des États et, en tout premier lieu, nous nous pencherons sur celles qui ont été émises dans le cadre du Conseil de sécurité suite au vote unanim e de la résolution 827 (1993) approuvant le rapport du secrétaire général sur la création du TPIY. Allant dans le sens d’une affirmation de la responsabilité pénale individuelle pour des violations de normes applicables dans les conflits non internationaux, on relèvera tout d’abord la déclaration de la représentante des États-Unis qui estimait qu’«[... ] il est entendu que l’expression « lois ou coutumes de la guerre », employée à l’article 3 du Statut englobe toutes les obligations qui découlent des accords en matière de droit humanitaire en vigueur sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à la date où les actes incriminés ont été commis, y compris l’article 3 des Conventions de Genève de 1949, et les Protocoles additionnels de 1977 à ces conventions. » [15 ] Cette déclaration était précédée d’une remarque sur le fait que d’autres membres du Conseil de sécurité partageaient ce point de vue. En effet, le représentant français allait, selon toute apparence, dans le même sens lorsqu’il déclarait que cette même expression « loi ou coutumes de la guerre » « [... ] recouvre notamment, de l’avis de la France, toutes les obligations qui découlent des accords en matière de droit humanitaire en vigueur sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à la date où les actes incriminés ont été commis. » [16 ] Si l’intervention britannique est moins claire par l’absence de référence à toutes les obligations conventionnelles [17 ] , on notera encore que la Hongrie soulignait « [... ] l’importance du fait que la juridiction du Tribunal couvre toute l’étendue du droit humanitaire international et toute la durée du conflit sur tout le territoire de l’ex-Yougoslavie » [18 ] et que l’Espagne envisageait également une compétence très étendue en faisant référence « [... ] au conflit ou aux conflits dans cette région » [19 ] . Ces d ivers éléments, liés au fait qu’il a été à plusieurs reprises déclaré qu’il s’agissait d’appliquer le droit international en vigueur, démontrent que ces États estimaient qu’il existait bien une compétence universelle pour la répression des violations graves commises en situation de conflit interne, ou, pour certaines de ces déclarations, montrent à tout le moins que la compétence du tribunal était très largement considérée et qu’il n’était en tout cas aucunement question de la restreindre volontairement. [20 ]

Toujours en rapport avec le TPIY, les États-Unis se sont même avancés plus loin. Dans son mémoire d’ amicus curiae présenté en rapport avec l’affaire Tadic , cet État a effectivement affirmé que les dispositions relatives aux infractions graves des Conventions de Genève (auxquelles fait allusion l’article 2 du statut du Tribunal) couvraient également les conflits armés de caractère non international. [21 ]

Quelques déclarations communes des États membres de la Communauté européenne relatives à la situation en ex-Yougoslavie abordent la question de la responsabilité pénale individuelle. Elles évoluent d’une référence expresse et unique au système des infractions graves des Conventions de Genève [22 ] vers un élargissement à toutes les violations graves, qui comprennent de plus en plus clairement celles qui sont commises dans le cadre d’un conflit interne [23 ] . En outre, à propos du Rwanda, une partie de la position commune définie par le Conseil se lisait comme suit : « [l ] ’Union européenne souligne l’importance de traduire en justice les responsables des graves violations du droit humanitaire, et notamment du génocide. À cet égard, elle considère que la mise en place d’un tribunal international est une mesure essentielle pour mettre un terme à une tradition d’impunité et pour empêcher à l’avenir toute violation des droits de l’homme. » [24 ] On remarque qu’une com pétence universelle semble reconnue pour les violations graves du droit humanitaire applicable aux conflits internes.

Du plus grand intérêt pour l’établissement éventuel de l’existence d’une opinio juris , ces déclarations ne sauraient en aucun cas se dispenser de l’apport d’autres éléments mettant en évidence une réelle pratique.

2. Manuels militaires

Tout conflit armé impliquant naturellement l’action de forces ou groupes armés, il n’est pas déraisonnable de poursuivre notre recherche par un bref regard sur les règles qui doivent guider la conduite de ceux-ci, autrement dit sur le contenu des manuels militaires disponibles et pertinents.

Pour commencer par les plus récents, on relèvera avec intérêt que le manuel militaire allemand de 1992 inclut des références à l’article 3 commun aux Conventions de Genève et au Protocole II lorsqu’il dresse une liste non exhaustive des infractions graves au droit international humanitaire [25 ] . De la même façon, le supplément annoté au nouveau Commander’s Handbook on the Law of Naval Operations américain contient plusieurs renvois au Protocole II en relation avec certains exemples de « crimes de guerre » [26 ] . Le manuel militaire italien de 1991 emploie quant à lui, pour introduire une liste d’exemples d’infractions graves, une formule lapidaire où il est indiqué que de telles infractions aux Conventions et aux Protocoles constituent également des crimes de guerre. [27 ]

Dans un autre ordre d’idées, plusieurs manuels militaires rangent sous le terme de « crime de guerre » toute violation du droit des conflits armés. Sans doute abusive du strict point de vue du droit international, cette conception permet cependant une interprétation faisant entrer les violations graves du droit humanitaire applicable aux conflits armés non internationaux dan s le champ opérationnel de la notion juridique de « crimes de guerre ». On trouve à ce titre aussi bien des manuels anciens, celui de la Grande-Bretagne de 1958 [28 ] ou celui des États-Unis de 1956 [29 ] par exemp le, que des documents plus actuels, comme le projet de manuel pour le Canada. [30 ]

Mais si ces divers manuels sont, pour les plus récents, probablement révélateurs d’une tendance nouvelle favorable à une incrimination des violations graves du droit humanitaire applicable lors de conflits internes, ou s’ils laissent la porte grande ouverte à une telle incrimination par la généralité ou l’imprécision de la définition des crimes de guerre, les termes légaux encadrant des poursuites éventuelles sont d’une autre importance. Très utiles, voire essentiels pour l’appréhension des normes relatives au comportement des troupes sur le théâtre des opérations, souvent difficiles à cerner avec précision, les manuels militaires sont sensiblement moins pertinents lorsqu’il est question des éléments, plus visibles, liés à la répression des violations de ces premières règles. Il s’agit donc, avant d’examiner la jurisprudence, de se tourner vers les divers actes législatifs pertinents, qu’il s’agisse de lois d’application des Conventions de Genève (et de leurs Protocoles), de lois pénales générales ou encore de codes pénaux militaires.

3. Législations nationales

Parmi les actes législatifs nationaux, l’un des plus significatifs pour notre recherche est sans doute la loi belge sur les infractions graves du 16 juin 1993 [31 ] , qualifiée de « première juridique mondiale » par des commentateurs qui pensent pouvoir affirmer que la Belgique est ainsi devenue « [... ] le premier État à ériger spécifiquement en « crime de guerre » certaines violations graves du droit international humanitaire commises dans un conflit armé non international. » [32 ] Sont en effet considérés comme constituant des infrac tions graves les actes ou omissions énumérés à l’article premier (1° à 20°) qui portent atteinte aux personnes protégées par les Conventions de Genève ou leurs Protocoles additionnels. L’article 7 de la même loi précise que la compétence des juridictions belges n’est pas limitée territorialement, tout en n’exigeant aucun lien de nationalité. Le projet de loi initial ne comportait aucune référence au Protocole II, mais l’extension du champ d’application aux conflits régis par celui-ci s’est faite avec l’approbation du gouvernement et sur la base des justifications suivantes apportées par les auteurs de l’amendement : comblement d’un vide juridique potentiel, raisons morales et d’image auprès de l’opinion publique, et surtout absence de problèmes juridiques particuliers alors que l’adoption de l’amendement irait dans la direction que prend actuellement le droit international humanitaire. [33 ]

Au vu des dispositions de cette loi et des termes qu’elle emploie, il semble que la criminalisation internationale des violations graves du droit applicable aux conflits non internationaux ait été admise lors de son adoption. Cependant, on notera qu’un commentaire de celle-ci précise qu’« [... ] il n’y a pas de règle en droit international (sauf peut-être pour quelques infractions spécifiques telles que la torture et la prise d’otages) érigeant en infractions internationales les comportements visés par la loi du 16 juin 1993 lorsqu’ils sont commis dans le cadre d’un conflit non international. » [34 ] Selon les mêmes auteurs, les nouvelles compétences accordées aux juridictions belges peuvent cependant être considérées comme compatibles avec les normes du droit international pour autant que les poursuites pour des actes ou omissions commis à l’étranger par un étranger en situation de conflit interne respectent le principe de légalité et en particulier la condition de double incrimination. [35 ]

Quoi qu’il en soit, on se contentera à ce stade de soulever encore deux points en rapport avec cette loi. D’une part, des doutes existent quant au seuil des conflits non internationaux pris en compte (en raison de l’incertitude qui reste sur la possibilité d’envisager des infractions graves à l’article 3 commun aux Conventions de Genève dont le seuil d’application est inférieur à celui du Protocole II) [36 ] . D’autre part, certains comportements adoptés lors de conflits non internationaux pourraient être considérés comme incriminés par cette loi alors qu’aucune norme ne vient les interdire en droit international humanitaire. [37 ]

Mais si la Belgique a ainsi adopté un acte législatif innovateur sur plus d’un point, elle se voit suivie de très près par l’ Espagne . Ayant récemment adopté un nouveau code pénal [38 ] , cet État suit une démarche très semblable. Le chapitre traitant du droit des conflits armés s’ouvre sur un article énumérant les personnes protégées au sens de celui-ci et se poursuit avec différentes dispositions détaillant les comportements pénal isés. Or, l’article 608 fait figurer parmi les personnes protégées celles qui le sont en vertu du Protocole additionnel II de 1977 [39 ] . Quant à la compétence ratione personae et ratione loci , le code pénal n’y apporte aucune restriction particulière. En revanche, la loi sur le pouvoir judiciaire de 1985 [40 ] indique que la compétence des juridictions espagnoles peut notamment s’étendre aux faits commis par quiconque eten n’importe quel lieu si ces faits peuvent être qualifiés selon la loi pénale espagnole comme une infraction qui doit faire l’objet de poursuites en Espagne en vertu des traités et des conventions internationales. On notera qu’aucune distinction n’est faite en défaveur des situations couvertes par le Protocole II et que celles-ci semblent au contraire parfaitement intégrées par les articles destinés à régir globalement le cas des conflits armés, articles qui figurent en outre parmi les dispositions regro upées sous le titre « Delitos contra la Comunidad internacional ».

Moins précis et structuré dans la description des comportements susceptibles d’incrimination, le code pénal finlandais n’en est pourtant pas moins digne d’intérêt. Il permet en effet d’embrasser toute situation de conflit armé et toute violation d’une norme conventionnelle ou coutumière du droit humanitaire en qualifiant l’ensemble de ces comportements de crimes de guerre. De plus, la compétence des juridictions finlandaises couvre la commission de tels actes par toute personne et en tous lieux. [41 ]

De même, la section 11 du chapitre 22 du code pénal suédois considère clairement comme crime contre le droit international toute violation grave du droit international humanitaire (conventionnel ou coutumier), qu’il s’agisse d’une guerre ou de tout autre conflit armé. De tels actes entrent également dans la compétence des tribunaux suédois s’ils sont commis à l’étranger par des non-nationaux contre des non-nationaux (chapitre 2, section 3, paragraphe 5). [42 ]

Aux Pays-Bas , le troisième paragraphe de l’article premier de la loi pénale de guerre ( Wet Oorlogsstrafrecht ) indique sans ambages que sous le terme de « guerre » doivent être également comprises les guerres civiles. L’article 12 accorde quant à lui aux juridictions hollandaises une compétence universelle [43 ] . Une affaire relative au conflit en ex-Yougoslavie, que nous examinerons plus loin, a récemment permis d’apporter plus de précisions sur la portée de ces dispositions.

Le code pénal militaire suisse offre également la possibilité aux juridictions militaires nationales de connaître de violations du dro it humanitaire applicable aux conflits armés non internationaux, et cela même si ces violations ont été commises à l’étranger et ne touchent pas directement les intérêts de la Confédération helvétique. De façon générale, toute violation des conventions internationales ou d’autres lois et coutumes de la guerre est punissable, le statut de « crime » selon le droit national dépendant de la gravité de l’infraction. Seule limite : le second paragraphe de l’article 108, qui permet l’extension aux conflits armés non internationaux, ne prévoit que les cas de violation d’accords internationaux, laissant par là de côté les normes coutumières. Quant à la compétence des juridictions militaires, elle s’étend assez largement par l’intermédiaire de l’article 2, paragraphe 9, qui énonce qu’en temps de paix les personnes soumises au droit pénal militaire comprennent aussi « [l ] es civils qui, à l’occasion d’un conflit armé, se rendent coupables d’infractions contre le droit des gens » et qui renvoie aux articles pertinents du code [44 ] . Comme pour les Pays-Bas, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Figurant sous le titre « Delitos de carácter internacional », l’article 551 du code pénal nicaraguayen permet très largement l’incrimination de toute violation du droit humanitaire, que celle-ci soit commise, selon les termes mêmes de la disposition, en temps de guerre internationale ou civile. Pour les infractions comprises sous ce titre, l’article 16, paragraphe 3, lettre f du même code donne compétence aux juridictions du Nicaragua à l’égard de quiconque et où que soient commis les actes considérés. [45 ]

Récemment adopté, un amendement au War Crimes Act américain de 1996 étend notamment la compétence des juridictions nationales aux violations de l’article 3 commun aux Conventions de Genève, en rangeant celles-ci sous le terme de « crimesde guerre » [46 ] . À première vue, la position actu elle des États-Unis semble donc évidente. L’on pourrait cependant objecter que la rédaction du texte laisse entendre que cette dénomination relève en l’occurrence du seul droit interne des États-Unis et qu’elle ne signifie donc pas que cet État considère valable pour les conflits internes le concept de « crime de guerre » tel qu’il est appréhendé par le droit international. Il semble néanmoins symptomatique que ces violations de l’article 3 commun se trouvent placées au même rang que les infractions graves aux Conventions de Genève. Contrairement à un autre projet d’amendement présenté parallèlement, celui-ci, en outre, n’introduit toujours pas une mise en application du principe de la compétence universelle et laisse donc encore la législation américaine déficiente à l’égard du système établi par les Conventions de Genève pour les infractions graves. On signalera cependant le soutien apporté par le gouvernement américain à l’idée de supprimer les limites posées à la compétence des juridictions nationales par l’exigence d’un lien de nationalité ou d’appartenance aux forces armées américaines (victime ou auteur), et ce également à l’égard des violations de l’article 3 commun.

Si le nouveau manuel militaire allemand semble progressiste, la loi pénale allemande se situe en deçà de ce à quoi l’on pourrait alors s’attendre. En effet, aucune disposition de cette loi ne concerne spécifiquement les situations de conflit armé. La matière des différentes violations du droit international humanitaire impliquant la responsabilité pénale individuelle des auteurs est censée être couverte par les dispositions habituelles de la loi pénale [47 ] . Hormis le cas des militaires allemands se trouvant hors du territoire national pour lesquels la Wehrstrafgesetz élargitintégralement l’applicabilité de la loi pénale [48 ] , le seul motif intéressant d’extension du champ d’application de ces dispositions aux actes commi s à l’étranger concerne les « [... ] acts committed abroad which are made punishable by the terms of an international treaty binding on the Federal Republic of Germany. » [49 ] La compétence extraterritoriale des tribunaux allemands au regard de violations graves du droit humanitaire applicable dans les conflits armés non internationaux semble donc loin d’être garantie en raison de l’exigence d’une règle conventionnelle attribuant une responsabilité pénale individuelle pour ces comportements. Rien n’empêcherait cependant de voir incriminées des violations graves aux normes applicables lors de conflits internes qui seraient commises dans le cadre d’un conflit se déroulant sur le territoire national. [50 ]

La lecture conjointe des articles 12 et 356 du nouveau code pénal russe (du 13 juin 1996) conduit à des conclusions similaires. En effet, si le second article se réfère de façon très générale aux comportements interdits par des traités auxquels la Fédération de Russie est partie (ce qui met de côté les normes de droit coutumier), sans précision aucune sur le type de conflit, l’article 12 ne permet l’extension de la compétence des juridictions russes hors du territoire et aux non-ressortissants que si les intérêts de la Fédération sont touchés ou dans les cas où une telle extension est prévue par un accord international. Le cas des ressortissants, apatrides et militaires est prévu aux paragraphes précédents du même article. [51 ]

Applicables de façon générale en temps de guerre, de conflit armé ou d’occupation, les articles 241 et 242 du code pénal portugais couvrent quelques aspects du droit humanitaire (respectivement les crimes de guerre contre des civils et la destruction de monuments). L’article 5 ne prévoit cependant une compétence extraterritoriale non limitée aux nationaux que dans certains cas énumérés, n’incluant curieusement de ces deux articles que le secon d, ou lorsqu’une telle compétence est imposée par le droit international conventionnel [52 ] .

Dans la catégorie des actes législatifs on peut encore rapidement mentionner les codes pénaux d’ Éthiopie (1957) [53 ] , de Yougoslavie (1990 ; adopté également par la Bosnie-Herzégovine en 1992) [54 ] et de Slovénie (1995) [55 ] , qui permettent tous l’incrimination de certains actes qualifiés de crimes de guerre sans distinction par rapport au type de conflit. Le code pénal militaire norvégien pénalise quant à lui toute violation des normes protégeant les personnes et les biens qui figurent dans les quatre Conventions de Genève et leurs deux Protocoles additionnels [56 ] et le Geneva Conventions Act irlandais de 1962 incrimine toute violation des Conventions de 1949, ce qui inclut l’article 3 commun. Ce dernier instrument législatif prévoit une compétence à l’égard des actes commis à l’étranger par des non-nationaux, mais celle-ci se limite au cas des infractions graves au Conventions. Cet Act n’écarte cependant pas en lui-même l’hypothèse de la commission d’infractions graves en rapport avec l’article 3 commun. [57 ]

4. Jurisprudence des tribunaux nationaux

Outre l’amendement au War Crimes Act de 1996 et le mémoire d’ amicus curiae remis au TPIY dans le cadre de l’affaire Tadic [58 ] , un troisième élément, de nature juridictionnelle cette fois, doit être mentionné en relation avec la position américaine. Dans le cadre d’une action en responsabilité civile engagée par des victimes bosniaque s contre Radovan Karadzic, une cour d’appel des États-Unis a été amenée à se pencher sur la question des crimes de guerre dans un conflit interne. Bien qu’il s’agisse d’une action civile, le raisonnement suivi par la cour fournit des éléments dignes d’intérêt pour notre discussion. En effet, estimant devoir établir clairement, pour les actes considérés, le caractère de violation du droit international afin de pouvoir admettre la compétence des juridictions américaines en vertu de l’ Alien Tort Act de 1789, la cour examine la question de l’attribution en droit international d’une responsabilité individuelle pour la commission de violations du droit de la guerre. Sous la rubrique « crimes de guerre », elle compare les actes prétendument commis aux exigences de l’article 3 commun. Elle situe clairement son raisonnement dans le cadre d’un conflit armé non international et admet l’existence d’une responsabilité individuelle en se référant notamment au jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg. Pour les besoins de sa démonstration, elle aborde ici incidemment le domaine pénal. De l’existence d’une telle individualisation de la responsabilité, et en détachant celle-ci de son aspect pénal premier, la cour déduit la compétence des juridictions nationales en matière civile à l’égard d’actes constituant des crimes de guerre. S’exprimant aussi à propos du principe de compétence universelle, elle reconnaît sa pertinence pour les crimes de guerre, place sa pertinence essentielle en rapport avec le droit pénal, mais l’utilise comme base pour affirmer que « [... ] international law also permits states to establish appropriate civil remedies » [59 ] . En fin de compte, la Cour semble convaincue que la notion de crimes de guerre, accompagnée du principe de compétence universelle, couvre également certaines violations du droit applicable aux conflits armés non internationaux.

Quelques éléments intéressants quant à l’interprétation des dispositio ns pertinentes de la législation néerlandaise nous sont apportés par une affaire relative à la commission par un Serbe de Bosnie d’actes tels que la déportation, le meurtre ou le viol sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine au mois de juin 1992. La chambre militaire du tribunal d’arrondissement d’Arnhem (Pays-Bas) a dû, en premier lieu, se prononcer sur le bien-fondé en droit de poursuites entamées par des juridictions militaires à l’encontre d’un non-Néerlandais en raison d’actes commis hors du territoire national. Qualifiant la situation de guerre civile et invoquant le fait que ce type de conflit est assimilé aux « guerres » telles que la loi pénale de guerre les appréhende (article 1, § 3), la chambre rappelle l’absence de nécessité d’établir un lien avec le territoire national (article 12, § 1) et indique que la notion de lien avec l’État néerlandais n’apparaît qu’en rapport avec des cas biens précis dont il n’est pas question en l’espèce (article 1, § 2). Par conséquent, la chambre affirme la compétence des juridictions néerlandaises, en attribuant celle-ci dans un premier temps aux chambres militaires. Suite à un premier recours auprès de la Cour suprême, l’affaire est revenue devant cette même chambre pour reconsidération en raison d’un vice de procédure. Ce retour a alors donné l’occasion à la chambre militaire du tribunal d’arrondissement d’Arnhem de se prononcer cette fois en faveur de la compétence des juridictions ordinaires. Un second recours a enfin mené la Cour suprême à confirmer l’absence de limitation au territoire ou à l’égard des nationaux (comme victimes ou auteurs) de la compétence des juridictions néerlandaises. Une interprétation correcte de l’article 3 de la loi pénale de guerre, relatif à la compétence de ces juridictions, implique selon elle la non-validité de toute restriction que poseraient les termes de l’article premier. La cour a par contre renvoyé l’affaire aux chambres militaires. [60 ]

En avril 1997, un tribunal militaire suisse a eu à connaître pour la première fois d’une affaire relative à des crimes de guerre. Celle-ci impliquait un Serbe de Bosnie accusé d’avoir porté atteinte à l’intégrité physique et psychique, ainsi qu’à la dignité de prisonniers et de civils internés dans les camps d’Omarska et de Keraterm. En l’occurrence, le tribunal s’est finalement prononcé en faveur d’un acquittement en raison du caractère peu convaincant des preuves. Deux éléments doivent être relevés. En premier lieu, l’acte d’accusation se réfère explicitement (mais non exclusivement) au Protocole additionnel II et à l’article 3 commun aux Conventions de Genève, alors que les actes avaient été prétendument commis hors du territoire de la Confédération et sans impliquer de citoyen suisse. En second lieu, bien qu’il estime dans son jugement que le conflit en ex-Yougoslavie devait être appréhendé de façon globale et, par suite, qualifié de conflit international, le tribunal laisse également entendre qu’une qualification différente du conflit n’aurait pas d’effet déterminant sur sa compétence, en vertu des articles 108 et 109 du Code pénal militaire. [61 ]

Accusé des nombreux mauvais traitements qui se seraient produits dans un camp de prisonniers et pouvant aller jusqu’au décès de la victime, un Croate de Bosnie a été jugé et déclaré coupable pour certaines charges par une cour danoise sur la base explicite des articles relatifs aux infractions graves des troisième et quatrième Conventions de Genève, jointe à celle des articles pertinents du code pénal danois [62 ] . Si les actes incriminés se sont tous déroulés en juillet et/ou août 1993 dans le cadre d’un conflit selon toute apparence non international, il est intéressant de constater que la cour ne s’est pas prononcée sur la nature du conflit, ce qui permet de déduire qu’elle n’estimait pas que cette question soit pertinente pour l’application du régime des in fractions graves. [63 ]

Le même genre de raisonnement semble avoir été suivi en France , sans mener toutefois jusqu’au stade d’un jugement sur le fond. Saisie par une requête émanant de ressortissants bosniaques ayant subi des mauvais traitements dans un camp de détention serbe de la ville de Kozarac, le Tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré incompétent pour ce qui était des chefs d’accusation de génocide et de crimes contre l’humanité, mais a admis sa compétence pour ceux de torture et de crimes de guerre. En ce qui concerne ces derniers, le tribunal s’est penché sur les articles relatifs aux infractions graves, sans s’interroger sur la nature du conflit et en déduisant sa compétence de l’obligation de déférer les prévenus aux tribunaux nationaux (ou de les extrader) figurant à ces articles [64 ] . Le procureur de la République ayant interjeté appel, cette ordonnance a été infirmée. Pour ce qui est des crimes de guerre, le rejet de la compétence résultait du motif que les dispositions invoquées des Conventions de Genève ne sont pas d’applicabilité directe, vu les termes qui y sont employés, et qu’il n’existe aucun texte portant adaptation de la législation française à ces dispositions. La chambre criminelle de la Cour de cassation a par la suite confirmé ce jugement. [65 ]

En Belgique , une affaire impliquant un Rwandais accusé d’avoir commis, au Rwanda, des crimes définis comme infractions graves au droit international humanitaire par la loi belge du 16 juin 1993 a permis à diverses juridictions de confirmer la compétence des juridictions belges pour des actes incriminés par cette loi même s’ils ont été commis lors d’un conflit interne, hors du territoire et sans impliquer de nationaux. [66 ]

Ayant été interrogée sur la constitutionnalité d’un projet de loi relatif à la procédure pour la répression d’infractions pénales commis es lors des événements de 1956, et plus particulièrement sur la question de l’imprescriptibilité de celles-ci, la Cour constitutionnelle hongroise a affirmé que les violations de l’article 3 commun pouvaient être sujettes à l’imprescriptibilité selon le droit constitutionnel hongrois, qui prévoit une exception aux règles relatives à la prescription pour ce qui est des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité tels que le droit international les définit. Cela dit, la cour classifie elle-même ces violations de l’article 3 comme crimes contre l’humanité, tout en ne cernant pas ce concept avec une grande clarté. Ce qui ressort pourtant bien des motifs joints à cette résolution est que la cour ne considère pas ces violations comme constituant des infractions graves au sens des Conventions de Genève de 1949. Elle critique à cet égard la confusion qui pourrait s’établir à la lecture du second article du projet de loi qu’elle avait à examiner, donne des indications quant à une interprétation possible, mais ne déclare pas pour autant celui-ci inconstitutionnel (ce qu’elle fait pour le premier article). Cependant, le parlement ayant intégré dans une nouvelle loi le texte de ce second article sans y apporter de modification, la Cour constitutionnelle, à nouveau appelée à se prononcer, a alors annulé l’ensemble de ce texte législatif en raison de l’inconstitutionnalité de cet article tel qu’il a été repris. Dans ses motifs, elle réitère sa position sur l’absence de lien possible entre les violations de l’article 3 commun et les dispositions relatives aux infractions graves. L’établissement d’un tel lien par l’article contesté de la loi nationale a notamment motivé le jugement d’inconstitutionnalité. [67 ]

Finalement, mentionnons les quelques procès de rebelles ou de membres de l’armée nigériane qui se sont déroulés sur la base du « Code opérationnel de conduite des forces armées nigérianes » adopté en 1967 dans le cadre de la guerre civile contre les rebelles du Biafra [68 ] . On peut certes en déduire qu’il existait une volonté de criminaliser certains comportements violant les normes du droit humanitaire applicable lors de conflits internes, mais le champ d’application réduit limite la portée de ces exemples.

Autres sources

1. Résolutions du Conseil de sécurité

Comme signes pouvant concourir à la démonstration de l’existence d’une opinio juris relative à la criminalisation internationale de certaines violations caractérisées du droit humanitaire applicable lors de conflits internes, il faut aussi rappeler les deux résolutions adoptées à l’unanimité par le Conseil de sécurité à propos des événements de Somalie. Par celles-ci, le Conseil de sécurité déclare que les auteurs de violations du droit humanitaire ou les personnes ayant ordonné de commettre de telles violations seront tenus individuellement responsables [69 ] . Un contenu semblable se retrouve dans certaines résolutions adoptées en relation avec les conflits rwandais et burundais [70 ] . De même, quelques résolutions concernant l’ex-Yougoslavie sont ici pertinentes dans la mesure où elles s’adressent à des situations de conflit interne. [71 ]

Par l’adoption de telles résolutions, le Conseil de sécurité place clairement la responsabilité pénale des individus ayant commis ou ordonné de commettre les violations considérées (se situant dans le cadre d’un conflit interne) au rang de question d’intérêt international en laissant supposer que le principe d’une telle responsabilité est déjà bien établi. Bien que les termes employés laissent parfois songeur en raison de leur précision toute relative ou de la globalité des violations couvertes, il semble pourtant que par ces diverses résolutions le Conseil de sécurité appr éhende généralement ce que nous nommons « violations graves » du droit humanitaire (applicable aux conflits armés non internationaux en l’occurrence).

2. Statuts des deux Tribunaux pénaux internationaux ad hoc

Le statut du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie, fruit d’un travail de rédaction relativement prudent, ne donne en lui-même aucune indication en faveur ou en défaveur de l’incrimination possible des violations graves commises lors de conflits internes. Toutefois, les circonstances de son adoption par le Conseil de sécurité, le but assigné au Tribunal par ce dernier, la compétence ratione tempori définie à l’article premier du statut et la conscience qu’a le Conseil de la nature mixte du conflit (comportant des éléments de conflit international et de conflit interne), suggèrent « [... ] que le Conseil de sécurité entendait que, dans la mesure du possible, la compétence ratione materiae de Tribunal international s’étende à ces deux catégories de conflits armés. » [72 ] Mais si nous pouvons ici déduire un désir du Conseil de sécurité, nous n’avons pas (par la simple adoption du statut) une affirmation claire relative à l’état du droit en la matière.

Il en va différemment de l’adoption du statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda. En effet, « [i ] l convient de noter que, dans le statut du TPIR, le Conseil de sécurité est allé plus loin que dans celui du TPIY dans le choix du droit applicable et a inclus dans la compétence ratione materiae des instruments qui n’étaient pas nécessairement considérés comme faisant partie du droit international coutumier ou dont la violation n’était pas nécessairement généralement considérée comme engageant la responsabilité pénale individuelle de son auteur. »73 Par l’adoption de l’article 4 relatif aux violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, le Conseil de sécurité fait une sorte d’acte de foi concernant l’existence actuelle d’une norme attribuant une telle responsabilité pénale individuelle. Ce développement soudain pouvait être quelque peu anticipé au vu du rapport préliminaire de la Commission d’experts indépendants pour le Rwanda. Ce document qualifiait sans difficulté la situation de conflit armé non international et développait ensuite la question de la responsabilité individuelle [74 ] . Diffus dans le rapport, le lien pouvait être vite constitué.

3. Travaux de la Commission du droit international

Constituant un cadre privilégié pour l’expression de positions doctrinales, la Commission du droit international (CDI) a eu l’occasion d’aborder incidemment notre question sous deux angles différents. La question de l’élaboration d’un statut pour une cour criminelle internationale, parvenue la première au stade de l’adoption d’un projet sans être chronologiquement antérieure, a poussé la Commission à se pencher sur le problème des conflits non internationaux dans la mesure où il s’agissait de définir le champ de compétence possible de la future cour.

En dehors des crimes contre l’humanité, de génocide ou d’agression, la cour serait aussi compétente, selon ce projet, pour connaître des violations graves des lois et coutumes applicables dans les conflits armés et des crimes définis comme tels ou visés par les traités énumérés par la CDI. Cette liste exclut le Protocole II car celui-ci ne répond pas aux critères fixés par la CDI, l’un d’eux étant « [... ] que le traité ait créé soit un système de compétence universelle reposant sur le principe aut dedere aut judicare , soit la possibilité pour une cour criminelle internationale de connaître du crime, soit les deux, consacrant ainsi clairement le principe de la portée internationale. » [75 ] Quant au commentaire sur le sous-alinéa relatif aux violations grave s des lois et coutumes applicables dans les conflits armés, il n’indique clairement ni s’il s’agit de couvrir ici précisément la notion de « crimes de guerre » [76 ] , ni si les conflits non internationaux sont également visés (ce que le texte lui-même semble laisser entendre). Sur ce dernier point la CDI fait notamment référence à son projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, tel que celui-ci a été adopté en première lecture. Or le commentaire joint à celui-ci indique : « [... ] l’expression « conflit armé » était claire et précise, et se passait de toute explication. La définition des crimes de guerre comme violations des « règles du droit international applicables dans les conflits armés » tenait compte à la fois du droit conventionnel et du droit coutumier, ainsi que de tous les types de conflits armés , dans la mesure où le droit international leur était applicable. » [77 ]

Le second projet élaboré par la CDI qui nous intéresse ici est précisément celui de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Après quelques hésitations sur ce point [78 ] , la Commission a en effet fini par adopter un projet faisant figurer à l’alinéa f) de l’article intitulé « crimes de guerre » des actes commis en violation du droit humanitaire qui s’applique lors de conflits internes [79 ] . Elle souligne dans son commentaire à cet article que le principe de la responsabilité pénale individuelle pour de telles violations est aujourd’hui admis [80 ] . Cet alinéa f), non content de s’inscrire dans le courant actuel de l’évolution du droit, tire celui-ci jusqu’à une éventuelle reconnaissance de la possibilité qu’il y ait, en situation de conflit interne, commission de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, catégorie extrême aux yeux de la CDI, impliquant notamment l’application du principe aut dedere aut judicare [81 ] . Franchement innovatrice, la Commission précise dan s son commentaire que le paragraphe g) de l’article 20 (dommages causés à l’environnement) devrait s’entendre comme couvrant les conflits armés internationaux et non internationaux, alors qu’elle se déclare elle-même peu convaincue qu’il s’agisse ici nécessairement d’un crime de guerre au regard du droit existant [82 ] .

Aspects terminologiques

Avant de conclure, il s’agit encore de prendre acte de l’absence d’uniformité dans le vocabulaire employé : doit-on parler de « crimes de guerre » ou peut-on employer le terme d’« infractions graves » dans le cas de comportements couverts en substance par les dispositions conventionnelles relatives à cette catégorie d’infractions ?

La décision Tadic du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie

La chambre d’appel du TPIY ayant dû s’exprimer sur la question dans sa décision du 2 octobre 1995 en l’affaire Tadic, nous commencerons par exposer rapidement ses raisonnements et conclusions.

Parmi ses moyens d’appel, la défense, se fondant sur le caractère interne du conflit en cause, soutenait que les articles 2 (infractions graves aux Conventions de Genève de 1949), 3 (violations des lois ou coutumes de la guerre) et 5 (crimes contre l’humanité) du statut ne trouvaient pas application. À propos de l’article 2, la chambre indique que le régime des infractions graves, auquel il est fait renvoi, se limite aux personnes et biens protégés par les Conventions de Genève et ne saurait être considéré comme s’appliquant aux situations couvertes par l’article 3 commun. Elle adopte une position apparemment très stricte sur ce point en affirmant qu’il s’agit en fait de la seule lecture possible des dispositions pertinentes. Mais, faisant notamment allusion au mémoire d’ amicus curiae des États-Unis, elle nuance aussitôt sa position en déclarant qu’« [... ] un changement du droit coutumier relatif à la portée du régime des « infractions graves » pourrait se concrétiser progressivement. » [83 ] Quant à l’article 3 du statut, elle commence par souligner qu’il s’agit en fait de l’interpréter comme une « clause générale » permettant de couvrir toute norme qui répond aux critères qu’elle énumère [84 ] . Elle procède ensuite à un long examen de quelques normes coutumières relatives aux conflits internes, puis passe à la question de la responsabilité pénale individuelle. Elle admet sur ce point l’existence d’une règle coutumière, ce qui l’amène à la conclusion suivante : « [é ] tant donné l’intention du Conseil de sécurité et l’interprétation logique et systématique de l’article 3 ainsi que du droit international coutumier, la chambre d’appel conclut qu’aux termes de l’article 3, le Tribunal international est compétent pour connaître des infractions présumées figurant dans l’acte d’accusation, qu’elles aient été commises dans un conflit armé interne ou international. » [85 ]

Sans lâcher vraiment le mot, la chambre semble donc estimer qu’il existe aujourd’hui des « crimes de guerre » dans le cadre de conflits internes. Mais, au vu de l’état actuel du droit, elle refuse d’admettre qu’il puisse y avoir des « infractions graves ».

Si telle est la position majoritaire de la chambre, le Juge Abi-Saab s’en distingue dans son opinion séparée. Il estime en effet que « [... ] sur la base des matériaux présentés dans la Décision elle-même, un solide argument peut être avancé en faveur de l’application de l’article 2, alors même que l’acte incriminé intervient dans un conflit interne. » [86 ] Pour expliquer l’évolution d’une interprétation « traditionnelle » des « infractions graves » vers la nouvelle portée normative de ce terme, deux possibilités sont envisagées (la première étant à préférer) : 1°) la « pratique ultérieure » et l’ opinio juris des États parties aux Conventions ont mené à une nouvelle interprétation téléologique de celles-ci avec comme effet d’inclure les conflits non internationaux dans le régime des « infractions graves » ; 2°) la nouvelle substance normative a établi « [... ] une nouvelle règle coutumière subsidiaire aux conventions, étendant le régime des « infractions graves » aux conflits internes ». [87 ]

La pratique et les opinions étatiques

En ce qui concerne le vocabulaire, force est de constater que l’on rencontre l’expression « infraction grave » avec une fréquence notable. On aura relevé la position des États-Unis dans leur mémoire d’ amicus curiae présenté en rapport avec l’affaire Tadic , les textes des manuels militaires allemands et italiens, la loi belge du 16 juin 1993, l’ordonnance du Tribunal de grande instance de Paris et le jugement de la Cour suprême danoise. Signe non négligeable, ces éléments portent tous une date postérieure à 1990.

Cependant, ces contributions charrient leur lot de faiblesses. La position américaine ne se trouve étayée par aucun élément concret, le manuel allemand n’est pas soutenu dans ses ambitions par le cadre législatif, quant à l’ordonnance française et au jugement danois ils ne sont pas explicites quant à la nature du conflit envisagée. S’opposant sans équivoque à la qualification d’« infractions graves », la Hongrie constitue par ailleurs un cas à part avec les décisions de sa Cour constitutionnelle penchant pour le terme de « crimes contre l’humanité ».

Quoi qu’il en soit, la position la plus souvent adoptée (parfois cependant implicitement), et peut-être la plus souvent convaincante, est celle qui consiste à faire entrer les violations graves incriminées dans le champ termin ologique plus large des « crimes de guerre », même lorsque le comportement pourrait aussi être qualifié d’infraction grave s’il était commis dans le cadre d’un conflit international.

Bien que du point de vue du vocabulaire la balance semble donc pencher en faveur du terme générique de « crimes de guerre », on ne saurait bien sûr négliger l’importance du sens réel que les États attribuent aux termes qu’ils emploient. On souligner a ici le fait que lorsqu’il s’agit clairement d’infractions graves selon la conception « traditionnelle », les États font aussi parfois preuve de pudeur ou d’originalité. Dans tous les cas, suite notamment à l’adoption du Protocole I, qui marque un pas sensible dans le rapprochement des droits dits « de La Haye » et « de Genève » (ou l’inclusion progressive de l’un dans l’autre), il devient malaisé de vouloir tenter de différencier les deux concepts par leur contenu normatif. En revanche, l’élément les différenciant probablement avec le plus de clarté tient aux mécanismes de mise en œuvre.

À cet égard, une constatation s’impose : si quelques États se reconnaissent un droit de poursuite pour des non-nationaux ayant commis à l’étranger des violations graves du droit international humanitaire applicable aux conflits internes (et si les travaux de la CDI, les statuts et la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux ad hoc partent également du principe de la compétence universelle), il paraît très difficile d’arriver à la conclusion qu’un nombre suffisamment significatif d’États agissent en vertu d’une prétendue obligation de poursuivre. On ne saurait dès lors admettre qu’il existe aujourd’hui un régime d’infractions graves pour les situations de conflit interne.

Conclusion

En fin de compte, il ne semble pas déraisonnable d’affirmer que les violations gra ves du droit humanitaire applicable lors de conflits internes constituent aujourd’hui des « crimes de guerre » au regard du droit international, cette prise de grade emmenant avec elle le principe consubstantiel de la compétence universelle.

Moyen auxiliaire d’interprétation du droit international, la doctrine semble également soutenir une telle position [88 ] Quant aux très récents développements, ils paraissent bien venir conforter l’idée d’une naissance aboutie de la règle coutumière que nous recherchions. De fait, tenant il y a peu un discours prudent, le CICR a présenté à la mi-février 1997 au Comité préparatoire pour l’établissement d’une cour criminelle internationale un document de travail sur les crimes de guerre qui comporte en troisième partie (après les infractions graves et les autres violations graves du droit international humanitaire applicable aux conflits armés internationaux) ce que le CICR qualifie, dans la déclaration accompagnant ce document, de crimes de guerre commis pendant les conflits armés non internationaux. [89 ]

Présenté par la Nouvelle-Zélande et la Suisse et soutenu par plusieurs délégations, ce document s’est dans un premier temps vu retenu pour former, en parallèle avec la proposition américaine (qui contenait elle aussi une partie sur les conflits non internationaux), l’une des bases de discussion et l’une des sources d’un projet de texte de synthèse sur les crimes de guerre [90 ] . Début décembre 1997, le Comité préparatoire a poursuivi l’examen de la question. Un nouveau projet d’article sur les crimes de guerre (article 20 C), qui inclut de nombreuses options, contient deux sections consacrées aux conflits armés non internationaux. La section C traite des violations graves de l’article 3 commun et la section D énumère plusieurs autres violations du droit applicable aux conflits armés internes. [91 ]

Nombre d’États se sont montrés favorables à la présence de la première ou des deux se ctions (avec des nuances sur le contenu de la seconde). Seuls quelques-uns se sont montrés réticents et peu d’entre eux se sont franchement déclarés opposés à toute inclusion d’éléments relatifs aux conflits armés internes. L’opposition marquée par ces États ne concerne, par ailleurs, pas nécessairement la pertinence de la notion de crime de guerre pour les conflits armés non internationaux [92 ] . Elle peut se limiter à la seule question de l’étendue du champ de compétence particulier de la future cour.

Dans tous les cas, il est incontestable que les cinq dernières années ont vu un développement extrêment rapide en direction de l’attribution d’une responsabilité pénale individuelle aux auteurs de violations graves du droit international humanitaire commises au cours d’un conflit armé non international.

Notes:

1. À l’exception cependant de la composante interne des crimes contre l’humanité.

2. Voir l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice relatif aux Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide , avis consultatif du 18 mai 1951, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances (ci-après Recueil ), 1951, p. 23.

3. Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt du 11 juillet 1996, par. 31 (non encore publié).

4. Doc. ONU S/25704, Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la Résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité , 3 mai 1993, p. 14, § 47.

5. Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Le Procureur c/ Duško Tadic alias « Dule » : Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence , arrêt du 2 octobre 1995, affaire n° IT-94-1-AR72, p. 80, § 141.

6. Voir Theodor Meron, « International Criminalization of Internal Atrocities », American Journal of International Law , vol. 89, 1995, pp. 559-562.

7. Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt du 27 juin 1986, Recueil, 1986, § 220 et 255, pp. 114 et 129.

8. Jugement du Tribunal militaire international, in Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international , tome I, Nuremberg, 1947, p. 235.

9. Op. cit. (note 4), p. 11, § 37.

10. Doc. ONU A/CONF.169/ONG/CICR/1, Neuvième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants (Le Caire, 1995), Déclaration du Comité international de la Croix-Rouge , 30 avril 1995 (Thème 4), p. 4.

11. Décision Tadic, op. cit. (note 5), p. 51, § 84.

12. Doc. ONU S/1994/674 (annexe), Rapport final de la Commission d’experts constituée conformément à la résolution 780 (1992) du Conseil de sécurité , 27 mai 1994, p. 13, § 42.

13. Par exemple : Éric David, « Le Tribunal international pénal pour l’ex-Yougoslavie », Revue belge de droit international , 1992, pp. 574-575.

14. Jugement du Tribunal militaire international, loc. cit. (note 8), pp. 232-235.

15. Déclaration de Mme Albright (États-Unis) au cours de la 3217e séance du Conseil de sécurité, doc. ONU S/PV.3217, 25 mai 1993, p. 15.

16. Déclaration de M. Ladsous (France) lors de la même séance, ibid ., p. 11.

17. Déclaration de Sir David Hannay (Royaume-Uni), ibid ., p. 18.

18. Déclaration de M. Erdos (Hongrie) (italiques ajoutées), ibid ., p. 20.

19. Déclaration de M. Yañez-Barnuevo (Espagne), ibid ., p. 39.

20. Sur ces déclarations voir aussi la décision Tadic, loc. cit. (note 5), pp. 44-45, § 75, et p. 54, § 88.

21. Voir Submission of the Government of the United States of America Concerning Certain Arguments Made by Counsel for the Accused in the Case of The Prosecutor of the Tribunal v. Dusan Tadic (Case N°. IT-94-I-T), 17 July 1995, pp. 35-36.

22. Déclaration commune du 6 août 1992, Bulletin des Communautés européennes , Commission, n° 7/8, 1992, pp. 114-115.

23. Déclaration commune du 5 octobre 1992, Bulletin des Communautés européennes , Commission, n° 10, 1992, pp. 96-97, et Déclaration commune du 2 novembre 1992, Bulletin des Communautés européennes , Commission, n° 11, 1992, p. 109.

24. Décision 94/697/PESC du Conseil, relative à la position commune, définie sur la base de l’article J.2 du traité sur l’Union européenne, concernant les objectifs et priorités de l’action de l’Union européenne vis-à-vis du Rwanda, Bulletin de l’Union européenne , Commission, n° 10, 24 octobre 1994, p. 54.

25. (Deutsches) Bundesministerium der Verteidigung, Humanitäres Völkerrecht in bewaffneten Konflikten, Handbuch, August 1992, par. 1209 — (également en anglais : Federal Ministry of Defence, Humanitarian Law in Armed Conflicts , Manual, August 1992). Un commentaire à ce manuel précise cependant que le Protocole II ne connaît pas l’institution des infractions graves et que la répression des violations aux norm es du Protocole II en question ne résulte que de l’application du seul droit pénal national. Rüdiger Wolfrum, «Zur Durchsetzung des humanitären Völkerrechts », in D. Fleck (ed.), Handbuch des humanitären Völkerrechts in bewaffneten Konflikten , München, 1994, par. 1201 et 1209 — (également en anglais : D. Fleck (ed.), The Handbook of Humanitarian Law in Armed Conflicts , Oxford University Press, 1995). On verra d’ailleurs par la suite les limites que pose la législation pénale allemande à une telle répression.

26. Annotated Supplement to The Commander’s Handbook on the Law of Naval Operations , NWP 9 (REV.A)/FMFM 1-10, Washington D.C., 1989, § 6.2.5. Établi par l’ Office of the Judge Advocate General et consistant principalement en l’adjonction de références légales au texte du manuel lui-même, ce supplément n’est cependant pas une publication officelle du Department of the Navy ou du gouvernement des États-Unis. On rappellera d’ailleurs que les États-Unis ne sont pas partie aux Protocoles additionnels.

27. «Sono considerati crimini di guerra anche le infrazioni gravi alle Convenzioni internazionali ed ai Protocolli aggiuntivi alle stesse [... ] . » Stato Maggiore della Difesa, Manuale di diritto umanitario (vol. I Usi e Convenzioni di Guerra), Roma, 1991, p. 28, § 85.

28. War Office, The Law of War on Land , Part III of the Manual of Military Law, 1958, § 626.

29. Department of the Army, The Law of Land Warfare , FM 27-10, 1956, § 499.

30. Canadian Forces, Law of Armed Conflict Manual , Second Draft, 1988, §§ 1701-1704.

31. Loi relative à la répression des infractions graves aux Conventions internationales de Genève du 12 août 1949 et aux Protocoles I et II du 8 juin 1977, additionnels à ces Conventions (16 juin 1993), in Moniteur belge , 5 août 1993, pp. 17751-17755.

32. A. Andries, E. David, C. Van Den Wijngaert, J. Verhaegen, « Commentaire de la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des infractions graves au droit international humanitaire », Revue de droit pénal et de criminologie , 1994, p. 1133, § 2.24.

33. Éric David, « La loi belge sur les crimes de guerre », Revue belge de droit international , vol. XXVIII, 1995, pp. 668-671.

34. Op. cit. (note 32), p. 1174.

35. Ibid ., pp. 1174-1175.

36. La réponse devant toutefois pencher plus vers les seuls conflits couverts par le Protocole II. Voir Éric David, op. cit. (note 33), p. 671, et A. Andries etc., op. cit. (note 32), pp. 1134-1135.

37. Il s’agira donc pour le juge de se montrer particulièrement attentif au principe nullum crimen sine lege lorsqu’il est question pour lui d’exercer sa compétence à l’égard d’actes commis par un étranger hors du territoire belge.

38. Código Penal, ley 10/1995 , de 23 de noviembre.

39. Les cas de conflits armés internes plus largement couverts par l’article 3 commun sont de toute apparence à exclure.

40. Ley orgánica 6/1985 , de 1 de julio, del Poder Judicial, art. 23, § 4.

41. The Penal Code of Finland (translated by M. Joutsen), The American Series of Foreign Penal Codes (vol. 27), Wayne State University Law School, Rothman/Sweet & Maxwell, Littletown (Colorado)/London, 1987, Chapter 1, article 3, § 2.1, p. 17 ; Chapter 13, articles 1 & 2, pp. 48-49. Voir aussi Lauri Hannikainen, Raija Hanski, Allan Rosas, Implementing Humanitarian Law Applicable in Armed Conflicts : The Case of Finland, Nijhoff, Dordrecht/Boston/London, 1992, pp. 116-118.

42. The Swedish Penal Code , The National Council for Crime Prevention, Stockholm, 1986, pp. 9 et 68.

43. Wet Oorlogsstrafrecht, Nederlandse Wetboeken, Suppl. 226, 1991, pp. 161-167.

44. Code pénal militaire, Loi fédérale du 13 juin 1927, 321.0, Chancellerie fédérale, 1995.

45. Ley de Código penal de la República de Nicaragua , Bibliografías Técnicas, 1997, pp. 4 et 148.

46. War Crimes Act of 1996 , Public Law 104-192, 21 August 1996. Pour l’amendem ent de 1997 voir aussi : Congressional Record — Senate, November 9, 1997, p. S12362 et Congressional Record — House , November 12, 1997, p. H10728.

47. Voir Rüdiger Wolfrum, op. cit. (note 25), p. 433.

48. Wehrstrafgesetz , art. 1, § a, in Georg Erbs, Max Kohlhaas (éd.), Strafrechtliche Nebengesetze , München, 1990, Band IV.

49. The Penal Code of the Federal Republic of Germany (translated by J. Darby), The American Series of Foreign Penal Codes (vol. 28), Wayne State University Law School, Rothman/Sweet & Maxwell, Littletown (Colorado)/London, 1987, art. 6, § 9, p. 50. Traduction CICR : « [... ] actes commis à l’étranger qui sont punissables en vertu d’un traité international liant la République fédérale d’Allemagne. »

50. Pour une dicussion des problèmes liés à ces conflits internes nationaux dans le cadre d’États sans dispositions spécifiques, voir Michael Bothe, « War Crimes in Non-international Armed Conflicts », Israel Yearbook on Human Rights , vol. 24, 1994, pp. 243-244.

51. The Criminal Code of the Russian Federation , N°. 63-FZ of June 13, 1996, Garant-Service, 1996, art. 12 et 356.

52. Código Penal Português (anotado e comentado : M. Maia Gonçalves), Livraria Almedina, Coimbra, 1996, pp. 93, 727-728.

53. Penal Code of the Empire of Ethiopia , Proclamation N°. 158 of 1957, in Negarit Gazeta , Gazette Extraordinary, Addis Ababa, 1957, art. 282-284, pp. 87-88.

54. Code Pénal de la République socialiste fédérative de Yougoslavie , 1990, art. 142-143. Voir sur ce point : Arrêt Tadic, loc. cit. (note 5), par. 132, pp. 76-77.

55. Penal Code of Slovenia, 1 January 1995 (unofficial translation by the Ministry of Justice), Chapter 35 : Criminal Offences against Humanity and International Law, pp. 117-118, art. 374-377.

56. Militaer Straffelov du 22 mai 1902, Nr. 13, article 108 (tel qu’intégré par la loi du 26 novembre 1954, Nr. 6, et amendé par celle du 12 juin 1981, Nr. 65).

57. Geneva Conventions Act, 1962, N°. 11, sections 3 et 4.

58. Voir ci-dessus, note 21.

59. Court of Appeals for the Second Circuit, décision du 13 octobre 1995 en l’affaire S. Kadic c. R. Karadzic, in International Legal Materials , vol. 34, 1995, p. 1601. Voir aussi les pages 1604-1605. Autres décisions en rapport avec celle-ci : U.S. District Court for the Southern District of New York, décisions du 7 septembre 1994 et du 2 décembre 1997 en l’affaire Jane Doe c. R. Karadzic. Traduction CICR : « [... ] le droit international autorise également les États à se doter des moyens de droit appro priés en matière civile ».

60. Arrondissementsrechtbank te Arnhem, militaire kamer, décision du 21 février 1996 ; Hoge Raad der Nederlanden, Strafkamer, décision du 22 octobre 1996 ; Arrondissementsrechtbank te Arnhem, militaire kamer, décision du 19 mars 1997 ; Hoge Raad der Nederlanden, Strafkamer, 11 novembre 1997.

61. Tribunal militaire de division 1, décision du 18 avril 1997 en l’affaire Auditeur c. G. Grabec.

62. Østre Landsret (Division orientale de la Haute Cour danoise), 3e Chambre, décision du 25 novembre 1994 en l’affaire Procureur c. R. Saric.

63. Voir sur ce point la décision Tadic, loc. cit. (note 5), p. 51, § 83.

64. Tribunal de grande instance de Paris, Ordonnance d’incompétence partielle et de recevabilité de constitution de parties civiles du 6 mai 1994 en l’affaire E. Javor, K. Kussuran, M. Softic, S. Alic et M. Mujdzic contre X.

65. Cour d’appel de Paris, quatrième chambre d’accusation, Appel d’une ordonnance d’incompétence partielle et de recevabilité de constitution de parties civiles, arrêt du 24 novembre 1994 en l’affaire E. Javor, K. Kussuran, M. Softic, S. Alic et M. Mujdzic contre X ; Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 26 mars 1996 (même affaire).

66. Cour d’appel de Bruxelles, chambre de mise en accusation, arrêt du 17 mai 1995 en l’affaire V. Nt. ; Cour de cassation, deuxième chambre, F., arrêt du 31 mai 1995 (même affaire) ; Tribunal de première instance de l’arrondissement de Bruxelles, chambre du Conseil, ordonnance du 22 juillet 1996 (même affaire).

67. Cour constitutionnelle de la République de Hongrie, décision n° 53/1993 (X. 13.) A B et décision n° 36/1996 (IX.4.) AB.

68. Voir les paragraphes 106, 125 et 130 de la décision Tadic , loc. cit. (note 5), pp. 63-64, 73 et 75.

69. Voir les résolutions S/RES/794 (3 décembre 1992) et S/RES/814 (26 mars 1993).

70. Pour le Rwanda : voir S/RES/935 (1er juillet 1994), S/RES/955 (8 novembre 1994) et S/RES/978(27 février 1995). Pour le Burundi : voir S/RES/1012 (28 août 1995) et S/RES/1072 (30 août 1996).

71. S/RES/787 (16 novembre 1992), S/RES/808 (22 février 1993), S/RES/819 (16 avril 1993), S/RES/820 (17 a

avril 1993), S/RES/827 (25 mai 1993), S/RES/859 (24 août 1993), S/RES/913 (22 avril 1994), S/RES/941 (23 septembre 1994), S/RES/1010 (10 août 1995), S/RES/1019 (9 novembre 1995) et S/RES/1034 (21 décembre 1995).

72. Décision Tadic, loc. cit. (note 5), p. 47, § 78.

73. Nations Unies, Rapport présenté par le Secrétaire général en application du paragraphe 5 de la résolution 955 (1994) du Conseil de sécurité , 13 février 1995, Doc. ONU S/1995/134, pp. 3-4, § 12.

74. Nations Unies, Rapport préliminaire de la Commission d’experts indépendants établie conformément à la résolution 935 (1994) du Conseil de sécurité , Doc. ONU S/1994/1125, 4 octobre 1994, p. 20, §§ 89-91, et p. 28, §§ 125-128.

75. Nations Unies, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-sixième session (2 mai-22 juillet 1994) , Doc. ONU A/49/10, p. 84 (voir aussi pp. 156 et 159). L’exclusion du Protocole II laisse cependant de côté la question d’éventuelles « infractions graves » à l’article 3 commun qui pourraient entrer sous ce chef dans le champ de compétence de la cour.

76. La CDI estimant par exemple qu’un comportement qualifié d’« infraction grave » (donc à considérer comme « crime de guerre ») ne constituerait pas forcément une « violation grave » au sens de cet article. Ibid ., p. 80.

77. Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante et unième session, in Annuaire de la Commission du droit international, 1989, vol. II, 2e partie, p. 59, § 105 (nous soulignons).

78. Après le commentaire juste cité (note 77), la Commission est pour un moment revenue en arrière. Voir par exemple le Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-septième session (2 mai-21 juillet 1995), doc. ONU A/50/10, p. 58.

79. Doc. ONU A/CN.4/L.532, 8 juillet 1996.

80. Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-huitième session, doc. ONUA/51/10, p. 141.

81. Ibid ., p. 136.

82. Ibid ., pp. 142-143.

83. Décision Tadic, loc. cit. (note 5), pp. 50-51, § 83.

84. Pour faire l’objet de poursuites aux termes de l’article 3, le comportement doit porter atteinte à une norme du droit international humanitaire de caractère coutumier (ou conventionnel, selon conditions), la violation doit être grave et entraîner la responsabilité pénale individuelle de son auteur. Ibid ., pp. 56-57, § 94.

85. Ibid ., p. 79, § 137. On notera que dans s on jugement du 7 mai 1997, la chambre de première instance a essentiellement déclaré Tadic coupable au regard de charges relatives à la commission de crimes contre l’humanité et de violations de l’article 3 commun. Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Le Procureur c/ Duško Tadic alias « Dule » : jugement, 7 mai 1997, affaire n° IT-94-1-AR72, p. 303.

86. Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Le Procureur c/ Duško Tadic alias « Dule » : Opinion séparée du Juge Abi-Saab relative à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, affaire n° IT-94-1-AR72, p. 6.

87. Ibid ., p. 7.

88. Par exemple : Michael Bothe, op. cit. (note 50), p. 247 ; Christa Meindersma, « Violations of Common Article 3 of the Geneva Conventions as Violations of the Law s or Customs of War under Article 3 of the Statute of the International Criminal Tribunal for the Former Yougoslavia », Netherlands International Law Review, vol. XLII, 1995, p. 396 ; Theodor Meron, op. cit. (note 6).

89. CICR, Crimes de guerre , Document de travail préparé par le CICR pour le Comité préparatoire pour l’établissement d’une cour criminelle internationale, New York, 14 février 1997, 4 p. et CICR, Statement of the ICRC before the Preparatory Committee for the Establishment of an International Criminal Court , New York, 14 February 1997, 2 p.

90. Voir : Nations Unies, Comité préparatoire pour la création d’une cour criminelle internationale, Groupe de travail sur la définition des crimes, Document de travail présenté par les délégations de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse , 14 février 1997, doc. ONU A/AC.249/1997/WG.1/DP.2, Proposition présentée par les États-Unis, 14 février 1997, doc. ONU A/AC.249/1997/WG.1/DP.1, et Projet de texte de synthèse , 20 février 1997, Doc. ONU A/AC.249/1997/WG.1/CRP.2.

91. Ibid., Crimes de guerre, 12 décembre 1997, doc. ONU A/AC.249/1997/WG.1/CRP.9.

92. On notera que la position d’États aussi importants que l’Inde et l’Indonésie va clairement dans cette première direction



13/04/2013
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