Placés sous le haut patronage du plus illustre des juristes limousins, les Entretiens d'Aguesseau tentent de poser les grandes lignes d'une réflexion fondamentale sur l'institution judiciaire au fil de ses évolutions. Cette démarche veut se situer au confluent des interrogations de la société civile, des praticiens, et universitaires. C'est ainsi qu'avocats, magistrats et universitaires croisent leurs regards lors de rencontres annuelles lesquelles prouvent qu'il est possible, au-delà d’inévitables clivages professionnels, de confronter des points de vue divergents afin d’en faire profiter un large public. L’Association d’Aguesseau est bien née d’une filiation interdisciplinaire à l’origine de nombreux colloques sur des thèmes d’actualité (L’éthique des gens de justice ; La justice pénale internationale ; Justice et démocratie ; Le temps, la justice, et le droit ; Justice, éthique et dignité ; La responsabilité des magistrats ; Justice, éthique et aléa juridique ; La parole, l’écrit et l’image).
En 2010, l’Association a confirmé son implication dans les grands champs d’investigation juridiques qui font l’actualité en optant pour le thème de la question prioritaire de constitutionnalité. En prévoyant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé », l’article 61-1 de la Constitution issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 s’inscrit dans une volonté de rendre la justice constitutionnelle plus accessible. Cette réforme enrichit indéniablement le contentieux constitutionnel autant qu’elle perturbe les habitudes procédurales. Traditionnellement hostiles à opérer un contrôle de constitutionnalité des lois, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation sont en effet appelés à jouer un nouveau rôle en procédant, avant un éventuel renvoi au Conseil constitutionnel, à un premier examen de la question d’inconstitutionnalité soulevée en cours d’instance par un justiciable. Par un tel mécanisme, le système français de justice constitutionnelle se rapproche donc d’un modèle plus déconcentré, en s’alignant par la même occasion sur ses homologues internationaux. Ainsi, la question prioritaire de constitutionnalité bouleverse la classification théorique connue en matière de justice constitutionnelle avec ce paradoxe qu’elle contribue à revaloriser simultanément le rôle du juge et de l’avocat.
Le bénéfice indéniable d’une telle procédure est de renforcer la démocratie juridictionnelle. Universitaires, magistrats, avocats, parlementaires et représentants associatifs ont ainsi tenté d’apporter toute leur expertise le temps de ce colloque le 26 mars 2010. Si des réponses techniques ont pu être apportées lors des interventions magistrales, l’intérêt d’une telle démarche réside avant tout dans le croisement des expériences et le décloisonnement des approches, ce dialogue ayant été fructueux quant à une mise en perspective de cette QPC qui va modifier en profondeur les relations entre les Cours suprêmes de notre République.