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Le triangle infernal des Bermudes de la protection de l’enfance (385)

Le triangle infernal des Bermudes de la protection de l’enfance (385)

Le triangle infernal des Bermudes de la protection de l’enfance (385)


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Inéluctablement, sans véritablement de grandes réformes législatives, et donc sans grand débat politique, le cadre de l’action sociale et judiciaire de la protection de l’enfance se transforme en profondeur et pas nécessairement en bien.

Malheur aux enfants pris au cœur du triangle infernal de la protection de l’enfance constitué par l’ASE (compétence des conseils généraux), de la PJJ (responsabilité de l’Etat) et du secteur associatif !

On connait les termes du débat, mais il n’est pas inutile de les rappeler.

L’aide sociale à l’enfance se préoccupe des enfants en danger avec pour mission de mobiliser les compétences parentales pour en finir avec cette situation. Elle y consacre 5 milliards d’euros pour environ 450 000 enfants auxquels s’ajoutent les quelques 600 millions d’euros de la PMI. Elle intervient à la demande des parents – on parle de protection administrative – ou pour répondre à une commande des tribunaux pour enfants quand il faut faire appel à la contrainte judiciaire. Un enfant délinquant est souvent un enfant en danger et, contrairement à ce que beaucoup croient, l’ASE a compétence légale pour prendre en charge des enfants qui ont pu commettre des délits. S’ils sont réellement inscrits dans la délinquance, ce sera plutôt à la PJJ d’intervenir.

Les conseils généraux constatent qu’à environ 80% les mesures lourdes comme les « placements » se pratiquent sur ordre judicaires. Le coût en est élevé et à y regarder de près c’est donc l’Etat à travers ses magistrats qui engagent ces dépenses même si souvent à l’origine il y a un signalement du conseil général qui prône la mesure comme inéluctable.

De son côté la PJJ, tirant les conséquences de moyens singulièrement inadaptés malgré le gros effort 98-2000, a reçu l’ordre du ministère de la justice de se recentrer sur la délinquance juvénile et de couper les branches qui dépassent et sont souvent onéreuses : exit le financement des mesures pour les jeunes majeurs de 18-21 ans qui demandent protection aux juges des enfants sur la base du décret de 1975 ; exit les mesures éducatives ordonnées par les juges des enfants dans le cadre des procédures d’assistance éducative où il s’agit d’»aider » des parents à exercer leurs responsabilités pour éviter que les enfants ne basculent dans la délinquance. La PJJ peut seulement exercer (ou financer) des mesures d’investigations pour aider le juge à décider.

Sans que la loi n’ait été modifiée le juge ne peut donc plus mandater que l’ASE et le réseau associatif habilité pour prendre en charge un enfant en danger. Petit à petit - objectif implicite - il perd la possibilité de faire du sur-mesure et de construire la réponse adaptée au jeune. Du sur-mesure on passe à la confection sociale industrielle ! Démarche inadaptée pour des enfants et des parents qui justement n’ont pas supportés la normalisation sociale préalable.

Enfin, un fort et apparemment puissant secteur associatif travaille tant pour les conseils généraux que pour la justice à travers l’habilitation délivrée par la PJJ. Ce sont quelques 3000 établissements à caractère social, de nombreux services de placement familial ou encore des services dits de milieu ouvert se préoccupant des enfants qui vivent à leur domicile. Sans ce secteur associatif habilité la mission de service public « protection de l’enfance » ne serait pas tenue. Le rôle d ce secteur associatif non encore marchand est irremplaçable, y compris au bénéfice des enfants délinquants sachant que le secteur public de la PJJ reste très étroit.

Mais ce colosse a des pieds d’argile : il est quasi totalement dépendant des financements publics. Il ne perçoit pas de subventions, mais facture ses prestations. Et le client (l‘ASE et PJJ) est d’autant plus roi que les fonds propres des associations sont quasiment nuls. Si la PJJ ferme le robinet du financement des enquêtes sociales, restreint le recours aux investigations d’orientation éducatives (IOE) , ou refuse de financer les mesures jeunes majeurs qu’assume le secteur associatif le trou financier peut se creuser rapidement ; de même si le département renâcle sur les prix de journée ou tarde à régler ses dettes, les agios vont s’accumuler et fragiliser la gestion de ces entreprises sociales originales.

Malheur donc au jeune qui se laisse prendre au milieu du triangle.

Prenez – le cas n’est pas d’école - ce jeune tunisien abandonné par sa mère en France voici quelques années. Un oncle devait s’occuper de lui. mais ce jeune homme a du mal à faire face à cette responsabilité d’autant que l’adolescent regimbe devant ce que sa famille lui fait vivre et l’abandon dont il est la victime. L’oncle part s’installer en province et annonce qu’il ne pourra pas faire plus. Le jeune a force de faire « bêtises » sur bêtises dans les lieux d’accueil sinon à l’extérieur quand il fugue se met objectivement à l’écart de l’ASE. Bref, enfant en danger, il devient aussi formellement délinquant puisqu’objectivement il commet des délits.

Tout logiquement devant ce jeune qui bouge trop par rapport aux autres enfants étrangers isolés mais tout simplement à sa population de base, l’ide sociale à l‘enfance demande à être relevée de ses compétences. Pourtant à voir la tristesse de ce jeune qui depuis 15 jours dort dans les rues, on a à faire à un enfant en danger si je ne me trompe pas !

Mandatée pour s’occuper de ce jeune délinquant à travers une mesure de milieu ouvert ( la liberté surveillée) la PJJ fait savoir à ses troupes qu’elle ne peut pas le prendre en charge physiquement faute de places en nombre, mais surtout du fait que ce jeune n’est pas suffisamment délinquant ! Faudrait-il donc qu’il tue ou viole pour qu’on l’accueille ?

Le secteur associatif sollicité est plutôt réservé. Un peu plus de 17 ans, mineur étranger isolé mais parlant français, arrivera-t-on à régulariser sa situation administrative ? Sans doute faudra-t-il aller bien au-delà des 18 ans pour non seulement le régulariser mais veiller à son insertion en France à travers une formation et un accompagnement psychologique. Mais qui paiera au-delà ders 18 ans. La PJJ refusera une prise en charge, sauf si le jeune est condamné par un tribunal comme délinquant. Conclusion là encore le jeune doit rester délinquant ; l’ASE refusera certainement pour se consacrer aux nombreux jeunes qu’elle accueille pour lesquels elle n’a pas parachevé son travail à 18 ans. Le bons sens pour le secteur administratif est donc de refuser de se lancer dans l’aventure. Le piège se referme sur le jeune.

La logique qui se développe aujourd’hui, insidieusement, est machiavélique. Elle conduit à abandonner les enfants en danger qui justifient justement qu’on coalise les forces pour les aider.

Pour sortir de ce triangle d’exclusion sociale il faut donc qu’un maillon cède. Une aide sociale à l‘enfance ayant sa mission chevillée au corps qui sait se doter de niches de manœuvres par-delà l'injonction politique de faire des économies, et cela arrive encore fréquemment ! Ou encore un jeune qui s’arrange pour être encore un peu délinquant ou est jugé tard pour des faits commis comme mineur au point où le juge force la main à la PJJ, et cela peut arriver . Enfin le salut peut venir du secteur associatif qui fait la part du feu et a ses bonnes œuvres mais surtout reste convaincu qu’il peut faire quelque choses que les deux administrations d’Etat ou départementale ne pourront pas faire !

En l’espèce, dans le cas que j’ai traité, c’est le maillon associatif qui a cédé et ouvert le triangle sollicité qu’il l’a été de rendre service … au juge.

Combien de fois cela pourra-t-il se renouveler ? Qu’on y prenne garde, nombre de jeunes majeurs non insérés socialement sont aujourd’hui laissés livrés à eux-mêmes et maintenant dès 17 ans de grands adolescents sont abandonnés. Ces jeunes sont en danger, la société n’est pas protégée et les professionnels se découragent.


Il est temps que le politique refasse de la politique sociale et crée une dynamique pour mettre en synergie les différents pans du dispositif. En vérité ce n’st pas à un pan de céder mais à aux différents pan de s’adosser entre eux pour construire une réponse au jeune qui s’inscrive sur la durée. Inégrer plutôt qu’exclure. C’est possible.




PS : Pour être plus complet je devrais transformer souvent mon triangle en quadrilatère en mettant un autre pan "handicap-psychiatrie". Là vous y auriez totalement perdu totalement le moral !!!



12/08/2011
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