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Les avocats deviennent-ils des « marchands de droit » ?

Les avocats deviennent-ils des « marchands de droit » ?

Les avocats deviennent-ils des « marchands de droit » ?

Le Point.fr-

Les avocats, qui élargissent sans cesse leurs compétences, opposent aux critiques « l’honorabilité » de leur profession.

Des avocats au tribunal correctionnel de Bobigny.© Simon / AFP

Les avocats ont de l’ambition, beaucoup même. Et une méthode efficace pour parvenir à leurs fins : savoir se faire écouter. Difficile en effet de parler des avocats au pluriel, lorsque leur représentation au singulier, à savoir le Conseil national des barreaux (CNB), arrive si bien à se faire entendre. Vendredi, les avocats ont laissé leur toge au placard. Pas question, cette fois-ci, de plaider pour un client, il s’agissait bel et bien de plaider pour leur propre cause. Les tables rondes qui ont été tenues toute la journée à l’occasion de l’assemblée générale extraordinaire du CNB ont permis d’aborder un certain nombre de sujets brûlants. Parmi eux, la lutte contre le blanchiment, ou encore la présence de l’avocat à tous les stades de la garde à vue.

« Le désintéressement est le pilier de notre déontologie », tonne de sa voix de baryton le charismatique Christian Charrière-Bournazel, président du CNB. Depuis quelques années, les avocats font en effet face à des critiques qui remettent en cause l’honorabilité de leur profession. Pourquoi ? Car les compétences des avocats sont de plus en plus importantes. Leur rôle ne se limite pas aux murs des palais de justice, et ce, depuis longtemps. Les fonctions de conseiller juridique se sont largement répandues. Et le combat pour obtenir davantage de prérogatives – ou protéger celles qu’ils possèdent déjà – ne s’arrête jamais. Dernière victoire en date : l’abrogation du décret passerelle pour l’accès des parlementaires à la profession d’avocat. Dans son intervention devant l’assemblée générale du CNB, Christiane Taubira a en effet affirmé qu’elle voulait soumettre les parlementaires qui souhaitaient devenir avocats à une formation et à un examen déontologique.

Les avocats peinent à coopérer

L’honorabilité de la profession des avocats se joue également sur leur capacité à coopérer avec les dispositifs nationaux de contrôle de leurs activités. En matière de protection des données personnelles, par exemple, Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Cnil, fait remarquer que les avocats ne collaborent pas beaucoup. Les correspondants informatique et libertés (CIL), chargés de vérifier dans les entreprises que la législation sur les données personnelles est bien respectée, ne sont que cinquante parmi les avocats. Au niveau national, ils seront 13 000 avant la fin de l’année.

Même chose sur la lutte contre le blanchiment. Dans un long réquisitoire – oui, il s’agit bien d’avocats, et non de procureurs -, Christian Charrière-Bournazel souffle sur les braises. Les avocats ne seront « jamais les miliciens du secret fiscal », tempête-t-il. Au titre de la protection du secret professionnel, les avocats coopèrent en effet très peu au dispositif Tracfin, mis en place par Bercy. Tracfin impose aux avocats, entre autres, de rédiger des déclarations de soupçons lorsqu’ils ont des doutes sur une éventuelle opération frauduleuse de leurs clients. En 2011, les avocats n’en ont transmis qu’une seule.

Conflits avec d’autres professions

L’extension des compétences des avocats alimente parfois certaines tensions. Leurs relations tumultueuses avec les notaires ne sont pas nouvelles. Et ce n’est pas fini. En la matière, les avocats comptent bien en rajouter une couche. Ils peuvent déjà assister leurs clients à chaque stade d’une transaction immobilière, précise ainsi le CNB. Ils réclament aussi implicitement un plus grand rôle dans l’industrie du show-biz. Ils dénoncent des contrats qui interdiraient aux comédiens ou aux acteurs de s’offrir les services d’un avocat. Même chose avec les agents sportifs, dont ils contestent les pouvoirs. La fédération doit s’assurer que les agents sportifs ne se prennent pas pour des avocats, réclame Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel.

Dans leur volonté d’avoir de nouvelles prérogatives, les avocats doivent prendre soin de respecter leur propre déontologie. Lorsqu’ils acquièrent de nouvelles compétences, les avocats ne doivent pas se dédouaner des responsabilités qui vont avec. Viviane Reding, commissaire européenne à la Justice et aux Droits fondamentaux, l’a souligné lorsqu’elle s’est adressée à eux : « Je suis venue vous parler de votre engagement et de votre responsabilité d’avocat (…) au service de la société. » Quant à Christiane Taubira, elle qualifie simplement la profession d’avocat de « somptueuse ». Aux avocats de ne pas l’oublier.



07/10/2012
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